Immigration, intégration et asile (Urgence - Suite)

Discussion des articles (Suite)

M. le président. - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements n°s79 et 125 tendant à supprimer l'article premier.

Je rappelle au Sénat que l'article 4 ainsi que l'amendement n°94, tendant à insérer un article additionnel après l'article 4, seront examinés en priorité après l'article premier.

CHAPITRE IER

Dispositions relatives à l'immigration pour des motifs de vie privée et familiale et à l'intégration

Article premier

Après l'article L. 411-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il est inséré un article L. 411-8 ainsi rédigé :

« Art. L. 411-8. - Pour lui permettre de préparer son intégration républicaine dans la société française, le ressortissant étranger âgé de plus de seize ans et de moins de soixante-cinq ans pour lequel le regroupement familial est sollicité bénéficie, dans son pays de résidence, d'une évaluation de son degré de connaissance de la langue et des valeurs de la République. Si cette évaluation en établit le besoin, l'autorité administrative organise à l'intention de l'étranger, dans son pays de résidence, une formation dont la durée ne peut excéder deux mois, au terme de laquelle il fait l'objet d'une nouvelle évaluation de sa connaissance de la langue et des valeurs de la République. Le bénéfice du regroupement familial est subordonné à la production d'une attestation de suivi de cette formation qui doit être délivrée dans le mois suivant la fin de ladite formation, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Ce décret précise notamment le délai maximum dans lequel les résultats de l'évaluation doivent être communiqués, le délai maximum dans lequel l'évaluation et la formation doivent être proposées, le nombre d'heures minimum que cette dernière doit compter, les motifs légitimes pour lesquels l'étranger peut en être dispensé ainsi que les modalités selon lesquelles une commission désignée par le ministre chargé de l'immigration conçoit le contenu de l'évaluation portant sur la connaissance des valeurs de la République. »

M. le président. - Amendement n°79, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Éliane Assassi. - L'évaluation du niveau de connaissance du français et des valeurs de la République devrait, selon le Gouvernement, « préparer l'intégration républicaine dans la société française et éviter le communautarisme ». Le chemin du regroupement familial est déjà très long, cette exigence supplémentaire rend son issue parfaitement hypothétique. Avec les nouvelles conditions de ressources, le contrat d'accueil et d'intégration pour les familles, les tests ADN, cette évaluation restreint l'accès au regroupement familial. L'administration a déjà du mal à traiter les dossiers dans des délais raisonnables, la formation à la langue et aux valeurs de la République va tenir les familles éloignées plus longtemps encore. Cette mesure porte atteinte au droit de vivre en famille, droit inaliénable et protégé par la convention européenne des droits de l'homme et la convention européenne de 1989 relative aux droits de l'enfant.

Nous autoriserions un étranger à venir travailler chez nous, mais pas sa famille à le rejoindre : quel pays ose se comporter ainsi ? A force de restreindre le droit de vivre en famille, ne craignez-vous pas que l'étranger ne rejette la société qui prétend l'accueillir de cette façon ? Qui évaluera le niveau du candidat au regroupement familial ? Qui prendra la formation en charge ? Ne va-t-on pas discriminer les étrangers, selon qu'ils sont ou non francophones ? Vous demandez aux étrangers de connaître les valeurs de la République, alors que votre politique tourne le dos aux valeurs les plus sacrées de notre République : la liberté, l'égalité, la fraternité, la solidarité, la coopération, le respect du vivre ensemble ! Nous préférons supprimer l'article.

M. le président. - Amendement identique n°125, présenté par Mme Michèle André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Mme Michèle André. - Cet article contrevient effectivement au droit de vivre en famille. La réalité, et c'est l'agence nationale d'accueil des étrangers et des migrations (ANAEM) qui le rappelle, c'est que 71 % des personnes concernées maîtrisent déjà le français. Mais cette contrainte supplémentaire rendra les visas plus difficiles d'accès, en particulier pour tous ceux qui habitent loin du consulat français ! Les délais seront encore allongés, les difficultés accrues et avec elles le nombre de sans-papiers, en particulier des femmes qui voudront rejoindre leur époux.

M. le président. - Amendement n°127, présenté par Mme Michèle André et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour  l'article L. 411-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer les mots :

âgé de plus de seize ans

par le mot :

majeur

M. Louis Mermaz. - Nous contestons cet article sur le plan de la morale même. Cependant, pour éviter le pire et puisque notre amendement de suppression a peu de chance d'être adopté, nous proposons cet amendement de repli.

Le projet de loi soumet certains bénéficiaires, ou plutôt certaines victimes, du regroupement familial à de nouvelles conditions telles que la connaissance de la langue française et des valeurs de la République.

Pourtant, la loi du 27 juillet 2006 avait instauré, pour ces mêmes personnes, le contrat d'accueil et d'intégration, qui prévoyait une formation linguistique et civique. Puisqu'un mécanisme d'intégration existe déjà, pourquoi en créer un nouveau ? On nous dit que l'intégration de la personne qui aura été formée dans son pays d'origine sera plus aisée. Mais comment expliquer alors que nous envoyions nos propres enfants apprendre les langues vivantes à l'étranger ? Ce qui est bon pour nous ne le serait pas pour les enfants originaires du sud de la planète ?

M. Gérard Delfau. - Très bien !

M. Louis Mermaz. - Avez-vous pensé aux coûts de transport et d'hébergement pour les enfants de 16 ans qui devront suivre une formation linguistique loin de chez eux ? Ce que vous proposez est déraisonnable, inapplicable et dangereux et je pense que M. Raffarin ne me démentira pas. Il faut donc voter cet amendement de soulagement.

M. le président. - Amendement n°48, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 411-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer le mot :

seize

par le mot :

dix-huit

Mme Alima Boumediene-Thiery. - La Cour européenne des droits de l'homme considère les mineurs comme des personnes vulnérables qui doivent bénéficier d'un traitement particulier : « pour un parent et son enfant, être ensemble représente un élément fondamental de la vie familiale ». Or ce projet de loi, loin de faciliter le regroupement familial, le rend plus difficile alors que tel n'est pas le cas en Norvège, en Suède ou en Finlande.

En outre, ce texte est contraire à l'article 10 de la Convention relative aux droits de l'enfant qui dispose que « toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d'entrer dans un État partie aux fins de réunification familiale est considérée par les États parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence ». L'article 3-1 précise que l'intérêt des enfants doit primer dans toutes les décisions prises par les institutions publiques ou privées de protection sociale, les tribunaux, les autorités administratives ou les organes législatifs.

A son tour, le Conseil d'État a rappelé que l'article 3 de cette Convention, qui protège « l'intérêt supérieur de l'enfant », peut utilement être invoqué devant le juge.

M. le président. - Amendement identique n°80, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Mme Éliane Assassi. - Les mineurs auront beaucoup plus de mal à suivre une formation linguistique dans leur pays d'origine et il est évident que l'apprentissage du français sera plus aisé dans le cadre des relations sociales nouées en France. D'ailleurs, les jeunes Français ne vont-ils pas à l'étranger pour suivre des stages linguistiques ? Pourquoi ce qui est bon pour eux ne le serait pas pour des enfants venus chez nous rejoindre un parent ?

Prévoir une obligation de formation pour les jeunes de 16 à 18 ans ne sera pas sans conséquences sur les regroupements familiaux et il est à craindre que les réponses administratives arrivent trop tard et que les mineurs soient devenus, entre temps, majeurs.

M. le président. - Amendement n°47, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans la deuxième phrase du texte proposé par cet article pour l'article L.  411-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, remplacer le mot :

Organise

par les mots :

, ou les services déconcentrés de celles-ci, organisent

Amendement n°46, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans la deuxième phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 411-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après le mot :

Organise

insérer les mots :

dans les plus brefs délais

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Cet article est discriminant puisque ce sont les enfants issus des familles les plus pauvres qui ne pourront pas suivre de formation, les coûts du trajet, de l'hébergement et de la formation elle-même étant prohibitifs. Il faut donc prévoir des sites décentralisés pour permettre aux enfants de toute condition d'y avoir accès.

M. le président. - Amendement n°1, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Remplacer les deux dernières phrases du texte proposé par cet article pour l'article L. 411-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par trois phrases ainsi rédigées :

 La délivrance du visa est subordonnée à la production d'une attestation de suivi de cette formation. Cette attestation est délivrée immédiatement à l'issue de la formation. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application de ces dispositions, notamment le délai maximum dans lequel l'évaluation et la formation doivent être proposées à compter du dépôt du dossier complet de la demande de regroupement familial, le nombre d'heures minimum que la formation doit compter ainsi que les motifs légitimes pour lesquels l'étranger peut en être dispensé. 

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois. - Les députés ont prévu qu'une commission serait chargée de mettre au point le test de connaissance des valeurs de la République. Nous estimons qu'une telle décision relève du pouvoir réglementaire.

Concernant le respect du délai d'examen des demandes de regroupement familial, il convient de préciser que l'autorité administrative compétente convoque l'étranger en vue de passer le test dès qu'elle est informée du dépôt d'une demande de regroupement familial, afin d'éviter de perdre trop de temps.

Enfin, la précision introduite par l'Assemblée nationale selon laquelle le décret d'application fixe le délai maximum dans lequel les résultats de l'évaluation seront communiqués doit être supprimée. Compte tenu de la simplicité du test, les résultats devront être donnés instantanément.

M. le président. - Sous-amendement n°75, à l'amendement n 1 de M. Buffet au nom de la commission, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin, Voynet et MM. Desessard et Muller.

Dans la dernière phrase du second alinéa de l'amendement n°1, après le mot : 

familial,

insérer les mots :

le contenu de la formation

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Que faut-il entendre par « valeurs de la République » ? Liberté, égalité, fraternité, certes. Mais faudra-t-il connaître aussi un couplet de la Marseillaise, les couleurs de notre drapeau et leur signification ?

Avons-nous tous la même perception de ces valeurs ?

M. Jean-Pierre Raffarin. - Bien sûr !

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Si c'est le cas, il sera aisé de définir un corpus de valeurs dans le cadre du décret. L'Assemblée nationale a voulu créer une commission. Ce n'est pas nécessaire puisqu'il s'agit simplement de définir le contenu de la formation pour que l'étranger puisse se préparer.

Même s'il n'y a pas d'examen à la clé, précisons que le décret fixera le contenu de la formation.

Il serait intéressant, monsieur le ministre, que vous définissiez quelles sont, à vos yeux, les valeurs de la République. Je me suis posé la question à plusieurs reprises, sans pouvoir y répondre de façon certaine, alors que je suis une républicaine convaincue.

M. le président. - Amendement n°81, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Dans la dernière phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 411-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, après le mot :

dispensé

insérer les mots :

en raison notamment de la distance géographique, de la situation politique du pays, de la situation économique et personnelle du demandeur

Amendement n°82, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 411-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile par une phrase ainsi rédigée :

En cas de non respect de ces délais, le demandeur est dispensé du suivi de la formation.

Mme Éliane Assassi. - Les motifs légitimes pour lesquels l'étranger sera dispensé de formation seront fixés par décret. Nous proposons de préciser les critères retenus puisque la délivrance des visas sera subordonnée au suivi de la formation.

Nous souhaitons également prévoir une sanction en cas de non respect par l'administration des délais prévus par cet article. Fixer des délais ne garantit en effet en rien qu'ils soient respectés.

Je souhaite éviter que les difficultés de mise en route de votre dispositif ne pénalisent les demandeurs.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Avis défavorable aux amendements 79 et 125 car l'article crée une simple obligation de moyens afin que les demandeurs puissent bénéficier d'un système de formation.

Pourquoi exclure les 16-18 ans ? Ils ne sont pas soumis à l'obligation scolaire : avis défavorable à l'amendement 127, ainsi qu'aux amendements 48 et 80.

Comment des services déconcentrés pourraient-ils organiser des formations à l'étranger ? Avis défavorable à l'amendement 47.

L'amendement 46 est satisfait par celui de la commission, j'en demande le retrait.

Avis favorable au sous-amendement 75, sous réserve d'une correction formelle et d'y rajouter une virgule après le mot « famille » et une autre après le mot « formation ».

Avis défavorable à l'amendement 81 car le projet renvoie au décret, ainsi qu'à l'amendement 82 puisqu'un délai maximum a déjà été prévu et qu'il faut éviter que l'administration en fixe un si long que cela se retournerait contre les demandeurs.

M. Brice Hortefeux, ministre de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement. - Mme Michèle André s'est interrogée sur l'organisation de l'évaluation. Nous partons de ce postulat et de cette conviction que, pour s'intégrer, il faut disposer d'une connaissance élémentaire de la langue : pour étudier, pour trouver un logement, un travail ou pour faire ses courses, il vaut mieux connaître le français. Cela pourra aussi contribuer lutter contre le communautarisme. Ceux qui ne passent pas le test de quinze minutes pourront bénéficier d'une formation, laquelle n'est pas sanctionnée par un diplôme mais l'assiduité permet d'apprécier la motivation. Je ne citerais pas les sondages si un bloc d'enquêtes n'avait montré que 74 % des Français approuvent cette mesure.

M. Louis Mermaz. - Ils étaient 80 % à approuver les accords de Munich. (Murmures à droite)

M. Michel Charasse. - Et 100 % approuvent la suppression des impôts.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Y avait-il des sondages du temps d'Édouard Daladier ?

M. Charasse préfèrerait qu'on définisse les principes plutôt que les valeurs de la République mais celles-ci sont déjà définies par le code de l'entrée et du séjour des étrangers. Il s'agit d'une présentation des institutions françaises, des principes d'égalité entre homme et femme, de laïcité, d'État de droit...

M. Robert Bret. - Les Français les connaissent-ils ?

M. Brice Hortefeux, ministre. - Les amendements 79 et 125 supprimeraient un moyen supplémentaire d'intégration pour les étrangers, avis défavorable, ainsi qu'aux amendements 127, 48 et 80 qui excluraient les 16-18 ans alors qu'ils ne sont pas soumis à l'obligation scolaire. L'amendement 47 est du domaine réglementaire mais je comprends votre préoccupation et la formation sera adaptée au contexte. L'ANAEM n'a que...

M. Richard Yung. - ...six

M. Brice Hortefeux, ministre. - ... bureaux. Il faudra donc faire appel aux lycées français, aux alliances françaises, aux centres culturels et à des organismes privés agréés.

L'amendement 46 n'est pas normatif. Les délais seront respectés.

Avis favorable au sous-amendement 75. Depuis 2006, la formation est établie en liaison avec le Haut conseil à l'intégration. L'amendement 1, sous-amendé, apporte d'utiles précisions : avis favorable à cette simplification.

Enfin, avis défavorable aux amendements 81, parce que le décret prévoira les motifs légitimes de dispense, et 82, parce que tout se fera dans le respect des délais fixés par le Conseil constitutionnel.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Plus encore que l'article 4, l'article 1 signe un terrible constat d'échec pour la francophonie. Les migrants visés viennent d'abord de pays francophones, du Maghreb et d'Afrique subsaharienne. La France y mène une politique de coopération et leurs ressortissants ont conservé des liens avec elle. Et voilà qu'on se rend compte que ces familles, qui ont un membre en France, ne connaissent pas un mot de français. Quel échec terrifiant ! (Murmures sur les bancs UMP) Vous faites fi des études menées par la Délégation générale à la langue française et aux langues de France mais, dans son rapport 2005, celle-ci s'interrogeait sur les exigences de niveau à formuler et les objectifs réalistes à retenir.

J'ai enseigné le français comme langue étrangère pendant plus de vingt ans en Tunisie. En 80 ou 120 heures de cours, croyez-vous que des jeunes ou des femmes n'ayant eu auparavant aucun contact avec la langue française pourront apprendre quelque chose ? Cela n'a pas de sens.

Il serait plus sérieux de faire du contrat d'accueil et d'intégration un dispositif réellement professionnel, au lieu de confier l'enseignement du français à des associations qui, voyant leurs subventions baisser, confient les cours à des bénévoles. Or, ce n'est pas parce que l'on sait se coiffer que l'on peut être coiffeur, ou parce que l'on parle français que l'on peut l'enseigner. Appliquons les lois précédentes avant de créer de nouvelles dispositions, contestables d'un point de vue pédagogique. Aujourd'hui, aucun examen n'est requis à l'issue de la formation, mais il est probable que la prochaine loi, dans six mois, dans un an, l'exigera.

M. Brice Hortefeux, ministre. - Sans mettre en doute votre sincérité, je confesse que je ne vous comprends pas.

M. Bernard Frimat. - On vous expliquera !

M. Brice Hortefeux, ministre. - Vous avez le souci de la francophonie mais, contrairement à une idée répandue, le nombre de locuteurs français dans le monde augmente : ils étaient 175 millions il y a dix ans et sont aujourd'hui 200 millions.

Comment pouvez-vous affirmer que cette disposition, qui prévoit un enseignement du français, irait à l'encontre de la francophonie ? Qu'il faille du temps pour maîtriser la langue française, j'en conviens, mais, en l'espèce, il ne s'agit pas de la dictée de Bernard Pivot ! Quelques mots usuels suffisent pour, à l'arrivée en France, pouvoir converser, faire ses courses ou trouver du travail. Ne dénaturez pas le dispositif. (Applaudissements à droite)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Nos débats seraient donc guidés par l'opinion. S'il en est ainsi, il faut également prendre en compte un sondage récent selon lequel plus de la moitié des Français considèrent que les parlementaires ne servent à rien.

M. Jean-Patrick Courtois. - Cela dépend lesquels !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Si nous suivons si aveuglément l'opinion, nous pourrions donc enterrer le Parlement...

M. Jean-Patrick Courtois. - Démissionnez !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. -  ...avant qu'il ne s'enterre lui-même par son incapacité, sur ce projet de loi comme sur d'autres, à jouer son rôle et à effectuer le b-a ba de sa mission : réfléchir à l'éthique, aux valeurs de la République... Nous sommes guidés par le Gouvernement, qui lui-même suit des sondages biaisés. Or, notre rôle d'élus est de réfléchir pour élaborer la loi, notre bien commun.

Je constate tout d'abord une contradiction entre le fait de reconnaître que l'État, lorsqu'il accueille un étranger sur son territoire, doit lui enseigner certaines valeurs dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration - je préférerais une vraie politique d'intégration-, et le nouvel impératif contenu dans ce texte, selon lequel il faudrait commencer cette instruction avant l'arrivée en France. Comment concilier cela ? Il vaudrait mieux dire clairement que c'est à l'État qui accueille de faciliter l'apprentissage de la loi et du mode de vie.

Ensuite, concernant l'âge des étrangers concernés : la majorité en France est toujours à 18 ans, même si vous avez tendance à envoyer des enfants de plus en plus jeunes en prison. Dans cet article, les mineurs de 16 à 18 ans sont considérés comme des adultes et doivent suivre les mêmes règles que ces derniers pour rejoindre leur famille. Or, ce sont encore des enfants, et vous faites fi des conventions internationales.

Enfin, comment peut-on demander aux étrangers ce qu'on n'accepterait pas pour des Français ? Ainsi de la connaissance des valeurs de la République, qui sont mal ou pas du tout définies dans le projet de loi. Or, selon certaines enquêtes, nos concitoyens sont peu au fait du fonctionnement des institutions. Il en est de même de la notion de laïcité. Et que se passerait-il si l'on obligeait nos concitoyens à l'étranger à se conformer aux valeurs du pays où ils se trouvent, s'ils devaient, par exemple, dans un état confessionnel, prêter serment sur la Bible ou le Coran ? On se conduit de façon anormale envers des ressortissants d'États souverains. C'est au pays d'accueil de faire en sorte que toute personne présente sur son territoire se conforme aux principes fondamentaux et aux lois en vigueur, dont le non-respect est sanctionné. N'oublions pas que les étrangers n'ont même pas le droit de vote. Et combien de Français connaissent par coeur le premier couplet de la Marseillaise ? (Applaudissements à gauche)

M. David Assouline. - Cet article reflète l'esprit général de cette loi. En matière d'immigration, la majorité alimente l'amalgame et la confusion pour provoquer des réflexes de peur, d'exclusion et de repli sur soi. Les deux précédentes lois sur le sujet n'ont même pas été évaluées que l'on veut créer des restrictions supplémentaires. Au sein de la majorité, vous savez que le sujet est compliqué et que ces nouvelles dispositions auront peu de succès. Mais vous tenez à restreindre l'immigration et à amalgamer immigration de travail, familiale ou politique. Ainsi, le droit de vivre en famille ou de trouver un asile politique en France n'est pour vous que le droit de frauder et de contourner la loi. Ce message est clair dans les interventions de l'UMP hier ici-même ou dans les milieux que vous fréquentez. Vous considérez les droits qui existent en France comme un moyen supplémentaire de contourner la loi et de frauder. C'est un vieux débat que celui des droits de l'homme, entre ceux qui les défendent et ceux qui veulent les restreindre. Si on veut juger la valeur d'un droit à l'impossibilité de le contourner, où va-t-on ?

Le droit de vivre en famille est fondamental, inaliénable. En le restreignant, vous vous attaquez à l'immigration légale, aux familles qui veulent rejoindre un travailleur migrant légalement installé en France. Vous savez parfaitement que, pour une femme qui souhaite retrouver son mari et qui habite dans un village à 200 kilomètres de l'endroit où elle peut passer le test et effectuer la formation, le dispositif est absolument dissuasif. En l'absence de possibilité d'immigration régulière, les liens de la famille et de l'amour poussent certains à franchir les mers. Il s'agit de valeurs fondamentales que vos restrictions n'arrêteront pas facilement.

Des réseaux mafieux assureront la venue en France des épouses de bonne foi. C'est ainsi que l'on alimente l'immigration clandestine.

Quant à l'intégration, elle est assurée d'abord par l'exercice des droits fondamentaux. A-t-il des droits celui qui doit se cacher, se terrer, se faufiler en craignant pour ses enfants scolarisés, celui qui n'ose aller aux Restos du coeur de crainte d'être arrêté ? Pour s'intégrer, il faut pouvoir bénéficier des droits.

Les tests de français ? La venue dans notre pays est un élan qui vaut largement 200 heures de cours ! Monsieur le ministre, lorsque vous passez quinze jours de vacances à l'étranger, vous apprenez bien plus qu'en lisant un manuel. Aujourd'hui, vous nous proposez le Guide du routard ! L'alphabétisation suppose que les personnes sachent lire et écrire dans leur langue maternelle. Or, nous parlons ici de femmes et d'enfants analphabètes même dans leur langue d'origine. Le problème n'est donc pas le test ; vous le savez bien.

Les valeurs de la République ?

M. le président. - Vous avez déjà parlé cinq minutes.

M. David Assouline. - Pour ces femmes et ces gosses vivant à l'étranger, notre tradition d'asile est une illustration extraordinaire de nos valeurs : imaginez ce qu'ils penseront en constatant que la solidarité, l'égalité des droits, l'accueil fraternel sont remis en cause. La meilleure façon de les éduquer, c'est de leur faire connaître nos débats : ils verront que l'opposition défend ces valeurs ! (Marques d'ironie à droite, applaudissements à gauche)

M. le président. - Vous avez parlé six minutes 35 secondes.

M. Jean-Luc Mélenchon. - Beaucoup de choses ayant été dites fort éloquemment, je peux prendre un peu de hauteur.

Nous parlons non de l'immigration en général, mais des conjoints et enfants des travailleurs immigrés en situation régulière.

M. Gérard Delfau. - Eh oui !

M. Jean-Luc Mélenchon. - Il ne s'agit pas de quelques fraudeurs embusqués, sur qui beaucoup se méprennent, mais de ceux qui, n'ayant pas fraudé, respectent la loi en espérant que leur famille les rejoindra. C'est cette blessure de la séparation qui les taraude. Pour eux, vous pensez que tout se passera bien, et que les petits deviendront les compagnons de jeu des nôtres. Vous savez comment cela finit ! C'est ainsi qu'un Français sur trois à un grand-parent immigré. Bref, nous parlons des cousins, des tontons, des papas... : il s'agit de nos familles ! La parole doit donc être respectueuse.

Vous savez bien que les immigrés sont d'abord des hommes et des femmes dont le courage mérite l'admiration. Arrivés sur place, ils produisent toujours plus de richesses qu'ils n'en consomment. Allez-y doucement : nous parlons de famille, nom de hordes, puisque seulement 17 000 personnes ont été admises l'an dernier.

J'ai participé à tous les débats sur l'immigration. Dernièrement, nous avions prévu un contrat, avec une alphabétisation. Ce n'était d'ailleurs pas la plus mauvaise part du contrat. Mais quelle méthode permet d'assurer une initiation linguistique en 80 heures ? Il n'y en a pas ! Votre dispositif revient donc à jeter des sous par la fenêtre. Vous dites qu'il faut non 80 heures mais 120 ; coupons la poire en deux pour aboutir à 100 heures. Avec 17 000 personnes, il faudrait 1 700 000 heures d'enseignement, soit 17 millions d'euros. Bien sûr, tout le monde a vérifié que le budget pour 2008 comportait cette somme ! À défaut, notre débat ne signifierait rien. Le ministre a dit qu'il ne fallait pas être formaliste : la loi étant faite pour aider les candidats, on jugerait de la bonne volonté sur la base de l'assiduité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Comme à l'école !

M. Jean-Luc Mélenchon. - Il ne s'agit pas ici du petit-bourgeois habitant le sixième arrondissement de Paris, qui suit des cours de langue après s'être initié au macramé ou au yoga... Ceux dont nous parlons devront parcourir des centaines de kilomètres ! Avez-vous prévu des internats pour accueillir femmes et enfants ? Bien sûr que non ! Par suite, vous nous proposez une machine à faux papiers. La commission des lois du Sénat, comme toujours plus raisonnable que les gargouilles législatives de l'Assemblée nationale, a résumé en une formule concise se qu'avaient adopté les députés : un simple certificat de formation. Point barre. Il y aura donc une industrie produisant de tels certificats -une muraille de papier- car nous sommes incapables d'accueillir et de former 17 000 personnes à l'étranger.

Je ne vous accuse de rien ; je comprends votre souhait de régler les flux migratoires, mais les vexations et suspicions n'auront qu'un effet : rendre notre pays odieux au monde entier, car nous n'accepterions pas que l'on exige des Français ce que vous voulez imposer aux conjoints et enfants de ceux qui sont chez nous. Pour le travail qu'ils font ici, pour l'amour qu'ils portent à leurs proches, pour leur courage, nous devons dire aux immigrés : merci ! (Applaudissements à gauche)

M. Charles Pasqua. - C'était très beau !

M. Jean-Pierre Sueur. - En fait de réciprocité, nous n'accepterions pas que les Français allant travailler au Japon soient contraints au préalable d'apprendre le japonais, que la connaissance du chinois soit exigée pour se rendre en Chine, qu'ils doivent suivre 80 à 120 heures de farsi pour aller en Iran, ni que l'apprentissage du hindi soit, avec l'anglais, une condition pour vivre en Inde ! (Mme Borvo Cohen-Seat rit)

Si on l'imposait aux collaborateurs de nos entreprises...

M. Charles Pasqua. - Ou de nos ministres !

M. Jean-Pierre Sueur. - ... qui, fort heureusement, vont à l'étranger, nous ne l'accepterions pas.

Sans revenir sur les questions pratiques, j'observe que de nombreuses personnes habitent à plus de mille kilomètres du consulat le plus proche. Pour que la loi s'applique à tous les candidats au regroupement familial, il faudrait des moyens considérables.

J'ai enseigné le français à des personnes étrangères. (Exclamations à droite) Cela n'a rien d'infâmant !

M. René Garrec. - C'est admirable !

M. Jean-Pierre Sueur. - Je l'ai fait avec plaisir, mais cela exige beaucoup de temps et exclut l'improvisation.

Connaître une langue et partager des valeurs : voilà une certaine idée de la francophonie. Les étudiants étrangers, fort bien accueillis ailleurs, regrettent de devoir parcourir un gymkhana pour étudier dans nos universités. L'ambassadeur de Tunisie m'a dit combien notre image en pâtissait.

Le droit de vivre en famille est imprescriptible, car l'amour et l'affection ne peuvent être subordonnés à des exigences linguistiques. Respectons ce droit ! (Applaudissements à gauche)

M. Pierre-Yves Collombat. - Cet article, parmi d'autres, illustre la dégradation de nos textes de loi, pollués par des notions ambiguës et des dispositifs incertains.

Qui peut croire que le niveau de langue ne sera pas pris en compte quand il s'agira d'accorder un visa ? Quant aux valeurs de la République, nous en avons tous une connaissance intuitive ; mais dans une loi il faut être précis. Dispensera-t-on, par exemple, un enseignement sur le Préambule de la Constitution de 1946, où il est écrit que « chacun a le droit d'obtenir un emploi », que « la Nation assure à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement », ou encore -horreur !- que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait doit devenir la propriété de la collectivité » ? Où commencera-t-on ? Où s'arrêtera-t-on ? Et que dire de la laïcité, question complexe s'il en est ? Prévoira-t-on une option pour les étrangers qui voudront se rendre en Alsace-Lorraine ? En bref, on voit bien le but poursuivi, mais la référence législative sera source de complication. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Michel Charasse. - J'interviens sur l'ensemble des amendements, étant entendu que je préfère largement la rédaction de la commission assortie du sous-amendement de Mme Khiari au texte du Gouvernement.

Un État souverain a le droit d'accueillir qui il veut sur son territoire ; mais nous avons accepté de nombreuses exceptions, la première d'entre elles étant le droit d'asile, quasi sacré, né sous les rois de France et inscrite dans le préambule de 1946. D'autres sont venues avec la construction européenne et les conventions internationales auxquelles nous sommes partie. Je crains que cet article, dont je peux comprendre la philosophie et la logique, ne tombe rapidement sous le coup de sanctions judiciaires, en France ou à Strasbourg, au motif qu'il s'agit d'une collection de manoeuvres dilatoires. Encore heureux que la commission ait prévu un délai pour proposer la formation...

J'appelle aussi le Gouvernement à faire preuve de souplesse, s'agissant des « motifs légitimes pour lesquels l'étranger peut être dispensé » de formation. Dans certains pays, les infrastructures manquent et il n'est pas toujours évident d'obtenir un visa pour se rendre dans un État où elles existent. Je pense aussi aux situations de désordre et de conflit, à tous les cas de force majeure qui seront contrôlés par les juridictions. La France est déjà trop souvent condamnée à Strasbourg, n'en rajoutons pas.

Quant aux valeurs -je préfère parler des principes- de notre République... On sait qu'elle est république, élective, et que le suffrage universel y est la source de tous les pouvoirs... Mais l'étranger auquel on l'aura appris en reviendra vite, pour toutes sortes de raisons, dès le pied posé sur notre sol... Restons simples, étant entendu que le principe le plus fondamental, en dehors de la liberté, c'est la laïcité -qui ne signifie pas, évidemment, que les étrangers sont empêchés de pratiquer la religion de leur choix... (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Gérard Delfau. - Nous parlons en réalité de 4 000 personnes par an... sur 64 millions d'habitants. On lit, page 37 de l'excellent rapport de la commission : « il faut souligner que les Algériens représentent près du quart du public visé. Pourtant, ils ne seront pas légalement obligés de suivre cette nouvelle formation. En effet, les conditions d'entrée et de séjour des Algériens sont régies par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié (...) qui n'a pas fait l'objet d'avenant depuis 2001. »

Quatre mille personnes seulement... Il faut donc qu'il y ait d'autres raisons à cet article. N'oublions pas que nous parlons de femmes et d'enfants qui veulent rejoindre un travailleur venu chez nous en toute légalité, qui accomplit tous ses devoirs, qui souvent occupe un emploi dont les Français de souche ne veulent pas.

Le Gouvernement mène un mauvais combat, qui atteindra et atteint déjà, notamment en Afrique, l'image de la France -tout cela à cause d'une disposition qui sera inopérante et ne fera qu'inciter à des migrations clandestines. Je voterai la suppression de l'article. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Catherine Tasca. - Admettons que le dispositif de formation n'ait d'autre but que de faciliter l'intégration...

M. Bernard Frimat. - C'est difficile à croire !

Mme Catherine Tasca. - On sait que cette formation sera sommaire ; qu'a prévu le Gouvernement, quels moyens mettra-t-il en oeuvre pour la compléter une fois l'étranger sur notre sol ? Il est déjà très difficile dans les quartiers où vivent les immigrés de trouver une association qui puisse dispenser une formation adaptée...

M. Jean-Claude Peyronnet. - (Mouvements d'impatience à droite où l'on évoque la clôture) Chérissons, comme Voltaire, les idées simples.

Ce texte est dangereux. Il serait plus simple de reconnaître que vous voulez freiner l'immigration ! Or cela serait contraire à notre tradition : la France n'a-t-elle pas accueilli les Russes blancs, les Polonais, les Italiens, les Portugais, les Maghrébins ? Beaucoup se sont parfaitement intégrés, beaucoup ont réussi -notamment les Hongrois ! (Sourires à gauche) C'est cela qui fait la France : un tiers de notre population n'a pas de racines gauloises.

Dommage que l'on n'ait pas demandé aux Français « de deuxième zone » morts au front en 1914 s'ils connaissaient les valeurs de la République : cela leur aurait évité de se faire massacrer ! (Applaudissements à gauche)

M. Brice Hortefeux, ministre. - Je ne répondrai pas individuellement à chaque orateur. (Protestations à gauche) M. Sueur affirme que l'article premier méconnaîtrait la convention européenne protégeant le droit à la vie familiale. C'est faux. Les tests de français sont explicitement autorisés par la directive de 2003 sur le regroupement familial, qui avait été attaquée mais qu'un arrêt de 2006 de la Cour de justice des communautés européennes a jugée parfaitement conforme aux principes protégeant la vie familiale.

Monsieur Charasse, notre réseau diplomatique est quand même le deuxième du monde. Pour les cas difficiles, qui restent marginaux, nous passerons des conventions avec des organismes privés.

M. Robert Bret. - Avec quel budget ?

M. Brice Hortefeux, ministre. - Monsieur Delfau, vous avez raison de souligner la situation particulière des ressortissants algériens, qui ne peuvent pas bénéficier de certaines dispositions votées par le Parlement, comme la carte compétence et talent. Notre objectif est de renégocier les accords bilatéraux avec certains pays étrangers. (Applaudissements à droite)

M. Gérard Delfau. - A suivre...

L'amendement n°79, identique à l'amendement n°125, n'est pas adopté, non plus que les amendements n°s127, 48, identique à l'amendement n°80, 47 et 46

Le sous-amendement n°75 rectifié est adopté, ainsi que l'amendement n°1, modifié.

L'amendement n°81 devient sans objet.

L'amendement n°82 n'est pas adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

Article 4 (Appelé en priorité)

I. - L'article L. 211-2-1 du même code est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Pour lui permettre de préparer son intégration républicaine dans la société française, le conjoint de Français âgé de moins de soixante-cinq ans bénéficie, dans le pays où il sollicite le visa, d'une évaluation de son degré de connaissance de la langue et des valeurs de la République. Si cette évaluation en établit le besoin, les autorités mentionnées au premier alinéa organisent à l'intention de l'intéressé, dans le pays où il sollicite le visa, une formation dont la durée ne peut excéder deux mois, au terme de laquelle il fait l'objet d'une nouvelle évaluation de sa connaissance de la langue et des valeurs de la République. La délivrance du visa est subordonnée à la production d'une attestation de suivi de cette formation, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. Ce décret précise notamment le délai maximum dans lequel l'évaluation et la formation doivent être proposées, le nombre d'heures minimum que cette dernière doit compter, les motifs légitimes pour lesquels l'étranger peut en être dispensé et le délai au terme duquel naît la décision implicite de rejet de la demande de visa. Il précise également les modalités selon lesquelles une commission désignée par le ministre chargé de l'immigration conçoit le contenu de l'évaluation portant sur la connaissance des valeurs de la République. » ;

2° Dans le deuxième alinéa, les mots : « Le visa mentionné à l'article L. 311-7 » sont remplacés par les mots : « Outre le cas mentionné à l'alinéa précédent, le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois » ;

2° bis À la fin du troisième alinéa, les mots : « dans les meilleurs délais » sont remplacés par les mots : « dans un délai de quatre mois maximum » ;

3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Dans des conditions définies par décret en Conseil d'État, par dérogation à l'article L. 311-1, le visa délivré pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois au conjoint d'un ressortissant français donne à son titulaire les droits attachés à la carte de séjour temporaire prévue au 4° de l'article L. 313-11 pour une durée d'un an. »

II. - Le 3° du I entre en vigueur six mois après la publication de la présente loi.

M. le président. - J'incite les orateurs à respecter leur temps de parole.

M. David Assouline. - La commission est heureusement revenue sur cette restriction insupportable visant les conjoints étrangers de ressortissants français, qui montre bien que vous privilégiez les symboles plutôt que les objectifs rationnels. Le 24 septembre, vous vous indigniez, monsieur le ministre, que 11.000 étrangers seulement soient entrés en France en 2005 pour exercer leur métier, alors que 80.000 seraient venus au titre du regroupement familial. Ces chiffres sont faux : selon l'ANAEM, ces derniers n'étaient que 18.140 en 2006, contre 22.978 en 2005 et 27.267 en 2002. Dans votre enthousiasme, vous noircissez le tableau, pour faire peur au bon peuple : à entendre certains membres de la majorité, il faudrait à tout prix, pour résister à l'envahissement, endiguer le flux incontrôlé d'une immigration familiale forcément frauduleuse. Assez de démagogie ! Il s'agit de vies humaines -c'est un sujet grave, sur lequel nous devons légiférer dignement. La position de la commission des lois est un signe du malaise que provoque votre texte, y compris à droite...

M. Louis Mermaz. - Nous écouterons avec attention le rapporteur, et j'espère qu'il ne restera pas grand-chose de cet article 4, que nous proposons pour notre part de supprimer. Il est absurde d'obliger un étranger, installé régulièrement en France, à faire repartir son épouse pour qu'elle suive un stage linguistique dans son pays d'origine afin d'obtenir un visa de long séjour ! On imagine les dégâts collatéraux que provoquerait une telle mesure, dont même l'OCDE s'est inquiétée.

M. Richard Yung. - On observe une gradation dans votre dispositif : après l'article premier, qui visait tous les étrangers, cet article stigmatise les mariages bi-nationaux. J'ai vécu trente-cinq ans à l'étranger, la plupart de mes amis sont des couples bi-nationaux.

J'ai toujours considéré que ces mariages représentaient une richesse, pour eux et pour notre pays.

Avec ce texte qui stigmatise les mariages binationaux, la France tourne le dos à sa tradition. Bien sûr qu'il vaut mieux connaître la langue du pays où l'on veut vivre mais on ne peut admettre que cet apprentissage soit imposé avant même la venue en France. Tout au plus, à la rigueur, pour une naturalisation.

Le mariage est, en soi, le signe d'une volonté d'intégration linguistique et culturelle. Laissons à ces conjoints le temps de l'apprentissage !

Votre texte, en outre, aura un coût. L'ANAEM, dites-vous ? Mais elle a 6 centres pour plus de 180 pays ! En pratique, ce sont les consulats qui devront s'en charger. Ils n'en ont pas les moyens. Ou bien ce sera au détriment de la tâche qu'ils accomplissent actuellement au service des Français établis à l'étranger : ils sont en quelque sorte nos mairies.

Enfin, vous voulez revenir sur une excellente disposition de la loi de 2006, qui supprimait l'obligation pour le conjoint qui a passé six mois en France de retourner dans son pays d'origine pour y demander un visa. Il ou elle devra donc repartir passer dix-huit mois à Nouakchott, par exemple, y attendre ce papier que vous réclamez.

Vraiment, cet article inique doit être supprimé.

Mme Bariza Khiari. - Depuis 2002, vous n'avez eu de cesse de faire peser le soupçon sur les mariages mixtes. S'unir à un étranger vous paraît tellement inconcevable que cela vous paraît nécessairement un détournement de procédure pour obtenir un titre de séjour. Pourtant, que d'amour, que de persévérance il faut à ces couples à chaque étape de leur vie !

La loi de 2006 sur la validité des mariages s'inscrivait déjà dans cette logique de suspicion et d'hostilité. Et voilà que vous imposez un retour dans le pays d'origine du conjoint de Français, pour demander un visa long séjour. Cela prendra des mois !

Or, ce cortège de mesures vexatoires ne saurait enrayer l'augmentation des mariages mixtes. Les enfants d'immigrés, français, atteignent l'âge où ils aspirent à fonder une famille. Certains d'entre eux ont gardé des liens étroits avec le pays d'origine de leurs parents, et c'est ainsi qu'ils rencontrent leur conjoint. C'est un fait ! Autres phénomènes : la mobilité accrue des individus et la mondialisation qui constitue aussi une ouverture au monde et aux autres cultures. On trouve de plus en plus son conjoint à l'occasion d'une expérience professionnelle ou estudiantine à l'étranger.

Toutes vos dispositions législatives ne parviendront pas à enrayer ces processus ; ni la loi sur la validité des mariages, ni l'obligation d'un retour au pays pour obtenir un visa long séjour, ni même l'obligation d'une formation linguistique n'empêcheront des hommes et des femmes de s'aimer, sans souci des frontières ou des langues. Vous précarisez dans tous les domaines la vie des couples mixtes. La fraude existe, bien évidemment, mais votre riposte est disproportionnée au regard d'une fraude marginale.

En imposant au conjoint de Français un test de langue, assorti si nécessaire d'une formation, vous créez une entrave au droit de vivre une vie familiale normale. Vous créez surtout une disposition contre-productive tant il est vrai que l'apprentissage de la langue est bien plus performant en situation d'immersion.

Mme Alima Boumediene-Thiery. - Cet article instaure une inégalité entre les Français qui ont des amours françaises et ceux qui en ont d'étrangères.

Vous supprimez un article de la loi de 2006 qui avait reçu une très large approbation, et ce quelques mois à peine après le décret du 13 mars 2007. Il ne serait pas efficace, où en est le bilan ? Cette disposition avait l'avantage d'éviter une trop longue séparation, une rupture de cette communauté de vie que, d'autre part, la loi impose. Et il y a le coût du voyage, celui du visa, qui ne sont pas négligeables.

Vous semblez d'autre part ignorer la situation faite aux femmes dans certains pays musulmans : il leur est rigoureusement interdit d'épouser un non-musulman. Les contraindre à retourner dans leur pays pour préparer un tel mariage, c'est leur faire risquer la mort. En êtes-vous conscients ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - En apparence, il est question d'intégration, de stage linguistique. En réalité, on veut aligner le droit de séjour des conjoints de Français sur celui du regroupement familial des étrangers résidant en France, et l'on réunit les deux sous le vocable d'immigration familiale. Mais ces deux droits sont, jusqu'à présent, très nettement différents. C'est ainsi qu'on ne peut imposer aucune condition de ressources ou de logement à un Français pour accueillir son conjoint : l'immigration liée à un mariage est de droit.

Vous ne parvenez pas à admettre l'idée de mariage mixte. Leur nombre est pourtant destiné à augmenter encore, avec la mondialisation, les migrations de toute sorte qu'elle suscite ou dont elle est l'occasion. Et en France, l'augmentation du nombre de mariages avec des étrangers correspond aussi à une phase transitoire de l'intégration sociale des familles migrantes. Ça vous gêne, mais vous devez m'écouter....

M. le président. - Je vous en prie, veuillez continuer !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - J'aimerais un peu plus d'attention ! (Vives exclamations à droite)

M. le président. - Le débat aurait pu être déjà clos, mais nous le poursuivons, pour que chacun s'exprime !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Cet article ne vise pas le mariage d'un cadre français avec une étudiante américaine, mais les jeunes Français d'origine étrangère qui se marient avec des ressortissants du pays d'origine. Les jeunes gens éduqués en France par des mères étrangères se figurent que la jeune fille du village reproduira le modèle maternel, bonne maîtresse de maison et femme docile, tandis que les jeunes filles peuvent s'illusionner sur les sentiments et les capacités d'adaptation en France des fiancés présentés par la famille ou les proches du pays. Cependant, la sécurité du mariage traditionnel séduit, et ces mariages n'échouent pas plus que les autres.

Ce sont ces mariages de jeunes Français d'origine de Turquie, du Maghreb ou d'Afrique sub-saharienne que les lois successives veulent rendre plus difficiles. Ces lois sont faites seulement pour multiplier les délais, les blocages, accentuer la surcharge de travail administratif, le contentieux, pour décourager ces candidats à ce type de mariage. J'ai entendu des propos explicites dans ce sens, de la part de hauts fonctionnaires !

Or, ces mariages se feront, en dépit des obstacles, et avec eux des travailleurs étrangers viendront en France, car l'immigration familiale est aussi une immigration de travail. Les délais de deux et même trois ans pour la validité des mariages mixtes, alors même que les couples ont des enfants dans l'intervalle, constituent une atteinte disproportionnée au droit de vivre en famille ! J'ai dû récemment encore intervenir pour un couple avec deux enfants...

M. le président. - Veuillez conclure : vous parlez depuis six minutes déjà. Un peu de délicatesse envers l'autre partie de l'hémicycle ! (Vives exclamations à droite, couvrant progressivement la voix de l'oratrice)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. - Les magistrats ne peuvent même plus appliquer les lois que le Gouvernement fait adopter à sa majorité, l'État de droit ne règne plus. Je voterai la suppression de cet article. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Je pensais jusqu'ici que le Gouvernement ne traitait pas les étrangers de la même façon selon qu'ils avaient ou non épousé un Français ou une Française, mais je vois que tous les étrangers sont à même enseigne : tous pareils, traités moins bien que les Français ! (Exclamations à droite)

M. Charles Revet. - Comment croyez-vous que ça se passe à l'étranger ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - L'an passé, certains de nos collègues de la majorité, mariés à des étrangers -surtout à des étrangères-, s'étaient émus des conditions plus difficiles faites pour les mariages mixtes et ils s'étaient opposés, par compassion, à ce que les étrangers qui se marient à des Français se voient imposer de retourner dans leur pays pour obtenir le visa. Ces collègues compatissants sont silencieux aujourd'hui ! (Exclamations à droite)

L'apprentissage du français et des valeurs de la République serait la moindre des choses pour quelqu'un qui va se marier avec un Français ? Mais le mariage avec un Français s'accompagne naturellement de la volonté d'apprendre le français, de s'intéresser à la France, à sa culture, à ses valeurs ! L'amour et l'intérêt pour le pays de l'être aimé vont de pair, c'est humain ! Pourquoi imposer un apprentissage de la langue ? C'est vexatoire et absurde.

Vous avez refusé l'an passé que l'étranger, après son mariage en France, soit obligé de retourner dans son pays pour obtenir un visa : un peu de constance ! Ou bien l'opinion constatera que les parlementaires plient dès qu'on le leur demande, qu'ils ne servent à rien ! Évitez aux étrangers de devoir revenir chez eux juste après leur mariage, ne serait-ce que pour économiser du kérosène ! (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur. - (Exclamations à droite) Monsieur le Président, j'espère qu'il est encore possible de s'exprimer dans cet hémicycle, conformément à notre Règlement !

M. Dominique Braye. - Oui, mon Père !

M. Jean-Pierre Sueur. - Ce n'est pas nous qui avons déclaré l'urgence, nous ne maîtrisons pas l'ordre du jour, ni nos conditions de travail...

Je souhaite remercier nos trois collègues qui viennent de s'exprimer en parfaite connaissance de cause, étant bien placées pour savoir ce que c'est qu'un mariage mixte.

On demanderait à un adulte de passer un test pour évaluer sa connaissance du français et des valeurs de la République, avant de lui accorder le droit de vivre avec l'une de nos compatriotes : monsieur le Président, votre bon sens méridional vous dit que ce n'est pas sérieux ! Pour les mariages véritables -je ne parle pas des mariages « blancs », qu'il faut combattre-, une telle obligation est vexatoire, et elle ne grandit pas notre pays !

Quant à l'obligation, après le mariage, de retourner dans son pays pour obtenir un visa, j'évoquerai la mémoire de notre regretté collègue Jacques Pelletier. C'est avec éloquence et sagesse qu'il avait su, il y a quelques mois à peine, convaincre ses collègues de la majorité de ne pas imposer ce voyage après le mariage et de préférer la délivrance du visa en France même. Monsieur le ministre, je m'étonne que votre bon sens auvergnat ne vous ait pas retenu contre cette obligation dispendieuse !

En hommage à la sagesse de Jacques Pelletier, j'espère que nos collègues accepteront de maintenir l'obtention du visa en France ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Robert Bret. - Le recours à l'article 40 nous interdit de présenter bien des amendements et nous oblige à nous exprimer davantage sur les articles. Celui-ci subordonne l'obtention du visa à l'attestation de suivi d'une formation au français et aux valeurs de la République, quand une telle formation sera jugée nécessaire. Or, si la maîtrise de la langue est un facteur d'insertion professionnelle certain, pourquoi obliger les étrangers à se former dans leur pays d'origine, et pas, plutôt, leur proposer une formation à leur arrivée en France ?

Le 18 mai 2006, nous avons déposé une proposition de loi dans ce sens, relative au droit de formation à la langue nationale de l'état d'accueil, que nous avons transformée en amendement... déclaré irrecevable. Or, la Charte sociale européenne de 1996, dans son article 19, prévoit que les États s'engagent à favoriser et à faciliter l'enseignement de la langue national de l'état d'accueil aux travailleurs migrants et aux membres de leur famille. La France a ratifié la Charte sociale européenne, qui a donc valeur contraignante.

C'est sur son fondement juridique que nous proposons d'instaurer dans notre code du travail un droit à la formation linguistique pour tous ceux qui, en France, ne maîtrisent pas la langue française.

Nous prévoyons également une rémunération pour les stages linguistiques longs de façon à compenser la perte de salaire ou les frais engendrés par la garde d'enfants.

Si vous voulez vraiment réussir l'intégration des migrants, vous devrez vous inspirer de notre proposition de loi.

M. Yannick Bodin. - La connaissance de notre langue est un outil, sinon une garantie, d'intégration. Son apprentissage doit donc être encouragé mais aussi organisé.

Comme un certain nombre de nos compatriotes se sont mariés à des étrangers qui ne connaissent pas le français, il faut leur permettre de s'intégrer grâce à l'apprentissage de notre langue. C'est encore plus vrai pour les femmes originaires de certains pays où la culture ne prédispose pas à une grande liberté en dehors du foyer familial. Leur émancipation passe donc par cette formation.

Certains pays accueillent les étrangers dès leur arrivée sur leur sol et leur indiquent les associations et les organismes qui dispensent des cours linguistiques. Pourquoi ne vous inspirez-vous pas de ces exemples, monsieur le ministre ?

Je m'interroge aussi sur la façon dont on évalue la connaissance de la langue française dans nos consulats. Il y a sans doute autant de méthodes que de consulats et certaines personnes ne devraient pas se voir confier de telles missions. Prévoir qu'un décret précisera les choses revient à avouer vos doutes : vous savez, au fond de vous, que ces dispositions seront inapplicables.

M. le président. - Nous en arrivons à la discussion des amendements. (On s'en félicite à droite)

Amendement n°92, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Il a été défendu.

M. le président. - Amendement n°191 rectifié, présenté par MM. del Picchia, Demuynck et Vasselle.

Rédiger comme suit cet article :

L'article L. 211-2-1 du même code est ainsi modifié :

1° Après le premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :

« Sous réserve des conventions internationales, pour lui permettre de préparer son intégration républicaine dans la société française, le conjoint de Français âgé de moins de soixante-cinq ans bénéficie, dans le pays où il sollicite le visa, d'une évaluation de son degré de connaissance de la langue et des valeurs de la République. Si cette évaluation en établit le besoin, les autorités mentionnées au premier alinéa organisent à l'intention de l'intéressé, dans le pays où il sollicite le visa, une formation dont la durée ne peut excéder quinze jours, au terme de laquelle il fait l'objet d'une nouvelle évaluation de sa connaissance de la langue et des valeurs de la République. La délivrance du visa est subordonnée à la production d'une attestation de suivi de cette formation. Cette attestation est délivrée immédiatement à l'issue de la formation. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application de ces dispositions, notamment le délai maximum dans lequel l'évaluation et la formation doivent être proposées ainsi que les motifs légitimes pour lesquels l'étranger peut en être dispensé.

« Lorsque la demande de visa émane d'un étranger, dont le conjoint de nationalité française établi hors de France souhaite établir sa résidence habituelle en France pour des raisons professionnelles, les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables, sauf si le mariage a été célébré à l'étranger par une autorité étrangère et n'a pas fait l'objet d'une transcription. »

2° Dans le deuxième alinéa, les mots : « Le visa mentionné à l'article L. 311-7 » sont remplacés par les mots : « Outre le cas mentionné au deuxième alinéa, le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois » ;

3° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Par dérogation à l'article L. 311-1, le visa délivré pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois au conjoint d'un ressortissant français donne à son titulaire les droits attachés à la carte de séjour temporaire prévue au 4° de l'article L. 313-11 pour une durée d'un an. Un décret en Conseil d'État fixe les conditions d'application de ces dispositions. »

M. Robert del Picchia. - (Exclamations à droite) Il y a, sur nos bancs, madame Borvo Cohen-Seat, des sénateurs de l'étranger qui prennent la parole !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - J'en étais sûre !

M. Robert del Picchia. - Comme l'article premier a été adopté, nous devons envisager des mesures spécifiques pour les conjoints étrangers de Français car ils ne peuvent être assimilés à ceux qui demandent à bénéficier du regroupement familial.

Il convient donc de prévoir explicitement que des conventions internationales pourront entièrement dispenser les conjoints du test et de la formation dans le pays où ils sollicitent le visa. Dans ce cas, l'évaluation et la formation pourront se faire à l'arrivée en France, dans le cadre du contrat d'accueil et d'intégration actuellement en vigueur.

Il faut également prendre en compte la situation particulière des couples binationaux qui, vivant à l'étranger, décident de rejoindre la France pour des raisons professionnelles. Si on laisse le texte en l'état, la femme et les enfants d'un cadre rentrant en France pour son travail se verraient appliquer la même législation que celle des autres étrangers.

M. Robert del Picchia. - C'est inconcevable ! Il faut donc dispenser le conjoint étranger des formalités de test et de formation à l'étranger. Cette dispense ne pourra pas s'appliquer si le mariage célébré à l'étranger par une autorité étrangère n'a pas fait l'objet d'une transcription dans les conditions définies par la loi du 14 novembre 2006 relative au contrôle de la validité des mariages.

Dans les autres cas, la formation au français dans le pays d'origine ne pourra excéder quinze jours, afin de ne pas allonger le délai qui sépare la demande de visa de l'arrivée en France.

Enfin, dans un souci de simplification, le visa de long séjour délivré à un conjoint de Français vaudra titre de séjour et autorisation de travail pendant un an : le conjoint de Français n'aura donc pas à se présenter en préfecture pour obtenir une carte de séjour temporaire. (Applaudissements à droite)

M. le président. - Amendement n°9, présenté par M. Buffet au nom de la commission.

Supprimer les 1°, 2° et 2° bis du I de cet article.

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - La commission a longuement débattu de l'opportunité d'appliquer aux conjoints de Français le même dispositif que celui prévu à l'article premier. Le débat a été nourri et nous en sommes parvenus à la conclusion que la situation n'était pas exactement la même que pour un couple étranger.

Mme Catherine Tasca. - Certes !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. - Nous vous proposons donc de supprimer l'obligation pour les conjoints de Français de passer un test de langue et de suivre une formation linguistique et civique. (Applaudissements sur les bancs socialistes)