SÉANCE

du mardi 29 janvier 2008

57e séance de la session ordinaire 2007-2008

présidence de M. Guy Fischer,vice-président

La séance est ouverte à 10 heures.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à dix-sept questions orales.

Défense 2ème chance

M. Michel Houel.  - Le dispositif « Défense 2ème chance » vise, depuis l'été 2005, l'insertion professionnelle des jeunes de 18 à 21 ans en difficulté scolaire et sociale, grâce à une formation comportementale, scolaire et professionnelle dispensée en internat. Outre les anciens militaires recrutés pour l'encadrement et l'enseignement de la formation civique, il fait appel à des enseignants de l'Éducation nationale et à des formateurs extérieurs.

Près de soixante mille jeunes sont chaque année identifiés comme proches de la marginalisation. Avec pour objectif de remettre ces jeunes sur le chemin de l'emploi, ce projet innovant et prometteur, prévoyait l'accueil de vingt mille volontaires fin 2007 dans cinquante centres.

Deux ans après l'expérimentation du dispositif, chacun reconnaît son intérêt social, prouvé par les résultats obtenus par les premières générations de volontaires : 95 % ont obtenu le certificat de formation générale, 80 % des certificats de qualification professionnelle, 90 % ont trouvé un emploi ou intégré une formation classique type CAP ou une formation en alternance dans des secteurs comme le bâtiment, les travaux publics, la restauration, le transport, la sécurité.

Les entreprises de ces secteurs ont besoin de recruter mais elles n'ont pas le temps d'insérer socialement un jeune éprouvé par la vie. Ce dispositif constitue donc le chaînon manquant dans l'intégration de ces publics, car passer d'une non-activité à une activité régulière n'est pas chose facile. Dans ma commune, je travaille à faire se rencontrer l'offre et la demande de main-d'oeuvre...

Malgré des résultats encourageants, aujourd'hui seuls vingt-deux centres sont ouverts qui n'accueillent que mille huit cent cinquante jeunes pour une capacité totale de deux mille cinq cents places. Ma déception est d'autant plus forte que le premier centre de ce type a ouvert ses portes dans mon département, à Montry, en septembre 2005 et que son succès a obligé à ouvrir une antenne nouvelle à quelques kilomètres de là.

Quelles suites seront données à ce dispositif, sachant que son succès dépend de la mobilisation de tous ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.  - Je tiens d'abord à excuser le ministre de la défense, retenu aux obsèques des trois gendarmes tragiquement décédés la semaine dernière.

Le dispositif en question est sous la double tutelle de la Défense et du ministère de l'économie, des finances et de l'emploi. La Défense met à disposition des personnels et des moyens matériels -elle a consenti par exemple pour 60 millions de cessions immobilières- tandis que l'Emploi fournit l'essentiel des frais de fonctionnement. En 2007, le budget affecté à cette opération a augmenté de 30 % grâce notamment à une participation du ministère du logement et de la ville.

Votre préoccupation rejoint tout à fait celle du Gouvernement. Le ministre de la défense s'est efforcé de recentrer le dispositif sur son objectif central, l'insertion des jeunes de18 à 21 ans. Son ministère a renforcé sa coopération avec celui de l'emploi et il souhaite élargir cette commune tutelle au ministère de la Ville.

Le Gouvernement tout entier est donc mobilisé au profit d'une méthode qui a porté ses fruits : le taux d'insertion est flatteur et de plus en plus de jeunes se portent volontaires. Il s'agit maintenant de développer cet irremplaçable outil d'insertion. Sous l'impulsion d'Hervé Morin, l'ensemble du Gouvernement élaborera un contrat quinquennal d'objectifs et de moyens. La ministre de la santé et de la jeunesse que je suis souligne cet engagement global du Gouvernement dont ce dispositif est un témoignage. Il en est d'autres, portés par l'éducation nationale, le logement et la ville et mon propre ministère. Il s'agit, vous le voyez, d'une action interministérielle où tout le Gouvernement joue pleinement son rôle.

M. Michel Houel.  - C'est une réponse encourageante. Lorsque deux cents jeunes de banlieues difficiles sont venus dans ma commune de trois mille habitants, ces derniers se sont inquiétés. Mais tout s'est très bien passé. Il faut donc continuer l'effort. Dans ce pays on a trop souvent le travers de ne parler que de ce qui ne marche pas bien. Quand quelque chose fonctionne bien, il faut en faire état ! (Mme la ministre approuve)

Les jeunes et l'alcool (I)

M. Adrien Gouteyron.  - L'alcool devient, pour de nombreux jeunes, un véritable fléau. Il ne s'agit pas d'excès ponctuels mais d'un phénomène d'alcoolisation lié, comme le souligne l'Association de prévention en alcoologie et en addictologie de la Haute-Loire, à des pratiques addictives de toutes sortes, parmi lesquelles le cannabis.

Je souhaite particulièrement évoquer les ravages dus à l'alcoolisation massive des adolescents qui ne me paraît pas suffisamment prise en compte et combattue. Cette association constate qu'un phénomène de banalisation de l'alcool est en train de toucher les jeunes qui boivent à n'en plus pouvoir. Ce phénomène nous vient des pays scandinaves qui pratiquent le binge drinking, ce que je traduirais par la « cuite facile »... Les jeunes absorbent une grande quantité d'alcool en un court laps de temps, recherchant une ivresse rapide. En témoigne le dramatique exemple des deux lycéennes d'Abbeville de 16 ans, retrouvées dans un état de coma dans les toilettes de leur établissement parce qu'à l'heure du petit déjeuner elles avaient bu quatre à cinq verres de vodka avant d'aller en cours.

Selon le rapport de cet automne de l'Académie de médecine, un pourcentage significatif de jeunes de 17 ans avoue s'être adonné au binge drinking dix fois au moins au cours des trente derniers jours.

Dans son excellent ouvrage, L'alcoolisme adolescent, en finir avec le déni, Frédérique Gardien souligne que cette recherche de la « défonce » est le signe d'un mal-être profond chez des adolescents qui veulent échapper à la réalité. Le phénomène n'est pas suffisamment pris en considération. Le Gouvernement peut-il nous en dire plus ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.  - La consommation d'alcool et de cannabis est une question qui me tient à coeur. Globalement, la consommation d'alcool est en diminution, même parmi les 18-25 ans. Mais c'est loin d'être satisfaisant puisque 9 à 10 % de cette tranche d'âge présentent les signes d'une consommation problématique d'alcool.

Les ivresses alcooliques sont en hausse chez les plus jeunes. La consommation de cannabis stagne, voire recule légèrement, mais l'usage régulier est stable et l'usage quotidien augmente.

Les consultations mises en place en 2004 pour les jeunes qui consomment du cannabis seront étendues à la consommation d'alcool, notamment pour traiter les problèmes d'ivresses massives. Ces consultations se dérouleront dans les centres de soins d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), issus de la fusion, en 2007, des centres de cure ambulatoire en alcoologie et des centres de soins spécialisés aux toxicomanes. Désormais compétents non plus sur un produit mais sur l'ensemble des addictions, les CSAPA prendront en charge les cas de polyconsommations. L'offre de soins hospitaliers sera réorganisée, des services et des pôles d'addictologie créés. Enfin, la formation médicale comportera une filière addictologie.

L'articulation entre le secteur sanitaire et le système judicaire est importante. Depuis la loi prévention de la délinquance de mars 2007, des injonctions thérapeutiques peuvent être prononcées à tous les stades de la procédure pénale. Il est également indispensable de restreindre l'accès aux produits. La législation relative à la vente d'alcool aux mineurs est complexe et obsolète. Les mineurs de plus de 16 ans ont interdiction de consommer des alcools forts dans les bars mais peuvent les acheter en toute légalité en magasins ; et ils ont le droit de consommer bière et vin dans les bars ou les cafés. On sait que les ivresses massives des jeunes sont surtout liées à l'achat de boissons dans les grandes surfaces. Je vais présenter prochainement un certain nombre de mesures destinées à mieux protéger notre jeunesse. Le moment venu, la représentation nationale sera amenée à se prononcer sur ces questions.

M. Adrien Gouteyron. - Je me réjouis que vous preniez des mesures nouvelles car la situation est intolérable. Mais il faudra aussi se préoccuper du malaise qu'elle révèle parmi la jeunesse.

Les jeunes et l'acool (II)

Mme Anne-Marie Payet. - L'Académie nationale de médecine a formulé des recommandations pour lutter contre la consommation d'alcool chez les jeunes. L'alcool est la deuxième cause de mortalité évitable après le tabac -la première chez les jeunes. L'alcoolisation aiguë commence à un âge de plus en plus précoce. Or la neuro-imagerie a mis en évidence les diminutions de matière grise qui en résultent dans plusieurs zones cérébrales. Le constat est alarmant et les recommandations de l'Académie, pertinentes.

Il est proposé d'une part de restreindre l'accès aux produits et de modifier la législation existante. L'Académie suggère d'appliquer strictement l'interdiction de vente aux mineurs, d'interdire à tout heure la vente de boissons alcoolisées dans les stations service comme dans les lieux de manifestations sportives, de ramener à 0,2 gramme par litre le taux d'alcoolémie autorisé pour les détenteurs d'un permis de conduire probatoire. J'y ajoute l'interdiction de consommation d'alcool dans les restaurants d'entreprise : souvent les jeunes recrues doivent, rite initiatique, boire de l'alcool pour montrer qu'ils sont des hommes, des vrais. Modifions l'article L. 232 du code du travail afin de bannir de l'enceinte de l'entreprise toutes les boissons alcoolisées et non pas seulement les alcools forts.

N'oublions pas que l'alcool est impliqué dans 40 à 50 % des homicides, 30 % environ des agressions sexuelles, 20 % des accidents de la route. Je rappelle enfin que la loi santé publique d'août 2004 comporte l'objectif d'une réduction de moitié de la consommation annuelle d'alcool.

Madame la ministre, quelle suite comptez-vous donner aux propositions de l'Académie ? Quelles mesures prendrez-vous contre la consommation d'alcool au travail ? J'estime qu'il est urgent d'agir.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.  - Il y a là un défi de santé publique qui mérite bien deux questions orales ! Je l'ai dit, si la consommation globale s'infléchit, les modalités de la consommation ont changé. L'observatoire français des drogues et toxicomanie a noté une augmentation de la fréquence des ivresses depuis 2003. Tous ceux d'entre nous qui ont dû, dans leurs fonctions de maire, aller annoncer à une famille, le dimanche matin, le décès d'un jeune en conservent un souvenir profond...

Plus de la moitié des jeunes de 17 ans déclarent avoir déjà été ivres, près de la moitié l'ont été au cours des douze mois précédents. Et un sur dix l'a été au moins dix fois en une année... Des comas éthyliques parfois mortels ont été signalés chez des jeunes de 12 ans.

Il y a en outre un problème de polyconsommation, qui exige la combinaison de diverses mesures. Celles proposées par le professeur Nordmann, de l'Académie de médecine, me paraissent pertinentes notamment pour lutter contre l'accroissement de la violence routière liée à la consommation d'alcool. Des mesures coercitives ne prendront leur sens qu'accompagnées d'un meilleur suivi des jeunes ayant des difficultés avec l'alcool. Dans les CSAPA vont s'ouvrir des consultations jeunes consommateurs. Ces centres assureront un traitement plus adéquat des polyconsommations. Mais il n'y a pas seulement les jeunes : l'alcoolisme des seniors, sur fond de solitude, est trop souvent méconnu.

Je présenterai des mesures très prochainement, en prenant en compte les propositions de l'Académie. Alcoolisation des jeunes, réduction de l'offre d'alcool pour baisser la consommation d'alcool pur par habitant... Il est vrai que 100 000 décès pourraient être évités chaque année. Le Gouvernement veut promouvoir une vraie politique de santé publique et les agences régionales de santé seront chargées de mener des actions de fond adaptées.

Mme Anne-Marie Payet. - Merci de cette réponse qui confirme votre détermination. J'ai présenté des amendements au projet de loi de santé publique afin de sensibiliser la population, les jeunes en particulier, au syndrome d'alcoolisation foetale. A La Réunion, des associations travaillent sur ces questions. Mais dans les campagnes d'information menées par l'État, ce thème est encore occulté. Un colloque international aura lieu sur ce syndrome et nous comptons sur votre présence.

J'attends les mesures que vous venez d'annoncer.

Drones

M. Philippe Nogrix.  - Je vous prie d'excuser un retard dû à un problème de feux de la SNCF.

Ma question s'adressait au ministre de la défense mais je me contenterai de la réponse de Mme Bachelot-Narquin, même s'il est plus sympathique que le ministre concerné réponde personnellement.

L'entrée en service des trois appareils de reconnaissance appelés système intérimaire de drones moyenne altitude longue endurance (SIDM) est retardée mois après mois, semestre après semestre, depuis le mois de mai 2006, date initialement prévue par vos services pour le début de son utilisation opérationnelle. Ces appareils, sans présence humaine à bord, sont réalisés par la société EADS à partir d'un appareil de type « Eagle » produit par une société israélienne. La commande initiale du ministère français de la défense remonte au 16 août 2001. Cette commande visait à éviter la rupture capacitaire des moyens de surveillance de notre espace aérien, alors assurée par des drones Hunter, devenus trop coûteux à maintenir en vol à partir de fin 2004. Je vous rappelle que des manifestations importantes comme le G8 d'Evian, ou les cérémonies du soixantième anniversaire du Débarquement des Alliés en Normandie, ont été sécurisées par la surveillance aérienne assurée par les drones Hunter.

A l'heure où quasiment tous les pays dotés d'une armée de qualité n'engagent leurs forces sur un champ de bataille qu'appuyés par des drones de reconnaissance, et sans revenir sur les nombreux aléas qui n'ont pas permis une mise à disposition prévue pour mai 2006, il me semble discerner aujourd'hui une absence de volonté de notre pays de posséder une telle capacité de surveillance par des drones Male. Ce renoncement semble remonter à l'échec du projet Euromale, conçu par la France pour réaliser un appareil de ce type en coopération européenne.

Nous apprenons incidemment que des industriels français développent des projets comme l'Advanced UAV en Allemagne. Mais ni le niveau de développement ni l'engagement financier de ces projets ne sont clairement identifiés, sans parler de l'échéance de leur mise à disposition, ni du nombre d'appareils qu'il est envisagé de commander. Vous savez mon attachement à doter nos armées de moyens de surveillance et de communications susceptibles de préserver nos forces sur le terrain, moyens qui sont à usage dual puisqu'ils permettent aussi aux autorités civiles de surveiller des manifestations d'ampleur. Il faut, monsieur le ministre, que vous nous donniez des assurances précises sur votre volonté de doter notre pays d'une telle capacité.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.  - M. Morin assiste aux obsèques des trois gendarmes tragiquement décédés vendredi dernier.

Il y a plusieurs familles de drones, des mini-drones aux drones endurants, mais tous exploitent les possibilités de limiter les risques humains et une présence permanente, aussi jouent-ils un rôle important sur les théâtres d'opération grâce à l'analyse des images qu'ils prennent et l'armée française y a recours depuis une décennie. Outre les drones de combat, qui font l'objet d'une coopération européenne ambitieuse, on distingue les drones tactiques et les drones endurants, sur lesquels porte votre question. Il est exact que l'industriel a pris du retard mais le SIDM est testé à Mont-de-Marsan : son premier vol a eu lieu le 20 décembre dernier et la formation des futurs utilisateurs débutera en février en vue d'une livraison cet été.

Le programme Male prépare la prochaine génération de drones endurants. Le projet de démonstrateur européen n'a pas encore vu le jour mais EADS a proposé une solution à la France, à l'Allemagne et à l'Espagne, qui consacreront 20 millions chacune au contrat d'étude notifié à EADS en février.

M. Philippe Nogrix.  - Je ne puis me satisfaire de quelques descriptions techniques car de plus en plus d'hommes sont sur le terrain alors que depuis quatre ans nous n'avons plus les moyens de sécuriser leur engagement. Il faudra déterminer qui en est responsable du ministre ou de la DGA ? Je vous prie de faire part de mon inquiétude au ministre.

Les campagnes manquent de dentistes

M. Dominique Mortemousque.  - Je veux attirer votre attention, madame, sur la pénurie de chirurgiens-dentistes en milieu rural. Selon une étude récente le nombre de ces praticiens passerait de 40 300 à 27 000 en 2030. Cette crise est de plus en plus sévère en milieu rural où des cabinets ferment, faute de repreneurs. Quelles mesures comptez-vous prendre ? Je précise que nous ne sommes pas hostiles à des praticiens nés hors de métropole -encore faut-il qu'ils ne soient pas retoqués, comme ce dentiste algérien dont le concours a été annulé, alors que son dossier était valable.

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.  - C'est avec plaisir que je réponds à M. Mortemousque.

La pénurie d'orthodontistes affecte les zones rurales mais aussi des zones urbaines. Les projections de la Dres indiquent une réduction d'un tiers d'ici vingt-cinq ans. Si nous laissions le numerus clausus à 977, le nombre de praticiens reviendrait de 65 à 40 pour 100 000 habitants en 2030. J'ai donc proposé de le porter à 1 300 en cinq ans et il s'établira à 1 047 dès 2008. Les augmentations dépendent des capacités de formation, qui varient selon les régions et que nous devons renforcer. On retrouve les mêmes disparités que pour les médecins : Paris, la région Provence-Côte d'Azur, l'Aquitaine (mais peut-être pas la Dordogne) sont mieux dotées que le Nord-Pas-de-Calais et la Lorraine.

Il est important de bien distinguer au sein des régions les zones denses des cantons sous-dotés. La situation des régions les moins favorisées appelle une vigilance particulière. C'est un des buts des états généraux de la santé. J'ai déjà pu mesurer à Rennes, vendredi dernier, l'intérêt des préconisations des assurés sociaux, des professionnels et des élus.

Vous avez enfin évoqué l'annulation d'un examen : il s'agissait non d'une éviction mais du respect des règles.

M. Dominique Mortemousque.  - Merci, madame la ministre, de cette réponse précise. Les élus travaillent à rendre le milieu rural plus attractif : les maisons de la santé sont l'un de ces outils. Je suis sensible à votre souci de faire du cousu main pour nos territoires.

Énergies renouvelables

Mme Nicole Bricq. - Vous n'êtes plus, madame la ministre, en charge de l'écologie mais vous connaissez ces dossiers et, en tant que ministre, vous êtes solidaire des déclarations du Président de la République.

En conclusion du Grenelle de l'environnement, celui-ci s'est engagé à « faire de la France le leader des énergies renouvelables, au-delà de l'objectif européen de 20 % de notre consommation d'énergie en 2020 ». Or les administrations concernées ne semblent pas avoir pris en main cette ambition proclamée. Dans de nombreux départements, les projets de zone de développement éolien (ZDE) se heurtent à de multiples difficultés. Des dossiers soigneusement préparés par des élus locaux dans le cadre du dispositif de concertation prévu par la réglementation sur les ZDE, souvent avec l'aval d'une majorité des habitants concernés, sont rejetés malgré plusieurs années de travail préparatoire. Les recommandations techniques changent ou s'empilent plus vite que l'élaboration d'une zone de développement éolien. La durée d'instruction de l'étude d'impact pour obtenir le permis de construire dépasse largement les délais réglementaires.

En Seine-et-Marne, compte tenu de la méthodologie préconisée par les services préfectoraux et de la cartographie qui en découle, le développement de l'éolien s'annonce minimal. Mon département s'étend pourtant sur la moitié de l'Ile-de-France, première région consommatrice d'électricité, et accueille ainsi une grande part du potentiel éolien francilien. Dans ces conditions, la France ne saurait atteindre ses objectifs de production d'énergies renouvelables.

L'État va-t-il enfin assumer les responsabilités du développement éolien ? Va-t-on enfin envoyer aux préfets des prescriptions claires ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.  - Merci de me poser cette question. Ma première intervention en tant que ministre de l'écologie, en 2002, avait été pour défendre ici même un projet de loi sur l'urbanisme éolien. Mais aujourd'hui, bien sûr, c'est la réponse de M. Borloo que je vais vous lire.

Le Grenelle de l'environnement s'est prononcé pour la mise en place de plusieurs programmes sur les thèmes de l'énergie, du changement climatique, de la préservation de la biodiversité ainsi que de la prévention des effets de la pollution sur la santé. Notre ambition est d'augmenter de 20 millions de tonne équivalent pétrole la production d'énergie renouvelable en 2020 et d'atteindre une proportion d'au moins 20 % d'énergies renouvelables dans la consommation finale d'énergie. Parmi toutes les énergies renouvelables productrices d'électricité, l'énergie éolienne est celle qui présente le plus grand potentiel de développement à court terme. La puissance éolienne installée en métropole s'élevait fin 2007 à 2 000 mégawatts, soit trois fois plus qu'en 2005. La France est devenue le troisième pays européen en termes de marché annuel. Selon la dernière enquête réalisée par le ministère de l'écologie, qui couvre la période du 1er février 2006 au 1er février 2007, environ trois cents permis de construire ont été délivrés, représentant une puissance d'environ 1 500 mégawatts. S'y ajoutent neuf cents demandes de permis qui étaient en cours d'instruction pour une puissance de plus de 5 000 mégawatts. Ces chiffres encourageants montrent qu'une dynamique pérenne de l'éolien a été installée en France.

En Seine-et-Marne, huit projets totalisant 40 mégawatts, déposés depuis le 1er février 2006, étaient en cours d'instruction au 1er février 2007. Aucun permis de construire n'a été refusé au cours de cette période. Il va de soi que le développement de l'énergie éolienne doit être maîtrisé, avec le souci constant du respect des milieux naturels, des paysages, du patrimoine et plus généralement du cadre de vie. Le développement de l'énergie éolienne se heurterait, sinon, à l'hostilité de nos concitoyens et s'en trouverait compromis.

Mme Nicole Bricq. - Je ne pense pas qu'on puisse parler d'une dynamique de l'éolien. C'est au contraire, parmi les énergies renouvelables, la plus difficile à mettre en oeuvre, parce qu'il faut convaincre les habitants et les élus, et que les prescriptions des préfets sont très confuses, variables en outre d'un département l'autre. Je demande donc au Gouvernement de manifester très clairement sa volonté auprès des préfets, pour que soit enfin appliqué ce choix politique.

L'éolien peut, à terme, représenter 15 % de la production d'électricité. La France se fait tancer régulièrement par la Commission européenne car, de fait, il y a comme un consensus négatif à propos de cette source d'énergie, qui pourrait pourtant être source de revenus pour les collectivités locales, ce qui diminue d'autant la pression fiscale pour les habitants. Dans l'Aisne, où l'éolien s'implante mieux qu'en Seine-et-Marne, tout le monde en est satisfait.

Je le répète : sans volonté de l'État clairement affirmée, on n'y arrivera pas.

Enlèvement international d'enfants

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Je regrette beaucoup que le garde des Sceaux n'ait pu venir répondre à cette question que je lui ai posée il y a quatre mois. Je connais, bien sûr, votre compétence, madame la ministre.

Il ne se passe pas de mois sans que les médias parlent de cas d'enfants déplacés à l'étranger et soustraits au droit de garde ou de visite d'un père ou d'une mère. L'application des conventions multilatérales censées régler ces situations est souvent inefficace, au mépris des droits de l'enfant reconnus par l'ONU. La convention de La Haye du 25 octobre 1980, qui vise au retour des enfants déplacés et au respect des droits de garde et de visite, ne remplit pas bien son objectif, comme l'a souligné la commission spéciale de la conférence de La Haye. Malgré l'obligation faite aux autorités centrales des quatre-vingts États contractants, le droit de visite transfrontière visé à l'article 21 n'est pas toujours assuré.

Beaucoup de nos compatriotes, notamment des femmes, dans l'incapacité d'assumer les frais très élevés de justice dans certains pays comme les États-Unis ne bénéficient pas de l'assistance juridique et juridictionnelle qu'elles sont en droit d'attendre en vertu de l'article 25. La barrière de la langue et la complexité des systèmes juridiques étrangers motivent souvent le retour d'un parent avec ses enfants dans son pays, où il pense de bonne foi pouvoir mieux se défendre. L'État peut-il accepter de renvoyer un enfant dans un pays réclamant son retour, sans avoir en échange la garantie que le parent français pourra s'y défendre et exercer son droit de visite ?

Avec l'entrée en vigueur du règlement européen relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et de responsabilité parentale, dit Bruxelles II bis, l'application directe d'ordonnances de justice d'un État membre dans un autre peut se révéler catastrophique lorsque les décisions sont prises unilatéralement, dans le secret et en l'absence de tout débat contradictoire. En Allemagne par exemple, les décisions du juge administratif local sont applicables directement au parent étranger sans même qu'il ait été entendu. D'autres difficultés proviennent de la diversité des approches en droit de la famille : certains États n'admettent pas l'autorité parentale conjointe ou la filiation au père d'un enfant né hors mariage.

En matière de recouvrement de pensions alimentaires, il est choquant que nos tribunaux acceptent l'exequatur sans tenir compte du fait que le parent débiteur peut être empêché d'exercer son droit de visite par le parent gardien.

Madame la ministre, quelles dispositions avez-vous prises ou envisagez-vous de prendre ? Des mesures comme l'octroi d'une aide juridictionnelle aux parents dans l'incapacité financière de défendre leurs droits à l'étranger, l'utilisation de vidéoconférences avec des juridictions étrangères, la formation des juges en droit international de la famille et la nomination dans toutes les cours d'appel d'un magistrat compétent en matière de déplacements internationaux d'enfants paraissent indispensables. Alors que la France vient de ratifier la convention de La Haye de 1996, ne conviendrait-il pas que nos tribunaux prennent mieux en compte l'intérêt supérieur de l'enfant en s'assurant, avant de rendre leurs décisions, que sera maintenu le contact de l'enfant avec ses deux parents ?

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports.  - Je vous remercie, madame la sénatrice, de me poser cette question pleine d'humanité, car y est en jeu la souffrance de familles et d'enfants confrontés à des situations dramatiques. Soyez assurée que Mme le garde des Sceaux y porte une attention toute particulière.

Même si les situations restent atrocement complexes au plan juridique, des avancées ont été enregistrées, que vous avez mentionnées. S'agissant de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980, qui vise le retour des enfants illicitement déplacés et protège le droit de visite, vous avez raison de souligner l'importance d'un bilan régulier qui permet d'alerter les autorités en cas de dysfonctionnement. Le règlement de 2003 dit Bruxelles II bis a permis, quant à lui, de définir des règles de compétences juridiques, tandis que, sur la Convention de la Haye de 1996, qui porte sur des matières entrant dans le droit communautaire, nous restons, pour ce qui est de la loi autorisant sa ratification, en l'attente de la décision de la Commission européenne.

Tout doit être mis en oeuvre pour que l'intérêt de l'enfant soit pris en compte et le droit de visite respecté. Les textes le rappellent pour les juridictions françaises, mais nous ne pouvons nous opposer, alors que nous nous sommes engagés à les reconnaître, à des décisions prises par les juridictions d'autres États.

La France est signataire de près de cinquante conventions bilatérales et partie à de nombreuses conventions multilatérales, ainsi qu'aux accords européens issus d'une directive de 2003, faits pour faciliter l'accès international à la justice et qui permettent notamment au parent d'un enfant victime d'un déplacement illicite de solliciter, dans un autre État, l'assistance d'un avocat.

À chacun de ses déplacements à l'étranger, la ministre s'entretient avec ses homologues des cas douloureux de déplacements illicites, ainsi qu'elle l'a fait récemment au Maroc et en Algérie.

Enfin, vous avez raison de souligner l'importance du droit international dans la formation des magistrats. Des sessions de formation continue sont organisées par l'École nationale de la magistrature. Il convient aussi renforcer la dimension internationale de la formation des élèves magistrats et vous avez indiqué des pistes, que je ne manquerai pas de transmettre à Mme Dati.

Vous voyez que le Gouvernement est attentif à vos préoccupations, qu'il s'attachera à faire avancer à l'occasion de sa prochaine présidence de l'Union européenne.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Je vous remercie de votre réponse, qui témoigne de votre intérêt personnel pour ces questions difficiles, sur lesquelles la présidence française de l'Union européenne devrait être l'occasion pour notre pays d'apporter beaucoup. Il serait utile, notamment, de dresser un bilan global des problèmes qui se posent afin de s'attacher à l'harmonisation de nos juridictions en matière de garde et de droits des enfants. Dans certains pays, prévalent des dispositions très anciennes : autant d'obstacles, liés à la nature de leurs droits internes, qui ne devraient pas primer sur le droit des enfants, transcendant les intérêts nationaux.

Fermeture de l'usine Areva T&D de Montrouge

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Je regrette l'absence de Mme Lagarde, dont j'espère qu'elle ne traduit pas un manque d'intérêt.

Depuis le 10 janvier, 90 % des salariés de l'usine Areva T&D de Montrouge sont en grève pour protester contre la décision prise par la direction, qui argue de pertes opérationnelles de plus de 11 millions d'euros, de fermer ce site spécialisé dans la fabrication de transformateurs haute-tension.

Pourtant, le groupe Areva se porte bien et l'augmentation de son chiffre d'affaires -plus de 10 milliards d'euros en 2006- est liée non seulement à la hausse des cours de l'uranium, mais aussi à la forte progression de l'activité de transmission et de distribution, celle-là même qui nous intéresse. Ce pôle a en effet signé de fructueux contrats au Qatar, en Libye, en Chine, en Arabie Saoudite et, tout récemment, en Inde.

Est-il normal qu'au même moment, les quatre-vingt-neuf salariés d'Areva Montrouge soient laissés sur le carreau ? Cette fermeture va constituer un terrible gâchis humain et industriel. Les perspectives de reclassement, du fait de la pyramide des âges, de l'absence de politique de formation et de la désindustrialisation de la région parisienne, sont bouchées. Après la fermeture de Montrouge, il n'y aura plus de site de fabrication de ce type en France. Les salariés s'inquiètent.

Sans compter les répercussions locales. Sur le seul site d'Areva, cent neuf entreprises extérieures interviennent... Après le départ de Schlumberger, d'Orange et d'Ela Medical, Montrouge sera bientôt un désert industriel. Les commerçants de la ville, les habitants et jusqu'au maire sont solidaires des grévistes.

Quel gâchis industriel, enfin, alors que le marché du transport d'électricité en Europe a de beaux jours devant lui, notamment pour la France. J'ajoute qu'avec cette fermeture, Areva prive EDF des services d'un laboratoire de haut niveau nécessaire à la surveillance et à la maintenance d'un parc qui compte de nombreux transformateurs anciens dont le défaut de surveillance peut poser de sérieux problèmes de sécurité.

On comprend la décision des salariés qui avaient pris le parti d'occuper l'usine, jusqu'à ce que la direction assigne trente et un grévistes en justice. Le médiateur qui avait été nommé vient de se retirer, et la grève continue, car la direction s'en tient à des propositions de reclassement et de dédommagement a minima.

Quelles garanties l'État, actionnaire d'Areva à 91 %, compte-t-il apporter aux salariés pour engager la direction dans de réelles négociations ? Faut-il rappeler les engagements de Mme Lauvergeon, en décembre dernier, devant des députés, assurant qu'Areva ne laissait jamais personne sur le bord du chemin et mettait tout en oeuvre pour que chaque salarié retrouve un travail ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme.  - C'est en raison de résultats négatifs du site, qui traduisent, depuis plusieurs années, malgré les efforts de ses salariés, l'absence durable de rentabilité du site de Montrouge que la société Areva T&D, en charge du pôle transmission et distribution du groupe, a annoncé, en septembre 2007, son intention de fermer, à compter du 31 août 2008, ce site de Montrouge qui emploie quatre-vingt-neuf salariés. Depuis, les salariés, comme ils l'avaient déjà fait en novembre 2007, ont décidé de bloquer le site. Les négociations informelles engagées localement avec l'appui des pouvoirs publics n'ayant pas permis d'apporter une réponse à leurs revendications, une délégation, accompagnée de votre collègue députée, Mme Amiable, a été reçue par le cabinet de Mme Lagarde, le 23 janvier dernier. Cette réunion a eu pour effet immédiat l'annulation de la procédure de référé engagée par l'entreprise pour libérer l'accès au site, le déblocage de l'usine et la reprise des négociations, le lendemain, avec la médiation du directeur départemental du travail et de l'emploi.

Le Gouvernement, dont l'intervention a contribué à restaurer un climat de confiance, espère qu'un accord interviendra rapidement pour élaborer un plan de sauvegarde permettant le retour à l'emploi de chaque salarié dont le poste est supprimé suite à la fermeture. Mme Lagarde, madame la sénatrice, se tient quotidiennement informée de l'évolution de ce dossier.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - J'insiste sur les conséquences de la décision d'Areva. Des salariés hautement spécialisés sont d'autant plus menacés de ne pas retrouver d'emploi que plus aucun site de ce type n'existera en France. On les a même obligés -quel cynisme !- à former des ingénieurs pour d'autres sites, vers lesquels l'entreprise, au nom de la sacro-sainte réduction du coût du travail, délocalise ses activités, à la suite de l'acquisition du groupe allemand Ritz, dont on n'a aucune garantie qu'il présentera le même degré de certification et de sécurité.

Areva invoque des raisons économiques. Or, le plan de redressement a porté ses fruits : les pertes sont passées, grâce à un fort investissement des salariés, de 1 million à 123 000 euros. L'entreprise a de surcroît englouti des sommes importantes dans des investissements à l'étranger.

Le cabinet d'expertise-comptable Secafi, mandaté par le comité d'entreprise, a relevé des lacunes surprenantes, notamment l'absence de chiffrage du projet de liquidation du site. Pourtant, lorsque l'on parle de pertes, tout devrait être pris en compte. Enfin, l'on peut se demander si la décision de fermer le site de Montrouge n'a pas été prise a priori, et non au vu de la situation économique réelle de l'entreprise, comme l'on peut s'interroger sur le coût social d'une telle opération pour la collectivité et, partant, sur la responsabilité sociale des grands groupes.

Monsieur le ministre, je vous invite donc à intervenir auprès d'Areva durant les négociations qui doivent se tenir cet après-midi pour préserver les activités industrielles à Montrouge.

Enfouissement des câbles

M. Simon Sutour. - Ma question s'adresse à madame la ministre de l'économie. Depuis le récent désengagement financier de l'État, l'enfouissement coordonné des réseaux d'électricité et de communications électroniques dans le Gard, comme dans d'autres départements, s'effectue dans le cadre d'une convention entre le syndicat à cadre départemental d'électricité du Gard, le conseil général et France Telecom, selon les termes de l'article L. 2224-35 du code général des collectivités territoriales. Jusqu'à présent, le comité ad hoc, réunissant les parties à cette convention, a trouvé des solutions ponctuelles aux difficultés nées de l'application de l'accord. Pour autant, les retards fréquents constatés par nos collectivités adhérentes ont des répercussions sur le cadre de vie des administrés et risquent de compromettre les travaux d'électrification rurale programmés, dont les subventions doivent être consommées dans des délais stricts. En conséquence, France Telecom, qui a la maîtrise d'ouvrage de ces travaux de câblage, devrait adapter ses moyens humains et budgétaires à l'effort consenti par les collectivités et leurs partenaires financiers, le Face et EDF.

Le désengagement financier de l'État devait être partiellement compensé par une participation de l'opérateur de communications électroniques aux coûts de terrassement, fixée, selon l'article 30 de la loi du 7 décembre 2006 relative au secteur de l'énergie, par un arrêté ministériel pris six mois après la publication de la loi. Or cet arrêté n'a toujours pas été publié alors que la loi a été promulguée au Journal officiel le 8 décembre 2006. Que compte faire le Gouvernement pour accélérer le processus réglementaire ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme.  - Monsieur le sénateur, les retards dans l'enfouissement des câbles résultent, selon vous, d'une inadaptation des moyens mis en oeuvre par France Telecom. Or les moyens humains qu'il mobilise relève de sa seule responsabilité dès lors qu'il respecte ses obligations. S'agissant des moyens financiers, les coûts pris en charge par l'opérateur sont énumérés à l'article L. 2224-35 du code général des collectivités territoriales et fixés par une convention conclue entre celui-ci et la collectivité concernée. Un accord passé entre France Telecom, l'association des maires de France et la fédération nationale des collectivités concédantes et régies sur l'enfouissement coordonné des réseaux d'électricité et de communications électroniques propose un modèle de convention.

En raison de divergences d'interprétation de la loi, des difficultés sont apparues concernant le partage des coûts de terrassement. L'article L. 2224-35 a donc été modifié pour éclaircir ce point par un arrêté ministériel qui fait actuellement l'objet d'une concertation. Mme la ministre des finances veillera à ce qu'il soit publié prochainement, après consultation de l'autorité de régulation des communications électroniques et des postes et de la commission consultative des réseaux et services de communications électroniques.

M. Simon Sutour. - Je vous remercie pour cette réponse qui me donne un petit espoir, mais j'insiste sur la nécessité de publier l'arrêté au plus vite. Les délais prévus par la loi -six mois après la promulgation de la loi, soit le 8 décembre 2006- sont largement dépassés. Si l'on veut vraiment revaloriser le rôle du Parlement, comme on le dit beaucoup ces temps-ci, il faut d'abord que le Gouvernement applique les lois. L'enfouissement des lignes constitue un sujet important pour les communes et, tant que l'arrêté n'aura pas été publié, celles-ci conserveront des incertitudes sur les financements apportés.

Réforme du livret A

M. Georges Mouly, en remplacement de M. Gérard Delfau.  - Mon collègue et ami M. Delfau exhorte le Gouvernement à résister à l'ultimatum lancée par la Commission européenne sur le livret A. Symbole de l'épargne populaire, il compte 45 millions de titulaires. Ses vertus, pour M. Delfau, sont nombreuses : il assure sécurité à ses bénéficiaires qui n'ont jamais été spoliés depuis 1884, il est peu coûteux pour les finances publiques et il finance la construction du logement social via la Caisse des dépôts. Si le livret A était laissé aux mains du secteur bancaire privé, ses fonds seraient transférés vers des placements plus rentables. Qui plus est, la principale source de financement de la construction des logements sociaux serait réduite comme peau de chagrin alors que la demande n'a jamais été aussi forte et l'opinion publique aussi mobilisée.

Si la demande de la Commission est suivie par le Gouvernement, qu'adviendra-t-il des mesures du plan Borloo dont le financement repose à 80 % sur le livret A, de l'engagement à produire le double de logements sociaux ou encore du programme national de rénovation urbaine ? Comment La Poste, distributeur historique du Livret A, financera-t-elle son réseau en zone rurale et dans les quartiers sensibles si on lui ponctionne 15 % de son chiffre d'affaires ? Enfin, la centralisation des fonds par la Caisse des Dépôts va-t-elle disparaître au profit des banques privées et de leurs actionnaires ? Pour M. Delfau, la banalisation du livret A emporterait d'importantes conséquences sociales. Aussi, en en appelle-t-il à une politique du logement social ambitieuse et respectueuse de l'intérêt général. Quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre s'agissant du livret A ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme - Le rapport sur le livret A que M. Michel Camdessus a remis au Premier ministre a été publié fin décembre alors que la Commission européenne demandait à la France d'abroger les dispositions législatives qui réservent la distribution du livret A à La Poste, aux caisses d'épargne et au Crédit mutuel. Dans son rapport, M. Camdessus, après avoir constaté que le livret A ne finançait plus de manière satisfaisante le logement social, estime que la réforme demandée par la Commission offre une chance de diffuser plus largement un produit d'épargne populaire auquel les Français sont attachés, et de réduire de 1 à 2 milliards par an le coût de financement du logement social, tout en préservant l'accessibilité bancaire de tous les Français.

Le Gouvernement est fermement décidé à s'attaquer à la pénurie de logements. Pour atteindre l'objectif de construire 500 000 nouveaux logements par an, dont 120 000 logements sociaux, rappelé par le Président de la République lors de son discours à Vandoeuvre-lès-Nancy, nous devons faire des propositions audacieuses, nourries par les recommandations de M. Camdessus, qui feront l'objet d'une large consultation. Si une réforme peut être une chance pour le logement social, nous la saisirons.

Le Président de la République a fixé les lignes rouges à ne pas dépasser : la réforme devra contribuer à améliorer les conditions de financement du logement social, garantir l'accessibilité bancaire et respecter l'équilibre financier des établissements qui distribuent le livet A. Le Gouvernement entend préserver en outre le rôle de la Caisse des dépôts ; Mme Lagarde a rencontré fin décembre trois cent soixante cadres de la caisse pour leur témoigner la confiance du Gouvernement et préciser ses attentes.

La réforme à venir est une chance pour le logement social ; nous devons la saisir collectivement. Le Gouvernement est ouvert au dialogue avec tous les acteurs concernés pour la mener à bien.

M. Georges Mouly.  - Je vous remercie pour votre réponse, que M. Delfau ne manquera pas de lire et d'apprécier comme il l'entendra. J'en ai retenu pour ma part que le logement social reste une priorité, que l'accessibilité bancaire sera garantie, que le rapport Camdessus fera l'objet d'un examen attentif et que concertation et dialogue sont au programme.

Fonds social européen

M. Jean-Pierre Bel.  - Les dotations du Fonds social européen (FSE), qui financent les actions d'insertion, sont actuellement gérées par les départements au travers du plan départemental d'insertion. Dans la nouvelle programmation 2007-2013, ils sont en diminution de 40 %. L'enveloppe a deux volets, l'un à destination des personnes relevant des plans locaux pour l'insertion et l'emploi, l'autre de ceux relevant du plan départemental d'insertion. Le refus de globaliser ces crédits et l'absence de critères plus favorables aux territoires ruraux placent ces derniers dans une situation très difficile, alors qu'ils doivent faire face à des charges de plus en plus lourdes, notamment pour assurer la reconversion des bassins en crise. A titre d'exemple, la subvention globale attribuée à mon département de l'Ariège, soit 2 millions d'euros sur six ans, baisse de 52 %.

Ces coupes franches ont de graves conséquences pour les acteurs du secteur, singulièrement pour les structures d'insertion par l'activité économique, les « lieux ressources », les entreprises d'insertion ou les associations intermédiaires, ces dernières ne bénéficiant que des crédits du FSE.

Alors que l'efficacité de toutes ces structures est unanimement reconnue, l'État ne compense pas la baisse des crédits et laisse les départements assumer seuls leurs responsabilités ; c'est le cas de l'Ariège, où le conseil général a maintenu ses subventions.

Quelles dispositions le Gouvernement entend-il prendre pour rétablir une répartition territoriale des crédits plus équitable et donner aux acteurs de l'insertion des raisons de ne pas désespérer ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme.  - En raison de l'élargissement de l'Union européenne, l'enveloppe FSE pour la période 2007-2013 a baissé de 27,34 %. Nous devons prendre en compte cette donnée nouvelle, quel que soit notre niveau de responsabilité. Compte tenu du rôle essentiel de l'insertion dans le combat contre le chômage, le Gouvernement a demandé aux préfets de région, en charge de la programmation des crédits FSE, de faire de l'insertion par l'activité économique une priorité. Entre 2007 et 2013, 183 millions d'euros seront programmés pour financer les structures d'insertion par l'activité économique, auxquels s'ajouteront les 21 millions de la ligne nationale pour le financement des têtes de réseau de cette forme d?insertion. Les préfets ont en outre été autorisés, sur 2007 et 2008, à programmer des actions au titre des reliquats de crédits 2000-2006.

Il faut de plus prendre en compte la possibilité qu'ont les conseils généraux de financer les structures d'insertion par l'activité économique au titre de la subvention globale qu'ils gèrent. Les directions régionales de l'emploi ont ainsi programmé pour ce dispositif 454 millions sur la période 2007-2013.

L'insertion par l'activité économique a bénéficié ces dernières années de moyens accrus : 197 millions de crédits d'État au titre du plan de cohésion sociale en 2008, contre 179 en 2005 ; aide à l'accompagnement des associations intermédiaires et dotations des fonds départementaux d'insertion plus que doublées ; création d'une aide à l'accompagnement dans les chantiers d'insertion, dotée de 24 millions ; maintien enfin en 2008, comme Mme Lagarde l'a annoncé le 29 novembre dernier, du volume des contrats aidés pour le secteur de l'insertion.

Le Gouvernement entend permettre aux structures d'insertion par l'activité économique de mener à bien leurs missions. La modernisation concertée de leurs financement est en cours dans le cadre du Grenelle de l'insertion, afin d'asseoir les engagements de l'État sur des éléments objectifs.

Comme vous le constatez, le Gouvernement a bien pris en compte la nouvelle donne et maintient ses priorités.

M. Jean-Pierre Bel.  - J'entends bien, mais tout cela ne trouve pas sa traduction sur le terrain ! Dans un département comme le mien, touché par la crise de ses mono-industries, comme l'aluminium, le textile, la papeterie, la baisse de 52 % des crédits FSE n'est pas sans conséquences sociales graves. La mission locale a été contrainte de supprimer cinq emplois, et des suppressions sont aussi à craindre dans les structures d'insertion par l'activité économique. Entre vos propos, monsieur le ministre, et ce que nos concitoyens constatent sur le terrain, il y a un gouffre ! Que le Gouvernement assume ses responsabilités !

Foie gras

M. Alain Milon.  - La filière foie gras a mis en oeuvre une charte de progrès sanitaire qui impose aux éleveurs des pratiques toujours plus exigeantes. Les palmipèdes élevés en plein air sont en effet plus vulnérables que d'autres au risque de la grippe aviaire. Un plan de modernisation de la filière participerait d'une meilleure prévention. Les investissements nécessaires sont nombreux, de l'acquisition de bacs d'équarrissage ou de matériels de désinfection à la construction de clôtures et d'abris. Le coût de ce plan est estimé à 5 000 euros par élevage, soit au total 15 millions d'euros, que la filière s'engage à financer à hauteur de 60 % ; elle attend de l'État et des régions les 40 % restant. Des crédits sont prévus dans les contrats de plan, ceux-ci offrant un cadre à l'État pour débloquer, si nécessaire, une aide exceptionnelle de 2 millions par an sur trois ans. Une fois le plan validé, il serait mise en oeuvre au travers d'un accord interprofessionnel.

Le Gouvernement compte-t-il allouer ce budget et aider ainsi à la modernisation de la filière ?

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme.  - Je vous prie d'excuser l'absence de Michel Barnier, ministre de l'agriculture, qui m'a demandé de répondre à sa place. Le sujet est important. L'obligation de déclaration des foyers d'influenza aviaire faiblement pathogènes permet de mieux les détecter dans les élevages de palmipèdes, particulièrement sensibles à ce virus.

Le plan de modernisation proposé par la filière « palmipèdes à foie gras » témoigne de la volonté qu'a cette dernière d'appliquer la charte de progrès sanitaire et de s'engager dans une logique de prévention et de précaution. Les pouvoirs publics désirent l'aider à lutter contre la présence de souches faiblement pathogènes en aviculture. Pour soutenir les premiers investissements, le budget de l'Office de l'élevage sera doté en 2008 d'une enveloppe de 1,5 million d'euros. Un message est ainsi envoyé à la filière et aux éleveurs.

M. Alain Milon. - Il sera entendu. Je vous en remercie.

Emplois vie scolaire

M. Robert Hue. - Je souhaite revenir sur un sujet qui nous préoccupe beaucoup : l'avenir des contrats « Emploi vie scolaire », créés dans le cadre de la loi de cohésion sociale en remplacement des emplois jeunes. Depuis le 15 décembre dernier, les contrats arrivés à terme ne sont pas renouvelés et tout recrutement est suspendu, sauf pour l'aide aux élèves handicapés et l'assistance administrative aux directeurs d'école.

Ces contrats avaient pour ambition d'être des tremplins vers l'emploi. Malgré leur faible rémunération, ces agents ont mené des actions pédagogiques saluées par la communauté éducative et par les parents d'élèves. Avec la décision du Gouvernement, tous les efforts pédagogiques engagés depuis dix ans s'arrêtent brusquement. Dans le Val-d'Oise, plus de cinq cents emplois sont supprimés, y compris dans les collèges « Ambition réussite ».

Aucune proposition de reclassement n'a été adressée aux intéressés. Le ministre de l'éducation nationale a pourtant affirmé, le 16 janvier dernier, à l'Assemblée nationale qu'un contrat aidé n'a pas vocation à être pérennisé, mais constitue une première étape vers l'insertion. Répondant à un courrier dans lequel je lui faisais part de mon inquiétude, M. Darcos a indiqué qu'une synergie entre les services de l'inspection académique, de l'ANPE et des Assedic permettrait de réinsérer ces personnes, et il a évoqué la possibilité d'effectuer un bilan de compétences. Or, aucun des échanges que j'ai eus avec les personnels concernés ne permet de le confirmer. Les élus, les personnels et les parents d'élèves sont scandalisés, et les écoles déstabilisées. Un investissement humain et matériel important est gâché par cette décision incohérente.

Monsieur le ministre, pouvez-vous me préciser les engagements que compte prendre le Gouvernement pour assurer la scolarisation et la réussite de tous les élèves ? Je demande la pérennisation des emplois vie scolaire afin d'assurer l'accueil des enfants handicapés et l'accompagnement des équipes pédagogiques.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État chargé de la consommation et du tourisme.  - M. Darcos, ministre de l'éducation nationale, vous prie d'excuser son absence et m'a chargé de répondre à sa place.

Les contrats d'accompagnement dans l'emploi (CAE) et les contrats d'avenir (CAV), créés dans le cadre de la loi de cohésion sociale en remplacement des contrats « emploi solidarité » et des contrats « emploi consolidé », sont regroupés sous l'appellation « emplois vie scolaire ». En fonction des orientations de la politique de l'emploi arrêtées dans la loi de finances pour 2008, le Gouvernement a prévu le maintien des personnels exerçant les fonctions d'assistant administratif d'un directeur d'école ou d'accompagnateur d'élèves handicapés. Il est donc prévu de les remplacer en cas de départ volontaire.

Le Gouvernement se soucie de ses obligations d'employeur et l'éducation nationale permet aux personnels sous contrat aidé de bénéficier d'actions d'accompagnement à l'insertion par le biais de formations à la micro-informatique, à l'accompagnement scolaire, à la psychologie, à la préparation aux concours, et de la validation des acquis de l'expérience (VAE). Ces formations leur sont dispensées par les services déconcentrés de I'éducation nationale, les établissements scolaires et les Greta hors du temps de travail. Et l'éducation nationale coopère étroitement avec les services publics de l'emploi, qui leur proposent des aides à la définition du projet professionnel, des bilans de compétence ou des entretiens individuels de diagnostic. Une convention entre l'éducation nationale et le service public de l'emploi est en cours d'élaboration afin d'améliorer l'information des intéressés sur ces dispositifs.

M. Robert Hue. - Je ne suis pas convaincu par votre réponse car il y a un fossé entre les paroles de M. Darcos et ses actes. Vous parlez de cas généraux, je parle concrètement. Les personnels dont le contrat s'est achevé en décembre ne seront pas remplacés. Imaginez la déception des enseignants et des élèves qui n'ont pas retrouvé ces aides lors de la rentrée de janvier. Cela va engendrer de nouveaux retards scolaires, par exemple dans ma ville, située dans une zone urbaine sensible.

J'insiste sur l'incohérence de la décision gouvernementale, qui a porté un mauvais coup à notre système éducatif et contribuera à dégrader les conditions de scolarité pour les personnels et les élèves. L'État n'a pas rempli son contrat. Pourquoi ne pas pérenniser ces emplois ? C'est ainsi que l'opinion publique se détache de votre politique sociale.

Dysfonctionnement des services d'urgence

M. Claude Biwer. - Une thèse d'État rédigée en 2007 par Jean-François Schmauch, un ancien colonel de sapeurs-pompiers lorrain, pointe des dysfonctionnements dans les services d'urgence français. Malgré les efforts des départements et des communes pour renouveler le matériel des sapeurs-pompiers, malgré le professionnalisme et le dévouement de ces derniers, l'organisation des secours pose problème. De ce fait, le nombre de contentieux au pénal est passé de dix-neuf en 1996 à six cent vingt et un en 2006.

La thèse du colonel Schmauch pointe des difficultés récurrentes, tels le temps d'attente téléphonique au centre régulateur 15 ou les délais d'intervention la nuit, le week-end ou en zone rurale. Selon les textes applicables à l'équipement des sapeurs-pompiers, il faudrait doubler le nombre d'engins, dont certains ont en moyenne vingt ans de service. La France compte deux cent mille pompiers volontaires, trente-huit mille professionnels et douze mille militaires à Marseille et à Paris. Malgré cela, les sapeurs-pompiers ne sont que quarante-neuf au kilomètre carré, contre trois cent quarante-six en Allemagne.

Les services du Samu et des sapeurs-pompiers sont mal coordonnés. Le bleu et le blanc ne s'accordent pas toujours... L'obligation pour les pompiers d'appeler le 15 pour une urgence médicale allonge souvent des délais d'attente et suscite l'incompréhension, voire crée des cafouillages entre services. La permanence des soins assurée par les médecins libéraux, aléatoire, instable et fragile, surtout en zone rurale, conduit, la nuit, à un engorgement des systèmes d'urgence et de la chaîne des secours.

Selon le directeur de la sécurité civile, les observations formulées par le colonel Schmauch seraient « dépassées ». Si j'en juge par le manifeste de septembre 2004 de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, qui fait état d'une « profonde dégradation de la situation au détriment des victimes et d'une augmentation des délais d'intervention », je crains que cela ne soit pas le cas.

S'il doit y avoir une régulation médicale préalable à tout départ de secours, le doute devrait profiter à la victime et, dans ces conditions pourquoi ne pas accorder une plus grande autonomie aux sapeurs-pompiers, comme c'était le cas avant la mise en place des centres 15 ?

Enfin, nous ne pourrons pas plus longtemps faire l'économie d'objectifs de performance stricts tant pour les appels que pour les délais d'intervention. La plupart de nos voisins européens y sont arrivés : en Angleterre, il faut moins de trois secondes pour répondre à 90 % des appels et en Allemagne chaque citoyen doit pouvoir être atteint par une ambulance en moins de huit minutes. Je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions aboutir aux mêmes résultats en France ; il en va tout de même de la vie de nos concitoyens. J'espère, monsieur le ministre, que vous pourrez nous rassurer.

M. Luc Chatel, secrétaire d'État.  - Mme Alliot-Marie vous prie de l'excuser et m'a chargé de répondre à une question qui préoccupe l'élu rural que je suis, dans un département voisin du vôtre, monsieur le sénateur. Cette question mérite une réponse franche.

Le Gouvernement va revoir l'organisation des secours à la personne, en instaurant une collaboration entre les différents acteurs, ainsi que l'a annoncé le Président de la République lors de la clôture du 114ème congrès national des sapeurs-pompiers, le 29 septembre dernier. En 2006, les Services départementaux d'incendie et de secours (SDIS) ont effectué deux millions cinq cent mille interventions, soit 70 % de leur activité et 7 % de plus que l'année précédente. Ces missions impliquent des relations permanentes entre les différents acteurs, en premier lieu les Samu. Leur médicalisation a permis ces dernières années de diminuer de 30 % la mortalité des urgences vitales. Ces progrès sont le fruit du travail de tous les acteurs de l'urgence.

Notre objectif commun est clair : il faut mieux s'organiser, mutualiser davantage les moyens, mieux se coordonner. C'est dans cet esprit que le ministre de l'intérieur a installé, le 16 novembre 2007, avec le ministre de la santé, un comité quadripartite regroupant les deux administrations de tutelle, les urgentistes et les sapeurs-pompiers. La mission de ce groupe est d'élaborer les instructions qui permettront cette évolution. Ainsi, la coordination régionale entre Sdis et Samu se concrétisera, dès 2008, par un rapprochement systématique des schémas départementaux d'analyse et de couverture des risques et des schémas régionaux pour l'organisation des urgences médicales et du secours aux personnes. Michelle Alliot-Marie a signé, le 31 décembre dernier, avec notre collègue Roselyne Bachelot, une circulaire en ce sens. Pour faire face à une augmentation sans précédent des demandes d'interventions, il faut repenser les modes de réception des appels au 15 et au 18 et l'interconnexion entre les différentes structures. La coopération entre les Sdis et les Samu sera améliorée grâce aux technologies de l'information qui facilitent les échanges de données en temps réel : dès 2008, seront mis en service des outils de radiocommunication numérique partagée. Pour une utilisation plus rationnelle des ressources, une expérimentation sera lancée également en 2008 dont l'objectif sera d'envoyer le plus rapidement possible une équipe auprès de la victime pour évaluer, sous le contrôle du centre 15, la réponse médicale la plus appropriée. Un comité de suivi évaluera l'efficacité de ce système de réponse graduée pour le généraliser dès 2009.

Grâce au dévouement des sapeurs-pompiers et des personnels médicaux des Samu, auxquels le Gouvernement veut une nouvelle fois rendre hommage, nos concitoyens bénéficient d'un système de secours efficace sur l'ensemble de notre territoire. Ce système peut et doit être amélioré ; c'est l'engagement que prend le Gouvernement.

M. Claude Biwer.  - Cet effort du Gouvernement me rassure. Encore un détail : celui qui appelle le 15 a intérêt à avoir fait des études médicales, tant on lui pose de questions pointues avant de décider de lui envoyer ou non quelqu'un.

Mobilité pédagogique dans les EPST

M. Henri Revol.  - Merci tout d'abord, madame la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, d'avoir répondu si vite à ma question et d'être aujourd'hui au Sénat alors que votre emploi du temps est bien chargé, avec la mise en oeuvre des lois recherche et université et, cela, au lendemain de la remise du rapport Attali.

Ma question est à l'intersection de vos deux préoccupations de l'instant : la recherche et l'université. Alors que la fluidité des passages entre ces deux secteurs est une nécessité, la complexité des pratiques et des textes entraîne une rigidité certaine. C'est notamment le cas pour un point précis, souvent évoqué par les personnalités auditionnées par notre Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques : l'extension du champ d'application du décret du 11 octobre 2001 qui, s'il prévoit une prime de mobilité pour les directeurs des Établissements publics, scientifiques et technologiques (EPST), n'est actuellement pas applicable aux ingénieurs et chargés de recherche de ces établissements. Pensez-vous procéder à son extension dans un proche avenir ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.  - Comme vous, je crois à la nécessité de fluidifier les passages entre le monde de la recherche et celui de l'enseignement supérieur. D'une part, la richesse de notre système de recherche repose sur les synergies que développent chercheurs et enseignants-chercheurs travaillant côte à côte dans des unités mixtes de recherche. D'autre part, la qualité de l'enseignement supérieur est fondée sur l'adossement des formations à la recherche. Il importe que les chercheurs puissent, s'ils le souhaitent, faire bénéficier les étudiants de leur expertise, sachant qu'eux-mêmes retireront des éléments de réflexion de ces échanges.

Le décret du 11 octobre 2001, en octroyant une prime de mobilité pédagogique aux directeurs de recherche, les incite à développer une activité d'enseignement. C'est une première étape dont l'extension aux chargés de recherche et ingénieurs de recherche revêt un intérêt certain. La modification de ce décret avait été envisagée en ce sens, mais elle n'avait pas tout à fait abouti, car toute modification d'un régime indemnitaire implique d'en mesurer l'ensemble des incidences, y compris reconventionnelles, dans les corps comparables. De surcroît, la réflexion avait été conduite dans un contexte différent de la situation actuelle, avant le vote de la loi du 10 août 2007 qui fait, des personnels des organismes de recherche travaillant dans des laboratoires liés à l'université, des membres à part entière de la communauté universitaire, électeurs ou éligibles dans les collèges correspondants, qu'ils soient directeurs, chargés de recherche ou ingénieurs, au même titre que, respectivement, les enseignants-chercheurs ou que les personnels ingénieurs de recherche et de formation.

De plus, bénéficiant de compétences élargies, les universités auront la possibilité de décider des primes et des dispositifs d'intéressement qui pourront aussi dans certains cas, être versés aux personnels des organismes de recherche exerçant des activités d'enseignement ou des responsabilités diverses dans l'université. Cette possibilité est symétrique de celle donnée aux EPST d'attribuer l'indemnité spécifique pour fonctions d'intérêt collectif aux enseignants-chercheurs directeurs de laboratoires.

La participation des chercheurs à l'enseignement est, avec l'accueil des enseignants-chercheurs en délégation dans les EPST, un des éléments du partenariat entre l'organisme de recherche et l'université dont le groupe présidé par le ministre François d'Aubert doit préciser les contours, tandis que les travaux menés par la commission présidée par Rémy Schwartz sur « l'avenir des personnels de l'université », devraient formuler des propositions en matière de mobilité et d'évolution des régimes indemnitaires.

Je souhaite que les deux dispositifs croisés, accueil des enseignants-chercheurs en délégation et participation des chercheurs à l'enseignement, facilitent la modulation de service des enseignants-chercheurs et, en particulier, l'allégement du service des jeunes enseignants-chercheurs, disposition novatrice également inscrite dans la loi du 10 août. C'est dans cet esprit qu'est intervenu le Président de la République le 28 janvier à Orsay, lorsqu'il a évoqué un double rattachement des jeunes recrutés dans les organismes de recherche et dans les universités. En effet, aujourd'hui, un jeune docteur reçu en même temps au CNRS et dans une université, doit faire un choix cornélien : soit choisir une carrière de chercheur et se priver du contact avec les étudiants et avec l'enseignement ; soit choisir une carrière d'enseignant-chercheur et consacrer beaucoup de temps à l'enseignement, au risque de perdre la possibilité de faire une recherche de haut niveau, faute de temps et de liberté d'esprit.

Il est de notre devoir de trouver une voie nouvelle qui concilie dans le temps les aspirations et les compétences, tout en préservant les besoins des institutions. Un double rattachement à un organisme de recherche et à un établissement d'enseignement supérieur permettrait de moduler dans le temps l'activité des jeunes chercheurs recrutés et je vous propose de travailler en ce sens. C'est dans ce cadre global, cohérent et renouvelé, que pourra être refondu efficacement le décret de 2001.

M. Henri Revol.  - Merci de cette réponse encourageante, qui ne m'étonne pas, connaissant vos efforts pour que ces deux milieux travaillent, enfin, la main dans la main. Je vous félicite pour cet engagement qui est dans la droite ligne de celui pris, hier, par le Président de la République. Notre Office parlementaire parraine des chercheurs : votre réponse apaisera les craintes et doléances dont ils nous font part fréquemment.

Frais de transport des handicapés

M. Philippe Leroy. - Le décret du 5 février 2007 a placé les frais de transport des handicapés dans le champ des dépenses couvertes par la prestation de compensation du handicap en établissement (PCH), selon des modalités d'application qui restent à préciser. Les frais de transport étaient jusqu'à présent financés par l'assurance maladie, soit sur la base d'une prescription médicale individuelle, soit par intégration dans les budgets de fonctionnement des établissements et services d'aide par le travail (Esat), des établissements d'éducation spécialisée, des maisons d'accueil spécialisée (MAS). Tout allait bien jusqu'à ce décret qui suscite de nombreuses questions !

Alerté par de nombreuses familles inquiètes, le ministre, M. Bas, a en avril 2007 demandé aux caisses d'assurance maladie de ne pas se presser d'interrompre les versements.

En Moselle, nous étudions comment intégrer les frais de transport dans la PCH ; mais nous ne pouvons légalement prendre en charge que le surcoût lié au handicap -dans la limite d'un plafond !- et non la totalité du coût de transport. Le « reste à charge » excède 1 000 euros par mois pour certaines familles ! Les établissements ont peur de voir la sécurité sociale se désengager du financement de leur budget transport. Tout le monde se tourne donc vers le département... La prestation de compensation du handicap en établissement est certes un progrès, parce qu'elle est un droit opposable, non une aide facultative. Mais les modalités d'application n'en ont pas été prévues.

Un groupe de travail a été mis en place. Quelles sont ses orientations ? Quels moyens seront dégagés pour les frais de transport ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.  - Ce problème, rendu plus aigu par la diversification des moyens de transport, retient toute l'attention du Gouvernement. L'accueil de jour dans les établissements est essentiel pour entretenir un lien social, mais le domicile des personnes handicapées est parfois très éloigné. La PCH a bouleversé le dispositif, en ouvrant la possibilité d'un financement des frais à hauteur de 12 000 euros sur cinq ans -le conseil général pouvant aller au-delà. La CPAM a donc décidé de se retirer du financement du transport.

Pour éviter toute rupture de prise en charge, l'État a demandé aux caisses d'assurer la transition avant l'instruction des dossiers de PCH. La PCH ne constitue pas, en outre, une réponse intégrale au problème posé. Et les prises en charge individuelles excluent l'organisation d'un service collectif.

Le groupe de travail mis en place étudie la possibilité d'inclure dans le budget des établissements, comme cela se fait pour les personnes âgées, les frais de transport des handicapés qu'ils accueillent. Il faudra aussi tenir compte de la situation des personnes qui n'optent pas pour la PCH et des personnes qui ont des besoins spécifiques en matière de transport. Le Gouvernement travaille à cette question en lien avec les associations.

M. Philippe Leroy. - Gouvernement et départements établissent un diagnostic identique. Il faut à présent déterminer si les caisses de sécurité sociale doivent ou non se désengager. Cela n'était pas prévu ! Mais elles ont profité de l'aubaine. Pour une fois, ce n'est pas l'État qui transfère des charges et refile à d'autres le mistigri... Nous sommes au moins d'accord sur le diagnostic : les solutions seront donc faciles à trouver.

Situation des entreprises adaptées

M. Georges Mouly. - Il est urgent de développer les entreprises adaptées pour sauvegarder les vingt mille emplois de salariés handicapés et aider ces établissements, situés entre l'entreprise classique et la structure médico-sociale, à jouer le rôle d'un service d'insertion professionnelle et sociale. Xavier Bertrand m'a récemment indiqué que la suppression pour 2008 de trois cent quatre-vingt sept postes aidés et l'absence de revalorisation de la subvention spécifique étaient la conséquence d'une sous-consommation des crédits de 2007. Le ministre m'assurait qu'une réflexion était engagée, associant les organismes gestionnaires des entreprises adaptées pour aboutir à une gestion optimale des crédits alloués. Il affirmait la détermination du Gouvernement à poursuivre la mise en oeuvre du plan de soutien et de modernisation lancé en 2006.

Cependant, la logique purement comptable ne correspond pas aux réalités des entreprises adaptées et cet arrêt brutal des aides budgétaires fragilise un outil précieux de l'insertion des handicapés. Le contingentement des aides au poste est un système pervers, qui contraint les entreprises à lier leur activité au niveau de l'aide accordée, limitant leur développement et leur recrutement. La sous-consommation s'explique par la non prise en compte du salarié malade, la lenteur des procédures administratives, l'impossibilité de moduler le contingentement, éventuellement les préconisations supplémentaires des services déconcentrés... Tout cela freine le développement des entreprises adaptées, donc l'insertion professionnelle des handicapés. Pourquoi négliger ainsi la valeur sociale ajoutée ? L'effort budgétaire de la collectivité nationale au profit d'un demandeur d'emploi handicapé se situe entre 8 000 et 11 000 euros par an, celui consenti pour un salarié handicapé est de 3 700 euros. Sans comptabiliser l'intégration et l'épanouissement des personnes concernées ! Nous avons tout à gagner à accompagner le développement des entreprises adaptées. L'Union nationale des entreprises adaptées vous a fait des propositions, qui ne s'inscrivent du reste pas dans une logique de « financements en libre service ». Cette contribution sera-t-elle intégrée aux réflexions engagées par le Gouvernement avec les responsables du secteur ?

Mme Valérie Pécresse, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche.  - Le Gouvernement est très attentif aux entreprises adaptées qui offrent à des personnes handicapées un véritable emploi rémunéré dans les conditions de droit commun. La loi du 11 février 2005 a voulu les conforter en rendant leurs ressources plus prévisibles et l'effort de l'État demeure fort en 2008 avec une enveloppe des crédits permettant de financer dix neuf mille six cent vingt-cinq aides au poste, ce qui est supérieur aux aides réellement consommées en 2007. Le Cnasea ayant mis en place un suivi mensuel, nous pourrons opérer les redéploiements nécessaires et financer de nouveaux projets.

Le Gouvernement partage votre souhait d'assouplir les contraintes liées au contingentement. Une plus grande souplesse des recrutements pourrait s'accompagner d'une clarification de la notion d'efficience réduite, ainsi que l'a suggéré l'excellent rapport du délégué interministériel. Nous allons en outre réfléchir aux conditions d'attribution de la subvention spécifique dont l'enveloppe 2008 s'établit à 42 millions.

Enfin, le Gouvernement a sa part de responsabilité à travers la commande publique : on peut réserver des marchés ou des parts de marché aux entreprises adaptées. Nous leur apportons un soutien fort et attentif.

M. Georges Mouly. - Je n'ai jamais douté de la volonté du Gouvernement mais les entreprises adaptées rencontrent des problèmes. Je vous remercie donc de cette réponse : suivi mensuel, redéploiements, assouplissements, mise en oeuvre de la notion d'efficience réduite et commande publique peuvent en effet aider les entreprises adaptées. Je suivrai l'évolution du dossier, mais je ne doute pas que, grâce au Gouvernement, la situation s'améliore.

La séance est suspendue à midi trente-cinq.

présidence de M. Christian Poncelet

La séance reprend à 16 h 15.