Questions d'actualité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement aux questions d'actualité.

Financement de la dépendance

M. Claude Domeizel .  - Le Président de la République a réuni hier les partenaires sociaux afin d'évoquer les réformes sociales à venir. (Exclamations à gauche) Le programme est particulièrement chargé : plus de huit textes sont annoncés simultanément. Quand on veut tout faire en même temps, on risque la thrombose sociale... Mais il est vrai que nous sommes maintenant habitués à la frénésie présidentielle...

M. Josselin de Rohan.  - Quand on ne fait rien, ils ne sont pas contents non plus !

M. Claude Domeizel.  - ...et qu'à la veille d'élections importantes, les effets d'annonce peuvent toujours servir. Sait-on jamais... Au programme : les retraites, l'organisation du système de santé, la politique familiale, la dépendance et les personnes âgées, sujet que le Gouvernement et sa majorité parlementaire semblent soudainement redécouvrir à travers la mission instituée ici même au Sénat. Tout à coup, vous voulez réformer la loi sur la dépendance sans qu'aucun bilan ait été dressé. Peut-être craignez-vous que l'on se rende compte que vous n'avez pas respecté vos engagements depuis 2003 : les conseils généraux financent 70 % de la dépendance, contre 30 % pour l'État alors que le coût devrait être supporté à égalité par les deux.

M. Guy Fischer.  - Eh oui !

M. Claude Domeizel.  - Depuis 2003, la participation de l'État n'a pas varié bien que le nombre de bénéficiaires soit passé de 550 000 à 1 million.

M. René Garrec.  - Et ce n'est pas fini !

M. Claude Domeizel.  - Le Président de la République n'a pas annoncé un euro supplémentaire pour la dépendance. Il est vrai que les 15 milliards de cadeaux fiscaux de l'été dernier vous empêchent de faire un geste envers ceux qui en ont le plus besoin ! (Protestations à droite)

M. Josselin de Rohan.  - Ah, cela faisait longtemps !

M. Claude Domeizel.  - En clair, pour faire face à la dépendance, les Français devront compter sur leurs propres moyens, soit sur leur patrimoine, s'ils en ont un, soit sur les assurances privées. A moins que, monsieur le ministre, vous n'annonciez des mesures concrètes...

M. Guy Fischer.  - Deux cents euros !

M. Claude Domeizel.  - ...qui prouvent que vous n'avez pas sonné le glas d'une prise en charge solidaire de la dépendance dans notre pays.

M. le président.  - Monsieur le sénateur, posez votre question !

M. Claude Domeizel.  - Que compte faire le Gouvernement ? (Applaudissements à gauche)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité .  - Ce qui pourrait créer une thrombose sociale, c'est l'absence de réformes.

M. René Garrec.  - Juste !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Monsieur le sénateur, rassurez-vous, nous mènerons toutes les réformes dont notre pays a besoin. (Applaudissements à droite)

M. Jacques Mahéas.  - Dont la réforme fiscale ? On le voit, elle fonctionne !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Et ces réformes, nous ne les avons pas décidées seuls dans notre bureau. Ce sont les Français qui les ont voulues, ce sont les Français qui ont élu M. Sarkozy en mai dernier ! (Vifs applaudissements à droite)

M. Jacques Mahéas.  - C'est ce qu'on verra aux municipales !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Monsieur Domeizel, pour bien parler de réformes, il faut avoir des références. Et les socialistes, en matière de réformes, n'en ont pas... Vous avez créé l'allocation personnalisée d'autonomie. Eh bien, il aurait fallu prévoir le financement correspondant ! (Protestations à gauche ; applaudissements à droite) Vous jugez sévèrement les erreurs du parti socialiste ? Eh bien, rassurez-vous, nous ne commettrons pas les mêmes ... (Brouhaha à gauche)

Quoi qu'il en soit, j'ai une proposition à vous faire. La dépendance est-elle un sujet de droite ou de gauche ? Je ne le crois pas. Nous devons relever un défi : la France compte 1,3 million de Français de plus de 85 ans, elle en comptera 2 millions en 2015. Nous devons avoir un débat serein : quels moyens pour quels besoins ? (« Très bien ! » à droite) Il faut créer des maisons de retraites, développer les soins à domicile, aller au-delà de la médicalisation en créant les maisons de retraite de demain. Il faut aussi faire en sorte que le reste-à-charge ne prive pas les personnes âgées de place en établissement.

M. Guy Fischer.  - Le reste-à-charge, parlons-en !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Ce reste-à-charge, aujourd'hui, il est de 1 500 euros en moyenne, plus de 2 200 euros en région parisienne à cause du prix du foncier. Le Président de la République a réuni hier les partenaires sociaux. Nous sommes d'accord sur la méthode et le calendrier. Ensemble, relevons le défi de la dépendance en laissant de côté la polémique. C'est ce que les Français attendent ! (Applaudissements à droite)

M. Dominique Braye.  - Bravo !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Oui, mais qui va payer ?

Pouvoir d'achat des retraités

M. Claude Biwer .  - Le pouvoir d'achat constitue l'une des préoccupations majeures des Français. Nos compatriotes sont victimes d'un phénomène de ciseau : d'un côté, une hausse des prix des produits de base -pain, lait, fruits et légumes, poissons- mais aussi des loyers, du gaz, du fioul ; et de l'autre, des revalorisations salariales qui ne permettent pas de compenser cette évolution.

M. Jacques Mahéas.  - Eh oui !

M. Claude Biwer.  - Tout le monde est touché : les actifs du secteur privé, durablement plombé par les 35 heures (exclamations à gauche) ; les agents du secteur public où les hausses de traitement n'ont pas été à la hauteur des espérances ; les trois millions de retraités qui, par définition, ne font pas grève et qui ne défilent pas.

Aux retraités de l'artisanat, du commerce et de l'agriculture, l'on avait promis une pension équivalant à 85 % du Smic par la réforme des retraites. Ce but n'est pas encore atteint. Les plus hautes autorités de l'État ont pris la mesure du problème. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat ironise) Ces derniers jours, le Premier ministre a annoncé que le minimum vieillesse serait revalorisé de 25 % en cinq ans et que les pensions de réversion seraient portées à 60 % du salaire d'activité. De son côté, le Président de la République a décidé hier d'accorder aux bénéficiaires du minimum vieillesse une prime de 200 euros comme avance sur les revalorisations à venir. (Marques d'ironie à gauche) Malgré l'effort budgétaire que cela représente, je crains que ceci ne soit pas suffisant.

Voici mes questions : à quelle date interviendra la revalorisation de 5 % du minimum vieillesse en 2008 ? Dans quelles proportions la pension de réversion sera-t-elle augmentée cette année ? Un coup de pouce sera-t-il accordé aux douze millions de retraités qui ne perçoivent pas le minimum vieillesse ? Enfin, compte tenu du déficit de l'assurance vieillesse, ne faudrait-il pas conduire une vaste réflexion sur le financement des retraites ? (Applaudissements au centre et sur quelques bancs à droite)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité .  - Nous tiendrons les engagements pris devant les Français. Si le Gouvernement a la volonté de revaloriser le travail, il n'oublie pas les retraités et leur pouvoir d'achat. Le minimum vieillesse sera revalorisé de 25 % au cours du quinquennat, nous ferons un premier pas dès cette année après en avoir débattu avec les partenaires sociaux. Nous avons décidé avec eux hier d'une méthode pour aborder la question des retraites ; les discussions s'engageront dès le mois prochain afin que le Parlement soit saisi à l'été du texte qui marquera le rendez-vous de 2008. La pension de réversion sera portée à 60 %.

M. Jacques Mahéas.  - Qui va payer ?

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Nous entendons garantir le pouvoir d'achat de tous les retraités ; il nous faut pour cela connaître le niveau de l'inflation et voir avec les partenaires sociaux à quel rythme peuvent évoluer les petites retraites. (Exclamations à gauche) Nous, nous respectons les partenaires sociaux ! (Applaudissements à droite)

Le Président de la République n'a pas attendu que ces discussions s'engagent ; il a annoncé hier qu'une somme de 200 euros serait versée dès le mois d'avril, financée par les excédents du Fonds de solidarité vieillesse. (Applaudissements à droite)

M. Dominique Braye.  - Les retraités lui en sont déjà reconnaissants !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il n'y a plus de sous !

M. Jacques Mahéas.  - Les caisses sont vides !

Devenir du site Arcelor-Mittal de Gandrange

Mme Évelyne Didier .  - Le bassin d'emploi lorrain subit des coups très rudes. Michelin veut fermer son site de Toul, où 826 emplois sont menacés. A Gandrange, Arcelor-Mittal a la même intention : 945 emplois directs sont appelés à disparaître et 1 200 emplois sont menacés chez les sous-traitants, dont les intérimaires qu'on oublie trop souvent.

Face à une décision purement financière, comme l'a confirmé un des dirigeants européens du groupe, le Président de la République et le Gouvernement entretiennent le trouble. L'État, a dit M. Sarkozy, prendra en charge tout ou partie des investissements nécessaires. (Mme Borvo Cohen-Seat s'exclame) S'agit-il d'un exercice de communication ou d'un engagement ? Après les propos récents de Mme Lagarde, selon lesquels il est hors de question que l'État subventionne le sauvetage d'une usine, on peut se poser la question ! Alors qu'elle a rappelé l'engagement du PDG d'Arcelor-Mittal d'attendre le contre-projet de l'intersyndicale, la direction du site a déjà proposé des reclassements à des salariés ... Quand le Gouvernement dit-il la vérité ?

L'État peut-il intervenir dans une entreprise internationale qui a réalisé huit milliards de bénéfices en 2007 ? L'exemple d'Alsthom, souvent mis en avant, n'est pas pertinent : l'État en était actionnaire. Comment convaincre Arcelor-Mittal ? Le Président de la République pourra-t-il tenir ses promesses ? Par respect pour les salariés, je demande au Gouvernement d'apporter des réponses précises à ces questions. Le langage approximatif ne passe plus en Lorraine ! (Vifs applaudissements à gauche)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité .  - Le sujet est suffisamment sérieux pour qu'on l'aborde dans la sérénité. Vous n'avez proposé aucune solution ; nous, nous allons en apporter. (Murmures à gauche)

Vous savez ce qu'a dit le Président de la République à Gandrange, où je l'ai accompagné. Il n'y a aucune fatalité (exclamations à gauche), nous n'allons pas laisser seuls les salariés d'Arcelor-Mittal pas plus que ceux des sous-traitants !

M. Dominique Braye.  - Sarkozy n'est pas Jospin !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - L'État prendra ses responsabilités. Comme l'a dit le Président de la République, nous préférons dégager des moyens financiers pour faire vivre le site plutôt que de financer des préretraites ou l'accompagnement de ceux qui seraient contraints de chercher un nouvel emploi. L'acier a un avenir, la demande est forte : pourquoi fermer une usine qui en fabrique ?

Pour mettre sur pied des solutions, il faut un partenaire. Le Président de la République a reçu M. Mittal, il s'est rendu à Gandrange, y a pris des engagements, recevra les organisations syndicales. Il reviendra sur le site et proposera des solutions à la lumière du dialogue social qui se sera tenu dans l'entreprise.

M. Jacques Mahéas.  - Quelles solutions ?

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Les salariés ont bien compris que le Président de la République sera à leur côté du début à la fin. Nous tiendrons les engagements pris, à la grande différence de ce qui s'est fait dans le passé ! (Applaudissements à droite)

M. Jacques Mahéas.  - La litanie habituelle !

Rythme des réformes

M. Georges Othily .  - Le Président de la République se rendra en Guyane les 11 et 12 février. Nous attendons beaucoup, car le développement économique est au coeur de nos préoccupations, de sa rencontre avec l'ensemble des acteurs. Que pouvons-nous espérer de cette visite ?

Le Sénat et l'Assemblée nationale vont bientôt interrompre leurs travaux, comme le veut l'usage républicain à l'approche d'élections importantes pour notre pays. C'est l'occasion de dresser un premier bilan de l'effort engagé de puis le mois de juin par ce Gouvernement. Certains estiment que le Parlement est trop sollicité, d'autres, au contraire, que le rythme des réformes est trop lent et que les résultats concret se font attendre. J'estime quant à moi que le Sénat a pris sa part dans le train soutenu de réforme lancé depuis huit mois. (Mouvements divers) Conformément à sa tradition, et à sa raison d'être, notre assemblée a largement contribué à améliorer les textes présentés par le Gouvernement. Je ne doute pas qu'il en fera de même à la rentrée.

À la veille des élections municipales, il importe d'éclairer nos concitoyens sur l'action menée par le Gouvernement depuis juin. (On s'amuse à gauche) Après huit mois, quel bilan concret dresser, à leur intention, des réformes engagées ? (Rires à gauche) Dans la perspective de la reprise de nos travaux, quel programme le Gouvernement entend-il nous soumettre, et à quel rythme ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement .  - Monsieur le sénateur...

Plusieurs voix à gauche.  - Tout va très bien !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Le Président de la République, en Guyane, apportera des précisions sur le nombre de zones franches que devra prévoir le projet de loi de programmation pour l'outre-mer qui sera soumis au Parlement au printemps, et annoncera les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et le développement économique du département. Il en profitera également, afin de favoriser l'intégration régionale de la Guyane, pour rencontrer le président Lula.

Vous m'interrogez sur le rythme des réformes : il a été soutenu. Vingt-quatre lois sont d'ores et déjà promulguées...

M. Paul Raoult.  - Et les décrets d'application ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - ...et nous allons poursuivre ! Le rythme, non seulement ne fléchira pas, mais devrait s'intensifier. Des réformes fortes nous attendent : modernisation économique,...

M. Charles Gautier.  - Rigueur !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - ...marché du travail, loi pénitentiaire...

Vous avez raison de m'interroger, car il importe d'éviter la désinformation chronique ! Les lois adoptées commencent à produire leurs effets.

M. Jacques Mahéas.  - Sur le commerce extérieur ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - En octobre, ce sont 40 % des entreprises, au lieu de 10 % auparavant, qui proposaient des heures supplémentaires, à hauteur de 20 millions ; 40 millions en novembre pour 50 % d'entreprises...

M. Jacques Mahéas.  - Et en décembre ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - 75 % des successions sont désormais détaxées. Nous allons monétariser les RTT.

M. le président.  - Il faut conclure !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Nous avons réformé le dépôt de garantie pour les locataires. Les universités, que l'on disait irréformables ? Elles ont toutes un statut d'autonomie. Les peines plancher, que l'on disait inapplicables ? Quatre mille cinq cents ont été prononcées en trois mois.

Oui, monsieur le sénateur, nous avons, ensemble, une responsabilité à assumer : celle de réformer le pays ! (Applaudissements sur les bancs UMP)

Événements du Tchad

M. Xavier Pintat .  - Je souhaite en préambule rendre hommage au remarquable travail des soldats français du Tchad.

N'Djamena a vécu, samedi dernier, une tentative de renversement du gouvernement d'ldriss Déby par des groupes rebelles. On déplore de nombreux morts et des blessés, y compris dans la population civile. Environ trente mille Tchadiens se sont réfugiés au Cameroun voisin.

Cette tentative de prise de pouvoir par la force a été fermement condamnée par l'Union européenne et le conseil de sécurité des Nations unies, par la voix de son président.

Les troupes françaises, déployées dans le cadre de l'opération Épervier, ont procédé avec rapidité et efficacité à l'évacuation de plusieurs centaines de ressortissants français et étrangers sur place, notamment les personnels des ambassades d'Allemagne et des États-Unis. Elles n'ont à aucun moment, ainsi que les accuse injustement l'alliance rebelle dirigée par le général Nouri, pris part aux combats. Elles ont strictement respecté les termes de l'accord de coopération technique qui nous lie au Tchad et porté secours aux blessés tchadiens, transférés dans des centres de soins, y compris à l'hôpital militaire français.

Le ministre de la défense revient tout juste du Tchad. Alors qu'un calme relatif est revenu à N'Djamena, pouvez-vous, monsieur le ministre, faire le point sur la mission assignée aux forces françaises au regard de nos accords avec le Tchad mais aussi de la déclaration du Conseil de sécurité ?

Comment se présente la poursuite du déploiement de la force européenne Eufor, alors que les vingt pays participants viennent de réaffirmer leur engagement lors de la dernière réunion du comité politique et de sécurité, à Bruxelles ? Peut-on espérer une reprise rapide du déploiement de cette mission, indissociable de la mise en place de la force hybride de l'Union africaine et des Nations unies au Darfour ?

M. Jean-Marie Bockel, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie .  - Je vous prie d'excuser l'absence de M. Morin qui, rentré hier du Tchad, s'est rendu aujourd'hui au sommet de l'Otan, à Vilnius.

Je salue, avec vous, le courage et le professionnalisme de nos soldats, engagés dans des actions d'extraction souvent très dangereuses. Ils ont strictement respecté les termes de nos accords techniques, ce qui renforce la légitimité de notre action, et le président ldriss Déby n'a pas manqué de remercier la France de son soutien. À l'heure où je vous parle, les combats se poursuivent à la suite d'offensives rebelles. La France rappelle, avec le conseil de sécurité de l'Onu et l'Union africaine, la légitimité du gouvernement tchadien. Elle continuera de lui apporter un soutien logistique, matériel et humanitaire.

Les troubles, provoqués par des rebelles venus du Soudan, illustrent la pertinence de l'Eufor. La question des réfugiés du Darfour reste entière. Les contributeurs européens sont déterminés à respecter leur engagement. Le général Nash, en charge du commandement, a suspendu le déploiement des forces jusqu'au 12 février. L'évaluation de la situation permettra alors de se déterminer sur le redéploiement des forces, qui pourra s'effectuer avant la saison des pluies.

La France, soutenue en cela par la communauté internationale, est déterminée à accomplir sa mission. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Salariés de la grande distribution

M. Yannick Bodin .  - Ma question s'adresse à Mme la ministre de l'Économie. (Voix à gauche : « Elle n'est pas là. ») Le 1er février, 80 % des magasins de la grande distribution ont été touchés par une grève de leurs personnels, mouvement sans précédent pour ces salariés peu syndiqués, précarisés et qui subissent souvent des pressions très fortes de la part de leur encadrement.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - C'est vrai.

M. Yannick Bodin.  - Temps partiel contraint, horaires éclatés, heures supplémentaires non comptabilisées, travail pénible et maintenant la menace de devoir travailler le dimanche, tout cela pour des salaires qui atteignent à peine le Smic, quand ils ne sont pas en dessous. Une caissière à temps partiel -car ce sont surtout des femmes- gagne 770 euros nets, 50 euros en dessous du seuil de pauvreté ! Les conditions de vie, à ce niveau de pouvoir d'achat, confinent à la précarité, voire à la détresse sociale, surtout les mères élevant seules leurs enfants. Tout cela pour des retraites qui, même après quarante années de cotisation, n'atteignent pas souvent le minimum vieillesse !

Si les salaires sont très faibles dans la grande distribution, les profits ne cessent d'y battre des records ! Neuf salariés sur dix à temps partiel, pourtant, souhaiteraient passer à temps plein !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est cela, le « travailler plus pour gagner plus » !

M. Yannick Bodin.  - Que compte faire le Gouvernement pour encourager le travail à temps plein ? Pour augmenter le pouvoir d'achat ? Les organisations syndicales demandent une véritable remise à plat des salaires comme des conditions de travail, ils demandent plus de justice et des conditions de vie dignes du XXIe siècle !

M. le président.  - Veuillez conclure !

M. Yannick Bodin.  - Il faut que des discussions s'engagent dans la grande distribution, les caissières de toutes les grandes surfaces attendent des actions précises ! (Applaudissements à gauche et sur quelques bancs du centre)

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Pour une fois, la gauche pose une bonne question...

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité .  - Votre question est l'occasion d'évoquer deux priorités du Gouvernement. D'abord les négociations salariales dans les grandes surfaces. J'ai souhaité qu'elles aboutissent le plus rapidement possible, nous avons pris des dispositions dans ce sens dans le dernier projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les conditions de travail, ensuite, et d'abord le temps partiel subi et les horaires éclatés. C'est un point que j'ai évoqué déjà fin 2007. Le principe en a été fixé en 1972 : à travail égal, salaire égal. Or, nous sommes loin du compte dans la grande distribution. Je l'ai rappelé lors de la conférence sur l'égalité salariale, les grandes surfaces ne sauraient déroger à la règle et un texte interviendra sous deux ans dans ce sens.

M. Michel Dreyfus-Schmidt.  - On rase gratis !

M. Xavier Bertrand, ministre  - Il faut que les choses changent dans ce domaine. Le temps partiel fait que les salaires, effectivement, n'atteignent pas le Smic, alors que les salariés, des femmes pour la plupart, doivent assumer leurs charges de transport et de garde d'enfant. Les partenaires sociaux s'engagent à favoriser le temps complet, deux enseignes feront très prochainement des actions exemplaires dans ce sens. Il en va du pouvoir d'achat, et tout simplement de la qualité de vie des salariés ! Ainsi, chaque fois qu'un conflit social se fait jour, ce qui compte d'abord, c'est la capacité de chacun à proposer des solutions ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Bonne réponse !

Plan Alzheimer

M. Jean-Luc Miraux .  - Vendredi dernier à Sophia-Antipolis, le Président de la République a présenté son « Plan Alzheimer » : 1,6 milliard sur cinq ans pour l'aide aux 850 000 malades que compte aujourd'hui la France, alors qu'ils n'étaient que 350 000 en 2001 ! Cette aide est très attendue par les familles de France qui toutes, ou presque, sont touchées par cette disparition mentale des proches ; drame terrible qui touche aussi des personnes jeunes : 6 000 malades ont moins de 60 ans. Cette aide aux malades est également très attendue par les élus locaux, engagés sur le terrain. Je sais l'implication du Président de la République, du Premier ministre dans ce dossier, auquel sont associées Mme Létard et Mme Pécresse. Madame la ministre de la santé, comment le Plan Alzheimer va-t-il renforcer le dépistage, améliorer la prise en charge des malades et accélérer la recherche ?

La France, lors de sa prochaine présidence de l'Union européenne, a-t-elle l'intention de faire de la lutte contre la maladie d'Alzheimer un enjeu européen ? (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de la santé, de la jeunesse et des sports .  - La maladie d'Alzheimer représente un enjeu majeur pour la santé publique et vous rappelez utilement que le Plan Alzheimer est doté d'1,6 milliard en cinq ans. Je salue le travail du professeur Joël Ménard, qui a conduit les réflexions à l'origine de ce plan d'action.

Pour mon seul ministère, ce plan comporte 22 actions. Nous allons ouvrir 38 nouvelles consultations mémoire en cinq ans, pour le dépistage, avec l'objectif d'un point de dépistage pour 15 000 habitants de plus de 75 ans.

Un centre dédié aux malades jeunes -de six mille à huit mille personnes atteintes par la maladie ont moins de 60 ans ; des unités spécialisées dédiées dans les soins de suite et de réadaptation ; une carte d'information sur les complications éventuelles, à destination des malades et de leur famille ; un volet recherche fondamentale de 200 millions d'euros, dont 45 dans le cadre du programme hospitalier. Enfin, le Président de la République et le Premier ministre ont décidé de faire de la maladie d'Alzheimer l'une des trois priorités de la présidence française de l'Union européenne en matière de santé. L'implication du Gouvernement sur le sujet est totale. (Applaudissements à droite et au centre)

Évaluation des politiques publiques

M. Bernard Angels .  - À l'heure où les agences privées de notation portent une part de responsabilité dans la crise des subprimes, vous avez cru judicieux, monsieur le Premier ministre, de recourir à la notation des ministres par des cabinets privés. Le simplisme de la démarche aurait pu être mis sur le compte de la maladresse d'un conseiller en communication, mais vous n'en n'êtes pas à votre coup d'essai. La révision générale des politiques publiques que vous menez dans le plus grand secret suit le même procédé : on assène à nos concitoyens, aux parlementaires, aux responsables locaux des décisions auxquelles ils n'ont nullement été associés.

L'évaluation participative, pluraliste et démocratique des politiques publiques n'est décidemment pas votre affaire. Les responsables publics que nous sommes auront été méprisés. Aux citoyens et à leurs représentants vous préférez les consultants privés que vous engagez à grands frais, mettant au chômage technique les grands corps d'inspection. (Sourires)

Sans compter le problème que pose l'accès de cabinets privés à vocation marchande à des données administratives confidentielles ou secrètes...

Monsieur le Premier ministre, quand cesserez-vous de poursuivre votre rêve d'une technocratie privée ? Quand associerez-vous le Parlement aux évolutions ? Les données fiscales, judiciaires, ou relatives à la sûreté extérieure, à la défense, aux marchés publics, sont-elles à l'abri des indiscrétions auxquelles vous les exposez si légèrement ? (Applaudissements à gauche)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement .  - Je crains que vous ne mélangiez plusieurs questions...

M. Josselin de Rohan.  - C'est totalement hors sujet !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Rien n'est hors-sujet au Parlement... On ne note pas les ministres, on évalue les politiques conduites par les ministres : ce n'est pas la même chose ! (Mme Borvo Cohen-Seat s'exclame)

M. Robert Hue.  - Sauvés !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - La responsabilité des membres du Gouvernement est bien évidemment devant le Parlement, non devant des agences de notation. (« Très bien ! » et applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Il sera bien noté !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Il s'agit de mesurer l'efficience des politiques publiques afin, le cas échéant, de les infléchir. Tous les gouvernements, de gauche comme de droite, ont cherché à rendre leur action la plus efficace possible ! (M. Mahéas s'exclame) Il y a toujours eu des experts, des rapports.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Parlons du rapport Attali !

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Ce sont des éléments indispensables à l'analyse, mais, in fine, c'est bien évidemment le pouvoir démocratique de la représentation nationale qui prime. Pas moins de 84 lois ont été votées et promulguées depuis huit mois !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ce n'est pas ce qu'il s'est fait de mieux...

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Rien ne se fait sans l'aval du Parlement, dont le rôle sera renforcé lors de la révision constitutionnelle que vous aurez à examiner prochainement.

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État.  - Je sais que vous aurez à coeur de participer pleinement aux débats qui auront lieu à ce moment. (Applaudissements à droite)

M. Dominique Braye.  - Bravo !

Agenda social

M. Jean-François Humbert .  - Le Président de la République s'est engagé à conduire des réformes ambitieuses en matière de protection sociale en plaçant les relations sociales sous le signe du dialogue.

Monsieur le ministre, vous avez conduit avec succès la réforme des régimes spéciaux à l'automne, preuve que le dialogue social, combiné à l'action, est crucial pour faire aboutir les réformes. Mais il reste encore beaucoup à faire, qu'il s'agisse des retraites et de la revalorisation du minimum vieillesse, de la création d'un cinquième risque pour les personnes âgées ou handicapées, de l'assurance maladie ou de la prise en considération de la pénibilité de certains métiers.

Le Président de la République a réuni hier les partenaires sociaux pour évoquer avec eux les enjeux et les réformes à mener en 2008. Monsieur le ministre, pouvez-vous aujourd'hui nous donner des précisions sur ce qui a été annoncé ? Quel sera le calendrier des réformes, nécessaires et attendues, de la protection sociale ? (Applaudissements à droite)

M. Xavier Bertrand, ministre du travail, des relations sociales et de la solidarité .  - Comme pour nos précédentes réformes sociales, notre méthode reste celle de la main tendue aux partenaires sociaux. Le Président de la République a souhaité les rencontrer hier à l'Élysée pour déterminer avec eux un calendrier.

Le climat a été à cette occasion très constructif. Cette méthode apaisée sera plus efficace pour mener les grandes réformes dont le pays a besoin. Sur les retraites, j'engagerai le mois prochain les discussions avec les partenaires sociaux, afin de présenter un texte au Parlement à l'été.

M. Guy Fischer.  - Encore une fois pendant les vacances ? Ah non !

M. Xavier Bertrand, ministre.  - Quant au cinquième risque, j'organiserai, avec Mme Létard, les négociations avec tous les acteurs, y compris la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), les associations, les présidents des conseils généraux,... Un projet de loi sera élaboré pour la même échéance.

Mme Bachelot mènera la concertation sur les textes relatifs à la santé et l'assurance maladie ainsi que sur la famille. Le droit opposable à la garde d'enfant, pour toute femme qui travaille ou en démarche d'insertion, sera une réalité en 2012. Dans le cadre de la convention d'objectifs et de moyens de la CNAF, les besoins seront définis, les contours de ce droit précisés. Et ce afin de vous présenter un texte en 2009.

Nous avons une méthode, le dialogue, et une complète détermination pour mener toutes les réformes dont le pays a besoin et que les Français ont envie de voir se réaliser. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Préjudice écologique et collectivités locales

M. Bruno Retailleau .  - Le 16 janvier dernier, le tribunal correctionnel de Paris a reconnu le principe d'un préjudice écologique dans le jugement de l'affaire de la marée noire provoquée par l'Erika. Les collectivités ont pris une part déterminante dans ce combat judiciaire. Mais cette avancée est fragile. Elle n'est qu'une étape vers une véritable prise en charge des problèmes de l'environnement par les collectivités. Aujourd'hui, celles-ci ne peuvent se porter partie civile que dans de rares cas, comme l'atteinte à un bien propriété de la commune, ou lorsqu'elles exercent une compétence spécifique de préservation, de conservation ou de gestion du territoire. Hormis ces cas, l'intérêt qu'elles veulent légitimement défendre se confond, selon la doctrine des tribunaux, avec l'intérêt général, représenté par le ministère public. Cela ne me paraît pas très satisfaisant...

M. Henri Revol.  - Tout à fait !

M. Bruno Retailleau.  - ...car les collectivités sont toujours en première ligne dans ces questions.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Absolument !

M. Bruno Retailleau.  - C'est d'autant plus choquant que les associations agréées se sont vu reconnaître un intérêt à agir, qui n'est pas reconnu pour les collectivités ! (On approuve sur les bancs UMP)

Les collectivités sont pourtant entrées dans l'âge adulte : l'heure n'est-elle pas venue de moderniser le droit afin de leur donner capacité pleine et entière à défendre leur territoire lorsqu'il est blessé par une atteinte à l'environnement ? (Applaudissements à droite, au centre et sur plusieurs bancs des groupes socialiste et CRC)

Mme Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'État chargée de l'écologie .  - La décision du 16 janvier est une étape très importante pour la suite judiciaire et pour les prolongements du Grenelle de l'environnement. La responsabilité est au coeur du développement durable. Le tribunal de grande instance a considéré que seules pouvaient recevoir réparation les collectivités qui exercent une compétence spécifique en matière d'environnement, leur conférant une responsabilité particulière de gestion, de conservation et de préservation du territoire. Autrement dit, les départements, et encore. Or les communes du littoral sont, à l'évidence, actives dans la conservation et la gestion de territoires. La cour d'appel a été saisie, elle va se prononcer.

La TGI a cependant ouvert très largement à toutes les communes la possibilité de se porter en justice en raison d'une atteinte à leur image ou à leur réputation. Et toutes celles qui l'ont fait ont obtenu un dédommagement de l'ordre de 300 000 euros. C'est le cas de neuf communes dans votre département de la Vendée.

L'accès à la réparation est hautement symbolique. Nous étudierons la décision de la cour d'appel avec une grande attention, afin d'en tirer toutes les conséquences. Mais, dès le printemps, le projet de loi du Grenelle de l'environnement sera présenté au Parlement, qui transposera la directive sur la responsabilité environnementale. Ce sera l'occasion de discuter de nouvelles dispositions sur le point que vous évoquez. (Applaudissements à droite)