Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle les réponses du Gouvernement à dix-huit questions orales.

Pass-Foncier

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Le Pass-Foncier facilite l'accès des familles modestes à la propriété : les acquéreurs s'acquittent du prix du bâtiment, le 1 % logement porte le foncier. L'avantage principal est une TVA à 5,5 %. Les conditions d'éligibilité doivent toutefois être maintenues durant quinze ans ; sinon, les accédants doivent payer un rappel de TVA, certes dégrevé d'un dixième par année de détention au-delà de la cinquième année, quelle que soit la cause de la perte d'éligibilité. Pourquoi cette sanction ? Comment expliquer la distorsion entre l'avantage accordé à l'accédant qui aliène le bien et celui qui, faute de pouvoir acquérir le terrain, doit acquitter le rappel ? Enfin, seules les conventions conclues avant le 31 décembre 2010 pourront se prévaloir de ce système. Vu la publication tardive des textes d'application, ne pourrait-on proroger les modalités actuelles par décret ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - Le Pass-Foncier facilite l'accès à la propriété des plus modestes. Jusqu'ici, il s'appliquait uniquement à l'acquisition d'une maison individuelle, avec un remboursement en deux temps : bâti puis terrain. Il s'accompagne d'une TVA à 5,5 % et peut se cumuler au prêt à taux zéro. Ce dispositif avantageux a permis de financer 4 700 « maisons à 15 euros ». La loi de mobilisation pour le logement l'a étendu aux logements collectifs afin d'atteindre l'objectif de 30 000 Pass en deux ans.

Le décret du 22 juin 2009 relatif aux emplois du 1 % logement fixe la durée maximale du prêt à 35 ans, avec un différé d'amortissement de 25 ans. Le taux d'intérêt pendant le différé est de 1,25 % pour les ménages dont les entreprises contribuent au 1 % logement et de 2,25 % pour les autres. En période d'amortissement, il est de 4,5 %. L'accédant peut rembourser son prêt par anticipation à tout moment. Le décret fiscal du 20 mai dernier précise les modalités d'application de la TVA réduite aux logements ainsi financés.

Tout est fait pour apporter les meilleures garanties aux ménages. La seule condition requise pour conserver l'avantage de TVA est d'occuper le logement comme résidence principale pendant quinze ans, ce afin d'éviter les effets d'aubaine. En cas de revente du bien, la restitution de l'avantage de TVA est dégressive après cinq ans, et nulle après quinze. Elle ne s'applique pas si le bien est vendu à la suite d'un accident de la vie.

Le Gouvernement fait tout pour faciliter l'accès à la propriété. J'ai d'ailleurs entamé les négociations avec le 1 % logement pour sécuriser la sortie du dispositif. Bref, l'ensemble est équilibré.

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Merci de ces assurances, mais vous ne m'avez pas répondu sur une éventuelle prolongation du dispositif, compte tenu des délais de publication des décrets... Pour les ménages très modestes, le dégrèvement est un réel problème.

Financement des programmes de modernisation des itinéraires routiers

M. René-Pierre Signé.  - Les préfets de région sont chargés d'établir les programmes de modernisation des itinéraires routiers 2009-2014, qui succèdent au volet routier des contrats de plan État-région.

La loi du 13 août 2004 a transféré aux départements la majeure partie du réseau routier national. L'État s'engageait à ne plus solliciter les collectivités pour financer les 11 800 kilomètres de routes dont il a conservé la maîtrise. Or voici que le Gouvernement demande une participation financière aux départements et aux régions pour les programmes routiers nationaux !

Dans la Nièvre, le Gouvernement sollicite une participation financière pour la réalisation de 10 millions d'euros sur les travaux d'aménagement de la RN 151, itinéraire qui devait faire l'objet d'une concession autoroutière et dont les perspectives d'avenir ne sont toujours pas clairement arrêtées, ainsi que de 125 millions d'euros pour l'aménagement de la RN 7 entre la déviation de Moiry et le département de l'Allier.

Je vous rappelle que dans une lettre ouverte adressée au Premier ministre début mars 2009, le président du conseil général, indiquant que la dette de l'État à l'égard du département au titre de la non-compensation intégrale des transferts de compétences et de personnel s'élevait, depuis 2002, à 74 millions d'euros, demandait le versement, au minimum, des 15 millions d'euros dus au titre de la seule année 2008.

Compte tenu des engagements pris en 2007, il serait normal que la réalisation de l'ensemble des travaux prévus sur les routes nationales soit inscrite au budget de l'État sans faire appel au cofinancement des collectivités locales.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - Dans le cadre de l'élaboration des PDMI, les préfets ont été tout d'abord sollicités pour proposer les opérations à retenir pour la période 2009-2014, compte tenu de leur degré d'avancement et en fonction des échanges engagés avec les élus locaux. Après examen national, des mandats leur ont été adressés identifiant les projets qui feraient l'objet d'un engagement ferme et mentionnant l'enveloppe budgétaire trisannuelle correspondant à la part de l'État. Les crédits mobilisés s'élèvent à plus de 4,5 milliards, soit un montant comparable à celui qui avait été consacré aux routes sous les contrats de plan précédents. Les préfets ont proposé aux collectivités locales de s'associer aux financements pour accélérer les opérations, ce qui devrait permettre d'en retenir davantage. Il est normal que l'État attende des crédits qu'il engage un effet de levier suscitant des investissements supplémentaires. Je puis vous dire que dans mon département, la RN 44, qui attend depuis 30 ans des financements, ne pourra être inscrite qu'avec le concours des collectivités concernées.

A cet appel des préfets, les collectivités restent libres de répondre favorablement ou non. Si les discussions ainsi conduites font cependant apparaître que les crédits mobilisés ne permettent pas le bouclage des opérations, l'État sera inévitablement amené à revoir le calendrier de réalisation des travaux et ne sera pas en mesure d'élargir la liste, alors que l'objectif est bien d'inscrire un maximum de projets sur la période 2009-2014.

M. René-Pierre Signé.  - Vous comprendrez que cette réponse ne puisse me satisfaire. Le préfet, dites-vous, propose aux collectivités de s'associer ? Non, il exige, et vous le savez bien puisque vous dites vous-même qu'en cas de réponse négative, les projets seront retardés.

Je vous rappelle les propos du ministre d'État, tenus à l'Assemblée nationale le 27 novembre 2007 : « Le principe du décroisement des financements au-delà de l'actuel contrat de plan a été posé. En application de ce principe, l'État concentre ses crédits sur le réseau qu'il conserve et les départements font de même sur le réseau qui leur est transféré et ne participent plus au développement des futures routes nationales ». Or, ce que vous venez de dire est bien différent.

J'ai évoqué les difficultés de la Nièvre, dont les ressources sont particulièrement contraintes, notamment en raison d'une compensation incomplète des transferts. Les collectivités locales ont pourtant joué le jeu du plan de relance en engageant, dès 2009, un gros effort d'investissement, à hauteur de 54,4 milliards.

Je ne vois rien d'inconvenant ni d'illogique à vous demander de tenir les engagements pris par le ministre d'État en 2007 et d'inscrire au budget de l'État l'ensemble des travaux prévus sur les RN 7 et RN 151.

Péage du périphérique nord de Lyon

M. Gérard Collomb.  - Ce que je vais demander ne coûtera rien à l'État. Ma question porte sur le périphérique de l'agglomération lyonnaise, entré en service en 1997 et qui, constitué d'ouvrages d'art, a été financé conjointement par la communauté urbaine de Lyon et le département du Rhône.

Les tarifs actuels de son péage, autorisés par décret du 11 décembre 2001, doivent évoluer, comme ceux de tout service public, pour préserver, en tenant compte du coût de la vie, l'équilibre entre ce qui est payé par les usagers et ce qui est payé par le contribuable ainsi que pour financer les investissements requis par les nouvelles normes de sécurité des tunnels routiers fixées par l'État à la suite de l'accident du tunnel du Mont-Blanc.

Si la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales a laissé aux collectivités toute latitude en matière de péage, indiquant que l'institution d'un péage pour l'usage d'un ouvrage d'art est décidée par délibération de la collectivité, elle prévoyait cependant qu'un décret en Conseil d'État, à paraître en septembre 2004, fixerait les conditions d'exercice de cette liberté. Près de cinq ans plus tard, ce décret n'est toujours pas paru !

M. le secrétaire d'État aux transports m'avait indiqué, dans une réponse à une question écrite posée le 19 février, qu'il était en cours de préparation. Je n'ai toujours rien vu venir. La communauté urbaine de Lyon est donc dans l'impossibilité de délibérer pour réviser les tarifs du tronçon nord du périphérique.

En conséquence, je vous demande de bien vouloir me préciser à quelle date seront prises les dispositions réglementaires nécessaires pour faire évoluer les tarifs de ce type d'ouvrage.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - La loi de 2004, rappelant que l'usage des ouvrages d'art est en principe gratuit, précisait toutefois qu'un péage pouvait être institué lorsque l'utilité, les dimensions et le coût de l'ouvrage le justifiaient. Pour préciser ce qui pouvait entrer dans ces caractéristiques, l'élaboration d'un décret était donc nécessaire. Sa mise au point est aujourd'hui achevée. Il sera adressé au Conseil d'État dans les tous prochains jours.

Il retient pour principe que seuls les ponts, les tunnels et les tranchées couvertes les plus importants par leur taille et leur coût pourront être mis à péage. Ces critères sont en cohérence avec la complexité des contrats de délégation de service public et les coûts de perception de péage, qui ne sont pertinents que pour des investissements significatifs, soit un montant minimal d'une vingtaine de millions d'euros, ainsi qu'il devrait être retenu.

Au terme de son instruction, le décret pourra être publié, vraisemblablement à la rentrée, répondant ainsi à votre bien légitime demande.

M. Gérard Collomb.  - J'attendrai donc septembre...

Cession de terrains à une commune

M. Claude Biwer.  - Vous me voyez bien marri de me trouver dans l'obligation d'utiliser la procédure des questions orales sans débat pour obtenir réponse à une question écrite que j'avais déposée en janvier 2008 et rappelée en juillet de la même année, sans succès... Ladite question n'est pourtant pas d'une grande technicité...

L'article 432-12 du code pénal, relatif à la répression de la prise illégale d'intérêts, précise que dans les communes comptant au plus 3 500 habitants, les maires, adjoints ou conseillers municipaux délégués ou agissant en remplacement du maire peuvent chacun traiter avec la commune dont ils sont élus pour le transfert de biens mobiliers ou immobiliers ou la fourniture de services dans la limite d'un montant annuel de 16 000 euros, plafond fixé par l'ordonnance du 19 septembre 2000.

Or, dans de très nombreuses communes rurales, ces élus peuvent être exploitants agricoles et, à ce titre, propriétaires de terrains dont certains, avec le temps, ont pu être classés en zone constructible. Reconnaissons que lorsque la commune souhaite réaliser un ou plusieurs équipements nécessitant l'acquisition de ce type de terrain, ce plafond peut constituer un frein... Plus encore pour les zones industrielles ou artisanales, qui ne se trouvent pas nécessairement au coeur des communes et dont la création ou l'extension peut dépendre de la cession de terrains agricoles.

Il ne s'agit nullement, dans mon esprit, de promouvoir l'enrichissement des élus au détriment des communes. Je rappelle que toute cession de terrain par un particulier, élu ou non, à une collectivité doit faire l'objet d'une évaluation par le service des domaines.

C'est pourquoi un relèvement sensible du plafond, qui n'a jamais été revalorisé alors qu'il devrait au moins, en euros constants, avoisiner les 18 000 euros, ce qui resterait même insuffisant, me paraît indispensable. Je suis de ceux qui considèrent qu'un bon accord autour d'une table vaut mieux qu'une mauvaise expropriation, qui de surcroît entraîne toujours des coûts supplémentaires.

Monsieur le ministre, comptez-vous proposer qu'un plafond plus élevé cesse de ralentir le développement des communes rurales ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - Je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de réponse à votre question écrite. Encore parlementaire il y a peu de temps, j'estime que le Gouvernement doit répondre. Je m'attacherai à le faire.

En effet, par dérogation à la législation sur la prise illégale d'intérêts, l'article 432-12 du code pénal autorise les maires de communes de 3 500 habitants au plus à traiter avec la commune dont ils sont élus pour lui transférer des biens, dans la limite de 16 000 euros par an.

L'inflation des prix fonciers et immobiliers ces dernières années conduit le Gouvernement à examiner attentivement ce plafond, afin de déterminer s'il peut devenir un obstacle significatif à l'aménagement foncier ou immobilier des communes. Dans ce cas, une modification sera étudiée, conjointement avec le ministre en charge du budget et le garde des sceaux.

M. Claude Biwer.  - Je vous remercie pour cette réponse. Vous arrivez, et une petite évolution se dessine, qui nous permettra de travailler ensemble. C'est positif. Je souhaite que vous restiez parlementaires dans l'âme !

Production de vanille à la Réunion

Mme Gélita Hoarau.  - Au début du XXe siècle, la Réunion était le seul exportateur mondial de vanille avec le Mexique, mais cette filière décline depuis un siècle dans le département.

Aujourd'hui, l'île n'exporte plus de vanille, trop chère et dont elle n'a produit que 4,6 tonnes de variété noire en 2004. Alors que le kilogramme s'achète pour un euro à Madagascar, il faut payer 20 euros dans le département. Même l'autosuffisance du marché local n'est plus assurée.

Malgré ce constat désastreux, les professionnels ouvrent de nouvelles perspectives pour cet arôme, en misant sur la qualité et le haut de gamme. Une démarche de labellisation, identification géographique protégée (IGP) « Vanille de la Réunion » a donc été engagée il y a quelques années, en partenariat avec le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), l'université de la Réunion, les coopératives et les 150 planteurs du département qui se partagent 200 hectares.

Toutefois, les obstacles à l'écoulement de leur production se cumulent avec l'évolution des concessions.

En effet, depuis des générations, l'Office national des forêts accorde des concessions de la forêt domaniale départementale aux planteurs de vanille des communes de Saint-Philippe et de Sainte-Rose. Les arbres servent de tuteurs aux lianes de vanille qui fournissent plus de la moitié de la production de l'île ; les producteurs acquittent une redevance. Dans cette région particulièrement déshéritée, la production de vanille apporte d'appréciables ressources d'appoint. S'ajoute un rôle identitaire considérable, puisque la fécondation de la vanille a été découverte par Edmond Albius, un esclave réunionnais.

Or, depuis quelques temps, l'ONF met fin sans explication aux contrats en cours et demande aux planteurs d'enlever leurs lianes dans les trois mois, sans proposer ni terrains de rechange, ni indemnité. La vanille replantée ne rapporte qu'au bout de trois ans et les planteurs ne disposent pas de foncier, alors que l'ONF gère 12 000 des 16 000 hectares de Saint-Philippe.

Ne pourrait-on accorder de nouveaux terrains aux planteurs qui le souhaitent et accompagner financièrement ceux qui doivent transplanter leurs cultures ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - Je souhaite d'abord rappeler combien les enjeux sociaux, économiques et identitaires de la production de vanille Bourbon sont pris en considération par le ministère de l'agriculture, puisque le programme d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité (Posei) contribue au maintien des surfaces plantées à la Réunion, ainsi qu'à la production de vanille verte. L'aide est majorée d'un tiers pour les producteurs engagés dans une démarche de labellisation.

En tant que gestionnaire du domaine, l'ONF octroie des concessions aux producteurs de vanille, en conciliant objectifs économiques et contraintes environnementales. Certaines concessions ont été résiliées, toujours pour des raisons clairement identifiées. Ainsi, certaines ont été résiliées au sein de la commune de Saint-Philippe après l'éruption volcanique survenue en avril 2007, car elles étaient situées dans le périmètre recouvert par la lave. Tous les concessionnaires ont été réinstallés dans les zones de repli proposées par l'ONF. La redevance due pour 2007 a fait l'objet d'une remise gracieuse. D'autre part, des objectifs spécifiques d'aménagement et de préservation ont concerné certaines concessions situées dans des zones à l'intérêt écologique particulièrement élevé. Il s'agit de la réserve biologique littorale de Saint-Philippe, des forêts de la Coloraie-du-Volcan et de Bois-des-Couleurs-des-Bas, ainsi que de Bois-Blanc et de l'Anse-des-Cascades, où se trouvent encore des reliques de forêts primaires très bien préservées. Sur les terrains de la réserve biologique de Bois-de-Couleurs-des-Bas, les concessions sont arrivées à expiration au cours de l'année 2008, ceux dont les planteurs avaient été informés dès la signature des concessions. Une situation analogue se présentera pour les autres réserves biologiques.

L'importance capitale du foncier pour les producteurs a motivé un examen attentif et individuel des situations par l'ONF, en vue de concilier la préservation harmonieuse du capital écologique et le développement de la Réunion. Il est ainsi apparu que trois des dix producteurs dont les concessions avaient pris fin en 2008 pouvaient assurer une bonne pratique de la culture de vanille en sous-bois et contribuer à régénérer des espèces indigènes dans leurs parcelles, en collaboration étroite avec l'ONF, qui a donc renouvelé leurs concessions. Mais il n'a pas pu renouveler les autres concessions et réalise actuellement une étude devant permettre soit de s'assurer que les intéressés pourront fournir les mêmes garanties que leurs trois collègues, soit d'identifier des solutions alternatives leur assurant des concessions à un horizon de vingt ans. En tout état de cause, il s'efforce de stabiliser la situation des producteurs dont l'activité ne serait pas compatible avec la préservation de reliques de forêts primaires particulièrement précieuses. Une condition suspensive à cette procédure serait évidemment un non-paiement des redevances antérieures.

Les aides versées à ses planteurs seront bien sûr maintenues.

Mme Gélita Hoarau.  - Je retournerai sur le terrain voir ce qui se passe, tout en prenant acte des avancées positives que vous avez formulées.

Production de légumes en Alsace.

M. Francis Grignon.  - Après la vanille à la Réunion, les légumes en Alsace, dont les producteurs subissent une distorsion de concurrence avec les autres paysans européens -notamment allemands.

La production de légumes recule nettement en France, puisque les surfaces qui leur sont consacrées ont diminué de 15 % au cours des dix dernières années, alors qu'elles ont progressé de 21 % en Allemagne. L'emploi saisonnier agricole coûte 1,5 fois plus cher en France qu'en Allemagne.

Qu'entend faire le Gouvernement pour restaurer la compétitivité de nos exploitations maraîchères ?

Sachant que l'Europe sociale n'est ni à l'ordre du jour, ni pour demain, le Gouvernement est-il prêt à engager des négociations bilatérales pour éviter la tentation du travail illégal ?

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - En effet, chaque État membre de l'Union européenne fixe librement son cadre social et largement ses règles fiscales.

Le Gouvernement français a mis en place des dispositifs d'allègements de charges sociales, avec un allongement de la période d'allègement pour l'emploi de travailleurs occasionnels, l'allègement accru pour toute transformation d'emplois occasionnels longs en emplois permanents sous contrat à durée indéterminée, les encouragements aux groupements d'employeurs. Depuis le 1er octobre, les heures supplémentaires et complémentaires effectuées par les salariés bénéficient de moindres cotisations sociales.

Il convient en outre de nuancer l'incidence des charges sociales sur la compétitivité. Une étude de l'Inra, publiée en décembre 2007, a montré que, malgré la modicité de la surface moyenne de ces exploitations horticoles et maraîchères, la productivité du travail restait en France supérieure à celle de l'Allemagne et de l'Espagne, procurant aux exploitations maraîchères un revenu final comparable en Allemagne et en France, soit 30 000 à 36 000 euros par an. Enfin, tout en préconisant d'harmoniser les législations européennes du travail, l'étude souligne qu'il ne faut pas négliger d'autres facteurs très importants pour la compétitivité.

Il faut prendre en considération l'efficacité des stations de conditionnement, la performance de la recherche technologique et variétale comme celle des structures de commercialisation et de promotion. La compétitivité doit ici comme ailleurs s'appuyer sur des avancées techniques et stratégiques. La nouvelle organisation commune de marché (OCM) « fruits et légumes » ouvre de nouvelles opportunités à la filière, notamment par le cofinancement des projets d'entreprise des organisations de producteurs ou l'aide à la modernisation des outils de production. La nouvelle OCM est d'autre part dotée d'un dispositif ambitieux de prévention et de gestion des crises. Ces nouveaux outils doivent être mobilisés au bénéfice de la filière. Il faut avant tout favoriser une approche fondée sur l'organisation économique et la concertation interprofessionnelle.

M. Francis Grignon.  - Je ne manquerai pas de faire part de votre réponse aux professionnels concernés. Reste la question du travail saisonnier : c'est là que le bât blesse.

Plagistes

M. Louis Nègre.  - La saison touristique a commencé et les touristes sont déjà nombreux, notamment sur les plages des Alpes-Maritimes. Les plagistes sont cependant gravement pénalisés par le décret du 26 mai 2006 qui, pour permettre le libre accès aux plages et faire respecter l'inaliénabilité du domaine public maritime -ce que personne ne conteste- leur impose des conditions réellement antiéconomiques. Ce décret n'est tout simplement pas adapté aux réalités du littoral méditerranéen.

Dans ma commune de Cagnes-sur-Mer, classée touristique et balnéaire, le meeting d'hiver du deuxième hippodrome de France situé en bord de mer attire chaque année des dizaines de milliers de spectateurs. Aux termes du décret, et contrairement à ce qui se pratique depuis des décennies, ceux-ci ne pourraient plus venir par exemple déjeuner dans les restaurants de plage qui, grâce au climat, fonctionnent chez nous à l'année. S'il est acceptable qu'en fin de concession les installations soient démontées, le paragraphe 2 de l'article 3 introduit une inégalité de traitement entre les communes. Nous souhaitons donc vivement qu'en fonction de la saison touristique les concessionnaires puissent poursuivre leur exploitation à l'année et ne soient pas contraints de démonter annuellement leurs équipements.

Une mission d'inspection a été opportunément diligentée par le Gouvernement, dont les conclusions devraient permettre de lever ces difficultés. J'aimerais connaître les mesures concrètes qui seront mises en oeuvre afin que le développement des communes littorales ne soit pas inutilement entravé. La réglementation actuelle est en totale contradiction avec le message gouvernemental de soutien à l'économie comme avec les réalités climatiques et économiques locales.

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme.  - M. Novelli s'est rendu à Nice en juillet 2008 et a à cette occasion lancé une mission pour évaluer les possibilités d'évolution de la réglementation. Les difficultés d'application du décret de 2006 portent principalement sur le taux d'occupation de la plage, qui a été réduit ; sur la durée d'occupation, ramenée à douze ans ; sur la durée de l'autorisation d'exploitation, désormais limitée à six mois ou de façon dérogatoire à huit ou douze mois ; sur l'obligation de démonter les constructions chaque année en dehors de la période d'exploitation ; enfin sur la mise en concurrence des lieux d'exploitation.

Après concertation, la mission a rendu ses conclusions en janvier dernier ; elle a préconisé de maintenir la limitation du taux d'occupation, mais d'exclure du calcul du linéaire occupé les équipements publics de fond de plage ; de régulariser la présence des constructions non démontables présentant une qualité architecturale particulière ; de prévoir une période de transition pour le démontage des constructions en dur bénéficiant d'une autorisation, en échange d'un engagement de démolition à moyen terme ; de laisser chaque conseil municipal, sous conditions, juger de l'opportunité d'une ouverture des exploitations à l'année. La mission recommande en outre d'harmoniser les règles de gestion des plages entre les différents propriétaires publics et de supprimer à terme la distinction entre plage naturelle et artificielle.

Le ministère de l'écologie en charge du dossier propose une double réponse : une circulaire en juillet et un décret modificatif à l'automne. La circulaire précisera les modalités de calcul des surfaces qu'il est possible d'occuper ; la façon de conjuguer démolition des constructions en dur et renouvellement des concessions ; le devenir des quelques bâtiments en dur, emblématiques du patrimoine balnéaire, qui justifieraient une protection patrimoniale ; enfin les modalités de signalisation des plages privées.

Soucieux de favoriser le développement du premier secteur de l'économie, M. Novelli s'est engagé le 3 juillet à Nice à suivre le dossier de telle sorte que le décret modificatif favorise les activités touristiques.

M. Louis Nègre.  - Je bois du petit lait ! Enfin le bon sens revient ! Je m'interroge toutefois sur le fonctionnement de la République. Le décret de 2006 a été pris sans aucune concertation avec les élus. Ce texte a été rédigé dans les bureaux d'un immeuble anonyme sans tenir compte des réalités. Il a fallu que nous nous battions pendant trois ans pour faire prévaloir le bon sens et que la technocratie comprenne enfin ce que sont les réalités locales ! Que les élus servent à quelque chose !

Fonds de compensation de la TVA

M. Jean-Pierre Bel.  - Je suis heureux d'être le premier à vous interroger, madame la secrétaire d'État. Pour lutter contre la crise, le collectif pour 2009 a prévu, pour les collectivités locales qui augmentent en 2009 leurs dépenses d'investissement par rapport à la moyenne des années 2004-2007, un versement au titre du Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) avec un décalage d'une seule année. Ce versement est conditionné à la signature d'une convention avec le préfet. Ce dispositif exclut les collectivités qui, du fait notamment de la crise, n'ont pas les moyens d'augmenter leurs investissements. C'est le cas dans mon département de l'Ariège, même si une centaine de conventions ont déjà été signées.

On peut en outre s'inquiéter des différences de traitement entre collectivités. Les préfets auront d'abord une certaine marge d'appréciation pour définir le périmètre des dépenses d'investissement à prendre en compte. Ensuite, et c'est le plus important, les collectivités devront rendre compte, non des investissements lancés mais des dépenses réellement engagées en 2009. Celles qui, pour des raisons diverses, n'auront pas respecté leurs engagements se verront privées de FCTVA en 2010. Une commune ayant par exemple réalisé 90 % de son projet en 2009 sera-t-elle pénalisée ? Pouvez-vous confirmer les propos tenus récemment par M. Marleix devant l'Association des petites villes de France, selon lesquels ce sont les dépenses engagées en 2009 qui seront prises en compte, et non nécessairement les dépenses réalisées au 31 décembre 2009 ?

Il ne faudrait pas que des communes disposant d'une faible trésorerie mais qui ont engagé des investissements significatifs connaissent de graves difficultés.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.  - M. Woerth m'a prié de vous répondre que le plan de relance constitue désormais une réalité concrète et visible sur le terrain. Grâce à la mobilisation de l'État et de ses opérateurs, grâce aussi à celle des collectivités, 500 chantiers ont démarré. Sans esprit partisan, 20 000 collectivités ont décidé de jouer le jeu : 23 régions, 90 départements et 17 000 communes ont prévu 54 milliards d'investissement. Il faut d'autant plus saluer leur engagement qu'il se situe en moyenne 50 % au-dessus du minimum exigé. Vous m'interrogez sur le risque de retard dans l'exécution des engagements. Au vu des prévisions d'investissement, ce risque doit être relativisé. De plus, ce qui compte est de se situer au-dessus de la moyenne de référence, ce qui laisse une marge de 50 %. Enfin, en cas de difficulté, le Gouvernement ne ferait pas une application rigide de la loi ; il a déjà fait preuve de souplesse en reportant au 15 mai la date limite de signature des conventions, et il sera tout aussi ouvert. En tout état de cause, les entreprises ont besoin de travail aujourd'hui et pas demain ; n'envoyons pas un contre-signal en laissant penser qu'il suffira de réaliser 90, voire 80 % de l'objectif.

M. Jean-Pierre Bel.  - Je vous remercie de cette réponse. Sur le plan de relance, évoquer la participation des collectivités locales est un euphémisme : elles assurent 85 % de l'investissement public. Je vous ai signalé un risque réel, qui ne procède pas d'une mauvaise volonté mais du constat que les travaux ne sont pas toujours achevés à la date prévue. Vous m'avez apporté quelques apaisements et j'espère que les préfets vous auront entendue.

M. Christian Cambon.  - Très bien !

Vente du parc de logements d'Icade

M. Christian Cambon.  - Je vous souhaite à mon tour la bienvenue, madame la secrétaire d'État. La vente en bloc des 32 000 logements d'Icade a des effets très sensibles sur une quarantaine de communes d'Ile-de-France. Les logements locatifs sociaux bénéficient, au moment de leur construction, d'une exonération de longue durée de la taxe foncière sur les propriétés bâties. L'État ne la compense pas systématiquement. La loi ne prévoyait en effet une compensation qu'en cas de perte substantielle, c'est-à-dire d'au moins le dixième du produit de cette taxe. Les règles de cette compensation varient selon le type de logement, sa période de construction et selon que l'on se situe dans les quinze premières années de l'exonération ou les dix dernières. Ce système éminemment fluctuant aboutit à ces situations excessivement complexes : les exonérations de logements financés sous Plai ou Plus ne sont compensées qu'après minoration de 17 %, un taux révisé chaque année. Tout cela retentit évidemment sur le budget des collectivités.

Le parc de logements sociaux était relativement stable, la Scic, cette filiale de la Caisse des dépôts, aujourd'hui devenue Icade, a beaucoup construit après la guerre. Elle a commencé à se séparer de certains logements à la fin des années 1990, jusqu'à l'annonce, par un communiqué du 12 décembre dernier, de sa décision de vendre les 32 000 logements qu'elle possède en Ile-de-France. Cela représente 5 800 logements dans le département du Val-de-Marne, dont 700 pour Sucy-en-Brie, qui compte 25 000 habitants. Or ce patrimoine bénéficie de dérogations : le patrimoine social conventionné restera exonéré pendant 25 ans et ne sera pas compensé. Pour Sucy, la perte de recettes est déjà de 140 000 euros car 148 logements ont été vendus en 2008 et 150 viennent de changer de main. Au total, 1 200 logements resteront exonérés du foncier bâti, pour 500 000 euros, soit 3 points d'impôt -excusez du peu... 36 maires d'Ile-de-France se sont mobilisés contre une situation qui décourage d'accueillir des logements sociaux.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.  - Je vous prie d'excuser M. Woerth, en déplacement en Chine. La cession du pôle logements d'Icade procède d'une décision stratégique de l'entreprise et de son conseil d'administration. L'État n'a pas d'intérêt direct dans ce dossier qui fait l'objet de négociations entre Icade et un consortium mené par la SNI. La reprise du parc par des bailleurs sociaux sécuriserait un parc social de fait en logements sociaux conventionnés ; elle ne résoudrait pas le déficit de logement social. La construction est donc notre priorité. Nous sommes cependant conscients de l'incidence de la situation sur les collectivités locales : elles seraient financièrement pénalisées alors qu'elles se situent le plus souvent au-delà du seuil de 20 % de logements sociaux. M. Woerth s'est donc déclaré ouvert à une évolution des règles, en concertation avec le comité des finances locales et dans le cadre d'une évolution de l'ensemble des concours de l'État aux collectivités : rendez-vous au prochain projet de loi de finances.

M. Christian Cambon.  - Je vous remercie de ces éléments de réponse. S'ils ne sont pas d'une parfaite précision, je conçois que cela relève de la loi de finances. Il faut que les engagements pris soient tenus dans les meilleurs délais, sans quoi les maires de certaines communes, dont la mienne, s'opposeraient à la transformation de logements en logements sociaux, ce qui serait contraire aux intérêts de l'État comme à ceux des collectivités. Je souhaite que ce rendez-vous ait lieu rapidement et qu'il puisse prendre des mesures concrètes, de nature à rassurer les nombreux maires qui souhaitent faire du logement social.

Pacs et pension de réversion

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je veux d'abord vous souhaiter à mon tour la bienvenue, madame le secrétaire d'État. A la veille de la marche des fiertés, M. Woerth a annoncé l'extension du bénéfice du capital décès au partenaire survivant d'un Pacs. Nous saluons cette décision de bon sens, qui met fin à une discrimination intolérable mais qui ne constitue qu'une goutte d'eau dans un océan de discriminations. C'est ainsi qu'aujourd'hui encore, on refuse le bénéfice de la pension de réversion au partenaire survivant d'un Pacs. Les rapprochements opérés par le législateur entre le mariage et le Pacs rendent une telle situation obsolète. C'était, d'ailleurs, un projet de M. Sarkozy.

Cette situation est d'autant plus intolérable que de nombreuses institutions soutiennent l'extension de la pension de réversion au survivant d'un couple pacsé telles que la Halde dans ses délibérations nos110 et 108, qui dénonce une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, le groupe de travail sur le Pacs dans un rapport au garde des sceaux il y a déjà presque cinq ans, la Cour de justice des communautés européennes dans son arrêt du 1er avril 2008 qui rappelle la prohibition de la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle par la directive du Conseil du 27 novembre 2000 et le Médiateur de la République, qui s'est récemment saisi de ce dossier pour les partenaires survivants d'un Pacs conclu depuis au moins deux ans. Enfin, lors d'une récente réunion organisée par le Médiateur de la République, le représentant de la direction générale de l'administration et de la fonction publique a déclaré ne pas s'opposer à une telle extension pour les fonctionnaires pacsés depuis quatre ans. Comment le Gouvernement entend-il mener cette réforme et selon quel calendrier ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.  - Le droit à réversion a déjà fait l'objet d'extensions en 2003 par l'article 31 de la loi portant réforme des retraites aux termes duquel les conditions relatives au remariage et au mariage ont été supprimées à partir du 1er juillet 2004 et une modulation de la pension en fonction du niveau de ressources, plus avantageuse pour le conjoint survivant, a été instaurée. De surcroît, la mesure de solidarité et de justice portant sur le relèvement du taux de réversion de 54 à 60 %, adoptée dans la loi de financement pour 2009 conformément à l'engagement du Président de la République, sera effective dès le 1er janvier prochain et bénéficiera automatiquement aux 600 000 intéressés.

Madame la sénatrice, vous proposez d'ouvrir le droit à réversion, étroitement lié à une condition de mariage, aux personnes pacsées. Cette réforme, que le Conseil d'orientation des retraites envisage dans son rapport du 19 décembre dernier en l'assortissant de garanties sur les engagements juridiques contractés par le couple, devra, compte tenu de la situation financière de nos régimes de retraites, s'accompagner de mesures d'économies. Le Gouvernement sera évidemment attentif à vos propositions.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Je me réjouis des progrès réalisés depuis cinq ans dans la lutte contre les discriminations mais ma question porte sur les survivants d'un couple pacsé aujourd'hui, non sur les veufs ! Le bénéfice de la pension de réversion leur est dû au nom de l'égalité de traitement.

Nous n'avons pas attendu le Gouvernement pour agir en faveur de la reconnaissance des Pacs, notamment étrangers, et déposé un amendement qui, nous en étions très heureux, a été adopté. En revanche, nous ne pouvons pas agir de la sorte pour l'extension du droit à réversion aux pacsés, évaluée à 30 milliards, car notre amendement tomberait sous le couperet de l'article 40. Il existe un véritable consensus, y compris au sein des directions générales, pour pallier cette injustice dans la prochaine loi de financement. Or les arbitrages sur le budget de la sécurité sociale seront bientôt rendus. La balle est dans le camp du Gouvernement !

Cumul de l'allocation aux adultes handicapés et d'un revenu

Mme Mireille Schurch.  - Pour illustrer les difficultés rencontrées par les bénéficiaires de l'AAH reprenant une activité professionnelle, prenons le cas de ce jeune polyhandicapé que j'ai reçu dans ma permanence à Montluçon. Depuis 2008, celui-ci reçoit l'AAH, la majoration pour la vie autonome ainsi que l'allocation personnalisée au logement. Après s'être battu pour obtenir une formation initiale et professionnelle avec ses parents, il réussit à créer une entreprise de valorisation des espèces avicoles dans l'Allier, encouragé par la communauté de communes d'Huriel et la chambre d'agriculture. Alors que son entreprise n'a pas encore dégagé de revenus, il se trouve, en mars 2009, débiteur de près de 3 000 euros en raison de la baisse drastique de ses trois prestations. Sa situation tourne au cauchemar. Il s'adresse alors aux instances concernées, la CAF, la maison départementale du handicap, et même au Président de la République, mais en vain. Après mon intervention, la CAF décide de neutraliser ses ressources pour un an, mais seulement pour un an... J'ai également reçu une jeune femme qui a renoncé à un emploi à temps partiel dans le journalisme afin d'éviter une chute de ses revenus du fait de la réduction de son AAH.

Cette dure pénalisation des personnes handicapées va à contre-courant de la logique d'insertion du RSA et du pacte pour l'emploi des personnes handicapées. Tout doit être fait pour les encourager à reprendre une activité rémunératrice, source de valorisation sociale et d'indépendance.

La collectivité publique devrait, au nom de l'équité entre citoyens, prendre en charge les dépenses inhérentes au handicap et l'AAH comporter une part incompressible liée au handicap, et non aux revenus. Certes, il existe la nouvelle prestation de compensation handicap, mais les personnes handicapées sont réticentes à opter pour cette prestation qui les oblige à justifier toute leur vie, par des factures et autres paperasseries, les frais liés à leur handicap. Comment le Gouvernement va-t-il effectivement encourager l'insertion professionnelle des personnes handicapées ? Pourrait-on envisager une aide incompressible liée au handicap ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État chargée des aînés.  - L'accès à l'emploi doit toujours se traduire, pour les bénéficiaires des minima sociaux, par une augmentation de leurs ressources. Ainsi, le Président de la République, lors de la conférence du handicap du 10 juin dernier, a annoncé la réforme, en 2010, du mécanisme de cumul de l'AAH et du salaire, instauré dès la loi du 11 février 2005, pour en faire un véritable tremplin vers l'emploi, avec la révision trimestrielle du montant de l'allocation en fonction de la situation du bénéficiaire, l'instauration d'un abattement unique de 80 % sur les revenus compris entre 0 et 0,4 Smic et un abattement de 40 % au-delà, le cumul de l'allocation et du salaire jusqu'à 1,3 Smic -chiffre supérieur à celui du RSA qui est de 1,1- et, enfin, la suppression des distinctions entre allocataires fondées sur le taux d'incapacité.

Cette réforme s'intègre dans une stratégie globale pour renforcer l'accès à l'emploi des bénéficiaires de l'AAH. Ainsi, depuis le 1er janvier, une personne handicapée perçoit l'AAH dès son premier jour d'inactivité, au lieu du délai d'un an auparavant, et bénéficie automatiquement d'un bilan professionnel dont le financement est assuré via les maisons départementales des personnes handicapées dont le budget a été, pour ce faire, augmenté de 15 millions. Une mission d'experts est également chargée de concevoir un nouvel outil d'évaluation des personnes handicapées au regard de l'emploi ; ses premières conclusions seront connues cet été. En outre, parce qu'il fallait effectivement prendre en charge les dépenses inhérentes au handicap, nous avons créé la prestation de compensation du handicap dans la loi de 2005, qui n'est assortie d'aucune condition de ressources.

Le Gouvernement met toute son énergie à faciliter l'accès à l'emploi des personnes handicapées, sans oublier celles qui ne peuvent travailler. Le Président de la République s'est engagé à revaloriser le montant de l'allocation de 25 % d'ici 2012, soit une augmentation de 150 euros correspondant à un effort de la solidarité nationale de 1,4 milliard.

Mme Mireille Schurch.  - Certes, la prestation de compensation du handicap est accordée sans condition de ressources, mais je suis peu favorable à un versement en capital. Les handicaps lourds perdurent toute la vie, et les personnes touchées ont besoin d'une aide mensuelle permanente, indépendante de leurs revenus. Donnons-leur les moyens de dépasser le Smic. Celles que j'ai rencontrées souhaitent travailler, même à temps partiel, mais les informations qui leur sont communiquées manquent de clarté, et sont parfois erronées.

Privatisation de la Société nationale des poudres et explosifs

M. Claude Bérit-Débat.  - La décision de privatiser la Société nationale des poudres et explosifs (SNPE), annoncée dans le cadre du projet loi de programmation militaire, est lourde de conséquences pour la Dordogne. Devant la gravité de la situation, Bernard Cazeau et moi-même avons décidé d'intervenir.

Quelle est la pertinence stratégique d'une telle décision, qui s'apparente à un démantèlement de la SNPE par la vente à la découpe de ses filiales ? Si la SNPE Matériaux Energétiques (SME) semble avoir trouvé acquéreur avec le groupe Safran, rien n'est déterminé pour Eurenco et Bergerac Nitro-Cellulose (BNC). Cette privatisation pose d'importantes questions pour nos intérêts stratégiques, l'un des actionnaires de Safran étant la société américaine General Electric.

Surtout, ce projet demeure flou quant au devenir de la SNPE, qui représente près de 400 salariés, et de ses filiales, notamment les moins rentables comme BNC, qui emploie près de 200 personnes. Après la cessation des contrats entre l'armée et Marbot-Bata, et la fermeture programmée de l'Escat 24, cette privatisation s'inscrit dans un contexte d'abandon organisé de notre département par l'État. Face à ce mauvais coup, nous demandons à ce dernier d'assumer pleinement son rôle d'actionnaire principal en investissant et en modernisant l'entreprise, d'appliquer très rapidement le plan de revitalisation du site et de rechercher de véritables partenariats stratégiques.

Monsieur le ministre, nous attendons des garanties pour la préservation des liens historiques entre l'armée et la Dordogne, ainsi que pour la reconversion et le maintien de l'emploi. Il en va de l'avenir de notre territoire.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.  - Afin de maintenir au meilleur niveau des technologies critiques pour la France, telle la propulsion des missiles balistiques, l'État est de longue date favorable à une consolidation des activités de SNPE et Safran. La réalisation de ce projet dépend de dispositions législatives figurant dans le projet de loi de programmation militaire pour 2009-2014, voté en première lecture par l'Assemblée nationale et examiné au Sénat mercredi prochain.

L'État, premier actionnaire de Safran, prendra toutes les dispositions nécessaires pour conserver la maîtrise des activités stratégiques de SNPE. Le président directeur général de la société a pour mission de rechercher, dans les meilleurs délais, des solutions industrielles permettant de pérenniser ou de développer les activités des branches matériaux énergétiques, chimie fine et chimie de spécialités. Les réflexions en cours concernent plus particulièrement deux filiales ayant des établissements à Bergerac : BNC et Eurenco, spécialisée dans les poudres et explosifs, dont SME est l'actionnaire majoritaire aux côtés du Suédois Saab et du Finlandais Patria.

La situation économique de BNC, qui opère sur des marchés civils sans liens avec le ministère de la défense, est préoccupante. Les efforts fournis par le groupe depuis plus de dix-huit mois pour restaurer les performances du site de Bergerac et la compétitivité de ses productions n'ont pas donné les résultats escomptés. Quant à la société Eurenco, elle est, depuis sa création, lourdement pénalisée par des pertes récurrentes. Les perspectives d'activité de l'établissement de Bergerac, désormais concentré sur les objets combustibles, dépendent de la production des charges propulsives pour le canon Caesar de Nexter Systems. Le ministère de la défense soutient activement le développement et l'industrialisation de ces produits, qui représentent un marché important pour les prochaines années. Les difficultés que connaissent ces activités sont totalement indépendantes de la mise en place d'un partenariat avec Safran dans la propulsion solide.

Le Gouvernement sera très attentif aux propositions du nouveau président de la SNPE, particulièrement pour la mise en place de partenariats. Les discussions sont en cours et il est prématuré d'en préciser dès maintenant les conditions, mais l'État veillera à ce qu'ils offrent les meilleures perspectives pour les activités de la SNPE et ses salariés.

M. Claude Bérit-Débat.  - Je vous remercie pour ces précisions, dont nous avions déjà connaissance. Je vous rappelle que la SNPE, à Bergerac, représente 400 salariés ancrés sur un territoire auquel il est porté à nouveau un mauvais coup après l'annonce de la disparition de l'Escat. Et Marbot-Bata, sous-traitant presque exclusif de l'armée, devra supprimer 70 emplois. Les fleurons du groupe, telle la SME, trouveront preneur, mais qu'en sera-t-il des autres, comme Eurenco, pourtant stratégique pour l'indépendance de la France ? Nous sommes particulièrement inquiets pour l'avenir de BNC, qui produit de la nitro-cellulose civile, et qui compte 200 salariés.

L'État, qui détient 90 % du capital du groupe SNPE, doit prendre ses responsabilités. Il lui faut investir et moderniser afin de trouver, au plan national, une solution autre que le démantèlement qui conduit inéluctablement aux licenciements et à la disparition des activités les moins rentables. Il s'agit donc d'un cri d'alarme, que Bernard Cazeau fera également entendre lors de l'examen de la loi de programmation militaire.

Enseignants contractuels

Mme Maryvonne Blondin.  - Je souhaite interroger le Gouvernement sur l'avenir des enseignants contractuels dans le projet de loi portant réforme du recrutement des enseignants du second degré.

Le concours du Capes est aujourd'hui accessible avec un niveau minimum bac + 3 et c'est également à ce niveau que s'effectue le recrutement des enseignants contractuels affectés à des missions de remplacement par le rectorat. Le projet de réforme prévoit d'élever le recrutement des enseignants du second degré au niveau mastère 2. Ce nouveau cadre est susceptible de créer une rupture pour les enseignants contractuels en exercice car ils ne disposent pas obligatoirement d'un diplôme de ce niveau. Pour qu'ils puissent accéder aux concours internes, ils doivent, depuis la loi de 2005, avoir exercé durant six années consécutives, or les recteurs font généralement en sorte d'introduire des ruptures...

Ces contractuels recrutés dans l'urgence travaillent dans des établissements toujours différents, où ils font montre d'une compétence reconnue par les inspecteurs et les chefs d'établissement. Ces enseignants au statut précaire bénéficient d'une multiplicité d'expériences à forte valeur ajoutée pour l'enseignement public et jouent un rôle essentiel dans la gestion des effectifs d'une académie. Ils servent pourtant de variable d'ajustement dans des conditions incompatibles avec la sérénité qu'appelle leur mission.

Je demande donc au Gouvernement de mieux reconnaître le rôle des enseignants contractuels et de prendre en compte, dans le cadre de la réforme engagée, la nécessité de sécuriser la continuité de leur statut.

M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.  - Vous craigniez que la réforme du recrutement des enseignants du premier et du second degrés compromette les possibilités de titularisation des enseignants contractuels. Je vous rassure : il n'en est rien.

Les décrets -car ce n'est pas d'un projet de loi qu'il s'agit- qui organisent la réforme du recrutement des enseignants du premier et du second degrés aboutiront bientôt à la publication. Valérie Pécresse et Luc Chatel, très soucieux du dialogue avec les partenaires de cette réforme ambitieuse, recevront cette semaine les organisations professionnelles et la conférence des présidents d'université pour évoquer les suites de la mise en pratique du nouveau dispositif de formation des maîtres.

Le concours du Capes est actuellement accessible avec un niveau minimum bac + 3. Le niveau de recrutement pourrait être porté à bac + 5, soit un mastère 2. Cela rendrait diplômante l'année préparatoire au concours alors qu'aujourd'hui, les étudiants recalés au concours perdent une année. Sur 120 000 candidats inscrits aux épreuves, il n'y en a que 15 000 à être reçus. Le nouveau dispositif permet de passer à une logique de formation simultanée, ce qui constitue, en même temps que l'élévation du niveau de qualification, un gain indéniable pour les étudiants.

S'agissant des agents non titulaires, le dispositif actuel leur permet d'intégrer le corps des enseignants par concours externe ou par concours interne, dans la mesure où ils remplissent les conditions de diplôme requises de tous les autres candidats. Si le projet de réforme était adopté, le recrutement au niveau du mastère s'appliquerait à l'ensemble des candidats, y compris donc aux agents contractuels, et pour les deux voies d'intégration. Tel est le choix qui a été fait en concertation avec les organisations syndicales.

Nous voulons préserver au maximum la situation des agents non titulaires. Toujours en accord avec les organisations syndicales, nous avons pris des mesures transitoires : jusqu'à la session 2015 incluse, les conditions pour se présenter aux concours internes resteraient inchangées pour les enseignants contractuels recrutés antérieurement à l'entrée en vigueur de la réforme. Ce qui veut dire que les personnes qui remplissent les conditions actuelles auront six sessions pour se présenter.

Ce n'est pas tout ! De nouvelles possibilités de recrutement devraient leur être offertes dès la rentrée 2010 : douze sections supplémentaires de concours internes pourraient être ouvertes, complétant les 45 sections déjà existantes. Ces nouvelles sections constitueront des voies inédites d'insertion. Je signale d'ailleurs que deux ouvertures de concours en 2010 sont particulièrement attendues par les organisations syndicales : le Capes d'éducation physique et sportive interne et le concours de CPE interne, où les besoins sont importants compte tenu des départs en retraite. Les autres ouvertures de sections touchent le domaine technique et professionnel, qui rassemble les effectifs les plus nombreux d'agents non titulaires.

Mme Maryvonne Blondin.  - Reste le problème des non-titulaires qui n'arrivent pas à engranger les six années d'ancienneté requises pour passer le concours interne. Pour eux aussi, il faudrait des mesures transitoires.

Partenariat public-privé

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Dans le cadre du plan de relance, il serait bon d'accorder aux collectivités territoriales une avance de trésorerie remboursable sur la base du coût des analyses préalables qu'elles lanceraient. Ce préfinancement leur apporterait une aide intéressante et montrerait la volonté de l'État de soutenir des projets territoriaux nécessaires à la relance de la croissance et à la préservation des emplois.

Le contrat de partenariat public-privé et les contrats assimilés sont les seuls outils de la commande publique dont la procédure intègre obligatoirement une évaluation préalable des choix possibles. Cette évaluation comparative va dans le sens d'une meilleure gestion publique mais elle est souvent perçue comme une contrainte par les collectivités locales du fait de son coût non prévu budgétairement, qui peut freiner le lancement de projets.

L'État pourrait soutenir efficacement les collectivités locales en créant un fonds exceptionnel d'avance de trésorerie. Est-ce possible ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.  - Je vous prie d'abord de bien vouloir excuser M. Devedjian. Représentant moi-même d'une grande collectivité, je suis sensible à l'importance de votre proposition qui vise à encourager le recours des collectivités aux partenariats public-privé pour leurs projets d'investissement, en particulier dans le cadre du plan de relance.

Le besoin d'investissements publics pour relancer l'activité économique et préparer l'avenir de notre pays est en effet plus présent que jamais, dans des domaines aussi variés que les infrastructures de transport ferroviaires, fluviales et maritimes, les transports urbains, les universités, les centres de recherche ou l'efficacité énergétique des bâtiments. Dans mes responsabilités antérieures, je me suis battu avec la réglementation européenne sur ces questions. Ces investissements jouent un rôle contracyclique et permettent de soutenir l'activité et l'emploi et d'améliorer durablement l'attractivité des territoires.

Les PPP et les concessions au sens large permettent de confier la définition, la conception, la réalisation et l'exploitation d'équipements de service public à des partenaires privés, en bénéficiant de leurs compétences. Cela permet d'accélérer ces investissements au bénéfice de la collectivité, tout en partageant au mieux les risques avec les partenaires privés. Le Gouvernement s'est donc employé à soutenir les PPP avec trois mesures fortes : une enveloppe de garanties par l'État de 10 milliards facilitera la mobilisation des financements pour les PPP; une enveloppe de 8 milliards de prêts long terme sur fonds d'épargne géré par la Caisse des dépôts et consignations est destinée à soutenir les grands projets d'infrastructure dans les domaines des transports et de l'enseignement supérieur, notamment ceux réalisés sous forme de PPP ; enfin, la loi pour l'accélération des programmes de construction et des investissements publics et privés adoptée en février 2009, qui complète la loi du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariats, répond aux difficultés rencontrées par les opérateurs.

Si le Gouvernement partage votre volonté de faciliter le recours à ce type de contrat, il est néanmoins réservé sur votre proposition d'une avance de trésorerie remboursable aux collectivités sur la base du coût des analyses préalables. Le Gouvernement souhaite préserver l'équilibre entre les différentes formes de commande publique. Le recours au PPP doit être une démarche volontaire et autonome des collectivités. Le coût d'une étude préalable reste modéré ; une avance de l'État n'est pas nécessaire pour la financer, d'autant que celle-ci devrait être remboursée. Les garanties et les fonds d'épargne faciliteront déjà le financement des projets.

Malgré ces réserves, votre proposition fera l'objet d'une analyse plus approfondie par les services de l'État.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je regrette la position de Gouvernement. Il n'y a pas de distorsion de concurrence entre les différentes formes de commande publique, d'autant que l'évaluation préalable n'est obligatoire que pour les PPP ! Au-delà d'un certain seuil, elle devrait d'ailleurs être systématique, quel que soit le type de contrat.

Le coût de la mesure est faible. Loin de remettre en cause l'indépendance des collectivités locales, une telle proposition aurait des vertus pédagogiques et participerait à la relance en accélérant le lancement des projets. A l'instar du remboursement anticipé du FCTVA, elle aiderait les collectivités locales à jouer le jeu de l'investissement.

Nous sommes loin des pays les plus avancés en matière de PPP. Le chemin est long : je n'ai pas été entendue aujourd'hui, mais je prends toutefois bonne note de l'ouverture du Gouvernement.

Centres de ressources biologiques

M. Jean-Claude Etienne.  - Les médecins, chercheurs en biologie et industriels des entreprises pharmaceutiques et biotechnologiques sont confrontés aux problèmes pratiques et éthiques posés par la conservation et le stockage des échantillons biologiques humains. Nous sommes plusieurs membres de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et techniques à avoir été saisis.

Selon un récent rapport de l'Académie nationale de médecine, il faut adapter notre législation sur les centres de ressources biologiques (CRB). Ces dernières années, de nombreuses collections d'échantillons biologiques humains ont été constituées. L'activité de conservation, stratégique pour la recherche en génétique et ses applications, ne cesse d'augmenter. Les banques d'ADN humains sont nécessaires aux diagnostics présymptomatiques et prénataux, aux études d'épidémiologie génétique, à la pharmacogénomique et à la recherche fondamentale. Interfaces entre les prélèvements et les chercheurs, les CRB ont un rôle essentiel dans la recherche sur les maladies liées à l'âge, notamment neurodégénératives : on leur doit les récents progrès en la matière.

Monsieur le ministre, vous appartenez au comité de pilotage du Comité consultatif sur les ressources biologiques, chargé de coordonner la politique nationale en matière d'accréditation et d'habilitation des CRB. A la veille de la deuxième révision des lois de bioéthique, il faut structurer les centres de ressources au plan national, codifier leur mode de gouvernance, apprécier les projets scientifiques et la dimension internationale des recherches qu'ils permettent. La loi relative aux recherches sur les personnes, adoptée par l'Assemblée nationale et actuellement à l'étude au Sénat, augure de certaines évolutions. Quelles sont les perspectives du Gouvernement sur cette question qui préoccupe le monde de la recherche, en France et en Europe ?

M. Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants.  - Je vous prie tout d'abord d'excuser Mme Pécresse. Le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche mesure l'importance des centres de ressources biologiques et rejoint les conclusions de l'Académie de médecine. Ces infrastructures de recherche figurent sur sa feuille de route, à côté d'un important projet d'infrastructure partagée au niveau européen.

Au niveau national, le ministère a restructuré en 2007 le Comité consultatif sur les ressources biologiques (CCRB), créé en 2001, qui définit et coordonne les CRB. Pour favoriser la structuration des CRB, le CCRB s'est doté d'un comité de pilotage réunissant les ministères concernés et les parties impliquées, chargé de la coordination de la politique nationale en matière d'accréditation et d'habilitation des CRB, de la réflexion prospective, de l'élaboration de propositions pour leur développement, d'une politique de soutien, et de l'amélioration de la visibilité du dispositif national.

Concernant les ressources biologiques d'origine humaine, un effort important a été consenti. Un appel d'offres lancé en 2006 par l'Agence nationale de la recherche a permis de soutenir les CRB en matière de valorisation et de certification. Depuis, le GIS Ibisa coordonne les actions avec comme priorités de reconnaître et labelliser les CRB d'envergure nationale et de soutenir les CRB les plus performants par des appels d'offres, en favorisant leur participation à des réseaux nationaux ou internationaux.

Pour le statut juridique, il ne s'agit pas d'imposer un modèle unique mais de tenir compte de la diversité des organismes hébergeant des CRB-CHU ou tumorothèques liées à l'institut national du cancer. Au-delà de la question de l'harmonisation des structures juridiques, compte l'harmonisation sur les bonnes pratiques retenues au niveau international. La France est en pointe dans ce domaine pour avoir piloté le groupe de travail OCDE sur les standards pour les collections de ressources biologiques et une norme Afnor a été publiée en juin 2008.

Le cadre législatif a quant à lui évolué avec la publication, en août 2007, du décret d'application de la loi de bioéthique de 2004. Un nouveau régime s'applique à la conservation des éléments humains utilisés aux fins de recherche, qui oblige tout organisme préparant ou conservant des éléments biologiques issus du corps humain à déclarer cette activité s'il la mène à des fins de recherche scientifique propres ou à solliciter une autorisation s'il l'effectue pour cession à un organisme tiers. Les CRB sont soumis à cette réglementation, l'ensemble du dispositif étant placé sous la responsabilité du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

Certes, ces procédures, comme le souligne le rapport de l'Académie nationale de médecine, peuvent paraître complexes. Aussi la proposition de loi de M. Jardé, relative aux recherches sur les personnes est-elle actuellement à l'étude au Sénat après son adoption par l'Assemblée nationale le 22 janvier 2009. Ce texte devrait être l'occasion de simplifier la procédure de déclaration des collections d'échantillons biologiques, comme le recommande le rapport de l'Académie, lequel sera également pris en compte dans le cadre des réflexions en cours sur la révision de loi de bioéthique.

M. Jean-Claude Etienne.  - Je vous remercie de ces précisions. Alors que la proposition de loi Jarlé est en cours d'instruction, nous avions besoin, au Sénat, de savoir dans quelle direction s'oriente le Gouvernement sur ce sujet d'importance. Veiller à assurer une gouvernance mieux adaptée et plus d'autonomie aux CRB : voilà qui complètera utilement la rédaction de l'Assemblée nationale pour mieux nourrir la recherche sur les biotechnologies.

Entretien des bâtiments communaux.

Mme Nicole Bonnefoy.  - Les petites communes connaissent bien des difficultés pour assurer l'entretien de leurs bâtiments publics et patrimoniaux. Il y va pourtant de la sécurité publique et de la valorisation du patrimoine national.

Chaque année, les collectivités engagent des chantiers qui représentent à eux seuls plus de 74 % de l'investissement public et 50 % du chiffre d'affaire des travaux publics, quand la part de l'État n'est que de 6 %.

J'ajoute que les collectivités ont été largement sollicitées par le plan de relance, alors même qu'elles connaissent des difficultés financières liées à l'imparfaite compensation des transferts de compétences, à la baisse des dotations et à la diminution de leurs recettes fiscales, bien souvent liée à des décisions de l'État... La crise, de surcroît, grève dangereusement les recettes les plus dynamiques, comme le produit des droits de mutation.

C'est ainsi que les communes les plus petites sont dans l'incapacité d'assurer ces travaux d'entretien, au reste considérées par le plan comptable comme des dépenses de fonctionnement et donc affectées d'une TVA de 19,6 % non récupérable. D'où une course aux subventions de plus en plus rares, des fermetures pour raisons de sécurité, l'abandon ou la démolition de certains édifices.

Il y aurait pourtant une mesure simple pour leur venir en aide : étendre la TVA  à 5,5 % aux travaux d'entretien indispensables de ces bâtiments. Seul l'État, une fois n'est pas coutume, perdrait quelques recettes si cette mesure avait le même succès que pour les logements.

Je souhaiterais donc connaître la position du Gouvernement sur une mesure qui serait très bien accueillie par les petites communes et permettrait non seulement d'entretenir et de mettre en sécurité notre patrimoine mais aussi de soutenir l'activité et l'emploi des entreprises artisanales locales.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.  - Si je comprends votre souhait de voir les bâtiments communaux mieux entretenus, je ne peux répondre favorablement à l'hypothèse d'une baisse du taux de TVA applicable aux travaux qui porteraient sur ces bâtiments : la TVA est aujourd'hui un impôt harmonisé au sein de l'Union européenne. C'est ainsi la directive communautaire du 22 octobre 1999, fruit de longues négociations, qui seule a permis l'application d'un taux réduit aux travaux dans les logements privés de plus de deux ans, dans la mesure où ceux-ci figurent dans les services à forte intensité de main-d'oeuvre.

Au cours de ces négociations, plusieurs États membres avaient souhaité voir inclus les travaux d'entretien des bâtiments publics, demandes finalement été écartées. Cette solution ne peut donc, pour l'heure, être retenue. Pour autant, nous n'avons pas l'intention d'en rester là. Je partage votre sentiment : une telle mesure pourrait utilement accompagner les efforts des petites communes, que je connais bien, notamment des communes rurales, qui, avec peu de marges de manoeuvre, abritent souvent un patrimoine architectural important.

Souvent cependant, elles bénéficient de l'appui, non seulement de l'État, grâce à la dotation d'équipement, mais aussi des conseils généraux et régionaux, qui consentent parfois un taux de subvention pouvant aller jusqu'à 70 %. C'est là une question de solidarité nationale, même s'il est vrai que certaines collectivités sont moins généreuses que d'autres.

Le plan de relance, dîtes-vous, a mis les communes à contribution. Mais je vous rappelle qu'elles l'ont fait sur la base du volontariat, et en partie pour profiter de l'opportunité que leur ouvrait ce plan de disposer, pour accélérer leurs investissements, des crédits de l'État et bénéficier, si leur investissement était à même hauteur que la moyenne des quatre dernières années, de la récupération anticipée du FCTVA. L'aide de l'État a leur endroit s'est donc plutôt accélérée.

Mme Nicole Bonnefoy.  - Puisque l'on a obtenu d'appliquer la TVA à taux réduit pour les restaurateurs, on doit tout de même pouvoir y réfléchir pour les petites communes.

Vous appelez à la solidarité entre collectivités. Je m'en étonne, après les propos entendus ici même lors du débat sur la future réforme des collectivités territoriales, au cours duquel le Gouvernement s'est dit fermement décidé à mettre fin au casse-tête des financements croisés.

Difficultés des industries graphiques et papetières.

Mme Marie-France Beaufils.  - Le Gouvernement a dit vouloir faire de la filière papetière et de l'industrie graphique l'une de ses priorités industrielles. La filière papetière est de fait déterminante dans le développement de nos forêts et de la filière bois ; elle participe à l'aménagement du territoire et contribue à la protection de l'environnement.

Elle doit donc être considérée comme stratégique.

De son côté, la filière graphique est indispensable au développement culturel, à l'information et à la communication, donc à la démocratie.

Des délocalisations ont lieu vers l'Asie, mais aussi à l'intérieur de l'Union européenne, parfois avec de paradoxaux financements européens.

Alors que les carnets de commandes subissent une baisse permanente, des aides publiques existent pour soutenir l'activité industrielle, ce qui serait une bonne chose si les salariés n'avaient pas été oubliés.

La charge de travail par salarié augmente dans de nombreuses entreprises, notamment à Mame, située à Tours. Malgré l'obligation légale, aucun accord n'y a été signé sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences. Cette opacité alimente l'inquiétude des salariés, qui ont proposé des solutions immédiates : la mise en place d'un plan sécurité-emploi, la modernisation de l'outil de production et le développement de la recherche en partenariat avec l'université de Tours.

A ce jour, le Gouvernement s'est borné à des exonérations dont l'inefficacité a été reconnue par la Cour des comptes. Elles sont attribuées sans contrepartie, alors qu'il faudrait les soumettre à des engagements d'investissement industriel, de recherche et d'innovation favorisant l'emploi, la qualification des salariés et le développement durable. La première décision à prendre est un moratoire sur tous les licenciements.

Où en est la charte en cours de rédaction ?

Le président de la Confédération française de l'industrie des papiers, cartons et celluloses a écrit en 2008 qu'au-delà d'un plan à court terme indispensable à la survie des secteurs les plus exposés, il fallait qu'une politique papetière nationale concrétise la volonté des pouvoirs publics de maintenir une industrie indispensable. Je fais miennes ses conclusions et souhaite savoir quelles mesures vous comptez prendre pour enrayer le déclin d'industries qui ont longtemps été un fleuron de notre économie et pour les sortir du marasme actuel.

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.  - En effet, le secteur des industries graphiques subit une érosion constante de son activité et des prix, avec des conséquences négatives pour l'emploi, mais les techniques numériques ouvrent des perspectives intéressantes. Concentrées en quelques grands groupes, les industries papetières esquissent une nouvelle géographie mondiale, mais l'évolution technique conduit à employer du personnel très hautement qualifié, à développer de nouveaux produits et à inventer des procédés de fabrication.

L'accompagnement que les partenaires sociaux et les pouvoirs publics peuvent apporter de l'évolution des industries papetière et graphiques se traduira dans une Charte nationale de coopération, dont la finalisation est proche.

Mais le ministre de l'industrie ne l'a pas attendue pour aider les industries graphiques à redevenir compétitives, notamment en matière d'imprimés. Une action collective nationale est ainsi programmée en faveur d'une quinzaine d'imprimeurs, sur le thème du développement durable.

Employant 200 personnes à Tours, l'entreprise Mame a rencontré des difficultés dès 2006, à la suite de lourds investissements. Après avoir obtenu des marchés pour des ouvrages religieux ou portant sur le développement durable, elle a subi une baisse de 20 % de son chiffre d'affaires. Un guichet a été ouvert pour inciter une vingtaine de salariés à partir. Avec Gilbert Claret imprimeur, une entreprise du même groupe, elle devrait déménager fin 2010 à Joué-lès-Tours en bénéficiant du soutien financier de l'agglomération tourangelle, pour organiser sa production dans des locaux fonctionnels. Mes services suivent de près les besoins en formation du personnel, dont les métiers changent.

Soyez assurée que nous ne réduisons pas notre engagement en faveur des industries papetière et graphiques, afin que la concentration de moyens permette de développer l'emploi et des compétences, d'optimiser le financement et de développer cette activité sur les plans national et international.

Mme Marie-France Beaufils.  - Je me tiens informée de l'évolution du dossier. La réinstallation de Mame a connu quelques vicissitudes, puisque c'est en définitive l'intercommunalité qui rachètera son terrain actuel.

Les salariés ont besoin d'un plan de formation apportant des perspectives d'avenir, car les qualifications exigées ont fortement évolué. Ils pourront ainsi sortir par le haut, afin de travailler encore dans cette filière qu'ils ont choisie.

J'espère que la charte sera bientôt finalisée.

Statut de l'auto-entrepreneur

M. Michel Houel.  - Madame la présidente, monsieur le ministre, nous sommes dans la confidentialité... (Sourires)

La loi de modernisation de l'économie a créé un régime simplifié -dit statut de l'auto-entrepreneur- destiné aux personnes souhaitant exercer une activité artisanale, commercial ou libérale, à titre principal ou complémentaire.

Ce nouveau dispositif avait pour seul objectif de créer de l'activité économique en allégeant les contraintes administratives, fiscales et sociales. L'objectif a été atteint, puisque l'Insee impute à ce nouveau statut la hausse mensuelle de 6 % du nombre de créations d'entreprises constatée en avril par rapport à mars. Si l'on considère les créations cumulées en février, mars et avril par rapport aux mêmes mois un an auparavant, l'augmentation atteint 62,5 %.

Mais ce nouveau statut mécontente profondément les artisans du bâtiment, qui craignent une concurrence déloyale : immatriculés au répertoire des métiers, ils acquittent la totalité des charges fiscales et sociales inhérentes à leur activité et ne peuvent donc admettre que des activités identiques ne supportent qu'un forfait fiscal sans commune mesure avec le régime de droit commun. Ils considèrent légitimement que le statut d'auto-entrepreneur engendre des distorsions de concurrence aux conséquences potentiellement dévastatrices.

Ils s'interrogent également sur le régime microsocial simplifié lié à ce statut, notamment pour la constitution de droits à la retraite, sauf à développer à terme des droits gratuits incompatibles avec l'équilibre financier de l'assurance vieillesse.

De plus, les artisans du bâtiment doutent du contrôle de la qualification professionnelle, théoriquement exercé pour les activités réglementées au sens de l'article 16 de la loi du 5 juillet 1996, dont le secteur du bâtiment fait partie. En effet, le législateur a imposé un dispositif minimum de qualification professionnelle pour assurer la sécurité des consommateurs. Que des personnes s'improvisent professionnelles du bâtiment grâce à ce nouveau statut serait contraire à cette loi.

De même, les artisans du bâtiment craignent que les auto-entrepreneurs exerçant une activité dans le bâtiment ne respectent pas l'obligation d'assurance décennale imposée par le code civil. L'absence de garantie ferait courir de grands risques aux clients en cas de dommage.

Pour toutes ces raisons, ne pensez-vous pas que le statut d'auto-entrepreneur devrait être profondément aménagé ? Ne serait-il pas judicieux d'en exclure les activités artisanales réglementées ?

M. Christian Estrosi, ministre chargé de l'industrie.  - Le succès du régime de l'auto-entrepreneur montre bien qu'il répond aux aspirations profondes des Français et qu'il stimule puissamment le désir d'entreprendre. Pour chacun, pour les salariés victimes de la crise, pour les chômeurs, il représente l'espoir de créer sa propre activité et d'expérimenter ce qui peut devenir à terme une entreprise créatrice d'emplois.

Le Gouvernement a cependant bien entendu les interrogations dont vous vous êtes fait l'écho. M. Novelli a décidé de mettre en place un groupe de travail pour évaluer l'impact de ce régime sur les métiers de l'artisanat, qui a commencé ses travaux le 6 mai dernier. Au vu de ses conclusions, il est envisagé de revoir les questions de la qualification professionnelle et de l'accompagnement de l'auto-entrepreneur par les chambres des métiers. Il pourrait ainsi être demandé aux créateurs d'une activité artisanale d'indiquer comment ils remplissent les conditions de qualification, par un diplôme ou la validation d'acquis professionnels. En outre, les auto-entrepreneurs qui exercent une activité artisanale à titre personnel pourraient être tenus de s'immatriculer au répertoire des métiers dès leur inscription en tant qu'auto-entrepreneur. C'est une des conditions pour qu'ils soient considérés comme participant à la communauté des artisans et de leur accompagnement par les chambres des métiers. Cette immatriculation pourrait être gratuite et sans taxation durant les trois premières années à compter de la création de l'activité ; elle ne nécessiterait pas de formalité supplémentaire.

M. Michel Houel.  - Je me réjouis d'autant plus de votre réponse que j'avais moi-même déposé un amendement pour demander cette immatriculation. Un plombier dont un des salariés intervient en tant qu'auto-entrepreneur le week-end chez un de ses clients n'a aujourd'hui aucun le moyen de le savoir. Les contacts que j'ai eus en tant que président de la commission « artisanat et services » du Sénat, notamment auprès de l'assemblée permanente des chambres de métier, m'ont conforté dans l'idée que cette immatriculation était nécessaire. Je vous prie de dire à M. Novelli que je suis prêt à participer au groupe de travail qu'il a créé s'il envisageait d'y faire participer des sénateurs.

M. Christian Estrosi, ministre.  - Je le lui dirai.