Repos dominical (Proposition de loi - Procédure accélérée) (Suite)

Rappel au Règlement

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Rappel au Règlement, pour rétablir la vérité sur la position de M. Blazy, clairement exprimée sur le site du collectif des Amis du dimanche : il prend acte de la décision du préfet d'autoriser l'ouverture de Castorama le dimanche et rejette la proposition de loi. Il rappelle que les salariés de Gonesse sont très attachés à un droit conquis de haute lutte. « A l'heure où des emplois sont en jeu, où des familles sont menacées par des pertes de pouvoir d'achat, la responsabilité des élus locaux est de pérenniser des emplois et de défendre les salaires ». C'est pourquoi M. Blazy exprime sa très ferme opposition à toute généralisation du travail dominical et rappelle que celui-ci doit faire l'objet d'une majoration salariale et d'un repos compensatoire réels et significatifs. La proposition de loi soutenue par le Gouvernement ne comportant aucune garantie sur ces deux conditions et constituant un recul du droit, M. Blazy appelle les parlementaires à la rejeter.

Cela se passe de commentaire. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Éric Doligé.  - Cela prouve que M. Blazy change toujours d'avis.

M. Xavier Darcos, ministre.  - J'ai retenu que M. Blazy s'opposait à la généralisation du travail dominical. Nous aussi ! (« Bravo ! » et applaudissements à droite)

Discussion des articles

Articles additionnels

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans l'article L. 1 du code du travail, après les mots : « le Gouvernement », sont insérés (quatre fois) les mots : « ou le Parlement ».

Mme Raymonde Le Texier.  - L'accroissement du nombre de propositions de loi devrait nous réjouir -si nous ne soupçonnions pas certaines de n'être que des projets de loi masqués de façon à éviter le passage devant le Conseil d'État et, pour les textes touchant le droit du travail, la concertation avec les syndicats exigée par l'article L. 1 du code dans la rédaction qu'en a fait adopter le Président Larcher quand il était ministre du travail. Nous voudrions que la même concertation soit requise dans les mêmes conditions pour les propositions de loi.

Une proposition de loi de M. Jean-Frédéric Poisson est bloquée sur le bureau de l'Assemblée nationale parce que les partenaires sociaux doivent être consultés...

Mme Isabelle Debré, rapporteur.  - L'idée paraît séduisante mais elle requiert un examen approfondi. Faudrait-il, par exemple, que toutes les propositions de loi soient soumises à une telle obligation ? Cela paraît d'autant moins envisageable que la grande majorité d'entre elles n'accèdent même pas à la séance publique... En attendant cet examen approfondi, l'amendement doit être retiré.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Cet amendement est dénué de rapport avec ce texte et il ne respecte pas la séparation des pouvoirs. J'observe d'ailleurs que le 16 juillet Mme Debré a reçu les syndicats ; ceux-ci ont donc bien été consultés.

M. Daniel Raoul.  - Qui a décidé qu'il y aurait procédure accélérée ?

M. Xavier Darcos, ministre.  - Je vous renvoie aussi aux échanges qui avaient eu lieu à l'occasion de la loi Larcher. Sur le texte d'aujourd'hui, vous ne pouvez nier que tout le monde s'est maintes fois exprimé.

Cet amendement ne se justifie donc ni en opportunité ni sur le fond.

M. Jean Desessard.  - J'étais à la commission des affaires sociales quand les syndicats sont venus. Nous étions d'ailleurs nombreux, en particulier de la gauche parce que nous sommes très présents... (exclamations à droite) mais vous aussi étiez là ! Vous allez ainsi pouvoir infirmer mon propos s'il doit l'être.

On demande à la CGT si elle est pour ce texte. C'est non. On demande à la CFDT. C'est non. Et ainsi avec les cinq syndicats. Contredisez-moi si je ne dis vrai ! Et voici que le ministre affirme aujourd'hui à deux reprises que les syndicats seraient pour ! Cela prouve au moins la nécessité d'une concertation officielle, avec un acte officiel.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Le seul document qui vaille, c'est celui du Conseil économique, social et environnemental car il y a eu vote, et les syndicats n'ont pas voté contre. (Applaudissements sur certains bancs UMP)

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°8, présenté par Mme Le Texier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 102 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie est abrogé.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - L'article 102 de la LME a permis l'ouverture de grandes surfaces sans autorisation préalable. Il en est résulté la création d'un million de mètres carrés de magasins à grande surface, au détriment des petits commerces. Nous avons déjà le plus grand nombre de magasins à grande surface du monde ! Il y a quelque hypocrisie à bavarder sur l'animation des centres-ville tout en prenant les mesures qui ont pour effet de les asphyxier.

En Grande-Bretagne l'ouverture des commerces sept jours sur sept a eu pour effet que le nombre de magasins de chaussures est passé de 11 000 à 350. En quoi est-ce un gain ? Combien d'emplois perdus en centre-ville cela signifie-t-il ? Un emploi créé dans les grandes surfaces, c'est trois de perdus dans le petit commerce.

On ne va pas accroître la consommation mais seulement la déplacer. Si je vois bien l'intérêt des grandes surfaces, je vois aussi la catastrophe pour les petits commerces de centre-ville !

Mme Isabelle Debré, rapporteur.  - Cet amendement est un cavalier. Nous avons approuvé cet article 102 l'an dernier et je ne vois pas d'élément nouveau.

M. Daniel Raoul.  - C'était aussi un cavalier avec la LME !

M. Xavier Darcos, ministre.  - De fait, cet amendement est sans rapport avec ce texte, et l'article 102 favorise la concurrence.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle.  - Je regrette cet avis. Le lien, je le vois bien, tout comme il saute aux yeux des petits commerçants qui m'ont adressé un courrier innombrable pour me dire leur inquiétude. Prétendre que cet amendement serait sans rapport avec ce texte relève de la mauvaise foi. (Exclamations à droite)

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

Article premier (Texte non modifié par la commission)

Le premier alinéa de l'article L. 3132-27 du code du travail est ainsi rédigé :

« Chaque salarié privé de repos dominical perçoit une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps. »

Mme Annie David.  - Cet article résulte de l'adoption par la commission de l'Assemblée nationale d'un seul des amendements présentés par nos collègues du groupe de la gauche démocrate et républicaine, dont notre ancien collègue, M. Muzeau. La majorité distingue deux catégories de salariés : ceux qui sont contraints de travailler le dimanche dans les zones ou communes touristiques, pour lesquels le dimanche deviendrait un jour de travail comme les autres et ne donnant lieu à aucune contrepartie ; et ceux qui sont volontaires, ce volontariat étant toutefois relatif, et qui mériteraient, eux, compensation. Cette distinction est parfaitement artificielle : les contreparties doivent seulement dépendre de la réalité du travail dominical. Une juste rémunération doit être accordée à tous ceux qui travaillent le dimanche pour le plaisir des quelques riches touristes chinois ou norvégiens qui viendront sur nos côtes acheter la tondeuse à gazon qu'ils remporteront dans leur pays leur visite achevée...

L'article premier est certes une avancée en ce qu'il clarifie la rédaction du code du travail et précise l'existence d'un temps de repos compensateur, mais une avancée très insuffisante ; il opère une discrimination injuste entre salariés. Sauf adoption de notre amendement, nous nous abstiendrons.

M. Daniel Raoul.  - Je m'étonne que la commission de l'économie n'ait pas été saisie pour avis de cette proposition de loi, alors qu'on nous parle sans cesse de l'intérêt économique de celle-ci. Peut-être majorité et Gouvernement doutent-ils de son impact réel...

Première remarque : pourquoi M. Darcos n'a-t-il pas eu le courage de déposer un texte au lieu de le faire porter par une proposition de loi, ce qui lui permet de court-circuiter la concertation avec les organisations syndicales ?

M. Dominique Braye.  - Il n'était pas encore ministre !

M. Daniel Raoul.  - Deuxième remarque : on s'apprête à donner l'absolution à ceux qui depuis dix ans bafouent la loi... Cette amnistie a quelque chose d'immoral.

Troisième remarque : comme nous l'avons déjà évoqué lors de l'examen de la loi Tourisme, ce texte entrouvre une porte dont on ne sait ni jusqu'où elle va s'ouvrir, ni quand elle sera refermée.

J'ajoute que le Président de la République manque singulièrement de pudeur en se référant à Versailles au Conseil national de la Résistance et à notre pacte social, tandis que la majorité ne cesse de détricoter ce dernier. Cette proposition de loi en est une nouvelle preuve, marquée, comme bien d'autres textes, du sceau de l'hypocrisie. (Applaudissements à gauche)

Mme la présidente.  - Amendement n°72, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger comme suit cet article :

Tout salarié privé de repos dominical perçoit une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps.

Mme Isabelle Pasquet.  - Tous les salariés qui travaillent le dimanche doivent bénéficier de compensations, quel que soit le cadre dans lequel ils exercent leur activité. Travailler volontairement ou de façon subie le dimanche, jour de repos pour tous depuis 1906, demande un effort particulier. Des richesses sont créées qui doivent être partagées.

Il y a quelques mois, alors que la France s'enfonçait dans la crise, alors que le Gouvernement multipliait les chèques aux banques et aux groupes industriels, le Président de la République déclarait vouloir moderniser le capitalisme et partager les richesses en trois tiers, salariés, actionnaires, investissement. De ces belles paroles il ne reste rien. Point de partage, et la modernisation du capitalisme demeure une chimère.

Faire travailler les salariés le dimanche sans contrepartie est un recul majeur. Notre amendement est légitime et attendu, y compris par ceux qui se déclarent favorables au travail dominical et pour lesquels un complément de salaire serait bien utile.

Mme la présidente.  - Amendement n°140 rectifié, présenté par MM. Fortassin, Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet, Barbier et Chevènement, Mme Laborde et MM. Milhau, de Montesquiou, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Au début de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :

... . - L'article L. 3132-26 du code du travail est complété par deux alinéas ainsi rédigés :

« L'employeur fait appel aux seuls salariés volontaires qui ont exprimé leur demande par écrit.

« Le refus du salarié de travailler le dimanche ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement. »

M. Jacques Mézard.  - Il s'agit d'offrir les mêmes garanties à tous les salariés qui travaillent le dimanche. De la même façon que le texte prévoit une rémunération double et un repos compensateur pour les salariés des établissements de commerce de détail exceptionnellement ouverts par décision du maire, il faut préciser que ces salariés doivent être volontaires.

Mme Isabelle Debré, rapporteur.  - L'amendement n°72 s'appliquerait à tous les secteurs d'activité...

M. Daniel Raoul.  - Ce n'est pas idiot !

Mme Isabelle Debré, rapporteur.  - ...et déstabiliserait ceux d'entre eux pour qui le travail du dimanche est de droit, et qui ont pu développer leurs propres contreparties. Je rappelle que la négociation sera désormais obligatoire dans les zones touristiques et dans les Puce.

Le code du travail prévoit déjà des contreparties dans le cadre des cinq dimanches. Le volontariat n'a pas été retenu eu égard au caractère ponctuel, dans ce cas, du travail dominical ; la pratique est d'ailleurs à l'appel à candidatures, et il faut souvent procéder à un tirage au sort. L'amendement n°140 rectifié n'est pas indispensable. J'interroge cependant le Gouvernement.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Faire reproche à un parlementaire de déposer une proposition de loi dépasse l'entendement, monsieur Raoul ! (Applaudissements à droite) Il est encore plus étrange de demander à un ministre qui est en fonction depuis cinq semaines de se saisir d'un texte déposé il y a plusieurs mois... Il n'est pas question en outre -vous parliez d'amnistie- d'interrompre les procédures contentieuses en cours.

J'en viens à la question complexe des deux catégories de salariés, à laquelle je répondrai une fois pour toutes de façon claire et nette. Il y a deux situations objectivement différentes. D'abord celle des salariés qui, lorsqu'ils sont embauchés, savent qu'ils travailleront le dimanche ; je pense aux personnels des hôpitaux, des restaurants ou des cinémas, ou encore à ceux qui travaillent dans les zones touristiques ou les stations de sport d'hiver, et pour qui le travail dominical fait intrinsèquement partie du contrat.

Dans ces cas, le travail dominical fait partie des caractéristiques intrinsèques de l'emploi, et il n'y a pas lieu d'imposer par la loi de mesures compensatoires. Toutefois les partenaires sociaux pourront convenir de contreparties : c'est ce qu'ils font déjà le plus souvent.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Encore heureux !

M. Xavier Darcos, ministre.  - Pour d'autres emplois, qui n'impliquent pas nécessairement de travailler le dimanche, une autorisation administrative temporaire individuelle est requise. La loi prévoit que les salariés bénéficieront de contreparties, mais les partenaires sociaux devront en définir d'autres dans les conditions précisées par Mme le rapporteur. Nous avons tenté de trouver un équilibre juridique et économique tenant compte de la différence des situations. Je ne puis donc qu'être défavorable à l'amendement n°72.

L'amendement n°140 rectifié est plus complexe. Il concerne les dérogations accordées par le maire en vertu de l'article L. 3132-26 du code du travail pour satisfaire aux demandes ponctuelles des entreprises. Nous avons tous été maires, et nous savons que ces dérogations sont généralement accordées avant les fêtes de fin d'année. La proposition de loi ne modifie pas cet équilibre, mais prévoit des compensations pour les salariés dont l'emploi n'implique pas nécessairement de travailler le dimanche. Si l'un d'entre eux s'y refuse et se voit sanctionner pour ce motif, le droit commun s'appliquera : il pourra se pourvoir devant le juge pour obtenir réparation du préjudice subi. L'amendement est inspiré par une intention louable, mais il est satisfait par la proposition de loi et par les dispositions actuelles du code du travail. Retrait, sinon rejet.

Mme Annie David.  - Nous avons tous bien compris qu'il existait deux sortes de salariés : ceux qui travaillent en zone touristique dans un commerce lié au tourisme -par exemple un restaurant- et qui savent d'emblée qu'ils seront amenés à travailler le dimanche, et les autres. Nous ne contestons pas les 180 dérogations qui existent aujourd'hui, mais ce texte étend leur champ à des commerces qui n'ont aucun lien avec l'activité touristique ! Les touristes viendront sur les côtes françaises pour acheter des canapés, des tondeuses à gazon et des téléviseurs ! En outre, les commerces pourront désormais ouvrir le dimanche toute l'année, alors que cette autorisation ne valait jusqu'à présent que pendant certaines périodes fixées par le préfet.

Prenons le cas d'un salarié d'un magasin de chaussures. Il avait prévu en signant son contrat de ne pas travailler le dimanche. Mais s'il a la malchance de travailler dans une zone touristique...

M. Gérard Longuet.  - La chance, en termes d'emploi !

Mme Annie David.  - ...il y sera désormais contraint !

Dans le cas des salariés travaillant dans les Puce, la loi prévoit qu'ils bénéficieront de contreparties : le doublement du salaire et un repos compensateur. Mais cela ne vaudra qu'à défaut d'accord entre les partenaires sociaux. Or l'accord peut être moins protecteur que la loi. Ainsi, quand vous dites que les salariés des Puce bénéficieront de ces contreparties, vous ne dites pas la vérité ! (M. le ministre s'agace) Un accord peut être négocié au niveau de chaque commerce, sans que les conventions collectives s'appliquent ; dans une entreprise où il n'y a pas de syndicat, les salariés n'auront d'autre choix que d'accepter les propositions du patron !

A ce propos, j'ai une question à vous poser. La loi ne précise pas que ces mesures compensatoires seront rétroactives. Vaudront-elles seulement pour les salariés embauchés après la promulgation de la loi ?

Vous prétendez enfin qu'aucun syndicat ne s'est opposé au rapport du Conseil économique et social, mais la CGT, la CFTC, l'Unsa et FO ont voté contre, tandis que la CFDT et les représentants de l'artisanat se sont abstenus. (M. le ministre le conteste. Applaudissements à gauche) Parlons-nous bien du rapport de 2007 sur les mutations de la société et les activités dominicales ?

M. André Lardeux.  - Sans vouloir faire de provocation, je dois dire que je suis tenté de voter l'amendement de Mme David. J'ai entendu Mme le rapporteur dire que celui-ci n'était pas économiquement soutenable. Mais les compensations prévues pour les salariés travaillant lors des cinq dimanches dits « du maire » et ceux dont l'entreprise est située dans un Puce sont-elles économiquement soutenables ? Sinon, pourquoi nous demander de voter des mesures impraticables ?

M. Xavier Darcos, ministre.  - Je vais m'efforcer de rassurer Mme David. Si les syndicats refusent l'accord salarial proposé par l'employeur, les salariés bénéficieront du doublement du salaire et du repos compensateur prévus par la loi. S'il n'y a pas de syndicat dans l'entreprise, aucun accord salarial ne pourra être conclu ; les mêmes dispositions s'appliqueront donc.

Tous les salariés travaillant dans les Puce verront leur situation modifiée, puisque les Puce n'existaient pas jusqu'à présent. Par conséquent, tous bénéficieront des contreparties inscrites dans la loi.

Enfin, je parlais de l'avis formulé en février 2007 par le Conseil économique et social sur le rapport de M. Salto, qui concernait le sujet dont nous traitons aujourd'hui, et non de son avis sur le rapport Bailly. Je répète que dans le premier cas, la CFDT, la CFTC et la CGC ont voté pour, tandis que la CGT et FO se sont abstenues.

J'ai déjà répondu indirectement à M. Lardeux.

Mme Isabelle Debré, rapporteur.  - Monsieur Lardeux, je disais qu'il n'était économiquement pas soutenable d'imposer le doublement du salaire à toutes les entreprises, y compris les cafés et les restaurants. Quant aux magasins des Puce, si leurs responsables considèrent qu'il n'est pas rentable de les ouvrir le dimanche, ils resteront fermées !

M. Jean Desessard.  - On entend souvent dire dans cet hémicycle que les entreprises de certains secteurs, comme les commerces de bouche, manquent de main-d'oeuvre. « Les gens ne veulent pas travailler, alors qu'il y a du boulot. » Mais ne faudrait-il pas s'interroger sur le fait que ce sont précisément ces entreprises qui contraignent leurs salariés à travailler le dimanche ?

M. Michel Houel.  - Il est manifeste que peu de membres de cette assemblée connaissent bien le secteur commercial.. On se désole que les 2 000 salariés de La Samaritaine aient été mis à la porte, mais la question est de savoir si un tel commerce est aujourd'hui approprié. Un commerce vit et meurt !

Le personnel n'était pas adapté : on ne peut passer sans transition de la quincaillerie au prêt-à-porter haut de gamme.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Qu'est-ce qu'il faut entendre !

M. Michel Houel.  - Monsieur Desessard, 80 % des jeunes qui sortent de l'apprentissage dans les métiers de l'hôtellerie et de la restauration ne poursuivent pas dans cette voie. Heureusement que certains sont prêts à travailler le week-end, car nous sommes tous allés au restaurant un dimanche !

Si un commerçant ne doit pas gagner d'argent, il n'ouvrira pas. Certains d'ailleurs ne profitent pas des cinq dimanches d'autorisation, car leurs produits ne correspondent pas à ce que l'on recherche le dimanche. En revanche, le choix de l'ameublement exige l'avis de toute la famille !

J'ai travaillé le week-end pendant 30 ans : je n'en suis pas mort. C'est un choix qui a ses avantages et ses inconvénients.

Mme Annie David.  - Et cela doit rester un choix !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Les vendeuses de La Samaritaine étaient des démonstratrices de marques. Renseignez-vous !

L'amendement n°72 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°140 rectifié.

Mme Bariza Khiari.  - En limitant à cinq les dérogations autorisées, l'article premier préserve le dimanche comme élément fondamental de la vie familiale, sportive, culturelle, associative et spirituelle. En réaffirmant l'obligation de la majoration salariale et du repos compensateur, il signifie que le dimanche n'est pas un jour comme les autres.

Cette limitation du travail dominical est vitale pour nos commerces de proximité et l'attractivité des centres-villes, déjà fragilisés par la loi de modernisation de l'économie. Le groupe socialiste votera l'article premier. Mais quelle est sa portée, quand l'article 2 s'acharne à le contourner, voire à le contredire ?

La LME, qui devait moraliser les relations commerciales entre la grande distribution et ses fournisseurs, a donné les coudées franches à la distribution. La réduction des délais de paiement n'a guère de sens quand il s'agit des relations commerciales entre la librairie de quartier et le groupe Hachette... Plutôt que de répondre aux besoins des commerces de proximité, le Gouvernement ne se soucie que des grands, des gros, des puissants. Pourtant, un emploi créé en grande surface en détruit trois dans le petit commerce ! L'étude du Crédoc démontre que l'ouverture des commerces non alimentaires le dimanche entraînerait une perte d'emplois. Pour faire face à cette concurrence, les commerces indépendants de centre-ville chercheront à s'organiser pour ouvrir eux aussi le dimanche, généralisant, par capillarité, le travail dominical.

Cette mesure a pour seul mérite d'être un symbole de la volonté réformatrice du Président. Le travail dominical est une obsession de la droite libérale, dans la lignée du bouclier fiscal ou des déclarations du porte-parole de l'UMP sur le travail pendant un congé de maternité ou de maladie.

L'article premier est adopté.

Articles additionnels

Mme la présidente.  - Amendement n°42, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 3132-12 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Les salariés privés de repos dominical perçoivent une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent sous réserve d'un accord collectif plus favorable. »

M. Jean Desessard.  - Ces contreparties sont une exigence de justice sociale. Un accord collectif de branche pourra toujours être plus favorable, mais le principe d'égalité entre salariés doit être inscrit dans la loi pour éviter tout abus de la part des employeurs.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°76, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Annie David.  - Les contreparties au repos dominical doivent valoir pour tous les salariés. Nous proposerons plus loin d'empêcher que des accords collectifs puissent prévoir des contreparties moins favorables que celles prévues par la loi. En 2003, M. Fillon, alors ministre du travail, inversait la hiérarchie des normes : l'accord collectif ou d'entreprise peut désormais contredire le code du travail. Sous prétexte de renforcer la négociation, on contourne le code du travail et les protections d'ordre public !

Au Cese, les syndicats ont voté contre le rapport Bailly, mais pour le rapport Salto qui recommandait de « ne pas banaliser cette journée en généralisant l'ouverture des commerces et de maintenir le principe du repos dominical », et demandait un débat plus large. Ce n'était pas dire oui à l'ouverture dominicale dans les zones touristiques ou les Puce ! (Applaudissements à gauche)

Mme Isabelle Debré, rapporteur.  - Défavorable, pour les raisons que j'ai déjà exposées. Je fais confiance à la négociation collective.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Même avis. Je vous renvoie à ma réponse à l'amendement n°72. Quant à la négociation collective, elle fait l'objet d'autres amendements à venir.

M. Jean Desessard.  - Vous ne vous seriez pas répété, monsieur le ministre, en répondant que le vote des syndicats ne revenait pas à approuver la loi mais à demander que le travail dominical ne soit pas banalisé !

M. Xavier Darcos, ministre.  - J'aurais dit strictement la même chose qu'à l'amendement n°72. Je le répète, il n'y a pas de généralisation du travail dominical ! La question des dérogations faisait l'objet d'un texte qui n'a pas été désapprouvé par les représentations syndicales, qui s'étaient abstenues. (Applaudissements à droite)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Pas désapprouvé ? Ce n'est pas la même chose !

Les amendements identiques n°s76 et n°42 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°45, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le second alinéa de l'article L. 3132-12 du code du travail est complété par les mots : « , après consultation et avis de la commission de la négociation collective ».

M. Jean Desessard.  - L'article L. 3132-12 du code du travail prévoit qu'un décret en conseil d'État fixe la liste des catégories d'établissements intéressés. L'inscription sur cette liste ouvre aux commerces un droit permanent de déroger à la règle du repos dominical. Pour échapper à toute polémique, il est nécessaire de prévoir une consultation préalable des partenaires sociaux, je ne me lasserai pas de le répéter. Ce décret doit être pris après consultation de la Commission nationale de la négociation collective.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°75, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

M. Michel Billout.  - Nous ne pouvons nous satisfaire de cette mise à l'écart des partenaires sociaux, porteuse, de surcroît, de conflits potentiels. Il serait pertinent de prévoir une consultation de la Commission nationale de la négociation collective, chargée, aux termes de l'article L. 2271-1 du code du travail, d'émettre un avis sur les projets de loi, d'ordonnances et de décrets relatifs aux règles générales portant sur les relations collectives et individuelles du travail.

Mme Isabelle Debré, rapporteur.  - L'article L. 2271-1 prévoit déjà une consultation de la Commission consultative de la négociation collective. L'amendement nous a donc semblé redondant. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Darcos, ministre.  - Je confirme : L'amendement est superflu. Défavorable.

Mme Isabelle Debré, rapporteur.  - Même avis.

Les amendements identiques n°s45 et n°75 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°43, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 3132-20 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les salariés privés de repos dominical perçoivent une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent en temps. Ces dispositions sont d'ordre public sous réserve de dispositions plus favorables prévues par convention ou accord collectif. »

M. Jean Desessard.  - Le principe d'égalité de traitement des salariés sur tout le territoire doit être inscrit dans la loi. Ce qui signifie que les contreparties au travail dominical doivent être clairement prévues.

Comme l'indique le Conseil économique et social dans un avis du 28 février 2007, le dimanche est « un point fixe structurant permettant de se retrouver et de consolider la cellule familiale de plus en plus éclatée et dispersée ». Ajoutant que « c'est aussi un temps privilégié pour les activités culturelles, sportives, ludiques, touristiques, associatives, la rencontre avec des amis, la disponibilité sociale au service d'autrui, donc le support de la cohésion de la société ». Mais peut-être le ministre n'est-il pas de cet avis ?

M. Xavier Darcos, ministre.  - Arrêtez de me chercher !

M. Jean Desessard.  - La reconnaissance que le dimanche n'est pas un jour comme les autres doit s'accompagner de mesures compensatoires au travail dominical, y compris dans le cadre des dérogations temporaires au repos dominical accordées par le préfet.

Mme la présidente.  - Amendement n°77, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 3132-20 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les salariés privés de repos dominical perçoivent une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu'un repos compensateur équivalent sous réserve d'un accord collectif plus favorable. »

Mme Odette Terrade.  - Nous poursuivons, avec cet amendement, notre engagement pour la défense de l'égalité entre les salariés. C'est le chemin inverse de celui que vous défendez, monsieur le ministre.

En vous entendant expliquer qu'il ne s'agissait que de simplifier une situation beaucoup trop complexe pour tous, nous pouvions espérer que vous vous emploieriez aussi à la simplifier au profit des salariés du dimanche, en leur reconnaissant les mêmes droits. Las, vous ne visez nullement la situation des employés, mais seulement celle des employeurs et de leurs sociétés. Cette proposition de loi est tournée vers les patrons. Loin de saisir l'occasion d'une réelle harmonisation des droits des salariés, vous vous cantonnez à étendre les dérogations, à multiplier les différences de traitement, selon que l'on travaillera dans un Puce ou ailleurs, que l'on sera ancien ou nouveau salarié, que l'on travaillera déjà habituellement ou occasionnellement le dimanche, selon que l'on travaillera ou non dans une zone touristique, où la majorité des travailleurs n'auront pas droit à compensation.

Cette usine à gaz inégalitaire vous sert à limiter le plus possible le nombre de salariés qui bénéficieront d'un salaire double.

M. Jean Desessard.  - Eh oui !

Mme Odette Terrade.  - Nous pensons à l'inverse : égalité pour tous. Il faut donc en passer par la loi, afin que des accords collectifs moins favorables ne puissent pas venir réduire ce droit.

Que ceux-là mêmes qui ont préféré passer par la voie d'une proposition de loi pour contourner la négociation avec les partenaires sociaux, ceux-là mêmes qui, pour les mêmes raisons, refusent une étude d'impact prétendent rassurer en renvoyant à la négociation fait sourire.

Mme Isabelle Debré.  - Aux termes de l'article L. 3132-1 du code du travail tel que le rédige cette proposition de loi, les salariés bénéficieront des mêmes garantis que ceux des Puce, soit par accord collectif, soit par référendum d'entreprise. Il n'est pas nécessaire d'aller au-delà. Défavorable aux deux amendements.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Même avis.

Mme Annie David.  - Vous nous disiez il y a un instant, monsieur le ministre, que vous vous expliqueriez sur cette question ; c'est ce que vous appelez vous expliquer ?

M. Xavier Darcos, ministre.  - Nous avons toute la nuit. Je pourrais répéter ce que vient de dire le rapporteur, mais à quoi bon ? S'il existe un accord collectif, il s'applique. Nous respectons le principe de liberté de négociation entre les partenaires sociaux.

Mme Annie David.  - Un accord collectif, vous le savez fort bien, peut désormais être moins favorable. C'est pourquoi nous demandions de préciser que l'accord collectif ne s'applique que sous réserve qu'il soit plus favorable.

L'amendement n°43 n'est pas adopté.

L'amendement n°77 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°44, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le premier alinéa de l'article L. 3132-31 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'établissement, sur injonction de l'inspecteur du travail, n'est pas en mesure de produire une autorisation prévue par les articles L. 3132-20 et L. 3132-25-1, ce dernier peut demander en référé la fermeture administrative de l'établissement. »

M. Jean Desessard.  - Si l'on ne veut pas voir les dérogations suivre une courbe exponentielle, il faut renforcer l'effectivité des sanctions. Nous avons tous en tête des exemples de contentieux qui s'étendent sur des années -celui de Plan-de-campagne a d'ailleurs inspiré ce texte- et sur lesquels les avis divergent. Certains veulent l'amnistie.

Nous, nous pensons qu'il faut refuser l'amnistie et ce texte. Mais nous pouvons au moins nous mettre d'accord sur cet amendement par lequel le Parlement affirmerait sa volonté d'éviter de nouveaux contentieux en donnant à l'inspecteur du travail la faculté de demander en référé la fermeture administrative d'un établissement pour ouverture illégale le dimanche.

M. Xavier Darcos, ministre.  - C'est déjà le cas !

Mme la présidente.  - Amendement n°74, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 3132-31 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque l'établissement, sur injonction de l'inspecteur du travail, n'est pas en mesure de produire une autorisation prévue par les articles L. 3132-20 et L. 3132-25-1, ce dernier peut demander en référé la fermeture administrative de l'établissement. »

Mme Annie David.  - L'amendement est le même que celui de M. Desessard. A l'Assemblée nationale, vous avez refusé l'amendement, monsieur le ministre, au prétexte que « cette faculté, au demeurant fort légitime, est déjà prévue dans le code du travail à l'article L. 3132-31 qui dispose « l'inspecteur du travail peut, nonobstant toutes poursuites pénales, saisir en référé le juge judiciaire pour voir ordonner toutes mesures propres à faire cesser dans les établissements de vente au détail et de prestations de services au consommateur l'emploi illicite de salariés en infraction aux dispositions des articles L. 3132-3 et L. 3132-13. » Or cette proposition de loi propose, en son article 2, la rédaction de l'article L. 3132-3 suivante : « Dans l'intérêt des salariés, le repos hebdomadaire est donné le dimanche ». Cette formulation floue ne permet pas aux inspecteurs du travail de s'y fonder en toute sécurité, outre que le repos dominical ne relève pas du seul intérêt des salariés. En outre, vous avez fait référence à l'article L. 3132-13 qui concerne seulement les commerces de détail alimentaires qui ont obtenu une dérogation permanente. Notre amendement, en visant l'article L. 3132-20 relatif aux dérogations accordées par le préfet et l'article L. 3132-25-1 relatif aux dérogations accordées aux Puce, va donc plus loin. Votre explication, monsieur le ministre, ne se fonde donc pas sur des arguments juridiques. Ce ne sont qu'arguties pour éviter un renforcement des sanctions à l'égard des contrevenants qui ont su trouver le chemin de vos oreilles... Cet amendement, en affirmant la volonté du Parlement d'éviter de nouveaux contentieux, répondrait aux préoccupations de nombreux collègues à la tribune qui craignaient qu'un projet de loi ou, encore mieux, une proposition de loi ne légalise des situations illégales qui ne manqueront pas de se reproduire. Pour que ce texte soit respecté, il faut durcir les sanctions frappant les contrevenants.

Mme Isabelle Debré, rapporteur.  - Priver un salarié de repos dominical hors des dérogations prévues par la loi est déjà sanctionné par 1 500 euros d'amende par salarié employé illicitement, 3 000 en cas de récidive et le juge des référés peut ordonner la fermeture d'un établissement sous astreinte. Ces sanctions étant déjà très dissuasives, avis défavorable.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Même avis. Je répète à M. Desessard que cette loi n'est pas d'amnistie car elle n'interrompt aucune des poursuites en cours et le répéterai autant qu'il le faudra. Bis, ter, quater, repetita placent...

M. Jean-Pierre Fourcade.  - Ad finitum !

M. Xavier Darcos, ministre.  - En outre, sans être un spécialiste des spéculations sur le code du travail, la modification de la rédaction de l'article L. 3132-3 ne change rien au fait que l'inspecteur du travail peut demander en référé la fermeture d'un établissement contrevenant. L'avis est donc tout à fait défavorable.

Mme Annie David.  - Certes, monsieur le ministre, mais notre amendement élargit ces sanctions aux nouvelles dérogations visées, notamment à l'article L. 3132-25 que modifie ce texte ; des sanctions, au demeurant, peu appliquées... J'entends bien que les procès en cours ne seront pas interrompus. Mais en attendant que les grandes enseignes paient, associons des sanctions à cet article qui n'existait pas dans le code du travail. (Applaudissements à gauche)

M. Jean Desessard.  - Répéter, c'est parfois utile, n'est-ce pas ?

M. Xavier Darcos, ministre.  - L'article visé concerne les contrevenants tandis que les articles que vous voulez ajouter sont relatifs aux dérogations au repos dominical. Nous n'allons pas sanctionner ceux qui appliquent le droit à déroger !

M. Charles Revet.  - Très bien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Quelle clarté ! (M. le ministre manifeste son impatience)

L'amendement n°44 n'est pas adopté, non plus que le n°74.

Mme la présidente.  - Amendement n°66, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Muller et Mme Voynet.

Après l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La présente loi n'entrera en vigueur qu'après la signature d'un accord interprofessionnel tel que prévu par le code du travail.

M. Jean Desessard.  - Conformément à l'article L. 1 du code du travail relatif au dialogue social, les partenaires sociaux doivent être saisis avant l'entrée en vigueur de cette loi. On ne peut pas prôner la rénovation du dialogue social et se passer de l'avis des partenaires sociaux sur une question aussi importante d'autant que la grande majorité d'entre eux souhaitent l'ouverture de négociations sur un accord interprofessionnel.

Mme Isabelle Debré, rapporteur.  - Je ne comprends pas cet amendement. Un accord interprofessionnel sur quoi ? Ce texte ou ses dispositions ?

M. Jean Desessard.  - Ses dispositions !

Mme Isabelle Debré, rapporteur.  - Donc, à cause de la rédaction, avis défavorable. Je l'ai expliqué en commission mais, monsieur Desessard, vous n'étiez pas là...

M. Xavier Darcos, ministre.  - J'ai déjà répondu à cette question lors de l'examen de l'amendement n°7 : le législateur prend toutes ses responsabilités, en particulier dans le cas d'une proposition de loi, ce qui n'interdit en rien des négociations qui ont, d'ailleurs, eu lieu. Mais il est hors de question de changer l'organisation législative et réglementaire au motif de cette loi.

L'amendement n°66 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°73 rectifié, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le refus du salarié de travailler le dimanche ne peut être pris en compte pour l'attribution ou non d'une augmentation de salaire et ne peut déterminer l'attribution de primes et leur montant.

Un décret précise les conditions dans lesquelles la Haute autorité de lutte contre les discriminations peut être saisie et rend un avis sur la situation individuelle portée devant elle.

Mme Isabelle Pasquet.  - Ce texte aurait pour but, selon son auteur, de défendre les intérêts des salariés et de leur conserver leur emploi en période de crise. Cette loi d'exception met en lumière le chantage permanent à l'emploi auquel se livrent certains grands patrons. Selon M. Mallié, 15 000 salariés seraient menacés de licenciement si ce texte n'était pas adopté. Pour satisfaire quelques grands patrons, il faudrait donc revenir sur un principe vieux de 1906. D'où notre précision que le refus du salarié ne peut déterminer l'attribution d'une augmentation de salaire ou de primes, précision importante car de grandes enseignes, notamment de bricolage, ont déclaré qu'il était légitime de promouvoir les salariés qui travaillent le dimanche.

Enfin, pour satisfaire Mme le rapporteur qui regrettait l'absence de dispositions relatives au contrôle dans cet amendement auquel elle ne s'est pas déclarée défavorable, nous y avons intégré la Halde, compétente en matière de discrimination -et c'en serait une-, et qui présente l'avantage de ne pas empiéter sur les compétences des inspecteurs du travail tout en les éclairant par son avis.

Mme Isabelle Debré, rapporteur.  - Je m'exprimerai au nom de la commission sur l'amendement n°73, et non sur l'amendement rectifié puisque nous n'en avons pas eu connaissance. Le principe qu'il pose risque d'être difficile à contrôler : nous demandons donc l'avis du Gouvernement.

M. Xavier Darcos, ministre.  - Le refus de travailler le dimanche ne doit effectivement pas être préjudiciable à la carrière et à la rémunération, mais ceci est déjà prévu par les textes.

Pour les dérogations individuelles, la proposition de loi garantit le salarié contre toute mesure discriminatoire. Le travail le dimanche qui deviendrait durable entrainera une modification du contrat de travail, ce qui suppose l'accord du salarié. Cet amendement est légitime mais il est satisfait par les textes actuels, y compris la saisine de la Halde, s'il s'agit d'une discrimination. Je demande donc le retrait de cet amendement sinon, avis défavorable.

Mme Isabelle Debré, rapporteur.  - A titre personnel, même avis.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Tout cela parce qu'il faut un vote conforme !

L'amendement n°73 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°106, présenté par Mme David et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Chaque salarié qui travaille le dimanche bénéficie du paiement intégral des frais de transport supplémentaires, du paiement intégral des frais supplémentaires liés à la garde des enfants et du paiement intégral des frais de repas supplémentaires, consécutifs au travail le dimanche.

M. Michel Billout.  - Au titre des contreparties destinées aux salariés, il convient de prévoir la prise en charge des frais de transports et de garde des enfants. Cette dernière question est d'autant plus importante que la majorité des salariés de la grande distribution sont des femmes, souvent en grande précarité compte tenu des faibles rémunérations, et parfois qui élèvent seules leurs enfants.

Pourtant, bien que nous soyons tous conscients de cette situation, cette proposition de loi est curieusement muette sur ces questions. Interrogé à l'Assemblée nationale sur une série d'amendements similaires, vous avez tenté, monsieur le ministre, de louvoyer avant de faire une réponse étonnante : « Le texte porte sur le travail du dimanche, pas sur tous les problèmes sociologiques ».

M. Xavier Darcos, ministre.  - C'est vrai !

M. Michel Billout.  - Pourtant, le législateur ne doit-il pas se soucier des conséquences de ses votes ? Surprenante réponse qui renvoie à votre obstination de priver la représentation nationale d'une étude d'impact qui aurait permis d'aborder sereinement ces questions.

Concernant la garde des enfants, le petit bricolage qui consisterait à les confier aux grands-parents ou à des proches n'est pas satisfaisant, puisque tout le monde ne pourra pas bénéficier de ce type d'aides. En outre, on ne peut accepter que les salariés qui travaillent le dimanche soient contraint de faire appel à la solidarité des proches sous prétexte que les représentants de la Nation n'auraient pas accompagné les évolutions sociales, sociétales et sociologiques qui résultent de la généralisation du travail le dimanche.

Poussés dans vos retranchement, vous avez même osé dire « Nous n'obligeons personne à travailler le dimanche ».

M. Xavier Darcos, ministre.  - C'est vrai !

M. Michel Billout.  - Soit il s'agit d'un déni de réalité, soit d'une méconnaissance de la proposition de loi, puisque dans les zones touristiques, les salariés n'auront pas le choix : le travail le dimanche sera de droit. C'est précisément parce que ces dérogations sont de droit, qu'elles ont une force obligatoire sur les salariés, que nous devons prévoir des solutions pour permettre aux salariés d'accomplir le travail qu'on leur imposera demain dans des conditions un peu moins difficiles et injustes.

Mme Isabelle Debré, rapporteur.  - En tant que mère de famille, je m'étais posé la même question que vous, monsieur le sénateur. J'ai interrogé les syndicats et ils m'ont répondu qu'ils n'avaient pas cette remontée du terrain concernant la garde des enfants. (Murmures de réprobation à gauche)

Beaucoup de femmes seules souhaitent travailler le dimanche. (Exclamations sur les mêmes bancs) La solidarité familiale ou de voisinage n'est pas un vain mot : les frais de garde sont donc inexistants. En cas de séparation, c'est l'ex-conjoint qui peut se charger des enfants. En outre, et surtout, elles obtiennent deux jours de compensation. Nous en avions parlé avec Mme Le Texier et je crois que des femmes seules avec enfants lui ont également dit qu'elles souhaitaient travailler le dimanche, pas forcément parce que ce travail était payé double mais parce que les deux jours de repos compensateurs leur permettaient d'être avec leurs enfants.

Votre amendement n'est donc pas nécessaire. (Exclamations à gauche)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Et pourquoi ne pas inscrire que le père prendra les enfants les dimanches lorsque la mère travaillera ?

M. Xavier Darcos, ministre.  - La proposition de loi précise que les partenaires sociaux régleront les conditions de mise en place des dérogations et examineront les contreparties accordées aux salariés concernant les frais occasionnés par le travail du dimanche. Toutes ces discussions devront se faire au sein des entreprises concernées : ce n'est pas au législateur de fixer les conditions de remboursement des frais de transport ou de garde, car nous sommes dans des situations extrêmement diverses.

Cet amendement limiterait la discussion des partenaires sociaux : j'y suis donc défavorable.

Mme Raymonde Le Texier.  - Nous avons effectivement eu un échange informel avec Mme Debré et je veux préciser quelques points. J'ai rencontré dans une grande surface de bricolage ouverte le dimanche des caissières qui m'ont expliqué qu'elles voulaient travailler le dimanche car cela leur permettait d'avoir 300 euros de plus par mois. Grâce à cet argent, me disaient-elles, elles pouvaient faire un tout petit peu plus que de payer leur loyer et leurs charges fixes. Voilà donc des femmes obligées de travailler le dimanche pour avoir un petit peu plus de 20 euros de reste-à-vivre par semaine ! Cela vaut la peine qu'on y réfléchisse. Je suis persuadée qu'aucun d'entre nous ne souhaite une société où des mères de famille sont obligées de travailler toujours plus pour tout juste survivre.

Mme Odette Terrade.  - Eh oui !

Mme Raymonde Le Texier.  - En ce qui concerne la garde des enfants, si vous êtes obligée, madame le rapporteur, d'interroger les syndicats pour savoir s'il y a un problème, c'est tragique ! Ouvrons les yeux ! Il y a de plus en plus de femmes seules avec enfants et elles sont prêtes à accepter n'importe quel emploi, notamment le dimanche. (M. Dominique Braye s'exclame) Comment font-elles pour faire garder leurs enfants ? On n'a pas besoin d'interroger les syndicats pour savoir qu'il s'agit d'un parcours du combattant. Ces enfants resteront un jour de plus avec la clé autour du cou !

Ne venez pas dire ensuite que les parents ne font plus leur travail, qu'il n'y a plus de transmission de valeurs et que les enfants sont livrés à eux-mêmes ! (Vifs applaudissements à gauche)

M. Éric Doligé.  - Que faites-vous pour eux sinon larmoyer ?

Mme Raymonde Le Texier.  - Vous, vous ne faites rien ! Assumez au moins votre inaction !

Mme la présidente.  - Un peu de calme, mes chers collègues !

L'amendement n°106 n'est pas adopté.

Prochaine séance, aujourd'hui, mercredi 22 juillet 2009 à 9 h 45.

La séance est levée à minuit quarante.

Le Directeur du service du compte rendu analytique :

René-André Fabre

ORDRE DU JOUR

du mercredi 22 juillet 2009

Séance publique

A 9 HEURES 45, A 14 HEURES 30 ET LE SOIR

- Suite de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (n° 557, 2008-2009).

Rapport de Mme Isabelle Debré, fait au nom de la commission des affaires sociales (n° 561, 2008-2009).

Texte de la commission (n° 562, 2008-2009).