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Table des matières



Défenseur des droits (Deuxième lecture - Suite)

Discussion des articles du projet de loi organique (Suite)

Article 20

Article 21

Article 21 bis

Article 21 ter

Article 22

Article 24

Article 25

Article 26

Article 26 bis

Article 26 ter

Articles additionnels

Article 27

Article 28

Article 29

Article 33

Vote sur l'ensemble du projet de loi organique

Discussion des articles du projet de loi

Article premier bis

Article premier quater (Supprimé)

Article premier octies

Article 10

Article 14

Vote sur l'ensemble du projet de loi

Immigration, intégration et nationalité

Discussion générale

Avis sur une nomination

Question prioritaire de constitutionnalité

Conférence des présidents

Immigration, intégration et nationalité (Suite)

Discussion générale (Suite)

Exception d'irrecevabilité




SÉANCE

du mercredi 2 février 2011

68e séance de la session ordinaire 2010-2011

présidence de M. Bernard Frimat,vice-président

Secrétaires : M. Marc Massion, M. Bernard Saugey.

La séance est ouverte à 14 heures 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Défenseur des droits (Deuxième lecture - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la deuxième lecture du projet de loi organique, modifié par l'Assemblée nationale, relatif au Défenseur des droits et du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif au Défenseur des droits.

Discussion des articles du projet de loi organique (Suite)

Article 20

L'amendement n°74 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°90, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Lorsque sont en cause l'intérêt supérieur et les droits de l'enfant, le Défenseur des droits décide s'il donne suite à la réclamation après avis du Défenseur des enfants.

M. Roland Courteau.  - Au vu de la spécificité et de la technicité des droits de l'enfant, il s'agit de rendre obligatoire l'avis préalable du Défenseur des enfants sur l'opportunité d'une intervention du Défenseur des droits. Cet amendement reprend une proposition de l'Unicef et de la Défenseure des enfants.

M. Patrice Gélard, rapporteur de la commission des lois.  - J'ignorais que l'Unicef avait le droit d'amendement...

M. Roland Courteau.  - Ce ne serait pas le premier cas !

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Pour les raisons développées hier, l'avis est défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.  - Également.

L'amendement n°90 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°46, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

et si nécessaire, les démarches à entreprendre pour résoudre les problèmes soulevés

M. Roland Courteau.  - La mission du Défenseur des droits consiste non seulement à régler les difficultés soulevées devant lui mais aussi à indiquer, si nécessaire, à la personne dont la saisine n'appelle pas son intervention, les démarches à entreprendre ou les organismes à contacter. Nous rétablissons la rédaction retenue par les députés à l'article 20.

M. le président.  - Amendement n°73, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par les mots :

ainsi que les démarches à entreprendre pour résoudre les problèmes soulevés

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - La nomination du Défenseur des droits par le président de la République n'est pas une garantie en soi de son indépendance, d'autant que nous en faisons, au fil des débats, un personnage omnipotent. D'où notre volonté de renforcer la collégialité des décisions et l'autonomie des adjoints.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Nous ne voulons pas que le Défenseur devienne un Léviathan administratif. Cela va contre la Constitution. Le Défenseur n'est pas un avocat. Rejet des amendements nos46 et 73.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°46 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°73.

L'article 20 est adopté.

Article 21

M. le président.  - Amendement n°75, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 1

Après les mots :

le Défenseur des droits

insérer les mots :

, ou ses adjoints ou le Défenseur des enfants dans leurs domaines de compétences,

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Nous élargissons au Défenseur des enfants et aux adjoints les pouvoirs du Défenseur des droits.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Cet amendement devrait tomber...

M. le président.  - Amendement identique n°91, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

M. Richard Yung.  - C'est le même amendement. Il est inspiré par l'Unicef.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Les amendements sont satisfaits par l'article 11 A. Seuls les parlementaires ont le droit d'amendement, pas les organismes extérieurs, quels qu'ils soient.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Pour les mêmes raisons, retrait, sinon rejet.

Les amendements identiques nos75 et 91 ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°92, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 3

Remplacer les mots :

Il peut

par les mots :

Le Défenseur des droits ou le Défenseur des enfants peuvent

M. Richard Yung.  - Même logique. L'Unicef est pourtant une belle organisation...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Elle vaut bien le Medef !

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - L'amendement est satisfait par l'article 11 A.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°92 n'est pas adopté.

M. le président. - Amendement n°47, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 3

Après le mot :

discriminatoire 

insérer les mots :

 ou contraire au respect des règles de déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République

M. Roland Courteau.  - L'article 21 permet au Défenseur des droits d'émettre toute recommandation de nature à régler les difficultés dont il est saisi. La précision apportée par le Sénat en première lecture ne semblait pas indispensable, dans la mesure où le Défenseur des droits peut s'autosaisir et où le premier alinéa de l'article 21 lui donne un pouvoir général de recommandation.

Mais, dès lors que l'Assemblée nationale a précisé le champ du pouvoir de recommandation du Défenseur, il convient de l'étendre au respect des règles de déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Le Défenseur a un pouvoir général de recommandation. La précision ne paraît pas utile. Sagesse cependant...

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°47 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°48, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 6, seconde phrase

Remplacer les mots :

peut rendre public

par les mots :

rend public

M. Richard Yung.  - Il convient de prévoir la publicité systématique du rapport spécial afin de renforcer le caractère dissuasif de l'injonction.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Je vais faire plaisir à M. Yung : favorable. Le dispositif, grâce à l'amendement, sera effectivement plus dissuasif.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Obliger le Défenseur des droits à rendre public le rapport est rigidifier le système. De plus, il faut respecter le principe du contradictoire : rejet.

L'amendement n°48 est adopté.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Le Défenseur n'établira plus de rapport spécial dans ces conditions. Dommage !

M. le président.  - Amendement n°93, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Lorsque sont en cause l'intérêt supérieur et les droits de l'enfant, le Défenseur des droits demande l'avis du Défenseur des enfants avant de mettre en oeuvre les prérogatives mentionnées aux deux alinéas précédents.

M. Richard Yung.  - Il faut reconnaître la spécificité de la défense des droits de l'enfant.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Je ne peux pas toujours faire plaisir à M. Yung.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Perseverare diabolicum !

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - On ne peut pas prévoir une double consultation ; l'adjoint, membre du collège, aura tout loisir de s'exprimer devant ce dernier.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Cet amendement est dans le droit fil du précédent, donc défavorable ; vous mettez en cause le progrès que constituait le rapport spécial.

L'amendement n°93 n'est pas adopté.

L'article 21, modifié, est adopté.

L'article 21 bis A demeure supprimé.

Article 21 bis

M. le président.  - Amendement n°94, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots :

, sauf dans les situations mettant en cause les droits et l'intérêt supérieur de l'enfant

M. Richard Yung.  - La recherche d'un compromis, la médiation supposent un équilibre des parties. Donc, on ne peut pas le prévoir pour les enfants.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - La médiation peut intervenir entre les parents et les services sociaux. Rejet.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Lors de son audition, le Défenseur des enfants a souligné l'intérêt de la médiation. Défavorable également.

L'amendement n°94 n'est pas adopté.

L'article 21 bis est adopté.

Article 21 ter

M. le président.  - Amendement n°49, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après le mot :

discrimination

insérer les mots :

ou du non respect des règles de déontologie par les personnes exerçant des activités de sécurité sur le territoire de la République

M. Richard Yung.  - Texte même.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Cet article a été introduit par le Sénat en première lecture pour reprendre les dispositions relatives à la Halde. La logique d'assistance est peut-être moins opportune dans les cas soulevés par l'amendement. Sagesse.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Défavorable.

L'amendement n°49 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°140, présenté par Mme Garriaud-Maylam.

Compléter cet article par les mots :

y compris lorsque celles-ci incluent une dimension internationale

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - L'assistance est indispensable pour les affaires internationales, qui nécessitent une expertise particulière. La précision est également importante pour l'information de nos compatriotes à l'étranger. Les déplacements illicites d'enfants sont souvent des affaires complexes.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Je ne conteste nullement l'importance et la gravité de ces affaires, pour lesquelles les services du ministère de la justice sont en première ligne. Mais l'amendement n'apporte pas grand-chose ; il va de soi que le Défenseur des droits intégrera cette dimension. Retrait, sinon défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - La Chancellerie a en effet un bureau dédié à la question. Pour autant, ces affaires sont sensibles. Je serai moins sévère que le rapporteur. Sagesse.

M. Richard Yung.  - La semaine dernière, nous avons longuement débattu du problème des enfants de couples franco-japonais séparés. Je sais que la sous-direction du ministère est active. Cet amendement va dans le bon sens. Nous le soutiendrons.

M. Christian Cointat.  - Le rapporteur a reconnu l'importance de la question. Notre pays a un grand défaut : celui de ne pas suffisamment regarder à l'extérieur. La précision n'est donc pas superfétatoire. C'est un plus, une avancée, une ouverture vers l'international...

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - J'encourage mes collègues à suivre l'avis de sagesse du Gouvernement.

L'amendement n°140 est adopté.

L'article 21 ter, modifié, est adopté.

Article 22

M. le président.  - Amendement n°95, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots :

, sauf lorsque sont en cause l'intérêt supérieur et les droits de l'enfant

M. Richard Yung.  - Cet article prévoit la possibilité de conclure des transactions. Cette pratique est bonne mais ne saurait s'appliquer lorsque des enfants sont en cause.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Une transaction est un contrat, que ne peut conclure un mineur ; seuls les représentants légaux de l'enfant peuvent le faire. Le Défenseur des droits veillera évidemment aux intérêts de l'enfant. L'amendement n'apporte rien.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Défavorable

L'amendement n°95 n'est pas adopté.

L'article 22 est adopté, ainsi que les articles 23 et 23 bis.

Article 24

M. le président.  - Amendement n°78, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Deuxième phrase

Remplacer les mots :

peut rendre

par le mot :

rend

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Il serait logique que l'avis du Conseil d'État soit systématiquement rendu public.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Laissons au Défenseur des droits toute liberté d'appréciation : rejet.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°78 n'est pas adopté.

L'article 24 est adopté.

L'article 24 bis demeure supprimé.

Article 25

M. le président.  - Amendement n°96, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il peut également, sur proposition du Défenseur des enfants, suggérer toute modification de textes législatifs ou réglementaires visant à garantir un meilleur respect des droits de l'enfant, notamment en transposant en droit interne les stipulations des engagements internationaux qui sont dépourvus d'effet direct.

M. Richard Yung.  - L'objet est de garantir au Défenseur des enfants les mêmes prérogatives que celles de l'actuel Défenseur des enfants.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - L'amendement est largement satisfait par le II de l'article 4. Retrait. A défaut, défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°96 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°97, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le Défenseur des droits rend un avis sur tout projet ou proposition de loi concernant les enfants inscrits à l'ordre du jour de l'une ou l'autre des assemblées, après consultation du Défenseur des enfants.

M. Richard Yung.  - Texte même. L'amendement renforcera la défense des droits de l'enfant.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - La rédaction est trop large ; la loi du 6 mars 2000 ne prévoit rien de tel. Nous nous rallions à l'amendement de compromis du Gouvernement n°153.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Défavorable.

L'amendement n°97 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°153, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

Il peut être consulté par le Premier ministre sur tout projet de loi intervenant dans son champ de compétence.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Nous voulons donner au Défenseur des droits le plus de prérogatives possible.

L'amendement n°153, accepté par la commission, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°98, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Il contribue, en collaboration avec le Défenseur des enfants, à la demande du Premier ministre, à la préparation et à la définition de la position française dans les négociations internationales dans les domaines des relations des citoyens avec l'administration, de la défense et de la promotion des droits de l'enfant, de la déontologie de la sécurité ou de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l'égalité. Il peut participer, à la demande du Premier ministre, à la représentation française dans les organisations internationales et communautaires compétentes dans ces domaines.

M. Richard Yung.  - Nous voulons conserver, en l'étendant aux autres domaines de compétence, la prérogative de l'actuel Défenseur des enfants.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - L'amendement est largement satisfait par l'alinéa 4 de l'article 25. Prévoir que le Défenseur des droits contribuera à la définition de la position française dans le domaine des relations entre les citoyens et l'administration est pour le moins curieux... Avis défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - La position française dans les négociations internationales est définie par le président de la République et le Premier ministre. Cet amendement porterait en outre atteinte à l'indépendance du Défenseur des droits.

L'amendement n°98 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°99, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

Il produit un rapport sur l'application de la Convention internationale des droits de l'enfant et de ses protocoles en France dans le cadre de l'audition de l'État français devant le Comité des droits de l'enfant des Nations-Unies. Il participe à la pré-session organisée par les experts du Comité des droits de l'enfant en vue de la préparation de l'audition.

M. Richard Yung.  - Il est défendu.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - On ne peut donner injonction au Gouvernement. Et l'indépendance du Défenseur lui interdit de participer à l'élaboration de la politique étrangère.

L'amendement n°99 n'est pas adopté.

L'article 25, modifié, est adopté.

Article 26

M. le président.  - Amendement n°136, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 1

Supprimer cet alinéa.

M. Richard Yung.  - Dans un objectif de sécurité juridique, la Halde souhaite la suppression de cet alinéa qui est de nature à troubler la cohérence du texte. Il offre aux avocats des mis en cause un argument pour dénier l'intervention du Défenseur des droits devant les juridictions d'appel ou de cassation.

M. le président.  - Amendement n°137, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots :

devenue définitive

M. Richard Yung.  - Même esprit.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Le Défenseur ne peut pas remettre en cause une décision juridictionnelle... Retrait, sinon rejet de l'amendement n°136. La précision apportée par l'amendement n°137 n'est pas nécessaire. Retrait, sinon rejet.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - L'amendement n°136 bat en brèche un principe fondamental : on ne peut remettre en cause une décision juridictionnelle que par les voies de recours prévues par la loi. J'y suis donc très hostile, comme à l'amendement de repli n°137.

L'amendement n°136 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°137.

M. le président.  - Amendement n°100, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, première phrase

Remplacer les mots :

l'inviter

par les mots :

inviter le Défenseur des droits ou le Défenseur des enfants

M. Richard Yung.  - Simple amendement de précision.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Le Défenseur des enfants n'a pas d'existence constitutionnelle, je l'ai dit et répété. En outre, l'amendement est satisfait par le texte de la commission sur les adjoints et la possibilité de délégation. Retrait, sinon défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°100 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°141, présenté par Mme Garriaud-Maylam.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Lorsqu'une juridiction est appelée à statuer sur un déplacement illicite d'enfant ou sur l'autorité parentale alors que l'un des parents est étranger, l'intervention sous forme d'observations écrites ou orales du Défenseur des Droits ou, sur sa délégation, du Défenseur des enfants, est systématique.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Nous en revenons à la question épineuse des déplacements illicites d'enfants. Cet amendement d'appel permet au Défenseur des droits de sensibiliser les juridictions françaises à la jurisprudence sur les cas des déplacements d'enfants, aux pratiques étrangères et aux différentes possibilités de règlement du litige dans le respect de l'intérêt supérieur de l'enfant.

Le Défenseur des enfants pourrait être le personnage clé garantissant le maintien du lien entre l'enfant et ses deux parents, en liaison ave la Chancellerie.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Sans nier la gravité de ces affaires, laissons les juges, les parties et le Défenseur des droits lui-même apprécier au cas par cas, in concreto, si l'intervention de ce dernier est souhaitable. Retrait, sinon rejet.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Madame le sénateur, je comprends votre intention. Mais l'intervention systématique du Défenseur alourdirait la procédure. Et les juridictions sont plutôt bien informées de ces questions. Je suis prêt à rappeler aux procureurs généraux l'importance de la convention de La Haye. Au bénéfice de cette garantie, retrait.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Je vous remercie.

L'amendement n°141 est retiré.

L'article 26 est adopté.

Article 26 bis

M. le président.  - Amendement n°101, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 1

I. - Après les mots :

le Défenseur des droits

insérer les mots :

ou le Défenseur des enfants

II. - En conséquence, remplacer le mot :

mène

par le mot :

mènent

et le mot

ses

par le mot :

leurs

M. Richard Yung.  - Au regard de la spécificité et de la technicité des droits de l'enfant, il faut permettre au Défenseur des enfants de mener toute action de communication et d'information qui entre dans son domaine de compétences.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Nous avons déjà dit que le Défenseur des droits déléguera ses pouvoirs si nécessaire : rejet.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°101 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°103, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 1

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Le Défenseur des enfants assure la promotion des droits de l'enfant, notamment sur la convention relative aux droits de l'enfant.

M. Richard Yung.  - Il s'agit d'inscrire la promotion des droits de l'enfant parmi les compétences du Défenseur des enfants.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Pour les mêmes raisons, rejet.

L'amendement n°103, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 26 bis est adopté.

Article 26 ter

M. le président.  - Amendement n°50, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger ainsi cet article :

Dans le cadre de sa mission de défense des droits et de l'intérêt de l'enfant, le Défenseur des droits saisit le président du conseil général de toute situation d'enfant en danger ou en risque de danger susceptible de justifier son intervention.

M. Richard Yung.  - L'amendement précise que l'autorité locale compétente que peut saisir le Défenseur des droits est, en matière de protection de l'enfance, le président du conseil général.

M. le président.  - Amendement identique n°79, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Quand il s'agit de sécurité, la perspective d'empiler les textes ne nous gêne pas. Avec l'ADF, nous considérons que les missions du Défenseur des droits doivent s'adapter à la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance. Il faut reconnaître le rôle du président du conseil général comme chef de file de la protection de l'enfance.

M. le président.  - Amendement n°104, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger ainsi cet article :

Dans le cadre de sa mission de défense des droits et de l'intérêt supérieur de l'enfant, le Défenseur des droits saisit les autorités locales de toute situation d'enfant en danger ou en risque de danger susceptible de justifier son intervention.

M. Richard Yung.  - Repli.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - On ne peut pas, dans une loi organique, modifier des dispositions relevant de la loi ordinaire. C'est pourquoi il ne peut être question ici du président du conseil général. Défavorable aux amendements nos50 et 79. Je perçois mal le sens de l'amendement n°104 ; nous nous rallions à l'avis du Gouvernement.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Dans la loi, il n'est jamais question du « préfet » mais du « représentant de l'État dans le département ». C'est pourquoi les amendements nos50 et 79 sont inacceptables. Défavorable aussi à l'amendement n°104 : nous nous attachons à reprendre dans la loi organique tout ce que la loi de 2000 donnait au défenseur des enfants.

M. Marc Massion.  - Les amendements nos50 et 79 ne sont vraiment pas pertinents. Dans le cadre de la refonte de l'organisation territoriale, on pourrait imaginer que deux départements fusionnent avec une région et qu'il n'y ait plus de président de conseil général... En revanche, je voterai l'amendement n°104.

Les amendements identiques nos50 et 79 ne sont pas adoptés, non plus que l'amendement n°104.

L'article 26 ter est adopté.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°76, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Après l'article 26 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le cadre de ses missions, le Défenseur des droits organise la consultation régulière de la société civile.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cet amendement relève bien de la loi organique !

Il est inspiré par le président actuel de la Halde -laquelle n'est pas tout à fait un groupe de pression économique comme d'autres dont nous voyons souvent les amendements.

M. le président.  - Amendement n°138, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Après l'article 26 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Dans le cadre de ses missions, le Défenseur des droits organise et structure la consultation régulière de membres de la société civile. Un décret en Conseil d'État en fixe la composition et les modalités.

M. Richard Yung.  - Il est défendu.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Le Défenseur des droits n'a pas besoin de ces amendements pour consulter la « société civile »... pour autant que la notion soit claire !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Le Défenseur des droits n'a pas à recevoir de telles injonctions.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est Superman !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Si ce n'est une femme...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Alors, c'est Superwoman !

L'amendement n°76 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°138.

Article 27

M. le président.  - Amendement n°51, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

A. - Alinéas 2 à 4

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

II. - Il présente chaque année au Président de la République, au Président de l'Assemblée nationale et au Président du Sénat un rapport qui rend compte de son activité générale et comprend un rapport relatif à chacun de ses domaines de compétences énumérés à l'article 4. Le rapport consacré aux droits de l'enfant est remis à l'occasion de la journée internationale des droits de l'enfant.

B. - Alinéa 5

Remplacer les mots :

Les rapports visés aux 1° et 2°

par les mots :

Ces rapports

M. Richard Yung.  - Le rapport annuel du Défenseur des droits doit comporter un rapport à part entière et non une simple annexe thématique traitant de l'action menée dans chacun de ses domaines de compétence.

M. le président.  - Amendement n°105, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 4

Au début de cet alinéa, insérer les mots :

Avec le Défenseur des enfants,

M. Richard Yung.  - Il est défendu.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - L'amendement n°51 est curieux. Ce sont des poupées gigognes, des matriochkas. Quant à l'amendement n°105, il est satisfait et inutile.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis défavorable.

L'amendement n°51 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°105.

L'article 27 est adopté.

Article 28

M. le président.  - Amendement n°1 rectifié, présenté par MM. Cointat et Frassa, Mme Garriaud-Maylam, M. Guerry, Mme Kammermann et MM. Cantegrit, Duvernois et Ferrand.

Alinéa 2, première phrase

Après les mots :

sur l'ensemble du territoire

insérer les mots :

ainsi que pour les Français de l'étranger

M. Christian Cointat.  - Les difficultés des Français établis hors de France sont d'une particulière spécificité et d'une grande complexité ; c'est pour cela qu'a été institué, auprès du Médiateur de la République, un délégué plus particulièrement chargé des questions intéressant les Français établis hors de France. L'Assemblée nationale a remis en cause cette innovation opportune, très appréciée de nos compatriotes expatriés, en modifiant l'article 28. Notre amendement rétablit l'institution de délégués compétents pour les Français de l'étranger.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Favorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°1 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°106, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, après la première phrase

Insérer deux phrases ainsi rédigées :

Sur proposition du Défenseur des enfants, il désigne des délégués territoriaux aux droits de l'enfant en raison de leurs compétences. Ils sont notamment chargés de la promotion et de la défense des droits de l'enfant.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Des délégués territoriaux doivent incarner les droits de l'enfant sur les territoires. C'est une demande de la Défenseure actuelle des enfants, soutenue par l'Unicef. Le réseau existe et doit être soutenu.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Ce n'est pas au législateur organique de définir l'organisation territoriale du Défenseur des droits.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis défavorable.

L'amendement n°106 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°139 rectifié, présenté par Mme Garriaud-Maylam et M. Cointat.

Alinéa 2, après la première phrase

Insérer une phrase ainsi rédigée :

Il désigne un ou plusieurs délégués aux Français de l'étranger en charge de la protection des mineurs français à l'étranger et des affaires de déplacements illicites d'enfants.

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Je vais dans le même sens que l'amendement n°1 rectifié.

L'amendement n°139 rectifié est retiré.

L'amendement n°23 n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°53 rectifié, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, seconde phrase

Compléter cet alinéa par les mots :

, sans préjudice des compétences du Contrôleur général des lieux de privation de liberté

M. Jean-Pierre Sueur.  - Avec cet alinéa, il s'agit d'une coordination avec l'article 6 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, qui prévoit que le Médiateur de la République désigne un ou plusieurs délégués pour chaque établissement pénitentiaire.

Il convient de préciser que cette mission devra être accomplie sans préjudice des compétences du Contrôleur général des lieux de privation de liberté, dont le Sénat a maintenu, à juste titre, l'indépendance.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Cette précision est inutile.

L'amendement n°53 rectifié, repoussé par le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 28, modifié, est adopté.

L'article 28 bis demeure supprimé.

Article 29

M. le président.  - Amendement n°107, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Après les mots :

Le Défenseur des droits

insérer les mots :

ou le Défenseur des enfants,

M. Jean-Pierre Sueur.  - Amendement de coordination. Hélas, il tombe !

L'amendement n°107 devient sans objet.

M. le président.  - Amendement n°108, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Après les mots :

représentants légaux

insérer les mots :

sauf si cela est contraire à l'intérêt supérieur de l'enfant,

M. Jean-Pierre Sueur.  - Mme Versini tient beaucoup à cet amendement, tout comme l'Unicef.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Cette précision va de soi. Elle ne figurait pas dans la loi du 6 mars 2000 et tant Mme Versini que Mme Brisset s'y sont conformées. Même si cet amendement n'est pas adopté, la pratique s'y conformera. Avis défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le rappeler solennellement dans la loi n'est pas mauvais. La réponse du rapporteur vaudra pour l'interprétation de la loi. Le ministre a été très laconique : a-t-il la même interprétation que le rapporteur ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - J'emploie les mots avec leur sens ordinaire : j'ai dit avoir le même avis.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Merci.

L'amendement n°108 n'est pas adopté.

L'article 29 est adopté, ainsi que les articles 29 bis, 30 bis et 31.

Les amendements nos54 et 131 rectifié deviennent sans objet.

L'article 32 est adopté.

Article 33

Les amendements n°s55 et 132 rectifié deviennent sans objet.

M. le président.  - Amendement n°133 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéas 1 et 2

Remplacer le mot :

troisième

par le mot :

deuxième

Mme Françoise Laborde.  - Nous souhaitons avancer d'un mois l'entrée en vigueur de la présente loi organique. La mise en place du Défenseur des droits n'a déjà pris que trop de retard. On ne va pas attendre jusqu'à l'été ! J'ajoute qu'il est souhaitable de mettre fin à la situation juridique contestable née du cumul des fonctions de Médiateur de la République et de président du Conseil économique, social et environnemental. Cette situation inédite nuit à la préservation des droits des administrés qui s'adressent au Médiateur. Nous souhaitons que le Gouvernement confirme la position exprimée à l'Assemblée nationale en soutenant notre amendement.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Très bien ! Excellent !

M. le président.  - Amendement n°77, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

Toutefois, les dispositions de la loi concernant les compétences du Défenseur des droits visées aux 2°, 4° et 5° de l'article 4 n'entrent en vigueur qu'à l'échéance du mandat des actuels titulaires des fonctions de Défenseur des enfants, du Président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations, du Président de la Commission de déontologie de la sécurité et de Contrôleur général des lieux de privation.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Demeurent nombre d'interrogations sur les conditions prévues pour la mise en place du Défenseur. On ne sait même rien sur les conditions budgétaires.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Je m'étonne que ces amendements fassent l'objet d'une discussion commune : ils n'ont rient de commun.

M. le président.  - Ils portent sur le même alinéa : sans discussion commune, l'adoption d'un amendement empêcherait l'examen de l'autre.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Il va d'abord falloir choisir le Défenseur, qui devra passer devant nos commissions ; il devra choisir ses adjoints, mettre en place les collèges, adopter un code de déontologie. Cela ne peut se faire très rapidement ! Défavorable à l'amendement n°133 rectifié.

L'amendement n°77 pérennise les institutions dont nous voulons la suppression.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Je suis radicalement opposé à l'amendement n°77.

Le Gouvernement veut aller le plus vite possible mais nul ne sait quand exactement le texte sera adopté. Sagesse donc sur l'amendement n°133 rectifié.

L'amendement n°133 rectifié n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°77.

L'article 33 est adopté.

Vote sur l'ensemble du projet de loi organique

En application de l'article 59 du règlement, le projet de loi organique est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 324
Majorité absolue des suffrages exprimés 163
Pour l'adoption 186
Contre 138

Le Sénat a adopté.

Discussion des articles du projet de loi

M. le président.  - Nous en venons à la loi ordinaire.

Je rappelle qu'aux termes de l'article 49-5 de notre Règlement, le Sénat examine, en deuxième lecture, les seuls articles qui n'ont pas fait l'objet d'un accord entre les deux chambres.

L'article premier est adopté.

Article premier bis

M. le président.  - Amendement n°20 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

M. Yvon Collin.  - Cet article s'inscrit dans une série de dispositions introduites sur proposition du Gouvernement à l'Assemblée nationale et qui ne portent que sur la Cnil. Il est dépourvu de tout lien avec le présent texte et constitue un cavalier.

Nous ne nions pas l'intérêt de cet article sur le fond mais ce projet de loi n'est pas le bon wagon. Je m'étonne que notre rapporteur n'ait pas relevé le caractère cavalier de ces amendements du Gouvernement.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Telle n'est pas la position de notre commission qui a approuvé l'introduction de la plupart de ces articles additionnels.

Certes, le lien est ténu mais ces articles ont été déposés en première lecture à l'Assemblée nationale et le Défenseur des droits participe aux délibérations de la Cnil. Il y a donc un lien.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Effectivement.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - En outre, il y a urgence pour permettre à la Cnil de remplir ses missions. Défavorable donc à cet amendement de suppression et aux suivants.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Il y a urgence à donner une base légale à l'action de la Cnil. Comment un parlementaire chevronné peut-il vouloir limiter le rôle du Parlement ? Cette conversion brutale de M. Collin m'attriste. (Sourires) Ces articles additionnels ne sont pas des cavaliers. Ces amendements ayant été déposés en première lecture, ils sont recevables au titre de l'article 45-1 de la Constitution, qui se contente d'un lien « indirect ». Ici, le lien est direct, quoique ténu. (Sourires)

M. Yvon Collin.  - Je ne suis pas complètement convaincu mais retrait.

M. Adrien Gouteyron.  - C'est la conversion !

L'amendement n°20 rectifié est retiré.

L'article premier bis est adopté.

Les amendements nos9 et 21 rectifié sont retirés.

L'article premier ter est adopté.

Article premier quater (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°14, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

I. - L'article 13 de la même loi est ainsi modifié :

1°. - Après le neuvième alinéa du I, sont insérés trois alinéas ainsi rédigés :

« La fonction de président de la commission est incompatible avec toute activité professionnelle, tout mandat électif national, tout autre emploi public et toute détention, directe ou indirecte, d'intérêts dans une entreprise du secteur des communications électroniques ou de l'informatique.

« La durée du mandat du président est de cinq ans.

« Le président de la commission reçoit un traitement égal à celui afférent à la seconde des deux catégories supérieures des emplois de l'État classés hors échelle. » ;

2°. - Le premier alinéa du II est ainsi modifié :

a) A la première phrase, les mots : « mentionnés aux 3°, 4°, 5°, 6° et 7° du I » sont supprimés ;

b) La dernière phrase est supprimée.

II. - Le 1° du I entre en vigueur au 1er septembre 2012.

II. - Une nouvelle élection du président de la Commission nationale de l'informatique et des libertés est organisée au cours de la première quinzaine de septembre 2012.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Ne me dites pas que c'est un cavalier ! Il y a cinq parlementaires à la Cnil, où ils représentent la diversité ;  une certaine diversité, puisque le groupe CRC n'est pas représenté ! S'il devient président de la Cnil -« activité à plein temps » selon notre collègue Türk qui, de surcroit, exclut toute activité partisane-, un parlementaire doit abandonner son mandat.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Cet amendement pose de multiples problèmes ! D'abord, il n'y a pas urgence. Cet amendement devrait figurer dans le texte sur la vie privée à l'heure du numérique, ou bien dans un texte sur les AAI. La présidence de notre collègue Türk a bénéficié tant à la Cnil qu'au Sénat. Cet amendement imposerait deux élections à la Cnil en moins d'un an. Si le représentant du Sénat devait démissionner pour présider la Cnil, nous perdrions un représentant.

Pourquoi les parlementaires seraient-ils seuls à être touchés par une telle incompatibilité ? Une telle disposition concernant les incompatibilités parlementaires doit relever d'une loi organique. Cet amendement doit être retiré, jusqu'à une autre fois.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Une fois n'est pas coutume, j'approuve cet amendement de Mme Borvo qui reprend une de nos propositions, adoptée par l'Assemblée nationale. Il n'y a pas d'urgence ? Le Gouvernement agit rapidement, par déférence envers le Sénat : nous voulons régler l'affaire avant les prochaines élections sénatoriales. On va créer deux catégories ? Il y a bien d'autres cas où les parlementaires ne peuvent pas être présidents : c'est le cas dans les collèges du Défenseur des droits. Le Gouvernement est très attaché à cet amendement.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Pas nous.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Il y a l'Assemblée nationale.

L'amendement n°14 est adopté et l'article premier quater est rétabli.

L'article premier quinquies est adopté, ainsi que les articles premier sexies et premier septies.

Article premier octies

Les amendements nos13 et 25 sont retirés.

M. le président.  - Amendement n°26, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 5

Seconde phrase

Remplacer les mots :

inférieur à dix jours

par les mots :

ramené à cinq jours

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Amendement de précision.

L'amendement n°26, accepté par la commission, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°27, présenté par le Gouvernement.

Alinéas 10 et 11

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« II. - En cas d'urgence, lorsque la mise en oeuvre d'un traitement ou l'exploitation des données traitées entraîne une violation des droits et libertés mentionnés à l'article 1er, la formation restreinte peut, après une procédure contradictoire : 

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Il faut revenir à la rédaction actuelle du II de l'article 45 de la loi Informatique et libertés : en cas d'urgence, la formation restreinte de la commission ne peut pas prononcer un avertissement ; en revanche, elle peut, après débat contradictoire, décider d'interrompre la mise en oeuvre du traitement, de verrouiller certaines données à caractère personnel traitées ou encore d'informer le Premier ministre pour qu'il prenne, le cas échéant, les mesures permettant de faire cesser la violation constatée. Ces dispositions sont plus adaptées que celles prévues par la commission.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Défavorable : c'est un recul par rapport au droit en vigueur.

L'amendement n°27 n'est pas adopté.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - On ne peut pas gagner à tous les coups !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - C'est le droit qui doit gagner.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - A condition de ne pas restreindre les pouvoirs de la Cnil.

M. le président.  - Amendement n°28, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 17

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Ce rapport est notifié au responsable du traitement, qui peut déposer des observations et se faire représenter ou assister. »

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Cet alinéa permet au président de la Cnil de confier la rédaction du rapport au secrétaire général, ou à tout agent des services désigné par ce dernier. Or cette rédaction n'est pas détachable de la procédure de sanction.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Cette faculté, ouverte pour des dossiers très techniques, est reconnue dans d'autres autorités comme l'AMF, le CSA ou l'Arcep : rejet.

L'amendement n°28 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°29, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 20

Troisième et quatrième phrases

Supprimer ces phrases.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Dans la ligne des amendements précédents, nous souhaitons supprimer la possibilité de publier, d'une part, la mise en demeure adressée au responsable de traitement défaillant et, d'autre part, la décision qui clôt la procédure de poursuite.

Une telle disposition ouvrirait des occasions de contentieux pour excès de pouvoirs, ce qui, sans doute, n'est pas le but de la commission. La disposition est inutile et pourrait être coûteuse pour le budget de l'État.

M. Patrice Gélard, rapporteur.  - Encore une fois, je ne peux pas donner satisfaction au Gouvernement. La clôture doit faire l'objet d'une publicité, comme la mise en demeure. L'existence de cette procédure au CSA ou à l'Arcep montre que les arguments du Gouvernement ne sont pas pertinents.

L'amendement n°29 n'est pas adopté.

L'article premier octies est adopté.

L'article premier nonies est adopté, ainsi que les articles 3, 4, 7, 8 bis et 9.

Article 10

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer les mots :

, du Défenseur des enfants, ainsi que de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité

M. Jean-Pierre Sueur.  - Les amendements nos5, 6 et 7 sont de coordination.

L'amendement n°4 tombe.

L'article 10 est adopté.

Les amendements nos5, 6 et 16 rectifié tombent.

L'article 11 est adopté, ainsi que l'article 12.

Article 14

M. le président.  - Amendement n°15, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est un amendement de coordination.

L'amendement n°15 tombe, ainsi que les amendements nos7 et 17 rectifié.

L'article 14 est adopté.

Les amendements nos18 rectifié et 19 rectifié tombent.

L'article 14 bis est adopté, ainsi que l'article 15.

Vote sur l'ensemble du projet de loi

L'ensemble du projet de loi, modifié, est adopté.

La séance, suspendue à 16 heures 40, reprend à 17 heures 35.

Immigration, intégration et nationalité

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

Discussion générale

M. Brice Hortefeux, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.  - Comme tous ses grands partenaires, la France doit relever le défi de la régulation des flux migratoires et de la lutte contre l'immigration clandestine. Sous l'impulsion du président de la République, nous approfondissons la politique volontaire et concertée menée depuis 2002, qui s'inscrit dans un mouvement européen. On se souvient, en effet, que j'avais fait adopter sous présidence française de l'Union, à l'unanimité des 27, un Pacte européen sur l'immigration.

Je veux rendre hommage à M. Besson, qui a porté ce texte à l'Assemblée nationale en septembre, au président et au rapporteur de la commission, à M. Longuet, président du groupe UMP, à Mme Troendle, à MM. Nègre et Jacques Gautier pour les améliorations qu'ils ont proposées. Je sais aussi l'attention que porte le groupe de l'Union centriste à ces questions.

M. David Assouline.  - La drague commence.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Notre politique est cohérente, organisée et concertée. Elle se bâtit d'abord sur des principes simples et justes : comme tous les pays, la France a le droit de choisir qui elle souhaite accueillir sur son territoire ; tous les étrangers en situation irrégulière ont vocation à être reconduits dans leur pays d'origine, même si des situations particulières, humanitaires ou politiques, peuvent être prises en compte ; les étrangers accueillis légalement ont, pour l'essentiel, les mêmes droits que les Français. C'est une politique humaine et ferme dans la lutte contre l'immigration clandestine et les formes d'esclavagisme moderne qui vont avec.

Une administration unique créée en 2007, baptisée à juste titre d'état-major et regroupée au sein du ministère de l'intérieur, pilote cette politique qui donne lieu à une concertation approfondie avec les pays d'origine des immigrants. Pas moins de quinze accords de gestion concertée ont été signés avec le Burkina Faso, le Brésil, le Sénégal ou le Monténégro. Le Sénat examinera bientôt l'accord avec le Cameroun.

N'en déplaise à certains, notre politique est non seulement comprise mais soutenue, partagée par tous nos partenaires européens. Je l'ai vérifié il y a quelques jours à Athènes : le Premier ministre grec, socialiste, l'approuve. Et je ne veux pas croire que les socialistes français soient isolés au sein de l'Internationale socialiste.

M. David Assouline.  - Nous le sommes. Voyez Ben Ali !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Vous persistez donc à être minoritaires parmi les minoritaires. (Applaudissements à droite) Je m'adresse aussi aux communistes, dont les camarades cypriotes mènent la même politique d'immigration que nous. Au printemps, je poursuivrai en réunissant à Paris l'Espagne, l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie ainsi que les principaux pays d'entrée en Europe : Malte, Chypre et la Grèce.

Je souhaite que le débat soit constructif et que personne ne campe sur des positions idéologiques ou ne fasse preuve d'archaïsme dogmatique.

M. David Assouline.  - On vous fait confiance !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Notre politique a donné des résultats positifs, à considérer le nombre de reconduites à la frontière mais aussi les moyens que nous avons mobilisés pour démanteler les filières -pas moins de 183 ont été démantelées- et l'augmentation du nombre d'opérations de lutte contre le travail illégal. C'est dire notre volontarisme car, pour nous, il ne s'agit pas de dossiers mais d'hommes et de femmes, et parfois d'enfants, livrés à la cupidité des passeurs, et parfois de patrons sans scrupule...

M. David Assouline.  - Eux ne sont pas en prison !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Ce combat juste nous concerne tous.

Nous avons réformé le regroupement familial. Des conditions de logement et d'intégration ont été introduites. L'immigration par regroupement familial représente aujourd'hui 15 000 cas contre 26 000 autrefois. Parallèlement, nous avons encouragé l'immigration professionnelle des travailleurs. Celle--ci a progressé, quoique moins que nous ne l'aurions voulu en raison de la crise. Nous avons assoupli les conditions de délivrance de la carte « salarié en mission » et amélioré la gestion du travail saisonnier.

Pour lutter contre le communautarisme, nous avons lancé le contrat d'accueil et d'intégration depuis 2003. Le nombre de contrats signés -près de 500 000 depuis 2006- n'a cessé de progresser, ce qui est une bonne chose.

Notre pays, par tradition, accueille chaque année 10 000 réfugiés politiques. Leurs demandes sont examinées par l'Ofpra et la CNDA. Cette tradition n'est pas remise en cause mais l'asile ne doit pas être le passeport pour la clandestinité. Or, le nombre de demandes progresse : plus de 12 000 demandes supplémentaires entre 2007 et 2009. Le phénomène n'est d'ailleurs pas propre à la France : l'Allemagne et la Belgique connaissent la même situation.

La réponse est d'abord opérationnelle. J'ai obtenu dix postes supplémentaires à l'Ofpra et trente à la CNDA. Je n'accepte pas les délais actuels. Ils sont de dix-neuf mois, ce n'est pas digne pour un véritable réfugié politique.

M. Guy Fischer.  - On ne saurait dire mieux !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Il faut les ramener à moins d'un an, quelques mois si possible.

Il faut de nouveaux outils juridiques, non de nouvelles cathédrales législatives. D'où ce texte...

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est une chapelle ?

M. Brice Hortefeux, ministre.  - ...qui transpose trois directives : la directive Carte bleue européenne, qui vise à encourager une immigration qualifiée sans pour autant piller les cerveaux des pays émergents ; la directive Retour, de 2008, qui encadre les conditions d'éloignement des étrangers en situation irrégulière ; enfin, la directive Sanctions, qui protège les droits des travailleurs étrangers illégaux.

En outre, ce projet de loi procède à des ajustements juridiques en matière d'accès à la nationalité. Nous créons une voie d'accès rapide à la nationalité pour ceux -pas seulement les sportifs- qui témoignent d'un parcours exceptionnel. L'intégration doit être la base de la naturalisation, d'où la signature d'une charte des droits et devoirs du citoyen qui s'appuiera sur l'adhésion à nos valeurs ainsi que sur une évaluation plus objective de la maîtrise de la langue française. En regard, comme le président de la République s'y est engagé à Grenoble, un nouveau cas de déchéance de la nationalité est prévu pour ceux qui portent atteinte à la vie de personnes dépositaires de l'autorité publique.

Je précise qu'il ne s'agit aucunement de créer des apatrides : ne seraient visés que les binationaux. La mesure n'est pas une innovation, l'article 25 du code civil prévoit plusieurs cas de déchéance de nationalité. Je note que jusqu'en 1998, soit pendant les deux septennats de François Mitterrand, le droit était en la matière plus rigoureux que le droit actuel, plus rigoureux même que ce que propose ce texte. Le constat est simple : on ne peut vouloir devenir français et porter atteinte à la vie de quelqu'un qui incarne la Nation tout entière. Rien de scandaleux dans cette affaire. Le Conseil d'État n'a rien trouvé à y redire. (Mme Catherine Troendle approuve) Il s'agit de tirer les conséquences d'un acte qui, par nature, place son auteur hors de la communauté nationale.

Enfin, il faut trouver un peu de souplesse dans les procédures face à des situations extraordinaires. Le 22 janvier 2009, 123 Kurdes avaient débarqué sur une plage de Corse du sud ; les services s'étaient trouvé démunis. D'où la création de zones d'attente ad hoc où les personnes jouiront de tous leurs droits. (M. Guy Fischer en doute)

Dans le même esprit, la durée maximale de la rétention administrative est portée de 32 à 45 jours. J'étais peu convaincu lorsque cette proposition a été faite. Pour autant, cette mesure permettra de faciliter la signature d'accords de réadmission et l'obtention des laissez-passer consulaires. La Chine met 35 jours ; le Mali a besoin de 38 jours. Or, l'absence de laissez-passer est la première cause de l'échec des procédures d'éloignement. Pour ceux qui ont des scrupules à voter cette disposition, rappelons que la France aura encore la durée de rétention la plus courte d'Europe : l'Espagne du socialiste Zapatero a prévu 60 jours et la directive Retour fixe la durée maximale à six mois, prolongeable de douze dans certains cas.

En outre, nous réorganisons le contentieux de l'éloignement. Merci à M. Longuet de son amendement qui revient à la rédaction de l'Assemblée nationale. Aucun sénateur ne peut affirmer à la tribune que les procédures actuelles marchent du feu de Dieu... Tout le monde sait que non, n'est-ce pas monsieur Mézard... (L'interpellé s'étonne)

M. Guy Fischer.  - Le ministre provoque !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - « Un enchevêtrement aux conséquences graves », ainsi était qualifiée la situation par la commission Mazeaud. D'où le délai de cinq jours : le juge administratif aura statué sur le fond avant que le juge judiciaire ne se prononce sur la prolongation de la rétention. Cette réforme est respectueuse du droit des étrangers. En outre, le recours est suspensif : durant les cinq jours, l'étranger ne peut pas être éloigné.

En tant que ministre de l'intérieur, je tiens tout particulièrement au régime spécifique de rétention applicable aux personnes soupçonnées d'actes terroristes. Il se trouve que, aujourd'hui, ces étrangers ne peuvent pas être éloignés pour des raisons procédurales : ils doivent être assignés à résidence à l'hôtel. Les Français, s'ils le savaient, en resteraient les bras ballants ! D'où le possible placement en rétention, toujours sous le contrôle du juge des libertés et de la détention, pendant une période de six mois, prolongeable de douze dans les cas exceptionnels. Le 13 janvier, le Conseil d'État a donné son accord. Le sort de cette disposition est maintenant entre vos mains.

Ce texte n'est pas une cathédrale. Nous proposons un texte pragmatique pour consolider l'équilibre, toujours fragile, de notre communauté nationale. (Applaudissements à droite)

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois.  - Ce texte, examiné par l'Assemblée nationale en septembre dernier, transpose les directives Retour de décembre 2008, Carte bleue européenne de mai 2009 et Sanctions de juin 2009.

La commission s'est efforcée de préciser et d'améliorer le texte, dont elle approuve les grandes lignes. Parfois, monsieur le ministre, elle s'en est quelque peu éloignée.

Pour améliorer l'intégration, notre commission pense que le renouvellement des titres de séjour et la délivrance des cartes de résident ne peuvent être conditionnés au respect du contrat d'accueil et d'intégration que si celui-ci est en cours d'exécution.

L'Assemblée nationale a souhaité un contrôle plus objectif de la maîtrise de la langue française. Elle a également étendu d'un an le délai pendant lequel l'administration peut rapporter un décret de naturalisation en cas d'erreur ou de fraude ; la commission des lois a supprimé l'extension pour le second cas. Nous avons aussi resserré le champ du nouveau cas de déchéance de la nationalité aux seuls crimes commis contre les représentants des forces de l'ordre et les magistrats. L'Assemblée nationale allait jusqu'aux gardiens d'immeuble... Au reste, nous suivons la lettre du discours de Grenoble. Pour éviter tout risque d'inconstitutionnalité, nous avons introduit une exigence de proportionnalité entre la sanction et la gravité des faits perpétrés.

Concernant le deuxième objectif du texte, la commission a encadré dans le temps et dans l'espace la création de zones de rétention. Le droit au séjour des étrangers malades doit rester en l'état : avant de modifier la loi, comme l'ont voulu les députés, il faut une évaluation. L'Assemblée nationale a souhaité en outre renforcer la lutte contre les mariages gris -ceux dans lesquels le conjoint a été trompé sur l'intention véritable. Mieux vaut expliciter le droit existant qui permet déjà de réprimer de tels faits. (M. Guy Fischer et Mme Nicole Borvo Cohen-Seat approuvent)

Enfin, notre commission a accepté un amendement de Mme Joissains relatif au séjour des étrangers qualifiés et un autre de Mme Garriaud-Maylam qui oblige l'administration à motiver un refus de visa à un étranger lié à un Français par un Pacs.

J'en viens aux procédures et au contentieux de l'éloignement. L'interdiction de retour est une nouveauté de la directive. Les députés l'ont rendue quasi systématique, ce qui paraît excessif : revenons-en au texte du Gouvernement. La réforme du contentieux va effectivement dans le sens d'une simplification mais quid du respect de l'article 66 de la Constitution ? Le Conseil constitutionnel avait censuré, en 1980, un dispositif qui ne prévoyait l'intervention du juge judiciaire qu'après sept jours. La commission a voté la suppression du report à cinq jours de l'intervention du juge des libertés. Elle a en outre adopté l'amendement du Gouvernement sur les étrangers condamnés pour faits de terrorisme en instance d'expulsion...

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Enfin, la commission a adopté des amendements du Gouvernement pour une transposition plus complète de la directive Libre circulation.

Le texte crée, contre les employeurs d'étrangers en situation illégale, des sanctions allant jusqu'à la fermeture administrative pour trois mois, le remboursement des aides publiques et l'exclusion de la commande publique. Il prévoit en outre de nouveaux droits pour les travailleurs illégaux. La jugeant superflue, la commission a supprimé la disposition introduite par les députés sur les employeurs de bonne foi.

Pour finir, quelques mots du droit d'asile.

Le délai d'examen des dossiers est beaucoup trop long, dix-neuf à vingt mois en moyenne. Le texte autorise le placement en procédure prioritaire en cas d'altération volontaire des empreintes digitales, rationalise l'octroi de l'aide juridictionnelle devant la CNDA et autorise la visioconférence pour les requérants outre-mer ; un amendement du Gouvernement étend cette dernière disposition à l'ensemble du territoire national. Notre commission fera des propositions pour tenir compte de la diversité des situations des demandeurs d'asile. (Applaudissements à droite)

M. Yvon Collin.  - Nous sommes nombreux à regretter, au Sénat, ce texte injuste, parfois attentatoire à la dignité de la personne humaine. Il est illusoire de penser que l'Europe et la France peuvent être érigées en forteresses isolées de la misère du monde.

Il nous revient de prendre conscience de cette tendance lourde, avec responsabilité et humanité. Les flux migratoires doivent aussi être régulés dans un sens moral. La France ne peut être indifférente à la désespérance. En tant que rapporteur spécial de l'aide au développement, je connais les difficultés insupportables d'Haïti ou de l'Afrique subsaharienne.

Voici donc le cinquième projet de loi sur le même sujet depuis 2002, preuve de l'échec d'une politique. L'incertitude juridique ainsi créée est d'autant plus intolérable qu'elle concerne des personnes démunies. Aucune mesure répressive n'est venue à bout des phénomènes migratoires massifs. Je ne suis pas favorable à l'entrée massive d'étrangers en situation irrégulière, mais pas non plus à des mesures extrêmes et inhumaines comme celles dans lesquelles le Gouvernement pourrait s'engager...

M. Guy Fischer.  - Il s'y engage.

M. Yvon Collin.  - ...en faisant de l'étranger un suspect a priori.

M. Guy Fischer.  - Un bouc émissaire !

M. Yvon Collin.  - L'égalité de tous, sans distinction, est un principe constitutionnel majeur. Le Conseil constitutionnel a rappelé, en 1996, que l'on ne peut distinguer entre les personnes ayant la nationalité française. La transposition de trois directives n'est qu'un prétexte: vous allez bien au-delà.

C'est le cas pour la rétention, qui devrait être le dernier recours et dont vous faites la règle. Vous allongez sa durée quand le droit communautaire juge qu'elle doit être la plus courte possible.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Ce n'est écrit nulle part !

M. Yvon Collin.  - Vous repoussez et complexifiez le recours au juge ; les droits de la défense sont ramenés au rang de souvenir tandis que le délai de recours du parquet est allongé. Vous videz de sa substance le droit d'asile.

Bref, vous faites de l'étranger un justiciable de seconde zone, quitte, d'ailleurs, à créer des sources de contentieux.

Nos valeurs sont aux antipodes de celles qu'impose ce texte. Le nombre d'entrées en France reste aux alentours de 200 000, malgré vos lois successives. Le débat sur l'identité nationale n'aura réussi qu'à libérer la parole qui stigmatise l'autre. Vous reniez les principes humanistes, comme avec la funeste circulaire sur les Roms...

M. Guy Fischer.  - Scandaleux !

M. Yvon Collin.  - ...que Bruxelles a condamnée.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Pas du tout !

M. Yvon Collin.  - La majorité des membres du RDSE s'opposera avec fermeté à ce projet de loi, dont M. Mézard demandera le renvoi en commission. (Applaudissements à gauche)

Mme Éliane Assassi.  - Ce projet de loi est le septième texte relatif aux étrangers depuis 2003. Un par an ! C'est dire votre obsession à stigmatiser, voire à criminaliser les étrangers et les populations issues de l'immigration. La transposition de directives n'est qu'un prétexte à surenchère, en période préélectorale, pour capter les voix du Front national. (Protestations sur les bancs UMP, approbations à gauche)

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Où vont-ils chercher cela ?

Mme Éliane Assassi.  - Entre crise financière et future campagne présidentielle, vous libérez la parole raciste -je vous renvoie au débat nauséabond sur l'identité nationale- et transformez les étrangers en boucs émissaires. Une fois encore, vous faites des amalgames entre immigration et délinquance, comme dans la Loppsi 2 dont le texte issu de la CMP sera examiné la semaine prochaine, en plein coeur de notre débat.

Votre projet de loi est un ramassis de dispositions toutes plus choquantes les unes que les autres ; vous parlez, par exemple, de charge insupportable...

M. Louis Nègre.  - Qui paie?

M. Guy Fischer.  - Les immigrés sont tous des fraudeurs !

Mme Éliane Assassi.  - L'expulsion des Roms bulgares et roumains a valu à la France une condamnation européenne.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Laquelle ?

Mme Éliane Assassi.  - Le Gouvernement développe tout un catalogue de mesures dérogatoires ; il fait de l'outre-mer une terre à part, comme si les lois n'avaient pas à y être les mêmes qu'ici. A quand le droit du sang et un mur ? (Marques d'agacement à droite) Vous créez des zones d'attente ad hoc qui vous permettent d'expulser en catimini. Immigration irrégulière et droit d'asile n'ont pourtant rien à voir.

Pour ceux qui auraient réussi à entrer...

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Il y en a !

Mme Éliane Assassi.  - ...vous avez prévu des mesures pour les empêcher de se marier, vous multipliez les obstacles au séjour des étrangers malades.

Mme Catherine Troendle.  - Eh bien oui !

M. Guy Fischer.  - Les colonies, c'est terminé !

Mme Éliane Assassi.  - La question de fond est celle de l'inégalité qui empêche de vivre bien. Est-on intégré quand on pointe à Pôle emploi, qu'on est payé en dessous du seuil de pauvreté, qu'on est mal logé, qu'on est mal soigné ? Les travailleurs étrangers subissent double ou triple peine, entre carte de séjour, patrons voyous et impossibilité de se soigner.

Pour ceux qui auraient passé tous les obstacles jusqu'à être naturalisés, l'épée de Damoclès restera menaçante : ils pourront être déchus en cas d'assassinat d'un juge ou d'un membre des forces de l'ordre.

M. Louis Nègre.  - C'est grave !

Mme Éliane Assassi.  - Comme tout assassinat ! Puisque vous allez créer des sans-papiers supplémentaires, il faut bien prévoir des moyens accrus d'expulsion. Et voilà un autre volet de votre projet de loi : accélérer la machine à expulser.

Après quoi, il ne faut surtout pas que l'étranger puisse revenir.

Mme Catherine Troendle.  - Évidemment !

Mme Éliane Assassi.  - Vous créez une interdiction de retour, que vous rendez quasi systématique. Ce sera une véritable peine de bannissement. Toutes ces mesures sont contraires à nos valeurs humanistes. Nous voulons une immigration plus juste et plus humaine, fondée sur de meilleures relations nord-sud. Faisons preuve de courage ; n'ayons pas peur d'attribuer certains droits, comme celui de vote. Redonnons tout son sens au mot « accueil », trouvons de nouveaux modes de développement.

Beaucoup de dispositions stigmatisantes et perverses ont été ajoutées par les députés, mais on ne change pas les flux de migration à coup de lois répressives. Bref, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Yves Détraigne.  - Ce projet de loi a suscité à l'Assemblée nationale des débats souvent passionnés, parfois caricaturaux. Puissent ceux du Sénat être plus sereins !

Il transpose trois directives adoptées à l'unanimité des 27 mais va bien au-delà. L'immigration est un sujet complexe qui appelle un équilibre entre efficacité et humanité.

Ce projet de loi renforce les moyens de répression contre l'immigration clandestine mais nos collègues députés sont parfois allés trop loin, comme avec l'article 37 qui fait passer le délai de saisine du juge des libertés et de la détention de 48 heures à cinq jours. L'article 66 de la Constitution fait du juge judiciaire le gardien des libertés. Le Conseil constitutionnel exige pourtant que le juge intervienne le plus tôt possible : sept jours, c'est trop ; deux, c'est -à mes yeux- convenable. Mais cinq jours ?

Notre commission des lois a accompli un travail remarquable mais nous ne pouvons accepter des différences de traitement entre deux personnes ayant la même nationalité. Comme l'a dit M. Collin, le Conseil constitutionnel refuse la création de deux catégories de Français.

La carte de séjour des étrangers malades a été créée par la loi Reseda de 1998. Le Conseil d'État, dans deux arrêts du 7 avril 2010, demande que l'autorité administrative vérifie à la fois que le traitement existe dans le pays d'origine et que l'étranger y aura accès. La solution adoptée par les députés n'est pas satisfaisante, ni sur la forme juridique ni sur le fond.

Sur de nombreux points, le rapporteur a su revenir à une position plus raisonnable et plus en accord avec les principes généraux de notre droit tout en favorisant une meilleure maîtrise des flux migratoires, qui est une condition essentielle de la sauvegarde de nos valeurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite)

La séance est suspendue à 19 heures 5.

présidence de M. Roland du Luart,vice-président

La séance reprend à 21 heures 30.

Avis sur une nomination

M. le président.  - En application de la loi organique du 23 juillet 2010 et de la loi du 23 juillet 2010 relatives à l'application de l'article 13 de la Constitution, d'une part, et de l'article 28 de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité, d'autre part, la commission de l'économie a émis un vote favorable (7 voix pour, 4 abstentions) en faveur de la reconduction de M. Philippe de Ladoucette à la présidence du Collège de la commission de régulation de l'énergie.

Question prioritaire de constitutionnalité

M. le président.  - M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mercredi 2 février 2011, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de Cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité dont le texte est disponible au bureau de la distribution.

Conférence des présidents

M. le président donne lecture des conclusions de la Conférence des présidents.

L'ordre du jour est ainsi réglé.

Immigration, intégration et nationalité (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

Discussion générale (Suite)

M. Richard Yung.  - Le président Sarkozy veut ce débat pour occuper le journal de 20 heures. (Protestations à droite) Il traduit le discours de Grenoble, selon lequel « nous subissons les conséquences de cinquante ans d'immigration incontrôlée », qui a abouti à un « échec de l'intégration ». Les 98 % d'immigrés qui vivent en paix en France apprécieront ! (M. Roland Courteau approuve)

Ce n'est pas lutter contre l'immigration illégale qui vous intéresse. Cette sixième loi sera inefficace, elle aussi !

Vous faites passer des mesures qui vont bien au-delà de ce qu'exigent les directives.

Pour notre part, nous défendons une immigration contrôlée...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Quand même !

M. Richard Yung.  - ...la régularisation des sans-papiers au cas par cas, une vraie politique d'intégration.

Les autres pays européens suivraient la même politique que vous, dîtes-vous, quelque peu malicieusement, en citant en exemple les gouvernements sociaux démocrates. Reste que 14 États n'ont pas transposé les directives.

En Espagne, M. Zapatero, un social démocrate, déclare que l'immigration est une opportunité, fondamentale pour l'économie et les retraites. Mme Merckel, qui n'est pas sociale démocrate, a mis en place un titre de séjour fusionné avec le contrat de travail, avant-projet de « carte bleue »...

M. Brice Hortefeux, ministre.  - C'est ce que nous faisons !

M. Richard Yung.  - Bref, une immigration assumée, organisée et non stigmatisée ! En 2009-2010, 20 000 sans-papiers ont été régularisés -sans que vous ne le disiez !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Au cas par cas !

M. Richard Yung.  - Vous pratiquez la politique du bouc émissaire. Afin de rendre inopérante l'intervention du juge des libertés et de la détention, parce que vous dénoncez une forme de laxisme, vous vouliez inverser l'ordre d'intervention du juge administratif et du juge judiciaire. Ces dispositions ont été supprimées en commission, preuve que la défense des libertés n'est pas l'apanage des socialistes. Vous banalisez l'enfermement des étrangers, avec des zones d'attente ad hoc. Le rapporteur a apporté quelques précisions mais rien ne justifie cette mesure, sinon la volonté de faciliter l'expulsion d'étrangers pouvant prétendre à être des réfugiés. Idem pour le rallongement de la durée maximale de rétention : treize jours de plus ! Cela ne changera rien au nombre de personnes susceptibles d'être renvoyées.

L'interdiction de retour sur le territoire français, à l'article 23, réintroduit la double peine et le bannissement. On est chez le Dostoïevski des Souvenirs de la maison des morts ! Il peut y avoir parmi eux d'abominables assassins...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission.  - Quand même !

M. Richard Yung.  - ...qui ont une famille en France ; leur sécurité peut être mise en cause dans leur État d'origine. Interdire le retour est inadmissible, a fortiori sachant que c'est l'autorité préfectorale qui tranchera !

D'accord pour les mesures contre le travail illégal mais il faudra veiller au contrôle et à la répression des entreprises. Ce projet de loi, fondé sur un amalgame délinquance-immigration, sera à l'origine de nombreux drames humains. Il vide de son sens le beau terme de « fraternité », au coeur de notre devise républicaine. Nous nous opposerons à ce texte et proposerons nombre d'amendements de suppression. (Applaudissements à gauche)

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Eh bien, tant mieux : il faut une majorité et une opposition.

Mme Catherine Troendle.  - Notre tradition d'hospitalité ne doit pas s'accompagner d'un laxisme qui est la porte ouverte au racisme. Lutter contre l'immigration clandestine, c'est aussi lutter contre le racisme dont pâtissent les Français de deuxième ou troisième génération.

M. David Assouline.  - Il suffit de voir où en est le Front national !

Mme Catherine Troendle.  - La France a le doit de choisir qui elle peut et veut accueillir. Les flux migratoires ont changé ; ce projet de loi s'adapte au droit communautaire en traduisant trois directives : la directive Carte bleue européenne, la directive Retour et la directive Sanctions, dirigée contre l'emploi d'étrangers sans titre de séjour. La France a été, en 2008, à l'origine du pacte des 27 sur l'immigration et l'asile.

Je salue le travail minutieux et équilibré de M. Buffet. Le groupe UMP se satisfait de cette politique d'immigration à la fois ferme et généreuse. Un étranger en situation régulière a les mêmes droits qu'un Français.

Mme Éliane Assassi.  - Pas le droit de vote !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Encore heureux !

Mme Catherine Troendle.  - Pas d'intégration sans maîtrise de la langue ; la charte des droits et devoirs comme le contrat d'accueil et d'intégration visent à garantir que chacun respecte nos valeurs républicaines.

Nous souhaitons sanctionner davantage les mariages « gris », qui reposent sur une manipulation des sentiments.

Nous avons limité les champs de l'extension de la déchéance de nationalité aux meurtres de magistrats ou de représentants des forces de l'ordre. C'est une position équilibrée, n'en déplaise à certains. Là où des groupes d'étrangers franchissent la frontière de façon irrégulière, le préfet pourra créer une zone d'attente temporaire. Ce dispositif est strictement encadré : ces zones ne seront pas pérennes. Le travail clandestin est une forme d'esclavage. Les mesures proposées en la matière sont légitimes et justes : il faut savoir tendre la main à ceux qui veulent rentrer dans la légalité.

Le délai d'intervention du juge des libertés et de la détention fait débat ; l'objectif est de rendre la procédure plus cohérente entre rôle du juge administratif qui dispose de 72 heures et du juge des libertés et de la détention qui dispose, aujourd'hui, de 48 heures. La situation n'est pas satisfaisante, on le voit. Pouvez-vous confirmer que le report du délai d'intervention du juge des libertés et de la détention n'est pas une négation du droit au recours ? Ces étrangers doivent jouir du respect de leurs droits fondamentaux.

Il en va de même pour les étrangers malades. Le Conseil d'État estime désormais que les traitements doivent non seulement exister mais être accessibles, notamment financièrement, dans le pays d'origine. Jurisprudence certes généreuse mais qui ouvre la porte à des dérives. Pourrions-nous avoir des précisions ?

Quant aux étrangers condamnés pour faits de terrorisme, le texte respecte l'humanité et les valeurs républicaines. Nous ne pouvons laisser faire ceux qui sèment la terreur.

Ce projet de loi ne remet nullement en cause l'immigration choisie, légale, intégrée. Le groupe UMP le votera avec conviction. (Applaudissements à droite)

M. Jean Bizet.  - Comment font nos partenaires européens ? Je vous recommande l'étude de législation comparée réalisée par les services du Sénat, qui montre la convergence des politiques menées dans l'Union européenne.

Au premier titre « Promouvoir l'immigration légale », l'Allemagne, la Belgique, l'Espagne ont mené des programmes autour de l'immigration économique, « régulière et ordonnée » pour citer M. Zapatero. L'Italie a un régime de quotas. Les Allemands, les Espagnols partagent notre volonté d'attirer des immigrés hautement qualifiés ; plusieurs de nos partenaires encadrent le regroupement familial.

Deuxième priorité partagée : réussir l'intégration. En Allemagne, des cours de langue et de civilisation sont dispensés, un plan d'intégration est arrêté. (M. Richard Yung approuve)

La Belgique, l'Italie ont des programmes semblables. L'Espagne, après avoir beaucoup régularisé, a opté, depuis 2008, pour une immigration régulière et ordonnée, avec pour élément clé le travail. Cette volonté d'intégration s'accompagne de l'affirmation des droits fondamentaux, notamment l'égalité homme-femme, la lutte contre la polygamie et le mariage forcé. La déchéance de nationalité peut être prononcée pour des crimes graves, par exemple aux Pays-Bas.

Troisième priorité, la lutte contre l'immigration illégale. Des lois répriment l'immigration clandestine en Allemagne, en Belgique, en Italie.

Face à des défis comparables, nos partenaires adoptent des mesures qui répondent aux mêmes objectifs. La question de l'immigration a une dimension européenne, pour preuve le pacte de 2008 et les directives adoptées par le Conseil européen, que nous transposons aujourd'hui. (Applaudissements à droite)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Ce projet de loi est à l'image de votre politique d'immigration : politique de méfiance, d'hostilité, de stigmatisation des étrangers, jetés en pâture à la vindicte populaire.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - L'étranger serait responsable du chômage -encore ! On choisit donc ses immigrés ; bref, on fait ses courses ! Responsable de la délinquance aussi : voyez le discours de Grenoble, mais aussi la Loppsi, pour mieux surfer sur les peurs que vous entretenez. Analogie nauséabonde, qui sert les discours populistes, électoralistes ! Ils sont sans doute responsables aussi des déficits de la sécurité sociale, des retraites ! On restreint leur accès aux soins, à l'AME. Les conséquences seront graves, en termes de santé mais aussi financièrement !

Vous laissez entendre que les étrangers viennent en France pour se faire soigner. C'est faux : il faut une assurance obligatoire pour obtenir un visa ! Souvent, ils tombent malades en France, en raison de leurs conditions de travail. Mais peut-être sont-ils de faux malades ? Votre raisonnement est honteux et indigne nombre de gens, très divers. La commission des lois a heureusement supprimé l'article 17. J'espère que le Sénat votera contre l'amendement Nègre sur ce point.

Au prétexte de transposer des directives, ce projet de loi s'attaque à tous les pans du droit des étrangers. Le Gouvernement surfe sur l'actualité, au mépris des protestations des magistrats. Il stigmatise les couples binationaux, suspectés a priori : l'amour n'existerait qu'entre Français de souche ? Cette mesure est contraire à l'article premier de la Constitution. Vous n'imaginez même pas que le « chantage au sentiment » pourrait être le fait du conjoint français.

Vous créez une mesure de bannissement. Comment la France peut-elle à ce point s'éloigner de ses valeurs d'accueil ? Et l'on parle d'« assimilation », comme au temps des colonies !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - C'est le code civil !

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Nous ne voterons pas ce texte affligeant et indigne et nous le combattrons dans la rue jusqu'à son abrogation. (Applaudissements à gauche)

M. Louis Nègre.  - Ce sujet est délicat et sensible ; je salue le travail de la commission. La France est un pays d'immigration, cela a toujours été un plus. (On feint de se réjouir de ce propos à gauche) Pourtant, les immigrés sont souvent mal reçus, sans moyens pour vivre. L'intégration est de plus en plus difficile. Le bilan de l'immigration débridée est un échec pour les immigrés eux-mêmes ! Les Trente Glorieuses, c'est fini ! (On ironise à gauche) Nous ne pouvons offrir à ces immigrés une hospitalité décente !

Mme Éliane Assassi.  - Ce n'est pas ce qu'ils demandent !

M. Louis Nègre.  - Abandonnez les postures idéologiques et regardez la réalité en face !

Mme Éliane Assassi.  - La réalité de Cagnes-sur-Mer ?

M. Louis Nègre.  - Comme le dit le président de la République (« Ah » à gauche), il faut développer une immigration choisie -« raisonnée », dit M. Zapatero- pour mieux accueillir les immigrés dont on veut assurer l'intégration.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - C'est dans les deux sens, l'intégration !

M. Louis Nègre.  - C'est en conditionnant l'accès à la nationalité française à l'adhésion à un contrat de droits et devoirs que nous assurons cette intégration.

La déchéance de nationalité des personnes condamnées pour meurtre d'un dépositaire de l'autorité publique... (Exclamations à gauche)

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Un meurtre, c'est un meurtre !

M. Guy Fischer.  - Stigmatisation !

M. Louis Nègre.  - ...est-elle choquante ? Le régime spécifique de rétention concernant les personnes condamnées pour faits de terrorisme est-il choquant ?

La France reste le pays européen où la durée maximale de rétention est la plus courte. Cessons de battre notre coulpe.

M. Guy Fischer.  - On fait passer le juge sous la table.

M. Louis Nègre.  - Notre législation est plus laxiste que la Cour de Strasbourg. Sur les malades, revenons à la loi de 1998, la jurisprudence ayant dénaturé la volonté du législateur.

Je conclus (on s'en félicite à gauche) en disant qu'il faut aggraver les sanctions contre les employeurs d'étrangers irréguliers.

Je voterai ce texte juste et ferme. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. David Assouline.  - Un Tunisien, ingénieur de formation, marié à une française et père d'un enfant français, arrêté par hasard lors d'un contrôle de police alors qu'il attendait sa régularisation, m'a demandé de plaider son cas. Je me souviens aussi de cet Égyptien arrêté à la gare du Nord alors qu'il se rendait sur son lieu de travail, comme tous les matins.

Je les ai aidés, eux qui, diplômés, vivant dans un pays non démocratique, demandaient un petit coin vivable. Ne pas les regarder comme des criminels, les soigner s'ils sont malades, voilà ce que chacun attendait de la France.

Notre pays n'a pas aidé ces pays à sortir de la dictature. Maintenant que tout le monde voit le courage de ces peuples, pensez aux milliers de Tunisiens et d'Égyptiens, aux Afghans qui fuient les Talibans, aux Roms discriminés chez eux.

Rien de concret ni d'urgent ne nécessite la déchéance de nationalité, qui ne concernera que quelques personnes. Cette mesure est donc symbolique, pour rompre avec le consensus entre les républicains et flatter les nationaux populistes, soi-disant pour les séduire.

En accompagnant ces sentiments faciles, vous renoncez à combattre la part d'ombre qui réside en chacun de nous mais que notre conscience combat tous les jours pour faire société.

Venu à 8 ans en France avec ma famille, marocain d'origine, je suis devenu français. Le suis-je moins que vous ? J'ai posé la question à M. Myard, député UMP, sur un plateau télévisé ; il n'a pas voulu me répondre. J'étais abasourdi. Il y aurait donc deux catégories de Français, y compris parmi les représentants de la nation. Il m'aurait donc déchu avec d'autres. Quelle sale besogne !

Une fois que vous légitimez l'idée qu'il y a deux catégories de nationaux, d'autres pourront aller plus loin. On l'a vu dans le passé, aux heures les plus sombres de notre histoire : d'autres ont procédé à des dizaines de milliers de déchéances de nationalité, avant que la République soit déchue. Je suis consterné qu'on banalise les horreurs singulières de l'Histoire.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - C'est bien !

M. David Assouline.  - Mais si on laisse s'installer l'idée qu'il y a deux catégories de Français, que certains peuvent perdre leur nationalité, d'autres pourront élargir cette disposition. N'ouvrons pas cette brèche !

Un parti qui a pignon sur rue, dont la télévision donne à voir le congrès qui distille son poison, n'hésite pas à exiger un élargissement de cette brèche en visant les condamnés à plus de six mois de prison. Voilà pour ceux qui préfèrent la fille au père... Oui, notre Constitution affirme que les hommes sont égaux devant la loi et qu'on ne saurait distinguer entre les Français. Je souhaite qu'il ne se trouve pas ici de majorité pour voter ce projet de loi contraire à ces deux principes. (Applaudissements à gauche)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - Ce projet de loi touche à une question qui est au fondement de notre identité. Nous vivons dans un monde de plus en plus mobile ; il faut en tenir compte. Les parlementaires doivent avoir une attitude constructive plutôt que d'obstruction ou de déni. Oui, il faut que les partenaires d'un Pacs puissent bénéficier du regroupement familial.

L'état de l'arsenal législatif est une chose ; la façon dont il est appliqué en est une autre. Je pense ici à la façon dont des Français nés à l'étranger sont accueillis quand ils demandent un renouvellement de leur carte d'identité. M. Mercier nous avait promis une circulaire commune avec votre ministère pour rappeler à l'administration qu'elle doit appliquer des mesures de simplification : où en est-on ?

Les personnes en situation de grande vulnérabilité du fait de violences conjugales doivent avoir le temps nécessaire pour se défendre. L'Assemblée nationale en est venue à discuter un amendement vilipendant la double nationalité. Celle-ci est pourtant une grande richesse pour la France.

On parle de civisme pour les étrangers ; parlons-en aussi pour les nationaux ! Soyons lucides et courageux : les immigrés sont les premiers à nous le demander car ils aiment notre pays et veulent y vivre en paix. Gardons tous à l'esprit les enjeux de ce texte en termes d'image de notre Nation. C'est un pilier de notre soft power et de notre rayonnement. (Applaudissements sur certains bancs UMP et sur certains bancs socialistes)

M. Jean-Etienne Antoinette.  - Ma région a fourni 8 979 reconduites à la frontière, sur les 28 000 attendues au niveau national ; je m'interroge. Nous condamnons l'immigration clandestine, avec les réseaux qui l'animent et les patrons esclavagistes. Le problème, c'est l'usage que le Gouvernement en fait, afin de favoriser un repli identitaire. Je m'interroge aussi sur notre calendrier et redoute le pire d'ici la présidentielle.

Pourquoi revenir à la charge avec toujours les mêmes recettes répressives et stigmatisantes ? Avez-vous un autre objet que d'inciter les Français à regarder la qualité d'étranger comme un délit en soi ?

Alors que les collectivités locales doivent prendre en charge tous les mineurs, le Gouvernement leur refuse les moyens de le faire de manière plus noble qu'en reconduisant toujours à l'étranger. Ne croyez pas qu'une loi supplémentaire réussira là où d'autres ont échoué. Vous n'avez même pas signé de convention avec le Guyana pour le renvoi de ses ressortissants. Une loi qui prétend lutter contre les flux d'immigration clandestine ne saurait se contenter de mesures de reconduite à la frontière ; il faut regarder les relations avec le pays d'origine. Le revenu de la Guyane est treize fois celui du Surinam, quinze fois celui du Guyana. Trinidad ne fournit aucun contingent d'immigration clandestine ; c'est que son revenu est comparable à celui de la Guyane.

On pourrait prendre en compte les conditions sociologiques des territoires concernés. En Guyane, on estime à 40 000 le nombre d'étrangers en situation irrégulière, sur 200 000 habitants. Les proportions sont les mêmes à Mayotte ou à la Guadeloupe, et vous ne voulez pas vous interroger sur ces conditions régionales particulières.

En refusant aux étrangers la liberté, la dignité, l'accès au juge, notre pays se dépouille des ambitions universelles portées par la Révolution. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Dominati.  - Les excellentes interventions de nos collègues du groupe m'ont fait mesurer la dimension essentiellement internationale de ce projet de loi de 110 articles. C'est la consécration de la politique d'immigration d'un pays moderne.

Élu parisien, je suis confronté tous les jours au problème de l'immigration ; comme tous mes collègues, je suis confronté à des problèmes humains douloureux. Mais pour intervenir, nous avons besoin du droit.

La France reste une terre d'accueil pour les étrangers, une terre d'accueil qui a mis de l'ordre depuis quelques années. Les textes successifs sont donc, de ce point de vue, efficaces.

Je fais quotidiennement les mêmes rencontres que M. Assouline, mais ces étrangers n'auront des droits que si nous avons une politique d'immigration claire et forte.

Selon certains, il faudrait ne rien faire et laisser la société française se déliter. (Exclamations à gauche)

M. Richard Yung.  - Personne ne dit çà !

M. Philippe Dominati.  - Votre action personnelle, monsieur le ministre, appelle un soutien politique.

Sur la durée légale de la rétention, nous sommes bien loin de nos voisins européens. L'asile politique était celui des États-Unis, du Canada, de la Grande-Bretagne, de l'Australie réunis ; il ne faut pas qu'il soit détourné.

M. Nègre a bien fait de rappeler quelle était la loi sur la déchéance du temps du président Mitterrand. Mme Boumediene-Thiery pense peut-être que tout crime justifierait la déchéance de nationalité. (L'interpellée s'en défend) Tout, dans l'affaire, est question de durée.

Je tenais à vous apporter mon plein soutien pour l'action que vous menez depuis quatre ans, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les bancs UMP)

La discussion générale est close.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Je remercie tous les orateurs ; je les ai écoutés avec beaucoup d'attention, quelle que soit leur propension éventuelle à la posture. J'ai perçu une grande sincérité, qui n'empêche pas l'existence de différences nettes.

A gauche, on n'a jamais été dans la réalité, et toujours dans le déni. On ne s'est pas interrogé sur les conséquences de l'immigration en termes de défi pour l'éducation, la santé, le logement, le travail. Il y a eu des raccourcis faciles et des confusions volontaires -c'est classique-, même si certaines interventions sortaient de sentiers battus.

Moi aussi, je suis sincère -d'autant que je ne suis pas l'auteur de cette réforme, à la différence de celle de 2007. Mais je suis frappé que même les dispositions les plus techniques ne trouvent pas grâce à vos yeux !

M. Yung a été excellent dans les mots, sans tirer aucune conséquence dans les actes. Vous vous défendez d'avoir jamais cautionné l'immigration illégale ? Pourquoi alors demander la suppression de tous les articles du texte ? (Exclamations sur les bancs socialistes) Osez affronter les réalités de la société française ! Tôt ou tard, la vérité transparaît : certains agissent contre l'immigration illégale, d'autres non. Vous prenez l'exemple de l'Allemagne mais n'acceptez pas la « carte bleue », qui est inspirée de l'exemple allemand. L'intervention de M. Bizet était riche, européenne. Le RDSE de M. Collin devrait s'appeler le RDS : vous avez renoncé au mot « européen », puisque nombre de mesures sont d'origine européenne ! Vous devriez les adopter avec enthousiasme ! Et les électeurs de M. Mézard seront surpris d'apprendre dans La Montagne qu'il veut que les terroristes soient nourris, logés et blanchis dans un hôtel de Mauriac ! (On crie à la caricature à gauche)

Mme Boumediene-Thiery veut en fait supprimer tout contrôle de l'immigration irrégulière. Cela a le mérite de la franchise et souligne la diversité de votre groupe. M. Assouline a fait un très beau discours sur la forme.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Et sur le fond !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Il a pris des cas -certes émouvants- de personnes qui n'avaient pas respecté nos règles pour venir sur notre territoire. Vous n'avez pas eu une pensée, pas un mot pour ceux qui se donnent la peine de respecter nos lois !

La France, monsieur Détraigne, refuse que le droit d'asile soit dévoyé. L'engagement financier de l'État a progressé de 14 % en huit ans pour l'assurer. L'asile est fait pour protéger les victimes de l'oppression, pas pour autre chose.

Nous avons délivré 9 000 visas à des Haïtiens depuis un an. Le nombre de Haïtiens a progressé de 45 % de 2009 à 2010. Ce n'est pas une posture, c'est de la solidarité concrète et affective.

Je regrette de devoir faire un constat : dans la lutte contre l'immigration irrégulière, la gauche ne veut rien changer.

M. Guy Fischer.  - Caricature !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Élargissez votre vocabulaire ! La réalité, c'est que la société française change ; libre à vous de le nier, monsieur Fischer.

M. Guy Fischer.  - Je vis aux Minguettes depuis vingt ans ! Vous considérez tous les pauvres comme des fraudeurs !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Où avez-vous vu, madame Assassi, que la France aurait été condamnée par la Commission européenne ou par la Cour du Luxembourg ? Notre devoir était de résoudre le problème des Roumains : un vol sur cinq à Paris est le fait de Roumains ! Voilà la réalité, que nous devions traiter et que la Commission a reconnue.

Franchissez le cap du courage, monsieur Collin. Ne vous contentez pas de voeux que je n'ose qualifier de « pieux » face au RDSE (sourires) et votez certains articles de ce projet de loi. L'article 5 de la directive Retour accepte six mois prolongeables ; 45 jours, c'est moins que six mois.

M. Détraigne a nourri le débat par ses propos équilibrés. Le Conseil constitutionnel a validé l'intervention du juge des libertés et de la détention pour 48 heures mais a refusé sept jours ; rien n'est dit pour cinq jours. Il statuera sur ce texte en tenant compte des réalités.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous verrons.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - La vraie question est de savoir si cette réforme porte ou non atteinte aux droits des étrangers. Il ne faut pas raisonner comme si la situation actuelle était idéale : il n'est pas rare que le juge administratif et le juge judiciaire se contredisent. Notre réforme apporte plus de sécurité juridique, au service de l'étranger.

Le juge administratif n'est pas un ersatz, c'est un vrai juge, qui défend les libertés, non moins que le juge judiciaire. Tout étranger en situation irrégulière mis en détention peut formuler un recours.

L'interdiction du retour ? Le rapporteur souhaite une appréciation du préfet au cas par cas. Je reconnais volontiers que la rédaction de la commission est meilleure. La moindre des choses est que l'étranger éloigné ne puisse pas revenir immédiatement ! Défendez l'inverse, si vous l'osez ! J'ajoute que l'interdiction de retour n'est pas automatique ni pérenne.

M. Guy Fischer.  - Encore un allongement des délais !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Je ne suis pas fanatique du mot « assimilation ».

M. Guy Fischer.  - Un progrès.

M. Brice Hortefeux, ministre.  - C'est plus que l'intégration. Patrick Weil est sans doute plus proche de vous que de moi -je connais toute sa biographie.

M. David Assouline.  - Les fiches des Renseignements généraux ?

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Non, c'est public. C'est en 1945, sur proposition du CNR, que l'assimilation a été inscrite dans le code civil. Patrick Weil n'est pas choqué par ce mot et juge que la déchéance est « constitutive » du droit libéral de la nationalité.

Qui peut contester que l'assassinat d'un titulaire de l'autorité publique, même s'il est rare, appelle la procédure que nous prévoyons et contre laquelle le Conseil d'État n'a pas d'objection ? Assassiner un représentant de l'ordre est assez grave pour prouver que son auteur n'a pas pris la mesure des valeurs de la France.

Rappelez-vous ce que le Conseil constitutionnel permet de faire : la déchéance, dans le cas qui nous préoccupe, en fait partie. Ce n'est en aucun cas créer deux catégories de Français.

Je réponds à Mme Garriaud-Maylam que la circulaire qu'elle appelle de ses voeux a été envoyée aux préfets hier ; les consuls ont reçu les mêmes instructions.

Monsieur Antoinette, les reconduites concernant les territoires et départements d'outre-mer ne sont pas incluses dans le chiffre concernant le territoire métropolitain. J'ai vu, en Guyane, un consensus très large sur la question, qui dépasse les frontières nationales et en étonnerait plus d'un à Paris.

Nous avons fait un triple choix : celui de l'intégration des étrangers qui respectent nos lois et nos valeurs, celui de la lutte contre l'esclavagisme moderne et celui du développement solidaire et du co-développement dans les pays d'origine. C'est par ces choix pragmatiques, responsables et cohérents que nous consoliderons l'équilibre de notre communauté nationale et la cohésion de notre société. (Applaudissements à droite)

M. le président.  - Nous ne pourrons examiner qu'une seule motion : j'ai tout fait pour accélérer les débats mais les engagements n'ont pas été tenus.

Exception d'irrecevabilité

M. le président.  - Motion n°492, présentée par M. Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Monsieur le ministre, il y a quelque chose qui ne va pas dans votre discours : il y a eu six lois sur l'immigration en cinq ans !

M. Brice Hortefeux, ministre.  - Quatre !

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'ai relu ce que vous disiez pour les défendre, celles-ci et celles sur la sécurité.

A tous les coups, le ministre nous a dit la même chose : «  Vous êtes dans l'idéologie, le déni de réalité ; nous sommes concrets, nous luttons contre l'immigration clandestine ».

M. Brice Hortefeux, ministre.  - C'est vrai !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cette loi, disiez-vous, va enfin régler le problème.

Mme Alima Boumediene-Thiery.  - Ce sera la der des ders !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Mais alors pourquoi, chaque année, une nouvelle loi ? Il y a six ans, le nombre d'étrangers en situation irrégulière était évalué à 300 000 ; aujourd'hui, le chiffre est le même. Quelle efficacité ! La réalité est toujours la même : vous êtes un formidable discoureur ! Le discours de Grenoble est emblématique.

Chaque fois que l'on montre du doigt un peuple, une ethnie, on entre dans une spirale néfaste. C'est vous qui vivez de discours, pour frapper l'opinion.

Lionel Jospin a lutté efficacement contre l'immigration clandestine sans jamais faire de démagogie. Il a suscité le respect sans en rajouter dans la rhétorique. David Assouline l'a dit avec sobriété et force : vous présentez l'étranger comme une menace et non comme une chance. Dans mon quartier d'Orléans habitent 72 nationalités : c'est une chance ! La « carte bleue » ? Elle n'est guère efficace pour attirer ceux que l'on voudrait.

J'en viens à la question de la constitutionnalité du texte. Peut-être certains amendements réduiront-ils les causes d'inconstitutionnalité. « Nul ne peut être arbitrairement détenu » ; les zones d'attente, même temporaires -rien n'est moins sûr-, sont une privation de liberté. Le Conseil constitutionnel impose une saisine du juge dans les plus brefs délais ; la Constitution, la Convention européenne des droits de l'homme l'exigent. Avec votre texte, l'étranger pourra être reconduit à la frontière avant que le juge des libertés et de la détention ne se soit prononcé.

La commission avait repoussé cette mesure. Il y a eu un petit-déjeuner dans un château de la rive droite, suivi illico d'un amendement de M. Longuet, président du groupe UMP. Quel manque de tact !

M. Guy Fischer.  - Et de finesse...

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'espère que la commission sera fidèle à sa position : cela nous évitera une source d'inconstitutionnalité.

Vous réduisez les droits de la défense et le rôle du juge, au profit de l'arbitraire. La notion de « griefs substantiels » ne renvoie à rien de précis. La notification des droits, à l'article 38, la brièveté des délais de recours, tout cela concourt à l'arbitraire.

Le meurtre d'un magistrat ou d'un gendarme est odieux, bien sûr. Mais tout autant quand il est le fait d'un Français d'origine ! Allez-vous créer des apatrides ?

Le droit d'asile ? Je n'insiste pas...

Monsieur le ministre, vous avez répété que ce texte n'était pas une « cathédrale ». Nous ne le demandions pas... Une petite chapelle ? Pas sûr qu'elle soit éclairée par l'« obscure clarté qui tombe des étoiles ». En fait, c'est un petit cachot souterrain, un souvenir de la maison des morts, un entrelacs tortueux ! Je pense à tous ceux qui se tournent vers une France fraternelle et qui vont errer dans le dédale des zones d'attente et des centres de rétention avant de passer devant des tribunaux forains qui jugeront partout, dans les sous-sols, dans les vestibules, dans les combles, dans les vestiaires... C'est une certaine idée de la France : ce n'est pas la nôtre. (Applaudissements à gauche)

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Certaines mesures du projet de loi seraient contraires au principe d'égalité au motif qu'il traiterait différemment deux catégories de Français. Le Conseil constitutionnel a jugé conforme cette exception, compte tenu de la gravité des faits qui le motivent et des garanties qui l'entourent, que la commission renforce d'ailleurs.

L'intervention du juge des libertés et de la détention est toujours pérenne : la seule question est celle du délai. Nous allons en débattre, sachant que le Conseil constitutionnel a censuré un délai de sept jours.

M. Alain Anziani.  - M. le ministre s'est voulu tempéré, presque technique : on ne ferait ici que transposer des directives... mais avec quelques dérapages : nous ne voudrions rien changer, nous serions « hors sol ». M. Sueur, lui, a posé des questions fortes : ce texte est-il conforme à la Constitution ? Un immigré a-t-il autant de droits fondamentaux qu'un Français ?

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Pas tous. Il n'a pas le droit de vote.

M. Alain Anziani.  - Dans les zones d'attente, la rétention ne dépendra pas de l'autorité judiciaire. C'est très grave. C'est le juge, gardien des libertés, qui est garant contre l'arbitraire !

Vous appliquez un raisonnement bureaucratique à un problème de masse! Je ne dis pas que vous auriez des intentions liberticides mais que vous vous aventurez sur un terrain glissant. Nous voterons cette motion. (Applaudissements à gauche)

A la demande du groupe UMP, la motion n°492 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 339
Nombre de suffrages exprimés 339
Majorité absolue des suffrages exprimés 170
Pour l'adoption 152
Contre 187

Le Sénat n'a pas adopté.

Prochaine séance aujourd'hui jeudi 3 février 2011, à 9 heures 30.

La séance est levée à minuit.

René-André Fabre,

Directeur

Direction des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 3 février 2011

Séance publique

A 9 heures 30

1. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité (n°27, 2010-2011).

Rapport de M. François-Noël Buffet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n°239, 2010-2011).

Texte de la commission (n°240, 2010-2011).

A 15 heures, le soir et la nuit

2. Questions d'actualité au Gouvernement.

3. Suite de l'ordre du jour du matin.