Bioéthique (Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la bioéthique.

Discussion des articles (Suite)

Article 13

M. Bernard Cazeau.  - Cet article vise à renforcer la composition de l'équipe délivrant les attestations d'IMG pour motifs liés à la santé de la mère. L'accompagnement psychologique des femmes est souvent négligé. Seuls 2 % des entretiens sont menés par des médecins ; encore ne sont-ils pas tous les plus qualifiés pour un tel accompagnement. La présence d'un psychiatre dans l'équipe pluridisciplinaire est nécessaire.

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

1° Remplacer les mots :

quatre personnes

par les mots :

cinq personnes

2° Compléter cet alinéa par les mots :

un psychiatre,

M. Bernard Cazeau.  - Il est défendu.

M. Alain Milon, rapporteur de la commission des affaires sociales  - Un psychologue figure déjà parmi les quatre membres de l'équipe. Inutile d'y ajouter un psychiatre, qui sera en tout état de cause sollicité si la femme rencontre des difficultés d'ordre psychologique.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de la santé.  - Même avis.

L'amendement n°21 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°64 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet, Bockel et Detcheverry, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.

I. - Alinéa 2

Remplacer les mots :

un praticien spécialiste

par les mots :

un médecin qualifié dans le traitement

II. - Alinéa 3

Remplacer les mots :

celui spécialiste

par les mots :

le médecin qualifié dans le traitement

M. Gilbert Barbier.  - Le texte prévoit un praticien « spécialiste » de l'affection dont la femme est atteinte : en médecine, le terme a un sens très précis ; mieux vaudrait prévoir un médecin « qualifié ».

M. Alain Milon, rapporteur.  - Sagesse. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Je ne puis être favorable : un médecin spécialiste est nécessairement qualifié.

M. Bernard Cazeau.  - Par un biais sémantique subtil, M. Barbier rejoint mon précédent amendement. J'observe que le rapporteur y était défavorable, quand il émet sur celui-ci un avis de sagesse...

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°64 rectifié, mis aux voix par assis et levé, est adopté.

L'article 13, modifié, est adopté.

Article 13 bis

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - « La femme se voit proposer un délai de réflexion d'une semaine » est-il écrit ; imaginer qu'une femme dans cette situation pourrait prendre une décision sans réfléchir témoigne d'un manque de respect à son égard. Même si cette disposition n'est pas contraignante, le législateur n'a pas à prévoir un mécanisme de cette sorte, dont la formulation est par ailleurs équivoque. Nous proposons sa suppression.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Un tel délai est apparu nécessaire à la commission. Défavorable.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - On n'impose pas, on propose. Il s'agit d'éviter les décisions prises sous le coup de l'émotion. Défavorable.

M. Jean-Pierre Michel.  - Je constate que l'on ne se contente pas de réviser la loi : on en profite pour s'opposer une nouvelle fois à la légalisation de l'avortement. C'est ignoble, scandaleux. On fait peser sur ces femmes une pression supplémentaire. Que leur propose-t-on ? « Encore un instant, monsieur le bourreau »... Je m'étonne que rapporteur et ministre acceptent un tel dispositif.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - A quoi bon écrire quelque chose qui va de soi ? Le délai minimal est celui que la femme voudra s'accorder. Je note que, dans le même temps, le médecin devra proposer une liste d'associations qui seront susceptibles d'intervenir dans la décision.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Le délai est proposé dans la pratique. Il est normal de réfléchir à une décision d'une telle importance. Si la femme décide avant, sa volonté est respectée.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Ce n'est pas ce qui est écrit : « au moins une semaine ».

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - C'est une « proposition ».

M. Guy Fischer.  - Même si ce n'est qu'une proposition, celle-ci exerce une forme de pression sur la femme. Laissons-lui sa pleine et entière liberté.

M. Bernard Cazeau.  - L'article est inutile et dangereux. Inutile parce que, le plus souvent, les femmes prennent le temps de la réflexion ; dangereux si la femme est proche du délai limite.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Je rappelle au docteur Cazeau qu'il n'y a pas de limite de date dans l'IMG, à la différence de l'IVG.

L'amendement n°22 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°105, présenté par M. Fischer et les membres du groupe CRC-SPG.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Après le troisième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« La femme enceinte dispose, dès l'annonce du risque mentionné à l'alinéa précédent, de la possibilité de renoncer par écrit au délai d'une semaine qui lui est proposé. »

M. Guy Fischer.  - Le texte de l'Assemblée nationale prévoyait un délai obligatoire afin que la femme puisse faire un choix « éclairé ». Il a été modifié par notre commission pour, dit le rapporteur, donner davantage de souplesse au dispositif.

Nous considérons que la femme doit pouvoir renoncer au délai proposé. Le parcours du DPN comporte plusieurs étapes, au cours desquelles la femme a tout loisir de réfléchir au sort de sa grossesse. Le délai sera bienvenu pour certaines, inopportun pour d'autres.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Le médecin propose, il n'impose pas. La femme peut y renoncer. Inutile de le préciser. Défavorable.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Même avis.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - J'insiste : pourquoi le médecin proposerait-il un délai ? Il lui suffit de dire à la femme qu'elle a tout le temps de prendre sa décision, comme cela est d'ailleurs le plus souvent la pratique.

Mme Raymonde Le Texier.  - On a vu, naguère, les sénateurs médecins vent debout à l'idée que les sages-femmes puissent proposer un contraceptif. Ce qui peut expliquer que l'on s'empoigne sur cet article inutile... Mais il est évident que le médecin, face à une femme dans cette situation, donnera tous les conseils utiles. Sinon, la première chose à faire serait de changer de médecin !

Ici, on a l'impression que les femmes sont traitées en mineures et qu'il faut prendre soin de les encadrer.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il y a en effet là quelque chose de louche. La femme « se voit proposer » un délai de réflexion : c'est une injonction faite au médecin. La femme reste libre, nous assure-t-on, mais il y a, en vérité, une obligation sous-jacente. Sortons de cette hypocrisie !

L'amendement n°105 n'est pas adopté.

L'article 13 bis est adopté.

Titre V

M. Alain Milon, rapporteur.  - On compte 50 000 enfants nés d'une insémination avec donneur. Chaque année, 1 200 enfants naissent par cette méthode, grâce à 750 donneurs.

La commission des affaires sociales a rétabli ce titre, supprimé par l'Assemblée nationale, en faisant le choix d'un régime de responsabilité éthique qui n'entraîne aucune responsabilité juridique.

L'égalité sera totale entre ceux qui pourront obtenir la levée de l'anonymat et les autres : les donneurs comme les parents auront été informés dès le départ, par une information systématique, à partir du 1er janvier 2013, la levée de l'anonymat prenant effet à la majorité des enfants nés après le 1er janvier 2014, soit en 2032.

Ce système est plus souple et plus sain que celui proposé initialement par le Gouvernement, qui prévoyait le consentement du donneur et aurait abouti à une rencontre, pas nécessairement souhaitable. Je suis convaincu que la levée de l'anonymat sur les caractéristiques du don suffira dans la plupart des cas.

Certains craignent que la levée de l'anonymat ne fasse chuter le nombre de dons. Mais en Grande-Bretagne, par exemple, c'est le profil des donneurs qui a changé avec elle -ils sont plus âgés, assumant pleinement la responsabilité du don-, pas la quantité des dons.

Ce qui importe, c'et de savoir que l'on n'est pas un simple produit de la science. Les Cecos réalisent aujourd'hui un travail de fond pour accompagner les parents. En Suède, contrairement à ce qu'on a prétendu, la levée de l'anonymat ne s'est pas traduite par une augmentation des secrets au sein des familles ; une étude publiée en janvier dernier montre même le contraire.

Le sujet de l'IAD est trop sensible pour que l'appariement des gamètes soit laissé à l'initiative de chaque équipe ; il faut un référentiel clair : c'est l'objet de l'article 18 ter. (Applaudissement sur divers bancs)

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - Je demande la réserve sur l'amendement n°151 jusqu'après l'article 18 ter.

La réserve, acceptée par le Gouvernement, est de droit.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°113 rectifié ter, présenté par M. Revet, Mme Des Esgaulx, M. Bécot, Mme Bruguière et MM. Bailly et Lardeux.

Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tout citoyen majeur qui ne dispose pas d'informations sur ses origines familiales peut avoir accès à tous documents lui permettant d'obtenir réponses à ses interrogations.

M. Charles Revet.  - Cet amendement va dans le sens de ce qui vient d'être dit mais a une portée plus large.

Un enfant qui ne connaît pas ses origines -né sous X, abandonné à la naissance, né des prouesses de la science- aura des difficultés à se construire. La construction de l'enfant : telle doit être la priorité. Le texte l'oublie un peu... Il est de notre responsabilité et de celle des parents de donner à l'enfant l'accès à ces origines.

M. Alain Milon, rapporteur.  - La commission a fait le choix d'une procédure encadrée, pour l'avenir, afin de ne pas remettre en cause les contrats passés. Cet amendement a une portée trop large. Retrait, sinon, avis défavorable. Quel est l'avis du rapporteur de la commission des lois ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Le droit en vigueur permet déjà l'accès sous conditions à des informations sur les origines, par exemple pour les enfants dont la filiation n'a pas été établie pour l'un des parents. Mais ce que vous proposez, sans précision sur les modalités ou les exceptions éventuelles, serait source d'insécurité juridique : mon avis personnel est donc défavorable.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Le texte initial autorisait l'enfant à accéder à l'identité du donneur, sous réserve du consentement de ce dernier. Les psychologues soulignent l'effet néfaste que peut avoir une conception radicale de l'anonymat et plusieurs pays européens ont permis sa levée.

L'Assemblée nationale a supprimé ce dispositif, invoquant le poids excessif donné au biologique, le risque d'inciter les couples à garder le secret et celui d'une baisse du nombre de donneurs. Votre commission des affaires sociales a réintroduit un dispositif plus encadré, qui ne s'applique qu'aux enfants à naître et ne requiert pas le consentement du donneur. Pour cette raison, je suis plutôt favorable à cet amendement.

M. Jean-Pierre Michel.  - Vous ne répondez pas à l'amendement, qui ne se limite pas à la procréation médicalement assistée : il concerne tous ceux qui ignorent tout ou partie de leurs origines. Les enfants adoptés ou nés sous X, devenus adultes, veulent savoir. Tout homme doit avoir accès à ses origines.

On nous objecte que la levée de l'anonymat sur le don de gamètes fera chuter les dons : cela ne me gène en rien ! Au contraire ! Il est d'autres solutions, comme l'adoption -qui mériterait d'être facilitée. Songez à tous les orphelins d'Haïti et d'ailleurs : ils ne demandent qu'à trouver une famille.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je conviens avec notre rapporteur que la portée de l'amendement est trop large. Mais il était important que le sujet vienne en débat. C'est la raison pour laquelle j'ai cosigné l'amendement, que je ne voterai pas. Comment peut-on imposer à un être humain le secret sur ses origines ? Au nom de quoi viole-t-on ainsi sa liberté ?

Sur l'accès aux origines, rien ne va. On le voit dans nos permanences. Il faut en parler. J'ai vu comment on répond aux demandeurs, dans les conseils généraux, dans les Ddass ; mais dès que l'on arrive au niveau national, tout est bloqué. (Applaudissements sur divers bancs)

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Il y a eu confusion : je croyais m'exprimer sur l'amendement de M. Barbier. Sur celui de M. Revet, mon avis est défavorable.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis.  - Je ne considère pas non plus, madame Des Esgaulx, que le système existant soit idéal ; j'ai seulement dit qu'il existait des procédures...

M. Alain Milon, rapporteur.  - Les conséquences de l'amendement de M. Revet serait, si nous l'adoptions, incalculables, ne serait-ce que pour la législation des archives : mieux vaudrait le retirer.

M. Charles Revet.  - Je regrette le peu de cas que l'on fait de l'enfant en cette affaire : c'est lui qui doit être au centre de nos réflexions.

J'ai entendu, monsieur le rapporteur, vos remarques. L'amendement peut être rectifié pour éviter de créer un dispositif rétroactif qui mettrait en difficulté les donneurs qui n'auraient pas souhaité la levée de l'anonymat.

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°113 rectifié quater.

Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tout citoyen majeur né après l'application des dispositions de la présente loi qui ne dispose pas d'informations sur ses origines familiales peut avoir accès à tous documents lui permettant d'obtenir réponses à ses interrogations.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je suis M. Revet, mais son amendement ne prévoit pas de procédure.

Tout être humain a le droit de connaître ses origines ! C'est une exigence qu'appellent les évolutions de la société. Nous ne sommes plus aux temps où l'on s'accommodait du secret au sein des familles. L'enfant a désormais des droits, dont celui de connaître ses origines ; les secrets de famille -qui finissent toujours par exploser, provoquant bien des dégâts- n'ont plus lieu d'être. On ne peu cacher à l'enfant un acte qui n'a rien de mineur. Que ce soit compliqué, c'est sûr.

Il y a deux catégories de gens, ceux qui ne veulent pas savoir et ceux qui veulent savoir. Pour ces derniers, c'est une quête irrépressible.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Après cela, il faut un minimum de procédure. Pour l'adoption, cela existe.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - L'amendement Revet nous fait anticiper le débat à venir. Je ne le voterai pas : les problèmes évoqués existent mais ne relèvent pas de cette loi, qui ne traite pas de l'adoption, par exemple.

Je ne partage pas le propos de mon collègue Michel, qui dit que l'adoption devrait faire disparaître ce don de gamètes. Ce sont des choses différentes.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - Une confusion s'est établie quand on a assimilé le don de gamètes à un don d'organes. Le donneur de gamètes sait ce qu'il fait -le Cecos s'assurant de sa santé mentale ! Le couple receveur sait aussi ce qu'il fait. Un seul ne fait que subir sans avoir rien à dire : l'enfant ainsi conçu.

Dans certains cas, il est impossible de lever l'anonymat de l'enfant adopté parce qu'on ne connaît pas le nom de la mère. En revanche, le nom du donneur de gamètes est forcément connu. Dans ces conditions, l'amendement prévoit une rupture de contrat qui n'est pas possible.

Mme Isabelle Debré.  - L'enfant n'a pas demandé à naître ainsi. Il n'a qu'un père, celui qui l'élève, pas celui qui a donné ses gamètes. Telle est ma position personnelle, à laquelle je suis très attachée.

Je suis hostile à une levée totale de l'anonymat mais si l'enfant a un problème médical, il doit pouvoir accéder à des données non identifiantes. Peut-être pourrions nous y revenir en deuxième lecture.

M. Christian Cointat.  - Très bien !

M. le président.  - L'amendement a été une nouvelle fois modifié.

Amendement n°113 rectifié quinquies, présenté par M. Revet, Mme Des Esgaulx, M. Bécot, Mme Bruguière et MM. Bailly et Lardeux.

Avant l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Tout citoyen majeur né après la date de publication de la présente loi qui ne dispose pas d'informations sur ses origines familiales peut avoir accès à tout document lui permettant d'obtenir réponse à ses interrogations.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Philosophiquement, je partage tout à fait la position de M. Revet mais son amendement est trop large, et je regrette qu'il soit discuté avant l'article 14.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Le texte de la commission précise bien que le donneur doit donner son accord sur la levée possible de l'anonymat et, s'il ne le souhaite pas, il ne pourra être donneur. Il n'y a donc plus d'anonymat.

Je répète que cet amendement lève l'anonymat sur tout, et pas seulement sur le don de gamètes. C'est pourquoi la commission lui reste défavorable.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - Je souhaite la réserve de cet amendement après l'article 14. M. Revet n'y paraît pas hostile...

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement non plus, sauf si M. Revet retire son amendement...

M. Charles Revet.  - Absolument pas !

Acceptée par le Gouvernement, la réserve est de droit.

M. Bernard Cazeau.  - Je demande une suspension de séance.

La séance, suspendue à 10 h 45, reprend à 10 h 55.

Article 14

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - L'insémination avec tiers donneur date de 1976, sans encadrement législatif jusqu'en 1994 où l'on a légiféré par analogie avec le don d'organes, anonyme. Reste toutefois une différence entre un don pour réparer la vie et un don pour donner la vie. Aujourd'hui, des enfants de 30 ans viennent au Cecos dire « Vous possédez le secret de ma naissance, donnez-le moi ! » Les directeurs de Cecos ont la toute puissance de leur refuser.

Il serait impudent, pour qui connaît père et mère, de nier que l'on doive pouvoir connaître son origine biologique. La société a fabriqué un mensonge pour accompagner un artifice médical.

Chaque année, entre 700 et 1 000 enfants viennent au monde par insémination avec donneur. La privation d'information est cruelle pour l'enfant. Je veux donc la levée de l'anonymat, conformément d'ailleurs à la Convention internationale des droits de l'enfant que l'amendement de M. Revet, très général, réécrit. Il est bon de l'avoir réservé. (Applaudissements sur divers bancs à droite et à gauche)

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - Le groupe socialiste est partagé sur ce sujet. Je voterai dans le sens de la commission. C'est aux enfants nés de l'AMP mais aussi aux parents qui ont accepté le lourd parcours que je dédie mon plaidoyer en faveur de la levée de l'anonymat.

De quel droit les médecins seraient-ils les seuls à détenir l'information sur la naissance d'enfants de la science ?

Que répondront Arthur ou Caroline quand le médecin leur demandera s'il y a des antécédents familiaux de telle maladie ?

Il est temps de sortir du déni sur lequel est construite la loi bioéthique française, qui reste marquée, comme l'a souligné la psychanalyste Geneviève Delaisi de Perceval, par la morale du ni vu ni connu, maxime traditionnelle de la paix de familles. Rendons justice à ceux qu'Irène Théry appelle les donneurs d'engendrement.

Le donneur est pensé comme possible rival, par crainte d'une fragilisation des parents. L'anonymat du donneur, c'est l'intérêt des parents contre celui des enfants.

La filiation est juridique et sociale avant d'être biologique mais en occultant totalement le lien génétique, on le mythifie.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Très bien !

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - A voir les dégâts causés de génération en génération par des secrets bien cadenassés, on comprend que toute parole sur l'origine est préférable au silence. Les enfants nés d'AMP ne veulent pas d'autres parents ; certains d'entre eux veulent juste mettre un visage sur leur géniteur. Le donneur doit être conçu comme celui à qui le jeune adulte et ses parents peuvent dire merci.

M. Bernard Cazeau.  - Je m'exprimerai à titre personnel.

La filiation n'est ni exclusivement biologique ni exclusivement affective et sociale ; elle est un peu des deux. On ne peut être exclusif. Il y a les parents et l'enfant, et aussi le donneur, qui doit être respecté.

Ce sont les nés « sous X » qui ont lancé cette recherche des origines. Par où l'on voit que la société est en pleine évolution.

Rien de pire qu'une famille où tous partagent un secret, à la seule exception de l'enfant concerné !

La meilleure position, à mon sens, est celle de Mme Bachelot (Mme Isabelle Debré le confirme), qui ouvre des possibilités : connaître les données non identifiantes peut déjà satisfaire beaucoup d'enfants concernés ; connaître l'identité si le donneur en est d'accord.

Je regretterais que nous soyons pris en étau entre des positions exclusives. Je m'abstiendrai donc.

M. Charles Revet.  - Ce projet de loi touche, pour l'essentiel, à la génétique et à la procréation. La recherche scientifique a produit des résultats considérables pour la vie humaine et sa conception même. Il nous appartient de déterminer les limites à ne pas franchir. Si tout doit être fait pour aider les couples en souffrance, nous devons mettre l'enfant au coeur de notre préoccupation.

Tous ici, nous connaissons des personnes qui ignorent leur origine : elles n'ont de cesse de la connaître. C'est légitime.

Tôt ou tard, l'enfant apprendra les difficultés qu'ont eues ses parents pour le concevoir. Avons-nous le droit de lui donner la possibilité de naître en lui refusant celui de connaître ses origines ?

M. Jean-Pierre Michel.  - Très bien !

M. Charles Revet.  - C'est peut-être nécessaire pour combattre certaines maladies. Sans doute devrons-nous revenir sur la question de l'adoption, qui devrait être simplifiée.

Le développement de la science permet d'espérer le meilleur mais fait aussi redouter le pire. C'est à nous de déterminer jusqu'où il est responsable d'accepter les manipulations génétiques. Tout ne peut pas être autorisé.

Mme Bernadette Dupont.  - Très bien !

M. Guy Fischer.  - Cet article suscite des débats à l'intérieur de chaque groupe. La majorité du nôtre votera la rédaction proposée, même si elle nous satisfait moins que la rédaction initiale.

Il faut distinguer le temps du don de celui de la démarche de connaissance du donneur. La levée de l'anonymat fera-t-elle diminuer le nombre des donneurs ? Les exemples anglais et suédois semblent montrer que non, du moins à terme.

La démarche de recherche de l'origine par les enfants nés d'un don est assimilée par certains à celle des enfants adoptés ; d'autres la jugent tout à fait différente. Nous n'avons pas les moyens de trancher.

Il y a fort à parier que le nombre d'enfants engageant une telle démarche sera très faible car la plupart d'entre eux considèrent d'abord leur parenté affective et sociale. (Mme Isabelle Debré approuve) En Suède, un seul cas a été recensé. Nous voterons cet article.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Oui, il y a des secrets de famille, plus ou moins assumés mais toujours très lourds à porter. C'est très différent de ce qui nous est demandé aujourd'hui : si nous ne levons pas l'anonymat, c'est la société qui imposerait des secrets de famille. Comment l'admettre ?

Pourquoi vouloir absolument que le nombre de dons ne diminue pas ? Donner une hérédité, on doit l'assumer ! Comment priver ces enfants de leur histoire ?

M. Jean-Louis Lorrain.  - Le médecin doit savoir prendre une distanciation par rapport à son rêve de toute puissance. La fécondation est une fonction biologique... Il est vrai qu'il y a beaucoup de secrets dans les familles ; ils en sont constitutifs.

Notre débat est très français. Le prêt-à-penser n'est pas ma tasse de thé.

Il y a des demandes, venues de gens en souffrance sur leur origine. Elles ont des causes et des formes multiples, ne l'oublions pas. Lever l'anonymat changera la donne du don, en introduisant de nouveaux partenaires : l'homme stérile, les enfants du donneur. La réflexion devra évoluer vers un partenariat, accepté et pas imposé.

Ce débat pose aussi la question de la place de la femme dans la société. Les gamètes, ce sont aussi des ovocytes.

Le droit pose des limites et des règles ; le droit de l'enfant, oui, mais la parentalité ? Il risque d'y avoir des conflits de droit, en particulier avec les familles d'accueil. L'intérêt qui doit prévaloir est celui de l'être humain, dans sa globalité.

M. le président.  - Amendement n°48 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet et Bockel, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.

Supprimer cet article.

M. Gilbert Barbier.  - Il faut considérer, sur cette question, quel est le véritable intérêt de l'enfant. Que lui apporte la levée de l'anonymat ? Les dons n'ont pas baissé en Grande-Bretagne ? Rien ne dit que ce serait également le cas en France.

On légifère ici pour 500 cas par an seulement et, en réalité, sur une centaine de demandes, en instituant un mécanisme complexe de connaissance non identifiante. On peut être pour ou contre la levée de l'anonymat mais toute situation intermédiaire me paraît périlleuse.

Et selon que le donneur aura accepté ou non la levée de l'anonymat, la réponse, pour l'enfant, serait positive ou négative ?

Se pose également le problème des donneuses d'ovocytes, évoqué par M. Lorrain, fort complexe. D'où ma demande de suppression.

M. le président.  - Amendement identique n°74 rectifié ter, présenté par MM. Godefroy et Mirassou, Mme Printz, MM. Kerdraon et Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, M. C. Gautier, Mme Tasca, MM. Lagauche, Botrel, Yung et Frimat, Mme Campion, MM. Madec et Courteau, Mme Schillinger, MM. Sueur, Guillaume, Mazuir, Hervé, Berthou, Marc et Chastan, Mmes Klès et Laurent-Perrigot et MM. Badinter, Carrère, Todeschini et Rebsamen.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - La levée de l'anonymat est discutable au plan éthique et contreproductive au plan pratique. On sait bien que la part du biologique n'est que relative dans la formation de l'individu : la levée de l'anonymat remettrait en cause la part sociale et affective de la filiation.

Au reste, aucun enfant conçu naturellement ne peut connaître la vérité exacte sur sa conception. Il reste un mystère irréductible quant à l'origine, qu'il ne nous appartient pas de lever.

En Suède, les parents demandeurs se tournent vers des banques de spermes leur garantissant l'anonymat. On peut craindre de voir se développer, en légiférant, un « tourisme de la conception » qui pourrait déboucher sur une forme d'eugénisme par la sélection à la carte. Les enquêtes montrent que 27 % des couples renonceraient à un don dont l'anonymat pourrait être levé.

Bref, la levée de l'anonymat présente, y compris pour l'enfant, plus d'inconvénients que d'avantages : c'est pourquoi les signataires de l'amendement demandent la suppression de l'article.

M. le président.  - Amendement identique n°116 rectifié, présenté par MM. Lefèvre, Lecerf, Guerry et Couderc, Mmes G. Gautier et Henneron, MM. J. Gautier, Buffet et Beaumont et Mmes Bruguière, Sittler et Debré.

Mme Isabelle Debré.  - J'ai dit que l'enfant n'avait qu'un père, ce qui ne signifie pas qu'il n'ait pas aussi un géniteur et je ne suis pas hostile à un mécanisme qui permettrait une levée partielle de l'anonymat, sur des données essentielles pour l'enfant. La navette devrait le permettre. Je m'exprime ici à titre personnel car le groupe UMP n'est pas unanime.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Ces amendements sont contraires à la position de la commission.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis.  - La commission des lois avait proposé le maintien de l'anonymat : elle est donc favorable à ces amendements de suppression.

Le droit à la connaissance des origines est ambigu : les traités internationaux parlent plutôt du droit de connaître ses parents, ou de l'obligation -pour les autorités- de conserver toutes les origines de l'enfant, le mot étant à prendre au sens filiatif.

Pour le CCNE, les gamètes ne sont pas des parents. Ne « biologisons » pas la famille.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement est favorable à la suppression de l'article.

Il avait, à l'Assemblée nationale, entendu les arguments de la commission spéciale. Je comprends qu'un enfant veuille accéder à la vérité de ses origines mais si cela doit altérer le mode de conception de l'enfant, je ne puis y souscrire.

M. Richard Yung.  - On fait souvent le parallélisme avec l'adoption. Elle a longtemps été soumise au secret, avant que l'on ne se rende compte que ce n'était pas une bonne chose et que l'on ne modifie la loi.

Mais les débats m'ont fait changer de position et je suivrai M. Godefroy. Comme je ne pense pas que la nationalité tienne au sang, je ne crois pas que le biologique fasse l'homme.

Mme Debré évoquait un système de levée de l'anonymat non identifiant. Ne serait-ce pas pire pour les intéressés que de ne leur délivrer qu'une part de l'information à laquelle ils désirent accéder ?

Et le donneur ? Le voyez-vous ouvrir sa porte et trouver devant lui un enfant qui lui dise « Bonjour papa » ?

Pour toutes ces raisons, je voterai les amendements.

Mme Marie-Thérèse Hermange.  - Au CCNE, nous avons réfléchi longuement, monsieur Buffet, avant d'élaborer un texte : vous vous y référez sans en marquer l'équilibre.

Vous visez le critère biologique ? Mais c'est oublier qu'au sein du Cecos, le directeur a la charge d'apparier les caractéristiques du donneur à celles du couple receveur, y compris parfois sur des bases raciales, ne nous le cachons pas.

M. Charles Gautier.  - Je suis signataire de l'amendement de suppression. Le don de gamètes est anonyme dans notre législation : la levée de l'anonymat ne peut tenir qu'à des exigences thérapeutiques.

Aux Pays-Bas ou en Suède, l'anonymat a été levé pour que l'enfant devenu adulte puisse reconstituer une part manquante de son histoire. Mais n'est-ce pas faire lever, chez cet individu, de faux espoirs ? Le donneur lui a donné des gamètes, pas son histoire, laquelle lui vient de ses parents. Ce sont ses premiers pas, ses premières émotions, ses premières erreurs, ses premières amours qui constituent son histoire, pas un spermatozoïde.

L'argument médical, cependant, est recevable. Mais il faut trouver une formule afin que la personne puisse disposer d'un dossier de « traçabilité ».

Méfions-nous du terrorisme de la transparence ! C'est un faux modernisme dont les inconvénients surpassent largement les avantages attendus. Et songeons aux donneurs, à qui l'on viendra demander des comptes des années plus tard !

L'anonymat ne doit pas être levé : c'est une exigence éthique. (Applaudissements sur divers bancs)

M. Christian Cointat.  - Ce débat dépasse les clivages politiques ordinaires : il touche à notre conception de la vie. Je voterai la suppression, mais sans être pleinement satisfait. Il faut distinguer entre histoire et identité. Connaître son histoire n'est pas connaître l'identité du géniteur. « Bonjour papa ? », comme l'a dit Richard Yung, ce n'est pas possible. Autre chose est de pouvoir disposer d'informations de caractère médical et la navette devrait peut-être pouvoir permettre de trouver une solution.

Attention à la transparence ! Demain, c'est le donneur qui pourrait vouloir savoir ce que sont devenus ses gamètes. Lui permettra-t-on de frapper à une porte pour dire « Bonjour, mon fils » ? (Applaudissements sur divers bancs ; exclamations sur d'autres)

Mme Raymonde Le Texier.  - Je suis attachée à la non-marchandisation du corps et suis pleinement attentive aux problèmes que peut susciter la levée de l'anonymat. Mais j'estime que personne ne peut décider pour autrui de ce qui constitue son histoire. Ceux qui ignorent leur origine ont ceci de commun qu'ils éprouvent le besoin de savoir d'où ils viennent. Pourquoi leur interdire l'accès à l'identité du donneur ? Au nom de quelle crainte refuse-t-on d'ouvrir la porte ? Ce que souhaitent ces jeunes gens, c'est seulement d'avoir accès à la pièce manquante du puzzle. Je pense à cette jeune fille qui me disait se demander, chaque fois qu'elle croisait dans la rue un quadragénaire blond aux yeux bleus, si c'était à lui qu'elle devait sa blondeur et ses yeux bleus.

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas l'amendement de suppression.

M. Dominique de Legge.  - Il faut en revenir aux fondamentaux, c'est-à-dire les conventions internationales, et notamment la Convention des droits de l'enfant que la France a signée. On ne peut invoquer la convention d'Oviedo et considérer que l'accès aux origines serait un droit à géométrie variable.

Ce secret de famille, que beaucoup ont évoqué, est fait pour protéger. Qui veut-on ici protéger ? Je ne suis pas sûr que ce soit l'enfant. Est-ce la famille ? Le géniteur ?

Il est incontestable que la paternité comporte une dimension biologique et une dimension sociale. Mais prévoir un accès partiel aux origines, ce serait traiter l'enfant comme un bien de consommation courante, dont on n'exigerait que la « traçabilité ». Tel n'est pas le cas : le don de gamètes n'est pas un don comme les autres. Je ne voterai pas l'amendement car je suis pour la levée de l'anonymat.

M. Jean Desessard.  - Les sénateurs et sénatrices verts se reconnaissent dans l'amendement de suppression de M. Godefroy : ils le voteront.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga.  - On ne se réfère guère, ici, aux études réalisées par les psychologues et les psychiatres : leur position est, le plus souvent, celle de notre commission. Ce qui explique que l'on ait levé l'anonymat dans onze pays de l'Union européenne.

L'opposition idéologique entre le biologique et le social n'a rien à faire ici. Dans la famille Bach, on avait un don pour la musique : on l'a cultivé sur des générations. Jean-Marie Perrier, qui avait un don pour le jazz, n'a pas voulu admettre que son vrai père était Henri Salvador et il a renoncé à la musique... Tous les cas sont envisageables.

Les cliniciens savent que les adolescents ont du mal à faire coïncider leur tempérament -ce qui est de l'ordre du génétique- avec ce qui a forgé leur histoire et leur éducation.

Ne négligeons pas le besoin qu'ont certains de connaître leurs origines, pour mieux saisir les difficultés existentielles qu'ils comprennent mal.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je voterai contre l'amendement : imposer le secret des origines serait aller contre la liberté individuelle, dont j'apprécie que le Sénat soit d'ordinaire un défenseur intransigeant.

Il faut responsabiliser le don : il doit être assumé. Vouloir connaître son origine est légitime. C'est autre chose qu'assurer la « traçabilité » médicale : attention aux mots qui sont parfois employés. Je ne suis pas d'ordinaire féministe mais je constate que le clivage, ce matin, passe entre les hommes et les femmes...

Je remercie la commission des affaires sociales d'avoir su transcender les positions. Reste que la contradiction avec d'autres votes persiste : j'espère que la navette nous aidera à la lever.

M. Guy Fischer.  - La majorité de notre groupe votera contre les amendements de suppression, Mmes Assassi et Gonthier-Maurin votant pour.

M. François-Noël Buffet, rapporteur pour avis.  - Une observation de forme. Je connais trop la perversité que représente l'exercice de la citation transposée, madame Hermange, pour l'utiliser.

Dans mon rapport pour avi, j'ai cité la page 24 de l'avis n°90 du CCNE et mentionné une disposition qui faisait partie des recommandations finales, je tenais à le préciser.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Je veux vous dire combien la présidente Dini et moi-même sommes satisfaits : un vrai débat a eu lieu.

Il est vrai, madame Hermange, que le législateur, en 1976, a calqué les dispositions relatives au don de gamètes -et donc l'anonymat- sur celles qui existaient pour le don du sang ou d'organes.

Mais notre société a évolué. Il n'y a plus de raison d'avoir honte de sa stérilité. La législation doit donc encore évoluer.

N'oublions pas les dons d'ovocytes. Si un enfant devait venir frapper à la porte, monsieur Yung, il ne dirait pas « Bonjour papa », mais peut-être aussi « Bonjour maman » : les hommes ne sont pas seuls donneurs -ils ont trop souvent tendance à l'oublier.

Il est vrai que l'origine ne fait pas toute l'histoire d'un individu. Mais on ne peut nier que la génétique n'ait sa part dans notre histoire.

M. Barbier objectait tout à l'heure qu'on allait lever l'anonymat pour une soixantaine de cas. Mais pour la conception post mortem, on ne dépasse pas un ou deux cas. Tous les cas méritent débat.

Il faut respecter nos engagements internationaux : je souscris à ce qu'a dit M. de Legge. En revanche, on ne peut voter cet amendement et attendre la navette : voter l'amendement de suppression, ce serait adopter conforme le texte de l'Assemblée nationale.

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Je salue la richesse du débat. Toutes les positions sont respectables : il n'y a pas, au reste, de position idéale en cette matière. Le Gouvernement est favorable au maintien de l'anonymat, donc au vote de ces amendements.

A la demande du Gouvernement et du groupe socialiste, les amendements identiques nos48 rectifié, 74 rectifié ter et 116 rectifié sont mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 278
Nombre de suffrages exprimés 272
Majorité absolue des suffrages exprimés 137
Pour l'adoption 199
Contre 73

Le Sénat a adopté.

L'article 14 est supprimé.

Mme Muguette Dini, présidente de la commission des affaires sociales.  - En conséquence, je souhaite la réserve de l'amendement n°113 rectifié quinquies jusqu'après l'article 18.

Acceptée par le Gouvernement, la réserve est de droit.

Article 15

M. le président.  - Amendement n°49 rectifié, présenté par MM. Barbier, Collin, Baylet et Bockel, Mmes Escoffier et Laborde et MM. Mézard, Milhau, Tropeano et Vall.

Supprimer cet article.

M. Yvon Collin.  - Amendement de coordination.

M. Alain Milon, rapporteur. - Vu la suppression de l'article 14, les articles 15 à 18 n'ont plus de sens.

M. le président.  - Dois-je comprendre que le Sénat accepte l'idée que le vote sur l'article 14 emporte la suppression des articles 15 à 18 ?

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Mes amendements sur les articles 15 à 18 sont défendus.

M. Yvon Collin.  - Même position.

Mme Isabelle Debré.  - Nous aussi.

M. Guy Fischer.  - Nous n'avions pas d'amendement mais nous souscrivons à votre analyse, monsieur le président.

L'amendement n°49 rectifié, identiques aux amendements nos81 rectifié ter et 117 rectifié, est adopté.

L'article 15 est supprimé.

L'amendement n°152 devient sans objet.

M. le président.  - Pouvons-nous considérer qu'il en va de même pour les articles 16, 17 et 18 ? (Assentiment)

Les articles 16, 17 et 18 sont supprimés.

M. le président.  - Nous revenons à l'amendement n°113 rectifié quinquies.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Dès lors que son texte est tombé, la commission est très favorable à cet amendement...

Mme Nora Berra, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement lui reste défavorable.

M. le président.  - Je suis saisi d'une demande de scrutin public par le Gouvernement sur l'amendement n°113 rectifié quinquies.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Même si sa portée est trop large, je vais le voter. Sans illusion toutefois compte tenu des manoeuvres qui ont eu lieu, dont la demande de scrutin public. Sans illusion mais avec plaisir.

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Je m'interroge sur la logique de cet amendement : il est parfaitement contradictoire avec le vote qui vient d'intervenir.

M. Alain Milon, rapporteur.  - Peu importe ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Godefroy.  - Mme Des Esgaulx parle de « manoeuvres » : dans un régime démocratique, il faut accepter la sanction d'un vote. Reste que si quelqu'un conteste avec constance le scrutin public, c'est bien moi...

Je voterai contre cet amendement.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Je ne vous visais pas.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cet amendement est inopérant ; je le voterai néanmoins. Nous ne sommes pas, nous, du genre à avoir les convictions en béton de certains collègues. La décision d'avoir un enfant est une décision d'adultes qui concerne les deux personnes qui la prennent. La question que pose M. Revet est très importante parce qu'elle se place du point de vue du futur adulte. S'il ne veut rien savoir, c'est son affaire ; s'il veut savoir, on n'a pas à y faire obstacle.

Personnellement, je voterai cet amendement.

M. Christian Cointat.  - Moi pas, pour des raisons qui ne tiennent pas au fond : parce qu'il remet indirectement en cause le vote que nous venons d'exprimer et parce qu'il fait deux catégories de citoyens selon la date de leur naissance.

La connaissance de l'origine peut être tout autre chose que celle de l'état civil.

M. François Zocchetto.  - Je ne comprends pas que cet amendement nous soit soumis après le vote qui a supprimé l'article 14. A mon sens, il tombe.

Je peux d'autant moins le voter que sa rédaction est floue et fort peu juridique. Qu'est-ce exactement que « l'origine familiale » ? Comment peut-on parler de « tout document » ? Quelle limite à « ses interrogations » ? Un vote positif serait extrêmement hasardeux.

M. le président.  - Je ne peux faire tomber cet amendement car il est plus large que l'article 14. C'est pourquoi je suis tenu de le soumettre au vote.

A la demande du Gouvernement, l'amendement n°113 rectifié quinquies est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 258
Nombre de suffrages exprimés 230
Majorité absolue des suffrages exprimés 116
Pour l'adoption 42
Contre 188

Le Sénat n'a pas adopté.

L'article 18 bis est adopté, ainsi que l'article 18 ter.

L'amendement n°151 est retiré.

Mme Isabelle Debré.  - Lors du scrutin sur les amendements de suppression de l'article 14, Mme Procaccia souhaitait voter pour.

La séance est suspendue à 12 h 55.

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présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 15 heures.