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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Simplification du droit (Conclusions de la CMP)

Immigration (Deuxième lecture - Suite)

Discussion des articles (Suite)

Article 62

Article 64

Article 66

Article 67

Article 74 bis

Article 75

Article 75 ter

Article 83

Article 84

Interventions sur l'ensemble

Contentieux et procédures juridictionnelles (Procédure accélérée)

Discussion générale

Question préalable

Renvoi en commission

Discussion des articles

Article premier

Article 2

Article 3

Articles additionnels

Article 7

Article 8

Article 9

Article 10

Article 11

Article 12

Article 13 (Supprimé)

Article 14

Article 15

Article additionnel

Article 15 bis

Article 15 ter

Articles additionnels

Article 15 quater

Article 16

Article 20

Article 21

Article 22

Article 22 bis

Article 22 ter

Article 22 quater

Articles additionnels

Article 25 bis

Article 25 ter

Article 25 quater

Article 26

Article 27

Saisine du Conseil constitutionnel (Simplification du droit)

CMP (Demande de constitution)




SÉANCE

du jeudi 14 avril 2011

93e séance de la session ordinaire 2010-2011

présidence de Mme Monique Papon,vice-présidente

Secrétaires : Mme Michelle Demessine, M. Marc Massion.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Simplification du droit (Conclusions de la CMP)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen des conclusions de la CMP sur la proposition de loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.

M. Bernard Saugey, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.  - Ce troisième exercice législatif de simplification du droit achève ce matin son long parcours parlementaire. Le 6 avril, la CMP a élaboré un texte sur les 32 articles qui lui étaient soumis.

La proposition de loi s'est révélée pour le Gouvernement un réceptacle commode pour un bataillon de cavaliers en souffrance... Si le Sénat a supprimé plusieurs articles manifestement très éloignés de l'allègement et de la simplification du droit -je pense aux dispositions relatives aux fichiers de police, au droit de préemption ou à l'échelle des peines encourues par les preneurs d'otage-, il en a ajouté certains, comme en matière funéraire, pour les motocycles ou l'élagage d'office.

La CMP est donc parvenue à un accord. Elle a retenu la rédaction de l'Assemblée nationale aux articles premier, 9, 25, 58 ou 114 et celle du Sénat aux articles premier A, 27, 30, 33 ou encore 135 bis.

Plusieurs articles ont été adoptés dans une rédaction élaborée par la CMP, entre autres celui relatif au pluralisme de la composition de la Cnil.

Je regrette que n'ait pas été retenue la rédaction du Sénat à l'article relatif à l'abrogation automatique après cinq ans des rapports périodiques du Gouvernement ; il en restera finalement cinq.

Je forme le voeu de ne plus être confronté à cette forme impérialiste, touche-à-tout, de proposition de loi.

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est un voeu pieux !

M. Bernard Saugey, rapporteur.  - Ma piété est bien connue ! (Sourires) Nous devrons être saisis à l'avenir de textes thématiques.

Je vous propose d'adopter le texte ainsi rédigé. (Applaudissements)

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.  - Ce texte est le fruit d'un constat partagé sur l'évolution de notre droit, dont la complexité et l'incohérence croissantes ont créé de l'insécurité juridique ; 3 300 lois ont été adoptées depuis les débuts de la Ve République, avec une nette accélération ces vingt dernières années. Il est de notre devoir de rendre notre droit accessible et intelligible pour nos concitoyens ; un droit lisible est une exigence démocratique. Le Gouvernement ne peut donc que soutenir cette proposition de loi.

Je salue le travail du Sénat, qui a mobilisé quatre commissions, même si ses conclusions ne vont pas toujours dans le sens que le Gouvernement aurait souhaité. Je ne nie pas le caractère inventoriel et la complexité de ce texte. Désolé pour la piété du rapporteur, un autre texte est déjà en préparation... (Sourires)

L'Assemblée nationale et le Sénat sont parvenus à un accord. Les pierres d'achoppement ne sont même plus du gravier, c'est du sable ! Le Sénat a considérablement remodelé ce texte. La CMP l'a suivi sur des points très importants, comme sur les fichiers de police. Vous aviez souhaité que ces dispositions restent intégrées à la proposition de loi Escoffier-Détraigne, adoptée à l'unanimité par le Sénat et en attente d'examen par l'Assemblée nationale. De même pour les dispositions relatives au droit de préemption.

La CMP a également suivi le Sénat sur l'aménagement des entrées de ville, disposition à l'égard de laquelle le président Hyest a fait montre d'un enthousiasme modéré.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Un enthousiasme raisonné et raisonnable !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Ce sera un nid à contentieux : la rédaction est trop vague.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Au total, ce texte réalise des avancées concrètes au service de nos concitoyens, ce dont je me félicite. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Jacques Mézard.  - Comment faire simple quand on peut faire compliqué ? Ce texte est une macédoine dont certains fruits sont peu comestibles. Du sable, avez-vous dit, monsieur le ministre ? Celui du marchand de sable, pour mieux nous endormir... Première mauvaise nouvelle de la matinée, vous nous annoncez un nouveau texte. Je vous l'ai déjà dit : perseverare diabolicum...

M. Jean-Pierre Michel.  - Ils n'en auront pas le temps !

M. Jacques Mézard.  - Le rapporteur a sagement qualifié ce texte de touffu et hétéroclite. Alors, de grâce, ne recommençons pas ! Notre ordre du jour est à la limite de l'asphyxie. Il suffit de voir l'état des sénateurs ce matin. (Sourires)

Notre droit mérite à l'évidence d'être rendu plus lisible, plus accessible ; encore faut-il avoir le sens des priorités... Légiférer à la remorque des sondages n'a jamais été de bonne méthode légistique ; la déliquescence de notre code pénal en est la preuve manifeste. On persiste à multiplier des textes sans se soucier de leur cohérence. L'insécurité juridique, déjà dénoncée en 2006 par le Conseil d'État, ne cesse de s'aggraver. Mieux vaudrait, le rapporteur l'a dit, travailler sur des textes sectoriels. Le vice-président du Conseil d'État a encore récemment relevé que des textes législatifs proches font l'objet de modifications concomitantes. Et le recours croissant à la procédure accélérée, sans justification de l'urgence, multiplie le risque de malfaçons législatives -en la matière, il n'y a pas de garantie décennale !

Le même raisonnement vaut pour les textes en navette -je pense à la proposition de loi Escoffier-Détraigne, adoptée par le Sénat unanime, toujours en attente à l'Assemblée nationale...

Dois-je revenir sur le retard chronique de la publication des décrets, l'abolition de la frontière entre la loi et le règlement ou la qualité rédactionnelle des textes ? Dans ce capharnaüm législatif, plus personne ne peut s'y retrouver.

Il y a un fossé béant entre l'ambition de ce texte et la réalité. Bien des dispositions compliquent la norme au lieu de la simplifier, par exemple à l'article premier. Je dénonce à nouveau l'introduction de dispositions nouvelles qui ne simplifient ni ne clarifient -nous avons heureusement échappé à celles sur le GIP et le droit de préemption.

Cette proposition de loi n'est évidemment pas à rejeter en bloc. On ne peut qu'approuver l'article premier A ou la suppression de nombre de commissions et rapports. Mais le diable se cache dans les détails et nous conservons le souvenir amer de la précédente proposition de loi Warsmann qui avait permis à l'Église -l'Église, monsieur le ministre !- de scientologie d'échapper de justesse à la dissolution... J'espère que nous n'aurons pas de mauvaises surprises du même ordre.

Nous ne pouvons accomplir un travail sérieux quand la vérité des médias semble devenir la seule vérité qui vaille. « La loi, implacable, est imprévisible. Si nul n'est censé l'ignorer, nul, en revanche, ne peut la connaître » écrivait Georges Perec... Cette proposition de loi semble faite pour illustrer ce propos. En majorité nous voterons contre. (Applaudissements à gauche)

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Votre simplification est un prétexte à création d'un droit nouveau quand cela vous arrange. On ne peut raisonnablement prétendre remettre de l'ordre dans un tel désordre.

La Cour des comptes avait relevé en 2006 que ces lois dites de simplification étaient l'occasion d'effets d'aubaine législative. Vous n'en démordez pas et récidivez dans cette pratique diabolique.

C'est à la représentation nationale de se saisir du problème posé par le véritable fléau qu'est l'inflation législative. Quand le rapporteur propose de supprimer des dispositions présentes dans d'autres textes, le Gouvernement s'y oppose... Qu'attend-il donc des parlementaires ?

Le maigre progrès de l'article premier A, sur les pacsés, ne suffit pas à nous faire revenir sur notre refus de ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il y a dans ce texte des points positifs. Je voudrais en relever trois. Je pense tout d'abord à la mention dans l'acte de décès du partenaire du pacs.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Cela lui est assez indifférent...

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - ...une fois mort. (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Cela a une portée symbolique, à laquelle je suis très sensible, moi qui ai défendu nombre de textes sur les questions funéraires. Il faudra aller plus loin et traiter la question -source de conflits dans les familles- de la désignation de la personne qui a qualité pour pourvoir aux funérailles.

Deuxième point positif : le dossier de l'autopsie judiciaire. Nos textes étaient très nettement insuffisants. Je rends hommage à ce citoyen du Pas-de-Calais, qui nous a alertés, et aux services du Médiateur, qui nous ont aidés à préparer ce texte.

On aurait dû faire une proposition de loi sur un tel sujet. Nous avons saisi l'occasion de le traiter ici.

Troisième point important : les entrées de ville. On ne dénoncera jamais trop le sinistre urbanistique que sont devenues nos entrées de ville.

M. Richard Yung.  - À Orléans ! (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Toutes nos villes ont leur beauté et les élus font ce qu'ils peuvent pour embellir leur centre. Mais il faut, pour y accéder, traverser un bric-à-brac de pancartes, de cubes, de parallélépipèdes de tôle ondulée. Nos anciens, eux, accordaient une grande importance à l'esthétique des portes de ville.

Je remercie M. Saugey de nous avoir soutenus sur cette question. Il est vrai que nous renforçons, sur ce point, les pouvoirs du préfet. Nous sommes attachés aux libertés locales, mais la loi doit favoriser une certaine qualité urbanistique ; il y va de l'image de la France. Je souligne à cette occasion l'action de M. Ambroise Dupont, auteur d'un des articles consacrés à la question. Le but est de faire de ces voies rapides de vrais boulevards urbains. J'aurais aimé aller plus loin, considérant que nos villes sont issues de la juxtaposition d'espaces monofonctionnels ; la ville de l'avenir devra associer des fonctions diverses sur un même lieu.

Voilà pour le positif, sur lequel je me suis longuement étendu. Il y a du négatif, comme à propos des copropriétés à temps partagé qui ont fait la fortune de spéculateurs immobiliers et le désespoir des copropriétaires, en particulier en montagne, monsieur le sénateur de l'Isère.

M. Bernard Saugey, rapporteur.  - C'est vrai.

M. Jean-Pierre Sueur.  - L'article 54 est immoral et sera soumis au Conseil constitutionnel : il suppose un accord a priori entre cocontractants sur le fait que l'un d'eux ne respectera pas la loi.

Si le président du tribunal administratif ou de la cour d'appel administrative le décide, le rapporteur public ne serait plus tenu d'exposer des conclusions sur des matières « fixées par décret ». Cette dernière mention est gravement inconstitutionnelle et contraire à l'article 34 de la Constitution, qui énonce que tout ce qui relève de la magistrature et des instances juridictionnelles doit être traité par la loi.

Troisième point sur lequel nous saisirons le Conseil constitutionnel : le classement de sortie des élèves de l'ENA. En première lecture, tous les sénateurs ont reconnu que ce classement présentait certes des inconvénients, mais bien moindres que tout ce que l'on pourrait lui substituer, qui favoriserait nécessairement l'arbitraire et le copinage.

Je ne reviendrai pas sur le statut de ce type de loi, auquel tout Gouvernement recourt. Il faudrait que le Parlement ait davantage de temps pour évoquer chaque sujet à fond. Face à l'inflation législative, il n'y a pas de miracle, sinon peut-être que l'on aille vers une réduction du cumul des mandats. Si nous voulons qu'il y ait moins d'ordonnances, il faut davantage de travail législatif. Face à la scandaleuse prérogative que s'attribue le Gouvernement de ne pas appliquer la loi en ne publiant pas les textes d'application, on ne peut, là encore, répondre que par l'octroi de pouvoirs accrus au Parlement.

À cause des trois points sur lesquels nous saisirons le Conseil constitutionnel, nous voterons contre ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. André Reichardt.  - Notre objectif est de simplifier et d'améliorer le droit. Quelques mesures proviennent directement de sollicitations des citoyens ; d'autres du Conseil d'État ; d'autres encore de la Cour de cassation. Hommage soit rendu au travail de notre rapporteur.

Dans un souci de cohérence, nous n'avons pas intégré à ce texte des dispositions présentes dans d'autres textes, comme la proposition de loi Escoffier-Détraigne. Certaines dispositions de fond, comme sur les peines encourues par les preneurs d'otages, relevaient de textes spécifiques.

La question des fuites d'eau et de la surfacturation qui en résulte est très importante pour nos concitoyens, tout comme l'obligation faite aux administrations d'échanger entre elles les pièces justificatives nécessaires aux démarches, ou les simplifications en faveur des personnes handicapées. Le chèque emploi associatif entrera dans le droit commun des congés payés.

Parmi les mesures relatives aux collectivités, notons l'organisation de consultations ouvertes sur internet, dont une synthèse sera publiée, ainsi que l'extension des délégations du conseil municipal. La gouvernance des entreprises sera simplifiée, ainsi que leur comptabilité. Les GIP se voient dotés d'un statut souple et cohérent : c'est un outil pour les collectivités.

En matière d'urbanisme, les mesures sur les entrées de ville sont à saluer. Merci à M. Sueur de l'avoir rappelé.

S'agissant des rapports au Parlement, ils seront soumis à abrogation automatique après cinq ans, sauf cinq d'entre eux...

Ce texte dense et hétérogène a fait l'objet d'un excellent travail de notre commission des lois. Je salue l'oeuvre de la CMP. Ce texte est sans doute imparfait mais utile. Il est indispensable de simplifier le droit. Légiférons moins pour légiférer mieux ! Le groupe UMP votera ce texte avec conviction et espérance pour l'avenir ! (Applaudissements à droite)

Les conclusions de la CMP sont définitivement adoptées.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Naguère, nous avions des lois portant « diverses dispositions d'ordre... » financier ou autre. C'est un peu le cas de ce texte. Il fallait régler un certain nombre de problèmes. Simplification, oui. Modification substantielle du droit, c'est autre chose... Les premières lois de simplification avaient rempli leur objectif, mais ne vaudrait-il pas mieux des lois thématiques que ces textes polymorphes. Sinon à quand les lois de simplification des lois de simplification du droit ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Nous partageons le même objectif. Pourquoi recourir à de telles propositions de loi plutôt qu'à la formule de DDO... ? La réforme de la Constitution a modifié la répartition de l'ordre du jour entre Gouvernement et Parlement... M. Hyest n'était d'ailleurs pas favorable au partage par moitié. Cette proposition de loi a été soumise au Conseil d'État, c'est une première. Nous devons continuer à simplifier le droit pour rendre la loi intelligible. Pourquoi pas des lois thématiques ou des lois avec des chapitres biens distincts pour lesquelles les assemblées pourraient nommer une commission spéciale ou des rapporteurs spécialisés ? Le Gouvernement est ouvert à la réflexion.

Immigration (Deuxième lecture - Suite)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la suite de la deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité.

Discussion des articles (Suite)

Mme la présidente.  - Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 62.

Article 62

Mme la présidente.  - Amendement n°116, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Supprimer le mot :

sciemment

M. Richard Yung.  - Défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°173, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Amendement de coordination.

Les amendements n°s116 et 173, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°115, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

Remplacer les mots : 

sans titre

par les mots :

non muni d'une autorisation de travail

M. Richard Yung.  - Défendu.

M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois.  - Satisfait.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales.  - Même avis.

L'amendement n°115 n'est pas adopté.

L'article 62 est adopté.

Article 64

Mme la présidente.  - Amendement n°117, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 1

Paragraphe I, 1°, article L. 8271-1-2

Supprimer les 1° et 9°.

M. Richard Yung.  - Le BIT, à la suite de plaintes de fonctionnaires, a condamné l'attribution aux inspecteurs du travail des missions de police contre les travailleurs sans papiers.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable. L'objectif de l'article est de protéger les droits sociaux des travailleurs.

M. Philippe Richert, ministre.  - L'amendement revient à ôter toute compétence aux inspecteurs du travail en matière de travail illégal. Défavorable.

À l'issue d'une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°117, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°118, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 1

Compléter le I par deux alinéas ainsi rédigés :

3° Est ajouté un article L. 8271-6-3 ainsi rédigé :

 « Art. L. 8271-6-3. - Dans le cadre de la recherche et de la constatation des infractions constitutives de travail illégal, les agents de contrôle mentionnés à l'article L. 8271-7, constatant la présence de travailleurs étrangers sans autorisation de travail ayant le statut d'auto-entrepreneur et travaillant dans l'entreprise ou sur le lieu de travail de leur ancien employeur, sont habilités à dresser un constat de procès verbal pour travail illégal. Ces travailleurs sont assimilés, dans le cadre de la procédure ouverte pour travail illégal à l'encontre de l'employeur, à des salariés ayant travaillé pour le compte de ce dernier. »

M. Richard Yung.  - Des employeurs sans foi ni loi, afin d'échapper à des sanctions, demandent à leurs salariés étrangers munis de faux-papiers de démissionner et de prendre le statut d'auto-entrepreneur, ce statut permettant de contourner les droits des salariés. C'est un dévoiement de la loi.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable. Le juge prud'homal peut à tout moment requalifier le contrat.

M. Philippe Richert, ministre.  - Satisfait.

M. Jean-Pierre Michel.  - Nous voterons cet amendement. Nous sommes mobilisés, et regrettons que la majorité ne soit pas plus présente pour défendre ce texte puisque nos amendements sont rejetés en raison de l'égalité des voix !

M. Philippe Dallier.  - Preuve que vous n'êtes pas plus nombreux que nous !

L'amendement n°118 n'est pas adopté.

L'article 64 est adopté.

Article 66

Mme la présidente.  - Amendement n°119, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2, première phrase

Après la référence :

L. 8211-1,

insérer les mots :

elle peut solliciter auprès du tribunal de grande instance la nomination d'un administrateur provisoire afin de mettre fin aux recours au travail illégal et d'assurer le respect des droits des travailleurs illégaux. Le tribunal détermine la nature et la durée des missions de cet administrateur. À titre subsidiaire et uniquement en cas de récidive

M. David Assouline.  - Les mesures de fermetures d'entreprises, uniquement dissuasives, paraissent peu opérantes et interdiront à l'entreprise de se relever économiquement. Cet amendement permet à l'administration de prendre une sanction intermédiaire. Si l'entreprise persiste et signe, le dispositif prévu à l'article 66 s'appliquera.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable. La fermeture ne pourra être prononcée par le préfet que pour faits graves. La réponse doit être rapide, et la sanction ne pourra excéder trois mois. Les droits des travailleurs sont garantis.

M. Philippe Richert, ministre.  - La durée de la fermeture sera proportionnelle à la gravité des faits. Les droits des salariés sont effectivement garantis. Défavorable : cet amendement est inutile.

L'amendement n°119 n'est pas adopté.

L'article 66 est adopté.

Article 67

Mme la présidente.  - Amendement n°120, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

I. - Alinéa 1

Remplacer les mots :

par un article L. 8272-4 ainsi rédigé

par les mots :

par les articles L. 8272-4 et L. 8272-4-1 ainsi rédigés

II. - Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Art. L. 8272-4-1. - Lorsqu'une personne publique signataire d'un contrat mentionné aux articles L. 551-1 et L. 551-5 du code de justice administrative, a connaissance d'un procès-verbal relevant une infraction à l'interdiction prévue aux 1° à 4° de l'article L. 8211-1, elle peut par décision motivée prise à l'encontre de la personne signataire dudit contrat, résilier ce contrat à ses frais et procéder à de nouveaux appels d'offres pour la continuation de l'exécution du contrat précité. Les modalités d'application du présent article sont fixées par décret en Conseil d'État. »

M. David Assouline.  - Une personne publique doit pouvoir mettre fin à un marché public en cours d'exécution, lorsque l'entreprise qui a obtenu le marché a embauché des salariés étrangers sans autorisation de travail. Il en va de la crédibilité de votre volonté affichée de lutter contre les patrons voyous.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable : l'amendement est satisfait par les articles 46 et 47 du code des marchés publics.

M. Philippe Richert, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°120 n'est pas adopté.

L'article 67 est adopté.

Article 74 bis

Mme la présidente.  - Amendement n°121, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Richard Yung.  - Cet article est inutile et injuste. Vous nous demandez déjà de revenir sur la loi de 2006. Dans sa rédaction initiale, cet article interdisait l'accès à l'aide juridictionnelle aux demandeurs d'asile, dans le cadre d'un recours devant la CNDA. La commission des lois est revenue sur cette mesure, mais sans aller assez loin. La Cour de Luxembourg tranchera sur votre interprétation de la directive. En tout état de cause, celle-ci n'impose que des normes minimales. Tous les demandeurs d'asile devraient pouvoir demander l'aide juridictionnelle.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°174, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Josiane Mathon-Poinat.  - Priver le demandeur d'asile de l'aide juridictionnelle est une atteinte au droit à un recours effectif. Un tel déni de droit est injustifiable et contrevient à l'article 32 de la directive de 2005.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°200 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

M. Jacques Mézard.  - Présumant la mauvaise fois, cet article interdit à un demandeur d'asile de solliciter l'aide juridictionnelle dans le cadre du recours dirigé contre une décision de l'Ofpra rejetant une demande de réexamen lorsque le requérant a déjà bénéficié de cette aide devant le même office ou la CNDA. La CNDA est surchargée, comme l'Ofpra, faute de moyens. Plutôt que de vous attaquer à ce problème, vous choisissez une solution de facilité en restreignant le droit au recours...

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable aux amendements de suppression. Cet article 74 bis vise à rationaliser l'octroi de l'aide juridictionnelle devant la CNDA, dont le coût a été multiplié par cinq depuis qu'a été supprimée la condition de l'entrée régulière. Les députés ont estimé que la plupart de ces demandes étaient dilatoires. La commission des lois a trouvé un équilibre entre cette nécessaire rationalisation et les garanties dues aux demandeurs d'asile. La proposition est strictement conforme au droit communautaire.

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.  - Défavorable. Il s'agit d'améliorer le fonctionnement de la Cour, dont les effectifs ont été renforcés, et de prévenir les recours abusifs, la plupart des demandes de réexamen étant dilatoires.

Mme Nathalie Goulet.  - Nous avons bataillé pour maintenir le budget de l'aide juridictionnelle. Combien de réexamens sont effectivement demandés ? Quelles sont les économies à attendre ?

M. Jean-Pierre Michel.  - Cet article me paraît inconstitutionnel. Le recours est une voie d'appel, or l'appel est un droit garanti par la Constitution. La règle de droit prime sur les considérations budgétaires ! Ce n'est pas à nous de dire si l'appel est dilatoire ou non. C'est seulement à la juridiction. Le droit d'appel est absolu. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Le réexamen n'est pas un appel. C'est un nouvel examen de la demande, à la lumière de nouveaux éléments.

M. Claude Guéant, ministre.  - Je confirme cette interprétation : le réexamen n'est pas un appel. Il peut intervenir après trois étapes d'examen, par l'Ofpra, la CNDA et à nouveau l'Ofpra. Madame Goulet, on compte près de 2 000 demandes d'aide juridictionnelle pour réexamen, pour un coût de 130 000 euros par an.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - On ne va pas ergoter sur le vocabulaire. Le recours existe, et doit ouvrir droit à l'aide juridictionnelle !

Les amendements identiques n°s121, 174, 200 rectifié, ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°142 rectifié, présenté par Mmes Giudicelli et G. Gautier, MM. J. Gautier et B. Fournier, Mme B. Dupont, MM. Vasselle, Nègre, Ferrand et Demuynck et Mmes Lamure et Rozier.

Alinéa 4

Après les mots :

demande de réexamen

supprimer la fin de cet alinéa.

M. Jacques Gautier.  - Contrairement à ces amendements, le nôtre vise à donner toute sa portée à l'article 74 bis. L'Ofpra convoque dans près de 95 % des cas les primo-demandeurs, même s'ils ne viennent pas à ces auditions dans les mêmes proportions. Lors du premier recours, l'étranger a eu la possibilité, même s'il ne l'a pas utilisée, d'être assisté d'un conseil, en bénéficiant de l'aide juridictionnelle.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Quand même !

M. Claude Guéant, ministre.  - L'amendement revient au texte initial du Gouvernement : sagesse.

M. Richard Yung.  - Nous voterons contre cet amendement, qui vise à limiter l'accès à la CNDA, qui joue un rôle essentiel dans la défense du droit d'asile, en cassant plus du tiers des décisions de refus de l'Ofpra.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Cet article est encore une initiative de l'Assemblée nationale : il ne figurait pas dans le texte initial du Gouvernement qui était équilibré. Nous cherchons un équilibre entre limiter les recours abusifs et garantir les droits des demandeurs d'asile. Je tiens à ce que le texte de la commission soit maintenu.

L'amendement n°142 rectifié n'est pas adopté.

L'article 74 bis est adopté.

Article 75

Mme la présidente.  - Amendement n°122, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Richard Yung.  - Cet article précise la notion de fraude délibérée, afin d'élargir la mise en oeuvre de la procédure prioritaire qui restreint les droits des demandeurs d'asile.

Saisie d'une QPC, le Conseil constitutionnel a déclaré celle-ci conforme à la Constitution. Dont acte, mais l'absence de recours suspensif est dommageable. Dans l'attente de la décision de la Cour de Strasbourg, nous proposons de supprimer ces dispositions.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°201 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

M. Jacques Mézard.  - En étendant la procédure prioritaire, cet article restreint la possibilité pour le demandeur d'asile d'obtenir une autorisation provisoire de séjour. On voit ici la différence de vues entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Ce texte permet à l'administration d'expulser le demandeur avant même l'examen par la CNDA de la décision de rejet. Selon le droit en vigueur, il revient à l'administration de démontrer que la dissimulation constitue une fraude délibérée. Or cet article inverse la charge de la preuve, puisque, par exemple, la fraude pour dissimulation d'informations concernant l'identité devient la norme, à charge pour le demandeur d'asile de se justifier.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable. L'article 75 n'étend pas le champ de la procédure prioritaire mais précise la notion de fraude délibérée. Il vise concrètement la modification des empreintes digitales.

M. Claude Guéant, ministre.  - Cette disposition ne fait qu'aménager des dispositions procédurales. Défavorable.

Les amendements identiques n°s122 et 201 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°123, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger ainsi cet article :

Les articles L. 741-4, L. 742-2, L. 742-4, L. 742-5, L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont abrogés.

M. Richard Yung.  - Le Conseil constitutionnel et le Conseil d'État ont consacré le principe de l'admission au séjour des demandeurs d'asile, avec quatre exceptions, fort larges : près du quart des demandeurs en relèvent, alors que la procédure prioritaire est inéquitable et injuste.

Mme la présidente.  - Amendement n°175, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Rédiger ainsi cet article :

L'article L. 741-4 du même code est abrogé.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Petit à petit, on dénature le droit d'asile, partant du principe que les demandeurs d'asile sont des fraudeurs. Ce droit est individuel, et s'accommode mal de catégories...

La France est le pays qui refuse le plus de demandes d'asile ! Elle n'est déjà pas généreuse ; elle le sera encore moins.

Parmi ceux qui cachent leur identité, il y en a qui fuient des persécutions, des traitements cruels, inhumains et dégradants dans des pays que vous considérez, à tort, comme sûrs ! Ils ont perdu toute confiance dans les autorités. Leur demande d'asile est légitime. Les procédures actuelles suffisent à écarter les fraudeurs, n'en rajoutons pas.

Mme la présidente.  - Amendement n°126, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger ainsi cet article :

Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° L'article L. 741-4 est ainsi rédigé :

« Art. L. 741-4. - Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission au séjour en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si l'examen de la demande d'asile relève de la compétence d'un autre État en application des dispositions du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des États membres par un ressortissant d'un pays tiers, ou d'engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d'autres États.

« Les dispositions du présent article ne font pas obstacles au droit souverain de l'État d'accorder l'asile à toute personne qui se trouverait dans ce cas. » ;

2° L'article L. 742-2 est ainsi rédigé :

« Art. L. 742-2. - Lorsqu'il apparaît, postérieurement à son admission au titre de l'asile, que l'étranger se trouve dans le cas prévu à l'article L. 741-4, le document provisoire de séjour peut être retiré ou son renouvellement refusé. » ;

3° À l'article L. 742-4, les mots : « au 1° de l'article L. 741-1 » sont remplacés par les mots : « à l'article L. 741-1 » ;

4° Au second alinéa de l'article L. 723-1, après les mots : « a été refusé ou retiré pour », la fin de cet alinéa est ainsi rédigée : « le motif mentionné à l'article L. 741-4, ou qui se sont vu refuser pour ce motif le renouvellement de ce document ».

M. Richard Yung.  - Il est défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°125, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger ainsi cet article :

Le 4° de l'article L. 741-4 du même code est abrogé.

M. Jean-Pierre Sueur.  - On peut refuser l'accès du territoire à un étranger qui n'a pas encore demandé l'asile. Des personnes persécutées arrivent en France comme elles peuvent, sur des radeaux de fortunes ; arguer des conditions de leur arrivée pour leur refuser la possibilité de demander le droit d'asile est contraire au droit.

Mme la présidente.  - Amendement n°124, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger ainsi cet article :

Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est ainsi modifié :

1° À l'article L. 722-1, après le mot : « office », la fin de la première phrase du deuxième alinéa est supprimée ;

2° À l'article L. 741-4, après le mot : « susmentionnée », la fin du 2° est supprimée.

M. Jean-Pierre Sueur.  - En première lecture, les sénateurs ont aligné la définition des pays d'origine sûrs sur celle figurant à l'annexe II de la directive relative à des normes minimales concernant la procédure d'octroi et de retrait du statut de réfugié dans les États membres. Cette disposition nouvelle a été supprimée sans débat par l'Assemblée nationale ; il faut revenir à la position du travail du Sénat en première lecture, d'autant que les arguments du rapporteur de l'Assemblée nationale ne sont pas probants.

Mme la présidente.  - Amendement n°128, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Rédiger ainsi cet article :

Le deuxième alinéa de l'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est supprimé.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Nous connaissons la décision du Conseil constitutionnel mais persistons à considérer que le droit d'accéder à un juge est fondamental.

Mme la présidente.  - Amendement n°127, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

M. Jean-Pierre Sueur.  - La procédure accélérée prive les candidats à l'asile de tout titre, même provisoire, de séjour. La Cour de Strasbourg est saisie ; attendons sa décision.

Mme la présidente.  - Amendement n°130, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 4

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

« Toutefois, ne peut être considérée comme un recours abusif ou frauduleux, la demande d'asile présentée par un étranger qui invoque des circonstances susceptibles de lui permettre de se voir reconnaître, le cas échéant, la qualité de réfugié ou la protection subsidiaire. »

M. Jean-Pierre Sueur.  - Conformément à la jurisprudence du Conseil d'État, il s'agit de circonscrire l'application de la notion de recours frauduleux ou abusif aux seules demandes manifestement dilatoires. Si l'intéressé invoque les éléments permettant de le rattacher à une demande d'asile, il doit être admis au séjour.

Mme la présidente.  - Amendement n°133, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'article L. 723-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Toutefois l'office peut, au vu des éléments présentés à l'appui de la demande d'asile, décider que l'instruction de la demande se fera selon la procédure normale. Dans ce cas, l'office informe l'étranger et l'autorité administrative compétente qui lui délivre le titre provisoire de séjour prévu à l'article L. 742-1. »

M. Jean-Pierre Michel.  - C'est à l'Ofpra de dire si l'on doit suivre la voie prioritaire ou la voie normale, pas au préfet.

Mme la présidente.  - Amendement n°129, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Le quatrième alinéa de l'article L. 723-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est supprimé.

M. Jean-Pierre Michel.  - Il est défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°135, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - L'article L. 742-3 du même code est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile si un recours a été formé auprès de celle-ci. »

M. Jean-Pierre Michel.  - Le droit à un recours effectif est dénié au demandeur d'asile en procédure prioritaire.

Mme la présidente.  - Amendement n°131, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Un rapport est remis au Parlement par le Gouvernement avant le 31 mai 2011 sur l'application en France du Règlement CE-343/2003 dit « Dublin II » et les coûts de sa mise en oeuvre.

M. Jean-Pierre Michel.  - Le règlement de Dublin 2 a été remis en cause récemment par un arrêt de la Cour de Strasbourg. Au-delà, c'est tout le système Schengen qui est remis en cause, ce qui ne nous chagrine pas beaucoup.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Ces amendements ont tous été rejetés en première lecture.

Nous avons besoin de la procédure prioritaire : défavorable aux amendements nos123, 175, 126, 125 -il faut pouvoir faire échec aux procédures dilatoires- et 124. La notion de pays d'origine sûrs est d'origine communautaire, dans le cadre du traité d'Amsterdam. Elle n'induit qu'une présomption et ne fait pas obstacle à l'acceptation d'une demande d'asile. Cette liste est établie par l'Ofpra. Le demandeur d'asile ne peut être éloigné sans que l'Office ait statué.

Défavorable également aux amendements nos128, 127, 130 et 133 : la décision de l'autorisation provisoire de séjour dépend du préfet, non de l'Ofpra, qui est consulté. Défavorable aussi aux amendements nos129 et 135.

Un étranger qui sollicite l'asile ne peut être refoulé sans qu'il ait été statué sur sa demande. Les préfectures s'abstiennent d'éloigner un étranger dont la procédure est pendante devant la CNDA.

Très défavorable, enfin, à l'amendement n°131 qui voudrait encore un rapport.

M. Claude Guéant, ministre.  - Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

En ce qui concerne l'amendement n°123, nous voulons appliquer un principe de responsabilité dans chaque État membre de l'Union européenne ; nous avons tous les mêmes normes pour l'asile.

En ce qui concerne l'amendement n°125, il faut bien traiter le cas des personnes qui utilisent des manoeuvres dilatoires pour prolonger indûment leur séjour.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Ce n'est pas ce que j'ai évoqué.

M. Claude Guéant, ministre.  - En ce qui concerne l'amendement n°124, la liste des pays sûrs est établie sous le contrôle du Conseil d'Etat. Ce dispositif préserve le droit à un examen individuel.

En ce qui concerne l'amendement n°133, je suis peiné que M. Michel ait ce préjugé défavorable à l'encontre du ministère de l'intérieur ! (Sourires) En fait, le préfet fait un usage équilibré de la procédure prioritaire : en 2010, elle a concerné moins de 25 % des demandes.

L'amendement n°123 n'est pas adopté, non plus que les amendements nos175, 126, 125, 124, 128, 127, 130, 133, 129, 135 et 131.

L'article 75 est adopté.

Article 75 ter

Mme la présidente.  - Amendement n°136, présenté par M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Michel.  - Nous refusons le recours à la visioconférence lors des audiences d'examen des recours. Le Gouvernement a trouvé dans la visioconférence la panacée à tous les problèmes : garde à vue, hospitalisation d'office... C'est extravagant. L'audience suppose un face-à-face physique.

Je sais bien que le rapporteur a introduit des garanties, mais celles-ci ne pèseront pas lourd : ces personnes sont en situation de telle infériorité qu'elles accepteront ce qu'on leur proposera.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°176, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Mme Éliane Assassi.  - A l'origine, le recours à la visioconférence ne concernait que les demandeurs d'asile en outre-mer ; désormais, tous les demandeurs sont concernés. La mesure semble a priori favorable aux demandeurs, mais selon nous, sa présence est nécessaire : même si la visioconférence est encadrée, rien ne saurait remplacer une véritable audience.

L'entretien de vive voix est un droit, qui doit être reconnu à tous les requérants.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°202 rectifié, présenté par MM. Mézard et Collin, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano et Vall.

M. Jacques Mézard.  - Nous ne sommes pas très favorables au recours à des moyens audiovisuels en la matière. Moderniser la justice exigerait d'abord de renforcer ses moyens.

Une décision aussi importante pour la personne ne devrait pas pouvoir être prise sans que celle-ci ait été entendue.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Ce n'est pas un accusé !

M. Jacques Mézard.  - Certes, ce n'est pas un procès pénal. Je suis toujours sensible aux pertinentes observations du président de la commission des lois, mais nous n'avons pas toujours tort !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - La majorité non plus.

M. Jacques Mézard.  - On verra dans quelques mois...

Le rapporteur, ici, reconnaît lui-même qu'il y a là une inégalité de traitement.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Il s'agit de permettre à des personnes qui ont déposé un recours devant la CNDA de pouvoir s'exprimer. A l'heure actuelle, la plupart d'entre elles ne viennent pas à l'audience. Même leur conseil, quand elles en ont un, ne se déplace pas. Cet article est un progrès, conforme au souhait de la présidente de la CNDA. Le consentement sera requis ; ce n'est pas négligeable.

M. Claude Guéant, ministre.  - Même avis défavorable.

La visioconférence va dans le sens d'une bonne administration de la justice, à laquelle elle facilite l'accès des requérants. Le cercle des avocats concernés sera également élargi.

Les amendements identiques n°s136, 176 et 202 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°137, présenté par M. Antoinette et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Alinéa 2

1° Troisième phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

Si l'intéressé est assisté d'un conseil et, le cas échéant, d'un interprète, ces derniers sont physiquement présents auprès de lui ou bien dans les locaux de la Cour nationale du droit d'asile selon le choix de l'intéressé.

2° Avant-dernière phrase

Remplacer les mots :

d'audience ou

par les mots :

d'audience et

M. Richard Yung.  - Cet amendement, déposé à l'initiative de nos amis d'outre-mer, concerne la place des auxiliaires de justice et le compte rendu des audiences.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Défavorable. L'assistance de l'interprète est déjà prévue dans le droit positif en vigueur. Il est préférable que la Cour puisse avoir recours à ses interprètes, dans l'intérêt même des demandeurs. Enfin, le code de procédure pénale n'impose pas de cumuler enregistrement et procès-verbal écrit.

M. Claude Guéant, ministre.  - Même avis défavorable.

L'amendement n°137 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°214, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2, dernière phrase

Après le mot :

qui

insérer les mots :

, séjournant en France métropolitaine,

M. Claude Guéant, ministre.  - Le Conseil d'État a jugé, le 13 avril 2010, que certaines circonstances justifient de ne pas recueillir le consentement du requérant.

Cet amendement subordonne le recours à la visioconférence devant la Cour nationale du droit d'asile au consentement du requérant, lorsque celui-ci séjourne en France métropolitaine.

L'existence d'un régime spécifique pour les collectivités d'outre-mer se justifie par les différences objectives de situation entre les requérants et par le fait que l'outre-mer n'appartient pas à l'espace Schengen. En créant la possibilité d'utiliser la visioconférence, le projet de loi améliore la situation des étrangers qui demandent l'asile dans une collectivité d'outre-mer : le délai d'examen de leurs demandes sera significativement réduit, puisqu'il ne sera plus tributaire, comme aujourd'hui, de l'organisation de missions foraines par la cour.

M. François-Noël Buffet, rapporteur.  - Avis favorable, compte tenu notamment de la remarque du ministre sur l'espace Schengen. Je rappelle que le recours à la visioconférence est un progrès indéniable outre-mer.

M. Richard Yung.  - Nos collègues d'outre-mer voient là une mauvaise manière. Ils ne sont pas favorables à la visioconférence et s'opposent résolument à ce traitement dérogatoire qui transforme l'outre-mer en laboratoire de votre politique d'immigration.

L'amendement n°214 est adopté.

L'article 75 ter, modifié, est adopté.

L'amendement n°75 quater demeure supprimé.

Article 83

Mme la présidente.  - Amendement n°177, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - C'est la suite logique de nos amendements de suppression.

L'amendement n°177, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 83 est adopté.

Article 84

Mme la présidente. - Amendement n°178, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Amendement de coordination.

L'amendement n°178, repoussé par la commission et le gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 84 est adopté.

Interventions sur l'ensemble

Mme Éliane Assassi.  - Il n'y a pas de quoi être fier de la probable adoption de cette nouvelle loi qui tire encore vers le bas les droits des étrangers. Le Sénat n'a pas joué son rôle modérateur face aux excès des députés.

La disposition sur les étrangers malades, refusée deux fois, a finalement été acceptée. Le texte proposé par le rapporteur sur cet article, loin d'être un compromis, est la pire version d'un dispositif inacceptable !

La majorité sénatoriale a été très timorée et s'est contentée de timides améliorations. Nous craignons le pire pour la CMP, d'autant que le Gouvernement est sur la même longueur d'onde que les députés UMP.

Il faut pourtant cesser cette course folle dans laquelle s'est engagé le Gouvernement pour des raisons électorales.

Non, la France n'est pas trop généreuse : elle l'est moins que d'autres, il suffit de consulter les chiffres.

Non, la France n'est pas si accueillante que cela. La majeure partie des migrations se font sud-sud.

Non, l'immigration ne coûte pas cher à la France : ce qui coûte cher à la France, c'est votre politique économique et fiscale en faveur des nantis. L'apport d'une main-d'oeuvre immigrée est indispensable à notre économie ; encore faut-il qu'elle ne se fasse pas dans les mêmes conditions que dans les années 60, lorsqu'on a opposé main-d'oeuvre nationale et main-d'oeuvre immigrée.

Le monde change et s'ouvre ; il n'y a pas que les capitaux qui se déplacent : les hommes aussi !

Oui, la France est un pays ouvert sur le monde, un pays d'accueil et doit le rester.

Nous rejetterons ce texte qui n'honore ni la France ni les Français. (Applaudissements à gauche)

M. Richard Yung.  - Nous voterons vigoureusement contre ce projet de loi symbolique, très chargé idéologiquement, inutile. Il pose de nombreux problèmes, y compris juridiques : nous saisirons donc le Conseil constitutionnel.

Plusieurs points ont fait l'objet de très vifs débats.

C'est le cas de l'article 17 ter sur les étrangers malades. L'émotion suscitée dans le pays par ce texte durera ; votre décision vous suivra. C'est aussi le cas du bannissement, des mariages gris, de la visioconférence...

Le débat en première lecture nous avait donné le sentiment que le Sénat améliorait le texte. Mais après ! L'Assemblée nationale a tout raboté, à l'initiative de certains députés extrémistes bénéficiant du soutien bénévolent du Gouvernement. Ce texte qui nous revient est affolant et la commission des lois l'accepte.

Un seul de nos amendements a été adopté, sur la modification d'un titre... Avons-nous donc toujours tort ?

J'espère que nous serons bientôt en position de mettre en oeuvre notre politique. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cette loi, déposée par le ministre de l'identité nationale Besson, puis soutenue par M. Hortefeux, et maintenant par M. Guéant, est l'occasion pour le Gouvernement et la majorité d'instiller des poisons : la France serait trop généreuse, la France serait envahie par les étrangers... Vous n'hésitez pas à recourir au mensonge, comme lorsque vous prétendez, en dépit des chiffres, que l'immigration irrégulière s'accroît.

Votre politique d'affichage n'est pas probante, à moins que vous ne pratiquiez délibérément la politique du pire.

Vous auriez pu abandonner ce texte, vous ne l'avez pas fait. Et vous introduisez des concepts que nous pensions disparus à jamais : « bannissement », « mariage gris », « Français d'origine étrangère »...Toujours plus de suspicions, toujours plus de menaces, toujours plus de différenciations, toujours plus de racisme, de haine et de peur de l'autre : on sait où cela mène !

Nous regrettons que la majorité sénatoriale n'ait pas tenu bon sur ses positions de première lecture, beaucoup plus mesurées ; mais le fait majoritaire lui a fait baisser les bras !

Nous voterons résolument contre ce texte. (Applaudissements à gauche)

Mme Marie-Agnès Labarre.  - Une fois encore, le Gouvernement montre ses priorités : quand 8 millions de personnes vivent dans la pauvreté, que le chômage explose, il se focalise sur son fonds de commerce : le repli sur soi et la peur de l'autre.

Le projet ultralibéral a toujours deux aspects, favoriser les patrons et combattre les pauvres. Vous ouvrez les frontières aux capitaux et les fermez aux hommes, à l'heure des révolutions arabes.

Ce texte est celui du racisme, celui qui rend l'immigré responsable des méfaits de votre politique libérale. Pour vous, l'immigré est une marchandise comme une autre... sauf que pour les marchandises, les frontières sont grandes ouvertes !

Votre texte va à l'encontre de notre conception de la France. Pour nous, la France est belle quand elle est métissée ; pour nous, la France, c'est celle de 1793 accordant la nationalité française aux étrangers résidant depuis un an dans notre pays !

Vous ne tenez même pas compte des rapports que vous commandez vous-mêmes, en particulier lorsqu'ils montrent que l'immigration présente un solde positif pour les finances publiques : les immigrés cotisent plus qu'ils ne coûtent ! Selon le Cor, l'entrée de 50 000 nouveaux étrangers par an ferait baisser de 0,5 point de PIB le déficit de notre système de retraites. Sans compter que les immigrés occupent des emplois dont les Français ne veulent pas. À l'inverse, la commission des finances du Sénat a pointé le coût des expulsions, 21 000 euros l'unité...

Vous êtes obnubilés par le Front national et ses mises en scène nauséabondes. Mais il a déjà accordé au ministre une carte d'adhérent de prestige... (Exclamations à droite)

Mme Catherine Procaccia.  - C'est scandaleux ! On n'a pas à prendre le Sénat pour une tribune politique. Vous ne faites pas une explication de vote mais un procès !

M. David Assouline.  - Après la première lecture, on pouvait être fier du Sénat, qui était revenu sur des dispositions insupportables. Après cette deuxième lecture, j'ai honte du texte qu'il va voter. Vous avez reculé sur de nombreux points, vous soumettant aux députés qui pourtant se moquent de votre travail ! L'article 17 ter relatif au droit au séjour des étrangers malades est loin d'être un compromis : il aggrave les choses ! Le fantasme du tourisme médical a la vie dure.

Votre loi, déjà la sixième sur le sujet en cinq ans, ne règle aucun problème. Quel résultat les précédentes ont-elles eu sur la maîtrise des flux migratoires ? Aucun. Vos mesures, dérisoires sur le plan de l'efficacité, sont dramatiques et, au prétexte de lutter contre quelques fraudeurs, pourrissent la vie de tous les étrangers qui veulent vivre dignement sur notre sol. C'est une loi politicienne, cynique, qui n'a d'autre but qu'électoral. Pas de répit : vous proposez déjà de nouvelles mesures sur l'immigration légale ! On peut être sûr que vous entretiendrez ce climat malsain jusqu'en mai 2012, alors que les Français ont d'autres préoccupations : le pouvoir d'achat, le chômage, l'éducation, les services publics... Mais vous préférez courir après le Front national...

Mme la présidente.  - Concluez !

M. David Assouline.  - Ce n'est pas une telle loi qui règlera quoi que ce soit. J'espère qu'en 2012 les Français ne se laisseront pas abuser. Vous n'êtes pas, monsieur le ministre, le directeur de campagne de Nicolas Sarkozy mais le ministre de l'intérieur.

Mme Bariza Khiari.  - Ce texte est une entorse à nos principes, à nos droits, à nos valeurs. Trois exemples symboliques : d'abord l'article 17 ter, capitulation de notre assemblée devant les ultras de l'UMP. Vous condamnez les étrangers malades à la mort ou à la clandestinité. Ensuite, le mariage « gris », qui porte le soupçon sur tous les mariages mixtes. Enfin, l'allongement du délai avant l'intervention du JLD. Il s'agit de mater ce rebelle qui empêche d'expulser en paix, quitte à fouler au pied nos textes fondateurs. Et je ne parle pas du bannissement. Nous saisirons bien sûr le Conseil constitutionnel.

Nous défendons une société ouverte, prenant sa juste part des malheurs du monde. Avec ce texte marqué d'inhumanité, vous vous alignez sur l'extrême-droite pour alimenter la peur du musulman, qui devient un Français d'origine contrôlée, car vous y voyez une martingale pour les prochaines élections... Mais les Français ne seront pas dupes. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Catherine Morin-Desailly.  - Une majorité du groupe UC votera ce texte du fait des avancées obtenues par le Sénat. L'abandon de l'extension de la déchéance de la nationalité montre que nous avons été entendus.

Idem sur le droit du sol ; la disposition proposée remettait en cause sans justification un des principes majeurs de notre droit.

Pour autant, plusieurs sénateurs centristes, dont je fais partie, ainsi qu'Yves Détraigne, ne voteront pas ce texte. En première lecture, le Sénat avait adopté une position forte en repoussant l'article 17 ter sur le droit au séjour des étrangers malades. Le Sénat l'a finalement adopté hier, après y avoir apporté quelques améliorations formelles. Sur la forme : il est regrettable que nous n'ayons pas d'étude d'impact, cette mesure ayant été introduite par voie d'amendement à l'Assemblée nationale. Sur le fond : la protection des étrangers gravement malades est déjà encadrée ; la solution actuelle est équilibrée. L'humanisme n'est pas l'angélisme. On ne saurait déroger au respect de la vie et de la dignité humaines. Je m'abstiendrai ; plusieurs autres membres de mon groupe feront de même. (Applaudissements au centre et sur quelques bancs socialistes)

M. Jacques Mézard.  - La grande majorité de notre groupe votera contre ce texte. Nous ne sommes pas contre une politique ferme, nous sommes pour une politique juste. Tant que l'immigration sera utilisée médiatiquement pour diviser et rejeter, il y aura risque de dérapage et de dérive idéologique. Six lois en neuf ans, c'est trop et la démonstration, soit de l'inefficacité d'une politique, soit d'entretenir le feu médiatique, soit les deux... Les différences d'appréciation entre l'Assemblée nationale et le Sénat montrent les dangers de cette politique.

Imaginez nos hôpitaux publics sans les médecins issus de l'immigration ! (Mme Éliane Assassi renchérit) Un exemple parmi d'autres...

La loi de la République doit s'appliquer de la même manière à tous, avec les mêmes droits et les mêmes devoirs. Malgré les efforts du rapporteur, le texte n'est pas équilibré. Vous avez refusé tout amendement -vous en assumerez la responsabilité et les conséquences. (Applaudissements à gauche)

M. Jacques Gautier.  - Ce texte a suscité de nombreux débats. La Chambre haute l'a amélioré, respectant la tradition d'accueil de la France tout en luttant contre l'immigration irrégulière.

Merci monsieur le ministre de nous avoir permis d'agir sur le terrain. Je salue le travail du rapporteur Buffet et de la commission des lois sous la houlette du président Hyest. Le groupe UMP se satisfait des positions adoptées permettant la transposition de trois directives, contribuant ainsi à la construction d'une indispensable politique européenne d'immigration.

Nous nous réjouissons que le Sénat ait encore amélioré un texte très attendu par les Français : sur les mariages gris, l'accès à la nationalité, le contentieux du placement en rétention ou le droit au séjour des étrangers gravement malades. Il n'était pas question de remettre en cause notre tradition d'accueil de ces derniers, mais il fallait, tant pour eux que pour nos compatriotes, trouver une solution juridique équilibrée.

Nous avons choisi la bonne voie. La politique d'immigration choisie est à la fois ferme et généreuse. Le groupe UMP votera ce texte avec conviction et dit sa confiance au Gouvernement. (Applaudissements à droite)

À la demande des groupes socialiste et CRC-SPG, le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

Mme la présidente. - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 329
Majorité absolue des suffrages exprimés 165
Pour l'adoption 177
Contre 152

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Claude Guéant, ministre.  - Je me réjouis de ce vote, qui témoigne de l'engagement du Sénat en faveur de la lutte contre l'immigration irrégulière mais aussi de la rénovation de notre politique d'accueil et d'intégration. C'est un texte pragmatique, opérationnel et républicain. Je salue les intervenants de tous les groupes, et tout particulièrement le rapporteur et le président de la commission des lois ; je rends hommage au sens de la responsabilité et à la détermination de la majorité.

Le Gouvernement et le Sénat ont rapproché leurs points de vue sur des points essentiels.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Certes !

M. Claude Guéant, ministre.  - Aux deux assemblées désormais de concilier leurs points de vue afin que la loi entre en vigueur le plus rapidement possible. Ce texte sera efficace contre l'immigration irrégulière, tout en étant conforme à la tradition d'accueil de la France. (Applaudissements à droite)

La séance est suspendue à 13 heures.

*

*          *

présidence de Mme Catherine Tasca,vice-présidente

La séance reprend à 15 h 5.

Contentieux et procédures juridictionnelles (Procédure accélérée)

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles.

Discussion générale

M. Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés.  - Ce projet de loi s'inscrit dans un mouvement engagé en 2008 par la commission Guinchard. Il y a eu la loi sur le pôle famille et celle sur le surendettement. Il s'agit aujourd'hui d'améliorer la répartition des contentieux. Cette clarification des compétences a été rendue nécessaire par la réforme de la carte judiciaire. La commission Guinchard a relevé la complexité créée par le troisième ordre de juridiction que représente la justice de proximité créée en 2002. Nous avons donc décidé d'intégrer les juges de proximité aux tribunaux d'instance où ils pourront recevoir des dossiers civils, tout en conservant leurs compétences pour les contraventions des quatre premières classes. Votre commission s'est interrogée sur les conséquences; je suis très attaché à la cohérence de cette réforme.

Ce projet de loi institue plusieurs pôles spécialisés en matière pénale dont un, à Paris, spécialisé pour les crimes de guerre et crimes contre l'humanité, auxquels votre commission a ajouté les crimes de torture. La capacité d'enquête sera renforcée. Ce sera un signal fort de la volonté de la France de sanctionner les crimes les plus graves.

Autre pôle spécialisé, celui à qui seront confiées les affaires d'accidents collectifs, qui surviennent parfois dans des petites juridictions, comme la catastrophe du Mont Sainte-Odile.

La justice militaire sera entièrement intégrée dans le droit commun. Les parties concernées s'en félicitent. La commission des affaires étrangères en a profité pour clarifier certaines incriminations, comme celle de désertion.

Grâce à la clarification et à l'allègement des procédures, le règlement des contentieux les plus simples sera accéléré. À la suite d'un arrêt de la Cour de Luxembourg, le texte vous propose une disposition d'harmonisation. Le recours à l'ordonnance pénale sera développé, avec l'amende forfaitaire, la composition pénale et la reconnaissance préalable de culpabilité.

L'ordonnance sera utilisable pour de nombreuses infractions pénales modérées. La réticence de certains ne me paraît pas justifiée. Plus que « simplifiées », ces procédures seront « acceptées », et de nombreuses garanties sont apportées.

Sur le divorce par consentement mutuel, le Gouvernement a repris une recommandation de la commission Guinchard unanime. Votre commission des lois n'en veut pas, à tort selon nous. L'accès au juge par les parties sera de droit dès lors qu'une des parties en fera la demande. Soigneusement encadrée, la mesure donnera au juge des affaires familiales (JAF) le temps de s'occuper des affaires plus complexes. Un barème indicatif établi par le garde des sceaux sera prévu pour les avocats.

Le Gouvernement souhaite expérimenter en matière d'affaires familiales la recherche systématique de médiation. Cela ne remet pas en cause l'accès direct au juge. En outre, la médiation préalable ne sera pas exigée dans tous les cas, et votre commission des lois souhaite élargir les dérogations.

Certains ont exprimé les craintes que leur crée ce nouveau dispositif ; elles ne me paraissent pas fondées, connaissant les problèmes que pose la judiciarisation.

Nous avons décidé, enfin, d'assouplir les exigences en matière de célébration du mariage pour les petits-enfants qui pourront le faire dans la commune de résidence de leurs parents.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Excellent !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - La commission Guinchard appelait une justice apaisée. Ce texte rendra la justice mieux comprise, plus accessible, en améliorant son fonctionnement. (Applaudissements à droite et au centre)

M. Yves Détraigne, rapporteur de la commission des lois.  - Ce projet de loi trouve son inspiration dans le rapport Guinchard de 2008 ; il embrasse des sujets très divers, autant que ceux auxquels la justice est confrontée chaque jour.

Après la réforme de la carte judiciaire, les magistrats doivent gérer la pénurie. Ce projet de loi améliorera-t-il l'efficacité de la justice ? Telle est la question.

La suppression de la juridiction de proximité, d'abord. Le rapport Guinchard n'a pas jugé la création de cette juridiction très efficace. Le Gouvernement propose de conserver les juges de proximité en leur ôtant les compétences en matière civile. Il faudra augmenter les moyens des tribunaux d'instance, qui vont subir le transfert de plus de 100 000 affaires civiles nouvelles. La commission des lois a approuvé le transfert au TGI des procédures sur l'injonction de payer.

La création de nouvelles juridictions spécialisées pour les crimes de guerre et pour les catastrophes, ensuite. La commission des lois souhaite élargir les compétences de la juridiction spécialisée et faciliter les investigations à l'étranger des magistrats chargés de ces crimes et délits. Cette création suppose la mise à disposition de magistrats et d'enquêteurs spécialisés.

Le projet de loi étend le champ de trois procédures simplifiées. Pour les affaires pénales, le recours à ces procédures a eu de bons effets. Encore faut-il que l'ordonnance pénale ne puisse être utilisée en cas de récidive, ni d'atteintes graves aux personnes. Dans ce cas la culpabilité du mis en cause doit pouvoir être discutée devant un tribunal. La commission est favorable à l'extension aux contraventions de cinquième classe, sauf lorsque celles-ci deviennent un délit.

La commission des lois a rejeté la disposition dispensant la comparution devant le juge des couples sans enfants, divorçant par consentement mutuel. Le divorce ne doit pas devenir un acte banal. Le mariage n'est ni le pacs ni le concubinage !

La commission des lois veut améliorer la visibilité des honoraires d'avocats en cas de procédure de divorce. Les justiciables pourraient en appeler à un barème préparé par le Chancellerie. La saisine du juge doit être précédée d'une tentative de médiation ; d'accord, mais il faut des moyens matériels. Dans cinq départements, cette expérimentation concernerait plus de 5 000 affaires. Si une telle expérimentation devait être généralisée, il faudrait multiplier par six le nombre de médiateurs !

Voilà dans quel esprit la commission des lois a travaillé sur ce texte riche de mesures intéressantes ; encore faut-il sauvegarder l'équilibre entre les mesures proposées et les moyens disponibles. (Applaudissements à droite et au centre ; M. Robert Badinter applaudit également)

M. Marcel-Pierre Cléach, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.  - La commission des affaires étrangères s'est saisie des articles concernant la justice militaire. Le projet de loi supprime le TAAP (Tribunal aux armées de Paris) et s'inscrit dans le prolongement de la loi de 1982, défendue par M. Badinter alors garde des sceaux, supprimant les tribunaux militaires. La suppression du TAPP marquera l'achèvement de l'intégration de la justice militaire dans la justice de droit commun. Napoléon jugeait qu'on est citoyen avant d'être militaire.

Me souvenant certes que Clemenceau considérait que « la justice militaire est à la justice ce que la musique militaire est à la musique », je n'étais a priori guère favorable à cette réforme. Mais j'ai été convaincu par nos auditions.

Le TAAP, composé de magistrats civils, prononce moins de 200 jugements par an et les militaires étaient favorables à sa suppression, d'autant que la réforme maintiendrait les spécificités de sa procédure. Le TAAP siège dans la caserne de Reuilly, qui va être cédée à la mairie de Paris pour construire des logements sociaux.

Nous souhaitons que l'avis du ministre de la défense reste sollicité ; nous simplifions la définition de la désertion, dont le nombre a été multiplié de 500 % en dix ans.

Il serait utile que la Chancellerie lance une réflexion sur une spécialisation des affaires militaires dans deux ou trois pôles spécifiques. La sensibilisation des magistrats aux affaires militaires doit être améliorée. Le corps des greffiers militaires va s'éteindre ; n'oublions pas l'expertise que ces anciens militaires apportent.

La commission de la défense est favorable à l'adoption des articles 26 et suivants, dans sa rédaction. (Applaudissements)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Encore un fourre-tout ! Nous ne le voterons pas, ne serait-ce qu'à cause du contexte. On mêle dans ce genre de projet de loi des dispositions acceptables et d'autres auxquelles nous ne pouvons nous rallier.

Le rapport Guinchard se voulait global. Cette cohérence rencontre la nôtre, quand nous refusons votre réforme de la carte judiciaire. Les titres de vos chapitres n'ont rien de choquant. Mais tout dépend du contenu !

La réforme de la carte judiciaire est une régression considérable du service public de la justice.

L'urgence réelle serait de répondre au cri d'alarme lancé par les professionnels de la justice. Ils étaient dans la rue le 29 mars. La situation des tribunaux est catastrophique en de nombreux endroits. On ne réglera rien à coup de réformes partielles : il faut que la justice reçoive des moyens pour être enfin égale pour tous. Vous annoncez 480 postes -nombre insuffisant que le budget ne finance même pas.

Pour la deuxième fois depuis 2002, vous modifiez les dispositions sur la justice de proximité, dont nous avions contesté la création. À notre sens, les tribunaux de proximité, ce doit être les juges d'instance. Voici que vous supprimez la justice de proximité mais dans des conditions telles que l'on ne sort pas des difficultés : les juges de proximité ne feront désormais que suppléer les juges professionnels, en nombre insuffisant.

Vous faites de la spécialisation une règle. Quelle est la pertinence d'un pôle spécialisé dans les catastrophes ? Créer un pôle sur les crimes de guerre, nous n'avons cessé de l'approuver après avoir été les premiers à le réclamer. Naguère encore le Gouvernement tergiversait à propos de la CPI. Les criminels de guerre ne seront toujours pas poursuivis avec l'énergie nécessaire. Il est bon que le rapporteur ait ajouté au texte les crimes de guerre. L'oublier n'était peut-être pas significatif mais c'était un fait. Puisse le Gouvernement donner les moyens à ce pôle spécialisé.

En matière de divorce, n'oubliez pas que le consentement mutuel est parfois un faux consentement. Le recours expérimental à la médiation familiale appellera la création de 1 700 postes de médiateurs spécialisés. Faute de quoi, on risque d'aller vers une privatisation de la médiation.

Vous vous plaisez à évoquer le droit des victimes ; cela aussi requiert des moyens. Il n'est pas vrai que la justice gagnerait à la vitesse. La justice a besoin de solennité et de temps. S'il faut désengorger les tribunaux, faisons moins de lois sécuritaires. Le juge se prononce au nom du peuple ; il ne peut le faire dans la précipitation.

La suppression de la justice militaire est une excellente chose, dont je regrette qu'elle n'ait pas pu se faire en 1982, à cause de l'opposition des militaires.

Comme le dit le Médiateur, nous souffrons de l'empilement des textes ; en voici encore un, alourdi encore par le Gouvernement qui a rajouté une dizaine d'articles additionnels avec l'aval de la commission.

Qui plus est, ce texte sera suivi d'autres, à adopter à la hâte, avant la fin de la session, à commencer par les jurys populaires. L'objectif de toute réforme devrait pourtant être d'améliorer la situation du justiciable et l'accès à la justice. Nous sommes à mille lieues des véritables débats : à quand une réforme sur l'indépendance du parquet, la justice des mineurs, les moyens à accorder au service public de la justice ?

Compte tenu de la situation de crise que traverse la justice, ce texte est inacceptable. Nous voterons contre. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Michel.  - Ce texte constitue une triple provocation.

Provocation, les conditions dans lesquelles nous débattons d'un texte complexe, en procédure accélérée, comme on nous l'impose pour tous ces textes de procédure pénale. Ce texte est déposé depuis plus d'un an ; pourquoi l'examiner cet après-midi ? Où est l'urgence ?

Deuxième provocation, le contexte. Vous auriez dû écouter le CSM, qui vous recommande de ne pas accélérer la production législative et de laisser aux magistrats le temps de digérer les réformes. Nous saisirons d'ailleurs le Conseil constitutionnel, notamment sur le droit des mineurs.

La troisième provocation, c'est l'état de la justice aujourd'hui. Les cours d'appel voient leurs crédits baisser et doivent supprimer des postes ; les tribunaux ne peuvent plus payer des experts ! (M. Michel Mercier, garde des sceaux, le conteste) Vos annonces dans Ouest France sont censées faire plaisir ; nous savons que ce sont des promesses en l'air !

Garde à vue, jurys populaires, tout ceci ne fera qu'accentuer le malaise. Ces mesures sont destinées à pallier la pénurie de personnels. On supprime les juridictions de proximité, qui n'ont pas démérité et ont soulagé les tribunaux. Rien sur le statut précaire de ces juges, sur le recrutement, la formation. Ces juges seront mis à la disposition du tribunal d'instance, qui en fera des bouche-trous !

Au prétexte de simplifier, le texte étend l'ordonnance pénale, au mépris du contradictoire, qui est, à nos yeux, un droit absolu. On a tout dit sur la visioconférence, qui est inacceptable. L'audience, c'est le face-à-face entre le juge et le prévenu.

Nous recevons dans nos permanences des gens qui, soumis à une ordonnance pénale, ne savent même pas qu'ils sont condamnés et n'ont plus de recours parce qu'il aurait fallu écrire, parce que le délai est passé... Monsieur le ministre, vous êtes un élu rural, vous connaissez de tels cas.

Plus grave, l'extension du plaider-coupable, dit comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, à l'ensemble des délits. Procès Chirac, procès Tapie, terminé ! Plus d'audience, plus de publicité ! Les procureurs ne sont pas des juges. Or les statistiques sont édifiantes : les affaires ainsi « jugées » par le parquet explosent. On en est à 850 000 sur 1,5 million ! Cela va à l'encontre des recommandations de la Cour de Strasbourg et du Conseil constitutionnel.

Ce texte comporte certes quelques dispositions positives, et le rapporteur a bien travaillé pour corriger certains excès. Je me réjouis de la suppression du TAAP, qui fait aujourd'hui consensus. En 1982, que de hurlements ! Combien éructaient contre cette atteinte intolérable aux armées ! J'entends encore les protestations véhémentes de Jean Foyer.

M. Roland du Luart.  - Paix à son âme !

M. Jean-Pierre Michel.  - Génocide rwandais, Bouaké, assassinat en Côte d'Ivoire : toutes ces affaires vont encore être reportées, et sans doute un jour enterrées...

Mon groupe votera contre ce texte composite. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Nicolas Alfonsi.  - Notre justice traverse une crise aigüe ; les mesures de rattrapage votées en loi de finances ne sont pas à la hauteur des besoins.

Le projet de loi ne répond pas à l'urgence. Son mouvement de protestation du mois dernier illustre l'exaspération du monde judiciaire.

Ce texte incohérent et hétérogène n'y remédiera en rien. Vous supprimez les juges de proximité, créés en 2002 pour rendre la justice plus accessible ; le dessein était louable, mais les moyens n'ont jamais été au rendez-vous. En 2010 la cour d'appel de Riom n'a pu rémunérer ses juges de proximité ! La Chancellerie a volontairement asphyxié ces juridictions pour justifier leur suppression. Les charges seront transférées aux tribunaux d'instance, déjà surchargés. Une vraie réforme de la justice de la proximité aurait été de confier au juge la phase de conciliation préalable...

Il y aurait beaucoup à dire sur l'extension du plaider-coupable, qui déroge au principe de respect des droits de la défense. Comment le prévenu se défendra-t-il face au parquet ? La solution proposée est pire que le mal. Vous ouvrez une brèche inacceptable. Heureusement que la commission des lois a restreint l'extension de l'ordonnance pénale...

S'agissant du divorce par consentement mutuel, le passage devant le juge est indispensable. Je ne suis pas convaincu par l'instauration des barèmes des honoraires des avocats.

La suppression des TAAP achève l'intégration en temps de paix de la justice militaire au droit commun. Il était temps. Toutefois, la majorité du groupe RDSE reste très réservée sur ce texte ni opportun ni pertinent. (Applaudissements à gauche)

M. André Reichardt.  - Que de chemin parcouru depuis que le recteur Guinchard fut chargé, en 2007, d'un rapport sur la réforme des procédures juridictionnelles ! Certaines de ses propositions ont déjà été traduites dans la loi. Nous poursuivons avec ce texte la modernisation de notre justice, pour la rendre plus lisible et plus proche du justiciable.

Une justice pour tous, c'est d'abord une justice que l'on comprend. Ce n'était plus le cas, du fait d'une répartition trop complexe entre juridictions.

Il faut une justice adaptée aux besoins et aux attentes de la société. Les séparations et recompositions familiales, la progression des impayés, du surendettement, exigent des adaptations. Aider le juge, c'est lui donner les moyens de se concentrer sur le coeur de sa tâche, dire la justice. Aujourd'hui, trois juridictions interviennent en première instance. Ce n'est pas la même pour expulser des squatters, selon qu'ils occupent un immeuble d'habitation ou des bureaux ! Si la juridiction de proximité n'est peut-être pas adaptée, ces juges, eux, ont beaucoup apporté. Il est bon de les rattacher au TGI mais le groupe UMP sera attentif au débat sur leurs attributions. En Alsace, les juges de proximité traitent 20 % des affaires. Il faudra des moyens pour les tribunaux d'instance qui auront à prendre le relais : 60 ETPT.

Nous soutenons la création de pôles spécialisés, qu'il s'agisse de crimes de guerre ou de catastrophes.

L'allègement de la procédure de divorce par consentement mutuel me trouble. A titre personnel, je m'interroge : la procédure actuelle permet au juge de s'assurer de la réalité des consentements. Je le sais pour l'avoir vécu à titre personnel...

En matière d'autorité familiale, la médiation serait obligatoire. Une telle expérimentation est certes pragmatique, mais elle suppose des moyens importants dans les services de médiation familiale. La commission des lois a trouvé une solution équilibrée. J'insiste enfin sur l'intérêt de l'enfant.

S'agissant des honoraires des avocats, la question du barème mérite d'être discutée. Là encore, la solution de la commission est équilibrée.

En matière pénale, le projet de loi étend le champ de trois procédures pénales simplifiées. Si l'ordonnance pénale a montré son utilité pour les contentieux simples, elle n'est pas adaptée pour les affaires complexes. La CRPC serait étendue à l'ensemble des délits ; les plus graves doivent toutefois en être exclus, comme le propose le rapporteur.

Sur l'injonction de payer, je défendrai un amendement proposant que la requête puisse être déposée par le créancier. Il ne faut pas renchérir les coûts.

Le groupe UMP votera ce texte qui rendra la justice plus simple, plus équitable et plus accessible.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Merci à tous les orateurs et avant tout aux deux rapporteurs. Le Gouvernement a fait des efforts à nul autre pareils en matière de moyens. (M. Robert Badinter s'exclame) Depuis 2007, le budget de la justice n'a cessé d'augmenter ; il a dépassé cette année les 7 milliards, contre 4,2 milliards en 2002. En 2002, il représentait 1,7 % du budget de l'État ; en 2010, il est de 2,5 %. Le nombre de magistrats, de greffiers a considérablement augmenté et les créations de poste se poursuivent.

Mais il faut aussi réformer la justice et recentrer le juge sur son coeur de métier ; on lui demande aujourd'hui trop de choses ! Le juge n'est pas une assistante sociale : à chacun son office.

Monsieur Détraigne, le contentieux familial représente jusqu'à 60 % du contentieux : est-ce normal ? Le juge doit-il intervenir à chaque moment de la vie des couples ? C'est une question légitime. Il y a des cas où la médiation est une solution adaptée. Oui, cela a un coût, mais on libérerait ainsi du temps des juges. La majorité du Sénat est hostile à ce que, même par consentement mutuel, le divorce ne soit pas prononcé sans comparution devant le juge, même quand il n'y a pas d'enfant. Soit. Nous y reviendrons...

Les juges de proximité sont une institution qui fonctionne bien. Mais faut-il trois juridictions de première instance ? Il ne s'agit pas pour autant de toucher à la localisation géographique. Les juges de proximité conserveront des compétences propres et participeront à la collégialité. Personnellement, je verrais bien le nombre de juridictions de première instance réduit à l'unité, avec un seul juge.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Et quand il y aura des jurés en correctionnelle ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Le président du tribunal devra trancher... (Sourires)

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - À moins que ce ne soit le Conseil constitutionnel...

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Merci à M. Cléach pour son investissement. La suppression du TAAP semble faire consensus. Les magistrats seront formés aux affaires militaires.

Monsieur Michel, il n'y aura aucun retard dans le jugement des affaires que vous avez évoquées.

Les crédits ont été rétablis pour les assistants de justice : les vacations seront payées. Il n'y a aucune diminution des moyens accordés aux juges de proximité.

Je salue le rôle du Sénat concernant les frais de justice : les sommes ont doublé depuis 2002.

Je répondrai sur le reste lors de l'examen des amendements.

La discussion générale est close.

Question préalable

Mme la présidente.  - Motion n°34, présentée par M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles (n° 395, 2010-2011) (Procédure accélérée).

M. Robert Badinter.  - Chacun s'accordera sur la finalité d'un tel texte : simplifier l'organisation, répartir les compétences.

Je dirai d'abord ma satisfaction rétrospective de voir le dernier acte de la suppression des tribunaux militaires, que la gauche réclame depuis l'affaire Dreyfus. Permettez-moi d'évoquer la férocité des débats de 1982, à un moment où la quasi-totalité des militaires étaient des civils en uniforme qui n'avaient que l'envie de le quitter... Un éminent député de droite, romaniste et civiliste réputé, m'accusait d'ébranler la République ; un ancien Premier ministre, de commettre un crime de lèse-Nation ! Le temps s'écoule ; voir ce genre d'évolution est un privilège de l'âge, un des seuls.

Pourquoi, en revanche, l'urgence ? Non, pas d'urgence pour mettre en oeuvre un rapport déposé il y aura bientôt trois ans. Quand un texte pose des questions aussi complexes que celui-ci, on gagne aux travaux parlementaires. L'urgence est mauvaise, tout particulièrement ici. La précipitation devenue la règle n'est pas votre fait, monsieur le ministre, mais il est inouï de penser qu'une idée personnelle du président de la République -l'apparition des jurés populaires au niveau correctionnel, qui bouleverse un ordre bi-séculaire- soit mise en oeuvre sans perdre un instant ; et que vous trouviez dans la seconde les 100 magistrats et les 150 greffiers indispensables...

Pourquoi une question préalable ? Nous nous élevons contre un mouvement de fond qui nous fait passer d'une société dans laquelle la fonction juridictionnelle est assumée selon les principes du procès équitable à une autre, où la justice devient un service public administré. On se met à rechercher à tout prix l'efficacité maximale, au prix même des exigences de l'article préliminaire du code de procédure pénale et de l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Dans l'ordonnance pénale, que restera-t-il du principe du procès équitable ? On va vers une justice administrée, uniformisée et ultrarapide. J'approuve la commission des lois d'avoir limité l'accroissement de compétences demandé.

Plus grave et plus préoccupant : le mouvement, qui ne date que des dernières années, de recours généralisé à la CRPC. On en voit l'avantage, la rapidité. Mais le parquet y est tout puissant, qui a déjà contrôlé l'enquête. Que reste-t-il de l'équilibre des parties et des pouvoirs du juge ? L'avocat ne pourra plus que tenter d'attirer sur son client la bienveillance du parquet, en espérant jouer moins de son talent que de ses relations au plus haut niveau. Le juge n'est plus là qu'une sorte de contrôleur de légalité.

Quand on en arrive à ce degré de maîtrise sans cesse croissante du parquet sur la réalité de la procédure pénale, il y a une exigence, celle-là même qui fonde la question préalable : reconnaître aux membres du parquet toutes les garanties qui vont avec la qualité de magistrat et non plus les tenir comme aujourd'hui en bride serrée et laisser leur carrière à la discrétion ou à l'humeur du pouvoir politique. On a vu ces dernières années combien l'avis du CSM pouvait être tenu pour négligeable...

Il ne peut y avoir deux espèces de magistrats en France ! Le pouvoir politique doit enfin se résigner à renforcer les garanties d'indépendance nécessaires, réclamées par tout le corps judiciaire et la CEDH. Un des mérites de la CRPC est d'éviter l'opprobre de la comparution en correctionnelle ; si cette procédure est généralisée, on ne verra plus telle ou telle haute personnalité en correctionnelle, au prix de l'égalité devant la loi.

Dans le débat sur la justice, c'est la question majeure, première : l'indépendance statutaire des magistrats du parquet. Tant qu'elle n'est pas garantie -nous avons failli y parvenir il y a quelques années- on ne doit pas accroître davantage les pouvoirs de magistrats qui sont perçus par l'opinion comme des pions dans la main du Gouvernement. (Applaudissements à gauche)

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - J'ai insisté pour que la simplification de certaines procédures ne se traduise pas par une diminution des moyens et des garanties, ni par la banalisation de certaines d'entre elles.

Votre objectif est donc aussi le nôtre : nous ne voulons pas aller sur des terres où l'équilibre entre les parties ne serait pas sauvegardé. Le travail de la commission des lois devrait vous rassurer.

Nous avions constitué un groupe de travail pluraliste pour évaluer la mise en oeuvre des procédures simplifiées, CRPC ou ordonnance pénale. Nous avons constaté que les chefs de juridiction les mettaient en oeuvre en fonction du type de contentieux et de la réceptivité des parties. Si une grande place est laissée au parquet dans la CRPC, la peine proposée par lui doit être homologuée par le juge du siège.

Avec les garanties apportées par la commission des lois, votre souci est pris en compte. Nous sommes défavorables à cette question préalable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Je ne suis pas un fanatique de l'urgence... Mais le Sénat apprécierait peu d'être convoqué en session extraordinaire trop longtemps en juillet ...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Retirez le texte sur les jurys populaires !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Ce qui n'est pas fait avant doit l'être après !

L'homologation par Le juge est toujours prononcée en audience publique. Dans la CRPC, il est vrai que le rôle du parquet est éminent. Le président Badinter nous dit que les parquetiers sont des magistrats ; c'est encore vrai.

M. Robert Badinter.  - Il faut des garanties d'indépendance : nominations, promotions, responsabilités !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Les choses doivent être appréciées sur la durée. Ceux qui ont fait avancer les choses ne sont pas tous du même côté. C'est en 1993 qu'il y eut avis conforme du CSM pour les magistrats du siège ; puis l'avis simple pour ceux du parquet, et en 2010 pour les procureurs généraux. Les progrès ont évidents.

M. Robert Badinter.  - Insuffisants...

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Ce n'est pas vous qui avez fait avancer les choses le plus vite... Mais je ne jette pas la pierre à personne. Je rejoins le rapporteur dans son avis défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le rapporteur a fait preuve de bonnes intentions et insisté sur ses souhaits. Je ne doute pas de son honnêteté ni de la fermeté de ses convictions. Mais je vois ce qui est en marche, la CRPC banalisée, le cabinet des représentants du parquet ouvert aux puissants... Le procès équitable régresse. Le parquet continue à dépendre du pouvoir exécutif -vous avez entendu pourtant ce que disent les instances européennes.

Un mouvement est en marche, contraire aux intentions proclamées. Je me rappelle le propos sur Emmanuel Kant : « sa philosophie a les mains pures mais elle n'a pas de mains ».

La motion n°34 n'est pas adoptée.

Renvoi en commission

Mme la présidente.  - Motion n°1, présentée par MM. Mézard, Collin, Alfonsi, Baylet et Chevènement, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Plancade, Tropeano, Vall et Vendasi.

En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale, le projet de loi relatif à la répartition des contentieux et à l'allègement de certaines procédures juridictionnelles (n° 395, 2010-2011).

M. Jacques Mézard.  - Ce texte ne vous ressemble pas, monsieur le ministre ; votre propos sur l'urgence m'en a encore convaincu. Supprimer la justice de proximité tout en magnifiant les juges de proximité, quelle curieuse clarification ! Prétendre améliorer le sort de la justice sans aborder les vrais débats, comme le rôle du parquet, ce n'est pas raisonnable. Et pourquoi l'urgence ? Pourquoi maintenant ? D'autant qu'au lieu de la force de frappe médiatique habituelle, c'est « silence radio », comme si ce texte ne comportait que des micro-mesures sans importance.

Y a-t-il le feu à la maison justice ? Oui, mais l'éteindra-t-on avec un tel texte, pâté d'alouette d'un document, le rapport Guinchard, qui prétendait penser global et agir local ? La justice idéale doit être appliquée à son temps, sans complaire à l'opinion, y lisait-on. L'objectif était de déjudiciariser tous les secteurs de la justice -aussi aberrant que de vouloir mener une politique de santé en diminuant le nombre de praticiens et d'établissements. Vous n'entendez pas remettre le justiciable au coeur de la justice, mais le magistrat. Ce moignon du rapport Guinchard n'est pas un pas vers la modernité mais un cautère sur une jambe de bois ; une nouvelle marque de défiance envers les juges et une nouvelle avancée vers la toute-puissance du parquet.

En neuf ans, la situation de la justice s'est aggravée, malgré des efforts que je ne conteste pas, avec la frénésie législative ambiante. La justice est devenue l'organe malade du corps républicain ; mais vous traitez sa pathologie par amputations et placébos, accumulation de mesures disparates. L'effet en est de compliquer l'action des professionnels.

S'il y a à ce jour une urgence véritable, c'est de dire « halte au feu ! ». La réforme ne peut pas être la danse de Saint-Guy. Vous évoquiez tout à l'heure une juridiction unique maillant le territoire. Oui, voilà une vraie question.

Ce projet de loi, mené dans une discrétion exceptionnelle, est inopportun. A défaut d'assumer l'héritage, acceptez-le au moins sous bénéfice d'inventaire...

En 2002, avec les juges de proximité, il était question de rapprocher la justice des citoyens ; on parlait déjà de « supplétifs ». Mais voici que dans la foulée on réforme la carte judiciaire et on détruit des centaines de tribunaux, en priorité les tribunaux d'instance qui répondaient à un vrai besoin de proximité. Tout en maintenant les juges de proximité...

Et aujourd'hui on détruit les juridictions de proximité, sans tenir aucun compte de l'avis de l'association des juges de proximité, que vous voulez transformer en supplétifs, en petites mains de la justice. Imaginez ce que seront demain les tribunaux correctionnels, avec un président professionnel, deux assesseurs juges de proximité et deux jurés populaires...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Ce n'est pas possible avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel. Ne noircissez pas le tableau !

M. Jacques Mézard.  - Je ne noircis pas le tableau, je suis sûr que le Gouvernement trouvera un moyen. Vous fragilisez les tribunaux d'Instance qui sont les tribunaux de proximité en rendant plus complexe le travail des TGI. C'est absurde.

Dispenser les époux de comparution devant le juge en cas de divorce par consentement mutuel en l'absence d'enfant mineur, c'est ignorer la question essentielle : que la liberté du consentement doit être vérifiée ; l'écoute d'un magistrat est indispensable. Quant à la médiation préalable obligatoire lors de la saisine du JAF, c'est aberrant quand il n'y a pas de médiateurs spécialisés et que les moyens manquent. Vouloir déjudiciariser à tout prix, c'est aller contre les intérêts de nos concitoyens. Le magistrat ne saurait être remplacé par un travailleur social.

Le développement des procédures simplifiées ? On remédie au manque de moyens par une justice expéditive. C'est la grande distribution ! Et vous voulez encore étendre l'ordonnance pénale à des délits comme le port d'armes de sixième catégorie ; tout cela pour dissuader le prévenu de former opposition. Si tout est à un euro, même les innocents la demanderont...

La commission des lois a exclu certains délits, heureusement. Le président de la République se réjouissait qu'on sorte de la culture de l'aveu ; on y revient, et, contrairement à l'adage, on veut « entendre celui qui veut mourir ».

La CRPC élargie écartera la quasi-totalité des délits financiers -ce n'est pas un hasard. Nos concitoyens les plus démunis ne seront pas mieux protégés, tandis que les plus riches avoueront au secret et feront le chèque.

Ce projet de loi est un mauvais moyen de replâtrer un édifice branlant. Que penser des amendements de dernière minute déposés par le Gouvernement ? Une tactique ? De l'improvisation ?

Revoyons ce texte en commission, pour que l'excellent travail de celle-ci puisse se poursuivre. (Applaudissements à gauche)

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Il est vrai que ce projet de loi n'est pas la grande réforme de la justice que vous réclamez comme beaucoup d'entre nous. Mais un seul texte pourrait-il régler tous les problèmes de la justice ?

Celui-ci ne répond certes pas à toutes les attentes mais à un certain nombre tout de même. Notre commission en a fait une réforme équilibrée, elle a bien travaillé et ne pourrait faire davantage si ce texte lui était renvoyé.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Pour une fois, M. Mézard a été un peu excessif... Il a omis de mentionner tous les points avec lesquels il est d'accord...

S'agissant de la conciliation devant le tribunal d'instance, l'action du Gouvernement, avec le décret du 1er octobre dernier, est allée dans votre sens.

La motion n°1 n'est pas adoptée.

Discussion des articles

Article premier

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous n'avons jamais eu de vrai bilan de la justice de proximité. Vous voulez maintenant la supprimer et utiliser les juges de proximité pour pallier l'insuffisance de juges professionnels. Je suis contre la justice de proximité ; mais de là à ne plus payer les vacations des juges... La RGPP est toujours à l'oeuvre.

Quels sont vos objectifs concrets concernant les tribunaux d'instance ? Par quoi et par qui allez-vous remplacer les vacations des juges de proximité ?

Mme la présidente.  - Amendement n°19 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

M. Jacques Mézard.  - Il faudrait savoir ce que l'on veut. En juillet 2002, le garde des sceaux parlait d'un « engagement majeur » du président de la République, d'un « choix clair lisible par les citoyens ». Depuis on a détruit massivement les véritables juridictions de proximité que sont les tribunaux d'instance sur nos territoires. Vu de la Place Vendôme, cela est sans doute de peu d'importance.

Aujourd'hui on détruit les juridictions de proximité. Votre démarche est incohérente. De volte-face en volte-face, il y a toujours moins de proximité.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La commission des lois a conservé les juges de proximité. À l'origine, elle s'était prononcée pour un juge de paix délégué rattaché auprès des tribunaux d'instance, non pour la création d'un nouvel ordre de juridiction.

Les juges de proximité resteront en charge des contentieux et des contraventions.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis défavorable.

L'amendement n°19 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°36, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.

Alinéas 11 et 12

Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :

« Les juges de proximité peuvent :

M. Jean-Pierre Michel.  - Nous proposons que les juges de proximité ne puissent pas participer aux formations collégiales.

Mme la présidente.  - Amendement n°28 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

Un juge de proximité peut être appelé à siéger dans cette formation.

M. Jacques Mézard.  - La formation collégiale du tribunal étant composée de trois magistrats, cet amendement a pour objet de limiter à un seul le nombre de juges de proximité pouvant être appelé à y siéger.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Défavorable à l'amendement n°36 ; l'amendement n°28 rectifié est satisfait.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°28 rectifié est retiré.

L'amendement n°36 n'est pas adopté.

L'amendement n°16 rectifié ter n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°27 rectifié, présenté par MM. Bockel, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Mézard, Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Après l'alinéa 18

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° L'article L. 221-4 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsqu'il connaît des actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 4 000 euros ou des demandes indéterminées qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 4 000 euros, sous réserve des dispositions légales ou réglementaires fixant la compétence des autres juridictions et à l'exception des compétences particulières visées par l'article L. 221-5, le tribunal d'instance est constitué par un juge de proximité et à défaut par un juge du tribunal d'instance. »

M. Jacques Mézard.  - M. Bockel, sans doute sensible aux arguments du garde des sceaux, entendait retirer cet amendement. Je n'aurai pas la cruauté de le maintenir...

L'amendement n°27 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°35, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.

M. Jean-Pierre Michel.  - Des membres du groupe UMP avaient déposé le même amendement. Il convient de maintenir les attributions actuelles des juges de proximité en dépit du rattachement de ceux-ci au tribunal de grande instance.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Compte tenu de la charge qui pèse sur les tribunaux d'instance, il serait dommage de supprimer la compétence des juges de proximité pour les petits litiges. Avis favorable.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Je me réjouis que ceux qui étaient naguère hostiles au juge de proximité le défendent aujourd'hui !

M. Jean-Pierre Michel.  - Pas de provocation !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Personnellement, j'étais contre une juridiction spécialisée. L'évolution a été positive et les juges de proximité ont déchargé les tribunaux. Pourquoi supprimer leurs fonctions en matière civile ? Les tribunaux d'instance n'en peuvent plus. Conservons au moins leur compétence dans les petits contentieux. (M. André Reichardt approuve)

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Défavorable, à cause du principe d'organisation des juridictions. En termes d'emploi, c'est la même chose. Un juge de proximité assesseur libère un magistrat. Je constate que le Sénat est d'accord pour confier un contentieux non négligeable à un magistrat non professionnel...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Comparaison n'est pas raison...

M. Jacques Mézard.  - Vous avouez, monsieur le ministre, que votre but n'était autre que de fournir des supplétifs aux magistrats professionnels ! Sur le terrain, dans mon département, où il n'y a pas de juge de proximité, c'est le président du tribunal d'instance qui endosse de temps à autre son habit !

Où est la proximité, quand un juge de proximité est assesseur ?

L'amendement n°35 est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

Article 2

Mme la présidente.  - Amendement n°20 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

M. Jacques Mézard.  - Coordination.

L'amendement n°20 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

Article 3

Mme la présidente.  - Amendement n°21 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Supprimer cet article.

M. Jacques Mézard.  - L'article 3 étend aux TGI la procédure d'injonction de payer, pour les litiges portant sur plus de 10 000 euros. Si cette extension se veut une simplification et la traduction dans la loi d'une pratique courante, elle se heurte à l'objectif de clarification : conformément au droit commun, le ministère de l'avocat sera obligatoire pour le créancier, ce qui engendrera un coût constitutif d'un frein à l'accès à la justice. Le taux extrêmement faible d'opposition ne justifie pas un tel transfert de compétences. L'article 3 reste muet et laisse toute latitude au pouvoir réglementaire pour préciser ou non cette question.

Si l'on ouvre la possibilité de recourir à une saisine par requête sans avocat devant le TGI, on crée une atteinte au principe du monopole de la représentation ; d'autant que cela n'éviterait pas l'obligation de recourir à un avocat en cas d'opposition.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Défavorable. Mon amendement n°60 tend à résoudre ce problème.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis. La suppression de cet article empêcherait la France de se conformer au droit européen.

L'amendement n°21 rectifié n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par MM. Reichardt et Lecerf.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° après l'article L. 211-4, il est inséré un article L. 211-4-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 211-4.1. - Le tribunal de grande instance connaît, dans les limites de sa compétence, les requêtes en injonction de payer formées par le créancier ou par tout mandataire. »

M. André Reichardt.  - L'article 3 de la loi transfère au tribunal de grande instance la compétence en matière d'injonction de payer, lorsque la requête porte sur un montant supérieur à 10 000 euros. Cela alourdira des frais de justice pour les créanciers. Il est donc proposé que la requête en injonction de payer, devant le tribunal de grande instance, puisse être déposée par le créancier ou par tout mandataire.

M. Yves Détraigne.  - Il sera satisfait par l'amendement n°60 : retrait ?

L'amendement n°17 rectifié est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°60, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission des lois.

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La requête en injonction de payer peut être présentée par le requérant ou par tout mandataire de ce dernier.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Cet amendement complète l'extension au tribunal de grande instance de la procédure d'injonction de payer. Il règle le problème précédemment évoqué.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Sagesse.

M. Jacques Mézard.  - Sans me coiffer de ma casquette corporatiste, j'attire votre attention sur les difficultés qu'entraînerait cette mesure. L'injonction de payer est une mesure utile, mais qui peut être dangereuse, avec les officines de recouvrement de paiement...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Effectivement.

M. Jean-Pierre Michel.  - Je retire mon amendement et soutiens celui du rapporteur. C'est déjà un mandataire qui représente le justiciable devant le TGI.

L'amendement n°49 est retiré.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - La question n'est pas celle de la somme en jeu. Il faut en outre satisfaire à nos engagements européens.

L'amendement n°60 est adopté.

L'amendement n°32 n'est pas défendu.

L'amendement n°30 rectifié n'est pas défendu.

Mme la présidente.  - Amendement n°48, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.

I. - Alinéa 5

Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :

« Art. L. 221-7. - Lorsqu'il statue selon la procédure d'injonction de payer, sous réserve de la compétence de la juridiction de proximité, le juge d'instance est compétent à quelque valeur que la demande puisse s'élever.

« Le juge du tribunal d'instance connaît des demandes formées en application du règlement (CE) n° 1896/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, instituant une procédure européenne d'injonction de payer. »

II. - En conséquence, rédiger ainsi l'intitulé du chapitre II :

Institution d'une procédure européenne d'injonction de payer et d'une procédure européenne de règlement des petits litiges

M. Jean-Pierre Michel.  - Il est défendu.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - L'adoption de l'amendement n°60 l'a fait tomber...

L'amendement n°48 devient sans objet.

L'article 3 modifié est adopté.

Articles additionnels

Mme la présidente.  - Amendement n°18 rectifié, présenté par MM. Reichardt et Lecerf.

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le 1° de l'article 3 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 portant réforme des procédures civiles d'exécution est complété par les mots : « , ainsi que les ordonnances en injonction de payer, revêtues de la formule exécutoire par l'huissier de justice ».

M. André Reichardt.  - Il s'agit de débarrasser le juge et son greffe de tâches qui peuvent être confiées aux huissiers de justice.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°50, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.

M. Jean-Pierre Michel.  - Même chose.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - On peut difficilement demander aux huissiers de justice de se requérir eux-mêmes... Défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Retrait ?

L'opposition peut être faite sans formalisme auprès du greffe.

M. André Reichardt.  - Je le retire. Le but était d'accélérer la procédure.

L'amendement n°18 rectifié est retiré.

M. Jean-Pierre Michel.  - Je retire également le mien. L'injonction de payer aurait mérité un vrai débat, notamment sur l'exemple alsacien.

L'amendement n°50 est retiré.

L'article 4 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°33, présenté par M. Reichardt.

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article L. 3252-10 du code du travail, après le mot : « mensuellement », sont insérés les mots : « , entre les mains de l'huissier de justice qui a procédé à la signification, ».

M. André Reichardt.  - Il s'agit d'accélérer le traitement des saisies des rémunérations. Actuellement, la décision portant saisie est notifiée par le greffe, qui procède à la saisie ; l'employeur verse entre les mains du greffe les sommes dues à son salarié. Ces sommes sont ensuite affectées au régisseur installé auprès du greffe du tribunal d'instance et versées par ce dernier aux créanciers saisissants, dans un délai de six mois.

Il est proposé de déléguer cette mission aux huissiers de justice, ce qui accélèrera le recouvrement de ces sommes, au profit du justiciable.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - C'est un sujet délicat. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Cet amendement est intéressant, mais soulève des interrogations. Le recouvrement de salaire pèse lourdement sur les greffes. Toutefois, le succès de cette procédure tient aussi à sa gratuité : quid de la rémunération de l'huissier ? Enfin, une telle réforme ne peut être envisagée sans examen préalable.

Retrait ? Je demanderai à ce que cette question soit expertisée par la Chancellerie, et vous en rendrai compte.

M. Jacques Mézard.  - « Intéressant », cet amendement est surtout intéressé. C'est aller bien vite pour changer le fonctionnement de procédures qui se comptent par dizaines de milliers ! Il faut une véritable expertise.

M. André Reichardt.  - Compte tenu de l'engagement de M. le ministre, je le retire.

L'amendement n°33 est retiré.

L'article 5 est adopté, ainsi que l'article 6.

Article 7

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Cet article aligne le contentieux douanier sur le contentieux fiscal. C'est un nouveau cas de spécialisation de la justice : on passe du juge représentant du peuple au juge-expert, au détriment de la proximité avec le justiciable. Sans être opposés par principe à la spécialisation, nous craignons une spécialisation à outrance, projet de loi par projet de loi.

L'article 7 est adopté.

Article 8

Mme la présidente.  - Amendement n°37, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Michel.  - Cet article, comme les suivants, complique inutilement les choses. Il s'agit ici du débroussaillage des voies ferrées.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Il s'agit de contentieux relativement résiduels : il n'y a pas lieu de faire des exceptions. Défavorable, ainsi qu'aux amendements n°s38 et 39.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

L'article 8 est adopté.

Article 9

Mme la présidente.  - Amendement n°38, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Michel.  - Je visais les propriétaires de monuments historiques.

L'amendement n°38, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 9 est adopté.

Article 10

Mme la présidente.  - Amendement n°39, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Michel.  - Cette fois il s'agit de la vente des objets laissés en gage dans les auberges...

L'amendement n°39, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 10 est adopté.

Article 11

Mme la présidente.  - Amendement n°55, présenté par le Gouvernement.

Rédiger ainsi cet article :

La loi du 12 juillet 1909 sur la constitution d'un bien de famille insaisissable est abrogée.

Elle demeure applicable aux biens de famille ayant fait l'objet de la publication prévue par l'article 10 de ladite loi, avant la publication de la présente loi.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Il s'agit d'abroger une loi tombée en désuétude. Les textes récents, notamment sur l'EIRL, intervenus depuis, permettent aux entrepreneurs de protéger leurs biens.

Mme la présidente.  - Amendement n°40, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Michel.  - Il tombera si l'amendement du Gouvernement est adopté.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Favorable à l'amendement n°55.

L'amendement n°55 est adopté.

L'amendement n°40 devient sans objet.

L'article 11 est ainsi rédigé.

Article 12

Mme la présidente.  - Amendement n°41, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Michel.  - Il n'y a pas lieu de distinguer entre TI et TGI.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°41 n'est pas adopté.

L'article 12 est adopté.

Article 13 (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°58, présenté par le Gouvernement.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code civil est ainsi modifié :

1° L'article 250 est ainsi rédigé :

« Art. 250. - La demande en divorce est présentée par les avocats respectifs des parties ou par un avocat choisi d'un commun accord.

« Si les époux ont un ou plusieurs enfants mineurs communs, le juge examine la demande avec chacun des époux, puis les réunit. Il appelle ensuite le ou les avocats.

« En l'absence d'enfant mineur commun, le juge ordonne la comparution des époux s'il l'estime nécessaire. La comparution est de droit à la demande de l'un ou l'autre des époux. » ;

2° L'article 250-2 est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Le refus d'homologation ne peut intervenir qu'après comparution des époux. »

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Cet amendement rétablit la disposition modifiant la procédure de divorce par consentement mutuel, suspendue par la commission des lois. Quand il n'y a pas d'enfant mineur, on peut éviter un formalisme excessif.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Je me suis déjà exprimé en discussion générale. Le sénateur Michel Mercier aurait peut-être été de l'avis de la commission... (Sourires) Défavorable.

L'amendement n°58 n'est pas adopté.

L'article 13 demeure supprimé.

Article 14

Mme la présidente.  - Amendement n°22 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet, Bockel et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 2, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

M. Jacques Mézard.  - Nous sommes favorables à une convention d'honoraires, afin que le justiciable sache quels sont les frais qu'il aura à assumer. Mais un barème, même indicatif, est une erreur. J'ai souvenance d'avoir assisté à la visite, dans certains barreaux de la Commission de la concurrence, qui les a sanctionnés financièrement pour avoir établi de tels barèmes. Il faut être sérieux et raisonnable. Sans doute y a-t-il eu un marché conclu avec le Conseil national des barreaux, à qui l'on a garanti le maintien de son champ de compétence...

Mme la présidente.  - Amendement n°61, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission des lois.

Alinéa 2

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Ces barèmes sont révisés au minimum tous les deux ans.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Ces barèmes sont purement indicatifs ; une convention d'honoraires pourra donc y déroger. Ils avaient été interdits par l'Autorité de la concurrence car ils étaient nettement supérieurs à la moyenne des tarifs pratiqués !

Le Conseil national des barreaux y est favorable, à condition que ces barèmes soient régulièrement révisés. D'où mon amendement.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Favorable à l'amendement n°61, défavorable à l'amendement n°22 rectifié.

M. Jacques Mézard.  - Je ne voudrais pas que ces barèmes suivent la même voie que les émoluments, fixés en 1971 et révisés, pour la dernière fois en 1973 !

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - D'où l'amendement.

M. Jacques Mézard.  - Je crains fort qu'il n'y ait jamais de révision !

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Ce sera dans la loi...

L'amendement n°22 rectifié n'est pas adopté.

L'amendement n°61 est adopté.

L'article 14 modifié est adopté.

Article 15

Mme la présidente.  - Amendement n°2, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - L'efficacité de la procédure de médiation dépend de l'adhésion des personnes concernées. Vu le nombre de contentieux familiaux, une telle mesure imposerait de recruter cinq fois plus de médiateurs.

L'externalisation se profile, au détriment des justiciables. On ne peut voter une telle mesure sans en connaître les conséquences budgétaires.

J'ajoute que nous sommes opposés à toute médiation quand il y a eu violences au sein du couple.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°23 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet, Bockel et Fortassin, Mme Laborde, MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi et Mme Klès.

M. Jacques Mézard.  - Une médiation préalable systématique est absurde. Ce n'est pas un objectif en soi ! Restons raisonnables : faudra-t-il bientôt un travailleur social, un psychiatre pour tout contentieux familial ? Qui paiera ? Dans quelles conditions ?

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La médiation est une bonne chose. Encore faut-il y mettre les moyens. Mais c'est une expérimentation qu'on vous propose et elle est bien encadrée : défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

Les amendements identiques nos2 et 23 rectifié ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°57, présenté par le Gouvernement.

I. - Alinéa 4

Remplacer les mots :

ou, lorsqu'elle émane d'un seul, si l'autre parent déclare ne pas s'y opposer

par les mots :

afin de solliciter l'homologation d'une convention selon les modalités fixées à l'article 373-2-7 du code civil

II - Alinéa 6

Supprimer cet alinéa.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Cet amendement répond aux préoccupations de la commission des lois concernant les cas où le recours à la médiation préalable obligatoire avant toute saisine du juge pourra ne pas être appliqué. Mais nous rédigeons les choses autrement.

Il est essentiellement rédactionnel. Le principe de l'accès au juge doit être garanti. D'où la dispense de médiation en cas de « motif légitime », qui n'est pas défini.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Beaucoup de parlementaires sont partagés sur la médiation familiale.

Si le contentieux familial représente désormais 60 % des affaires civiles, c'est que la société a évolué. Auparavant c'étaient les conflits de voisinage. On demande maintenant au juge de tout régler.

Pourquoi pas la médiation familiale ? C'est une expérimentation. Mais il faut préserver l'accès au juge. La commission est favorable au I, mais pas au II. N'allons pas trop loin.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Devant cette preuve de bonne volonté, je rectifie l'amendement du Gouvernement en ce sens.

L'amendement n°57 rectifié est adopté.

L'article 15 modifié est adopté.

Article additionnel

Mme la présidente.  - Amendement n°29 rectifié, présenté par M. Reichardt et Mme Troendle.

Après l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au titre VII du livre VI du code de commerce, après l'article L. 670-1, il est inséré un article L. 670-1-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 670-1-1. - Les dispositions du présent titre sont également applicables aux personnes mentionnées à l'article L. 670-1 ayant procédé à une déclaration de constitution de patrimoine affecté conformément à l'article L. 526-7 et dont l'activité agricole, commerciale, artisanale ou indépendante est exclusivement exercée avec affectation de patrimoine.

En ce cas, sauf dispositions contraires, les références faites à la personne, au débiteur, au contrat, au cocontractant s'entendent, respectivement :

- de la personne en tant que titulaire d'un patrimoine non affecté ;

- du débiteur en tant que titulaire d'un patrimoine non affecté ;

- du contrat passé par le débiteur ainsi défini ;

- du cocontractant ayant conclu avec lui un tel contrat.

Les dispositions qui intéressent les biens, droits ou obligations de cette personne doivent, sauf dispositions contraires, être comprises comme visant les éléments du seul patrimoine non affecté. Les dispositions qui intéressent les droits ou obligations des créanciers de cette personne s'appliquent, sauf dispositions contraires, dans les limites du seul patrimoine non affecté. »

M. André Reichardt.  - Il s'agit de permettre l'adaptation de la procédure de faillite civile, applicable dans les seuls départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, au statut de l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée. Il a reçu l'avis favorable de l'Institut du droit local.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La commission s'incline devant l'Institut du droit local ! (Sourires)

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Favorable, également.

L'amendement n°29 rectifié est adopté et devient un article additionnel.

Article 15 bis

Mme la présidente.  - Amendement n°3, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Comme d'habitude, le Gouvernement dépose au dernier moment des amendements pour introduire des dispositions nouvelles disparates, en aggravant le caractère fourre-tout du texte.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - On peut effectivement contester la manière de faire, mais ces articles apportent de bonnes solutions à de véritables problèmes. Défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis défavorable.

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

L'article 15 bis est adopté.

Article 15 ter

Mme la présidente.  - Amendement n°4, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est défendu.

L'amendement n°4, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 15 ter est adopté.

Articles additionnels

Mme la présidente.  - Amendement n°56, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 15 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À l'article 74 du code civil, après les mots : « l'un des deux époux », sont insérés les mots : « , ou le père ou la mère de l'un des deux époux, ».

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Nous souhaitons élargir la possibilité du choix de leurs liens de mariage pour les futurs époux ; la mesure était très attendue.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - L'amendement répond non seulement au souhait des futurs époux, mais aussi à celui de nombreux maires.

M. Alain Gournac.  - Tout à fait.

L'amendement n°56 est adopté et devient un article additionnel.

Mme la présidente.  - Amendement n°59, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 15 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au premier alinéa de l'article 317 du code civil, après les mots : « au juge » sont insérés les mots : « du tribunal d'instance du lieu de naissance ou de leur domicile ».

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Amendement de précision, visant à indiquer que le juge compétent pour l'établissement des actes de notoriété en matière de filiation est le juge d'instance.

L'amendement n°59, accepté par la commission, est adopté et devient un article additionnel.

Article 15 quater

Mme la présidente.  - Amendement n°5, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est défendu.

L'amendement n°5, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 15 quater est adopté.

Article 16

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Je me félicite que le rapporteur ait repris à son compte ma demande sur les crimes de guerre et de torture. Bien que subsistent quelques points décevants, je voterai cet article.

Mme la présidente.  - Amendement n°15, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

I. - Alinéa 30

Après les mots :

des articles

insérer la référence :

706-88,

II. - En conséquence, alinéa 31

Supprimer cet alinéa.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est défendu.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis.

L'amendement n°15 n'est pas adopté.

L'article 16 est adopté.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Je souhaite une brève suspension de séance.

La séance, suspendue à 19 h 5, reprend à 19 h 10.

L'article 17 est adopté, ainsi que les articles 18 et 19.

Article 20

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Encore des procédures simplifiées ! Ce n'est acceptable ni sur la forme, ni sur le fond. Cela aide à réduire les délais de jugement ? Certes, mais est-ce le vrai problème ? Ne vaudrait-il pas mieux se préoccuper de l'inflation des incriminations ? Les juges font ce qu'ils peuvent avec les moyens dont ils disposent.

Le président de la République assène régulièrement l'idée que l'opinion publique voudrait une justice « rapide ». Ce qui importe, c'est d'avoir une justice équitable !

Notre justice pénale est en train d'être transformée, insidieusement, dans une direction accusatoire.

Mme la présidente.  - Amendement n°6, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est défendu.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°24 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

M. Jacques Mézard.  - Nous sommes hostiles à cet élargissement du champ de l'ordonnance pénale : il y a là une enquête, avec les risques inhérents à toute enquête, à commencer par celui d'erreur, sans vrai jugement.

Vous recevez notification de la décision dans un jargon incompréhensible, que faire si vous ne comprenez même pas le mot « opposition » ?

Le rapporteur lui-même rappelle ce qu'avait observé M. Saugey à propos de la loi de 2009...

Mme la présidente.  - Amendement identique n°42, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.

M. Jean-Pierre Michel.  - L'audience n'est pas un luxe !

Dans mon département, l'ordonnance pénale est beaucoup utilisée pour les contraventions de chasse ou de pêche : il n'y a là rien d'autre que le point de vue du gendarme.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - La commission a bien encadré cette extension et fait en sorte que le parquet ne puisse y recourir que pour des faits simples et sans gravité. Défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Il est vrai que l'ordonnance pénale est une procédure simplifiée. Ce n'est pas le parquet qui fixe la peine mais le président du tribunal, monsieur Mézard !

Il ne peut s'agir que d'amendes, pas de peines privatives de liberté.

M. Jean-Pierre Michel.  - C'est vrai. Mais le garde des sceaux sait qu'en matière pénale, il y a plusieurs trains, donc des aiguillages. Qui commande l'aiguillage ? Le parquet ! Le juge reçoit les dossiers et est prié de signer à la chaîne.

M. Jacques Mézard.  - Une telle extension n'est pas neutre. On peut admettre l'ordonnance pénale, mais pas cet article ; certaines des infractions visées justifiaient amplement une audience.

Les amendements identiques nos6, 24 rectifié et 42 ne sont pas adoptés.

L'article 20 est adopté.

Article 21

Mme la présidente.  - Amendement n°7, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - C'est la même logique.

Je suis reconnaissante au rapporteur d'avoir apporté des limites, mais la tendance semble irréversible : à quand le plaider-coupable pour des délits passibles de la cour d'assises ?

Une telle réforme mieux qu'un débat en catimini au hasard d'une loi fourre-tout.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°25 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

M. Jacques Mézard.  - Comme l'a fort bien dit M. Badinter, on est là dans un recentrage autour du parquet. Tous les délits financiers relèveront de la CRPC.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Allons !

M. Jacques Mézard.  - Mais oui ! On étend le système américain du plea bargaining, qui a incité beaucoup d'innocents à avouer, par peur ou pour avoir la paix. Rien ne prouve que, depuis 2004, l'augmentation des taux de réponse pénale soit due à cette procédure.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°43, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.

M. Jean-Pierre Michel.  - Je suis profondément opposé à cette procédure : le marchandage avec le parquet affaiblit la sanction. La peine n'est pas un compromis, elle est infligée, elle n'a pas à être acceptée.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Nous avons examiné cette extension avec la même prudence que pour l'ordonnance pénale. Défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis défavorable.

Les amendements identiques nos7, 25 rectifié et 43 ne sont pas adoptés.

L'article 21 est adopté.

Article 22

Mme la présidente.  - Amendement n°44, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.

Supprimer cet article.

M. Jean-Pierre Michel.  - L'amendement est défendu.

L'amendement n°44, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°8, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Alinéa 3

Supprimer cet alinéa.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est défendu.

L'amendement n°8, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 22 est adopté.

présidence de M. Roger Romani,vice-président

Article 22 bis

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Nous condamnons la pratique, consistant pour le Gouvernement à amender largement en commission son propre projet de loi afin d'y intégrer des dispositions sur des sujets extrêmement divers.

M. le président.  - Amendement identique n°45, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.

M. Jean-Pierre Michel.  - Nous nous opposons à cette extension.

Les amendements identiques nos9 et 45, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.

L'article 22 bis est adopté.

Article 22 ter

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est défendu.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Défavorable.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Il s'agit de protéger les acheteurs de voitures d'occasion. Avis très défavorable.

L'amendement n°10 n'est pas adopté.

L'article 22 ter est adopté.

Article 22 quater

M. le président.  - Amendement n°11, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est défendu.

M. le président.  - Amendement identique n°46, présenté par M. Michel, Mme Klès, MM. Badinter et Sueur et Mme Boumediene-Thiery.

M. Jean-Pierre Michel.  - Nous nous opposons à la transaction pénale pour le traitement des infractions en matière de lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme. Et bientôt, on fera de même pour d'autres substances interdites aux pauvres des cités mais admises dans les beaux quartiers. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat approuve)

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Il s'agit de publicité pour l'alcool et le tabac. Il y aura au moins poursuite !

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis défavorable.

Les amendements identiques nos11 et 46 ne sont pas adoptés.

L'article 22 quater est adopté, ainsi que les articles 23, 23 bis, 23 ter, 24 et 24 bis.

Articles additionnels

M. le président.  - Amendement n°54, présenté par le Gouvernement.

I. - Après l'article 24 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au IV de l'article 2 de la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires, après les mots : « de refus », sont insérés les mots : « d'inscription ou ».

II. - En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle et son intitulé ainsi rédigés :

« Chapitre IX bis « Dispositions relatives aux experts judiciaires »

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Cet amendement reprend une des préconisations du rapport de la commission de réflexion sur l'expertise, pour mettre la règlementation française en conformité avec une exigence posée par la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt Penarroja rendu le 17 mars 2011.

L'amendement n°54, accepté par la commission,est adopté et devient un article additionnel.

M. le président.  - Amendement n°51, présenté par le Gouvernement.

Avant l'article 25, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I.- Les IV, V et VI de l'article 1er de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques sont remplacés par un IV ainsi rédigé :

« IV.- Dans le ressort d'une même cour d'appel, lorsque la bonne administration de la justice le justifie, les avocats inscrits aux barreaux des tribunaux de grande instance dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État après consultation du Conseil national des barreaux, peuvent postuler devant chacun de ces tribunaux.

« Les deuxième et troisième alinéas du III leur sont applicables. »

II.- Le  I entre en vigueur un mois après la publication du décret en Conseil d'État prévu au même paragraphe et au plus tard le 1er janvier 2012. 

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - La multipostulation fait l'objet de débats. Le rapport Darrois en envisagerait la suppression à l'horizon 2014. Mais elle existe déjà en région parisienne. Une expérimentation a été proposée dans le Gard et la Gironde, mais les barreaux de Libourne et d'Alès s'y sont opposés.

J'ai poursuivi la concertation et abouti à cette rédaction qui devrait rétablir la sérénité.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.  - Une loi récente a été promulguée le 29 mars, concernant le barreau de Bordeaux et Libourne et celui de Nîmes et Alès. C'est bien une diminution : les avocats ne pouvaient plus multipostuler. Vous avez voulu privilégier la concertation : c'est une remise en cause du vote du Parlement.

Tous les avocats peuvent aller défendre en appel mais doivent postuler pour le tribunal d'instance d'à côté. Avec les nouveaux moyens informatiques, la postulation est condamnée à terme, mais pour certains barreaux de province, elle représente une part non négligeable de l'activité.

Il faudra prolonger la réflexion. C'est pourquoi, à notre grand regret, nous ne sommes pas favorables à cet amendement.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - J'entends les critiques qu'on peut faire à la rédaction de l'amendement. Nous avons cherché à faire pour le mieux, parce que les barreaux de Libourne et d'Alès se sentent maltraités. J'avais promis de déposer un amendement : au Sénat de trancher.

M. Jacques Mézard.  - Le président de la commission a émis un avis très sage. Sans doute l'évolution est-elle inéluctable, mais veillons à ne pas affaiblir les petits et moyens barreaux. En l'état, l'amendement signe la mort de la postulation.

La situation de la région parisienne et des grandes métropoles est très différente de celle des petits barreaux. Quant au rapport Darrois, disons qu'on aurait pu faire appel à d'autres compétences...

L'amendement n°51 n'est pas adopté.

L'article 25 demeure supprimé.

Article 25 bis

M. le président.  - Amendement n°12, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est défendu, comme les suivants. Certains articles ne nous gênent pas, d'autres si -c'est le cas de l'article 25 ter-, mais nous sommes opposés par principe à la pratique du Gouvernement.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Cet article a certes été introduit par un amendement du Gouvernement, mais il est excellent.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis. (Sourires)

L'amendement n°12 n'est pas adopté.

L'article 25 bis est adopté.

Article 25 ter

M. le président.  - Amendement n°13, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est présenté.

M. le président.  - Amendement identique n°26 rectifié, présenté par MM. Mézard, Collin et Alfonsi, Mme Escoffier, MM. Baylet et Fortassin, Mme Laborde et MM. Milhau, Tropeano, Vall et Vendasi.

M. Jacques Mézard.  - Cet article, issu d'un amendement du Gouvernement, permet que les fonds saisis dans le cadre d'une procédure pénale soient déposés dans un établissement bancaire autre que la Banque de France ou la Caisse des dépôts. Il est anormal qu'un établissement bancaire privé puisse tirer des bénéfices résultant du dépôt d'avoirs par l'effet d'une procédure pénale, donc d'une prérogative de puissance publique.

M. Yves Détraigne, rapporteur.  - Il n'y a pas d'agences de la CDC ou de la Banque de France partout, ou de moins en moins.

M. Michel Mercier, garde des sceaux.  - Même avis défavorable.

M. Jean-Pierre Michel.  - La casse des services publics...

Les amendements identiques nos13 et 26 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 25 ter est adopté.

Article 25 quater

M. le président.  - Amendement n°14 rectifié, présenté par Mme Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe CRC-SPG.

Supprimer cet article.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Il est défendu.

L'amendement n°14 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n'est pas adopté.

L'article 25 quater est adopté.

Article 26

M. le président.  - Amendement n°53, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 1

Après les mots :

à l'exception de ses articles 15 à 24

insérer le mot :

ter

L'amendement de coordination n°53, accepté par la commission, est adopté.

L'article 26, modifié, est adopté.

Article 27

M. le président.  - Amendement n°52, présenté par le Gouvernement.

Après les mots :

16 à 24

insérer le mot :

ter

 

L'amendement de coordination n°52,

accepté par la commission, est adopté.L'article 27, modifié. est adopté.

Le projet de loi est adopté.

Saisine du Conseil constitutionnel (Simplification du droit)

M. le président.  - Le Conseil constitutionnel a été saisi ce jour d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution par plus de soixante sénateurs de la loi de simplification et d'amélioration de la qualité du droit.

CMP (Demande de constitution)

M. le président.  - M. le Premier ministre a demandé la constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité. Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du Règlement.

Prochaine séance mardi 26 avril 2011, à 14 h 30.

La séance est levée à 19 h 55.

René-André Fabre,

Directeur

Direction des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du mardi 26 avril 2011

Séance publique

À 9 HEURES 30

1. Questions orales.

À 14 HEURES 30

2. Débat sur la désindustrialisation des territoires.

3. Question orale avec débat n° 5 de Mme Brigitte Gonthier-Maurin à M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative, sur la réforme de la formation des enseignants

Mme Brigitte Gonthier-Maurin interroge M. le ministre de l'éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative sur la réforme de la formation des enseignants.

Plusieurs rapports émanant du ministère pointent de réelles difficultés dans la mise en place de la masterisation.

En juillet dernier, un rapport de l'inspection générale de l'administration de l'éducation nationale alertait le ministère sur l'insuffisance des moyens prévus pour financer la formation des professeurs débutants et soulignait le risque de recours juridictionnel des stagiaires au motif d'une rupture d'égalité de traitement. Ce rapport montrait en effet comment la situation sur le terrain se traduisait par une extrême hétérogénéité des situations pour les enseignants stagiaires, se retrouvant sans aucune formation devant les élèves, pour certains dès la rentrée de septembre.

Une étude, datée de novembre, relative au dispositif d'accueil, d'accompagnement et de formation des enseignants stagiaires des premiers et second degré émanant de la direction générale des ressources humaines du ministère, fait état des difficultés rencontrées par les enseignants stagiaires : fatigue, difficulté à concilier dans l'urgence organisation des classes et formation, manque de méthode, manque de recul, retard dans la nomination de tuteur... Les jeunes enseignants se trouvent ainsi dépourvus des outils pour remplir leurs missions auprès de leurs élèves.

Le 19 janvier dernier, lors de ses voeux au monde de la culture et de la connaissance, le président de la République a déclaré qu'il fallait remettre « sur le chantier certains éléments de cette formation », afin « de mettre devant nos enfants des professeurs mieux formés, connaissant mieux leurs matières et mieux préparés à l'enseignement d'une classe d'âge ». Aussi, elle demande au ministre comment et dans quels délais le Gouvernement compte revenir sur cette réforme afin de satisfaire pleinement à ce triple objectif.

LE SOIR ET, ÉVENTUELLEMENT, LA NUIT

4. Deuxième lecture de la proposition de loi, modifiée par l'Assemblée nationale, de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques (n° 254 rectifié, 2010-2011).

Rapport de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (n° 430, 2010-2011).

Texte de la commission (n° 431, 2010-2011).