Désindustrialisation des territoires

M. le président.  - L'ordre du jour appelle un débat sur la désindustrialisation des territoires.

Mission commune d'information

M. Martial Bourquin, président de la mission commune d'information sur la désindustrialisation des territoires.  - Ce débat clôt une année de travaux, engagés à l'initiative du groupe socialiste. Devant l'urgence, je souhaitais que la mission se penche sur les réalités de la France des bassins de productions, d'innovations, celle qui travaille dur, celle des PME, TPE. Il y a la France dont on parle et la France réelle : l'industrie ne compte plus que pour 17 % de la richesse nationale.

Nous nous sommes rendus au chevet de l'industrie car la crise est profonde. Cette réalité est incontestée. Mais nous sommes convaincus que l'industrie française comporte des atouts indéniables pour contribuer à la croissance. Il faut avoir une grande ambition pour notre pays. Nous sommes d'accord sur le diagnostic mais pas sur les remèdes. Nous préconisons la protection de nos bases industrielles et la mise en oeuvre de nouvelles filières. Aidons nos entreprises à surmonter les caps technologiques majeurs par une sécurité sociale professionnelle, non pour assister les salariés mais les aider à se former. Il ne faut pas protéger seulement les banques ou les grandes entreprises !

Le recours à des pratiques et des machines moins énergivores, le soutien à la construction de machines-outils, l'aide à la réémergence industrielle seraient décisifs. De nouveaux marchés, de nouveaux emplois vont apparaître : serons-nous au rendez-vous lors de la croissance durable ? Mix énergétique, ferroutage réel, photovoltaïque, géothermie, biomasse, filières bois, autant de pistes à développer, tout comme les niches industrielles, nanotechnologies ou biotechnologies. Ne subissons pas la compétition, anticipons !

Il y a des conditions : une culture industrielle, d'abord. La crise financière a fait apparaître les effets néfastes de la spéculation mais nous n'avons pas dépassé l'idée d'une ère postindustrielle. Il faut pourtant valoriser la production.

En second lieu, les politiques publiques doivent être rééquilibrées au profit des PME et TPE, surtout celles qui font le pari de l'innovation. Total paie un impôt sur le revenu inexistant alors que les PME acquittent le taux maximum : est-ce logique ? On soutient les groupes du CAC 40 et l'on oublie nos petites entreprises valeureuses. Cela ne peut durer. Un bonus-malus aux dépens des investissements financiers et au profit des investissements productifs s'impose. Le défaut d'investissement dans l'industrie explique la désindustrialisation. Regardez comment l'Allemagne favorise la recherche et la production.

Mettons à profit les pôles universitaires.

Une nouvelle étape de la décentralisation est indispensable : les régions mènent une action essentielle, elles doivent devenir les têtes de pont de la réindustrialisation, avec des fonds d'investissement financés par un produit d'épargne adapté.

Il est dangereux que des territoires très industrialisés subissent une contribution économique territoriale qui leur soit si défavorable.

Les banques ont reçu une aide massive de l'État ; mais elles ne font pas du financement des projets industriels une priorité ! Et les entreprises qui perçoivent des aides de l'État ne sont soumises à aucune contrepartie...

La politique industrielle européenne est aujourd'hui inexistante alors que l'Europe a commencé avec la Ceca. La loi Nome fut une erreur. La coordination des politiques est une urgence. Le marché et la concurrence ne font pas une politique commune !

Le groupe socialiste a souhaité adjoindre une contribution au rapport de la mission et présentera des propositions de lois.

Selon Jean Monnet, il ne faut être ni optimiste ni pessimiste mais déterminé. Nous le sommes ! (Applaudissements à gauche)

M. Alain Chatillon, rapporteur de la mission commune d'information sur la désindustrialisation des territoires.  - L'avenir de nos industries dans les territoires compte beaucoup pour tous les sénateurs. Tous les groupes étaient représentés au sein de la mission.

Ce travail sur la désindustrialisation -et la réindustrialisation !- m'a donc particulièrement intéressé.

Nous nous sommes entendus sur dix-sept propositions. La France a perdu 36 % de ses effectifs industriels depuis 1980, soit une perte de 70 000 emplois par an. (M. Charles Revet le confirme) La France a besoin d'une industrie forte, nous en sommes tous d'accord. Il n'y a pas de fatalité : l'Allemagne nous montre la voie, avec sa balance commerciale positive de 150 milliards contre un déficit de 50 milliards chez nous, soit 200 milliards d'euros de différence avec la nôtre !

Chimie verte, nouveaux carburants, bois, offrent des perspectives : les industries agroalimentaires sont les seules à ne pas avoir perdu d'emplois, avec 550 000 salariés, et elles représentent 14 % de la production industrielle française, mais leurs résultats baissent. Automobile, aéronautique sont aussi des catalyseurs du développement industriel.

Nous avons étudié les atouts allemands, formation, recherche, autofinancement, solidité financière, coûts de production. Nous ne disons pas que les produits allemands se vendent mieux parce que les salariés sont moins bien payés. Au contraire, l'attractivité des salaires est une condition nécessaire pour attirer les jeunes vers l'industrie.

Cependant, selon la Cour des comptes, le coût salarial horaire dans l'industrie est de 26 à 33 euros en France en 2008, et de 30 à 33 euros en Allemagne. En regardant de près, on constate que les cotisations sociales employeur, tous secteurs confondus, représentent environ 43 % du salaire en France contre 29 % en Allemagne.

M. Charles Revet.  - Eh oui !

M. Alain Chatillon, rapporteur.  - L'avantage compétitif hors prix existe depuis longtemps, mais à présent les Allemands s'efforcent aussi de diminuer les coûts pour renforcer la recherche et l'investissement.

Au-delà de la participation et des primes, il faudrait associer les salariés au capital des entreprises.

Les tarifs d'électricité doivent être modulés.

Réconcilions la nation avec la science et le progrès technique, obligeons les industries à accueillir des étudiants, favorisons l'exploitation des brevets, intensifions la recherche et le développement en modulant le crédit d'impôt recherche au profit des PME. (Applaudissements à droite)

Les industries du développement durable doivent être favorisées.

La réindustrialisation passe par un inventaire des innovations et secteurs prometteurs, intensifions la formation, accompagnons les créateurs d'entreprise.

Les collectivités territoriales ne sont plus un acteur d'appoint des politiques industrielles.

S'agissant de la taxe professionnelle, la mission a évoqué la possible modulation du taux de la CVAE selon les secteurs d'activité afin de favoriser les activités qui posent un risque de délocalisation. Nous avons relayé les inquiétudes des collectivités locales concernant le dynamisme à moyen terme de leurs ressources avec la suppression de la taxe professionnelle. Je crois toutefois que la mission n'était pas le cadre approprié pour un bilan général sur la taxe professionnelle, même si sa suppression représente un avantage concurrentiel intéressant ; ce débat a sa place en d'autres lieux. Une clause de revoyure a été fixée ; il faudra veiller notamment aux modalités de mise en place d'un mécanisme de péréquation à destination des communes et des EPCI à fiscalité propre.

Pôles d'excellence rurale, pôles de compétitivité doivent être complémentaires. Ubifrance, Oséo, doivent mieux s'appuyer sur les structures locales. Renforçons la prospection, au sein des consulats. Et, au lieu de favoriser les produits étrangers des nouveaux pays émergents, accompagnons nos entrepreneurs dans ces pays en pleine croissance. Assurons la promotion de nos produits.

Les aides ne doivent plus être attribuées à des chasseurs de primes : ceux qui délocalisent doivent rembourser.

Défendons mieux les entreprises françaises, les PME en particulier, dans les marchés publics et appliquons le principe de la réciprocité.

Enfin, à Bruxelles, nous sommes parfois les derniers informés des projets de modification ! Que nos fonctionnaires en poste à Bruxelles soient envoyés en stage dans les entreprises.

M. Jean-Louis Carrère.  - Les élus aussi !

M. Alain Chatillon, rapporteur.  - La convergence fiscale, notamment entre France et Allemagne, est indispensable. Une taxe carbone n'a de sens que mise en oeuvre au plan européen.

Capital-développement, capital-risque, constituent des alternatives au financement bancaire. Favorisons l'orientation de l'épargne vers l'industrie.

Foin de tout pessimisme : notre rapport est tourné vers les propositions en faveur de la réindustrialisation.

« L'avenir appartient à ceux qui sont à même d'apporter aux autres des raisons de vivre et d'espérer » : il n'y a pas une minute à perdre. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Orateurs inscrits

M. Claude Biwer.  - En dix ans, plus de 500 000 emplois perdus... L'Asie, notamment la Chine, est en pleine expansion mais l'Europe n'est pas laissée au bord du chemin : l'Allemagne nous montre l'exemple. La France possède des fleurons industriels mais manque de culture et de structure, surtout en ce qui concerne les entreprises de taille intermédiaire. L'État doit mener des politiques publiques fortes au lieu de se perdre en vaines déclarations, comme à propos d'ArcelorMittal.

Ayant moi-même créé une petite entreprise de restauration dans mon village, j'ai mesuré les difficultés. À quelques kilomètres, au Luxembourg ou en Belgique, j'aurais pu aller plus vite et plus loin. On a raboté le taux du crédit d'impôt recherche ; on ne soutient pas assez la recherche, l'apprentissage, l'harmonisation européenne pour la gestion des brevets.

Il faut renforcer l'ancrage territorial pour les pôles de compétitivité, voire les pôles d'excellence rurale. Je ne crois plus à l'efficacité des services de la Direcct. La solution réside dans la formation au sein de l'entreprise, dans l'anticipation.

Plutôt que de dépêcher à la hâte des commissaires à la réindustrialisation, pompiers sans lances à incendie, pour éteindre le feu de la désindustrialisation, il nous faut anticiper, et inciter les entreprises à prendre des mesures, afin de favoriser, la réindustrialisation de la France, et retrouver son rang au niveau mondial.

Au rang des difficultés ne perdons pas de vue le coût horaire de la main-d'oeuvre française, dû partiellement à l'excellente protection sociale dont nous bénéficions, mais aussi à l'effet des 35 heures qui nous place au plus bas dans la compétitivité industrielle mondiale. (Protestations à gauche) Dans notre pays, nos entreprises ne peuvent réagir à une commande supplémentaire reçue le vendredi avant le mardi suivant ; beaucoup d'entreprises de mon département frontalier se tournent hors de nos frontières pour s'approvisionner, voire s'équiper.

La fuite des capitaux, qui limite l'investissement industriel, n'est pas le seul fait des grandes fortunes mais des petits porteurs. Je ne suis pas de ceux qui pensent que l'État peut et doit tout faire ; je rêve simplement de voir l'État français agir enfin dans le bon sens pour que chacun retrouve le goût du travail et l'espoir du lendemain.

La mission commune d'information a bien cerné les incohérences et failles françaises. Il faut les combler avec courage. Mettons les bonnes idées en application pour servir les entreprises et les territoires. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Raymond Vall.  - Issu de l'entreprise, je me réjouis que cette mission commune d'information ait été constituée. Ses conclusions nous interpellent : l'emploi industriel recule, la part de l'industrie dans la croissance recule, l'industrie n'attire plus les jeunes et les porteurs de projets se font rares.

Je félicite le président et le rapporteur, l'un élu d'un territoire très touché, l'autre chef d'entreprise. Seul quatre points font divergence, le rôle des collectivités, le coût du travail, le crédit et la suppression de la taxe professionnelle. Le rapport met l'accent sur la culture industrielle, car le risque existe que les entrepreneurs ne soient plus suivis par les gestionnaires. Le jeune qui passe une partie de son temps dans l'entreprise n'arrive pas sur le marché du travail démuni : et ce ne sera pas une catastrophe pour ses parents de le voir en bleu de travail. Peu d'enfants choisissent les disciplines scientifiques, qui conduiront à des filières de la mécanique.

Pour Airbus, il y a un déficit de 40 000 emplois, faute de salariés compétents dans les domaines techniques. La grande distribution est aussi présente dans notre pays, si bien qu'on a habitué le consommateur à acheter un prix plutôt qu'un produit de qualité. J'ai soumis vos propositions à des clubs d'entreprises. Leur cri est toujours : « simplifiez ! »

Le guichet est au centre de ce problème et les chambres d'industrie doivent assumer un rôle central. Intercommunalité, pays, conseil général, région, État et aides européennes : tous ces étages s'empilent et nuisent à une visibilité d'ensemble.

Merci d'avoir articulé ainsi les pôles de compétitivité et les pôles de compétences. Nous avons étudié les infrastructures : une révision du Snit sera indispensable.

Le lobbying de la France à Bruxelles est inexistant : trois personnes pour la région Midi-Pyrénées contre 80 pour la Catalogne et 120 pour la Bavière. Relevons les manches ! (Applaudissements)

M. Jean-Claude Danglot.  - Le groupe CRC a voté contre les conclusions de la mission commune d'information, qui s'inscrivent dans la lignée des solutions libérales. Nous avons ajouté une contribution au rapport. L'industrie se dégrade sous l'effet du libéralisme, de la concurrence pure et parfaite et des politiques de droite obnubilées par la rémunération de l'actionnaire.

Le Gouvernement a encouragé la financiarisation de l'économie, tournant le dos au facteur social du travail.

Les conflits portant sur les salaires se multiplient, tant dans ma région qu'au niveau national. Le président du pouvoir d'achat n'a pas tenu ses promesses et la prime annoncée est insuffisante et discriminante.

Les entreprises du CAC 40 ont dégagé 82,5 milliards de bénéfices en 2010, 85 % de plus qu'en 2009 ; et je ne parle pas du comportement de certains patrons voyous ou des entreprises telles Continental ou Caterpillar qui licencient malgré des bénéfices confortables.

En 2002, le gouvernement Raffarin a abrogé la loi Hue qui renforçait le pouvoir des salariés contre les licenciements boursiers. Les aides publiques directes et indirectes doivent être remboursées en cas de délocalisation par une entreprise bénéficiaire. Il ya deux mois, PSA a annoncé la production d'un nouveau modèle en Slovaquie, avec 900 emplois à la clé. Le dumping social au sein de l'Europe va bon train, alors qu'il faudrait harmoniser statuts et rémunérations par le haut. Comment prétendre à la relance industrielle si l'État n'intervient pas ou, pire, accompagne les stratégies des grands groupes ?

Ma région a perdu 40 000 emplois en cinq ans. Le groupe ArcelorMittal vient d'y annoncer un plan de sauvegarde de l'emploi dans sa branche tôlerie et Renault envisage de délocaliser la production de moteurs en Espagne et en Roumanie... Des centaines d'emplois sont menacés.

Il est urgent d'améliorer le financement de notre industrie : un pôle public financier doit être mis en place. Les banques, que l'État a aidées, doivent être mises à contribution. Quant au FSI, il n'a pas joué son rôle.

Enfin, nous sommes inquiets des conséquences de la réforme de la taxe professionnelle. Les collectivités sont privées d'importantes ressources et ne peuvent retenir les entreprises qui sont tentées de partir.

Il faut intensifier la recherche et l'innovation ; les incitations fiscales ne suffisent pas. Le CIR a coûté 5,8 milliards en 2009 mais il a surtout profité aux grands groupes et créé des effets d'aubaine. Il faut investir dans la recherche publique, sans négliger la recherche fondamentale.

La politique énergétique du Gouvernement devient un handicap pour toute l'industrie. Lors de la privatisation de GDF, en 2004, M. Sarkozy plaidait en faveur de l'ouverture du capital, seule solution à ses yeux pour éviter une augmentation des prix. Nous connaissons la suite...

La politique industrielle de la droite a montré son inefficacité. L'État doit se réengager, mobiliser des moyens financiers et humains pour protéger les travailleurs, revaloriser les salaires, intensifier la recherche. Il doit reprendre sa place première dans la régulation économique et financière et des activités industrielles. (Applaudissements à gauche)

M. Philippe Leroy.  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Je félicite la mission et je salue son président et son rapporteur.

Le rapport en fait le constat, l'écosystème industriel n'est plus national, mais européen et même mondial. Nous sommes tous d'accord, gauche et droite, sur l'idée qu'une économie sans industrie n'a pas d'avenir ; et que sans l'État, sans les collectivités territoriales, il n'y a pas de politique industrielle. (M. Jean-Louis Carrère applaudit)

Je rends grâce au Gouvernement d'avoir pris des initiatives, je pense au FSI ou à la Conférence nationale, au CIR -qui profite certes plutôt aux grands groupes- ou aux pôles de la compétitivité.

Les collectivités locales sont indispensables au développement industriel. Les télécommunications ne se développeront bien en France que lorsque les réseaux d'initiative publique et ceux des opérateurs privés seront associés.

Deuxième constat de ce rapport, qui séduit l'agronome que je suis : on parle désormais d'un écosystème industriel. Or, un écosystème est fragile et se manie avec précaution. Attention aux conséquences du battement d'ailes du papillon... Pour faire de l'industrie, il faut la confiance des hommes, de ceux qui ont envie d'entreprendre ; cette confiance passe par la sécurité juridique, par des financements pérennes. La confiance aussi de la population, qui doit aimer l'industrie ; on retrouve ici la vieille idée de l'association du capital et du travail... On ne réussit rien sans l'adhésion de ceux qui prennent des initiatives et de ceux qui travaillent.

Les territoires participent à la mondialisation. Nous avons besoin de placer notre économie dans le vaste ensemble mondial. L'État fait une erreur à vouloir spécialiser le niveau administratif de la région. Certaines régions n'ont pas la compétence, faute de population ou de volonté. Le rôle des futures métropoles sera essentiel, celui de certains départements aussi. L'État doit faire appel aux volontaires, pas seulement aux régions.

Un mot de la politique monétaire : il faudra bien un jour oser en parler ; le rapport n'en traite que sur deux pages. Nos partenaires américains ou chinois ont une politique monétaire qui nous échappe tandis qu'en Europe, la BCE n'a qu'un objectif, lutter contre l'inflation. Il suffirait de plus de souplesse pour mieux lutter contre certaines pratiques de change et permettre à l'Union européenne de retrouver des marges de manoeuvre. Un constat similaire peut être fait pour le marché des quotas d'émission, qui est bien mal organisé. Là encore, il faudrait avoir le courage, l'impudeur même de prendre cette question à bras-le-corps.

Le succès industriel n'est pas nécessairement lié à des innovations technologiques de rupture ; ce serait décourager tous ceux qui n'ont pas les moyens d'y accéder. La modestie est de mise, un peu à l'image de ce qu'a fait l'Allemagne avec les instituts Fraunhofer. Il s'agit moins de sauts technologiques que de maîtrise des technologies les plus avancées. En Moselle par exemple, nous n'avons pas les moyens de donner aux sous-traitants automobiles l'accès aux technologies de leur filière ; la création de plateformes technologiques pourrait y aider. Il ne s'agit pas d'inventer la poudre mais de donner l'accès à la poudre à tous.

Lorsqu'on est en école d'ingénieur, on a la tête dans les étoiles. Nous fabriquons de futurs salariés dans ces écoles, non des créateurs d'entreprise ni des managers. Il faudrait des stages de reprise d'entreprises, des stages de projet industriel.

Merci, monsieur le ministre, de consacrer du temps à cet important débat. (Applaudissements à droite)

M. Michel Teston.  - Mon intervention porte sur la filière des autobus, autocars et poids lourds, qui est extrêmement fragile.

En 2000, Renault a vendu ses camions à Volvo AB. Pour rembourser en 2011 les trois milliards prêtés par l'État, l'entreprise a cédé ses actions sans droit de vote et ne détient plus que 6,8 % du capital de Volvo et 17,5 % des droits de vote. Si Renault venait à céder ses autres actions sans précaution particulière, Volvo serait à la merci d'une OPA hostile ; la concentration qui en résulterait pourrait être fatale à Renault Trucks et à ses usines en France. Il serait inadmissible que le Gouvernement accepte qu'il n'y ait plus d'industriel français dans le secteur des poids lourds. Les pouvoirs publics doivent veiller à ce que Renault conserve durablement une part significative du capital et des droits de vote chez Volvo.

À Angers, les véhicules produits par Scania sont destinés au marché du sud de l'Europe. Iveco produit à Bourbon-Lancy des moteurs qui équipent de nombreux modèles d'autocars et d'autobus et y emploie 1 100 personnes. Je suggère que le Gouvernement se rapproche de ces deux groupes afin d'assurer le maintien en France et le développement de leurs activités.

Dans le secteur autobus, plus aucun constructeur n'est français. Iveco France, filiale à 100 % de Fiat, risque de transférer ses chaînes de montage en République tchèque ou en Italie, au détriment des sites d'Annonay et de Rorthais. A la différence du groupe MAN, Evobus France, filiale de Daimler, a une usine d'assemblage d'autobus à Ligny-en-Barrois et y emploie 400 salariés Le Gouvernement doit ouvrir une négociation avec ce groupe afin d'obtenir qu'il développe davantage d'activités sur le site et y fasse progresser les emplois.

Si la France compte un nombre assez important d'usines où sont fabriqués ou assemblés des poids lourds et des autobus, elle n'a pas de véritable politique industrielle ; il n'est pas trop tard pour en définir une. (Applaudissements à gauche)

Mme Élisabeth Lamure.  - (Applaudissements à droite) Je tiens à remercier M. le rapporteur et M. le président de la mission commune d'information pour leur travail.

Le constat du rapport de la mission commune d'information, nous le partageons malheureusement, c'est celui du déclin. Ne soyons pas alarmistes, cependant, sauf à décourager les 3 millions de salariés de l'industrie. Celle-ci reste créatrice d'emplois et nous avons de beaux fleurons -aéronautique, énergie- ainsi que nombre de PME innovantes.

Les causes de la désindustrialisation sont multiples : perte de compétitivité, insuffisance d'innovation et d'investissements, image négative de l'industrie. Les enseignants sont trop éloignés de la vie économique, les politiques n'ont pas porté suffisamment attention à ce secteur, les industriels n'ont pas investi comme il aurait fallu. En outre, le coût du travail pénalise notre pays ; et les 35 heures ont été saluées en leur temps par le chancelier allemand comme une bonne nouvelle pour son pays...

Les États généraux de l'industrie et la Conférence nationale ont réuni tous les acteurs industriels et ont beaucoup travaillé. Pouvez-vous nous dire quelles suites seront réservées à leurs conclusions, monsieur le ministre ? N'est-il pas temps de mettre en oeuvre une politique industrielle au niveau européen ?

La mission a formulé des propositions concrètes. Je souhaite qu'elles soient rapidement mises en oeuvre afin que l'industrie française puisse valoriser et développer son potentiel. (Applaudissements sur les bancs UMP)

présidence de M. Jean-Léonce Dupont,vice-président

M. Jean-Pierre Bel.  - Ce débat vient à point nommé. Depuis plusieurs décennies, on s'interroge : les délocalisations sont-elles une fatalité, notre économie va-t-elle se borner à produire des services ? Quelle politique industrielle mener dans une concurrence mondialisée ?

La mission s'est penchée sur toutes ces questions ; je rends hommage au travail de ses membres sous l'égide de M. Bourquin. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Pour le groupe socialiste, la France a un avenir industriel, ce qui passe par la reconstruction d'une industrie forte et durable. Si certaines idées font consensus, nous ne sommes d'accord ni sur le diagnostic ni sur les remèdes. La majorité incrimine le coût et la durée du travail. Il y a quelques années, un rapport sénatorial sur la question, signé par MM. Christian Gaudin et Francis Grignon, n'arrivait pas aux mêmes conclusions. Pour ce qui est du coût du travail, on peut faire tout dire et son contraire aux statistiques. Notre pays ne pourra jamais rivaliser avec les pays en voie de développement. Regardons plutôt du côté de l'innovation, de la recherche et développement. Et puis, il y a les 35 heures... Tout a été dit. Pourtant, en dix ans de gouvernement, vous n'avez pas fait grand-chose...

M. Jean-Louis Carrère.  - Ils n'auraient plus eu d'arguments !

M. Jean-Pierre Bel.  - La désindustrialisation frappe des territoires qui cumulent déjà les handicaps. Il faut les accompagner pour sortir de la crise dans laquelle ils se trouvent.

En Midi-Pyrénées, il y a eu l'accident dramatique d'AZF : il en est résulté 1 500 suppressions d'emplois. Le Gouvernement a créé une zone franche qui a attiré les investisseurs... à Toulouse, tandis que mon bassin de vie de 20 000 habitants perdait 5 500 emplois industriels... Il n'y a pas de politique industrielle, mais un pilotage à vue, voire une politique industrielle à l'envers. Voyez ce qui s'est passé dans la filière photovoltaïque, où on a réussi à tuer dans l'oeuf des entreprises qui avaient pourtant de belles perspectives.

La France doit renouer avec l'ambition qu'elle avait en 1945. Plusieurs secteurs stratégiques doivent être encouragés, notamment la croissance verte, les énergies nouvelles, le textile intelligent ; de grands projets d'infrastructure au niveau européen doivent être lancés. L'Europe des projets succédera ainsi à l'Europe du rejet.

Pour plaidons pour l'acte 3 de la décentralisation au lieu de la réforme territoriale que vous avez menée. Une gouvernance décentralisée est indispensable, qui fait davantage la force de l'Allemagne que le coût du travail. C'est ce que propose le projet socialiste avec notamment la création d'une banque publique et de fonds régionaux d'investissement.

Dans les mois qui viennent, notre assemblée devra continuer à suivre ce dossier essentiel, parce qu'elle doit se faire l'écho des préoccupations de nos concitoyens et parce que, sans les collectivités territoriales que nous représentons, il n'y a pas de politique industrielle digne de ce nom. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Daniel Raoul.  - J'ai lu avec beaucoup d'attention les excellents comptes rendus des travaux de la mission commune d'information.

Le sous-investissement structurel a été souligné par la mission. Mais je regrette que le rapport en reste à une vision comptable, et fausse, sur le coût et la durée du travail. Nous ne pouvons plagier le modèle mercantiliste allemand qui ne manquera pas de s'essouffler.

Le taux de croissance moyen ces dix dernières années a été supérieur dans notre pays à celui de l'Allemagne ; c'est à partir de 2006 que les courbes se sont inversées. Pour s'inscrire dans la stratégie de Lisbonne et passer à l'économie de la connaissance, notre appareil industriel doit intégrer les innovations technologiques qui bouleversent les usages et les marchés.

Les éco-industries doivent se développer et une politique énergétique est indispensable pour sauvegarder notre industrie. Or le Gouvernement se défait de ses outils d'intervention, agit à contresens, contre le bon sens et à contretemps. Dans les nanotechnologies ou la biologie de synthèse, nous pourrions prendre l'ascendant pour peu que les bonnes décisions politiques soient prises. Les systèmes biologiques artificiels ont de nombreuses applications dans les domaines de la santé, de l'environnement... et même dans le secteur du photovoltaïque, à propos duquel le Gouvernement a démontré son incapacité à trancher. Il a constitué une bulle puis est revenu sur ses décisions...

Notre pays est incapable de mettre en oeuvre une stratégie gagnante en matière industrielle. Il ne suffit pas de crier « innovation, innovation » : l'État devrait accroître les qualifications des salariés dans les entreprises, afin de sauvegarder notre avance dans certains domaines. Les pays émergents vont sauter les étapes et nous rattraper, nous devons faire front. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-Jacques Mirassou.  - À mon tour, je veux remercier chaleureusement notre collègue Bourquin pour son initiative. Hélas, l'ultime mouture du rapport nous a déçus : le Sénat avait l'opportunité d'afficher son indépendance, il n'a pas su la saisir. La majorité a choisi de travailler sous la tutelle du Gouvernement -preuve en est la justification de la suppression de la taxe professionnelle.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Un désastre !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Mais avec cette réforme, le Gouvernement feint d'ignorer le rôle essentiel des collectivités pour l'attractivité et l'essor des territoires.

M. Jean-Louis Carrère.  - Hélas !

M. Jean-Jacques Mirassou.  - Le rapport de la mission comporte dix-sept propositions, souvent techniques, mais fait l'impasse sur les enjeux politiques. Le rôle du CIR, du Fonds stratégique d'investissement, d'Oséo, de la Caisse des dépôts est central. La puissance publique a été trop longtemps relayée à un rôle second. Nous préférons la compétitivité-innovation à la compétitivité low cost.

Le rôle de l'État actionnaire doit être mieux affirmé -je pense notamment à EADS. Les aléas du secteur aéronautique imposent un comportement anticipateur plutôt que réparateur. La structuration de la filière est indispensable. Le Gouvernement va créer des comités stratégiques de filière ; au moment où l'émergence d'un champion français des aérostructures s'impose, il appartiendrait aux industriels de faire le nécessaire, à la suite de quoi l'État agirait par le biais du FSI. Autrement dit, « aide toi et le ciel t'aidera »... Les choix doivent être faits en amont.

Dans ce contexte, les membres du groupe socialiste ne peuvent voter ce rapport. La Haute assemblée a manqué une occasion de mettre en forme des propositions au service de la réindustrialisation de la France. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Marc Daunis.  - Ce fut un privilège de participer à une telle mission ; nous avons travaillé ensemble sur un sujet majeur. Nous avons constaté la casse industrielle, les ravages de la financiarisation et les responsabilités politiques.

Mais nous avons surtout proposé des mécanismes de réindustrialisation ; nous appelons à une révolution de notre politique industrielle.

Le soutien à l'industrie se conçoit désormais comme une politique en faveur de la recherche et de l'intelligence territoriale, passant, contrairement à ce que pense M. Leroy, par la contractualisation à l'initiative des régions pour rassembler tous les acteurs... Aujourd'hui, la cohérence fait défaut.

La grande majorité des personnalités entendues se prononce pour une bonne articulation, un mix, entre concurrence et coopération. À Sofia-Antipolis, nous avions développé ce concept de coopétition.

TPE, PME : un Small business act est urgent, de même qu'un cadre fiscal stable.

Le rôle de la puissance publique est stratégique. Nous ne pouvons nous en remettre à la main invisible du marché. Le soutien aux PME et TPE s'impose car elles en ont plus besoin que les groupes du CAC 40. Appuyons-nous sur l'intelligence des territoires, sur les talents des entrepreneurs et des forces du monde du travail, souvent oubliées, voire méprisées. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Joëlle Garriaud-Maylam.  - L'expansion internationale des PME n'est pas identique à la délocalisation. C'est le contraire qui se produit.

Près de 25 % des PME allemandes sont internationalisées, contre 10 % des petites entreprises françaises ; 25 % de nos exportations industrielles sont le fait de PME contre 50 % en Allemagne. Le développement à l'étranger ne signifie pas seulement exportations mais installations complémentaires à l'étranger. Le succès des volontaires internationaux en entreprises me réjouit. Il faut étendre le système aux PME.

On parle d'instituer une exit tax, comme si nos expatriés ne partaient que pour des raisons fiscales alors qu'ils sont créateurs de richesses et d'emplois.

Selon le président de la chambre de commerce française en Angleterre, nos entreprises ne sont pas moins performantes mais elles ne savent pas passer un certain cap de développement. L'équipe de France de l'exportation, créée par Anne-Marie Idrac en 2008, misait sur la synergie. En 2010, 1 500 entreprises ont bénéficié des conseils des services des douanes ; tout comme Ubifrance, l'association représentant les Français de l'étranger devrait être associée à la réflexion. Oséo, Coface ne sont pas suffisamment accessibles aux PME. Dans les pays en développement, l'AFD ne pourrait-elle financer les projets de nos PME dans des secteurs ciblés comme le tourisme ou les technologies vertes ?

Quelles coopérations entre votre ministère et l'AFD ?

Nos entreprises ont souffert des crises qui ont éclaté en Cote d'Ivoire, en Égypte : une indemnisation est-elle envisageable, ou une aide à la sortie de crise ?

Créons dans notre pays un esprit d'entreprise. Un étudiant anglo-saxon souhaite créer son entreprise à l'issue de ses études, un étudiant français espère intégrer un grand groupe.

J'ai demandé récemment que les consulats français à l'étranger, notamment en Afrique, s'équipent de défibrillateurs : j'ai découvert à cette occasion qu'il n'existait aucun fabricant français !

Merci au Sénat de toujours apporter son soutien aux initiatives en faveur des entreprises françaises à l'international qui participent au développement économique du pays. (Applaudissements à droite)

M. Éric Besson, ministre auprès de la ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, chargé de l'industrie, de l'énergie et de l'économie numérique.  - Votre rapport, dense, formule constat et propositions. La mission commune d'information m'a auditionné, je ne reviendrai pas sur l'analyse que j'ai présentée à l'époque.

La désindustrialisation diffère selon les secteurs et les territoires. La diminution de la part de l'emploi industriel dans l'emploi en France est manifeste. Quelle est l'ampleur du phénomène ? La situation est contrastée. L'automobile a été très touchée par la crise, justifiant les 3 milliards d'euros prêtés -et dont le remboursement anticipé s'achève ce jour même- aux deux grands groupes. Nos secteurs d'excellence sont nombreux : énergie, haute technologie, chimie. Celui de l'aéronautique est présent sur toute la chaîne avec Airbus, Eurocopter, Dassault, Snecma, Bugatti, etc.

Certaines régions tirent bien leur épingle du jeu : l'industrie en Franche-Comté fournit toujours 28 % de l'emploi, mais les Ardennes par exemple, où le président de la République s'est rendu la semaine passée, sont durement touchées.

Depuis 2007, le Gouvernement a pris nombre d'initiatives qui recoupent les propositions de votre mission : innovation, pôles de compétitivité, promotion de la culture industrielle... Lors de la dernière loi de finances, le Gouvernement a bataillé pour maintenir le montant du CIR au même niveau. Cette dépense de 4 milliards bénéficie à la fois aux petites entreprises -84 % des bénéficiaires- et aux grands groupes qui prennent leur décision d'implantation en fonction de ce dispositif. Le CIR doit-il être étendu au prototypage ? Je ne suis pas contre mais il en coûterait plusieurs centaines de millions d'euros, ce qui n'est pas acceptable vu l'état des finances publiques. (M. Marc Daunis s'en désole) Quant à l'accélération des pôles de compétitivité, unanimement salués, je vous indique qu'un dispositif de soutien à la trésorerie des pôles sera géré avec Oséo, à hauteur de 30 % des aides reçues l'année précédente. Et 3 milliards vont soutenir les instituts de recherche technologique et les instituts d'excellence en énergie décarbonée.

Pour promouvoir la culture industrielle, mon ministère vient d'organiser la semaine de l'industrie, un grand succès ! Les états généraux déploraient en effet un manque de visibilité des métiers industriels. La conférence nationale de l'industrie, madame Lamure, a pour mission de favoriser la coopération au sein du monde industriel et de réfléchir aux grands problèmes. La compétitivité, notamment le coût du travail, fait débat parmi vous. Je chargerai la CNI de réfléchir à tous les facteurs de compétitivité ; elle sera aussi chargée de la formation professionnelle et de l'alternance.

Le Gouvernement a donc déjà mis en place une grande partie des actions que vous préconisez.

M. Marc Daunis.  - Tout va bien !

M. Éric Besson, ministre.  - Le moral des industriels d'après l'Insee remonte. La production a augmenté de 6 % en 2010 et le nombre d'emplois a augmenté, même modestement, pour la première fois depuis 2000.

Ce serait un leurre de croire que nous pouvons conserver un même niveau d'emploi et une structure industrielle identique. Il faut plus d'industrie et mieux d'industrie, une industrie plus compétitive pour rééquilibrer notre balance des paiements. L'industrie représente 80 % des exportations mais doit contribuer plus encore à la croissance.

Le ministère souhaite que les technologies d'avenir à diffuser dans tous les secteurs soient soutenues. La France n'est pas mal placée ! Ce qui n'empêche pas de maintenir et renforcer des industries et des métiers traditionnels, monsieur Leroy.

Sont prioritaires les secteurs des robots : la robotique des particuliers ouvre un marché de 2,3 milliards d'euros. Mme Merkel et M. Fillon ont été accueillis à la foire d'Hanovre par un petit robot, assistant personnel, capable d'aider une personne à se déplacer et même de l'assister en cas de chute. Hélas l'écart se creuse entre la France et l'Allemagne pour la robotique d'entreprises : nous installons 2 500 robots dans nos usines quand nos voisins en installent 15 000.

C'est grâce aux biotechnologies que nous pouvons gagner des parts de marché tout en améliorant la qualité de vie de nos concitoyens : je songe à la thérapie cellulaire et à la médecine régénérative, par exemple. Et la filière est solide, les projets sur les cellules souches développés par Cellectis à des fins thérapeutiques sont prometteurs. Et Sanofi-Pasteur, à Lyon, va produire le premier vaccin contre la dengue.

Les véhicules hybrides et électriques peuvent représenter un marché de 20 milliards d'euros à l'échéance de 2020. Nous soutenons la recherche, les usines de batterie, etc. Votre collègue Louis Nègre, chargé d'une mission sur les infrastructures de recharge, remettra prochainement au Gouvernement son Livre vert sur le sujet.

Mieux d'industrie, c'est une politique industrielle qui exploite les synergies européennes. La France se veut en pointe, aidée par le commissaire européen à l'industrie, puisque désormais en Europe l'industrie n'est plus un gros mot. Voyez le brevet européen, sur lequel nous avons demandé une coopération renforcée, qui réunit à présent 25 pays membres sur 27 ! Une PME qui déposait un brevet en Europe devait dépenser dix fois plus que son homologue américaine.

M. Jean-Pierre Bel.  - Et la réponse à nos questions ?

M. Éric Besson, ministre.  - J'y viens précisément.

C'est vrai, monsieur Biwer, que le centre de gravité industriel se déplace en Asie : mais les classes moyennes s'y développent, c'est un énorme marché potentiel. Le Gouvernement travaille sur les douze filières stratégiques et les relations partenariales entre les groupes. Nous avons confié une nouvelle mission de simplification à M. Warsmann.

M. Vall a raison, l'image de l'industrie compte, certains secteurs ne parviennent pas à recruter. La semaine de l'industrie a eu lieu aussi dans les lycées ! Avec l'association des ingénieurs de France, nous sommes tombés d'accord sur les initiatives que peuvent prendre les fédérations professionnelles. Des assises de la simplification administrative se tiendront le 29 avril.

M. Danglot parle de financiarisation : au niveau mondial, peut-être, mais le CIR, le Fonds stratégique d'investissement de plus de 3 milliards d'euros depuis fin 2008, les 35 milliards d'investissements d'avenir, ne relèvent pas de cette tendance !

La France, au coeur de la crise, a choisi un plan de relance et un emprunt pour l'avenir. On commence à en ressentir les effets et la France a traversé la crise plutôt moins mal que ses voisins.

L'État n'interviendrait pas assez dans le secteur automobile : mais aides aux deux grands constructeurs, prime à la casse, garanties Oséo pour 900 PME ont été bien utiles ! Et ses déclarations sur le partage de la valeur ajoutée devraient conduire M. Danglot à voter le projet de loi sur la prime de 1 000 euros aux salariés...

L'association des collectivités locales est cruciale. La CNI cherche à s'appuyer sur les réseaux locaux. La confiance, vous avez raison, monsieur Leroy, est fondamentale, la prime aux salariés parallèlement au versement des dividendes y contribuera.

M. Teston a raison de se préoccuper de la filière autobus et poids lourds. Renault reste le premier actionnaire de Volvo en droit de vote et Renault Trucks investit en France, dans l'Ain et dans le Rhône.

Madame Lamure, la CNI aura un rôle clé à jouer sur le sujet de la structuration des filières, sur la formation professionnelle, sur la compétitivité -comparée entre la France et l'Allemagne...

Monsieur Bel, quelles que soient les statistiques retenues, le constat est clair : il y a eu un décrochement sur le coût du travail et sur ce point les experts sont d'accord. Les entrepreneurs allemands paient moins de cotisations sociales. Notre compétitivité de ce fait est dégradée et la campagne présidentielle sera l'occasion d'en débattre. Comment, sans réduire la protection sociale, en tenir compte ? la CNI, qui compte des syndicalistes, a été saisie de la question.

Le Fonds national de revitalisation des territoires accorde des prêts sans garantie aux entreprises qui créent des emplois.

M. Raoul a parlé des fonds régionaux d'investissement. Le FSI leur consacre 200 millions par an. Un fonds régional vient d'être créé en Alsace.

Le Fonds stratégique d'investissement a financé des entreprises de biotechnologie. La production photovoltaïque a été multipliée par 45 en deux ans...

M. Jean-Jacques Mirassou.  - On partait de rien !

M. Éric Besson, ministre. - C'est un hommage à l'action du Gouvernement ! Mais la bulle spéculative exigeait de se pencher à nouveau sur le dossier.

M. Mirassou a parlé d'acte manqué. Votre mission commune d'information a beaucoup contribué à la réflexion, le Gouvernement est en phase avec plusieurs propositions mais beaucoup reste à faire. Les comités stratégiques de filière joueront un rôle d'anticipation. Celui de l'aéronautique sera réuni en juin à l'occasion du salon du Bourget.

La suppression de la taxe professionnelle a été un élément de compétitivité, tout le monde le dit. François Mitterrand parlait d'un impôt imbécile (Exclamations sur les bancs socialistes) ; M. Strauss-Kahn...

M. Jean-Louis Carrère.  - Parlez plutôt de vos nouveaux amis !

M. Éric Besson, ministre.  - ...avait supprimé la part salaires. Nous avons achevé le travail.

Monsieur Daunis, mêler coopération et concurrence, c'est l'objet des comités stratégiques et des pôles de compétitivité. Quant au Small business act, ne tombons pas dans le fétichisme, c'est une construction permanente, une addition de textes : la chose sinon le nom existe déjà en France ! (On ironise sur les bancs socialistes)

Madame Garriaud-Maylam, le ministère de l'industrie soutient le développement international des PME, via Ubifrance notamment. À Hanovre, toutes les PME présentes, qui réussissent à l'exportation, affirmaient disposer d'une base nationale solide.

On ne parle plus de société postindustrielle. La crise économique a conforté notre idée qu'il faut une politique industrielle. Les pays qui résistent le mieux sont ceux, comme la France, qui conservent une épine dorsale industrielle solide. (Applaudissements au centre et à droite)

Débat interactif et spontané

M. François Patriat.  - Ma région a perdu en deux ans 22 000 emplois dont 10 000 industriels, chez Kodak, Dim, Fruehauf... Or les contrats de site sont parfois mis en oeuvre par les seules collectivités, qui ont beaucoup perdu avec la suppression de la taxe professionnelle.

Le Gouvernement a-t-il la volonté réelle de développer l'éolien ? Roulement à billes, pales, ma région a créé 1 000 emplois dans cette filière aujourd'hui structurée mais en attente. Le Gouvernement va-t-il l'accompagner en donnant un coup d'accélérateur ?

M. Éric Besson, ministre.  - Je n'ai jamais dit : « Tout va bien ! » Il faut renforcer nos atouts et réduire nos faiblesses. L'an passé, nous avons créé plus d'emplois industriels que nous n'en avons perdus. Depuis cinquante ans, la France a fait le choix du nucléaire civil : transparence et sécurité sont renforcées. Nous développons aussi les énergies renouvelables. La production éolienne a été multipliée par dix. Nous développons l'éolien terrestre et off shore. Le président de la République a annoncé à Saint-Nazaire, il y a quelques semaines, 3 000 mégawatts d'éolien : tout sera lancé début 2012. Contrairement aux idées reçues, le Gouvernement est en avance par rapport au tableau de bord décidé lors du Grenelle.

M. Jacques Blanc.  - L'industrialisation est un facteur d'aménagement du territoire. Il n'y aura pas de vie en montagne s'il n'y a pas d'industries. L'accès au très haut débit et à l'énergie doit être possible et les prix identiques. En Lozère, le coût de l'abonnement est beaucoup plus cher que dans les grandes villes. Pour l'électricité, les industriels doivent rembourser les installations d'ERDF. Sur le photovoltaïque, on ne tient pas compte des contraintes liées aux recherches archéologiques.

M. Éric Besson, ministre.  - Sur ce dernier point, mes services vont voir s'il est possible de geler la période consacrée aux recherches archéologiques. Pour le reste, vous avez raison : l'industrie est source d'aménagement du territoire. En matière de haut débit, la France se situe à la troisième place en Europe.

La grande bataille, c'est celle du très haut débit. La fibre optique doit être développée pour passer d'un million d'abonnés actuels à deux millions d'ici la fin de l'année. Nos objectifs sont ambitieux et les opérateurs les jugent parfois inatteignables.

Le Gouvernement partage les préoccupations du Parlement en ce domaine.

Mme Valérie Létard.  - À mon tour, je veux saluer le travail remarquable qui a été effectué.

La filière ferroviaire est très présente dans le Nord-Pas-de-Calais. La recherche et l'innovation doivent être encouragées. Le rapport de la mission estime que les moyens ne doivent pas être concentrés sur quelques territoires. Chaque euro investi participe à l'aménagement du territoire.

Les investissements d'avenir sont une formidable opportunité : nous devons créer l'Institut européen technique pour l'industrie ferroviaire. Que compte faire le Gouvernement ? Une telle implantation permettrait de conforter ce secteur.

M. Éric Besson, ministre.  - Une audition spécifique sera consacrée à ce sujet le 17 mai. Il s'agit d'une priorité du Gouvernement. L'État consacre des investissements importants aux véhicules du futur ; et le transport n'est pas seulement automobile, mais aussi ferroviaire.

M. Martial Bourquin, président de la mission.  - Lors de la visite dans cette région, j'ai été impressionné par le travail en commun entre l'industrie ferroviaire et les chercheurs. La région du Nord a misé sur cette filière, et notamment sur le ferroutage. Un basculement de la route vers le rail est indispensable et doit être décidé par le Gouvernement. La mesure aurait aussi pour vertu de créer de nombreux emplois. Nous devons montrer la voie en Europe sur cette question.

Mme Mireille Schurch.  - À mon tour, je salue l'initiative de M. Bourquin.

La qualité des infrastructures, des services non marchands est indispensable à l'industrie. Nos infrastructures ont renforcé l'attractivité de la France jusqu'à présent. Mais la SNCF a décidé d'abandonner le wagon isolé et ferme des gares. Chaque année, le transport ferroviaire évite l'émission de milliers de tonnes de carbone : le 1er octobre, ce sera fini, et aucune solution n'est prévue. Et je pourrais multiplier les exemples. Il y a donc une contradiction majeure entre vos propos et vos actes.

M. Éric Besson, ministre.  - Je ne puis vous répondre sur la SNCF, qui relève d'autres ministres. En ce qui concerne la filière industrielle, nous essayons de tisser des liens plus étroits entre les grands groupes et les sous-traitants. Nous pourrions faire le point avec le Médiateur de la sous-traitance.

M. Claude Bérit-Débat.  - Selon les territoires et les activités, les constats sont contrastés, avez-vous dit. Ce n'est pas le cas en Dordogne !

L'État actionnaire souhaite réindustrialiser notre pays mais il se comporte mal. Avec la Société nationale des poudres et explosifs, il s'est désengagé et 400 salariés sont restés sur le carreau ! À Chamiers, des salariés de la SNCF ont un savoir-faire indéniable mais leur atelier est condamné. Que compte faire l'État actionnaire pour mettre en accord ses actes et sa politique ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Éric Besson, ministre.  - Comme je l'ai suggéré à votre collègue, je vous invite à en discuter avec le Médiateur de la sous-traitance. Le dossier de la SNPE a été traité par Mme Lagarde. L'APE recherche actuellement des solutions pour le bassin d'emplois que vous avez cité.

Mme Élisabeth Lamure.  - Vous avez parlé du photovoltaïque et de l'éolien, monsieur le ministre. Pourriez-vous nous entretenir de la biomasse ?

M. Éric Besson, ministre.  - Quel dommage ! J'avais une très belle réponse pour vous sur le photovoltaïque ! (Sourires)

Une étude est en cours sur la biomasse : un diagnostic et des propositions seront faits pour soutenir le développement de cette filière. Nous pourrons en reparler dans un mois.

M. Martial Bourquin, président de la mission.  - Sur la question du photovoltaïque, il ne faut pas rater le train de l'histoire. Il y a eu des effets d'aubaine indéniables. Certes, la majorité des capteurs étaient importés, mais « couper les vivres » brutalement au secteur a été une erreur.

Il aurait fallu prendre en compte la dimension carbone des capteurs. L'aide aurait pu soutenir l'industrie photovoltaïque. Dans plusieurs régions, dont la mienne, les investissements sont gelés.

Tous les moyens doivent être mobilisés pour développer les énergies renouvelables. Nous ne pouvons nous contenter de la filière nucléaire ; seul un mix énergétique nous permettra de regarder l'avenir avec sérénité.

M. Éric Besson, ministre.  - Il faudra un jour sortir de l'ambiguïté. Un kw/h photovoltaïque coûte dix fois un kw/h nucléaire. À chaque fois qu'on évoque une augmentation de l'électricité, députés et sénateurs nous demandent, sur vos bancs, le gel des prix. Mais vous voulez aussi encourager les énergies renouvelables : rien ne doit leur être refusé... Le mix énergétique, bien sûr, mais à quel prix ? (Applaudissements à droite, exclamations à gauche)

M. Martial Bourquin, président de la mission.  - Je ne m'attendais pas à une réponse aussi vive...

Cette question de l'énergie est au coeur des enjeux industriels.

Il faut prioriser l'énergie renouvelable. Il n'est pas question de remettre en cause l'industrie nucléaire, mais il faut prévoir deux coups à l'avance, comme aux échecs.

Lisez les déclarations d'un expert reconnu dans La Tribune : on peut exploiter autrement le nucléaire.

Il faut diversifier les énergies ; après les événements du Japon, plus rien ne sera comme avant. Si on fait l'autruche, on se trompe !

Selon l'Insee, sur les 170 milliards d'intérêts et de dividendes perçus chaque année, 20 milliards seulement figurent sur les déclarations de revenus ! À quand une fiscalité plus juste, un grand impôt progressif sur tous les revenus ? Il faut se donner les moyens de mener une politique industrielle. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean Boyer.  - Sur le photovoltaïque, il faut un état des lieux : combien d'entrepreneurs ont monté des projets et sont aujourd'hui laissés au bord de la route ! C'est l'effet rétroactif de la mesure qui me choque.

Des pôles de compétitivité, c'est bien, mais quid des autres territoires et des friches industrielles ? Ne faudrait-il pas prévoir des incitations à la reprise des bâtiments abandonnés ?

M. Éric Besson, ministre.  - Que nos grandes entreprises investissent à l'étranger n'est pas une mauvaise nouvelle en soi. En revanche, les délocalisations doivent être combattues. Dans certains territoires, la mono-industrie a été catastrophique lorsqu'elle s'est effondrée.

Le Gouvernement essaye de revitaliser certains sites, avec le Fonds national de revitalisation des territoires créé il y a trois ans, à l'initiative du président de la République. Ce fonds est doté de 45 millions et permet d'accorder des prêts bonifiés sans garantie. En 2010, 252 prêts ont été accordés pour un montant de 430 millions ; ils ont bénéficié surtout aux très petites entreprises.

Le dispositif sera évalué pour être poursuivi au-delà de 2012.

M. Jean-Jacques Mirassou.  - En octobre 2010, la direction américaine a placé Molex France en liquidation judiciaire pour punir ses salariés d'avoir contesté leur licenciement. Cette décision inadmissible a privé dix-neuf salariés de leurs droits.

En novembre, M. Estrosi m'avait dit que l'État pourrait agir en justice : « le droit français doit être respecté », avait-il ajouté.

Or, aujourd'hui, le sort de ces dix-neuf salariés n'est toujours pas réglé. Où en est le dossier ? (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Éric Besson, ministre.  - Les négociations sont toujours en cours, avec le liquidateur judiciaire qui a été nommé. Le Gouvernement suit le dossier de très près...

M. Jean-Louis Carrère.  - Il « suit » ! C'est bien le problème !

M. Éric Besson, ministre.  - ...et il a plus que bon espoir de voir les négociations aboutir prochainement.

Mme Esther Sittler.  - Le rapport contient une comparaison instructive entre l'industrie française et allemande qui montre que la France a décroché face à son voisin.

L'initiative publique a fait défaut. Les zones transfrontalières ont subi une perte d'attractivité. Comment réduire les disparités ?

M. Éric Besson, ministre.  - Il faut renforcer la compétitivité de notre outil industriel. Lorsque nous nous comparons à un certain nombre de nos partenaires, la France reste compétitive, mais l'Allemagne est le pays le plus performant. Lorsque Xavier Bertrand et Nadine Morano s'efforcent d'améliorer l'apprentissage, ils oeuvrent en faveur de la compétitivité de notre pays. Pour les filières, nous essayons de créer un esprit de groupe qui existe naturellement en Allemagne.

Il y a quinze ans, ce pays semblait stagner mais il a absorbé le choc de la réunification et s'est porté sur des produits exportables ; la modération salariale a également été prônée. Certes, l'Allemagne devra affronter d'autres problèmes démographiques et énergétiques. Les entreprises allemandes paient leur électricité une fois et demie plus cher qu'en France, les consommateurs deux fois plus cher qu'en France.

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est une obsession !

M. Éric Besson, ministre.  - Les Allemands ne sont pas seulement nos concurrents : ils sont aussi nos partenaires. Nous allons essayer de mettre en place des outils de partenariat. Par exemple, pour le véhicule électrique, nous avons besoin de normes communes. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Martial Bourquin, président de la mission.  - Le voyage en Allemagne a été un moment important dans notre mission. Chez Bosch, le numéro trois nous a dit que le coût du travail était moins élevé dans l'usine française que dans l'usine allemande. Le temps de travail ? 32 heures dans les établissements situés en Allemagne ! Les salaires y sont plus attractifs que chez nous. Ne prenons pas chez nos voisins ce qui nous arrange. Il y a peu, on ne jurait que par la réussite irlandaise. Aujourd'hui, c'est l'Allemagne ! Certes, les TPE-PME allemandes ont accès à des brevets pour un moindre coût. Le système des Länder est extrêmement décentralisé, ce qui est fondamental. Les collectivités ont un rôle essentiel à jouer. Elles doivent écouter les chefs d'entreprise.

Si la loi Nome est appliquée, les électro-intensifs risquent de partir vers d'autres cieux ; les dirigeants de Rio Tinto nous l'ont dit. En Chine, ce serait une catastrophe, au Canada, un moindre mal car l'énergie n'y est pas chère. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Alain Chatillon, rapporteur de la mission.  - Ne nous trompons pas de débat ! Nous n'avons pas stigmatisé les augmentations de salaires dans notre pays. Notre voyage en Allemagne a duré trois heures, j'ai travaillé avec ce pays 25 ans ! En Allemagne, la majorité des chefs d'entreprise sont issus de l'apprentissage. Leurs choix stratégiques ont été meilleurs que les nôtres. Enfin, l'impôt sur les sociétés a baissé de 45 à 25 %. Les TPE allemandes sont quatre fois plus nombreuses que les françaises et ont une capacité d'autofinancement deux fois plus élevée. Ces entreprises achètent des biens intermédiaires et revendent des produits finis. Les charges sont de 28 % contre 43 % chez nous et la protection sociale y est bien meilleure. Il faut se poser ces questions.

M. Éric Besson, ministre.  - La rencontre avec Bosch vous a marqué, monsieur Bourquin, vous la citez en toute occasion. C'est pourtant cette entreprise qui a négocié le passage de 35 à 36 heures et même 38 dans ses sites de production en France !

En France, l'Insee a corrigé ses données : le coût horaire dans les entreprises manufacturées a augmenté de 44 % en France en dix ans et de 19 % en Allemagne.

Vous voulez faire plus pour le photovoltaïque ? Rio Tinto ne veut pas que le coût du kw/h dépasse 32 euros. La loi Nome l'a fixé à 40 euros. Or, le photovoltaïque représente dix fois ce prix !

Au Canada, l'électricité hydraulique est très présente. La France a réussi l'exploit d'avoir une électricité peu chère grâce au nucléaire. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Sueur.  - On adresse beaucoup d'éloges au crédit d'impôt recherche, mais page 223, le rapport de la mission dénonce « certaines dérives ».

Ces effets d'aubaine ne peuvent perdurer. Certaines entreprises affectent le CIR à des dépenses qui ne sont pas de recherche ; et dans le même temps, nos chercheurs travaillent pour des salaires bien inférieurs à ceux de leurs homologues aux États-Unis ou en l'Allemagne. Pourquoi nos doctorants partent-ils à l'étranger ? Parce qu'ils ne trouvent pas de poste en France. Cette situation est choquante. Comment gérer cet outil fiscal avec toute la rigueur nécessaire ?

M. Éric Besson, ministre.  - Le secteur banques et assurances représente 3 % du CIR accordé. L'éligibilité de ce secteur n'est pas choquante. Il faut veiller à éviter les dérives mais le CIR a surtout un effet global positif. J'ai reçu il y a peu un entrepreneur français qui a créé des entreprises internet dans la Silicon Valley ; il estime que le CIR et le dispositif « jeunes entreprises innovantes » permettent désormais à la France d'être compétitive.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Alain Claes fait de judicieuses propositions pour améliorer le système.

M. Martial Bourquin, président de la mission.  - Un fait est un fait et ce responsable de Bosch a été clair. Total, pas d'impôt sur les sociétés, Vivendi, pas d'impôt sur les sociétés, les sociétés du CAC 40 ne payent que 10 ou 20 % d'impôt sur les sociétés. J'avais cru que le taux en France était de 33 %...

Les chiffres de Rexecode étaient faux, nous nous en sommes méfiés. La vérité se trouve plutôt dans les données fournies sur le terrain.

Dernière chose : ce qui arrive aux ménages avec la loi Nome est scandaleux ; il faut libérer nos capacités d'innovation pour développer les énergies renouvelables.

M. Alain Chatillon, rapporteur de la mission.  - Pour la comparaison avec l'Allemagne, nous n'avons fait que reprendre le rapport d'un certain Migaud...

Le CIR va à 30 % aux holdings ; nous demandons une orientation plus soutenue vers les PME. Les grands groupes, par filialisation, récupèrent des sommes importantes. Il faut rééquilibrer le dispositif.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Exactement.

M. René Beaumont.  - Des infrastructures performantes sont indispensables au développement industriel -où en sont à ce propos le Lyon-Turin et l'étoile ferroviaire lyonnaise ? Le fret ferroviaire est hélas en déclin.

N'oublions pas la voie d'eau. Je me réjouis que le président de la République ait souhaité engager le dialogue compétitif avec les entreprises privées pour la réalisation de la liaison Seine-Nord. La suite, ce sera la voie Rhin-Rhône, ou plutôt Saône-Moselle, prête à être mise en chantier. Nous en avons assez des camions !

M. Éric Besson, ministre.  - Je verrai après ce débat Mme Kosciusko-Morizet et M. Mariani, auxquels je ferai part de vos remarques.

Un mot à M. Bourquin, sans polémiquer. Je pensais que c'était le mécanisme du bénéfice mondial consolidé qui permettait à Total de ne pas payer l'impôt sur les sociétés ; en réalité, Total perd dans le raffinage ce qu'il gagne dans la distribution ; c'est même à la demande de l'État qu'il maintient certains sites peu compétitifs en France.

Les tarifs réglementés demeureront jusqu'en 2015 : la loi Nome n'est pas la source de tous les maux ! M. Borloo a intelligemment négocié avec Bruxelles afin que nos entreprises ne soient pas condamnées pour avoir bénéficié d'avantages indus.

M. Yves Daudigny.  - Dans mon département de l'Aisne, le taux de chômage a explosé à 14 % depuis la crise ; 6 400 emplois y ont été détruits depuis 2008. Aujourd'hui, on distingue mal la stratégie industrielle nationale du Gouvernement. Le pôle Industrie-Agro-Ressources attend votre appui, monsieur le ministre, pour une implantation à proximité d'un site militaire abandonné. Le maillage territorial en infrastructures de transport est essentiel au développement ; or le Snit est très insuffisant -je pense à la RN 2. Il est temps d'élaborer une stratégie industrielle qui permette au pays de renouer avec la compétitivité et de sortir les territoires de leur isolement. Le coût de transport du fret ferroviaire « wagon isolé » est par exemple prohibitif ; un site de Bayer est particulièrement pénalisé dans mon département. Quelle ambition portez-vous, monsieur le ministre ?

M. Éric Besson, ministre.  - Nous avons effectivement créé des pôles de compétitivité ; beaucoup a été fait depuis 2007. Pour le reste, je me ferai l'écho de vos propos auprès de mes collègues en charge des transports.

M. Philippe Leroy.  - La question des quotas d'émissions de CO2 est stratégique et un enjeu majeur pour certaines régions. La Moselle envisage de conserver une filière sidérurgie-fonte. Comment faire pour continuer à produire dans ce secteur, ou dans la pétrochimie ? Les Lorrains sont inquiets, comme d'ailleurs les Marseillais...

M. Éric Besson, ministre.  - Le marché du CO2 relève des compétences de Mme Kosciusko-Morizet. Le paquet climat de 2008 renforce et améliore le système des quotas à partir de 2013. Nous sommes conscients des craintes de certains industriels. La voie la plus prometteuse est celle du progrès technologique dans certaines filières. Le projet Ucos de captage-stockage du CO2 par exemple est intéressant. Le financement n'est pas bouclé mais nous y travaillons, notamment avec Mittal.

Merci à tous les intervenants.

M. Martial Bourquin.  - Un mètre cube de bois séquestre une tonne de CO2. La filière bois en est à ses balbutiements. Ses possibilités sont immenses et méconnues, dans la chimie verte par exemple. Les emplois induits sont nombreux.

Le débat est clos.