Loi de finances pour 2012 (Suite)

M. le président.  - Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2012, adopté par l'Assemblée nationale.

Sécurité civile (Suite)

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.  - Je vous prie d'excuser mon absence ce matin, j'étais retenu par des engagements internationaux. La sécurité civile est au coeur du quotidien des Français. Pendant l'année, une intervention a lieu toutes les cinq secondes. Nos pompiers interviennent dans l'Hexagone et le monde : au Japon, après la le tremblement de terre et le tsunami, comme à la Réunion, où 420 métropolitains ont appuyé leurs collègues ultra-marins pour éteindre l'incendie du parc naturel, ou dans le midi, après les inondations.

L'excellence de la sécurité civile française ne doit rien au hasard. Elle est le fait de ces femmes et de ces hommes, dont neuf ont succombé en intervention depuis le 1er janvier. Je salue ici leur mémoire. Cette performance, nous la devons aussi aux réformes engagées sous cette législature. Ce budget s'inscrit dans cette continuité avec la création d'une direction générale de la sécurité civile et de la gestion de crise au sein du ministère de l'intérieur. Celle-ci permet de mutualiser les moyens et de rénover le management des sapeurs-pompiers.

Deuxième réforme, la revalorisation du statut des sapeurs-pompiers. Je me félicite de l'adoption de la proposition de loi qui a sécurisé le statut des sapeurs-pompiers volontaires au regard du droit communautaire.

Monsieur Léonard, la directive sur le temps de travail ne constitue donc pas une menace. Pour les professionnels, le protocole d'accord signé au mois de mars va produire des effets rapidement. Il sera soumis à une large consultation et au Conseil d'État avant une publication au premier semestre.

Troisième réforme, la création de l'école nationale supérieure des officiers sapeurs-pompiers. L'État dégage 4 millions pour son fonctionnement et plus de 5 millions pour ses investissements, signe de notre soutien.

Au-delà de cette réforme de structures -dix ans après la départementalisation des services d'incendie et de secours-, nous sommes parvenus à un équilibre. S'agissant de la gouvernance, la conférence nationale des services d'incendie et de secours a été installée ce matin. Je salue les sénateurs Rome et Bordier qui en prennent la présidence et la vice-présidence. Concernant le financement, la contrainte budgétaire impose une participation de tous à l'effort. La sécurité civile contribue à hauteur de 11,7 milliards au plan d'économies supplémentaires du premier ministre, sans que les capacités opérationnelles ni les grands projets ne soient en cause. Le budget des Sdis est stabilisé depuis 2010 -je m'en réjouis- grâce à des initiatives performantes en matière de gestion et de mutualisation.

Dans le respect de leur stricte autonomie, les Sdis peuvent compter sur l'État, qui met à disposition ses indicateurs mais aussi des moyens pour l'investissement via le FAI. En 2012, nous continuerons d'investir pour le développement du réseau Antares, désormais hors du FAI. Au total, l'État consacre 44 millions chaque année aux Sdis.

S'agissant du transport par carence, le montant de l'indemnisation due aux Sdis par les établissements publics de santé est revalorisée de 105 à 112 euros, avec une clause d'indexation automatique suite aux négociations entre le ministère de la santé et celui de l'intérieur.

Dans la continuité toujours, l'Intérieur veut mettre en place un nouveau système d'alerte, y compris par téléphone portable ; en adoptant le SMS comme premier mode de transmission d'alerte, nous nous adaptons à la vie des Français. En outre, tirant les leçons de Xynthia, nous avons renforcé la lutte contre le risque de submersion : depuis le 3 octobre, Météo France travaille à anticiper ce nouveau risque. Le centre d'alerte aux tsunamis sera opérationnel mi-2012 ; l'État continuera de participer à ce projet.

Enfin, le Gouvernement renforce les équipements pour faire face aux risques NRBC ; il y a consacré 4,2 millions. Parallèlement aux programmes de formation, le ministère poursuit sa politique immobilière pour moderniser les locaux du service de déminage pour plus de 12 millions. Nous avons également acquis un hélicoptère pour la couverture aérienne outre-mer et travaillons à moderniser notre flotte d'avions : les aéronefs actuels peuvent être conservés jusqu'en 2010 s'ils sont remotorisés et rénovés. En septembre, j'ai mis en place un groupe d'experts dont j'attends les conclusions début 2012. Les crédits consacrés à l'entretien des avions sont maintenus.

Budgétairement responsable et ambitieusement moderne, notre politique soutient tous ceux qui, par leur engagement citoyen, contribuent à notre sécurité civile ! (Applaudissements à droite)

Article 32 (État B)

M. le président.  - Amendement n°II-368, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe CRC.

Modifier comme suit les crédits de la mission et des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Intervention des services opérationnelsDont Titre 2

9 200 000

 

9 200 000

 

Coordination des moyens de secours

2 500 000

 

2 500 000

 

TOTAL

11 700 000

 

11 700 000

 

SOLDE

+ 11 700 000

+ 11 700 000

Mme Éliane Assassi.  - Nous voulons rétablir les autorisations d'engagement et les crédits de paiement d'un montant de 11,7 millions supprimés à l'Assemblée nationale au titre du plan d'austérité. Cette coupe aura des conséquences inadmissibles pour notre sécurité civile. Il existe d'autres solutions. Pour preuve, en première partie, nous avions fait des propositions pour dégager de nouvelles recettes pour le budget de l'État. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial.  - Ces crédits ne sont pas absolument nécessaires : le programme d'investissement ne prendra pas de retard. En outre, il y a eu moins d'incendies cette année...

Mme Éliane Assassi.  - Pas à la Réunion !

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial.  - La commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission, donc défavorable à l'amendement.

M. Claude Guéant, ministre.  - Je ne saurais mieux dire sinon que nous réduisons les moyens de la direction centrale de la sécurité civile de 200 000 euros supplémentaires. Retrait, sinon rejet.

L'amendement n°II-368 est adopté.

M. Roland du Luart.  - Je ne comprends pas : les membres socialistes de la commission des finances s'étaient déclarés contre l'amendement...

M. Jean-Vincent Placé.  - Ils ont changé d'avis !

M. Jean-Louis Carrère.  - C'est dur d'être minoritaires, n'est-ce pas ?

M. Dominique de Legge, rapporteur spécial.  - La commission des finances a émis un avis favorable à l'article non modifié...

Mme Catherine Procaccia.  - Une contradiction sénatoriale !

Les crédits de la mission, modifiés, sont adoptés.

Sécurité

M. le président.  - Nous allons examiner les crédits de la mission « Sécurité ».

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial de la commission des finances  - La commission des finances est pour le moins critique sur ce budget...

Mme Catherine Troendle.  - Quelle surprise !

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial.  - Plus de 9,2 milliards en autorisations d'engagement et 9,02 milliards en crédits de paiement pour la police nationale : ces chiffres ne doivent pas masquer une baisse de 2,3 % des crédits de fonctionnement. S'agissant de la gendarmerie, les crédits de fonctionnement sont sanctuarisés, au détriment des investissements. Tout laisse à penser que l'on ne pourra davantage tirer sur la corde. (M. Jean-Louis Carrère applaudit) En 2011, le Gouvernement avait promis une baisse de la délinquance de 2,5 %. Il s'est révélé incapable de tenir ses engagements.

A l'avenir, il faudra mieux tenir compte de la prévention pour évaluer la performance de cette mission. La RGPP fait des dégâts : après une baisse de 3 594 ETPT entre 2009 et 2011, la police subira une suppression de 1 682 ETPT dans la police et de 1 466 ETPT dans la gendarmerie. Le directeur général de la gendarmerie nationale, le général Miguaux, et celui de la police nationale, M. Péchenard, tout en soutenant, par fonction, votre politique...

M. Jean-Louis Carrère.  - Ils exécutent !

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial.  - ...m'ont dit leur inquiétude, monsieur le ministre. J'en appelle à votre bon sens ! Partout la présence des forces diminue. Le Gouvernement doit recourir aux adjoints de sécurité, aux heures supplémentaires, et même à des citoyens surveillants... Il est plus que temps de restaurer la police de proximité : sur ce point, le malaise du Gouvernement est patent.

La commission des finances continuera de suivre la réforme technique des transfèrements.

Enfin, même si ma position est isolée, je déplore vivement les investissements dans la vidéosurveillance dont aucune étude n'a prouvé l'efficacité. En temps de crise, ces dépenses sont coûteuses et irresponsables.

Parce que l'État continue de se désengager, laissant les collectivités territoriales exercer seules la compétence régalienne de la sécurité, la commission des finances a donné un avis défavorable à cette mission. (Applaudissements au banc des commissions)

Mme Éliane Assassi, rapporteure pour avis de la commission des lois.  - Après avoir rendu hommage aux agents de nos forces de l'ordre, et tout particulièrement à ceux qui ont payé leur engagement de leur vie, je veux mettre l'accent sur la police scientifique et technique qui manque cruellement de moyens. Dans ces conditions, comment développer la fameuse culture de la preuve ?

Ensuite, les agents administratifs représentent seulement 12 % de nos effectifs, contre 20 % ailleurs. C'est d'autant plus préjudiciable que ces postes sont occupés par des agents opérationnels dont les salaires sont plus élevés... Que comptez-vous faire ?

Ensuite, la culture du chiffre et l'usage que vous faites de l'« état 4001 ». Celui-ci ne retrace pas fidèlement l'évolution de la délinquance, il reflète seulement les faits constatés. Ainsi, pour les vols de carte bleue, les victimes se sont vu un temps opposer un refus de dépôt de plainte au motif que ces faits intéressaient seulement la banque. La Chancellerie a fait cesser cette pratique. Autre élément : une agression, commise à Paris, peut être signalée à Amiens, au lieu de résidence de la victime, et sera élucidée ...à Paris. Difficile, dans ces conditions, de faire une cartographie de la délinquance. Ne faudrait-il pas construire les statistiques avec prudence, en y intégrant toutes les données nouvelles dont nous disposons ?

Enfin, la vidéosurveillance. Elle peut être efficace dans des lieux fermés comme les parkings mais ne l'est guère sur la voie publique, toutes les études internationales le disent. Vous pourrez toujours citer un cas, alors qu'il ne représente rien par rapport aux milliers d'autres non élucidés. Même le rapport très favorable de l'IGA et de l'IGPN montre qu'elle n'a permis d'élucider que 3 % des faits. C'est peu pour une technologie aussi chère. Nous avons besoin d'une étude scientifique, étude sans cesse repoussée... En attendant, prononçons un moratoire.

Vous l'aurez compris, la commission des lois préconise le rejet ! (Applaudissements à gauche)

M. Michel Boutant, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - Je veux d'abord saluer la mémoire des gendarmes touchés dans l'exercice de leur mission, rendre hommage aux blessés et à ceux qui interviennent, loin de notre pays, en opération extérieure.

Les investissements connaissent une nouvelle baisse de 5 % en 2012 : je m'en inquiète, comme tant d'autres. Cela risque de faire obstacle au renouvellement de l'équipement de la gendarmerie.

En 2012, seulement 2 200 véhicules et 850 en 2013, quand il en faudrait 3 000 par an ! Que dire des hélicoptères Écureuil ? Ils datent des années 1970, il faut les renouveler. Pour maintenir les blindés à roues en état de marche, nous l'avons vu hier lors de notre visite à Satory, les gendarmes doivent les « cannibaliser » en prélevant des pièces détachées sur des véhicules hors d'usage.

Enfin, après 4 500 postes entre 2008 et 2011, 1 185 postes seront de nouveau supprimés en 2012, et 1 720 dans la police nationale, quand les effectifs de la police municipale progressent, eux, de 14 300 à 19 370 durant la même période. Et certains d'accuser les collectivités d'embaucher trop !

La gendarmerie est à l'os, pour rependre une expression d'un de ses hauts responsables. Les brigades territoriales disparaissent, je le constate en Charente. Comment maintenir le maillage territorial dans ces conditions ?

M. Gaëtan Gorce.  - Très bonne question !

M. Michel Boutant, rapporteur pour avis.  - Les réservistes n'y suffiront pas...

J'invite le Sénat à rejeter ces crédits. (Applaudissements à gauche)

M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.  - La loi du 3 août 2009 rappelle que la gendarmerie est une force armée qui assure l'exécution des lois.

C'est le statut militaire qui garantit la disponibilité des gendarmes et le maillage du territoire. Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l'intérieur ne l'a pas remis en cause...

M. Jean-Louis Carrère.  - Le rattachement, quelle erreur !

M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis.  - Il donne de bons résultats, comme l'a montré Mme Escoffier dans son rapport...

M. Jean-Louis Carrère.  - Elle se trompe ! Ce n'est pas ce que dit la Cour des comptes !

M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis.  - Comme M. Boutant, je salue les gendarmes au service de notre pays. Après ce bilan positif, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous interroger. Hier, nous étions, avec M. Boutant, en visite à Satory. Les logements sont vieillissants. Des offices HLM les fermeraient. Pas moins de 70 % du parc immobilier ont plus de vingt cinq ans. Imaginons donc ensemble un plan innovant pour le rénover.

Je m'interroge également sur les opérations extérieures, qui concernent 400 gendarmes dont 200 en Afghanistan. Un montant de 15 millions est budgété : c'est trop peu. On constate un surcoût de 30 millions en 2011 et les crédits supplémentaires sont pris, par redéploiement, sur le budget de fonctionnement de la gendarmerie. Ne peut-on pas faire appel à la réserve interministérielle, comme pour les armées ? Et je mentionne à mon tour le remplacement des véhicules blindés.

A titre personnel, je voterai ce budget pour cette force créée par Napoléon, il y a deux cents ans, pour maintenir « de la manière la plus efficace la tranquillité d'un pays » ! (Applaudissements à droite)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Chaque année, lorsque nous examinons ce budget, j'ai l'irrésistible impression d'assister à une partie de bonneteau : la bonne carte est toujours là où l'a décidé le ministre de l'intérieur. Les effectifs de la police et de la gendarmerie régressent et sont aujourd'hui à leur niveau de 2002. Cela ne signifie pas, pour le ministre, que les moyens baissent, seulement qu'ils ont été mieux utilisés... Sont-ce les prévisions de consommation des effectifs qui comptent ? Le personnel disponible sur le terrain ? Plus les coupes ont été sombres par le passé, plus la moindre amélioration est célébrée...

Les indicateurs globaux de la délinquance n'ont aucun sens. M. Ollier prétend que la délinquance a baissé de 17 %, préservant 500 00 personnes... Si les atteintes aux biens ont diminué, les atteintes à l'intégrité physique, elles, progressent. En multipliant les indicateurs, en regroupant dans une même catégorie des faits de gravité très disparate, il est plus facile pour le ministère de présenter ceux qui sont à son avantage...

Autre cause de brouillage, on ne sait plus très bien à qui imputer ces résultats car l'État se défausse sur les particuliers, les collectivités territoriales et les services de sécurité privés -ces derniers emploient 165 000 salariés, soit plus que les effectifs de la police nationale ! Idem pour la police municipale, dont les effectifs explosent -ce qui n'empêche pas le Gouvernement de critiquer celle de la fonction publique territoriale... Et que dire de la vidéosurveillance tant vantée ?

Majoritairement, le groupe du RDSE ne votera pas ce budget car le jeu de bonneteau, que je sache, reste interdit en France. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Pierre Sueur.  - Mme Klès étant absente pour des raisons indépendantes de sa volonté, je vais lire son intervention.

Ce débat est l'occasion de renouveler notre désaccord avec la politique du Gouvernement. Transferts ni concertés ni compensés, annonces à l'emporte-pièce, surcoûts et dysfonctionnements... Le maintien en condition opérationnelle de nos forces de sécurité n'est pas garanti. La RGPP serait rendue indolore par l'amélioration des conditions de travail ? Chacun sait que c'est pure théorie !

Il faut que le ministre de l'intérieur manque singulièrement de moyens pour recourir à des « collaborateurs occasionnels des forces de l'ordre », citoyens non encadrés et non assermentés ! Quel rapport entre un officier de police ou un gendarme assermenté, soucieux de l'équilibre entre sécurité et libertés publiques, et un citoyen à qui l'on demande de jeter un coup d'oeil dans la maison du voisin et de signaler les individus marginaux et les véhicules en stationnement de longue durée ? La sécurité n'est pas l'affaire de Mme Délation ; c'est l'affaire des pouvoirs publics, à charge pour eux d'y consacrer les moyens nécessaires.

Les polices municipales peuvent participer à la production de sécurité -mais pas à n'importe quel coût et pas pour n'importe quelles missions. Le maintien de l'ordre public est une mission régalienne de l'État républicain. Les polices municipales ne peuvent pas être des supplétifs de la police nationale ; les maires n'accepteront pas cette dérive. Ils s'inquiètent des nouveaux « patrouilleurs ». Qui supportera ce nouveau dispositif, l'État ou les communes ? Et dans quelles conditions ?

La vidéoprotection est trop souvent devenue une fin en soi et pèse sur les finances des communes. L'entretien des matériels et l'exploitation des images coûtent cher. Et pour quelle efficacité ? 37 % des appareils installés sont hors service !

Transfert de compétences encore : le transfèrement des détenus. Pourquoi, en Bretagne, avoir pris la curieuse habitude de confier aux forces de police la garde des détenus en milieu hospitalier ? Plus grave, en termes budgétaires, les locaux prévus par la loi sur la garde à vue n'ont toujours pas été ouverts. Cette réforme a été imposée à la va vite. Le parc de véhicules est également mal entretenu. Le carburant manque parfois...

Refusant les transferts insidieux, refusant une politique à la petite semaine qui n'affiche aucune priorité, ayant beaucoup de respect pour tous ceux qui se dévouent, parfois au-delà du raisonnable, au service de la sécurité des Français, le groupe socialiste ne votera pas ce budget. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Depuis 2002, la majorité de droite, sous la houlette du président de la République, n'a cessé de voter des lois répressives. L'échec est patent. On chercherait en vain un remède dans ce budget. Vous sacrifiez l'éducation, l'hôpital, pourquoi pas la sécurité ? C'est paradoxal pour un gouvernement qui mise au quotidien sur une politique sécuritaire.

Les effectifs fondent à nouveau : moins 1 420 EPTP, tandis que les heures supplémentaires se chiffrent en millions ; 400 postes supprimés à Paris, alors que le nombre de crimes et de délits y a cru de 5,1 %. Idem dans la gendarmerie. Mais le nombre d'adjoints de sécurité, au statut précaire, augmente de 678 unités. Préoccupant aussi le recours croissant à la réserve de la police nationale. Des citoyens surveillants ? Être policier est un métier. La police scientifique n'a pas les moyens des missions qui lui sont assignées par la Loppsi. Les suppressions de postes touchent aussi les personnels administratifs et techniques. La Cour des comptes comme les syndicats de policiers pointent l'insuffisance des moyens de fonctionnement, immobilier, véhicules, informatique...

La loi sur la garde à vue n'est pas appliquée car l'organisation n'est pas adaptée -ce budget n'en tient aucun compte. La préservation de la dignité humaine des gardés à vue reste lettre morte. Avec les patrouilleurs, on croit deviner un retour vers la police de proximité, indispensable...

Ce budget poursuit le désengagement de l'État de ses missions régaliennes. La police municipale, la sécurité privée, la vidéosurveillance servent à pallier ses insuffisances. Pourtant, l'efficacité de la vidéosurveillance est douteuse, comme sa compatibilité avec les libertés publiques. Qui plus est, ce sont les collectivités locales qui paient l'essentiel des dépenses...

Le projet électoral de l'UMP plaide pour un renforcement de la présence des forces de sécurité... mais à moyens constants et sans remettre en cause le dogme du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux.

Nous sommes très inquiets que l'exécutif et la droite persistent à stigmatiser les étrangers et les jeunes des quartiers populaires. Il y a là une connotation ethnoraciale ou sociale de la délinquance. Les jeunes ne nous font pas peur mais la manière dont on les traite !

Nous somme opposés à toute instrumentalisation de la sécurité. Nous sommes très attachés à la police républicaine et nous voulons pour elle des moyens à la hauteur de ces missions. Nous voterons contre. (Applaudissements à gauche)

M. Roger Karoutchi.  - L'UMP soutient totalement votre action, monsieur le ministre.

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial.  - Quel changement !

M. Roger Karoutchi.  - M. Placé veut davantage de policiers : voilà un écologiste comme on les aime...

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial.  - Oui, je suis pour la police républicaine !

M. Roger Karoutchi.  - Les chiffres sont là, c'est bien ce qui vous gêne...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Ils ne veulent rien dire !

M. Roger Karoutchi.  - Ils montrent que la délinquance a augmenté sous la gauche et reculé sous la droite. Si les violences intrafamiliales progressent, les forces de sécurité ne sont pas en cause. Depuis 2002, l'effort est considérable ! A effectifs constants, il y a plus de policiers dans les rues. Les engagements salariaux sont tenus.

La vidéosurveillance est une nécessité : M. Placé le sait bien, des caméras ont été installées dans les transports d'Ile-de-France.

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial.  - Personne ne conteste leur efficacité dans les transports !

M. Roger Karoutchi.  - Mme Borvo se dit attachée à la police républicaine. Ne l'est-elle pas aujourd'hui ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Si, mais vous remplacez les policiers par des caméras !

M. Jean-Louis Carrère.  - Des caméras républicaines...

M. Roger Karoutchi.  - Il serait temps que la gauche accepte un vrai débat républicain sur la sécurité... Quoi que l'avenir nous réserve, il faudra bien assurer la sécurité des Français.

M. Jean-Louis Carrère.  - L'assurer mieux !

M. Roger Karoutchi.  - Les patrouilleurs ont fait leurs preuves. J'entends parler de transferts de charges indus vers les collectivités locales. Oui, les missions régaliennes relèvent de l'État. Mais c'est moi qui ai créé une section « Sécurité » dans le budget de l'Ile-de-France ! Ce que personne n'a remis en cause depuis ! Est-ce si choquant ?

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial.  - La région est forcée d'intervenir car l'État se désengage !

M. Roger Karoutchi.  - Monsieur le ministre, vous avez notre soutien plein et entier. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Louis Carrère.  - Quand c'est fini, ça recommence, dit la chanson. Fin 2013, 12 000 postes auront disparu dans la police et la gendarmerie. Oui, la sécurité est une priorité : il faut donc s'en donner les moyens !

Tout en supprimant des postes, vous implantez 400 radars... Monsieur le ministre, vous n'avez jamais été élu, vous n'avez jamais eu la chance de vivre avec la population, de communier avec elle, de ressentir ses difficultés. Mais vous avez été préfet ; vous savez que la gendarmerie est un pilier de la République, surtout dans les campagnes ! Vous supprimez des brigades, la gendarmerie est cannibalisée par la politique du chiffre... Et pour quel résultat ? Dans ma commune d'Hagetmau, au sud des Landes, je ne vois plus les gendarmes depuis que vous avez regroupé les brigades ; ils se déplacent sans arrêt. Naguère, la proximité empêchait beaucoup d'actes délictueux.

M. le président Larcher a parlé des locaux qui se dégradent : voilà aussi pourquoi les gendarmes n'ont plus le moral !

En ce qui concerne la sécurité routière, c'est la politique du chiffre qui prévaut. Les gendarmes se placent sur des lignes droites, là où il est facile de verbaliser... et ils délaissent les zones accidentogènes... Je vous en ferai la démonstration si vous venez dans ma région.

Une autre politique est possible, encore faut-il aimer le terrain, aimer les Français !

Je comprends que vous ayez mis en oeuvre la RGPP, mais je réprouve sa brutalité. Je n'incrimine pas tous les aspects de votre politique car je suis attaché à la réduction de la dette. Vous moquez le bilan du gouvernement Jospin, mais il est meilleur que le vôtre : voyez les atteintes à la personne !

Je suis instituteur, je suis un républicain, j'ai donné beaucoup de leçons de morales dans ma vie. Je suis choqué que vous meniez une politique de sécurité avec un oeil sur les sondages et un autre sur l'extrême droite. Lorsqu'on a en charge la sécurité des Français, on n'est pas tous les jours en campagne électorale pour Nicolas Sarkozy. Revenez aux fondamentaux, mettez un terme à cette politique du chiffre qui échoue et vous aurez mon soutien : j'en prends l'engagement.

Avec la plus extrême courtoisie, vous nous donnez souvent des leçons. Pourtant, que dites-vous lorsque le président candidat fait campagne avec les voitures et les avions de la République ? Est-ce normal ? (Applaudissements à gauche ; MM. Gérard Larcher et Roger Karoutchi protestent)

M. Charles Revet.  - Propos scandaleux !

M. Pierre Charon.  - Je salue le travail de M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères.

M. Jean-Vincent Placé.  - Ah ! On fait venir la garde impériale !

M. Pierre Charon.  - Son rapport est le reflet de notre attachement à la gendarmerie. Préserver son statut militaire est une garantie en cas de crise grave, une garantie d'indépendance de la justice, étant donné le choix laissé aux juges du service enquêteur. Son ancrage territorial est une des clés de la cohésion nationale.

Un récent sondage...

M. Jean-Louis Carrère.  - Encore !

M. Pierre Charon.  - ...a montré que l'armée était l'institution en laquelle les jeunes Français avaient le plus confiance.

M. Gaëtan Gorce.  - C'est moins vrai du chef des armées !

M. Pierre Charon.  - Je me réjouis que la majorité sénatoriale défende aujourd'hui le statut militaire de la gendarmerie, elle qui voulait la syndicaliser...

M. Alain Richard.  - Ne dites pas de bêtises...

M. Pierre Charon.  - Jean-Jacques Urvoas, secrétaire national du parti socialiste, dans un rapport publié avec Terra Nova, cette pythie du parti socialiste...

M. Jean-Pierre Sueur.  - Terra Nova est un club de réflexion qui n'engage pas le parti socialiste !

M. Pierre Charon.  - ...propose de supprimer les échelons intermédiaires, ce qui remettrait en cause la chaîne hiérarchique, et de fusionner gendarmerie et police. Pour lui, une culture du management contrebalancerait le commandement... Mais le commandement dans l'armée, ce n'est pas du folklore !

M. Gaëtan Gorce.  - A l'inverse de l'UMP !

M. Pierre Charon.  - L'Espagne a tenté la fusion, cette solution a échoué ! Le rapport Escoffier-Chastaing a montré que le statut militaire avait été préservé en dépit du rattachement de la gendarmerie à l'Intérieur. Placer la gendarmerie sous l'autorité du ministre de l'intérieur a seulement permis de mutualiser les moyens.

M. Jean-Louis Carrère.  - Pas mutualiser, réduire !

M. Pierre Charon.  - Le professionnalisme des gendarmes, sur le territoire national comme à des milliers de kilomètres, en fait exemple pour la société civile. Je veux leur rendre un hommage appuyé. Je soutiens ce budget, qui permettra à la gendarmerie de continuer à honorer sa devise « Pour la patrie, l'honneur et le droit ». (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Marc Laménie.  - Je rends hommage au dévouement des policiers et gendarmes. Combattre la délinquance est une priorité du Gouvernement. Grâce aux efforts de modernisation et de mutualisation, nos forces de l'ordre peuvent continuer à exercer leurs missions.

Élu des Ardennes, je suis attaché à la présence de la gendarmerie sur tout le territoire comme à son statut militaire. La création des communautés de brigades a permis des progrès ; mais les petites brigades doivent être maintenues, et même renforcées, car elles sont indispensables aux élus et aux citoyens : j'en exprime ici le voeu. Je salue aussi la contribution des réservistes.

Comme mes collègues de l'UMP, je voterai cette mission. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.  - Merci à ceux qui ont rendu hommage à nos policiers et gendarmes. Des faits tragiques illustrent leur dévouement ; nous devons avoir constamment à l'esprit leur contribution à la sécurité quotidienne des Français.

Ni la majorité gouvernementale ni le Gouvernement n'ont de leçon républicaine à recevoir de la gauche. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Louis Carrère.  - Nous siphonnons un peu moins l'extrême droite.

M. Claude Guéant, ministre.  - Je m'étonne que certains contestent la nécessité de maîtriser les dépenses publiques. (Protestations à gauche)

M. Pierre-Yves Collombat.  - Nous plaidons pour la relance !

M. Claude Guéant, ministre.  - Vous ne proposez que des dépenses. Et vous creuserez les déficits !

M. Jean-Louis Carrère.  - En matière de déficits...75 milliards de cadeaux fiscaux !

M. Pierre-Yves Collombat.  - La relance par la monétarisation de la dette !

M. Claude Guéant, ministre.  - J'ai répondu aux critiques infondées de la Cour des comptes, mais celle-ci a eu raison de souligner que la présence des policiers sur le terrain a augmenté de 10 %, ce qui explique le recul de la délinquance et de la criminalité.

Oui, des escadrons de gendarmes mobiles ont été supprimés ; oui, les effectifs des CRS ont baissé. La priorité, aujourd'hui, c'est la sécurité quotidienne des Français ; l'ordre public a besoin de moins de moyens. (On approuve à droite)

Notre politique serait un échec ? Lubie du parti socialiste ! La délinquance a baissé de 17 % !

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial.  - Et les stupéfiants ! Et les cambriolages !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Moins de vol de portables, plus de coups de couteau !

M. Claude Guéant, ministre.  - Depuis 2002, elle a baissé ! Les atteintes physiques aux personnes ont augmenté, mais bien moins qu'entre 1997 et 2002. De plus, il faut distinguer les violences commises dans le cercle familial et amical et les autres, dites « crapuleuses ». Or ces dernières sont en recul.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Depuis quand ?

M. Claude Guéant, ministre.  - Ne niez pas la réalité ! Assez de ces tours de prestidigitation ! Vous contestez les statistiques...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Tout le monde les conteste ! Elles ne signifient rien !

M. Claude Guéant, ministre.  - L'enregistrement des plaintes est aisément mesurable.

M. Pierre-Yves Collombat.  - C'est une mesure de la cote de popularité du chef de l'État auprès de la police, rien d'autre !

M. Claude Guéant, ministre.  - La récente enquête de victimisation va dans le même sens que l'« état 4001 ». Se dessine même un recul de la délinquance contre les personnes.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.  - Si tout va bien, arrêtez donc de faire voter des lois sécuritaires !

M. Claude Guéant, ministre.  - Je récuse le terme « sécuritaire ». Mais je déplore que la sécurité ne vous semble pas un objectif à atteindre. (Protestations à gauche) Vous avez souhaité une étude sur la vidéoprotection ; elle a démarré.

M. Jean-Louis Carrère.  - Vous répondez à l'Assemblée nationale, pas au Sénat !

M. Claude Guéant, ministre.  - J'étais tout à l'heure à une réunion internationale.

M. Jean-Louis Carrère.  - Dont acte.

M. Claude Guéant, ministre.  - Vous êtes des familiers de la vie locale. Allez dans les centres de vidéoprotection, vous verrez l'importance des caméras dans la résolution des affaires ! Ce n'est pas un hasard si le taux d'élucidation est passé de 26 à 37 %. La vidéoprotection oriente aussi l'activité de la police : on peut par exemple envoyer des policiers séparer des bandes rivales.

Mme Assassi a évoqué la police scientifique et technique. Ses effectifs ont beaucoup augmenté car nous voulons développer ces moyens de preuve. La hausse des rémunérations est significative depuis 2008.

Monsieur Boutant, en 2012, 22 000 véhicules seront livrés à la gendarmerie nationale ; 12 hélicoptères ont été acquis en 2009 et 2010 et 3 appareils supplémentaires ont été commandés en 2011. Les véhicules blindés, eux, posent effectivement problème. Cela dit, le ministre du budget vient de signer l'autorisation d'engagement. Je vous rassure : en Afghanistan, les gendarmes disposent de matériel moderne.

Monsieur Larcher, le surcoût des Opex sera financé sur les crédits interministériels en 2011. Le parc immobilier est parfois vétuste ; d'où une hausse des crédits de 45 % pour financer des travaux supplémentaires.

M. Collombat s'inquiète des usurpations d'identité. Il a raison. Le Sénat, dirai-je par malice, serait bien inspiré d'en tirer les conséquences !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Nous avons légiféré !

M. Claude Guéant, ministre.  - Le Parlement ne se réduit pas au Sénat.

Mme Klès met en cause les « voisins vigilants ». Je veux lui dire qu'il n'y a aucune intention de s'appuyer sur la délation. Cela n'a rien que de normal, c'est de la solidarité de voisinage.

Les patrouilleurs ne sont nullement des fonctionnaires au rabais. Ce sont des fonctionnaires statutaires chargés de renforcer la présence de la police sur la voie publique. Quarante mille patrouilles chaque mois, dont dix mille pédestres, ont fait reculer la délinquance de proximité. Elles ont aussi pour fonction de rassurer. De fait, notre objectif n'est pas seulement de faire reculer la délinquance, il est aussi de rassurer : le sentiment de sécurité, cela existe.

Madame Borvo, il n'est pas question de déléguer au secteur privé la vidéo-protection. M. Karoutchi a bien fait de souligner l'importance des patrouilleurs.

M. Carrère a eu des propos qui, sans doute, dépassent sa pensée. Des résultats en sécurité routière « douteux » ? L'an dernier, 4 000 morts par an, deux fois moins qu'avant ! Dans votre département, une division du nombre de morts sur la route par deux.

M. Jean-Louis Carrère.  - Combien de PV ?

M. Claude Guéant, ministre.  - Dans votre département, une division du nombre de morts sur la route par deux.

M. Jean-Louis Carrère.  - Cela n'a pas de rapport avec l'action de la gendarmerie.

M. Claude Guéant, ministre.  - M. Charon a bien fait d'évoquer le rapport Terra Nova.

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial.  - Nous ne consultons pas, nous, les rapports de la fondation pour l'innovation politique.

M. Claude Guéant, ministre.  - Celui-ci est signé par celui qui se pense le futur ministre de l'intérieur... J'en recommande la lecture à tous. Il suggère, entre autres innovations, des zones prioritaires et donc, contrairement à ce que M. Laménie réclame à juste titre, l'abandon des territoires ! (Applaudissements à droite)

Article 32 (État B)

Les crédits de la mission ne sont pas adoptés.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Rappel au Règlement.

Mme Catherine Troendle.  - Fondé sur quel article ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - L'article 37 du Règlement et les suivants.

M. Jean-Jacques Hyest.  - C'est le président de la commission des lois qui dit cela ! Et pour attaquer le ministre.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Je n'ai encore rien dit ! (Sourires)

Le ministre a parlé de la fondation Terra Nova, les sénateurs de droite l'ont fait d'abondance. Durant la campagne des sénatoriales, M. Larcher est venu dans mon département m'attaquer en s'appuyant sur les fonctions de ce club de réflexion. Dois-je rappeler qu'il est totalement indépendant et n'engage pas plus le parti socialiste que la fondation pour l'innovation politique n'engage l'UMP.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Rien à voir avec un rappel au Règlement !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Cela a à voir avec la clarté des choses.

M. le président.  - Je rappelle que la conférence des présidents a insisté pour que les rappels au Règlement soient conformes aux règles.

M. Jean-Louis Carrère.  - Rappel au Règlement.

Mme Catherine Troendle.  - Fondé sur quel article ?

M. Jean-Louis Carrère.  - Madame, vous n'êtes ni mon maître ni présidente de séance ! Restez à votre place.

M. le Ministre a cosigné avec Mme Nathalie Kosciusko-Morizet une circulaire sur les passereaux qui n'a fait l'objet d'aucune concertation dans les Landes. Cette loi s'applique aux chasseurs, mais aussi à M. Bougrain-Dubourg dans les propriétés privées.

M. Roland du Luart.  - L'ortolan n'a pas le droit de cité dans l'hémicycle !

M. Jean-Louis Carrère.  - Le ministre s'en occupe.

M. Claude Guéant, ministre.  - Et aussi de la police et de la gendarmerie !

Je fais la distinction entre Terra Nova et le parti socialiste. En l'espèce, j'ai cité un rapport de cette association parce qu'il était signé par le responsable du parti socialiste pour les questions de sécurité.

Article additionnel

M. le président.  - Amendement n°II-75, présenté par M. G. Larcher, au nom de la commission des affaires étrangères.

I.  -  Après l'article 60 ter

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les surcoûts occasionnés par l'engagement de la gendarmerie nationale en opérations extérieures, y compris les dépenses de personnel, font l'objet d'un rapport remis chaque année par le Gouvernement au Parlement, comprenant une évaluation chiffrée de ces surcoûts et une description des mesures prises pour assurer leur financement. Ce rapport comprend également l'examen des modalités d'un financement de ces surcoûts par la réserve interministérielle, à l'image des armées.

II.  -  En conséquence, faire précéder cet article de l'intitulé :

Sécurité

M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis.  - Revenons à un sujet de fond : les 460 gendarmes français déployés en opérations extérieures en Afghanistan, mais aussi en Côte-d'Ivoire où ils ont permis que la Cour pénale internationale joue tout son rôle. Cet amendement a été adopté à l'unanimité de la commission des affaires étrangères.

M. Jean-Vincent Placé, rapporteur spécial.  - Effectivement, le sujet est important. Cet amendement ne témoigne pas d'une quelconque suspicion : nous saluons tous l'engagement de la gendarmerie à l'étranger qui a, aujourd'hui, plus de succès que lorsqu'elle était engagée en Espagne sous le commandement du maréchal Moncey.

L'amendement n°II-75 est adopté et devient un article additionnel.

Administration générale et territoriale de l'État

M. le président.  - Nous examinons à présent la mission « Administration générale et territoriale de l'État ».

Mme Michèle André, rapporteure spéciale de la commission des finances.  - Affichée à 11,7 %, la progression des crédits de cette mission ne doit pas faire illusion : elle tient surtout à un changement de périmètre et à des dépenses liées aux élections. Touchée directement par la RGPP, l'administration générale et territoriale de l'État a perdu 529 ETPT, dont 475 dans les préfectures. Cela fait obstacle au contrôle de légalité, si important comme l'a montré la mission sénatoriale sur la tempête Xynthia.

Le fonds de roulement de 100 millions de l'agence nationale des titres sécurisés laisse rêveur. Quelle est la sincérité des comptes de cet opérateur ? Rien n'a permis d'éclaircir ce point. Pour 2011, 41,8 millions sont prélevés pour rétablir ce fonds de roulement à un niveau raisonnable.

Le programme « Vie politique » voit ses crédits augmenter de 130 millions en raison des élections.

Les crédits dévolus au ministère de l'intérieur progressent de 6,6 %. S'agissant du contentieux de la gestion des passeports et cartes grises avec les collectivités territoriales, il est en passe d'être remis sur la table à l'occasion des futures cartes d'identité électroniques. Enfin !

Compte tenu de ces réserves, la commission des finances préconise le rejet. (Applaudissements à gauche)

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Je rapporte le programme « Administration territoriale ». L'année 2010 a vu la montée en puissance du préfet de région par rapport à celui du département. Mais, comme l'observe la Cour des comptes, il reste encore trop théorique. Pour que le préfet de région joue son rôle, il ne doit plus être le préfet du département où est situé le chef-lieu de région.

Le taux de contrôle de légalité diminue. Monsieur le ministre, comment l'expliquer ?

Sur les titres sécurisés, le Conseil d'État, par une décision du 26 novembre dernier, a considéré que six empreintes numéraires n'étaient pas justifiées. Comment en tiendrez-vous compte ? Qu'en sera-t-il de la mise en place de la carte d'identité et des titres de séjour électroniques pour étrangers ?

A titre personnel, je voterai ce budget mais la commission ne m'a pas suivi. (Applaudissements à droite)

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis de la commission des lois.  - Les crédits du programme « Vie publique, culturelle et associative » progressent de 230 %, ce qui est naturel à l'approche des élections. Je ne m'étendrai donc pas sur les chiffres.

Les moyens de la cellule d'assistance et d'intervention en matière de dérives sectaires (Caimades) ne cessent de diminuer pour atteindre quatre policiers seulement ; elle ne compte plus aucun gendarme. La commission des lois est unanime à le déplorer.

Treize textes ont été votés depuis 1980 pour améliorer la transparence de la vie politique. Cela témoigne des difficultés. Micro-partis, dons multiples faisant l'objet d'une déduction fiscale systématique, toutes ces pratiques sont à revoir.

Enfin, que dire des faits révélés par un ancien sage du Conseil constitutionnel sur les dérives des comptes de campagne ? Un candidat n'avait pas respecté le plafond ; ses comptes ont pourtant été validés. Le Sénat s'honorerait de créer une mission sur les détournements de cette législation. En outre, quel contrôle en amont sur l'élection présidentielle ? Un éventuel abus manifeste des deniers publics ne peut pas être sanctionné. Monsieur le ministre, aidez-nous à trouver une solution. L'actuel président de la République pourrait s'engager à demander la publication de toutes les dépenses de campagne depuis le 1er juin. Qu'en pensez-vous ?

Pour toutes ces raisons, la commission des lois préconise le rejet. (Applaudissements à gauche)

M. Christian Favier.  - Trois ans après son lancement, la RGPP a des conséquences dévastatrices que tout le monde constate, y compris dans les rangs de la droite. Difficile de la porter au bilan positif de ce gouvernement ! Depuis 2009, la mission a perdu 2 560 postes. Cette baisse drastique des effectifs a pesé sur les conditions de travail et l'accueil en préfecture, notamment des étrangers. La qualité du personnel n'est pas en cause.

Les pressions managériales s'accentuent avec des contrats d'objectifs. Le savoir-faire se perd du fait de la recentralisation au niveau régional. L'an passé, était demandé un rapport d'étape. Cette année, comme le Conseil économique, social et environnemental, nous exigeons la suspension de cette politique.

C'est d'autant plus important que le budget de la mission ne cesse de régresser.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre ! (Applaudissements à gauche)

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Ce budget me tient particulièrement à coeur. Préfectures et sous-préfectures lient élus locaux et populations à l'État. Cette belle femme vidant sa cruche d'eau sur la terre nourricière pour faire éclore des épis de blé, c'est l'État qui, grâce à ses services déconcentrés et en coopération avec les collectivités territoriales, répond aux besoins des citoyens...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Belle parabole !

Mme Anne-Marie Escoffier.  - L'État garantit la loi ; fédérateur, protecteur et stratège, il est auprès des populations. La RGPP aurait pu en améliorer l'efficacité. Qu'en est-il aujourd'hui ? Sur le terrain, le positionnement des préfets de région est sujet à questionnement. Difficile pour les élus de se retrouver dans le labyrinthe des nouvelles directions aux sigles barbares, insuffisamment associées à la réforme ! Proximité, cela aurait dû être le maître mot de cette réforme. Je m'en tiendrai à un seul exemple : la baisse du taux de contrôle de légalité doit nous inquiéter.

Quid du fonds de roulement de l'agence nationale des titres sécurisés ? Que dire du malaise dans les préfectures et sous-préfectures ?

Mme Michèle André, rapporteure spéciale.  - Il est certain !

Mme Anne-Marie Escoffier.  - Le personnel n'a plus les moyens ni l'enthousiasme nécessaires pour jouer le rôle d'aiguillon.

Parce que le malaise est profond dans les services déconcentrés de l'État, le groupe du RDSE, dans sa majorité, ne votera pas ce budget. (Applaudissements à gauche)

M. Marc Laménie.  - Je rends d'abord hommage au travail quotidien de tous ceux qui, avec dévouement et professionnalisme, servent l'État. Leur tâche n'est pas facile, vu l'évolution de notre société et, parfois, l'intolérance des populations. Nous sommes tous attachés aux préfectures et sous-préfectures, qui jouent un rôle important dans la protection des citoyens, aux côtés des sapeurs-pompiers, des policiers et des gendarmes. Ce réseau est également le garant de l'identité, avec la délivrance des titres sécurisés, et le responsable du contrôle de légalité.

Élu des Ardennes, je reconnais l'attention et l'aide que préfets et sous-préfets apportent aux petites communes, y compris financièrement. Ce pilotage des politiques gouvernementales crée un lien fort avec l'ensemble des acteurs économiques. Pour pérenniser le service rendu, il faut maintenir un niveau de moyens raisonnable, y compris dans les zones rurales.

Comptant sur votre soutien, je voterai les crédits de la mission.

M. Roland du Luart.  - Monsieur Laménie, vous avez été très convaincant !

M. Claude Guéant, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.  - La RGPP, je vous le confie, ne se confond pas avec le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite. Cette politique vise à identifier les secteurs susceptibles d'améliorations tout en réduisant les effectifs. En cinq ans, nous avons supprimé 150 000 emplois, soit une économie, à terme, de 250 millions, à mettre en regard avec notre endettement de 1 700 millions ! Au reste, madame André, vous n'ignorez pas qu'aujourd'hui, 60 % des acheteurs d'automobiles obtiennent leur carte grise auprès des vendeurs. Tout le monde y trouve son compte !

Par rapport à la loi de finances triennale, la diminution des ETPT dans ce budget a été ramenée de 475 à 365. Le fonds de roulement de l'agence ? Il résulte des délais de mise en oeuvre des réformes. Au reste, nous avons décidé une ponction.

Nous appliquerons la décision du Conseil d'État sur les empreintes digitales surnuméraires et les délais sur les nouveaux titres sécurisés seront tenus.

S'agissant de la cellule de la mission de lutte contre les sectes, c'est l'office central qui répartit les effectifs. La commission nationale de contrôle des comptes de campagne et des finances politique est très active ; faisons confiance à ses magistrats. Des personnalités politiques d'envergure ont déjà dû rembourser.

Mme Escoffier et M. Laménie ont rendu hommage au personnel des préfectures. Je vous assure qu'il a le moral ! Les trois quarts des préfectures sont engagées dans une démarche de labellisation « Marianne ». Les files d'attente, en particulier de demandeurs de titres étrangers, se forment de temps à autre : nous savons désormais y faire face. A Lyon, elles ont disparu. La préfecture du Val-de-Marne était célèbre, il y a quelques années, pour ses queues. Désormais, les gens sont reçus sur rendez-vous.

Article 32 (État B)

L'amendement n°II-130 rectifié bis n'est pas défendu.

M. le président.  - Amendement n°II-371, présenté par M. P. Dominati.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Administration territorialeDont Titre 2 

Vie politique, cultuelle et associativeDont Titre 2 

2 407 932

2 280 000

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieurDont Titre 2 

TOTAL

2 407 932

2 280 000

SOLDE

- 2 407 932

- 2 280 000

M. Philippe Dominati.  - Lors de la crise financière de 2008, j'ai proposé un effort particulier des formations politiques et autres associations, financées sur des fonds publics. Aujourd'hui encore, il est naturel qu'elles montrent l'exemple.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale.  - La commission des finances a proposé le rejet des crédits de la mission. Mais allons plus loin. La procédure prévue par la loi du 11 mars 1988 n'est pas respectée par l'amendement. En outre, les dotations n'ont pas augmenté depuis seize ans, malgré l'inflation. Cette aide est destinée à assurer la transparence de la vie politique : ne risquons pas de porter atteinte à cet objectif. Retrait.

M. Claude Guéant, ministre.  - Dans le cadre du plan d'économies supplémentaires, le Gouvernement a fait adopter par l'Assemblée nationale une réduction de 5 % de la subvention aux partis politiques. Retrait.

M. Philippe Dominati.  - Je suis satisfait de cette réponse.

M. Gaëtan Gorce, rapporteur pour avis.  - La démocratie coûte toujours trop cher ! Telle est votre philosophie !

M. Philippe Dominati.  - Pour la première fois, le Gouvernement fait un geste dans le bon sens. Je retire l'amendement.

L'amendement n°II-371 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°II-390, présenté par le Gouvernement.

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Administration territorialeDont titre 2 

225 934225 934

225 934225 934

Vie politique, cultuelle et associativeDont titre 2

Conduite et pilotage des politiques de l'intérieurDont titre 2

TOTAUX

225 934

225 934

SOLDES

- 225 934

- 225 934

M. Claude Guéant, ministre.  - Amendement technique, qui tire les conséquences du transfert de l'inspection du travail à la collectivité de Polynésie française.

Mme Michèle André, rapporteure spéciale.  - Nous n'avons reçu cet amendement qu'il y a quelques heures : c'est regrettable. Nous prenons acte de ce transfert. Espérons que les services seront bien dotés de cette somme. Avis favorable.

L'amendement n°II-390 est adopté.

Les crédits de la mission ne sont pas adoptés.

Article 48 A

Mme Michèle André, rapporteure spéciale.  - Avis favorable.

L'article 48 A est adopté.