Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire.

Discussion générale

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes .  - Quelle place occupe ce traité dans la politique européenne ? Nous avons pris des engagements pendant la campagne présidentielle et nous les tiendrons : rétablir les comptes et, concomitamment, rétablir les conditions de la croissance. Il n'y aura pas de croissance sans rétablissement des comptes publics, car la hausse des taux d'intérêt pénalise les investisseurs publics et privés. Il n'y aura pas non plus de rétablissement budgétaire sans croissance si l'on veut éviter l'austérité.

Pour rétablir les comptes publics, nous allons intégrer dans la loi organique les règles prudentielles qui s'imposent à tous les pays de la zone euro. La loi de finances pluriannuelle et le projet de loi de finances transcrivent cette ambition.

Un effort d'économie de 10 milliards sera réalisé, tandis que l'effort de la Nation se montera à 20 milliards, dont 10 qui seront le fait des entreprises, notamment des plus grandes qui échappaient jusqu'à présent en grande partie à l'impôt sur les sociétés.

Les initiatives pour la croissance voulue par l'Union européenne sont importantes. La Taxe sur les transactions financières (TTF) devrait servir de ressources propres au budget de l'Union européenne. Nous menons ce combat. Au niveau national, nous encouragerons par voie fiscale l'investissement des PME-PMI, nous créons la Banque publique d'investissement (BPI), nous prendrons des mesures pour la compétitivité, dans le respect du dialogue social.

Ce traité n'est rien d'autre qu'un héritage dont nous aurions pu nous passer si le déséquilibre des comptes publics européens n'était pas si important, si l'on ne s'était pas naguère affranchi des disciplines collectives.

J'en viens au contenu de ce traité. Le seuil maastrichtien de 3 % de déficit des comptes publics demeure. Le nouveau seuil de 0,5 % s'entend en termes de déficits structurels, ce qui autorisera des politiques contracycliques. Peut-on utiliser ces 0,5 % pour lancer de grands investissements structurels dont l'Europe a besoin ? Nous devrons en débattre avec nos partenaires.

Ce traité a-t-il un effet récessif, en obligeant à réduire le déficit et la dette à la fois ? Non : les États ne seront obligés de réduire d'un vingtième par an la part de leur dette qui dépasse 60 % que dans les trois ans qui suivront la période de déficit excessif. Ce point est important et mérite d'être souligné.

La Cour de Luxembourg n'aura pas à juger les comptes des États, mais seulement la transposition de ce traité en droit interne : c'est la règle ordinaire.

Enfin, la souveraineté. Une grande partie des dispositions de ce traité s'appliqueront même s'il n'était pas adopté, car il ne fait pour l'essentiel que synthétiser des règles existantes, comme celles du semestre européen qui prévoit déjà un dialogue budgétaire avec la Commission européenne.

De nombreuses critiques que j'entends ne sont donc pas recevables : non, l'État ne renonce pas à sa souveraineté. Ce traité ajoute des modalités d'application précises à des mesures existant depuis novembre 2011.

Ces règles empêchent-elles des politiques keynésiennes ? En cas de choc conjoncturel grave les États peuvent se dégager des contraintes de ce traité. Le seuil de 0,5 % de déficits conjoncturels n'est qu'un objectif à moyen terme. Le rétablissement des comptes doit donc être la règle en période de croissance, mais des assouplissements sont possibles en cas de crise. C'est la logique keynésienne.

Nous n'aurions pas signé ce texte en l'état, mais nous pouvons l'appliquer de diverses façons. (Sourires à droite) À nous en tenir à sa lettre, nous pouvons y lire des possibilités différentes de ce qu'ont voulu les conservateurs qui l'ont rédigé. Certains considèrent que ce traité est un tout. Nous ne le pensons pas et ce n'est pas ainsi que nous l'appliquerons car nous voulons aller plus loin en ce qui concerne la croissance et l'union bancaire.

La supervision bancaire doit être assurée par la Banque centrale européenne (BCE) et concerner toutes les banques, quelles qu'elles soient. Nous trouverons un compromis avec nos partenaires mais les compromis ne se bâtissent pas dans l'ambiguïté, surtout avec nos amis allemands.

M. Jean Bizet.  - On le note !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - La formule du cardinal de Retz, selon qui « on ne sort jamais de l'ambiguïté qu'à son détriment », ne s'applique pas aux relations européennes. Il est évident que nous ne sommes pas forcément d'accord sur tout mais nous commençons par dire aux Allemands ce que nous voulons faire prévaloir, pas ce que nous imaginons qu'ils veulent entendre. Il faut se dire la vérité les uns aux autres, c'est le meilleur moyen d'aboutir à des compromis. La relation franco-allemande n'est jamais aussi forte que lorsque nous nous disons les choses telles qu'elles sont. M. Giscard d'Estaing me disait que, contrairement aux apparences, il était loin d'être toujours d'accord avec Helmut Schmidt, mais qu'ils ne faisaient jamais état publiquement de leurs désaccords, grâce à quoi ils pouvaient négocier des compromis. Nous avons voulu aussi rééquilibrer les choses, ouvrir vers d'autres partenaires comme l'Espagne et l'Italie. C'est bon pour la France, pour l'Allemagne et pour toute l'Union européenne.

Nous souhaitons la mise en place d'une garantie des dépôts à l'échelle européenne. Certains considèrent qu'il faut pour cela un dispositif de mutualisation, quitte à modifier les traités si nécessaires. Si telle est la condition pour progresser vers plus de solidarité, nous le ferons.

Au sommet des 28 et 29 juin, des choses importantes se sont passées concernant la solidarité financière et monétaire. Le FESF peut intervenir pour faire baisser les taux. Nous voulons aller plus loin : pour conforter la zone euro, il faut une mutualisation complète, même si elle n'est pas encore envisagée. L'idée d'un fonds de rédemption, avancée par les sages allemands, préfigure plus de solidarité.

J'en viens aux perspectives. Sommes-nous prêts à aller plus loin dans l'union politique ?

M. Jean Desessard.  - Ah !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - Quand nous proposons l'intégration bancaire, c'est très concret. Quand nous proposons la mise en place d'obligations communes, ça l'est aussi. Oui, nous sommes prêts à accepter l'union politique, à condition que cela garantisse plus de croissance et de solidarité. Lors des élections européennes de 2014, les grandes formations politiques devront présenter leur candidat pour la présidence de la Commission européenne. Ce sera l'occasion d'une vraie campagne, dans laquelle chacun devra définir son ambition politique pour l'Europe.

Union politique ? Oui s'il y a un projet. On ne va pas dire aux Grecs « Vous souffrez, voici le remède : une convention » ! Ne faisons pas de la réforme institutionnelle un préalable à toute amélioration de l'Union.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - Il faut éviter un divorce entre l'Union européenne et les citoyens. La solidarité, l'innovation, le progrès social doivent être au rendez-vous de l'Europe.

Pour nous, ce traité est déjà dépassé, comme quelque chose dont nous héritons, que nous avons recontextualisé, dont nous voulons faire l'usage le moins mauvais possible au service d'une politique qui soit la meilleure. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances .  - Hier soir, la commission des finances s'est prononcée très majoritairement en faveur du TSCG. Je pourrais m'en tenir là mais je crois utile de dire comment j'ai forgé ma conviction.

La crise de l'euro est la crise d'une zone monétaire qui n'a pas tiré toutes les conséquences de l'adoption d'une monnaie commune et a laissé naître des déséquilibres macroéconomiques à l'abri de taux d'intérêt très faibles. Ce printemps, il y avait quelque chose d'angoissant à voir les dirigeants européens chercher à remédier à la crise sans s'attaquer à sa racine.

La BCE a pris ses responsabilités en laissant entendre qu'elle pourrait assouplir sa politique monétaire si les États prenaient des engagements de discipline budgétaire. C'est ainsi qu'est né le TSCG.

Après son élection, François Hollande a voulu rééquilibrer la politique européenne en insistant sur la croissance. Le pacte pour la croissance et l'emploi est bien loin d'être la supercherie dont parlent certains de nos collègues.

La donne a aussi changé sur le plan juridique : la révision de la Constitution, qui seule importait à la majorité précédente pour des raisons politiciennes, ne s'impose pas selon le Conseil constitutionnel.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - On pourrait quand même inscrire cette règle dans la Constitution.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Le TSCG est donc accompagné d'un volet sur la croissance et il n'est pas juridiquement contraignant. Autant dire que la donne a beaucoup évolué depuis le printemps.

L'objectif du solde structurel à moyen terme, l'OMT, qui ne peut être supérieur à 0,5 %, est la trajectoire que devront se fixer les États. Le Gouvernement retient comme OMT l'équilibre structurel, ce qui est bien plus exigeant. Le critère du solde structurel est bien plus intelligent qu'un calcul du déficit brut. Il autorise le recours à un déficit conjoncturel en cas de crise. Le seuil de 3 % s'imposait quelle que soit la conjoncture, ce qui pouvait conduire à ajouter la crise à la crise.

À l'avenir, la règle du TSCG sera-t-elle simplement adjointe au pacte de stabilité ou préfigurera-t-elle un nouvel équilibre ? Imputer à la seule règle de déficit structurel les efforts de la Nation ne correspond pas à la réalité. Certes, le concept de « solde structurel » aura besoin d'être mieux défini.

Le traité laisse une marge d'appréciation aux activités nationales et tout ne sera pas automatique. Pendant trois années consécutives, il sera possible de s'écarter de l'objectif. Il y a plus rigide ! Quant aux circonstances exceptionnelles, elles ne sont pas non plus définies précisément. Les règles ainsi posées sont donc plus souples qu'antérieurement.

Sur la règle de réduction de la dette, j'ai entendu beaucoup d'interprétations alarmistes et erronées. En fait, il s'agit simplement de réduire le ratio de la dette par rapport au PIB. Ce qui est possible sans excédent budgétaire. Si la France s'en tient à la programmation du Gouvernement, elle respectera sans problème le ratio. Ces règles ne plongeront donc pas l'Europe dans une austérité accentuée.

Que se passerait-il si la France ne ratifiait pas le traité ? Ce dernier entrerait quand même en vigueur, puisqu'il a déjà été ratifié par au moins douze États, mais sans la France, qui perdrait beaucoup de sa crédibilité. La BCE s'est engagée auprès des États sous réserve qu'ils fassent des efforts. Nos partenaires se sentiraient floués. Ils estimeraient que nous ne voulons pas faire d'efforts budgétaires et les taux d'intérêt risqueraient de flamber. Un retournement des conditions de nos financements nous coûterait très cher. Une menace sur la deuxième économie de la zone euro pèserait immanquablement sur la monnaie unique. Les aides du MES et de la BCE sont soumises à conditionnalité et notre pays en souffrirait.

L'action du Gouvernement et du président de la République contribue à améliorer le fonctionnement de la zone euro. (Rires à droite) Le dialogue franco-allemand s'est rééquilibré depuis le 6 mai. (Nouveaux rires sur les mêmes bancs) Ne fragilisons pas notre position en rejetant ce traité que nous serions en tout état de cause contraints d'accepter. Je vous invite donc à voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Philippe Marini, président de la commission des finances .  - (Applaudissements sur les bancs UMP ; Mme Marie-Hélène Des Esgaulx s'exclame : « Passons aux choses sérieuses ! ») J'arriverai à la même conclusion que M. le rapporteur général, sans faire du traité exactement la même lecture. (On s'en félicite à droite) Ce texte est rigoureusement identique à celui que M. Sarkozy a signé. Son article 12 institutionnalise les sommets de la zone euro dont l'ancien président de la République avait pris l'initiative en 2008 lors de la présidence française. Je comprends qu'on fasse l'éloge de l'immédiat, mais il serait équitable de reconnaître la continuité des efforts de la France dans ses relations européennes.

M. Jean-Pierre Caffet.  - Ça se discute !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - l'article 13 met en place une conférence des parlements nationaux et du Parlement européen dans le domaine budgétaire ; c'est un pas encore timide vers une meilleure association.

Surtout, le traité est le gage de la volonté des États signataires de respecter leurs engagements. Nous n'étions pas sûrs, il y a quelques mois, de la pérennité de l'euro. Des gouvernements de tous bords ont tenu à Bruxelles des discours d'opportunité ; ce ne sera plus possible.

La majorité et le Gouvernement développent des arguments complexes pour mieux enrober le changement que l'exercice du pouvoir induit naturellement. Mais je suis inquiet quand j'entends certains propos. Quelle insistance a mis le Premier ministre à nous dire que le traité était plus souple que celui de Maastricht ! Le Gouvernement n'est-il pas tenté de renouer avec les pratiques du passé, lorsqu'on parlait français à Paris et européen à Bruxelles ? Tant de gouvernements l'ont fait...

M. Jean-Pierre Caffet.  - Notamment le dernier !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - À l'exception des deux derniers, tous les programmes de stabilité ont été en décalage systématique et volontaire avec la réalité...

Certes, le Conseil constitutionnel a jugé que le traité pouvait être transposé par une loi organique. Le souverainiste que je suis s'en réjouit. Le sérieux dont il faut faire preuve, la confiance qu'il faut susciter ne peuvent procéder que de notre volonté. (M. Jean-Claude Lenoir approuve) Encore faut-il éviter de laisser entendre qu'il s'agit d'une contrainte formelle qu'on pourra fort aisément aménager... Les réveils, sinon, seront douloureux.

L'article 8 autorise la Commission européenne et les États à saisir la CJUE si un État ne respecte pas ses obligations. La nouvelle règle du solde structurel, plus intelligente que celle du solde nominal, est supranationale. La Commission européenne définira l'étalon : d'où l'importance des comités budgétaires indépendants, chez nous du Haut conseil des finances publiques (HCFP). Le concept de solde structurel se substitue à l'obligation des 3 % mais aussi à celui d'effort structurel qui figurait dans le projet de révision constitutionnelle de juillet 2011, concept moins contraignant puisqu'on peut toujours jouer avec les hypothèses de croissance. Vous n'avez pas voulu de cette révision, et souscrivez à présent à un texte plus rigide... L'histoire progresse grâce à ses contradictions !

L'article 3 comportait une étrange erreur rédactionnelle. Il n'autorise à s'écarter de l'objectif de 0,5 % de déficit structurel qu'en cas de « circonstances exceptionnelles » ; les pairs diront ce qu'il en sera. Avec les mécanismes de correction automatiquement déclenchés en cas d'écart important et la création d'institutions indépendantes chargées au niveau national de vérifier le respect des règles, nous avons bien un cadre précis.

Ce n'est pas de la littérature ! Notre pays, qui a péché par le passé, inspirera ainsi de nouveau confiance. Mais cela supposera des réformes. On ne peut pas chercher la croissance que dans le keynésianisme, faute de marges de manoeuvre. (M. Jean Bizet approuve)

Nous voterons le traité. Mais en ce qui me concerne, je jugerai sur pièces la loi organique, à l'aune de l'indépendance et des compétences réelles du Haut conseil.

M. Pierre-Yves Collombat.  - Bureaucratie !

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Les technocrates au pouvoir !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - Monsieur le ministre, écoutez nos arguments. Sans doute pourrez-vous vous passer de nos votes pour la loi organique.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Pas au Sénat !

M. Philippe Marini, président de la commission des finances.  - C'est vrai ! Mais sur un tel sujet, faisons prévaloir l'intérêt général. Le temps n'est plus aux petites tactiques de conseil général ! (Exclamations sur divers bancs) Nous gagnerons les uns et les autres à définir ensemble les règles du jeu pour demain et après-demain. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Bravo !

M. Daniel Reiner, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.   - En février, lorsque nous avons débattu du MES, l'austérité était le seul horizon de la politique européenne. Sa réorientation a créé un nouvel équilibre reposant sur trois piliers.

La responsabilité budgétaire d'abord : non par contrainte, mais au nom de l'engagement du président de la République dès lors qu'elle va de pair avec une politique de croissance. Un budget en équilibre ? Que faisons-nous d'autre dans nos collectivités? L'objectif de 3 % paraissait en 1995 si difficile à atteindre ! L'assainissement budgétaire, nous nous le devons d'abord à nous-mêmes, sous peine d'être réduits à l'impuissance par des taux d'intérêt exorbitants et de voir le poids de la dette faire disparaître nos marges de manoeuvre.

Ce traité d'inspiration disciplinaire voulu d'abord par les Allemands ne nous est pas devenu subitement sympathique, mais à l'examen il n'ajoute pas grand-chose aux règles actuelles, et laisse des marges de manoeuvre significatives.

La solidarité européenne ensuite. Dès le lendemain de son élection, le président de la République s'est attaqué à la réorientation de la politique européenne en faveur de la croissance et de l'emploi. Le pacte voulu par la France, qui n'est pas séparable du traité, a créé un état d'esprit nouveau. L'union bancaire, la supervision, la garantie des dépôts, l'augmentation de la force de frappe de la BCE, le lancement de la taxe sur les transactions financières aideront à relancer l'économie européenne. Rien n'a changé mais tout a changé.

La légitimité démocratique enfin. Je constate avec tristesse le gouffre qui sépare désormais l'Europe et les citoyens. C'est en renforçant le contrôle démocratique de l'Union que nous lui redonnerons sa légitimité. Ce texte n'opère aucun transfert de compétences. C'est la dette qui menace notre souveraineté. Cependant, il faut renforcer le contrôle démocratique de l'euro-zone.

Les grands choix de société qui sont devant nous ne peuvent être confisqués par un cénacle d'experts, ils doivent être publiquement débattus et démocratiquement assumés. L'article 13 offre un rôle nouveau aux parlements nationaux. Dès le mois de mars, une résolution du Sénat avait esquissé la forme de ce dialogue ; l'Assemblée nationale en a adopté une autre, très proche. Il faut aller de l'avant.

L'intégration économique et monétaire appelle l'intégration budgétaire et politique.

Ne pas ratifier le traité, c'est enliser durablement l'Europe dans le blocage politique. Le ratifier, c'est donner au président de la République les moyens de réorienter l'Europe vers la croissance et l'emploi. Quels instruments de solidarité ? Quel degré de mutualisation des dettes ? Quelle harmonisation fiscale et environnementale ? Quelle politique industrielle ? Quels successeurs à Airbus et Ariane ? À la France d'apporter ses propres idées au débat. La France est plus grande et plus forte dans l'Europe. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes .  - Le TSCG est mal né ; voulu par l'Allemagne, il a fait l'objet d'un marchandage des Britanniques et n'a été signé finalement que par 25 États. Il est ensuite devenu le symbole des politiques d'austérité. En fait, c'est une partie d'un tout : rigueur budgétaire, solidarité financière, politique de croissance. Ce dernier volet était manquant : c'est pourquoi nous avons parlé de renégociation. Le président de la République l'a obtenue : ne faites pas de mauvais procès sur un mot.

Une règle d'or ? Certains y voyaient un repoussoir, d'autres la paraient de vertus thérapeutiques sans limite. Le TSCG définit un objectif de solde structurel à moyen terme, au lieu des règles mécaniques de Maastricht. Si nous devons revenir à 3 % de déficit en 2013, c'est en raison du traité de Maastricht !

Je n'ignore pas les dangers des politiques de rigueur. Mais l'assainissement est aujourd'hui indispensable et s'impose sans le TSCG : avec une dette de plus de 90 %, un État ne peut manquer d'être sanctionné par les marchés.

M. Jean Bizet.  - Exact !

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Le six-pack a déjà réformé le pacte de stabilité et de croissance de 1997. Les juridictions constitutionnelles française et allemande ont toutes deux souligné que le traité ne faisait pour l'essentiel que reprendre des dispositions existantes. Selon le Conseil constitutionnel, il n'y a pas de nouveau transfert de compétences ni atteinte aux « conditions essentielles d'exercice de la souveraineté nationale ».

L'importance du traité tient donc surtout à sa forme, solennelle. Ce n'est pas un bouleversement. Il n'est pas synonyme d'austérité : l'article 9 appelle à une politique de croissance économique, grâce au renforcement de la convergence et de la compétitivité. Encore fallait-il une action conjointe qui la traduise concrètement ; la France l'a obtenue.

L'article 13 donne une base au contrôle interparlementaire des politiques économiques et budgétaires. La mise en oeuvre de cette mesure devra être rapide.

La discipline budgétaire est indispensable, nous le savons tous. Le débat porte sur les contreparties et la coordination des politiques budgétaires et économiques. Ce traité ne mérite donc « ni cet excès d'honneur, ni cette indignité ». Son approbation est nécessaire pour que les autres piliers de l'équilibre dont il fait partie soient préservés. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Pierre Bernard-Reymond .  - La crise financière a révélé la fragilité de l'Union économique et monétaire, qui n'a bâti qu'un seul des deux piliers de sa monnaie et qui est très endettée. Le TSCG vise à éviter la reproduction des erreurs et dissimulations passées et fait progresser l'intégration. Ce traité n'est pas celui de M. Sarkozy, de M. Hollande ou de Mme Merkel : il est celui des 25 pays européens qui l'ont signé.

Parmi ceux qui appellent à le rejeter, il y a les nationalistes qui surfent sur la montée des populismes ; et ceux qui, au nom de la lutte contre l'austérité et de leur condamnation du capitalisme en finissent par faire l'éloge de la dette. Aux premiers, je dis qu'au siècle de la mondialisation, si nous ne nous unissons pas, les pays émergents déjà submergents nous avaleront les uns après les autres. Aux seconds, je dis que si tout le monde a été, est ou sera keynésien, la relance est d'autant plus efficace qu'elle concerne un pays qui a profité des années de vaches grasses pour se désendetter -ce qui n'est pas le cas de la plupart des pays d'Europe. Dans cette situation délicate, la relance serait plus pertinente au niveau européen puisque l'Europe n'est pas endettée ; mais il faudrait que le budget européen soit alimenté par des ressources propres et non par les cotisations des États.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances.  - Eh oui !

M. Pierre Bernard-Reymond.  - La sophistication du TSCG est une autre raison de le ratifier. La définition du déficit structurel, la création d'institutions nationales indépendantes de surveillance, les dérogations possibles en cas de circonstances exceptionnelles prouvent que ses auteurs ont tiré les leçons du passé.

On ne peut s'opposer à la construction de l'Europe au motif qu'on n'approuve pas toutes les politiques qu'elle conduit ! Poursuivons-la et chacun pourra y combattre pour la société de son choix. Rejeter ce traité, c'est se livrer aux marchés financiers, c'est renoncer à une économie durable.

Je voterai le traité avec conviction, en attendant le suivant. L'Europe reste encore trop peu intégrée pour se défendre, pour démontrer son efficacité aux yeux des peuples. Ses carences alimentent nationalisme et populisme. L'Europe, qui se fait à petits pas, a parfois besoin de grandes enjambées. Il faut un peu moins s'intéresser à la tactique électorale ou à la solidité des coalitions, et réunir les Français autour de la République et de ses valeurs fondamentales, autour aussi d'un projet à long terme qui ne peut se concevoir qu'adossé à des perspectives européennes. L'Europe a moins besoin de tacticiens que d'hommes d'État, peut-être même de prophètes. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Éliane Assassi .  - « Ce qui est important, c'est la souveraineté de la République face aux marchés » disait le candidat Hollande au Bourget. Ces propos avaient suscité de grands espoirs dans la population, qui voyait la promesse d'en finir avec le tout-financier de l'ère Sarkozy. Or le traité Merkozy se fonde sur le même credo libéral que les précédents ; en son centre, il y a la mise sous tutelle des États pour préserver la domination de l'Europe par le pouvoir financier.

Depuis juillet, depuis que le président de la République a renoncé à le renégocier, on veut persuader nos concitoyens que ce traité n'est qu'un petit pacte entre amis. Selon Mme Guigou, il n'innove en rien et est dans la filiation de celui de Maastricht ; mais Maastricht, c'est 115 millions de personnes menacées par la pauvreté, c'est 25 millions de chômeurs, c'est la jeunesse italienne ou grecque privée d'emploi, c'est la remise en cause des services publics, c'est la désindustrialisation massive, la mainmise de la finance sur l'économie. Aux peuples de payer l'addition !

De la banalisation, M. Ayrault est passé à l'illusion. Le traité ne comporterait aucune contrainte sur le niveau de la dépense publique, sur sa répartition, sur la méthode employée pour rééquilibrer les comptes. On se demande bien pourquoi on avait pensé le renégocier ! En fait, il répond à la crise par l'austérité : fonctionnaires, protection sociale et services publics sont accusés de tous les maux en Europe, dans la logique du traité de Lisbonne et du traité constitutionnel que beaucoup ici ont combattu. (M. Guy Fischer le confirme) Surtout, il met en place un dispositif contraignant et automatique, sans aucune place pour la négociation politique entre États, peuples et parlements seront soumis au verdict d'institutions technocratiques et des juges européens.

Le projet de loi organique -débattu à l'Assemblée nationale avant même que le Sénat n'examine le traité, ce qui démontre la place toute relative de notre assemblée-...

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - C'est vrai !

Mme Éliane Assassi.  - ...confirme la visée austéritaire de l'accord Sarkozy-Merkel. L'État, mais aussi les collectivités territoriales et la sécurité sociale y seront soumis. Le projet de loi organique applique strictement le traité : comment peut-on voter celui-là après avoir rejeté celui-ci ?

Les collectivités territoriales sont mises sous tutelle, alors que leurs investissements sont essentiels pour l'économie nationale.

M. Philippe Bas.  - C'est vrai !

Mme Éliane Assassi.  - Dans sa décision du mois d'août, le Conseil constitutionnel a-t-il oublié le principe de la libre administration des collectivités territoriales ?

Pour imposer sa loi, le marché restreint l'expression démocratique. Le MES et le TSCG ont un objectif avoué : sauver le système bancaire, pourtant source du désordre actuel. Comment un système démocratique digne de ce nom peut-il accepter que les banques s'enrichissent toujours plus grâce à la dette ? Et n'oublions pas que ce sont les opérations obscures de Goldman Sachs qui ont plongé la Grèce dans la crise, que d'anciens dirigeants de la banque, les Draghi et les Monti, sont aujourd'hui aux manettes : comment croire qu'ils ont changé ?

Une nouvelle fois, le Conseil constitutionnel a pris une décision politique, dénuée de fondement juridique. La Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 impose pourtant le contrôle des finances publiques par le peuple et par lui seul ! Et on voudrait nous faire croire que la supervision de la BCE ne se fera pas au profit des banques ! Les mécanismes contraignants, les sanctions automatiques, le contrôle interne et externe sont des atteintes insupportables au pouvoir populaire.

Changer cette Europe-là, c'était semblait-il l'objectif du président de la République. Il n'a pas voulu ou pas pu renégocier le traité : qu'il s'en remette donc au peuple. J'ai entendu vos arguments sur le référendum, monsieur le ministre, je ne puis y souscrire. Faute de réunir les signatures nécessaires, nous n'avons pu déposer de motion référendaire...

« Je ne veux plus de cette Europe obscure, hautaine. Je veux une Europe au grand jour, sincère, populaire, dont on soit fier ». Ce sont les mots de M. Ayrault en 2008. Nous poursuivons notre combat pour une Europe sociale, solidaire, en rupture avec la domination de l'oligarchie financière. Nous voterons donc contre ce traité de soumission à l'ordre libéral. Le changement, nous y croyons, avec dynamisme et combativité. (Applaudissements sur les bancs CRC)

M. Aymeri de Montesquiou .  - La déclaration du Premier ministre exprimant sa satisfaction devant l'adoption par sa seule majorité du TSCG semble dérisoire, car s'il pouvait être heureux d'avoir enregistré moins de défections qu'il ne craignait, l'important c'était le vote massif en faveur de ce traité.

N'infantilisons pas ce débat : réjouissons-nous de cette convergence. Il n'y avait pas plusieurs réponses à apporter mais une seule. Nos partenaires craignent nos atermoiements. Une quasi-unanimité du Parlement permettra d'arriver à une convergence européenne.

Vos responsabilités vous conduisent à observer nos partenaires. Nous espérons la convergence des politiques économiques et fiscales pour parvenir à la convergence. Jacques Delors affirmait que la crédibilité européenne était liée à la réussite de l'union économique et monétaire. Le traité renforce l'union monétaire, sans réaliser l'union économique. Le pacte de 1997 a révélé ses lacunes et ses limites. La crise des dettes souveraines a révélé les faiblesses de cette zone. L'Union s'essouffle, chancelle, trébuche mais elle ne mérite pas de se démembrer : ses membres partiraient à la dérive. L'Europe évolue parmi de nouveaux actes internationaux puissants. Elle doit montrer sa confiance en elle, car c'est une organisation qui, selon le mot de Robert Schuman, dépasse la Nation, non pour l'absorber mais pour lui conférer un champ d'action plus large. Quel serait le poids de la France en dehors de l'Europe ? La non-ratification de ce traité provoquerait une spéculation massive. On n'est pas souverain avec 90 % de déficits publics. Le fait que la Commission juge les budgets nationaux n'est pas signe de tutelle sur les États. La souveraineté nationale n'est plus d'actualité : il faut aller vers une définition fédérale de cette souveraineté.

L'issue politique est le fédéralisme d'États-nations. Nous devons restaurer le lien de confiance entre nos concitoyens et l'Europe. Ce traité, qui ne constitue qu'une étape, ne porte pas atteinte à la souveraineté nationale, a dit le Conseil constitutionnel. Il n'est sans doute pas idéal. Il renforce la discipline budgétaire. L'article 3 énonce la fameuse règle d'or, qui a suscité bien des fantasmes. Sommes-nous assez vertueux pour réduire seuls nos déficits publics ? L'histoire des trente dernières années prouve le contraire. Le président Arthuis a dénoncé un « pacte de menteurs et de tricheurs ». Faisons enfin preuve de responsabilité et de courage. Ce traité nous incitera à nous soigner de notre addiction à la dépense publique.

Vous aurez notre soutien, monsieur le ministre, pour les grands projets d'intégration que vous avez annoncés. Le pacte pour la croissance est une bonne chose, mais il reste modeste. La taxe sur les transactions financières entrera enfin en vigueur, mais il faudra à l'Europe d'autres ressources propres, et un budget.

L'Europe doit être unie et charpentée. Vous voulez réorienter l'Europe : nous y sommes favorables. Mais vous évoquez souvent le keynésianisme, qui suppose pour être efficace que l'Europe soit beaucoup plus homogène.

La recette la mieux adaptée demeure le courage. Pour arriver à l'Europe que nous voulons, il faudra faire beaucoup d'efforts, et de courage, vertu trop oubliée ces trois dernières décennies. Le courage, c'est souvent l'autre nom du bon sens. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Christian Bourquin .  - Je suis déterminé à voter ce texte. Un nouvel affaiblissement de la France et de l'Union européenne ne ferait qu'empirer les choses. La crise n'épargne aucun peuple. Tergiverser rendrait la situation des plus fragiles encore plus insupportable.

Chaque parlementaire doit se demander ce que ce traité apporte à la France et à l'Union européenne.

Ce traité renforce la discipline budgétaire et améliore la gouvernance dans la zone euro. Le pacte budgétaire fait l'objet de débats passionnés mais souvent approximatifs. Pour l'essentiel, ce traité reprend des textes en vigueur. La règle d'or ? Le déficit structurel des administrations publiques ne devrait pas dépasser 0,5 %, au lieu du 1 % antérieur. Mais la discipline budgétaire avait déjà été renforcée avec le six-pack entré en vigueur en 2011.

Mme Merkel souhaitait l'automaticité des sanctions et un rôle accru de la Commission. Elle n'a pas été suivie.

M. Simon Sutour, président de la commission des affaires européennes.  - Heureusement !

M. Christian Bourquin.  - Le Conseil constitutionnel estime que le TSCG n'opère aucun transfert de souveraineté. L'équilibre des comptes publics est déjà inscrit dans notre Constitution. Il convient de ne pas reporter sur les générations futures le poids de nos déficits : cela s'appelle la responsabilité.

M. Christian Bourquin.  - La notion de déficit structurel est plus pertinente économiquement et plus simple, même si sa définition reste à préciser.

Comme l'a dit le Conseil constitutionnel, ce traité ne remet pas non plus en cause les prérogatives du Parlement. En outre, le projet de loi organique relatif à la programmation des finances publiques contient des nouveautés intéressantes : un objectif budgétaire à moyen terme et une trajectoire sur trois ans, dont le respect sera vérifié annuellement : quoi de plus normal ? Un Haut conseil des finances publiques sera créé : nous avons 680 hautes autorités, peut-être faudrait-il procéder à un certain nettoyage. (On approuve sur plusieurs bancs)

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx.  - Ne les mettez pas toutes sur le même plan !

M. Christian Bourquin.  - Cette Haute autorité sera chargée de vérifier les prévisions de croissance du projet de loi de finances, comme le réclament les parlementaires depuis longtemps. Les droits du Parlement seront ainsi renforcés. En cas d'écart, le mécanisme de correction sera mis en oeuvre.

Le TSCG est donc moins nocif que certains ne le disent. Le traité contient d'autres mesures non négligeables : la coordination des politiques économiques et budgétaires, notamment. Seule l'union monétaire est en place aujourd'hui. Il faut y remédier le plus rapidement possible pour mettre fin à la concurrence déloyale au sein de l'Union européenne. Pensez à l'impôt sur les sociétés pratiqué en Irlande. Un gouvernement économique européen devrait être mis en place. Le traité institutionnalise les sommets économiques qui devraient se réunir régulièrement. L'article 13 prévoit une conférence interparlementaire qui augmentera les pouvoirs des parlements nationaux. Saisissons-nous de cette possibilité !

Le traité ne peut être considéré en dehors de la conjoncture actuelle. La détermination de notre président de la République a beaucoup fait pour le pacte de croissance, pour la taxe sur les transactions financières, pour l'union bancaire : autant d'évolutions fondamentales pour construire une Europe plus solide, plus solidaire, donc plus démocratique.

Ratifions aujourd'hui ce traité pour ne pas menacer la construction européenne. L'Union européenne est une construction unique au monde. Il est urgent de lui redonner un projet politique. Mettons sur pied un gouvernement d'Europe élu par les peuples.

La grande majorité du RDSE est convaincue que l'Europe est l'avenir de la France. C'est pourquoi elle votera ce TSCG. En 2005, j'ai fait partie des socialistes nonistes, comme vous monsieur le ministre. Cette époque est révolue. (Rires) Il n'y avait pas de crise. Je fais donc preuve de cohérence en faisant le choix de la solidarité économique et financière en Europe. La BCE intervient pour racheter la dette des pays en difficulté : voilà la solidarité. Dites au président de la République qu'il continue à faire bouger les lignes en Europe. Nous serons derrière lui. (Applaudissements sur les bancs RDSE, centristes ; M. André Gattolin applaudit aussi)

M. Jean-Vincent Placé .  - M. le premier ministre, dans son beau discours, a dit qu'il voulait réorienter la construction européenne. Je suis d'accord avec lui, même si je suis opposé à la ratification de ce traité. J'assume cette position, qui est celle de la majorité de mon organisation. Ce débat traverse toute la gauche. C'est une bonne chose de faire vivre le débat au Parlement et dans la majorité. C'est utile pour la démocratie et Mme Blandin vous dira pourquoi elle s'abstiendra.

Les écologistes sont soucieux du désendettement et comme le Premier ministre préfèrent investir dans l'éducation, la santé, l'écologie que dans le remboursement des intérêts de la dette. Pendant trente ans nous avons vécu à crédit pour maintenir un mode de développement insoutenable. Depuis février, nous n'avons pas changé de position. Je participais cet après-midi avec Pierre Laurent à une manifestation devant le Sénat : ce traité suscite la perplexité, d'autant que le Parlement européen n'a pas eu son mot à dire. C'est une première en trente ans !

En outre, ce traité est celui du président sortant, qui a été battu, et de Mme Merkel, soumise à réélection l'année prochaine. La démocratie est donc atteinte. Et ce texte est marqué par la philosophie de ces membres du PPE.

Si je salue les avancées du sommet de Bruxelles, la nature du traité, qui n'a pas été renégocié, n'a pas changé : c'est toujours la philosophie ultralibérale. J'ai voté, à 20 ans, le traité de Maastricht, pour les raisons qu'avance aujourd'hui le Gouvernement et je le regrette car depuis, on n'a pas vu d'Europe sociale, politique, écologique se construire.

M. Jean-Pierre Chevènement.  - Vous auriez- du m'écouter ! (Sourires)

M. Jean-Vincent Placé.  - Pour réduire les déficits, l'État doit-il gérer son budget « en bon père de famille » ? Ce n'est pas un ménage, il peut avoir à mener des politiques contracycliques. Le débat sur l'offre et la demande m'inquiète. Les « pigeons », en trois jours, ont obtenu un milliard de baisse d'impôts, alors qu'on n'écoute pas les ouvriers de PSA ou de Fleurange. Il n'y aura plus de déficits ? Mais que va-t-il se passer ? Comme on ne peut augmenter les impôts on va réduire les dépenses, les services publics. Je suis préoccupé par cette austérité qui s'annonce. Les 0,8 % de croissance se réduiront peut-être à 0,3 %, voire moins et il n'y aura plus de chômage. Il y a une inquiétude dans la population, les syndicats, les associations, les partis de gauche.

Le Gouvernement veut conserver la confiance des marchés, donc des taux d'intérêt bas. Mais à quoi serviront-ils si personne n'investit, même pour acheter un bistrot ?

Quand MM. Bartolone, Désir et Fabius s'interrogent sur les 3 %, quand la Confédération européenne des syndicats unanime proteste, faut-il s'étonner de notre position ? En 1997, on a dit que les critères de convergence seraient renégociés. Il n'en a rien été. Ne désespérez pas le peuple de gauche ! (Applaudissements sur plusieurs bancs écologistes et sur les bancs du CRC)

M. Jean Bizet .  - Le groupe UMP votera ce traité mais sera attentif aux projets de loi qui suivront pour que la France puisse atteindre les objectifs fixés. La ratification de ce traité est une nécessité pour la France et pour l'Union européenne. L'approfondissement de l'union économique et financière est nécessaire, face à la crise.

L'article 3 fixe la règle d'or et l'article 13 prévoit une conférence des parlements nationaux. Nous sommes cohérents et responsables. Il n'en a pas été de même en février dernier quand le groupe socialiste s'est abstenu sur le MES.

L'intérêt de l'Europe est au-dessus des contingences politiques nationales. Ce traité est bien celui négocié par Nicolas Sarkozy. De plus, le pacte de croissance se trouvait déjà dans les conclusions du G20 de Londres de 2009. Il y a donc continuité en cette affaire.

Seul élément nouveau : une déclaration de principes annexée, mais sa valeur juridique n'est pas très contraignante.

Nous nous félicitons du retour de la majorité à la réalité. Avec l'intervention de la BCE, les tensions sur les marchés se sont apaisées mais cela ne durera qu'un temps.

Je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre : pas de croissance sans rétablissement des comptes publics, mais pas non plus sans réformes structurelles ; pas de pérennité de la monnaie unique sans convergence économique, oui mais pas sans réduction des dépenses publiques. En France, nous comptons 17 millions d'habitants en moins, mais 150 milliards de dépenses en plus que l'Allemagne.

Les relations franco-allemandes doivent se fonder sur un discours national plus exigeant ? Cela m'inquiète car il faut la convergence économique.

Quand vous parlez d'héritage, vous oubliez la réforme des retraites, la RGPP et la TVA sociale.

M. Bernard Cazeneuve, ministre délégué.  - Gardez cet héritage !

M. Jean Bizet.  - Il est de notre responsabilité d'améliorer le fonctionnement de l'Europe. Le TSCG apporte une réponse, grâce notamment à la conférence interparlementaire, mais quelle sera la coordination ? La ratification de ce TSCG est très importante pour la construction de l'Union européenne. Je m'interroge sur la cohérence entre les engagements pris à Bruxelles et la politique menée à Paris. La plupart de nos voisins allongent la durée des cotisations retraite et notre Gouvernement revient aux 60 ans ! Vous n'abordez pas le financement de la protection sociale, réforme indispensable à l'équilibre de nos finances publiques.

Depuis cinq ans, l'Union européenne a réussi des progrès colossaux, mais cela reste insuffisant. Il nous faut continuer à avancer pour ne pas continuer à nous faire distancer par l'Allemagne. Il faut aller vers une union plus solide et mieux intégrée avec l'union bancaire, l'union budgétaire la politique économique commune et la démocratisation des processus. La Commission vient en ce sens de proposer une contractualisation avec les États.

Le 18 octobre, le président de la République devra endosser les habits de M. Schröder ou ceux de René Coty.

M. François Rebsamen.  - Il revêtira ceux de François Hollande.

M. Jean Bizet.  - Selon son choix, il entrera, ou non, dans l'histoire. Pour faire des réformes il faut un consensus. Comme pour le traité, l'UMP saura être constructive, dans l'intérêt de la France. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Richard Yung .  - Le TSCG est un engagement politique de 25 États de respecter la discipline budgétaire du pacte de stabilité, afin d'éviter que ne se reproduisent les errements des années 2000, quand Paris et Berlin se sont affranchis de leurs engagements. C'est aussi le choix du redressement fait par le président de la République. Le groupe socialiste le soutiendra.

Le débat porte surtout sur les articles 5 à 8, relatifs au pacte budgétaire. Les réactions de certains me paraissent d'autant plus disproportionnées que le pacte de croissance a réorienté l'Union européenne. Le traité ne fait que consolider les dispositions existantes du six-pack, en vigueur depuis le 13 décembre 2011 et du two-pack -pardon de ce jargon- en préparation.

La règle d'équilibre a été suffisamment décrite. La seule nouveauté est le seuil de 0,5 %. L'article 3 donne une définition des circonstances exceptionnelles qui reprend celle du pacte de stabilité : un écart avec la croissance normale, hors inflation. Il faudra définir une méthode de calcul. Ce n'est pas encore extrêmement clair.

Quant au renforcement de la procédure pour déficits excessifs, le traité ne fait que reprendre la règle du six-pack : la majorité qualifiée inversée. On peut se demander ce qu'il en sera dans la vie réelle... Seule nouveauté : les États soumis à une telle procédure devront conclure un contrat de partenariat prévoyant des réformes structurelles.

Le TSCG ne constitue pas un carcan. Il laisse une grande latitude aux États, et ne porte pas atteinte à leur souveraineté. Il ne définit ni le niveau de la dépense publique, ni sa répartition, ni la méthode de retour à l'équilibre.

La Cour de Luxembourg ne contrôlera pas la mise en oeuvre des règles en tant que telles, seulement la transposition en droit national des dispositions du traité. Celui-ci, comme l'a bien exposé le ministre, n'interdit nullement les politiques de croissance. Il permettra la mise en oeuvre effective du MES, donc de la solidarité européenne.

Quelques clarifications sont attendues sur la définition du déficit structurel et de la croissance potentielle et sur le fonctionnement de la conférence interparlementaire, le contrôle étant la condition de l'acceptabilité du texte. Faut-il aller plus loin dans l'intégration ? Mme Merkel le souhaite, sans doute pour des raisons électorales, mais soyons prudents. François Hollande prône une intégration solidaire progressive : c'est la bonne voie.

Le TSCG ne révolutionne rien, il consacre des principes de gestion budgétaire et doit être replacé dans son contexte. Le groupe socialiste le votera. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 11 octobre 2012, à 9 h 45.

La séance est levée à minuit quarante-cinq.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 11 octobre 2012

Séance publique

À 9 heures 45

1. Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance au sein de l'Union économique et monétaire.

À 15 heures

2. Questions d'actualité au Gouvernement.

À 16 heures 15 et le soir :

3. Suite de l'ordre du jour du matin.