Droits et libertés des collectivités territoriales (Proposition de résolution)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de résolution relative au respect des droits et libertés des collectivités territoriales, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution par M. Jean-Claude Gaudin et les membres du groupe UMP apparentés et rattachés.

Discussion générale

M. Jean-Pierre Raffarin, auteur de la proposition de résolution .  - La décentralisation est une très belle aventure et son histoire est inséparable de celle de la République. Dans ces moments incertains, c'est un bon sujet de réflexion collective. Tous les Républicains peuvent se retrouver dans cette démarche qui vise à rapprocher les élus des électeurs.

Depuis la Grande Révolution, la décentralisation est devenue réalité sous la IIIe République, avec le programme de Nancy, en 1865, soutenu à la fois par les légitimistes Montalembert et Falloux, l'orléaniste Guizot mais aussi un républicain comme Ferry.

M. Gérard Longuet.  - Un grand Vosgien !

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Il s'agissait d'affranchir la commune de la tutelle du préfet.

M. Gérard Longuet.  - Et ils le firent !

M. Jean-Pierre Raffarin.  - La loi de 1884 fut décisive pour assurer la pérennité de la République. La déconcentration apparaît en 1869 puis le mouvement se poursuit au XXe siècle : Pierre Mendès-France, avec la République moderne, puis le général de Gaulle, qui voit dans les régions la puissance économique de demain, Jean-Jacques Servan-Schreiber qui défend le fait régional, Georges Pompidou qui crée l'établissement public régional, puis Giscard d'Estaing, qui donnera à Paris son statut municipal, enfin François Mitterrand nivernais mais aussi charentais, qui affirme que si la France eut besoin d'un pouvoir fort pour se faire, elle a besoin d'un pouvoir décentralisé pour ne pas se défaire.

Il y a trente ans, nous franchissions, avec l'acte I, une étape historique. Étape décevante sur bien d'autres sujets, mais qui nous remplit d'espérances avec cette réforme à laquelle j'adhérais et que j'ai suivie pendant 18 ans en tant que président de la région Poitou-Charentes.

Avec Alain Fouché, nous avons un vécu très heureux de cette décentralisation animée dans notre département par le président Monory. Les lycées, les collèges ont connu des changements profonds, le préfet est devenu un metteur ensemble. Les différents échelons de notre République, y compris l'Europe, ont appris à nouer ensemble de véritables relations contractuelles, leviers de l'action commune. Je regrette que les contrats de plan se soient dispersés, que le fait régional se définisse en opposition à l'État. La région n'est pas une Nation mais une part de la Nation. Mais l'acte I a eu l'effet positif de rassembler les Girondins de droite et de gauche et de faire bouger les lignes politiques. Les organes centraux des partis politiques sont des apôtres de la centralisation -il faut le bon sens des élus de terrain pour corriger le tir.

M. Bruno Sido.  - Tout à fait !

M. Jean-Pierre Raffarin, auteur de la proposition de résolution.  - A Matignon, j'avais convaincu le président Chirac d'engager l'acte II de la décentralisation, ce qui ne faisait pas vraiment consensus au sein de la majorité. Il m'a fait confiance pour mener à bien ce chantier, en centrant la région sur le développement et la stratégie économiques et le département sur les sujets de proximité. La République française est décentralisée. Le nouvel article 72 de la Constitution confie aux collectivités territoriales de nouveaux pouvoirs. Leur libre administration est aussi constitutionnalisée. La démocratie de proximité a été renforcée. Voyez la belle initiative démocratique alsacienne ! Nous saurons dans quelques jours la vérité sur le conseiller territorial. Le rôle du Sénat a été renforcé. Cela lui donne l'autorité pour corriger les copies gouvernementales successives, ce qui est plus que jamais d'actualité alors que l'État a repris la main sur bien des domaines à la faveur de la crise. (Approbation à droite)

Aujourd'hui, l'acte III de la décentralisation est en préparation, avec quelques soubresauts.

M. Bruno Sido.  - Il est mort-né !

M. Jean-Pierre Raffarin.  - La proposition de résolution invite la Haute assemblée à rappeler ses convictions sur le sujet, alors que l'exécutif semble toujours à la recherche d'une ligne directrice.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Dans tous les domaines...

M. Jean-Pierre Raffarin, auteur de la proposition de résolution.  - La résolution proposée reprend les grands acquis de l'acte I et de l'acte II. La commune doit rester au coeur du dialogue territorial. Le bloc communal est le centre de la démocratie locale. (« Très bien ! » à droite) L'intercommunalité, nous la préférons collégiale plutôt que hiérarchique. (« Très bien ! » sur les mêmes bancs) Le département, circonscription sénatoriale, est l'échelon de la cohésion sociale et territoriale, au plus près des collectivités territoriales les plus fragiles. (Approbation à droite) Ça n'a pas toujours été ma conviction mais la crise de la ruralité me rend aujourd'hui fondamentalement départementaliste. Qui s'occupe des territoires ruraux, face au Grand Paris, à l'Europe ? Le département est le lieu de l'équilibre. (« Bravo ! » à droite) La région a plus une vocation de stratégie que de proximité. Certaines régions ont une dimension européenne. L'un des bonheurs de la politique, c'est de parcourir notre pays dans ses profondeurs. Allez voir Marseille, capitale culturelle, Lille et sa braderie, Lyon et ses lumières : regardez nos villes, elles se sont toutes embellies.

Les métropoles sont très attractives, leur influence dépasse leurs limites. Dans d'autres territoires, la région n'est qu'un département supplémentaire, comme chez moi. Son budget est inférieur à celui du département le plus important...

M. Jean-Pierre Sueur.  - C'est un problème.

M. Jean-Pierre Raffarin, auteur de la proposition de résolution.  - L'agrandissement de certaines régions, donc la diminution de leur nombre, permettrait une meilleure articulation avec le département. (Applaudissements sur plusieurs bancs à droite) L'une a une dimension plus stratégique et européenne, l'autre une dimension plus locale, pour la cohésion territoriale.

Les décentralisateurs ne sont pas fédéralistes. L'État est le partenaire des collectivités territoriales. Nous appelons à plus de liberté pour plus d'initiatives, à plus de simplification pour plus d'action, mais aussi à plus de péréquation pour plus d'égalité territoriale. Nous sommes des militants et des pratiquants du choc de simplification, pour une grande rationalisation de l'action publique. Les progrès passeront toujours par un pacte national du territoire.

La décentralisation n'est pas un vieux débat pour un vieux pays. Regardez les pays émergents : la Chine, le Brésil, l'Inde mettent en oeuvre des réformes importantes. Même notre voisin allemand mobilise ses territoires.

Cette proposition de résolution cherche à nous rassembler autour des grands principes de notre démocratie locale, de notre attachement à la décentralisation, à l'autonomie financière, à la commune.

Notre groupe demande au Sénat la création d'une mission d'information sur l'avenir de la décentralisation au titre de l'article 6 bis de notre Règlement, moyen pour le Sénat d'éclairer le Gouvernement.

Dans un livre récent d'Éric Giuily, la parole est donnée à de très nombreux acteurs de la décentralisation, tous expriment la même conviction : aujourd'hui, un renouveau de la décentralisation s'impose. (Applaudissements et « Bravo !» à droite)

M. Gérard Larcher .  - (Applaudissements à droite) Je ne reviens pas sur l'histoire. Jean-Pierre Raffarin l'a fait de manière remarquable.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Brillante !

M. Gérard Larcher.  - Le texte de cette proposition de résolution proposée par Jean-Claude Gaudin au nom de notre groupe nous permet de nous retrouver pour rappeler avec force la lettre et l'esprit de notre Constitution.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Évidemment !

M. Gérard Larcher.  - Nous nous retrouvons ainsi avec le même esprit de service de l'intérêt général que celui qui anime les assemblées locales et est essentiel à nos concitoyens en temps de crise.

M. Bruno Sido.  - C'est important.

M. Gérard Larcher.  - Pour nous, un principe cardinal prévaut : la commune est l'échelon de base de notre démocratie locale. (Applaudissements à droite). Elle est le pivot de l'organisation et du dialogue territorial. La clause de compétence générale est un droit inaliénable de nos communes. Le respect du principe de subsidiarité est fondamental. Or nous sommes inquiets de la musique prônée par le Gouvernement, bien loin de la partition du candidat Hollande...

M. Alain Néri.  - Que disait Fillon ? C'est un progrès !

M. Gérard Larcher.  - Les états généraux de la démocratie territoriale ont suscité l'investissement des élus locaux. Mais aujourd'hui, la réalité apparaît au grand jour. Vous nous proposez des EPCI de 300 000 habitants minimum en petite couronne parisienne, de 200 000 habitants en grande couronne ! (On renchérit à droite) En Picardie, Amiens sera écrasée entre deux grandes métropoles, Lille et Paris.

Vous dénonciez le gel des concours aux collectivités ; vous allez donner un coup de rabot de 4,5 milliards ; vous dénonciez le conseiller territorial...

M. Alain Fauconnier.  - Nous n'étions pas les seuls !

M. Gérard Larcher.  - ...vous allez faire du département une coquille vide, simple guichet social d'une politique nationale, vous vous attaquez à présent à l'essence même de notre territoire, à la ruralité, qui n'est pas une nostalgie mais un espace exceptionnel pour notre économie. Dois-je rappeler l'importance de la filière agroalimentaire pour notre balance commerciale ? Vous-même, socialistes, avez livré aux médias vos états d'âme...

M. Alain Néri.  - Dites-nous merci !

M. Gérard Larcher.  - Vous avez alerté le président de la République.

Mme Frédérique Espagnac.  - Il nous a écoutés !

M. Gérard Larcher.  - Votre avant-projet de loi n'a de décentralisation que le titre, madame le ministre. Les associations d'élus sont unanimes : votre texte ne simplifiera rien. Il empile les couches, à Paris notamment. Les premiers à avoir dit non sont les sénateurs de l'opposition, à commencer par ceux de l'UMP. Ce texte si long, si lourd était bâclé.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Le Premier ministre nous a écoutés !

M. Gérard Larcher.  - Nous aurons des débats qui permettront, je l'espère, de nous rapprocher, dans l'intérêt de nos collectivités territoriales. Si vous pensez, chers collègues de la majorité, que nos droits et libertés sont menacés, rejoignez-nous ! (Mme Éliane Assassi proteste)

En vertu de la mission que lui confie l'article 24 de la Constitution, le Sénat se dressera pour défendre les collectivités territoriales. Si vous voulez remettre en cause le rôle pivot de la commune, vous nous trouverez sur votre route. Si vous voulez la supprimer, en 2020, en organisant des élections au suffrage universel direct des intercommunalités, vous nous trouverez sur votre route. (Approbation à droite)

Cette résolution est indispensable. Imaginons ensemble le territoire qui sortira notre pays de la langueur et de la désespérance. Nos collectivités territoriales ont un rôle essentiel à jouer. (Applaudissements et « Bravo ! » à droite)

M. Jean-Pierre Sueur .  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Nous avons lu avec beaucoup d'attention votre proposition de résolution. (« Très bien ! » à droite) J'ai acquis, il y a quelque temps, un exemplaire de la Constitution. Je m'en imprègne...

M. Bruno Sido.  - On la trouve sur internet.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous reprenez dans votre texte six ou sept alinéas de la Constitution. Pourquoi recopier la Constitution, sinon pour parler ? Nous sommes il est vrai au Parlement !

Notre groupe votera la proposition de résolution car comment voter contre la Constitution ? Mais quel intérêt ?

M. Raffarin et M. Larcher nous ont présenté une certaine vision de l'histoire. J'étais jeune député en 1982... (Exclamations à droite)

M. Bruno Sido.  - Le changement, c'est maintenant.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je vous conseille de relire les propos de Pierre Méhaignerie et d'autres se dressant, à l'époque, contre cette « atteinte intolérable à la République » que vous saluez aujourd'hui, en rendant hommage à Gaston Defferre et Pierre Mauroy. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Les communautés ne sont pas contre les communes. Nous aimons nos 36 700 communes, nous les avons dans le coeur.

M. Bruno Sido.  - Surtout le jour des sénatoriales !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Mais si vous avez proposé une loi pour généraliser les communautés à toute la France, c'est parce qu'il est indispensable de coopérer, de mutualiser les efforts.

Je me souviens de la loi présentée par Jean-Pierre Raffarin. Nous étions au Sénat.

M. Bruno Sido.  - Dans l'opposition !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Monsieur Raffarin, à l'époque, vous disiez : l'avenir, ce sont les régions ! Je dois vous dire que votre loi régionaliste est peu à peu devenue la plus grande loi départementaliste qu'on n'ait jamais faite !

M. Jean-Pierre Raffarin, auteur de la proposition de résolution.  - C'est un peu rapide !

M. Michel Berson.  - Mais vrai !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Certes... Je constate que votre proposition de résolution ne dit mot des départements, des régions, de l'État... Mais nous la voterons car nous sommes attachés à la Constitution.

Vous avez évoqué les états généraux réunis par Jean-Pierre Bel, président du Sénat. Tout s'est bien passé, jusqu'à ce que Jean-Claude Gaudin convoque les journalistes pour leur dire « C'est de la figuration ! ». Les élus sont néanmoins venus à la Sorbonne le lendemain et leurs propositions ont abouti à deux textes votés par le Sénat et qui j'espère seront bientôt votés par l'Assemblée nationale.

Il y a eu des dialogues, des propositions. Ce qu'a annoncé hier le Premier ministre est intéressant. Trois projets de loi sont proposés. Ils devront être peaufinés.

M. Bruno Sido.  - En effet.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Je commence par le troisième, les solidarités territoriales.

Mme Cécile Cukierman.  - Ce doit être le premier.

M. Jean-Pierre Sueur.  - En effet. Je propose, madame la ministre, que ces trois projets soient présentés en même temps et que l'on insiste sur le rôle irremplaçable des départements dans la solidarité. (Mouvements ironiques à droite)

M. Bruno Sido.  - Ça va être simple !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Les régions jouent un rôle économique essentiel. Jean-Pierre Raffarin a dit que le budget de la région Poitou-Charentes était à peine celui d'un département. Ce n'est pas normal. Soyons complémentaires !

M. Jean-Pierre Raffarin, auteur de la proposition de résolution.  - Très bien.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Il faut des régions fortes, des départements solidaires et des communautés vivantes, de la plus grande à la plus petite, pour créer partout une dynamique de développement économique.

Nos collègues nous présentent un catalogue de beaux principes.

M. Bruno Sido.  - C'est la Constitution !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Les ont-ils toujours appliqués ?

M. Jean-Pierre Raffarin, auteur de la proposition de résolution.  - Quand on se compare, on se rassure.

M. Jean-Pierre Sueur.  - J'ai lu Le Cid : « les exemples vivants sont d'un autre pouvoir » ! Votre réforme de la taxe professionnelle s'est traduite...

M. Jean-Claude Lenoir.  - ...par une baisse des charges pour les entreprises !

M. Jean-Pierre Sueur.  - ...et de l'autonomie fiscale des collectivités : 48 à 44 % pour le bloc communal, 35 à 16 % pour le département, 30 à 14 % pour la région.

MM. Philippe Dallier et Jean-René Lecerf.  - Vous n'y reviendrez pas !

M. Alain Fauconnier.  - C'est le passif !

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous avez beau jeu de rappeler que l'autonomie financière est garantie par la Constitution, quand vous avez bafoué les principes dont vous vous réclamiez lorsque vous étiez au pouvoir !

J'ai ici un excellent rapport du Sénat : « Les régions françaises sont la catégorie de collectivités territoriales qui ont le plus souffert de la réforme de la taxe professionnelle », signé Charles Guené. Je salue votre lucidité, monsieur le président, celle de Mme Escoffier, aujourd'hui brillante ministre de la décentralisation.

Gardons de l'humour, proclamons des principes, respectons-les. Bruno Lemaire, au nom de l'UMP, a dit qu'il fallait réduire au minimum de 2 milliards d'euros par an les concours de l'État aux collectivités territoriales.

M. Gérard Larcher.  - Cela n'engageait que lui.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Vous recopiez à juste titre notre Constitution. Nous lui proclamerons une fois de plus notre attachement, en bons Républicains que nous sommes. (Applaudissements à gauche)

M. Christian Favier .  - Les auteurs de cette proposition de résolution n'ont pas hésité à reprendre la loi Defferre de 1982, qu'ils avaient combattue jadis avec tant de violence.

M. Bruno Sido.  - Qui aime bien châtie bien.

M. Christian Favier.  - Il y a plusieurs milliards d'euros dus aux départements au titre des allocations de solidarité nationale...

M. Bruno Sido.  - C'est Jospin ! (On surenchérit à droite, Mme Cécile Cukierman proteste)

M. Christian Favier.  - Comment oublier la destruction du tissu local par la RGPP que vous avez soutenue, les fermetures de tribunaux, de gendarmeries, de bureaux de poste, de classes ? Vous avez fait, pendant dix ans, l'exact contraire de ce que vous prônez aujourd'hui.

MM. Alain Fauconnier et Alain Néri.  - Eh oui !

M. Christian Favier.  - Vous apportez de l'eau au moulin de ceux qui contestent la politique, par votre petite opération politique. Peut-être vous livrez-vous au droit d'inventaire en contestant le bilan de votre action ? Alors, allez plus loin et demandez l'abrogation de la loi de 2010 !

Mmes Éliane Assassi et Cécile Cukierman.  - Très bien !

M. Christian Favier.  - Nous avons toujours ici défendu les principes de la libre administration. Que n'avons-nous entendu ! Nous avons récemment refusé le fléchage des conseillers communautaires, qui n'auront plus de compte à rendre aux conseils municipaux. Notre inquiétude, madame la ministre, reste forte sur les projets de loi annoncés.

Nous pourrions nous contenter de dénoncer l'hypocrisie des auteurs de cette résolution et ne pas prendre part au vote. Mais nous la soutiendrons (« Ah ! » à droite) pour proclamer les principes auxquels nous avons toujours cru et que nous avons toujours défendu ici. Nous serons vigilants afin que l'élaboration des plans locaux d'urbanisme reste une compétence communale. Malgré ses lacunes, nous voterons ce texte. Ce n'est pas un blanc-seing à l'UMP.

M. Jean-Pierre Raffarin, auteur de la proposition de résolution.  - Ah ? (Sourires)

M. Christian Favier.  - Ce vote réaffirme notre engagement pour la démocratie locale, aux côtés des élus locaux. Nous nous engageons pour l'avenir à agir pour faire respecter ces principes dans les futures lois qui nous seront soumises. Nous rappellerons leur vote à tous ceux qui auront soutenu ce texte. (Applaudissements sur les bancs CRC et sur plusieurs bancs socialistes)

M. Jean-Pierre Raffarin, auteur de la proposition de résolution.  - Merci pour ce soutien massif !

M. Jean-Léonce Dupont .  - « Il est fini le temps où l'État dictait sa volonté aux collectivités territoriales » a dit le Premier ministre dans sa déclaration de politique générale. J'ai pris bonne note de cet engagement solennel. Le président de la République nous a ensuite annoncé un acte III de la décentralisation aux états généraux, avec 1,5 milliard d'euros de ressources en moins, facture portée en janvier à 5 milliards d'euros avec des compétences transférées en plus.

Telle qu'enseignée à la faculté de droit, la décentralisation semble limpide. La distance est pourtant grande entre la théorie et la pratique sur le terrain. Enchevêtrement des compétences, morcellement des structures, nécessaire réforme des finances locales ; ces collectivités locales souffrent d'asphyxie normative et financière. Le récent rapport Lambert-Goulard, énième rapport...

M. Gérard Larcher.  - Eh oui !

M. Jean-Léonce Dupont.  - ...propose de supprimer 23 normes -sur les 400 000 qui pèsent sur les collectivités locales ! Les initiatives de M. Warsmann et de M. Doligé ont été confrontées à de vrais parcours du combattant. Où est le choc de simplification annoncé ?

M. Jean-Claude Lenoir.  - Il y en a, des chocs !

M. Jean-Léonce Dupont.  - J'appelle de mes voeux un choc de simplification normative pour les collectivités territoriales, pour mettre fin aux inégalités entre territoires et citoyens. Oui à une proportionnalité des normes, à leur adaptation aux réalités locales. La loi handicap montre bien que traduire le bel objectif d'accessibilité universelle est un réel casse-tête pour les petites collectivités.

Le plus grand danger, c'est l'asphyxie financière. Le rapport Hervé pose le problème. Sans autonomie fiscale, l'autonomie des collectivités locales est un leurre, une illusion constitutionnelle. Elle se mesure aux moyens de la collectivité. Or l'autonomie fiscale n'est plus que de 10 % pour la région, de 16 % pour le département, de 40 % pour les communes. La cessation de paiement menace.

M. Bruno Sido.  - C'est vrai.

M. Alain Néri.  - Cela ne date pas d'aujourd'hui !

M. Jean-Léonce Dupont.  - L'État transfère certes des ressources fiscales mais archaïques et peu dynamiques.

Voilà pourquoi je soutiens la proposition de résolution, rappel opportun à l'aube de l'examen des projets de loi sur l'acte III. Il reste quelques jours au Gouvernement pour affiner sa copie et présenter des textes clairs, respectueux de la libre administration des collectivités locales, sans tutelle de l'une sur une autre, fût-ce par l'artifice de la présence de l'État. (Applaudissements à droite)

M. Jacques Mézard .  - Je salue, madame la ministre, le sérieux de votre travail, votre courage et je regrette que vous n'ayez pas été chargé de préparer l'acte III de la décentralisation.

M. Bruno Sido.  - C'est vrai ! (On renchérit à droite)

M. Jacques Mézard.  - Nous voterons la proposition de résolution, qui va se dissoudre dans une joyeuse unanimité...

M. Gérard Larcher.  - Par les temps qui courent, ce n'est pas mal.

M. Jacques Mézard.  - ...puisqu'elle se borne à rappeler quelques principes constitutionnels...

M. Bruno Sido.  - C'est habile !

M. Jacques Mézard.  - Peut-être, mais cela fait « pschitt ».

M. Jacques Mézard.  - Ce débat a toutefois l'intérêt de rappeler combien chacun aime à faire dans l'opposition ce qu'il n'a pas fait dans la majorité...

M. Bruno Sido.  - Ce n'est pas nouveau.

M. Jacques Mézard.  - Permettez au jacobin que je suis de ne pas partager l'euphorie girondine de M. Raffarin. Chez les Girondins, je crains surtout les nouveaux convertis.

M. Jean-Pierre Raffarin.  - Ho ho ! Erreur !

M. Jacques Mézard.  - Ce qui manque, dans ces réformes successives, c'est une perspective, une vision, un courage politique. On commence par consulter toutes les strates, toutes les associations, qui demandent chacune un peu plus, et l'on s'aperçoit que les blocages sont immenses. Les étapes successives de la décentralisation ont amené des progrès, mais aussi une vraie complexification.

La mission sénatoriale était arrivée à un large consensus, détruit parce que le Gouvernement d'alors a cru opportun de prendre des dispositions contraires.

M. Alain Fauconnier.  - Eh oui.

M. Jacques Mézard.  - Les états généraux de la démocratie territoriale ont été l'occasion d'une véritable consultation. Beaucoup de choses ont été dites. Pourquoi le Gouvernement n'en a-t-il pas tiré toutes les conclusions. Les mêmes blocages sont au rendez-vous. Tant qu'on n'aura pas défini une politique, tant qu'on consultera à longueur d'année les uns et les autres, il sera difficile de simplifier, de clarifier les relations entre les collectivités et l'État.

Le jacobin que je suis constate que la Ve République a abandonné les politiques d'aménagement du territoire, que les gouvernements soient de droite ou de gauche.

Nous voterons cette proposition de résolution sans état d'âme mais ce consensus ne pourrait-il être mis à profit pour construire quelque chose d'utile ? C'est ce que le pays attend.

M. Jean-Pierre Raffarin, auteur de la proposition de résolution.  - D'où la mission d'information.

M. Jacques Mézard.  - Sur les ressources propres, vous n'avez guère donné l'exemple, avec la réforme de la taxe professionnelle... Idem pour la compensation des transferts de compétence. Il est temps de revenir là-dessus.

M. Bruno Sido.  - On est d'accord !

M. Jacques Mézard.  - Que ne l'avez-vous fait !

La ruralité ? Comme élu local, vous savez que je tiens à ce qu'un élu local puisse être parlementaire. (« Bravo ! » sur de nombreux bancs) Jamais mon département n'a été autant abandonné, désertifié, privé de ses services publics que depuis dix ans, et même surtout depuis 2007. C'est ce qu'il ne faut plus faire, ni les uns, ni les autres. (Applaudissements à gauche)

M. Alain Néri.  - Très bien !

M. Joël Labbé .  - Cette belle journée a vu le vote de la première loi écologiste, sur les lanceurs d'alerte. Mais nous avons aussi vécu une journée bien triste pour la démocratie.

La décentralisation commence en 1982, pas en 2003 comme semble le dire votre exposé des motifs. J'entends que l'UMP se dit attachée à cette décentralisation ; je veux croire que vous collaborerez avec la majorité pour élaborer les textes à venir.

M. Antoine Lefèvre.  - Comptez sur nous.

M. Joël Labbé.  - Le respect strict de l'article 72-2 de la Constitution est une condition sine qua non de la décentralisation. Sur l'échelon communal, nos positions divergent. Maire d'une petite commune depuis 1995, j'ai par expérience acquis la conviction que seule l'intercommunalité pourra préserver l'échelon de proximité : la clause de compétence générale ne peut être exercée par les plus petites communes. La commune doit rester l'échelon privilégié de la démocratie citoyenne. « C'est dans la commune que réside la force des peuples libres ; les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science », dit Tocqueville. Mais les communes n'ont pas les moyens ni les compétences pour tout gérer. Les intercommunalités et les régions sont les seuls échelons pertinents. Cessons de défendre des intérêts particuliers à chaque échelon du millefeuille territorial ! J'espère que l'analyse écologiste, à travers le concept du fédéralisme différencié, nourrira le débat. Si nous regrettons certains aspects du récent texte, l'élection par fléchage des délégués communaux représente un premier pas que nous apprécions. En revanche, nous sommes sceptiques sur le maintien du département : mieux vaudrait répartir ses compétences entre l'intercommunalité et la région. Gageons que le bon sens et la considération de l'intérêt général guideront les décisions.

Notre groupe ne prendra pas part au vote sur la proposition de résolution, qui ne semble pas dénuée d'arrières-pensées conservatrices.

M. Bruno Sido.  - Procès d'intention !

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation .  - (Applaudissements sur les bancs du RDSE) Me voici ce soir devant vous, ministre délégué auprès de la ministre chargée de la décentralisation, ministre heureux, satisfait, plein d'espérance. (Sourires ironiques à droite)

Heureux d'avoir réentendu les grands principes fondateurs qui régissent nos collectivités locales, principes constitutionnels consacrant la libre administration des collectivités locales, principes mis en oeuvre dès le 2 mars 1982, véritable révolution.

M. Roland Courteau.  - Très bien.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - On supprima alors la tutelle administrative et financière a priori du préfet vers les collectivités territoriales. L'exécutif fut transféré au département et à la région, qui acquirent une personnalité juridique distincte de l'État. Les collectivités reçurent des droits, des obligations, un patrimoine, des agents, un budget géré de manière autonome. La réforme constitutionnelle du 23 mars 2003 a conforté cela et permis sous certaines conditions des dérogations réglementaires.

Ministre satisfait, donc, de partager avec vous ces principes : principe d'autonomie financière, consacré à l'article 72-2, principe de la compensation des transferts de compétences, de non-tutelle d'une collectivité locale sur une autre. Le principe de libre administration est la colonne vertébrale des collectivités locales, en lesquelles l'État a placé sa confiance.

Votre proposition de résolution met tout particulièrement l'accent sur la commune, cellule comme celles de la ruche, indépendantes mais solidaires. « Fortune, infortune, fors une », pour citer la devise de Marguerite d'Autriche, l'épouse de Philibert le Beau

Personne ne conteste l'intercommunalité, qui s'est progressivement mise en place grâce à la loi de 1999. Fin 2012, il ne restait plus que 59 communes isolées, hors îles mono-communales et petite couronne parisienne.

M. Philippe Dallier.  - Très bien.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée.  - Traduire ces communautés de destin, de dessein en actes, telle est la tâche de l'intercommunalité, grâce à la proximité, l'efficacité, la maîtrise des dépenses qu'elles organisent.

Je ne peux que me rendre aux objectifs de votre proposition de résolution, qui prépare cet acte III de la décentralisation. Celui-ci s'appuiera sur trois principes fondateurs : unité de la République, diversité des territoires, subsidiarité. Il répondra aux objectifs de simplification, de meilleur service rendu aux citoyens et de maîtrise des dépenses, dans le strict respect de la Constitution. (Applaudissements sur la plupart des bancs)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Espérons-le !

A la demande du groupe UMP, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici les résultats du scrutin :

Nombre de votants 334
Nombre de suffrages exprimés 334
Majorité absolue des suffrages exprimés 168
Pour l'adoption 334
Contre 0

Le Sénat a adopté.

(« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs UMP)

M. Bruno Sido.  - Quel succès !

M. Jean-Claude Lenoir.  - Une victoire collective !

M. Jean-Pierre Raffarin, auteur de la proposition de résolution.  - Le Sénat est moins désordonné que le Gouvernement ! (Rires)

Prochaine séance demain, jeudi 4 avril 2013, à 9 heures.

La séance est levée à 23 h 10.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

ORDRE DU JOUR

du jeudi 4 avril 2013

Séance publique

De 9 heures à 13 heures

1. Suite de la proposition de loi pour une fiscalité numérique neutre et équitable. (n°682 rectifié, 2011-2012)

Rapport de M. Yvon Collin, fait au nom de la commission des finances. (n°287, 2012-2013)

Résultat des travaux de la commission. (n°288, 2012-2013)

Avis de M. Claude Domeizel, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication. (n°291, 2012-2013)

Avis de M. Bruno Retailleau, fait au nom de la commission des affaires économiques. (n°298, 2012-2013)

Avis de M. Yves Rome, fait au nom de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire. (n°299, 2012-2013)

2. Proposition de loi visant à renforcer la protection pénale des forces de sécurité et l'usage des armes à feu. (n°767, 2011-2012)

Rapport de Mme Virginie Klès, fait au nom de la commission des lois. (n°453, 2012-2013)

Résultat des travaux de la commission. (n°454, 2012-2013)

De 15 heures à 15 heures 45

3. Questions cribles thématiques sur l'industrie pharmaceutique.

De 16 heures à 20 heures

4. Projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe. (n°349, 2012-2013)

Rapport de M. Jean-Pierre Michel, fait au nom de la commission des lois. (n°437, tomes I et II, 2012-2013)

Texte de la commission. (n°438, 2012-2013)

Avis de Mme Michelle Meunier, fait au nom de la commission des affaires sociales. (n°435, 2012-2013)

A 22 heures

5. Suite du projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe