Renforcement de l'efficacité des sanctions pénales (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à renforcer l'efficacité des sanctions pénales.

Discussion générale (Suite)

M. Thani Mohamed Soilihi .  - (Applaudissements sur les bancs socialistes) Au 1er juin 2014, on comptait 68 645 personnes incarcérées ; en treize ans, le taux d'incarcération a augmenté de 44 %. De deux choses l'une : soit la délinquance a explosé, soit la justice emprisonne davantage. Toute personne de bonne foi peut constater que la justice est plus sévère, la durée moyenne d'emprisonnement a augmenté de 8,7 à 11,3 mois de 2007 à 2011. Le résultat en est la surpopulation carcérale, dont le chercheur Pierre-Victor Tournier a montré devant la commission des lois qu'elle favorise la récidive. Le taux d'occupation des établissements pénitentiaires culmine à 119,38 %. Sur 247 sites d'emprisonnement, 10 ont une densité supérieure à 200 %, 32 une densité comprise entre 150 et 200 %. Outre-mer, la situation est pire encore : le taux d'occupation est de 223 % à la maison d'arrêt de Mayotte et même de 306% en Polynésie française.

Or, la vie en prison, où l'on côtoie de grands criminels, favorise la récidive. Comme l'a dit un détenu, dont les propos ont été largement repris, on y entre avec un CAP de voleur, on en sort avec un mastère de criminologie...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur de la commission des lois.  - Très juste !

M. Thani Mohamed Soilihi.  - La prison, c'est l'école du crime... D'autant que les sorties sèches, sans accompagnement, représentent 98 % des cas. Une journée sous surveillance électronique coûte beaucoup moins cher...

Face à cette situation, la garde des sceaux a privilégié la prévention de la récidive en rétablissant l'individualisation de la peine en fonction de la gravité de l'acte et de la personnalité de l'auteur et en redonnant aux magistrats leur pleine liberté d'appréciation. Les peines plancher sont supprimées - on sait avec sept ans de recul qu'elles sont inefficaces pour prévenir la récidive. Notre arsenal répressif est enrichi par la création d'une nouvelle peine en milieu ouvert, la contrainte pénale.

Non, le Gouvernement ne veut pas remettre les délinquants en liberté. Tout délit mérite sanction, mais celle-ci doit être utile et garantir la réinsertion. Le procès en laxisme qu'on fait à la gauche est ridicule et dangereux. Espérons que nos débats éviteront les feintes indignations, les prédictions fantasmatiques et les accusations injustes.

À l'initiative de son rapporteur, dont je salue le remarquable travail, la commission a amélioré le texte en supprimant la rétention de sûreté, qui concerne quatre personnes à ce jour ; et, c'est heureux, la prison n'a pas à se substituer à l'hôpital psychiatrique. Elle a fait de la contrainte pénale la peine à titre principal dans un nombre limité de cas -M. Bauer a rappelé devant la commission que l'Allemagne avait supprimé les peines de prison pour la quasi-totalité des délits. Nous avons également abrogé les tribunaux correctionnels pour mineurs, coûteux et inefficaces, et intégré dans la loi la proposition de loi Lecerf-Barbier-Demontès de 2011.

Puisse ce texte, issu d'une large concertation, qui consacre une philosophie de politique pénale qui tranche avec celle des dix dernières années, encore évoluer dans le sens indiqué par le rapporteur. (Applaudissements à gauche)

Mme Anne-Marie Escoffier .  - Alors que le taux d'incarcération en France frise celui de la fin du XIXe siècle, il fallait réformer profondément notre politique pénale.

Après les orateurs, je veux saluer la méthode de la conférence de consensus, présidée par Nicole Maestracci, le souci de retour à une meilleure justice et le pragmatisme du Gouvernement comme de l'Assemblée nationale, ainsi que le travail remarquable de notre rapporteur Jean-Pierre Michel.

Ce texte prolonge la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, trop souvent défigurée par les lois suivantes, pour redonner sens à la sanction pénale. Nous sommes nombreux, dans cet hémicycle, à nous féliciter du nouvel intitulé du texte de loi : la sanction est envisagée dans toutes ses dimensions, elle doit amener la personne condamnée à l'amendement et à la réinsertion, objectif trop souvent perdu de vue dans les centres de détention qui sont devenus des lieux de désocialisation. Comme l'a dit le juriste Serge Portelli en 2010, « juger, c'est juger autant l'homme que l'acte (...) ; l'individualisation des peines n'est ni une lubie ni un rêve laxiste, c'est une exigence morale, juridique et politique, la condition absolue de l'efficacité de la peine et la règle première de la lutte contre la récidive ».

Sans plus développer, je veux souligner l'intégration dans le texte de la proposition de loi Barbier sur l'atténuation de la responsabilité pénale des personnes atteintes de troubles mentaux ayant altéré leur discernement au moment des faits.

À mon tour de croire, comme je l'avais cru en 2009, à l'intérêt de la création de la contrainte pénale et de cette réforme. Sa réussite dépend néanmoins des moyens qui seront mis à disposition de la justice -vous avez créé 1 000 postes de conseillers d'insertion et de probation, c'est un bon signe-, de la modernisation de la probation à la française et de la prise en compte des problèmes de santé et des addictions des détenus -et pas seulement sous forme médicamenteuse.

Je sais, madame la garde des sceaux, votre énergie et votre détermination. Avec les membres du RDSE, je n'aurais aucune hésitation à voter ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs RDSE et socialistes)

M. Pierre Charon .  - (M. Philippe Bas applaudit) Ce projet de loi aurait pu être l'occasion de repenser de façon plus ambitieuse notre politique pénale. Son examen par le Parlement a été repoussé, élections municipales à hauts risques oblige. Elle a été contestée au sein même du Gouvernement -je ne rappellerai pas la lettre du ministre de l'intérieur au président de la République... À considérer les amendements extrémistes adoptés en commission des lois -suppression des tribunaux correctionnels pour mineurs et de la rétention de sûreté par exemple-, l'antisarkozysme reste le principal moteur du Gouvernement et de la majorité. (Exclamations amusées sur les bancs socialistes) Pire encore, la procédure accélérée a été engagée sur un texte qui prend le contrepied de l'opinion publique : les Français, à plus de 72 %, attendent plus de sévérité de la part de la justice à l'égard des récidivistes.

La prison, dit-on, serait l'école du crime. Rien n'est plus faux. La prison ne crée pas la récidive, c'est la récidive qui conduit en prison. À l'évidence, il ne s'agit pas d'enfermer des personnes qui n'ont rien à faire en prison, mais convenons qu'il y a des personnes qui devraient y être et n'y sont pas...

Plusieurs voix sur les bancs socialistes.  - Oh oui !

M. Jean-Pierre Michel.  - C'est la parole de trop !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Il y en a 100 000, je l'ai dit hier.

M. Pierre Charon.  - Gouvernement et majorité multiplient les erreurs d'analyse. Mme Isabelle Gorce, la directrice de l'administration pénitentiaire que vous avez nommée, madame la garde des sceaux, déclare elle-même que les détenus condamnés à de courtes peines échouent en maison d'arrêt parce qu'ils ont déjà été condamnés auparavant à de nombreuses peines en milieu ouvert. La vraie question est celle de la dimension du parc pénitentiaire. Il faudrait 100 000 places de prison, il n'y en a que 57 500.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Vous voulez donc mettre tout le monde en prison ?

M. Pierre Charon.  - Et vous préférez vider les prisons après avoir abandonné le projet de la précédente majorité de construire 24 000 places supplémentaires...

La suppression des peines plancher est idéologique et envoie un signal de laxisme. Je n'oublie pas la peine d'ajournement ou les libérations aux deux tiers de la peine -en réalité à la moitié. Avec la version jusqu'au-boutiste de la commission des lois, le vol, la forfaiture et certains délits routiers seront punis par la seule contrainte pénale. Ne faudrait-il pas plutôt réduire les délais d'exécution des peines ? Plus de 25 % d'entre elles ne sont exécutées qu'après un an.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Que proposez-vous ?

M. Pierre Charon.  - Demandez-le à M. Valls ! Pour toutes ces raisons le groupe UMP ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Discours excessif !

Mme Catherine Tasca .  - Le premier objectif de ce texte est d'assurer, pour la société, l'efficacité de la sanction pénale. Sous votre impulsion, madame la ministre, il a aussi une visée symbolique : il s'agit de changer notre regard pour promouvoir une nouvelle approche de la délinquance et de la prison, une autre ambition pour la sanction, la réinsertion, la prévention de la récidive. Justice réparatrice, aménagements de peine, ce projet de loi est, à l'évidence, fidèle aux conclusions de la conférence de consensus. Face à la surpopulation carcérale, nous devions rompre avec la logique du tout-carcéral que vient de défendre M. Charon et qui a échoué. Pour les courtes peines, en particulier, la prison n'est pas la solution ; un emprisonnement dans des conditions dignes, voilà comment nous préparerons la réinsertion des détenus. C'est pourquoi j'ai défendu, le 15 mai dernier, le texte sur le Contrôleur général des lieux de privation de liberté, que le Sénat a adopté à l'unanimité.

Il est de la responsabilité de la société de prévenir la commission de nouvelles infractions. Personne de bonne foi ne peut taxer de laxisme la volonté de favoriser les peines alternatives à la prison ou les aménagements de peines. Ce texte, courageux et responsable, met l'accent sur l'individualisation, ainsi que sur le renforcement du contrôle et du suivi des personnes condamnées. Son innovation principale réside dans la création d'une nouvelle réponse pénale, la contrainte pénale. Après les députés, qui ont prévu de l'élargir à tous les délits en 2017, notre rapporteur a fait un pas supplémentaire en en faisant la peine principale pour une liste restreinte de délits -qui exclut les atteintes à l'intégrité physique. Autre mesure forte, la procédure d'examen obligatoire de la situation du condamné aux deux tiers de sa peine, pouvant déboucher sur une sortie encadrée. Les conseillers d'insertion et de probation seront les pivots de cette réforme.

Ce texte s'attache également aux droits des victimes ainsi qu'aux pouvoirs de la police et de la gendarmerie. Notre commission a supprimé les dispositions sur le recours à la géolocalisation et aux interceptions de communications en dehors de tout cadre d'enquête. Cela témoigne du souci constant du Sénat de protéger les libertés individuelles. Elle a également abrogé les tribunaux correctionnels pour mineurs créés par la loi du 10 août 2011, qui n'ont donné satisfaction à personne, et la rétention de sûreté -non la surveillance de sûreté, fort heureusement. L'introduction du texte voté unanimement par le Sénat le 25 janvier 2011 est particulièrement bienvenue.

Je proposerai, pour ma part, de revenir au texte de l'Assemblée nationale sur la distinction entre récidivistes et primo-délinquants -la commission des lois a préféré s'en tenir à la loi de 2009. De même, je défendrai un amendement pour renforcer les travaux d'intérêt général, clé de la nouvelle contrainte pénale.

Ce texte juste prolonge le travail de la loi pénitentiaire et dépasse l'opposition caricaturale entre politique sécuritaire et politique dite laxiste.

M. Philippe Bas.  - Vraiment ? Difficile...

Mme Catherine Tasca.  - Le groupe socialiste le votera. (Applaudissements sur les bancs socialistes

M. Maurice Antiste .  - Ne nous y trompons pas : ce texte représente un tournant dans notre politique pénale. Il s'agit de renforcer l'efficacité des sanctions pénales, non de laxisme. Chers collègues, avons-nous enrayé le cancer de la surpopulation carcérale ? En avons-nous terminé avec le fléau de la récidive ? Au 1er avril 2014, la France compte 57 686 places pour 68 859 détenus, dont 2 209 femmes. La surpopulation carcérale est une réalité outre-mer. Huit établissements ont un taux d'occupation supérieur à 200 % ; la maison d'arrêt de Ducos, en Martinique, accueille 1 042 détenus pour 570 places, la palme revenant à la Polynésie française avec un taux d'occupation, dans le quartier de la maison d'arrêt de Faa'a Nuutania, de 279,6 %.

Oui, le traitement de la délinquance a été inefficace sur l'ensemble du territoire, particulièrement outre-mer. La crise, le chômage des jeunes empêchent la réinsertion. Quelque 70 % des détenus entrent en prison sans emploi. Qu'avons-nous fait auparavant de si fameux qui mérite de s'en prendre à notre garde des sceaux ? Certains continuent à se battre pour des idées qui ont conduit depuis des décennies à l'échec. Nous sommes au pied du mur, au bout d'un système.

À la Martinique, nous l'avons bien compris. Le conseil régional a conclu, en mai 2013, une convention de partenariat avec la maison d'arrêt de Ducos pour mener à bien un programme de formation, de remise à niveau des détenus et de lutte contre l'illettrisme pour un coût total de plus de 563 000 euros. Le conseil régional participe à hauteur de 242 800 euros à la prise en charge des frais pédagogiques et accorde une subvention d'investissement de 98 550 euros.

À mon sens, ce texte ouvre des pistes nouvelles pour la prévention de la récidive. En ce sens, il est au service des citoyens. Contrainte pénale, accompagnement et suivi des détenus à la sortie, tout cela est audacieux. Il n'empêche, ce texte intervient dans des conditions difficiles. La seule issue pour gagner la bataille contre la récidive est l'union sacrée ! (Applaudissements à gauche)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Merci aux orateurs d'avoir clarifié les enjeux de ce projet de loi. Les sénateurs de la majorité ont eu le mérite, avec une certaine équanimité, de rappeler la situation, l'état des lieux, de mettre en avant des données tangibles, sérieuses et vérifiables. Nous aurions fait le choix de l'idéologie et du dogmatisme ? Ce sont des mises en cause, non des démonstrations étayées.

Madame Klès, le cas que vous avez cité n'est pas isolé ; j'ai demandé, par circulaire en octobre 2012, que soient détectés les détenus dépourvus de pièce d'identité.

Monsieur Antiste, le bilan outre-mer est effectivement sombre ; la situation, que je suis de près, vous le savez, est inquiétante. Le Gouvernement a préservé les constructions prévues. Le nouveau centre pénitentiaire de Mayotte sera livré très prochainement, la maison d'arrêt dans quelques mois.

Monsieur Lecerf a rappelé son souhait de voir renforcés les services d'insertion et de probation. Nous ouvrons 400 postes dans les services pénitentiaires d'insertion et de probation en 2013 comme en 2014, 1 000 emplois en trois ans. C'est le nombre qui avait été prévu lors de la loi pénitentiaire en 2009, une augmentation de 25 % en trois ans des effectifs du corps des conseilleurs d'insertion et de probation ; c'est sans précédent ! Nous avons aussi créé 120 postes de magistrats et greffiers en 2013, 50 en 2014. (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes)

Des postes supplémentaires ne suffisent pas, un groupe de travail est à l'oeuvre pour renouveler le recrutement, travailler sur les méthodes et les outils d'évaluation -bref, nous faisons du qualitatif. Il le fallait, le métier de conseiller d'insertion et de probation s'est construit en marchant...

Je ne répondrai pas, monsieur Charon, à votre mise en cause générale, elle ne le mérite pas... Vos propos ne sont fondés sur rien. Vous affirmez savoir ce que veulent les Français -mais ils peuvent constater les échecs de dix ans de politique pénale... Nous aurions abandonné le plan de création de 24 000 places ? Il coûtait 3,5 milliards d'euros et pas un euro n'avait été budgété ! On ne peut pas abandonner ce qui n'existe pas ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et écologistes) Nous préférons créer pour de bon 6 300 places, qui seront livrées dans les délais.

On nous reproche la procédure accélérée ; rafraîchissons les mémoires : la loi pénitentiaire de 2009 avait été examinée dans les mêmes conditions et son rapporteur n'en avait pas moins accompli un excellent travail.

M. Jean-Jacques Hyest.  - C'est vrai !

M. Philippe Bas.  - Excellent rapporteur !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - M. Lecerf sait que je lui porte grande estime. Nous nous sommes retrouvés depuis deux ans sur de nombreux sujets. Le Parlement sait travailler bien et vite, je le dis sans la moindre ironie. La loi de 2007 sur les peines planchers avait aussi été soumise à la procédure d'urgence. Mais il y a une grande différence avec le projet de loi d'aujourd'hui. Vous ne pouvez pas citer un texte comparable qui ait connu une aussi longue maturation.

Mme Catherine Tasca.  - Cela change tout !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Voire...

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - La commission des lois a commencé des auditions avant même la transmission du texte.

M. Philippe Bas.  - Ce qui pose problème, c'est l'absence de navette.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Monsieur Hyest, j'ai été étonnée d'une formule que vous avez employée à la tribune. Je regrette, compte tenu de la conception de la pénalité que vous avez montrée lorsque vous présidiez la commission des lois, que vous n'ayez pas pleinement reconnu que ce texte suivait la même logique que la loi pénitentiaire de 2009. Je regrette que vous ayez dit qu'il n'y avait qu'un « zeste » pour les victimes.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Dans la définition.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - On me fait querelle là-dessus depuis deux ans à l'Assemblée nationale. Pas ici, certes, mais je vais prendre le temps de vous répondre sur ce point, posément car je ne me sens pas ici en terrain hostile.

Pour les victimes, deux préoccupations président à l'écriture de ce texte : assurer la solidarité nationale à l'égard des victimes et la rendre effective, préparer la réinsertion car la peine n'a qu'un temps et les auteurs sont appelés à revenir dans la société. Je me suis toujours refusée à instrumentaliser les victimes, nous n'avons pas proclamé sur les toits ce que nous avons fait. Quand je suis arrivé aux affaires, j'ai constaté que le budget d'aide aux victimes n'avait cessé de baisser durant les quatre dernières années du précédent quinquennat. Dès ma première année budgétaire, sans le claironner, je l'ai augmenté de 25,8 %. Vous avez décidé d'ouvrir des bureaux d'aide aux victimes. Belle idée. Vous en avez ouvert cinquante en cinq ans. J'ai décidé d'en ouvrir cent dès 2013 et j'ai diligenté un audit par l'inspection générale des services judiciaires pour m'assurer que l'on faisait du solide.

Pendant le précédent quinquennat, j'ai beaucoup entendu parler des victimes, sauf que j'ai constaté que le budget avait baissé pendant quatre ans, que le conseil national de l'aide aux victimes n'a pas été réuni depuis 2010. J'en ai modernisé la composition et je le rencontre deux fois par an. Vous en êtes un membre assidu, monsieur Détraigne.

M. Yves Détraigne.  - Il s'est réuni, mais pas sous la présidence du garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Vous avez décidé de vous réunir entre vous. Mais il est du devoir du garde des sceaux de le réunir officiellement à la Chancellerie, ce que j'ai fait.

M. Philippe Kaltenbach.  - Exactement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Nous appliquons par anticipation la directive européenne sur les victimes, j'ai décidé de lancer une expérimentation dans huit TGI pour mener un suivi individualisé des victimes. Il faut aider la victime à se rétablir. Il y a des méthodes qui ont fait leurs preuves. D'où l'inscription de la justice restaurative dans la loi.

Comme beaucoup d'autres, notre droit pénal s'est construit contre la victime en France, jusqu'à la loi Badinter de 1983 qui a instauré la prise en compte de la victime dans le procès pénal, renforcée par la loi Guigou de 2000. Pas à pas, mais avec de belles enjambées, nous accompagnons les victimes, dans la logique du rapport Kaltenbach-Béchu. Nous améliorons les procédures. L'institut national d'aide aux victimes et de médiation (Inavem) nous a remis quarante propositions, dont certaines sont d'ores et déjà reprises par circulaire.

Nous avons inscrit dans ce projet de loi une obligation d'évolution de ses effets : nous voulons que ses dispositions soient efficaces. Rendez-vous est pris dans deux ans pour vous présenter cette évolution.

Nous réformons l'observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) pour disposer des outils adéquats, sur la base du rapport Le Bouillonnec. Un outil statistique national existe à la chancellerie depuis 1973. L'observatoire étudiera les phénomènes sur l'ensemble du territoire. Nous créons un observatoire de la récidive indépendant du ministère afin que l'on ne puisse suspecter une manipulation des résultats. Nous avons besoin de mesurer la délinquance ainsi que l'effet des différents types de peines sur la récidive.

J'ajoute qu'il y a une cohérence à penser les peines selon un triptyque amende-contrainte pénale-incarcération. Un travail de fond doit être accompli sur l'échelle des peines, à laquelle nous ne touchons pas ici, car un certain désordre a été introduit dans le code pénal. Les atteintes aux biens sont punies plus sévèrement que celles aux personnes. La révision de l'échelle des peines doit correspondre à nos valeurs. Pour nous, les atteintes à la personne sont plus graves que les atteintes aux biens.

M. André Reichardt.  - Pour nous aussi !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - J'ai installé la mission Coste. Bruno Coste est un magistrat hors pair ; il est entouré d'une dizaine de personnalités chargées de travailler jusqu'en novembre 2015 à la révision de l'échelle des peines, y compris les longues peines, les mesures de sûreté. Elles nous diront s'il y a lieu de la modifier et d'écrire un code de l'exécution des peines...

Un mot encore. Monsieur Hyest...

M. Jean-Jacques Hyest.  - Jusqu'ici, vous avez surtout exposé votre politique d'aide aux victimes et n'avez retenu qu'un zeste de mon intervention ... (Sourires)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - J'en ai fait tout un citronnier ! (Rires ; M. Philippe Bas applaudit)

Monsieur Mézard, d'abord, m'a interpellée sur l'exécution des peines. Non il n'y a pas de stock de peines non exécutées, mais un flux !

M. André Reichardt.  - C'est la même chose !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Non, M. Bas sera d'accord. Les juridictions prononcent chaque jour des peines. En un mois, 36 % des peines sont déjà exécutées ; en quatre mois, la moitié ; en un an, 74 % ; en dix-huit mois, 83 %. Je salue le travail des juges d'application des peines. Donc, les peines sont exécutées. Mais il y a un deuxième sujet : pour une peine inférieure à deux ans, le juge d'application des peines doit examiner la peine, l'acte, la personnalité, pour voir comment aménager l'exécution de la peine, et cela peut prendre du temps. Il y a chaque année 83 000 personnes susceptibles de faire l'objet d'un tel aménagement. Avec la contrainte pénale, nous y échapperons car celle-ci sera exécutoire dès le prononcé à l'audience.

Je termine avec M. Hyest. (Exclamations) Non, nous ne sommes pas bavards (On ironise) Ou plutôt, la loi ne l'est pas. (Sourires)

Quelle différence entre « finalité » et « fonction » de la peine ? La finalité est un concept à hauteur de la société : la peine doit exprimer la gravité de l'atteinte aux règles et valeurs et constituer les « états forts de la conscience collective », comme dit Durkheim. La fonction de la peine, en revanche, c'est la réinsertion du condamné. Voilà le sens de la distinction établie par le projet de loi.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Eh bien, il est mal écrit !

La discussion générale est close.

Question préalable

M. le président.  - Motion n°1, présentée par M. Bas et les membres du groupe UMP.

En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, tendant à renforcer l'efficacité des sanctions pénales (n°642, 2013-2014).

M. Philippe Bas .  - Cette réforme fait partie de celles dont l'inspiration peut paraître cohérente...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Très bien !

M. Philippe Bas.  - ...tandis que son application entraîne une confusion. Elle relève d'un système de pensée auquel nous n'adhérons que partiellement. Ses partisans veulent tout faire pour éviter la prison au délinquant. Ceux qui ne sont pas d'accord sont soupçonnés d'être partisans du tout-carcéral. Nous sommes pourtant nombreux à n'être ni pour le tout-carcéral ni pour le tout sauf la prison, pensant qu'il revient au juge de disposer de la palette la plus large possible de sanctions, avec des peines qui ne s'excluent nullement les unes des autres.

Vous ne trouverez pas au groupe UMP d'opposants au principe des peines alternatives.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Très bien !

M. Philippe Bas.  - Nous avons développé le recours au bracelet électronique par les lois de 2002 et 2009. Le nombre de personnes sous surveillance électronique avoisine les 10 000 ; il a augmenté de 50 % pour la seule année 2011, il a baissé depuis. Mais cela ne fonctionne que si la menace de la prison subsiste.

Nous nous opposons aussi fermement à la doctrine du tout sauf la prison qu'à celle du tout-carcéral. Votre politique pénale, embellie par le rapporteur qui l'a qualifiée d'humaniste, peut être aussi qualifiée de naïve, au sens où l'entendait Lionel Jospin. Nous aussi sommes humanistes, c'est pourquoi nous voulons une société plus sûre pour chacun de ses membres.

La sanction doit être souple, effective, connue à l'avance, légitime car proportionnée aux faits commis. Nous ne mettrons pas fin à la récidive en regroupant sous le vocable de contrainte pénale des mesures qui existent déjà, mais en les appliquant effectivement, avec les moyens appropriés.

Nous n'avons pas de surcapacité carcérale en France. Notre taux d'inexécution des peines bat un record européen. Nous n'avons que 84 places de prison pour 100 000 habitants quand la moyenne des pays du Conseil de l'Europe est de 138. Vous avez eu tort d'abandonner notre programme de création de places de prison de 2012. Nous avons besoin de tout l'éventail des sanctions pour faire reculer la délinquance.

Si mon groupe a décidé de soulever la question préalable, ce n'est pas parce ce texte ne contiendrait que de mauvaises dispositions...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Alors, délibérons !

M. Philippe Bas.  - Nous en approuvons certaines, comme la généralisation des bureaux d'aides aux victimes, la distinction entre récidivistes et primo-délinquants, l'obligation de soins qui est reconnue, l'atténuation de responsabilité en raison d'un trouble mental -ce qui reprend l'excellente proposition de loi de Jean-René Lecerf, ou encore la justice restaurative et la possibilité pour le condamné de faire un versement au fonds de garantie des victimes.

Nous reconnaissons volontiers que le titre III du projet de loi comporte des propositions intéressantes sur le suivi et le contrôle des condamnés. Nous reconnaissons même des apports positifs de la commission des lois, sous l'impulsion de notre rapporteur, pour revenir sur certaines dispositions adoptées par l'Assemblée nationale, qui relevaient d'une surenchère dangereuse.

S'il n'y avait que cela, nous n'aurions pas soulevé la question préalable. Hélas...

M. Roger Karoutchi.  - Hélas !

M. Philippe Bas.  - Il y a d'autres dispositions...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Il faut en parler.

M. Philippe Bas.  - Ainsi, le nouvel article 130-1 du code pénal sur les finalités de la peine emploie un jargon encore rare, fort heureusement, dans notre code pénal et relève d'un droit déclamatoire et non normatif. L'article 2 est de la même veine. Pourquoi rappeler le principe d'individualisation des peines, qui a valeur constitutionnelle depuis belle lurette ? Vous feignez de croire que les peines plancher sont automatiques... Il n'y a pas plus d'automaticité dans le prononcé de ces peines par le juge que le projet de loi initial n'en prévoyait pour l'usage de la contrainte pénale.

Il y a aussi l'ensemble des dispositions qui, mises bout à bout, dessinent un texte destiné à dissuader les magistrats de prononcer des peines de prison. Le régime des multirécidivistes serait aligné sur celui des primo-délinquants pour la révocation du sursis.

La contrainte pénale pourrait attirer notre bienveillance, puisqu'elle ne comporte rien de neuf par rapport aux multiples peines alternatives existant dans notre code pénal, déjà très riche en la matière. Rien n'empêche de l'enrichir encore, mais le projet de loi se borne à donner au juge la possibilité de prendre des mesures qu'il a déjà à sa disposition. L'originalité de la contrainte pénale ne tient pas aux mesures qu'elle comporte mais à leur combinaison et à la procédure mise en oeuvre, laquelle n'est pas réaliste car, en remontant aux juridictions des décisions actuellement du ressort du juge d'application des peines, on alourdirait considérablement leur charge, et aussi l'incertitude de la peine.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Il faudrait conclure !

M. Philippe Bas.  - Les arbitrages gouvernementaux ont-ils dénaturé le projet de loi initial de la garde des sceaux, monsieur le rapporteur ? Cela expliquerait que vous ayez souhaité aller au-devant de ses attentes. Cette réforme ne lèvera aucun des obstacles qui ont entravé le développement des alternatives à la prison. La contrainte pénale, ce sera d'abord une contrainte pour les magistrats, placés face à une double impasse, celle de la surpopulation carcérale, celle d'une sanction globale qui n'a pas plus de chances de se développer que les sanctions éparses qu'ils ont déjà à leur disposition. Une expérimentation suivie d'une évaluation sérieuse eût été seule raisonnable. Les deux assemblées eussent pu y participer. Je demande à notre assemblée de décider qu'il n'y a pas lieu de délibérer. (Applaudissements sur la plupart des bancs UMP)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - On ne comprend pas pourquoi.

M. Philippe Kaltenbach .  - Je vous rassure : je ne dépasserai pas, contrairement à l'orateur précédent, mon temps de parole. J'ai été surpris des arguments développés par M. Bas.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Très bien.

M. Philippe Kaltenbach.  - Son intervention traduit la volonté pour le groupe UMP d'offrir à M. Bas, 19 minutes supplémentaires pour répéter en boucle des arguments qui n'ont rien à voir avec l'objet d'une question préalable : démontrer qu'il n'y aurait pas lieu de délibérer.

Cette loi est importante. Elle va modifier notre politique pénale : fin des peines plancher, conformément à l'engagement de François Hollande ; création de la contrainte pénale ; fin des tribunaux correctionnels pour mineurs et de la rétention de sûreté. Cette loi apporte des solutions pragmatiques à de nombreuses questions actuelles.

Tout irait bien dans le meilleur des mondes ? Il n'y aurait pas lieu de légiférer ? Quid de la progression de la délinquance, lors des deux quinquennats précédents, maquillée par la politique du chiffre, dénoncée par un rapport de l'IGA rendu en mai 2013, qui a exposé les travers de la communication politicienne ? Cette politique s'est soldée par un échec. C'est pourquoi le Gouvernement a changé de méthode, avec une conférence de consensus, en défendant jusqu'au bout une conception humaniste pour lutter contre la récidive, prendre en charge les auteurs d'infraction, protéger les droits des victimes et veiller à l'exécution des peines.

Ce texte réaffirme l'individualisation des peines et décline la mise en oeuvre de ce principe pour leur exécution. Les juridictions correctionnelles déplorent trop souvent le manque d'éléments sur la personnalité du prévenu. Ce texte comble cette lacune.

Notre rapporteur a proposé des amendements qui font de la contrainte pénale une peine autonome, sans référence à l'emprisonnement, pour certains délits. Je partage ce choix, qui nous rapproche de certains de nos voisins européens.

La question de l'altération du discernement qui fait l'objet d'un large consensus dans l'hémicycle est aussi prise en compte. Vous voulez arrêter la discussion...

M. André Reichardt.  - Nous n'avons pas dit cela.

M. Philippe Bas.  - Nous voulons au contraire l'approfondir, la reporter.

M. Philippe Kaltenbach.  - Alors pourquoi une question préalable ?

Notre système pénal demeure structuré par les peines de prison. Robert Badinter a fait remarquer que l'on était passé de 48 000 détenus en janvier 2002 à 67 000 dix ans plus tard, sans que la délinquance diminue. Le taux de sur-occupation est de 119 % sachant qu'il y a aussi 11 000 personnes sous bracelet électronique. Nous savons que surpopulation carcérale et récidive sont directement liées. La loi pénitentiaire ne suffit pas à lutter contre la récidive. Il fallait un nouveau texte. Le président Hyest l'a reconnu, en disant que les courtes peines sont sources de récidive.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Je le maintiens !

M. Philippe Kaltenbach.  - Cela nous rapproche, mais vous éloigne sans doute de certains sénateurs UMP.

Puisque 90 % des personnes condamnées à des peines de moins de six mois et 84 % de celles condamnées à des peines de six mois à un an quittent la prison en sortie sèche, il faut prévoir un accompagnement.

M. André Reichardt.  - Quels moyens ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Je n'ai pas assez parlé... (Exclamations amusées à droite)

M. Philippe Kaltenbach.  - Vous l'avez dit, les moyens sont là. Le véritable laxisme, comme l'a dit le président de la commission des lois, est de laisser 100 000 condamnés à la prison ferme ne pas purger de peine. De ce laxisme-là, les gouvernements qui se sont succédé de 2002 à 2012 sont responsables.

M. Philippe Bas.  - Nous avons hérité d'une situation très difficile en 2002. (Rires)

M. Philippe Kaltenbach.  - Les caisses étaient pleines : vous les avez vidées ! (Protestations à droite) Je vous demande de rejeter cette motion. (Applaudissements sur les bancs socialistes, écologistes et RDSE)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois .  - La commission des lois n'a pas été saisie de cette motion. Elle a néanmoins consacré de nombreuses auditions à l'examen de ce texte. Elle a beaucoup délibéré, y compris sur des points qui ne le méritaient peut-être pas... (Sourires) Le plaidoyer de M. Bas m'a convaincu, attaché qu'était notre collègue à développer les points d'accord, défendant avec force et talent la nécessité du débat. Délibérons donc ! Je vous remercie, monsieur Bas, d'avoir apporté un peu d'eau à notre moulin. (M. Jean-Pierre Michel, rapporteur, applaudit)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux .  - Je serais malheureuse de vous quitter si tôt... (Sourires)

Monsieur Bas, nous avons créé, depuis 2012, huit centres éducatifs fermés, créations nettes et non transformation de foyers classiques comme c'était auparavant la pratique dans les trois quart des cas. La récidive est bien plus faible dans les foyers ouverts.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Ce ne sont pas les mêmes délinquants.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Dans les faits, si. Nous avons réunifié la gouvernance, créé une évaluation, intégré les centres éducatifs fermés parmi les outils à la disposition du juge et dans le parcours des jeunes pris en charge par la justice.

La question préalable étant quelque peu hors sujet, je me suis autorisée cette réponse hors sujet... (Sourires)

M. Vincent Capo-Canellas .  - Les auteurs de la question préalable estiment que la loi de 2009 suffit, si elle est appliquée avec des moyens suffisants. Ce débat n'est pas tabou. Il peut être justifié d'aller plus loin, sans nier la continuité de ce texte avec la loi pénitentiaire.

La vocation humaniste du Sénat a été rappelée. Mais il faut trouver un équilibre avec l'impératif répressif, la protection des victimes. Penser que la contrainte pénale mettra fin à la récidive est hardi, sans parler de la suppression des peines planchers. L'équilibre entre humanisme et répression est-il compromis ? J'incline à dire oui mais le débat mérite d'avoir lieu. Le groupe UDI-UC s'abstiendra.

M. Jean-Jacques Hyest .  - Des questions préalables sans objet, M. Sueur en était jadis un artiste. D'ailleurs, celle-ci a offert un quart de temps de parole de plus à M. Kaltenbach, un peu moins au débat...

Depuis la loi pénitentiaire, tous les éléments sont là. Les 1 000 postes dont on parlait alors, voilà qu'on en reparle. Ils ne sont pas encore créés.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Ce qui est fait est fait !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Ils seront vite absorbés : on ne donne pas assez de moyens aux services pénitentiaires d'insertion et de probation. Il faut faire tourner la maison justice, voilà tout ! La situation est catastrophique depuis longtemps et ce texte n'y changera rien. Mieux vaudrait appliquer la loi en vigueur. (Applaudissements sur les bancs UMP)

Mme Cécile Cukierman .  - Le groupe CRC, sans surprise, votera contre cette question préalable qui n'a fait qu'allonger les débats.

La contrainte pénale ne concernera que les délits. Arrêtez de faire peur à l'opinion publique ! Les criminels ne sont pas concernés, personne ne restera impuni. Une sanction en milieu ouvert peut être plus pénible que quelques mois en prison. Quant à la valeur dissuasive de la prison, permettez-moi d'en douter : l'aggravation des sanctions n'a pas fait baisser la délinquance...

En aggravant toujours les peines on se fait plaisir, on se donne bonne conscience, sans rien résoudre.

L'argument financier me fait sourire. S'il y a un groupe au Sénat qui dénonce l'austérité, c'est le nôtre ! Si on renonce à l'équilibre faute de moyens, il n'y aura plus beaucoup de lois.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Tant mieux !

Mme Esther Benbassa .  - Cela ne surprendra pas, le groupe écologiste s'opposera à cette question préalable. Nous attendions ce texte depuis des années, vu l'échec patent de la politique pénale menée par la droite pendant dix ans. La loi pénitentiaire sera « un fondement suffisant pour lutter contre la récidive » ?

M. Philippe Bas.  - Oui !

Mme Esther Benbassa.  - Pourquoi avez-vous donc fait voter 36 lois de procédure et 63 lois de fond en dix ans ?

M. Philippe Bas.  - C'est une mauvaise pratique, je vous l'accorde.

Mme Esther Benbassa.  - Les peines planchers se sont révélées inefficaces, la récidive a augmenté. Soyons donc pragmatiques et cessons d'instrumentaliser les victimes.

M. Philippe Bas.  - Je ne l'ai jamais fait !

Mme Esther Benbassa.  - Mais si, vous ne faites que crier au laxisme par peur de perdre des voix. Ce qui tue le pays, c'est de faire toujours prévaloir des intérêts politiques sur l'intérêt général ! La justice de notre pays mérite bien un débat sincère ! (Applaudissements sur les bancs CRC, socialistes et écologistes)

Mme Virginie Klès .  - Le groupe socialiste, ayant hâte de rentrer dans le concret, votera contre la motion. (Applaudissements sur les bancs socialistes et CRC)

M. Jean-Claude Requier .  - Nous souhaitons, nous aussi, que le débat ait lieu. (Applaudissements sur les bans RDSE, socialistes et CRC)

À la demande du groupe UMP, la motion n°1 est mise aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°202 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 313
Pour l'adoption 136
Contre 177

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance, suspendue à 16 h 55, reprend à 17 h 5.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

M. Philippe Bas.  - Tout le monde peut trouver son compte dans cet article sur la nature et le sens de la peine, qui ménage la chèvre et le chou, les intérêts de la victime et ceux de la société, etc. Il ne relève pas de la loi mais de l'explication de texte, voire de l'exposé des motifs. Ne prenons pas l'habitude d'introduire dans notre code pénal des dispositions déclamatoires, voire proclamatoires. Cet article bavard est bien loin de l'élégance de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. (M. Vincent Capo-Canellas applaudit)

M. le président.  - Amendement identique n°26 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Capo-Canellas, Bockel, Marseille et Roche, Mme Férat, MM. Amoudry, J.L. Dupont et Deneux, Mme Gourault et MM. Zocchetto et Merceron.

M. Yves Détraigne.  - L'article 123-24 du code pénal, introduit par la loi pénitentiaire de 2009, précise déjà le sens de la peine. Cet article premier est inutile.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Avis défavorable. Il est bon de définir d'emblée le sens de la peine.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Cet article premier a bien une portée normative puisqu'il renvoie à l'article 132-1. La loi pénitentiaire disait qu'il fallait à la fois punir et réinsérer ; nous disons que la peine elle-même poursuit ces deux objectifs. Avis défavorable.

M. Yves Détraigne.  - Avec deux articles de même finalité mais d'expression différente dans le même code, on introduit de la confusion.

Les amendements identiques nos3 et 26 rectifié ne sont pas adoptés.

M. le président.  - Amendement n°47 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 130-1.  - Afin d'assurer la protection de la société et de restaurer l'équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions :

M. Jean-Claude Requier.  - Comme l'a rappelé le Conseil d'État dans son arrêt du 19 juillet 2011, le procès pénal n'est pas un procès privé mais « a pour objet de permettre à l'État, par la manifestation de la vérité et le prononcé d'une peine, d'assurer la rétribution de la faute commise par l'auteur de l'infraction et le rétablissement de la paix sociale ». La victime ne peut en aucun cas se voir reconnaître le droit de peser sur le choix et le prononcé de la peine. Les lois successives, depuis 2002, l'ont associée au procès, en l'instrumentalisant parfois. Or la justice pénale ne peut répondre à ses attentes de manière satisfaisante, d'où le développement d'autres solutions comme la justice restaurative. Il ne faut donc pas faire mention des droits des victimes à ce stade du code.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - La victime, en effet, n'a pas de droits mais des intérêts à défendre. Avis favorable sous réserve que soient rétablis les mots « pour prévenir la commission de nouvelles infractions ». C'est l'objet même de ce projet de loi.

M. Jean-Claude Requier.  - D'accord.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Merci de votre vigilance, monsieur Requier. Avis favorable à l'amendement rectifié.

M. Philippe Bas.  - Bien sûr que la victime a des droits, on ne peut pas les lui dénier. Elle est partie au procès pénal et abaisser son rôle est un mauvais signal.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Nous ne dénions pas les droits de la victime, qui sont consolidés, mais il s'agit ici du prononcé de la peine. La victime n'intervient pas dans le choix de celle-ci.

La césure du procès pénal est dans son intérêt : la juridiction pourra se prononcer sur la culpabilité et l'action civile, avant de se prononcer sur la peine lors d'une nouvelle audience.

M. Jacques Mézard.  - Levons toute ambiguïté. Il ne s'agit en aucun cas de réduire les droits des victimes. Mais ce n'est pas leur rôle de requérir et les juges reprennent parfois l'avocat de la partie civile sur ce point. À chacun son rôle dans le procès.

M. Yves Détraigne.  - L'amendement fait disparaître une des fonctions de la peine, qui est de prévenir la commission de nouvelles infractions.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Non, il a été rectifié.

M. le président.  - En effet, je vous donne lecture de l'amendement n°47 rectifié bis :

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 130-1.  -  Afin d'assurer la protection de la société, de prévenir la commission de nouvelles infractions et de restaurer l'équilibre social, dans le respect des intérêts de la victime, la peine a pour fonctions :

L'amendement n°47 rectifié bis est adopté.

L'article premier, modifié, est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Cet article est aussi inutile que le premier : le principe d'individualisation de la peine est constitutionnel et donne son sens au code pénal.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Avis défavorable. Il est utile d'inscrire ce principe dans le code pénal.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Même avis : ce principe constitutionnel n'est pas explicitement inscrit dans le code. M. Bas disait tout à l'heure que les juridictions pouvaient déroger aux peines planchers mais elles doivent, pour ce faire, apporter des garanties exceptionnelles.

Comment le pourraient-elles pour un SDF qui est condamné pour des infractions sans victime ? C'est justement pour couvrir ce type de cas -où le taux de peines automatiques est passé de 14 % à 44 % avec les peines planchers- que nous créons la contrainte pénale.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

L'article 2 est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°5, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

M. Jean-Jacques Hyest.  - L'article 3 est extraordinaire : un magistrat devra motiver spécialement sa décision lorsqu'il prononce une peine de prison, pourtant prévue par le code pénal... Pourtant, jamais la Cour de cassation n'a invalidé la peine prononcée par un tribunal !

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Avis défavorable. L'obligation de motiver le prononcé de peines d'emprisonnement fermes non aménagées découle directement de la Déclaration des droits de l'homme, selon laquelle la liberté est le principe et l'incarcération l'exception. C'est déjà la règle en Suisse et en Allemagne.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Même avis. La règle existait jusqu'en 2005.

L'amendement n°5 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et M. Frassa.

Alinéa 4

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Lorsque le tribunal correctionnel prononce une peine de sursis simple ou d'emprisonnement faisant l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28, il doit spécialement motiver sa décision, au regard des faits de l'espèce et de la personnalité de leur auteur ainsi que de sa situation. » ;

M. Jean-Jacques Hyest.  - Lorsqu'une personne est reconnue coupable d'une infraction que le code pénal sanctionne par une peine de prison, il est normal que le magistrat motive sa décision de ne pas procéder à cette incarcération. Le texte fait exactement l'inverse.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  -  Nous tenons à cet alinéa comme à tout l'article : avis défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Vous défendez cet amendement de repli, monsieur Hyest, et je me l'explique mal : il va à l'encontre du code pénal de 1994, à la rédaction duquel vous avez participé. Pour votre bien, rejet ! (Exclamations au centre et à droite)

L'amendement n°23 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°59, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le second alinéa de l'article 465-1 est supprimé.

Mme Esther Benbassa.  - L'article 465-1 du code de procédure pénale autorise le tribunal, lorsque les faits sont commis en état de récidive légale, à décerner un mandat de dépôt ou d'arrêt contre le prévenu, quelle que soit la durée de la peine d'emprisonnement prononcée. Son second alinéa l'impose même pour certains délits, sauf décision spécialement motivée du tribunal. Cette disposition est contraire à la logique d'individualisation des peines, d'autant plus que les peines prononcées par les magistrats en cas de récidive sont souvent déjà plus sévères.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Pour des faits particulièrement graves, l'enfermement immédiat n'est pas illégitime. Retrait, sinon rejet.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Même avis, la juridiction conserve toujours la possibilité de durcir. Retrait.

L'amendement n°59 est retiré.

L'article 3 est adopté.

L'article 3 bis est adopté.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°88, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 4

Après le mot :

sociale,

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

confiées, suivant le cas, à des personnes morales habilitées ou au service pénitentiaire d'insertion et de probation.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - La loi de 2012 avait validé le partage des tâches effectué sur le terrain entre les services pénitentiaires d'insertion et de probation et les associations agréées. L'Assemblée nationale y est revenue, quand nous préférerions conserver le savoir-faire des services pénitentiaires d'insertion et de probation pour la prise en charge post-sentencielle - qui, sinon, seraient surchargés. Les députés ne se sont pas laissés convaincre ou séduire ; les sénateurs de la commission des lois non plus. Toutefois, quand les associations manquent ou sont surchargées, le parquet peut déjà désigner les services pénitentiaires d'insertion et de probation pour procéder aux enquêtes de personnalité.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Nous sommes opposés à cet amendement pour des raisons de fond et de forme. D'abord, il s'agit ici de la césure du procès pénal qui se situe à cheval entre le pré-sentenciel et le post-sentenciel. Si le juge envisage une contrainte pénale, il peut être justifié de recourir aux services d'insertion et de probation, compétents pour assurer ensuite le suivi. Ensuite, « suivant le cas » n'est pas une formule à retenir dans la loi. Et il doit être fait référence à une personne morale, au singulier. L'avis de la commission des lois est totalement défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Totalement ?

L'amendement n°88 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°22, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

Alinéa 6, seconde phrase

Supprimer cette phrase.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Prolonger les délais avant le prononcé de peine est un mauvais signe. Sans compter qu'il faut déjà prendre en compte les deux mois de l'article 397-3. Imaginez qu'un juge, en comparution immédiate, demande des investigations supplémentaires, on va créer un formidable embouteillage dans les juridictions ; l'embolie sera totale...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Les députés, en cas de césure, ont prévu un délai de quatre mois renouvelable. L'Union syndicale des magistrats est pour -pour une fois qu'ils ne m'affublent pas de noms d'oiseaux... Peut-être la prolongation est-elle un peu longue. Madame la garde des sceaux, peut-on prévoir deux mois plutôt que quatre ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - La rapidité fonde la confiance dans la justice. Finalement, M. Hyest propose de revenir au texte du Gouvernement.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Je ne l'ai pas dit !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Faites-vous violence ! Dites-le quand il y a convergence d'intelligences -cela dit pour la rime... (Sourires) Je vois quelques difficultés au texte de l'Assemblée nationale, il pourra y avoir trois audiences, donc une charge supplémentaire pour les juridictions. Je conviens que les difficultés matérielles ne doivent pas être opposées aux principes mais si on les ignore, ce sont les principes qu'on fragilise...

Il faut dire aussi que dans beaucoup de cas, les enquêtes seront bouclées en moins de quatre mois, beaucoup de cas aussi où une prolongation de courte durée sera suffisante. Peut-être un compromis est-il possible.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Monsieur Hyest, peut-être pourrions-nous examiner la question en CMP ? Nous ferons ainsi du travail plus propre. Avis défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Pris entre deux feux, le Gouvernement, dans sa sagesse, s'en remet à la sagesse du Sénat...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Qui est sage ?

M. Jean-Jacques Hyest.  - Dans les juridictions comme dans les services administratifs, les délais supplémentaires seront utilisés parce qu'il y a déjà surcharge. On le sait bien dans nos administrations territoriales. Votons cet amendement pour peser sur l'Assemblée nationale en CMP.

L'amendement n°22 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°24, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et M. Frassa.

Alinéa 6, seconde phrase

Compléter cette phrase par les mots :

, mis à part les cas d'atteinte physique volontaire à la personne

M. Jean-Jacques Hyest.  - Les remises en liberté ou le maintien en milieu ouvert comportent des risques qui diffèrent en fonction du profil de la personne reconnue coupable et des faits qui lui sont imputés. Les critères criminologiques objectifs mettent en évidence les risques de récidive, de représailles et d'intimidations de la part des auteurs de violences physiques volontaires. D'autant qu'agresseur et victime se connaissent dans la moitié des cas.

La reconnaissance du préjudice subi par la victime est la condition sine qua non pour rétablir sa dignité et tourner la page.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Avis défavorable. Des investigations supplémentaires peuvent être nécessaires, y compris pour les auteurs d'atteintes volontaires à la personne.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Hier soir, à la tribune, vous avez dit, monsieur Hyest, qu'il fallait faire confiance aux magistrats. Nous leur faisons confiance, ce sont des gens responsables.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Le rapporteur m'a davantage convaincu que la garde des sceaux...

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Oh !

M. Jean-Jacques Hyest.  - C'est l'intérêt du dialogue parlementaire...

L'amendement n°24 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°48 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 7

Remplacer les mots :

dommages et intérêts soit à titre provisionnel, soit à titre définitif

par les mots :

dommages-intérêts à titre provisionnel

M. Jean-Claude Requier.  - Autoriser le juge, alors que le délai de saisine de la commission d'indemnisation des victimes d'infraction (Civi) court toujours, à fixer à titre définitif le montant des dommages et intérêts dont devrait s'acquitter la personne condamnée est bien hasardeux.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - En commission, nous avions suggéré à M. Mézard de retirer cet amendement. Si le tribunal dispose de tous les éléments pour se prononcer sur les dommages et intérêts à titre définitif, pourquoi l'empêcher ? Sachant que, dans la plupart des cas, ce sera à titre provisionnel.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Même avis. Ainsi la victime n'aura pas à revenir. La Civi pourra être saisie dans un second temps.

L'amendement n°48 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°104, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.

Alinéa 9, première phrase

Remplacer les mots :

et suivants

par les mots :

à 397-7

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Amendement de précision.

L'amendement n°104, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 4, modifié, est adopté.

ARTICLE 5

M. le président.  - Amendement n°6, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

M. Philippe Bas.  - Pourquoi supprimer les peines planchers ? Contrairement à ce qui a été dit, le juge reste libre de sa décision ; le principe constitutionnel d'individualisation des peines est pleinement respecté.

Depuis plusieurs années, on constate une tendance, dans les textes, à orienter le juge vers un certain type de peines ; cette tendance, nous y avons-nous-mêmes participé. Elle a le grand mérite de réserver le même traitement aux récidivistes et aux auteurs de violences graves sur tout notre territoire. Nous souhaitons maintenir le système existant. La suppression des peines planchers est un très mauvais signal.

M. le président.  - Amendement identique n°27 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Capo-Canellas, Bockel, Marseille et Roche, Mme Férat et MM. Amoudry, J.L. Dupont, Deneux et Merceron.

M. Yves Détraigne.  - Ce texte postule que les peines planchers sont inefficaces contre la récidive. Les faits montrent qu'il n'en est rien. J'ajoute qu'elles n'entraînent aucune automaticité, elles sont passées de 50 % en 2007 à 37 % en 2011. C'est dire que les juges se sont parfaitement approprié cet outil. Et on devrait le supprimer parce qu'il vient de la précédente majorité ? Non, les peines planchers sont utiles à la justice.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - La baisse des peines planchers a été compensée par une forte hausse des sursis avec mise à l'épreuve, ce qui a dénaturé ce dernier et embolisé les services pénitentiaires d'insertion et de probation. En les supprimant, on fait disparaître d'un coup 5 000 sursis avec mise à l'épreuve... Monsieur Zocchetto, votre président de groupe, qui était rapporteur de la loi de 2007, avait tenu, avec la commission des lois, à encadrer la mesure après avoir fait état des fortes critiques des magistrats et de la Défenseure des enfants. En 2011, la commission des lois en avait derechef restreint le champ, en le limitant aux violences les plus graves.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux - Vous avez raison, monsieur Détraigne. Les premières années, les magistrats ont tenté d'appliquer les peines planchers avant d'en venir au prononcé de sursis avec mise à l'épreuve pour y échapper. Il est manifeste que les peines planchers entravent l'individualisation des peines, dans la théorie comme dans la pratique. Il faut, pour y déroger, que le prévenu présente des garanties exceptionnelles. Résultat, une explosion des courtes peines avec l'impossibilité de préparer la sortie : 7 % de SDF à l'entrée, 14 % de condamnés sortant sans solution d'hébergement à la sortie. On voulait lutter contre la récidive et on a mis en place un dispositif qui a fait exploser la population carcérale -plus 35 % en dix ans- et empêché précisément ce qui peut être fait pour la prévenir. Il faut supprimer les peines planchers tout en en apportant des garanties de suivi individualisé -c'est ce que permet la contrainte pénale.

M. Jean-René Lecerf.  - Ce texte vise à revenir à une plus grande liberté d'appréciation du juge. Dès lors que celle-ci vaut aussi pour les libérations d'office, dont je craignais qu'elles fussent automatiques, je ne voterai pas ces amendements.

Les amendements identiques nos6 et 27 rectifié ne sont pas adoptés.

L'article 5 est adopté.

ARTICLE 6

M. le président.  - Amendement n°7, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

M. Philippe Bas.  - Il ne faut pas revenir sur l'automatisme de la révocation du sursis simple en cas de nouvelle condamnation dans un délai de cinq ans.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Je reprends à mon compte l'argumentation de M. Lecerf : nous renforçons l'individualisation des peines et la liberté d'appréciation du juge. Avis défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, rapporteur.  - Même avis. Les magistrats eux-mêmes ignorent souvent le sursis et le disent. Cela ne sera plus et ils pourront donc librement en prononcer ou non la révocation.

M. Philippe Bas.  - Lorsqu'un juge a décidé d'un sursis, suspendant ainsi une épée de Damoclès au-dessus de la tête du condamné afin de le dissuader de récidiver, ne pas révoquer le sursis en cas de récidive ôterait toute portée à la notion même de récidive.

L'amendement n°7 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°49 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

I.  -  Alinéa 2

Remplacer les mots :

que, en cas

par les mots :

qu'en cas

II.  -  Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Le tribunal statue en audience publique, après audition de la personne et, s'il y a lieu, de son avocat. »

L'amendement rédactionnel n°49 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°89, présenté par le Gouvernement.

I. - Alinéa 3

Remplacer les mots :

ayant ordonné la révocation du sursis dans les conditions définies à l'article 132-36

par les mots :

ayant ordonné la révocation totale du sursis dans les conditions définies à l'article 132-36 ; le caractère non-avenu de la condamnation ne fait pas obstacle à la révocation totale ou partielle du sursis en cas d'infraction commise dans le délai de cinq ans

II. - Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

6° À l'article 132-39, les mots : « si la révocation du sursis n'a pas été encourue » sont remplacés par les mots : « si la révocation totale du sursis n'a pas été  prononcée dans les conditions prévues à l'article 132-36 » ;

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Amendement de coordination et de cohérence avec les dispositions relatives au sursis avec mise à l'épreuve.

L'amendement n°89, accepté par la commission, est adopté.

L'article 6, modifié, est adopté.

ARTICLE 6 BIS

M. le président.  - Amendement n°76, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Après l'alinéa 1

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Le dernier alinéa de l'article 132-41 est supprimé ;

M. Jean-Pierre Bosino.  - Cet amendement restaure la pleine capacité pour le juge de prononcer un sursis avec mise à l'épreuve sans être limité par l'état de récidive légale. Cela renforcera le principe d'individualisation des peines. Les processus de sortie de la délinquance peuvent comprendre des rechutes et des aléas ; si les faits sont moins graves que les premiers ou interviennent longtemps après, ils ne doivent pas obligatoirement conduire à l'emprisonnement.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Rejet car, dans certains cas, il faut pouvoir distinguer entre primo-délinquants et récidivistes. En cas de peine mixte, les sursis avec mise à l'épreuve peuvent se cumuler sans restriction.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Les récidivistes doivent être, plus que les autres, suivis et accompagnés -et ce le plus tôt possible. La réitération intervient souvent dans des délais très courts. Une peine mixte, avec contrainte pénale, sera plus efficace que l'accumulation de sursis avec mise à l'épreuve. Retrait ?

L'amendement n°76 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°105, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.

I. - Alinéa 13

Supprimer cet alinéa.

II. - Après l'alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

5° A l'article 132-56, le mot : « second » est remplacé par le mot : « deuxième ».

III. - Alinéa 16

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - J'attire l'attention du Gouvernement sur cet amendement important. Lors de sa réunion du mercredi 18 juin, la commission des lois s'est prononcée en faveur de l'extension progressive du champ de la contrainte pénale à l'ensemble des délits à compter du 1er janvier 2017. J'étais moi-même partagé, je ne suis pas aussi incontrôlable qu'on le dit parfois... Et j'ai fait ce matin adopter un amendement pour dire qu'il faudra une nouvelle loi pour étendre ou modifier la contrainte pénale. (Exclamations amusées sur les bancs socialistes, M. Roger Karoutchi s'exclame aussi)

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le dispositif de l'Assemblée nationale me semblait satisfaisant : les députés ont prévu une évaluation après deux ans, qui sera présentée au Parlement. Partant de l'hypothèse que le Parlement est raisonnable et sérieux, il avisera à ce moment-là. Retrait ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Je maintiens l'amendement : le basculement, dans l'état actuel du texte, sera automatique en 2017.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Il n'y a pas d'automatisme. Il y a des textes d'application immédiate et d'autres d'application différée... Voyez la collégialité de l'instruction : adoptée en 2007, le Parlement en a différé l'application à deux reprises. Le texte a été retravaillé, je l'ai présenté en conseil des ministres en avril 2013... et il n'est toujours pas inscrit à l'ordre du jour du Parlement. Un simple amendement suffirait pour réintroduire ce que vous voulez supprimer aujourd'hui.

M. Philippe Bas.  - Les délais sont fort courts : nous sommes en juin 2014, la contrainte pénale serait généralisée au 1er janvier 2017. Aurons-nous le recul nécessaire pour juger de son efficacité ? J'ai regretté, en défendant la motion, l'absence de véritable expérimentation. En outre, le seizième alinéa de l'article 6 bis est clair : en droit, le présent de l'indicatif vaut obligation. La généralisation de la contrainte pénale se passera de toute nouvelle disposition législative. Je soutiens l'amendement n°105.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Je sollicite une suspension de séance de cinq minutes.

La séance, suspendue à 18 25, reprend à 18 h 35.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Durant cette suspension, nous avons échangé sur le sujet. Madame la ministre, nous maintenons la position de la commission. Nous sommes toujours ouverts au dialogue et il y aura une CMP. En l'état actuel, il nous paraît logique de tirer les conséquences de l'évaluation qui sera faite au bout de deux ans. C'est très bien, très moderne d'évaluer une loi moderne. Comme vous, nous prenons cette évaluation très au sérieux. Nous souhaitons qu'elle soit positive, mais il faut ménager la possibilité qu'elle ne le soit pas ou que, comme le disait Mme Klès, elle aboutisse à proposer des adaptations. Il est donc souhaitable que le Parlement soit saisi pour examiner le dispositif, sur la base de l'évaluation. Tel est le raisonnement logique de la commission des lois, que nous maintenons avec sérénité, après avoir entendu, madame la Ministre, vos préoccupations.

L'amendement n°105 est adopté.

L'article 6 bis modifié est adopté.

L'article 6 ter est adopté.

ARTICLE 6 QUATER

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

M. Philippe Bas.  - La révocation partielle du sursis ne saurait avoir lieu qu'une seule fois, sous peine d'être privée de sens.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Avis défavorable. Laissons au juge la faculté d'apprécier au cas par cas.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Avis défavorable. Cet amendement améliore l'efficacité de la peine.

M. Philippe Bas.  - C'est paradoxal !

L'amendement n°8 n'est pas adopté.

L'article 6 quater est adopté.

ARTICLE 7

M. le président.  - Amendement n°43, présenté par Mmes Tasca et Klès et MM. Kaltenbach et Madec.

Rédiger ainsi cet article :

« I. - Le code pénal est ainsi modifié :

« 1° Les articles 132-25 et 132-26-1 sont ainsi modifiés :

« a) Au premier alinéa, les mots : « ou, pour une personne en état de récidive légale, une peine égale ou inférieure à un an, » sont supprimés ;

« b) À la fin du 4°, les mots : « les risques de récidive » sont remplacés par les mots : « la commission de nouvelles infractions » ;

« c) À l'avant-dernier alinéa, les mots : « , ou, si la personne est en état de récidive légale, inférieure ou égale à un an » sont supprimés ;

« 2° À l'article 132-27, les mots : « de deux ans, ou, si la personne est en état de récidive légale, égale ou inférieure à un an au plus » sont remplacés par les mots : « égale ou inférieure à deux ans ».

« II. - Le code de procédure pénale est ainsi modifié :

« 1° La dernière phrase du premier alinéa de l'article 474 est ainsi rédigée : « Le présent alinéa est applicable au condamné exécutant une peine sous le régime de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique. » ;

« 2° Le premier alinéa de l'article 723-15 est ainsi modifié :

« a) À la première phrase, après le mot : « incarcérées », sont insérés les mots : « ou exécutant leur peine sous le régime de la semi-liberté, du placement à l'extérieur ou du placement sous surveillance électronique » ;

« b) La seconde phrase est supprimée. »

Mme Catherine Tasca.  - Cet amendement rend possible des aménagements de peine pour les condamnations inférieures ou égales à deux ans d'emprisonnement, en alignant le régime des récidivistes sur celui des primo-condamnés.

Cette disposition a connu un destin variable. L'Assemblée nationale a aligné le régime applicable aux récidivistes sur celui des primo-condamnés. Cela revient sur la loi pénitentiaire de 2009, contrairement à l'esprit du projet de loi, qui consiste à favoriser les aménagements de peine. Nous revenons à la loi de 2009, en conservant des améliorations apportées par l'Assemblée nationale. Dominique Raimbourg a relevé qu'il était contreproductif de limiter l'accès des récidivistes aux aménagements de peine qui facilitent leur réinsertion. Cet amendement est cohérent avec le maintien des articles 7 bis et 7 ter.

Nous sommes devant un mur. Les récidivistes sont très souvent de jeunes délinquants qui glissent progressivement sur une pente fatale. Nous devons nous interroger sur la façon dont nous abordons les aménagements de peine. Si l'on maintient la distinction entre les régimes des primo-délinquants et des récidivistes, on se prive d'un moyen d'accompagnement qui pourrait les arrêter sur cette pente.

M. le président.  - Amendement n°119, présenté par le Gouvernement.

A. - Alinéa 1

Rétablir le I dans la rédaction suivante :

I. - Le code pénal est ainsi modifié :

1° Les articles 132-25 et 132-26-1 sont ainsi modifiés :

a) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « Lorsque la juridiction de jugement prononce une peine égale ou inférieure à un an d'emprisonnement, elle peut... (le reste sans changement). » ;

b)  À la fin du 4°, les mots : « les risques de récidive » sont remplacés par les mots : « la commission de nouvelles infractions » ;

c)  Après la première occurrence des mots : « égale à », la fin de l'avant-dernier alinéa est ainsi rédigée : « un an. » ;

2°  À l'article 132-27, les mots : « de deux ans, ou, si la personne est en état de récidive légale, égale ou inférieure à un an au plus » sont remplacés par les mots : « égale ou inférieure à un an ».

B. - Alinéa 4

Rétablir le a) dans la rédaction suivante :

a) À la première phrase, les mots : « deux ans » sont remplacés, deux fois, par les mots : « un an » ;

C. - Alinéa 9

Rétablir le b) dans la rédaction suivante :

 b) La seconde phrase est ainsi rédigée : 

« En cas de cumul de condamnations, lorsque le total des peines d'emprisonnement prononcées ou restant à subir est supérieur à un an mais inférieur à deux ans, le juge de l'application des peines peut, par une décision spécialement motivée, ordonner l'une de ces mesures à l'égard du condamné qui justifie de l'existence d'efforts sérieux de réadaptation sociale résultant de son implication durable dans tout projet caractérisé d'insertion ou de réinsertion de nature à prévenir la commission de nouvelles infractions. »

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le Gouvernement souhaite maintenir le texte dans l'état où il est sorti de l'Assemblée nationale.

M. le président.  - Amendement n°50 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 1

Rétablir le I dans la rédaction suivante :

I.  -  Le code pénal est ainsi modifié :

1° Les articles 132-25 et 132-26-1 sont ainsi modifiés :

a) Au premier alinéa, les mots : « ou, pour une personne en état de récidive légale, une peine égale ou inférieure à un an, » sont supprimés ;

b) À l'avant-dernier alinéa, les mots : « ou, si la personne est en état de récidive légale, inférieure ou égale à un an » sont supprimés ;

2° À l'article 132-27, les mots : « de deux ans, ou, si la personne est en état de récidive légale, égale ou inférieure à un an au plus » sont remplacés par les mots : « égale ou inférieure à deux ans ».

M. Jean-Claude Requier.  - Cet amendement aligne le régime applicable aux condamnés en état de récidive légale sur celui des primo-condamnés. Le projet de loi repose sur le postulat que le récidiviste a besoin d'une personnalisation accrue dans le prononcé et l'exécution de la peine. Il serait donc paradoxal de réduire la possibilité d'aménagement de sa peine. Nous proposons de revenir au seuil de la loi pénitentiaire, tout en conservant l'avancée que constitue l'alignement des régimes décidé par l'Assemblée.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Le texte du Gouvernement distinguait entre les primo-délinquants et les récidivistes. L'Assemblée nationale a prévu un an pour tout le monde. La commission des lois est revenue à la distinction entre primo-délinquants et récidivistes. Mme Tasca propose deux ans pour tout le monde. Le Gouvernement revient au texte de l'Assemblée nationale. La commission des lois s'en tient à sa position, c'est-à-dire à la loi pénitentiaire : deux ans pour les primo-délinquants, un an pour les récidivistes. Avis défavorable aux trois amendements.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Nous verrons en CMP comment trouver des compromis avec l'Assemblée nationale. La position de la commission des lois est celle exprimée par le Sénat lors de la loi pénitentiaire, qui a donné lieu à un large accord ici. J'exprime des réserves sur le second paragraphe de l'exposé des motifs de l'amendement du Gouvernement, selon qui cette possibilité constituerait une dénaturalisation du sens de la peine de prison, non comprise par les magistrats eux-mêmes. Je ne suis pas d'accord. Je crois que les magistrats comprennent. Et comment un aménagement de peine pourrait-il dénaturer le sens de la peine ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Avis défavorable du Gouvernement sur l'amendement de Mme Tasca, qui va plus loin que la loi pénitentiaire. Quant au texte de l'Assemblée nationale qui a aligné le seuil à un an pour tous, je précise qu'il vaut en cas de cumul de peines inférieures à un an, jusqu'à deux ans.

Mme Virginie Klès.  - Les récidivistes sont des délinquants qui rechutent, ce qui est inscrit dans leur dossier et les exposent à des peines plus importantes. Ce sont eux qui ont le plus besoin d'être accompagnés, encouragés. La récidive peut être un acte moins grave que le premier. Ces circonstances ne sont plus prises en compte quand on refuse aux récidivistes l'accès à un aménagement de peine.

M. Thani Mohamed Soilihi.  - J'ai été convaincu par vos arguments et ceux de Mme Tasca. Il s'agit, dans l'esprit du projet de loi, d'aller dans le sens de l'efficacité de la peine. Il n'y a pas lieu de distinguer entre récidiviste et non-récidiviste.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Pourquoi l'Assemblée nationale a-t-elle réduit à un an ? Je ne l'ai pas compris. Les aménagements de peines, c'est autre chose que des peines alternatives. Ils concernent des gens qui ont été condamnés à deux ans ferme. Si l'on ne distingue pas entre les récidivistes et les primo-délinquants, méfiez-vous : on remet en cause l'équilibre qui avait été trouvé. Comme le président de la commission des lois, je m'en tiens à ce que nous avons voté en 2009. Y déroger nous expose à des problèmes insoupçonnés.

L'aménagement de peine va jusqu'à la semi-liberté, le TIG, le travail à l'extérieur, ce pour deux ans de prison ferme : ce n'est pas rien ! D'autant que ces deux ans peuvent n'être que la partie ferme d'une peine de cinq ans.

M. Jean-René Lecerf.  - Étrange histoire que celle de ce seuil à deux ans des aménagements de peine, qui résulte de la loi pénitentiaire. Le vote à peine intervenu, le Gouvernement de l'époque a insisté pour revenir sur ce seuil. Nous avons dû ferrailler pour maintenir le texte voté. J'admire la continuité gouvernementale ! On a reproché à ce texte de vider les prisons. Je ne suis pas certain qu'il les remplisse. Les effets d'une telle mesure sont plus importants que ceux qui découlent de la suppression des peines plancher. Il est sain de maintenir la différence entre récidiviste et primo-délinquant. J'approuve sans réserve la position du rapporteur.

Il faut aussi nous soucier de pédagogie face à l'opinion, pour lui faire accepter cette réforme.

Mme Nathalie Goulet.  - Oui, veillons à l'effet de cette réforme aussi sur l'opinion publique, afin de comprendre les textes que nous votons. Il y a quelques années, dans un comité de prévention de la délinquance, avait été inventé le slogan : « la prévention dépend aussi de nous ». Le texte de la commission des lois me paraît équilibré et bien compris. Nous le voterons.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Je maintiens ma position, dont je précise qu'elle a été confirmée lors des auditions par Mme Tulkens et M. Badinter.

L'amendement n°43 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°119.

L'amendement n°50 rectifié est retiré.

L'article 7 est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°60, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 395 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

1° Au premier alinéa, après le mot : « ans », sont insérés les mots : « , sans excéder sept ans » ;

2° Au deuxième alinéa, après le mot : « mois », sont insérés les mots : « sans excéder sept ans ».

Mme Esther Benbassa.  - Une recherche menée par la ligue des droits de l'homme sur une centaine d'audiences de comparution immédiate a abouti au constat alarmant de ce qui s'apparente à une justice d'abattage.

Les affaires sont en moyenne jugées en 36 minutes. Seulement 2 % des affaires jugées font l'objet d'une relaxe, alors que 57 % des affaires aboutissent à une peine de prison ferme. Dans 80 % des cas, les juges suivent les réquisitions du parquet.

J'ajoute que le champ d'application de la comparution immédiate est bien trop étendu. Les affaires les plus graves doivent être jugées dans de meilleures conditions.

M. le président.  - Amendement n°61, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 7

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l'article 397-4 du code de procédure pénale, le mot : « un » est remplacé par les mots : « une peine d'au moins une année d' ».

Mme Esther Benbassa.  - Cet amendement aligne les conditions d'incarcération des condamnés en comparution immédiate sur le droit commun : un mandat de dépôt, hors récidive, ne pourrait être délivré que pour les peines d'au moins un an de prison.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Je partage depuis très longtemps vos réticences face à la comparution immédiate, mais l'amendement n°60 pourrait entraîner des effets inopportuns, s'agissant de violences sur mineurs ou de vol avec violence. Retrait.

Même demande pour l'amendement n°61 : l'emprisonnement n'a rien d'automatique, il doit être motivé et cette obligation est renforcée par ce projet de loi.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Avis défavorable à l'amendement n°60. Il emporte des risques d'effet pervers. Il y a certes eu un abus du recours à la comparution immédiate, même si elle est lourde pour les juridictions, mais elle se justifie dans certaines situations. Je comprends votre objectif. Il faut revenir à plus de discernement sur l'usage de la comparution immédiate. Il ne convient pas de minorer des infractions graves, commises dans des circonstances graves. La transposition de la directive « B » permet la présence de l'avocat lors de la comparution immédiate. Retrait ?

Même demande pour l'amendement n°61, susceptible aussi d'effets pervers. Le magistrat pourrait prononcer une peine plus sévère juste pour obtenir un mandat de dépôt.

Les amendements nos60 et 61 sont retirés.

ARTICLE 7 BIS

M. le président.  - Amendement n°9, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Encore une fois, on refuse ici de distinguer entre primo-délinquants et récidivistes...

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Non !

M. Jean-Jacques Hyest.  - Mais si, cet article leur applique le même régime de réduction de peines qu'aux primo-délinquants ! Il y a quelque paradoxe à prétendre, comme monsieur le rapporteur, que cette mesure réduira la récidive...

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Avis défavorable. Les récidivistes peuvent déjà se voir infliger des peines très lourdes.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Sagesse.

L'amendement n°9 n'est pas adopté.

L'article 7 bis est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°42, présenté par Mmes Klès et Tasca et M. Mohamed Soilihi.

Après l'article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l'article 721-1 du code de procédure pénale, après le mot : « qui » sont insérés les mots : « , entrés illettrés en détention ont mis à profit cette dernière pour apprendre à lire et à écrire ou ».

Mme Virginie Klès.  - Beaucoup de détenus sont totalement illettrés à leur arrivée en prison. Avant de leur proposer des formations diplômantes, il faut les hisser jusqu'à la première marche vers ces formations, leur apprendre à lire et à écrire.

M. le président.  - Amendement n°120, présenté par le Gouvernement.

Après l'article 7 bis

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l'article 721-1 du code de procédure pénale, après les mots : « ou d'une formation, » sont insérés les mots : « en s'investissant dans l'apprentissage de la lecture, de l'écriture et du calcul, en participant à des activités culturelles et notamment de lecture, ».

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le sujet est venu en débat à l'Assemblée nationale, j'y ai été sensible. Hélas, l'amendement du député Jean-Frédéric Poisson n'était pas très bien rédigé. Nous l'avons récrit. On est dans le même esprit que Mme Klès mais le Gouvernement a la faiblesse de préférer sa rédaction.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Le rapporteur a la même faiblesse. La rédaction mériterait d'être revue : pourquoi ajouter « et notamment de lecture » après « activités culturelles » ? En tout cas, je demande à Mme Klès de retirer son amendement au profit de celui du Gouvernement.

L'amendement n°42 est retiré.

M. Jean-René Lecerf.  - J'avais une faiblesse pour l'amendement de Mme Klès. Autant les choses sont claires pour l'apprentissage de la lecture, de l'écriture, du calcul, autant elles le sont peu pour les activités culturelles. Pourquoi pas sportives ?

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Nous verrons en CMP.

Mme Esther Benbassa.  - Je tiens à la formulation de Mmes Klès et Tasca. Il ne s'agit pas de football ni de broderie mais d'apprendre à lire et à écrire. Activités culturelles, ça fait « Club Med ». (Mouvements divers)

M. le président.  - L'amendement n°42 a été retiré. Ne reste que l'amendement n°120.

L'amendement n°120 est adopté et devient un article additionnel.

L'amendement n°2 rectifié bis n'est pas défendu.

L'article 7 ter est adopté.

ARTICLE 7 QUATER

M. le président.  - Amendement n°10, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

M. Philippe Bas.  - L'article 7 quater prévoit que lorsqu'une peine de prison ferme inférieure à cinq ans n'a pas été mise à exécution dans les trois ans suivant le jugement, le juge d'application des peines peut en changer les modalités d'exécution. En d'autres termes, le juge d'application des peines choisira tout seul les modalités d'exécution de ces peines : incarcération, aménagement ou même dispense de l'exécution sous certaines conditions.

Les députés ont défini l'appréciation à laquelle doit se livrer le juge quant aux modalités d'exécution d'une peine qui n'a pas été exécutée dans un délai de trois ans. Il n'est pas concevable de modifier les règles en cours de mise à exécution au motif que la justice ne serait pas en mesure de faire appliquer cette décision.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Avis défavorable. L'article élimine des cas absurdes. Si le juge décide qu'il n'y a pas lieu d'aménager, la personne sera bien incarcérée.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le juge d'application des peines se trouve confronté à des cas absurdes et qui peuvent empêcher la réinsertion des personnes. Ce sont des situations fréquentes : consultez les registres des greffes ! Je sais que vous le faites et les députés aussi, comme moi. Des exécutions interviennent des années après le prononcé, alors que la situation de la personne ainsi condamnée a profondément changé. Le juge d'application des peines doit pouvoir en tenir compte. Il appréciera et décidera. Nous souhaitons le maintien de cet article.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Il est vrai qu'il existe de tels cas. Mais veillons à l'égalité des citoyens sur le territoire. Dans le ressort du TGI de Paris, un service de police est chargé de l'exécution des peines mais ce n'est pas le cas partout. Il faudrait distinguer selon les cas. Le condamné s'est-il soustrait à l'exécution ? Il y a quelque chose à faire, oui, mais pas de manière systématique et obligatoire.

M. François-Noël Buffet.  - Je comprends les cas auxquels se réfèrent le rapporteur et la ministre. Mais de quel quantum de peine parle-t-on ? De trois ans, cinq ans, quelques mois ? Il conviendrait de définir un quantum acceptable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - J'entends vos interrogations. Il n'y a donc rien de systématique. Le procureur peut décider de ne pas déférer la personne devant le juge de l'application des peines.

À la demande du groupe socialiste, l'amendement n°10 est mis aux voix par scrutin public.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°203 :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 314
Pour l'adoption 137
Contre 177

Le Sénat n'a pas adopté.

La séance est suspendue à 19 h 25.

présidence de Mme Bariza Khiari, vice-présidente

La séance reprend à 21 h 35.

Mme la présidente.  - Amendement n°77, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

...  -  L'article 723-16 du même code est abrogé.

Mme Cécile Cukierman.  - L'article 7 quater vise à ce que les peines prononcées ne soient exécutées que si elles ont toujours un sens, mais l'article 723-16 du code y fait obstacle, puisqu'il permet au procureur de la République de mettre à exécution des peines sans qu'un juge de l'application des peines ne se soit prononcé au fond sur l'aménagement des peines, sans motivation ni recours.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Avis défavorable. Ces dérogations doivent être préservées en cas d'incarcération pour des faits nouveaux, et pour éviter les fuites.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Il est plus prudent de laisser le procureur libre dans certains cas, par exemple pour éloigner l'auteur de violences conjugales. Le condamné peut d'ailleurs saisir immédiatement le juge de l'application des peines. Retrait.

Mme Cécile Cukierman.  - Soit, mais le problème est réel, nous y reviendrons lors de l'évaluation. Je suis évidemment sensible au cas des violences faites aux femmes, mais attention à ne pas généraliser.

L'amendement n°77 est retiré.

L'article 7 quater est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

Mme la présidente.  - Amendement n°62, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 7 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 723-27 du code de procédure pénale, il est inséré un article 723-27-... ainsi rédigé :

« Art. 723-27-... - Lorsque le procureur de la République ou le procureur général envisage de ramener à exécution la peine d'une personne détenue ou condamnée, il l'en informe, par tout moyen et sans délai.

« La personne dispose d'un délai de dix jours pour saisir le juge de l'application des peines aux fins d'un débat contradictoire sur l'opportunité et sur les modalités d'exécution de la peine les mieux adaptées à sa personnalité et à sa situation matérielle, familiale et sociale.

« Cette saisine suspend la possibilité pour le parquet de mettre la peine à exécution.

« Il est alors statué par le juge d'application des peines selon les dispositions de l'article 712-6. »

Mme Esther Benbassa.  - Les mises à l'écrou de peines non exécutées sont aujourd'hui discrétionnaires. Or les révocations de sursis doivent faire l'objet d'un débat contradictoire.

Aucune règle ne prévoit actuellement l'information d'une personne détenue ou condamnée. Il arrive ainsi qu'elle l'apprenne la veille, voir le jour de sa sortie, ce qui apparaît contraire à toute préparation à la sortie.

Cet amendement propose donc de conditionner la mise à exécution de la peine à un débat contradictoire devant le juge de l'application des peines. Au cours de ce débat, le parquet devrait justifier du motif de la mise à exécution et la personne pourrait être assistée de son avocat.

Mme la présidente.  - Amendement n°63, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Après l'article 7 quater

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article 723-27 du code de procédure pénale, il est inséré un article 723-27-... ainsi rédigé :

« Art. 723-27-... - Lorsque le procureur de la République ou le procureur général envisage de ramener à exécution la peine d'une personne détenue ou condamnée, il en informe la personne dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'État.

« L'inscription au registre d'écrou est notifiée au condamné au moins dix jours avant sa mise à exécution.

« Le greffe informe sans délai la personne de la date prévisible de libération. »

Mme Esther Benbassa.  - Amendement de repli, qui conditionne la mise à exécution de la peine à une information préalable de la personne, au moins dix jours avant la mise à exécution.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Ces amendements sont trop complexes. Avis défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le dispositif est complexe en effet. Le projet de loi autorise déjà les aménagements de peines inférieures à deux ans pour les primo-délinquants, à un an pour les récidivistes. D'autres mesures vont dans le même sens, en renforçant les prérogatives des juges d'application des peines. Retrait.

Mme Esther Benbassa.  - Je retire l'amendement n°62, mais l'autre me paraît nécessaire et facile à mettre en oeuvre.

L'amendement n°62 est retiré.

L'amendement n°63 n'est pas adopté.

ARTICLE 7 QUINQUIES A

Mme la présidente.  - Amendement n°92, présenté par le Gouvernement.

Alinéa 2

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Toutefois, la juridiction tient compte de l'existence de ce trouble lorsqu'elle détermine la peine ainsi que sa durée et qu'elle en fixe le régime. Si elle prononce une peine privative de liberté, elle doit décider d'une durée moindre que celle qu'elle aurait retenue en l'absence d'un tel trouble, sauf si elle considère que les circonstances de l'espèce et la personnalité du condamné ne permettent pas cette atténuation de la responsabilité pénale. Lorsque la nature du trouble mental de la personne le justifie, la juridiction s'assure que la peine prononcée permette que le condamné fasse l'objet de soins adaptés à son état, le cas échéant dans le cadre d'une contrainte pénale, d'un suivi socio-judiciaire ou d'un sursis avec mise à l'épreuve et, en cas de peine privative de liberté, pendant l'exécution de celle-ci ainsi qu'à l'issue de son exécution. »

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - L'Assemblée nationale a prévu l'atténuation de moitié de la peine en cas de trouble mental. Cela nous a paru trop rigide. Votre commission a introduit une atténuation au tiers, la logique reste la même. D'où cet amendement.

Mme la présidente.  - Amendement n°64, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 2, deuxième phrase

Remplacer les mots :

fixer le régime de la peine

par les mots :

déterminer la peine et en fixer le régime

Mme Esther Benbassa.  - La juridiction doit tenir compte de l'altération du discernement dans la détermination de la peine elle-même et non de son seul régime.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Avis favorable à l'amendement n°64. Quant à l'amendement du Gouvernement, la commission des lois a introduit dans le texte la proposition de loi issue d'un rapport établie par M. Lecerf et moi-même pour la commission des lois et par M. Barbier et Mme Demontès pour la commission des affaires sociales. Les gouvernements changent, leur avis ne change pas... La rédaction de l'amendement n°92 est inacceptable. Avis favorable à l'amendement n°64.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le Gouvernement soutenant son amendement, il est défavorable à l'amendement n°64, à regret...

M. Jean-René Lecerf.  - Je suis surpris que le Gouvernement considère que l'atténuation au tiers, « même en cas d'atténuation très légère du discernement », est trop rigide. Nous avons évalué, lors du travail que le rapporteur a rappelé, à 10 % la proportion de détenus pour lesquels la prison n'a aucun sens, sinon de transformer les prisons de la République en asiles du XXIe siècle ! On ne sait plus quoi faire de ces personnes parce qu'il n'y a plus assez de lieux psychiatriques fermés et c'est pourquoi les cours d'assises considèrent comme « altéré » le discernement aboli de certaines personnes et les condamnent lourdement. Nous avons voulu qu'il n'y ait plus de doute sur le caractère atténuant de cette circonstance et prévu une atténuation au tiers. Cette proposition de loi avait été adoptée à l'unanimité, contre l'avis du Gouvernement. Je rejoins donc totalement l'argumentation du rapporteur : la situation actuelle n'est pas à l'honneur de notre démocratie.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Je confirme : il y a dans nos prisons des malades mentaux graves dont la place n'est pas là. Lors de l'élaboration du nouveau code pénal, sur l'invitation des spécialistes, nous avions substitué à l'état de démence soit l'altération soit l'abolition du discernement. Depuis, les cours d'assises ne reconnaissent plus l'abolition. Avant, elle touchait souvent à la démence, donc à l'irresponsabilité. C'était l'époque où il y avait des asiles fermés.

Sans mesure forte, tout continuera. L'amendement du Gouvernement est très insuffisant.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Les commissions des lois et des affaires sociales ont accompli un travail très important. L'altération du discernement doit être un facteur d'atténuation de la peine, allant de pair avec l'obligation de soins pendant et après la détention.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le sujet est important. Tout en souhaitant éviter la rigidité, j'entends vos arguments. Des cas d'altération légère ne justifient pas une telle atténuation mais ce sont d'autres cas qui nous préoccupent. Je crains qu'en cas d'altération légère, plutôt que de devoir atténuer la peine d'un tiers, la juridiction préfère ne pas en tenir compte du tout.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Sans vouloir allonger les débats déjà très longs, c'est la peine encourue qui est réduite d'un tiers. En outre, si l'altération est légère, le rapport d'expertise conclura qu'elle n'a eu aucune incidence sur la commission de l'infraction. Nous nous sommes fondés sur les exemples suisse, belge...

L'amendement n°92 n'est pas adopté.

L'amendement n°64 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°78, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Alinéas 6 à 13

Supprimer ces alinéas.

Mme Cécile Cukierman.  - Cet amendement supprime la surveillance judiciaire des personnes dont le discernement était altéré à la date des faits. Le suivi de ces personnes relève d'une prise en charge médicale, sous contrainte si nécessaire. 

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Avis défavorable, à défaut d'un retrait. Le texte de la commission des lois repose sur un équilibre : en cas d'altération grave, la peine est atténuée d'un tiers mais des soins sont imposés. Tous les psychiatres que nous avons entendus en sont d'accord.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le Gouvernement pense aussi que l'obligation de soins est nécessaire. Mais l'alinéa 7 concerne une personne reconnue non responsable, donc non condamnée. La position de la commission des lois ne me paraît donc pas équilibrée. Avis favorable, sous réserve que seuls les alinéas 6 à 9 soient supprimés.

Mme Cécile Cukierman.  - D'accord. Nous avons toujours été frileux sur la question.

Mme la présidente.  - Ce sera donc l'amendement n°78 rectifié.

Alinéas 6 à 9

Supprimer ces alinéas.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - La commission reste défavorable.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - J'insiste, la position défendue par nos collègues dans leur rapport est équilibrée : atténuation de la peine et obligation de soins.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Pendant dix ans !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Ne le remettons pas en cause.

L'amendement n°78 rectifié n'est pas adopté.

L'article 7 quinquies A, modifié, est adopté.

ARTICLE 7 QUINQUIES

Mme la présidente.  - Amendement n°11, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

M. Jean-Jacques Hyest.  - Une question de vocabulaire d'abord : faut-il parler de justice « restaurative » ou « réparatrice », comme la directive européenne -ce qui évoque beaucoup de choses ? Ensuite, cet article très général suffit-il à transposer la directive ?

L'idée vient des États-Unis, du Canada, où le procès pénal va très rarement jusqu'à l'audience. Le système judiciaire est très différent. L'Europe nous impose de nous aligner sur le droit anglo-saxon, alors allons-y franchement !

Cet amendement me gêne, il faudrait approfondir la question. La justice restaurative relèverait d'un « tiers indépendant ». D'accord pour faire des expériences mais y a-t-il lieu de les inscrire dans le code de procédure pénale ? Certaines associations de victimes disent que ce qu'elles veulent, c'est l'oubli.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Décidément, je ne comprendrai jamais les règles de discussion commune en séance !

Ne pas voter l'article et proposer sa suppression, ce sont deux choses différentes. Je serai favorable à l'amendement n°51 rectifié, sous-amendé par le Gouvernement. Avis défavorable à celui-ci.

Mme la présidente.  - Les amendements de suppression sont toujours examinés seuls, en vertu du règlement du Sénat.

M. Jean-Pierre Michel.  - Mauvais règlement !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Nous devançons la transcription de la directive en répondant aux demandes de l'Inavem, le réseau des 143 associations d'aide aux victimes, très solides, très professionnelles.

Il faut distinguer entre, d'une part, les rencontres entre auteur et victime d'actes semblables et, d'autre part, les rencontres directes entre auteur et victime d'une infraction, toujours sur la base du volontariat.

Quant à la sémantique, nous avons opté pour l'épithète de justice « restaurative » : il s'agit, en plus de tout le reste, de faire se rencontrer une personne qui a subi un préjudice et un auteur qui entame ainsi le processus de responsabilisation. Cela serait à titre gracieux, si j'ose dire, sans rétribution, sans réduction de peine...

M. Jean-Jacques Hyest.  - Preuve que cela n'a pas sa place dans le code de procédure pénale.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Il faut un cadre. Les victimes se battent pour tenir debout et, bien souvent, s'engagent pour les autres dans des associations. Des expériences de justice restaurative ont eu lieu et ont donné des résultats. On a observé des transformations revigorantes, qui redonnent sens et espoir.

L'amendement n°11 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°51 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

Alinéa 5

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Elle est confidentielle, sauf accord contraire entre les parties et excepté les cas où il apparaît que la divulgation de certains éléments, tels que l'expression de menaces ou toute autre forme de violence commise durant le processus, est nécessaire à la protection de la victime.

M. Jean-Claude Requier.  - La directive du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012 établissant des normes minimales concernant les droits, le soutien et la protection des victimes de la criminalité précise que la mesure de justice restaurative doit être confidentielle, sauf accord contraire entre les parties et hormis les cas où il apparaît que la divulgation de certains éléments, tels que l'expression de menaces ou toute autre forme de violence commise durant le processus, est nécessaire à la protection de l'ordre public et de la victime.

C'est nécessaire alors que la procédure de justice restaurative expose une nouvelle fois sa vulnérabilité.

Mme la présidente.  - Sous-amendement n°121 à l'amendement n° 51 rectifié de M. Mézard, présenté par le Gouvernement.

Amendement n° 51 rectifié, alinéa 3

Remplacer les mots :

où il apparaît que la divulgation de certains éléments, tels que l'expression de menaces ou toute autre forme de violence commise durant le processus, est nécessaire à la protection de la victime

par les mots :

où un intérêt supérieur lié à la nécessité de prévenir ou de réprimer des infractions justifie que des informations relatives au déroulement de la mesure soient portées à la connaissance du procureur de la République

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Nous proposons une rédaction plus précise.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - La commission des lois n'a pu examiner le sous-amendement. Avis favorable à titre personnel, ainsi qu'à l'amendement n°51 rectifié ainsi sous-amendé.

Le sous-amendement n°121 est adopté.

L'amendement n°51 rectifié, sous-amendé, est adopté.

L'article 7 quinquies, modifié, est adopté.

ARTICLE 8

Mme la présidente.  - Amendement n°12, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

M. François-Noël Buffet.  - Nous nous interrogeons sur ce nouvel objet juridique qu'est la contrainte pénale. N'est-ce pas un faux jumeau du sursis probatoire, comme l'a dit la Commission nationale consultative des droits de l'homme ? L'utilisation du verbe « pouvoir » dans le texte de l'article démontre que ce n'est pas une peine autonome. Il va être difficile d'en déterminer les limites et les enjeux.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Avis défavorable : l'amendement supprime un article essentiel du projet de loi.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Même avis. La contrainte pénale est une peine autonome, pour un aménagement de peine. C'est une nouvelle réponse qui enrichit l'arsenal répressif.

L'amendement n° 12 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°106, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 5

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Art. 131-4-1.  -  Lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement n'excédant pas cinq ans et que la personnalité de l'auteur des faits, sa situation matérielle, familiale et sociale ainsi que les circonstances de la commission de l'infraction justifient un accompagnement socio-éducatif individualisé et soutenu, la juridiction peut prononcer la peine de contrainte pénale.

II.  -  Alinéa 21

Supprimer cet alinéa.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Nous revenons au texte du Gouvernement, qui institue la contrainte pénale pour les seuls délits punis de cinq ans d'emprisonnement au plus.

Mme la présidente.  - Amendement n°28 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Capo-Canellas, Bockel, Marseille et Roche, Mme Férat, MM. Amoudry, J.L. Dupont et Deneux, Mme Gourault et M. Merceron.

I. - Alinéa 5

1° Remplacer le mot :

Lorsque

par les mots :

Lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement n'excédant pas cinq ans et que 

2° Remplacer les mots :

l'auteur d'un délit puni d'une peine d'emprisonnement

par les mots :

son auteur

II. - Alinéa 21

Supprimer cet alinéa.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Le présent amendement revient sur la solution retenue par l'Assemblée nationale en séance publique qui prévoit une extension de la contrainte pénale à l'ensemble des délits à compter du 1er janvier 2017.

Mme la présidente.  - Amendement n°57 rectifié, présenté par MM. Mézard, Baylet, Bertrand, C. Bourquin, Collin et Collombat, Mme Escoffier, MM. Esnol, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

I.  -  Alinéa 5

Après le mot :

emprisonnement

insérer les mots :

n'excédant pas cinq ans

II.  -  Alinéa 21

Supprimer cet alinéa.

Mme Françoise Laborde.  - Cet amendement supprime l'extension de la contrainte pénale à partir du 1erjanvier 2017. Il paraît nécessaire qu'un nouveau débat sur l'extension de la contrainte pénale s'engage sur la base de l'évaluation qui aura été faite de son application. Cette application exclusive aux délits n'excédant pas cinq ans permettra une meilleure acceptation de la contrainte pénale par les citoyens. Elle est recommandée par la prudence, étant donné le manque de visibilité quant à ses conséquences à moyen ou long terme sur la délinquance.

La contrainte pénale doit avoir toutes ses chances. L'étendre à tous les délits ne peut que nuire à la réforme.

Mme la présidente.  - Amendement n°65, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 21

Supprimer cet alinéa.

Mme Esther Benbassa.  - Revenant sur le texte issu des travaux de sa commission des lois, l'Assemblée Nationale n'a prévu l'extension de la contrainte pénale à tous les délits que pour 2017. Le suivi renforcé mis en place ne sera donc possible, d'ici là, que pour les délits les moins graves. Il s'agit d'une contradiction avec l'esprit du projet de loi. Nous proposons que la contrainte pénale soit étendue à tous les délits dès l'entrée en vigueur de la loi.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°80, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Mme Cécile Cukierman.  - Je vais dans le même sens. Nous regrettons que la contrainte pénale ne concerne que les infractions punies de cinq ans d'emprisonnement et que nous ne puissions l'étendre à l'ensemble des délits. Voulons-nous réellement construire une justice qui sanctionne sans apporter comme unique réponse la prison ? Nous avançons à petits pas, certains diront doucement mais sûrement ; mais à aller trop doucement on risque de reculer. Le report proposé est difficilement compréhensible d'autant que le sursis avec mise à l'épreuve est applicable à tous les crimes et délits et que la contrainte pénale est plus contraignante.

Nous proposons de revenir à la rédaction de la commission des lois de l'Assemblée nationale.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Les groupes de Mme Laborde et de M. Capo-Canellas sont d'accord avec la commission pour la clause de revoyure en 2017. D'où l'avis défavorable de la commission des lois aux amendements de Mmes Benbassa et Cukierman.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Très bien ! C'est très clair.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le Gouvernement s'en tient au texte issu des débats de l'Assemblée nationale. Nous avons eu un malentendu sur la clause d'évaluation, que j'ai souhaité inclure dès le début par souci d'efficacité, pour prévenir la récidive ; il ne s'agit pas seulement de la combattre, de la réprimer mais de l'éviter. Notre obsession d'efficacité se traduit par ce rendez-vous destiné à examiner nos résultats après deux ans.

Les travaux d'intérêt général peuvent être prononcés, je le rappelle, pour tout délit, de même pour le sursis avec mise à l'épreuve. La contrainte pénale est plus contraignante. J'ai du mal à saisir la logique qui consiste à laisser ces autres aménagements inchangés et à limiter la contrainte pénale aux peines encourues à cinq ans... L'Assemblée nationale, après les travaux de la commission, a modifié le texte en séance publique. Le Gouvernement souhaite en rester là.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Notre amendement a été adopté ce matin en commission des lois parce nous avons eu une discussion la semaine dernière fondée sur les réflexions de MM. Détraigne, Zocchetto, Mézard, Richard... Il est de ma responsabilité de rapporteur de présenter des amendements susceptibles de recueillir l'aval du plus grand nombre de commissaires. Je demande à MM. Détraigne et Mézard de retirer les amendements, qui sont satisfaits par l'amendement n°106.

M. Vincent Capo-Canellas.  - Si notre amendement est satisfait, je veux bien le retirer.

L'amendement n°28 rectifié est retiré, de même que l'amendement n°57 rectifié.

L'amendement n°106 est adopté.

Les amendements nos65 et 80 deviennent sans objet.

Mme la présidente.  - Amendement n°25, présenté par MM. Hyest, Bas et Buffet, Mme Troendlé et M. Frassa.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La contrainte pénale ne peut être prononcée à l'encontre d'une personne reconnue coupable d'atteinte physique volontaire à la personne.

M. François-Noël Buffet.  - Le dispositif de la contrainte pénale concerne tous types d'infractions, jusqu'à celles qui peuvent être punies de dix ans de prison. Si l'on considère les victimes, leur réaction est différente selon qu'il s'agit d'une agression physique ou d'une atteinte aux biens. On ne peut pas traiter l'une et l'autre de la même manière. C'est la preuve qu'une refonte de l'échelle des peines s'imposait.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Il n'est pas utile d'exclure priori du champ de la contrainte pénale un certain nombre de délits. Ceux qui sont sujets à des addictions, à des phénomènes de bandes seront utilement accompagnés par les services pénitentiaires d'insertion et de probation.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Les violences volontaires recouvrent des situations très différentes. La juridiction les évaluera. Avis défavorable.

L'amendement n°25 n'est pas adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°107, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 14

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Si elle dispose d'éléments d'information suffisants sur la personnalité du condamné et sur sa situation matérielle, familiale et sociale, la juridiction qui prononce la contrainte pénale peut définir les obligations et interdictions particulières auxquelles celui-ci est astreint parmi celles mentionnées aux 1° à 3° du présent article.

II.  -  Alinéa 16

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Dans des conditions et selon des modalités précisées par le code de procédure pénale, le juge de l'application des peines peut, après évaluation de la personnalité et de la situation matérielle, familiale et sociale du condamné par le service pénitentiaire d'insertion et de probation, puis au cours de l'exécution de la contrainte pénale au regard de l'évolution du condamné, modifier, supprimer ou compléter les obligations et interdictions fixées par la juridiction, et déterminer les mesures d'aide dont il bénéficie.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - La commission des lois a apporté plusieurs modifications à l'article 8 du projet de loi destinées à rééquilibrer les prérogatives du juge et du juge d'application des peines dans la mise en oeuvre de la contrainte pénale.

Cet amendement précise que, sur la base des éléments d'information dont elle dispose, la juridiction de jugement peut prononcer l'ensemble des obligations et interdictions qui lui paraissent appropriées. Dans un second temps, le juge d'application des peines pourra les compléter, les modifier ou les supprimer au vu de la personnalité du condamné et de son évolution.

Mme la présidente.  - Amendement n°79, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Alinéa 14, première phrase

Rédiger ainsi cette phrase :

La juridiction qui prononce la contrainte pénale peut imposer, à titre  provisoire, à la personne condamnée les obligations et interdictions prévues  aux  7°, 9°, 12° et 13° de l'article 132-45.

M. Jean-Pierre Bosino.  - Pour obtenir les bénéfices de la création de la contrainte pénale, il faut laisser le temps de l'évaluation, par le service pénitentiaire d'insertion et de probation et de la fixation par le juge d'application des peines, des obligations et du plan de réinsertion. Pour ce faire, nous proposons de limiter les obligations pouvant être prononcées par le tribunal correctionnel -interdictions de conduire, de paraître en certains lieux et de contacter les co-auteurs et victimes ou certaines catégories comme les mineurs. L'injonction de soins pourrait être prononcée par le tribunal correctionnel sur la base d'une expertise psychiatrique dans les situations les plus exceptionnelles.

Il paraît plus pertinent d'intégrer les autres obligations et interdictions dans le plan élaboré par le service pénitentiaire d'insertion et de probation et le juge d'application des peines. Comme ces obligations sont rarement en place avant quatre mois, cette modification n'aurait pas d'effet négatif sur la qualité du suivi. 

Mme la présidente.  - Amendement n°35, présenté par Mme D. Gillot et M. Mohamed Soilihi.

Alinéa 16, première phrase

Après le mot :

probation

insérer les mots :

ou toute personne morale habilitée

Mme Dominique Gillot.  - Dans son avis rendu le 27 mars 2014, la CNCDH relève pour le déplorer que « le projet de loi retient une conception exclusivement régalienne de la peine de contrainte pénale en gardant le silence sur la participation de la société civile dans la mise en oeuvre de la contraint pénale. »

Habiliter à intervenir depuis des décennies dans la phase pré-sentencielle, le secteur associatif ne saurait être écarté du dispositif.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Avis défavorable à l'amendement de Mme Cukierman, qui risque de poser un problème de constitutionalité. Avis favorable à l'amendement n°35. Si l'on veut que la contrainte pénale réussisse, il faut que l'ensemble de la société participe. Dans les pays nordiques ou au Canada, on appelle cela la peine comminatoire. Je sais que les services pénitentiaires d'insertion et de probation sont très opposés à l'intervention des associations à ce moment-là. Mais la protection judiciaire de la jeunesse s'appuie sur un secteur associatif puissant et ses éducateurs sont demandeurs. Il faudra bien sûr que le ministère passe des conventions avec les associations habilitées.

Mme la présidente.  - Il faudrait transformer votre amendement n°35, madame Gillot, en sous-amendement à l'amendement n°107.

Mme Dominique Gillot.  - D'accord.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Alors je le suis également.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - L'amendement du rapporteur est donc transformé de façon substantielle. Avis défavorable. Nous avons eu une partie de cette discussion tout à l'heure lorsque vous avez souhaité réintroduire le service pénitentiaire d'insertion et de probation de façon systématique lors de la phase pré-sentencielle. Le post-sentenciel en revanche doit être assuré par le service pénitentiaire d'insertion et de probation qui assure une mission régalienne.

Les associations sont animées par des personnes sérieuses, disponibles et rigoureuses, mais le post-sentenciel dans le cadre de la contrainte pénale va devenir un métier ; nous travaillons d'ailleurs à la formation des personnels, à la constitution des outils de prise en charge et d'évaluation. Nous allons vers la professionnalisation de la prise en charge. Je souhaite qu'on laisse au Spip la responsabilité du post-sentenciel. D'où ma demande de retrait de l'amendement n°107, sous-amendé. Retrait de même de l'amendement n°79, il y aura des cas où le tribunal disposera des éléments suffisants.

Mme Cécile Cukierman.  - Il peut être dangereux de permettre aux personnes morales même habilitées de prendre en charge le post-sentenciel ; alors que nous disposons d'un personnel formé, cheville ouvrière de l'application de cette réforme. Maintenir le service public dans ce domaine contribuera à la réussite de la réforme, qui suscite beaucoup d'attente, mais aussi beaucoup d'inquiétudes parmi le personnel concerné. Nous avons constaté certaines dérives parmi les personnes morales habilitées en PJJ.

Mme Virginie Klès.  - Vous avez parlé, madame la ministre, de post-sentenciel. Or l'amendement n°107, sous-amendé par le sous-amendement 35 rectifié, ne porte que sur le pré-sentenciel...

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Je sollicite une brève suspension de séance.

La séance, suspendue à 23 h 15, reprend à 23 h 20.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Nous sommes au clair.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Les choses, en effet, sont claires : l'avis du Gouvernement demeure défavorable à l'amendement n°107 sous amendé. Je souhaite que les services pénitentiaires d'insertion et de probation interviennent car nous sommes bien dans le post-sentenciel, la sanction a été prononcée.

Le sous-amendement n°35 est adopté.

L'amendement n°107, sous-amendé, est adopté.

L'amendement n°79 est retiré.

Mme la présidente.  - Amendement n°97, présenté par le Gouvernement.

Après l'alinéa 14

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La décision de condamnation fixe également la durée maximum de l'emprisonnement encouru par le condamné en cas d'inobservation des obligations et interdictions auxquelles il est tenu. Cet emprisonnement ne peut excéder deux ans, ni le maximum de la peine d'emprisonnement encourue. Les conditions dans lesquelles l'exécution de l'emprisonnement peut être ordonnée, en tout ou partie, sont fixées par le code de procédure pénale.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Cet amendement reprend les dispositions de l'article 131-36 du code pénal sur le suivi socio-judiciaire. La rédaction de la commission implique que les poursuites soient exercées par le procureur.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Défavorable. Si, comme le prévoit le Gouvernement, la juridiction de jugement fixe a priori la durée d'emprisonnement au cas où le condamné ne respecterait pas les obligations de la contrainte pénale, il n'y a plus aucune différence entre celle-ci et le sursis avec mise à l'épreuve. C'est pourquoi la commission crée un délit autonome de non-respect des obligations de la contrainte pénale.

L'amendement n°97 n'est pas adopté.

L'article 8, modifié, est adopté.

ARTICLE 8 BIS (Supprimé)

Mme la présidente.  - Amendement n°66, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

« La section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est complétée par une sous-section 7 ainsi rédigée :

« Sous-section 7

« De la contrainte pénale

« Art 132-70-4. - Lorsqu'une condamnation pour un délit de droit commun comportant une peine d'emprisonnement ferme d'un an au plus a été prononcée et que le condamné ne fait pas l'objet d'une mise à l'épreuve prévue à l'article 132-40, le juge de l'application des peines peut, lorsque cette condamnation n'est plus susceptible de faire l'objet d'une voie de recours par le condamné, ordonner que le condamné effectuera une contrainte pénale en application des articles 131-3 et 131-4-1.

« Le présent article est applicable aux peines d'emprisonnement ayant fait l'objet d'un sursis partiel, assorti ou non d'une mise à l'épreuve, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à un an. Dans ce cas, la partie de la peine avec sursis demeure applicable.

« Le présent article est également applicable aux peines d'emprisonnement inférieures ou égales à un an résultant de la révocation d'un sursis, assorti ou non d'une mise à l'épreuve. »

Mme Esther Benbassa.  - Il s'agit de donner au juge la possibilité de convertir une peine de prison inférieure à un an en contrainte pénale s'il l'estime nécessaire. Cette souplesse dans l'application de la peine permettrait un meilleur suivi des personnes condamnées. Le juge ayant déjà la possibilité d'aménager la peine en un sursis-TIG, il est cohérent de lui donner la possibilité de la convertir en contrainte pénale, qui permet un suivi renforcé. Cette conversion ne serait pas possible si un sursis avec mise à l'épreuve était déjà prévu pour le condamné.

M. le président.  - Amendement n°81, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

La section 2 du chapitre II du titre III du livre Ier du code pénal est complétée par une sous-section 7 ainsi rédigée :

« Sous-section 7

« De la contrainte pénale

« Art 132-70-4.  -  Lorsqu'une condamnation pour un délit de droit commun comportant une peine d'emprisonnement ferme d'un an au plus a été prononcée, le juge de l'application des peines peut, lorsque cette condamnation n'est plus susceptible de faire l'objet d'une voie de recours par le condamné, ordonner que le condamné effectuera une contrainte pénale en application des articles 131-3 et 131-4-1.

« Le présent article est applicable aux peines d'emprisonnement ayant fait l'objet d'un sursis partiel, assorti ou non d'une mise à l'épreuve, lorsque la partie ferme de la peine est inférieure ou égale à un an. Dans ce cas, la partie de la peine avec sursis demeure applicable.

« Le présent article est également applicable aux peines d'emprisonnement inférieures ou égales à un an résultant de la révocation d'un sursis, assorti ou non d'une mise à l'épreuve. »

Mme Cécile Cukierman.  - Défendu.

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Défavorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le Gouvernement est plutôt favorable au principe de la conversion... Sagesse.

L'amendement n°66 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°81.

L'article 8 bis demeure supprimé.

ARTICLE 8 TER

M. André Reichardt.  - Cet article fait de la contrainte pénale une nouvelle peine autonome, et non plus un aménagement de peine. Elle remplacerait la prison pour les vols simples et recel de vols simples, la filouterie ou encore le délit de fuite, l'usage de stupéfiants, certains délits relatifs au code de la route...

Le groupe UMP y est très défavorable. Cet article a été introduit par un amendement adopté à une voix de majorité, sans réflexion suffisante. Il envoie un signal désastreux aux délinquants et à nos concitoyens, un signal d'impunité.

La voie de la contrainte pénale, d'ailleurs, n'est pas claire. Cet article marque un renoncement et brise l'échelle des peines. Pourquoi ne pas attendre les conclusions de la mission Cotte ?

La société demande des peines justes et compréhensibles, parmi lesquelles la prison a sa place. L'UMP est très favorable aux aménagements de peine quand ils sont possibles, à condition qu'ils soient associés à la menace de la prison. La contrainte pénale, instituée en peine autonome, constitue une vraie contrainte pour les juges qui ne pourront plus exercer leur pouvoir d'appréciation.

La récidive est due, pour l'essentiel, au manque de moyens pour la probation et la réinsertion. Or, cette contrainte pénale exige de nouveaux et très importants moyens. Cette loi ne sera pas mieux appliquée que les précédentes. La situation des finances publiques s'impose à nous tous.

Mme la présidente.  - Amendement n°13, présenté par M. Hyest et les membres du groupe UMP.

Supprimer cet article.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°29 rectifié, présenté par MM. Détraigne, Capo-Canellas, Tandonnet, Bockel, Marseille et Roche, Mme Férat, MM. Amoudry, J.L. Dupont et Deneux, Mme Gourault et M. Merceron.

M. Yves Détraigne.  - Nous voici au coeur des modifications apportées en commission. Celle-ci a changé la nature même de la contrainte pénale qui devait être une possibilité complémentaire offerte au juge. Après cet article 8 ter, c'est tout le contraire, puisqu'il supprime la peine de référence, la prison, pour imposer la contrainte pénale. Cette loi n'a-t-elle pas pour objectif affiché de compléter la gamme des réponses que le juge peut apporter à un délit ?

Même en cas de récidive, la peine de prison disparaît. Quel message ! Certes, le rapporteur souhaite à présent ôter du champ de l'article le vol simple et son recel, mais tout de même... Cet article abouti à affaiblir la répression. Nous souhaitons sa suppression.

Mme la présidente.  - Amendement identique n°98, présenté par le Gouvernement.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Je m'en suis expliquée en commission, la création de la contrainte pénale est motivée par la nécessité d'assurer le suivi des condamnés, en fonction de leur personnalité, ce que ni l'incarcération ni les aménagements de peine ne permettent.

Certes, il faut revoir le droit des peines, d'où la mission confiée à Bruno Cotte. Mais vous, vous liez la contrainte pénale à une liste d'infractions plutôt qu'à la personnalité des détenus. Vous la liez à des « petites infractions » alors qu'il ne s'agit pas d'une petite peine. Vous ne suivez donc pas la même logique que nous.

La contrainte pénale aurait aussi sa place pour d'autres infractions que celles prévues ici. Rappelons que sa durée minimale est de six mois. Vous n'en faites pas, c'est vrai, une peine exclusive, mais d'autres comme les travaux d'intérêt général, ne sont pas toujours adaptés. Dans certains cas, la contrainte pénale sera le marteau pour écraser la mouche.

S'agissant des délits prévus par le code de la route, attention à ne pas pousser au relâchement de la vigilance des conducteurs. Pourquoi ne pas avoir inclus l'abandon de famille, par exemple, aujourd'hui puni d'emprisonnement ? Tout cela montre que ces dispositions sont prématurées. Je crains de ne pas vous avoir convaincus, malgré mes considérables efforts. (Sourires)

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Avis défavorable. Cet article 8 ter vient de loin, de la préconisation n°36 du rapport Raimbourg. Les auditions de la commission des lois, nos visites à la Cour de cassation, la Conférence de consensus m'ont convaincu de faire de la contrainte pénale une peine autonome, au sein d'un triptyque comprenant aussi la prison et les peines pécuniaires pour les délits.

Le bilan, en 2017, devra aussi s'appliquer à cet article. Nous verrons à quels délits il est légitime d'appliquer la contrainte pénale. Presque toutes les institutions et personnalités entendues en sont d'accord. Cet article est tellement prudent qu'ayant entendu les arguments de MM. Détraigne et Lecerf, j'en ai retiré le vol simple.

J'aime beaucoup les commissions ad hoc, d'autant qu'elles sont parfois présidées par des amis, mais elles débouchent rarement. Introduisons enfin dans la loi cette idée que la contrainte pénale est une peine autonome. Nous irons plus loin en 2017, si cela apparaît souhaitable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Je connais votre démarche et ne doute pas de vos intentions. Mais la tendance est à l'aggravation de la répression. Il ne faudrait pas que là où l'on prononce aujourd'hui un stage de citoyenneté, on prononce une contrainte pénale. C'est ainsi que le bracelet électronique a été utilisé plus largement que prévu, vers le bas. Encore une fois, la contrainte pénale est une sanction lourde, de six mois à cinq ans, avec des obligations et des interdictions plus larges que dans le sursis avec mise à l'épreuve, elle est d'exécution immédiate, soumise à une évaluation régulière.

Mme Cécile Cukierman.  - J'entends bien mais faire de la politique, c'est aussi être pragmatique. La commission des lois a voulu donner de la visibilité à la contrainte pénale, en faire autre chose qu'une mesure d'affichage législatif ; nous l'avons approuvée. Les risques que vous pointez, madame la Ministre, sont à mettre en balance avec le risque de réduction de la contrainte pénale à la portion congrue, par facilité et par tradition.

L'Assemblée nationale n'a pas voulu que la contrainte pénale soit élargie à tous les délits. Il nous a alors paru intéressant de supprimer la peine de prison pour certains d'entre eux. Nous souhaitons tous que la contrainte pénale réussisse. Sur ce point comme sur d'autres, une deuxième lecture eût été utile.

Mme la présidente.  - J'ai le plaisir de vous informer que la France est qualifiée pour les huitièmes de finales de la Coupe du monde.

M. François-Noël Buffet.  - Où est la vraie contrainte pénale ? Celle que propose le Gouvernement, soit une alternative à la détention, pour des infractions faisant encourir une peine de prison ? Ou celle du rapporteur, sanction autonome, sans que la peine de prison soit encourue ?

Il est important de dire aux délinquants potentiels qu'ils encourent la prison. Ensuite, le juge apprécie. Si cette menace disparaît, je crains que les comportements n'évoluent dangereusement.

M. André Reichardt.  - M. le rapporteur disait que la contrainte pénale serait une partie d'un triptyque, avec les sanctions pécuniaires et la prison, peu importe au fond quels délits sont passibles de cette contrainte pénale. Le vol simple, finalement, est exclu. Qu'en est-il du recel ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - Il est aussi exclu.

M. André Reichardt.  - Il s'agit de droit pénal ! Quelle image donnons-nous ? La réflexion n'est pas mûre. Pourquoi ne pas attendre les conclusions de la commission Cotte, en conservant à la contrainte pénale son statut de substitut à la prison ?

M. Vincent Capo-Canellas.  - Une fois n'est pas coutume, nous sommes d'accord avec vous, madame la Ministre. La commission des lois a trop élargi le champ de la contrainte pénale, faisant fi des expérimentations. Franchir un pas de plus après la loi pénitentiaire, pourquoi pas, mais ne nous privons pas d'un recours à la prison. S'en passer, c'est adresser un mauvais signal aux délinquants comme aux victimes, à qui l'on annonce qu'il n'y aura plus de réparation, de sanction aussi forte des délits qu'elles subissent.

Mme Catherine Tasca.  - Dédramatisons le débat. Je ne crois pas que cet article 8 ter soit contraire à l'esprit de la loi, ni ne change la nature profonde de la contrainte pénale, qui est une vraie et lourde peine, comme vous l'avez dit madame la Ministre.

Lors des très nombreuses auditions menées par le rapporteur, il est apparu que la majorité des acteurs de la chaîne pénale s'interrogent sur la nature de cette nouvelle peine. Le rapporteur s'efforce de lui donner réalité, en définissant un champ, de manière modérée puisqu'il accepte d'en exclure le vol et le recel. Dans tous les cas, il s'agit de délits sans atteinte aux personnes. Tous, nous nous interrogeons sur le sens et l'utilité de la prison. Il faut bien mettre les mains dans le cambouis, apporter une réponse par la loi ! Évitons l'affrontement, et mettons à profit le temps imparti jusqu'à la CMP pour poursuivre la réflexion.

M. Jean-René Lecerf.  - Jamais la procédure accélérée ne m'a paru si regrettable. Elle ne nous avait pas empêchés de débattre de façon approfondie de la loi pénitentiaire, mais la contrainte pénale est une mesure novatrice. Je comprends le souci du rapporteur d'autonomiser cette peine.

On se fait une fausse idée de la prison comme peine ultime. On trouve certes en prison des délinquants « classiques » pour qui c'est la pire des peines, qui les brise parfois. Mais il y en a aussi d'autres, plus jeunes, issus souvent des banlieues, qui se sentent peu intégrés dans la République et pour qui c'est une étape dans un maréchalat de la délinquance, dont ils pourront ensuite se vanter. Le suivi imposé par la contrainte pénale sera pour eux beaucoup plus lourd à supporter. Voilà pourquoi je m'éloigne un peu de la position de mon groupe.

Mme Virginie Klès.  - Ce n'est pas parce qu'on l'on supprime, pour certains délits, la peine de prison qu'on ôte toute sanction. Attention à ce que nous disons. Nous venons d'ailleurs de créer un délit non passible de prison, le délit d'entrave au contrôleur général des lieux de privation de liberté.

Le fait que la prison soit encourue dissuade certaines victimes de porter plainte, surtout lorsque l'auteur est un proche. Avec la contrainte pénale, on peut espérer qu'elles hésiteront moins à le faire.

Enfin, il n'y a pas de dichotomie : la contrainte pénale sera prononçable pour d'autres délits.

Mme Esther Benbassa.  - Soyons pédagogues. La prison n'est pas efficace pour réduire la récidive, la contrainte pénale pourrait se révéler l'être. Nous connaissons tous les chiffres de la récidive. Alors ne sacrifions pas la clarté de notre message !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission.  - M. Reichardt a parlé d'impunité ; combien de fois avons-nous dit que nous sommes contre l'impunité, que tout délit doit être sanctionné mais qu'il n'était pas réaliste de faire de la prison l'unique peine de référence, a fortiori quand 99 600 peines d'emprisonnement sont prononcées et ne sont pas exécutés.

Les délits visés par cet article ne sont, pour l'instant, passibles que de courtes peines de prison, qui posent toutes sortes de problèmes. La contrainte pénale est plus adaptée. Il faut rompre avec la centralité de la prison dans le système pénal, faute de quoi toute autre peine passera pour bénigne. C'est d'ailleurs ce que la loi pénitentiaire s'est efforcée de faire. Ne faisons pas comme si tout allait bien et s'effondrerait avec la contrainte pénale.

Les amendements identiques nos13, 29 rectifié et 98 ne sont pas adoptés.

Mme la présidente.  - Amendement n°108, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.

I.  -  Alinéa 2

Remplacer les mots :

, au premier alinéa de l'article 131-8 et au premier alinéa de l'article 131-8-1

par les mots :

et au premier alinéa de l'article 131-8

II.  -  Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° À la première phrase du premier alinéa de l'article 131-8-1, après la première occurrence du mot : « emprisonnement », sont insérés les mots : « ou d'une contrainte pénale » et, après la seconde occurrence du mot : « emprisonnement », sont insérés les mots : « ou de la contrainte pénale ».

M. Jean-Pierre Michel, rapporteur.  - Correction d'une erreur de coordination.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Le Gouvernement n'étant pas rancunier, avis favorable. (Sourires)

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois.  - S'il était rancunier, il laisserait des erreurs ? (Sourires)

L'amendement n°108 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°118, présenté par M. J.P. Michel, au nom de la commission.

Alinéas 4 et 6

Supprimer ces alinéas.

M. Jean-Pierre Michel.  - J'ai parlé de cet amendement qui propose de maintenir la possibilité de prononcer une peine d'emprisonnement à l'encontre d'une personne qui serait reconnue coupable de vol simple ou de recel de vol simple.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Sagesse.

L'amendement n°118 est adopté.

Mme la présidente.  - Amendement n°82, présenté par Mme Cukierman et les membres du groupe CRC.

Après l'alinéa 11

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Au premier alinéa du I de l'article L. 221-2, les mots : « d'un an d'emprisonnement » sont remplacés par les mots : « d'une contrainte pénale » ;

Mme Cécile Cukierman.  - Le rapporteur a oublié le délit de conduite d'un véhicule sans permis.

M. Jean-Pierre Michel.  - Avis favorable.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux.  - Les délits routiers représentent 42 % des jugements en correctionnelle. Des peines de prison sont prononcées. Le sujet est très sensible car les comportements dépendent de l'ambiance générale et du niveau des sanctions.

Sagesse, par cohérence.

L'amendement n°82 est adopté.

L'article 8 ter, modifié, est adopté.

Mme la présidente.  - Nous avons examiné 58 amendements, il en reste 57.

Prochaine séance aujourd'hui, jeudi 26 juin 2014, à 9 h 30.

La séance est levée à minuit et demi.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques