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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



CMP (Nominations)

Dépôt d'une convention

Renvoi pour avis

Questions orales

Santé mentale dans le Morbihan

M. Michel Le Scouarnec

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

Éligibilité à la catégorie active des personnels des hôpitaux

M. Claude Haut

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

IVG

Mme Laurence Cohen

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

Hôpital Nord du Grand Paris

M. Pierre Laurent

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

Régime de solidarité territoriale en Polynésie française

M. Vincent Dubois

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

Plan crèches

M. Christian Favier

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

Régularisation des travailleurs du 57 boulevard de Strasbourg

M. Jean Desessard

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes

Tarifs d'accès aux autoroutes en Île-de-France

Mme Claire-Lise Campion

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Médecin des gens de mer du Guilvinec

Mme Maryvonne Blondin

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Éoliennes

Mme Catherine Procaccia

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Bisphénol A

M. Antoine Lefèvre

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Olives en crise

Mme Marie-Pierre Monier

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Besnoitiose bovine

M. Jean-Yves Roux

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Emplois militaires à Châlons-en-Champagne

Mme Françoise Férat

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Intempéries en Ardèche

M. Jacques Genest

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement

Dotations aux collectivités locales

M. Jean-François Longeot

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Répartition des demandeurs d'asile

M. François Bonhomme

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Fonds d'amorçage des rythmes scolaires

M. Cyril Pellevat

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Instruction des dossiers relevant du droit des sols

Mme Élisabeth Lamure

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité

Échec en CMP

Délégation aux entreprises (Appel à candidatures)

Modification à l'ordre du jour

Mise au point au sujet de votes

Débat sur l'hyper-ruralité

M. Alain Bertrand, pour le groupe RDSE

M. Robert Navarro

M. Jean-François Longeot

M. Jean-Pierre Leleux

Mme Nelly Tocqueville

M. Joël Labbé

Mme Évelyne Didier

M. Jacques Mézard

M. Jean-Jacques Lasserre

M. Jean-Claude Carle

M. Jean-Yves Roux

M. Rémy Pointereau

Mme Delphine Bataille

M. Gérard Bailly

Mme Frédérique Espagnac

M. Jean-François Husson

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité

Cour de justice de la République (Prestation de serment)

Septennat non renouvelable

Discussion générale

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi constitutionnelle

M. Hugues Portelli, rapporteur de la commission des lois

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement

M. Christian Namy

Sécurité sociale des étudiants

Discussion générale

Mme Catherine Procaccia, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires sociales

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche

M. Jérôme Durain

Mme Aline Archimbaud

M. Dominique Watrin

Mme Hermeline Malherbe

Mme Elisabeth Doineau

Mme Catherine Deroche

Mme Corinne Imbert

Mme Dominique Gillot

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Cyril Pellevat

M. Olivier Cadic

M. Stéphane Ravier

Mme Catherine Procaccia, rapporteur

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État

ARTICLE 2

Interventions sur l'ensemble

Mme Catherine Procaccia, rapporteur

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État

M. Jérôme Durain

M. Dominique Watrin

Question prioritaire de constitutionnalité

Ordre du jour du mercredi 19 novembre 2014




SÉANCE

du mardi 18 novembre 2014

20e séance de la session ordinaire 2014-2015

présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

Secrétaires : M. Jean-Pierre Leleux, M. Jackie Pierre.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site Internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.

CMP (Nominations)

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015. En conséquence, les nominations intervenues lors de notre séance du 14 novembre prennent effet.

Dépôt d'une convention

Mme la présidente.  - M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la convention entre l'État et l'Agence nationale pour la rénovation urbaine relative au programme d'investissements d'avenir, action « Ville durable et solidaire, excellence environnementale du renouvellement urbain ». Acte est donné du dépôt de ce document qui a été transmis à la commission des finances ainsi qu'à la commission des affaires économiques.

Renvoi pour avis

Mme la présidente.  - J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la transition énergétique pour la croissance verte, dont la commission des affaires économiques est saisie au fond, est envoyé pour avis, à sa demande, à la commission du développement durable.

Questions orales

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle dix-neuf questions orales.

Santé mentale dans le Morbihan

M. Michel Le Scouarnec .  - Un établissement public de santé mentale (EPSM) n'est pas un lieu où l'on soigne des blessures physiques, mais celles de l'âme. La souffrance, qui n'en est pas moins grande, doit être prise en charge et mérite des moyens adaptés. L'établissement de santé de Saint-Avé, dans le Morbihan, traverse des difficultés financières importantes, avec un déficit prévisionnel de 940 000 euros pour l'exercice 2014. La direction a fait des propositions qui se résument en un mot : réduction des dépenses - suppression éventuelle de 53 postes, renégociation à la baisse des accords de RTT ou limitation de l'octroi de temps partiel. Pour les patients, hausse de la facturation, remplacement des infirmiers de nuit par des aides médico-psychologiques, fermeture d'une unité. Où seront soignés les patients ? À l'image de la réforme territoriale, la réforme envisagée pour l'EPSM de Bretagne porte en elle des germes d'inégalité et précarisation de l'accès aux soins. Tous les établissements de santé de proximité sont concernés. Afin de répondre aux inquiétudes des patients et des personnels, quelle réponse budgétaire apporterez-vous ? Pour redonner espoir aux agents, qui exercent leur mission difficile avec des moyens déjà en baisse, et alors qu'aucune concertation n'a été engagée, qu'allez-vous faire ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes .  - On constate une saturation des équipements de santé mentale en Bretagne ; le taux d'occupation est élevé, et les parcours de soins sont peu fluides. L'ARS a lancé un plan qui privilégie l'autonomie de la personne et le maintien de l'insertion sociale et professionnelle ; les établissements sont sollicités pour rééquilibrer l'offre au profit de l'ambulatoire. Les 53 postes de Saint-Avé ne sont pas supprimés, mais redéployés. Le déficit prévisionnel s'établit à 500 000 euros, soit 0,7 % des recettes d'exploitation. L'objectif est une amélioration de l'efficience, garantissant la qualité des prestations hôtelières dans un contexte financier contraint. Il n'y aura aucune suppression de poste de titulaire en 2014.

M. Michel Le Scouarnec.  - Cette réponse montre bien les difficultés auxquelles sont confrontés les EPSM de Bretagne, et particulièrement celui de Saint-Avé, reconnu pour son traitement des addictions. Le développement de l'ambulatoire ne résout pas la question, pas plus qu'un redéploiement alors que les moyens diminuent. La Bretagne, avec la Normandie, est l'une des régions qui connaît le plus fort taux de suicides en France. Cette donnée doit être prise en compte.

Éligibilité à la catégorie active des personnels des hôpitaux

M. Claude Haut .  - Ma question porte sur l'éligibilité à la catégorie dite active des personnels des hôpitaux, en particulier selon qu'ils sont affectés dans des services en contact direct et permanent avec les malades ou non. Dans le premier cas, les agents pourront faire valoir leurs droits à la retraite entre 55 et 57 ans ; dans le second cas, ils devront attendre cinq ans supplémentaires.

Les affectations des personnels relèvent de décisions de l'employeur, les agents ne peuvent s'y opposer si l'affectation est conforme à leur statut. Pour les personnels hospitaliers, l'exigence d'un contact direct et permanent avec les malades pendant une durée qui, de quinze ans avant le 1er juillet 2011, est progressivement portée à dix-sept ans à compter du 1er janvier 2015, est-elle une condition d'éligibilité à la catégorie active ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes .  - Aux termes de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires, les fonctionnaires de la génération 1955 ayant accompli dix-sept ans de service actif dans un emploi présentant un risque particulier de fatigue exceptionnelle peuvent partir à la retraite à 57 ans et ont droit à une majoration de durée d'assurance. L'arrêté du 12 novembre 1969, qui concerne la fonction publique hospitalière, pose effectivement des problèmes d'interprétation, d'autant que les décrets statutaires emploient des dénominations différentes. Un travail d'expertise a été engagé pour préciser le droit applicable.

M. Claude Haut.  - La question est urgente : il faut définir le statut de ces personnels et l'âge à partir duquel ils peuvent partir à la retraite.

IVG

Mme Laurence Cohen .  - En janvier 2015, nous célébrerons les 40 ans de l'adoption de la loi Veil. C'est l'une des plus grandes conquêtes sociales de ce siècle, obtenue de haute lutte par la mobilisation des militantes et des associations féministes ainsi que par le courage politique de Mme Veil. Ce droit est désormais inscrit à l'article L. 2212-1 du code de la santé publique. D'autres avancées ont également eu lieu, comme récemment le remboursement à 100 % de l'interruption volontaire de grossesse (IVG) pour toutes les femmes ou la suppression de la notion de détresse dans la loi.

Chaque année, en France, plus de 200 000 femmes ont recours à une IVG. Et pourtant, il est de plus en plus difficile d'avorter en France. Selon un rapport du Haut Conseil à l'égalité, 130 établissements pratiquant l'IVG ont fermé au cours des dix dernières années. L'offre s'est progressivement concentrée sur un nombre réduit d'établissements. Actuellement, 5 % des établissements effectuent près d'un quart des IVG. Les délais prévus par la loi sont dépassés, contraignant parfois certaines femmes à se rendre à l'étranger pour mettre un terme à leur grossesse. Selon le Mouvement français pour le planning familial, certains départements ne proposent aucune prise en charge publique de l'IVG ; l'Ariège ou le Lot-et-Garonne sont dans ce cas.

En Seine-Saint-Denis, les difficultés constatées imposent de sauver la maternité des Lilas et son centre IVG, l'un des plus importants d'Île-de-France, avec plus de 1 000 IVG réalisées chaque année. Les personnels de cet établissement sont épuisés par les menaces de fermeture. Leur engagement pour sauvegarder les conditions d'accueil des nouveau-nés, des patientes, de leurs familles n'est plus à démontrer. Soutenus par un collectif très large, des élus, des syndicalistes, des militants associatifs, ils viennent d'obtenir un délai jusqu'en juin 2015 pour présenter un projet alternatif. Nous serons bientôt reçus par la ministre. Quelles sont les propositions du Gouvernement ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes .  - Merci de cette question qui est l'occasion pour le Gouvernement de réaffirmer son attachement au droit des femmes à disposer de leur corps. Depuis 2012, nous avons beaucoup fait : un remboursement à 100 %, une revalorisation de l'acte de 50 %, la mise en place d'un site pour contrer les informations mensongères sur l'IVG, l'extension du délit d'entrave au refus de pratiquer l'IVG et la suppression de la condition de détresse par la loi de 2014.

L'offre existe dans tous les bassins de santé de l'Ariège, avec deux établissements publics autorisés à pratiquer l'IVG. Ils sont quatre dans le Lot-et-Garonne : trois hôpitaux publics et une clinique. L'ARS a mandaté le réseau de santé en périnatalité, un travail en partenariat est en cours avec tous les acteurs. En Île-de-France, l'offre hospitalière - 105 hôpitaux dont 14 en Seine-Saint-Denis et 11 en Seine-et-Marne - est complétée par une offre en ville dense - 418 médecins libéraux ont prescrit au moins un acte d'IVG médicamenteuse ; 38 % des IVG sont pratiquées en CPEF ou en centre de santé. Le plan Frida a été lancé pour garantir une offre répondant aux besoins des populations dans chaque département.

Enfin, je suis très attentive à la situation de la maternité des Lilas. Les équipes font un travail formidable. Un projet de reconstruction architecturale et de plan de financement sont à l'étude, qui aboutira en juin 2015. En attendant, le Gouvernement continuera de soutenir cette maternité, comme il l'a fait depuis 2012, pour garantir l'accès aux soins.

Mme Laurence Cohen.  - Je sais l'engagement du Gouvernement. Cela dit, nous l'avons vu la semaine dernière en examinant le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, les coupes budgétaires drastiques le contredisent. L'IVG médicamenteuse souffre d'un manque d'accompagnement psychologique des jeunes femmes.

Le projet de reconstruction sur site de la maternité des Lilas, qui n'était pas celui de l'ARS, doit être définitivement entériné.

Hôpital Nord du Grand Paris

M. Pierre Laurent .  - Le 10 juillet 2013, le président de la République a annoncé la création d'un nouvel hôpital, l'hôpital Nord du Grand Paris.

Le nord de Paris, la Seine-Saint-Denis et le nord-est des Hauts-de-Seine se caractérisent par une moindre densité de l'offre de service public et par une forte proportion de population précaire. Le projet évoqué consiste-t-il à fusionner en un seul site les hôpitaux existants, Bichat, Beaujon et Lariboisière ? Quelles sont les intentions précises du Gouvernement ?

En outre, ce projet est annoncé alors que le Gouvernement réduit les dépenses de santé de dix milliards d'euros. Les personnels et la population sont inquiets. On parle d'une réduction du nombre de lits de 1 400 à 1 000. Le Conseil de Paris souhaite que le fil conducteur de ce projet soit l'amélioration de la qualité des soins. Ne faut-il pas suspendre tout projet avant que les Assises de la santé soient conclues en mai 2016 ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes .  - Dans le cadre de son plan stratégique de modernisation de l'offre hospitalière et universitaire, l'AP-HP prévoit la reconstruction de l'hôpital Lariboisière sur son site tandis que Bichat et Beaujon seraient regroupés en un grand hôpital Nord du Grand Paris. Le Gouvernement sera particulièrement attentif aux propositions de l'AP-HP. La concertation avec la Ville de Paris, qui a été engagée, se poursuivra naturellement pour lever les interrogations.

M. Pierre Laurent.  - Votre réponse ne me rassure pas : la fusion aura-t-elle lieu ? Le nombre de lits sera-t-il réduit de 1 400 à 1 000 ? L'AP-HP vise l'équilibre budgétaire, via un plan de cession de 200 millions d'euros. Va-t-elle fermer des services, céder son patrimoine au plus offrant pour financer le projet d'hôpital Nord ? L'Igas, dans son rapport de 2012, souligne les surcoûts et dysfonctionnements inhérents aux établissements de trop grande taille, et constate la baisse du nombre de lits entraînée par les fusions intervenues entre 2003 et 2008. Nous restons vigilants, la concertation doit véritablement avoir lieu et les élus de Paris être entendus.

Régime de solidarité territoriale en Polynésie française

M. Vincent Dubois .  - Depuis la loi du 23 juin 1956, les compétences en matière de santé et de protection sociale ont été transférées à la Polynésie française. L'État a apporté son soutien par une assistance technique en matière de santé et une participation financière, essentielle pour le bon fonctionnement de ce régime de solidarité.

L'interruption brutale de cette participation financière en 2008 a laissé la Polynésie française seule face aux dépenses et au déséquilibre financier de son régime de solidarité territoriale alors qu'elle était frappée par la crise : 27 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté ; le chômage avoisine les 22 %. Le nombre de bénéficiaires du régime est passé de 50 000 à 80 000.

L'État se doit d'être aux côtés de la Polynésie. Les mesures proposées - obligation pour les fonctionnaires métropolitains en poste de cotiser au régime et application du tarif métropolitain aux Polynésiens qui viennent se soigner dans l'Hexagone - sont insuffisantes. Le rapport de l'Igas de janvier 2014 soulignait que la baisse de la participation de l'État aurait des conséquences dont les personnes les plus fragiles seraient les premières victimes.

Mme la présidente.  - Veuillez conclure.

M. Vincent Dubois.  - L'État entend-il, oui ou non, rétablir sa participation financière pour accompagner les Polynésiens, à commencer par les plus fragiles ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes .  - Ce régime de protection sociale généralisée, créé en 1994, a permis une amélioration constante de la santé des Polynésiens. La situation s'est dégradée avec la crise de 2008. L'Igas et l'IGF ont fait 66 propositions en 2014. Mon ministère a créé un groupe de travail pour approfondir ces pistes. Parmi les mesures envisagées, la suppression du surcoût de 30 % des soins donnés aux Polynésiens en métropole et la prise en charge par l'État en tant qu'employeur des cotisations patronales. C'est un effort conséquent. Soyez assuré de la volonté du Gouvernement de rechercher les voies d'un redressement durable.

M. Vincent Dubois.  - Ce sont de simples mesures de régularisation. Rien n'est prévu pour réduire le déficit de notre régime dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015. Les 66 mesures suggérées par l'Igas seront longues à mettre en oeuvre. Or il y a urgence, quand un quart de la population vit en dessous du seuil de pauvreté. Si rien n'est fait, le déficit du régime de solidarité territoriale va s'aggraver.

Plan crèches

M. Christian Favier .  - Je m'inquiète de la mise en oeuvre du plan crèches. L'objectif de création annuelle de 20 000 nouvelles places d'accueil ne sera pas tenu. Le Haut Conseil de la famille note la difficulté des collectivités territoriales à mobiliser les financements nécessaires, du fait de la baisse drastique de leurs dotations. Le coût de réalisation d'une place a doublé en dix ans, quand le taux de participation de la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf) a reculé au cours de la période 2002 à 2013, passant de 36,8 % à 25,6 %. Ce désengagement, doublé des conditions financières faites aux collectivités territoriales, risque de compromettre gravement la réalisation de ce plan pourtant indispensable.

Que compte faire le Gouvernement ? Entend-il soutenir les collectivités territoriales qui investiront pour répondre à l'attente des parents ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes .  - Veuillez excuser l'absence de Mme Rossignol. Dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion de la CAF, un objectif extrêmement ambitieux a été fixé : 275 000 places d'accueil supplémentaires pour les enfants de 0 à 3 ans, soit 100 000 solutions d'accueil collectif, 100 000 solutions individuelles et 75 000 places en préscolarisation d'ici 2017. Le gouvernement Fillon, lui, en avait créé à peine 100 000 et supprimé 58 000 places en maternelle pour les 2-3 ans.

Selon le Haut Conseil de la famille (HCF), l'objectif devrait être atteint à 51 % en 2013. Toutefois, une plus faible demande des parents, la conjoncture et les élections municipales ont freiné les projets. 11 000 nouvelles places en crèche ont été offertes en 2013, qui s'ajoutent aux 14 000 créées en 2012. Au total, ce sont 384 000 places dans 11 400 établissements qui sont proposées. S'y ajoutent les 313 000 assistants maternels qui accueillent plus de 960 000 enfants, dont 620 000 de moins de 3 ans. Les difficultés pointées par le HCF ne sont pas liées à un désengagement financier de la Cnaf, qui a porté sa participation de 6 600 euros par place en 2000 à 9 000 euros en 2013, soit une hausse de 32 %. En revanche, le coût de construction a presque doublé, passant de 18 000 euros à 34 000 euros. D'où l'aide exceptionnelle de 2 000 euros par place qui sera apportée en 2015, et un effort d'allégement des normes. À cela, il faut ajouter le plan global de développement des assistants maternels, avec la mise en place de réseaux, l'augmentation de la prime à l'installation et l'expérimentation du tiers payant pour le versement du complément de libre choix.

M. Christian Favier.  - Il y a bien eu sous-exécution du plan. Or l'accueil des jeunes enfants conditionne l'accès à l'emploi, en particulier des femmes. J'attends d'un gouvernement de gauche des décisions courageuses - il a accordé les 20 milliards du CICE aux entreprises sans contrepartie. Une aide supplémentaire de 2 000 euros par place est en deçà des besoins, quand le coût est de 35 000 euros. Et il est faux de parler d'une baisse de la demande des parents ; les listes d'attente s'allongent.

Régularisation des travailleurs du 57 boulevard de Strasbourg

M. Jean Desessard .  - Ma question s'adresse au ministre de l'intérieur - il n'y répondra pas, comme il n'a pas répondu à mes courriers.

Elle porte sur le combat des salariés d'un salon de coiffure du 57 boulevard de Strasbourg. Depuis plusieurs mois, en plein coeur de Paris, ces dix-huit travailleuses et travailleurs sans papiers se battent contre l'exploitation dont ils sont victimes. Recrutés peu après leur arrivée en France par un réseau mafieux, ces salariés - en majorité des femmes - ont subi l'inacceptable. Des journées de travail de plus de douze heures, dans des locaux insalubres, mal aérés, en présence de produits chimiques, payées entre 200 et 400 euros par mois, avec une séparation selon la nationalité pour éviter toute rébellion. Ces salariés ont pris contact avec la CGT qui leur a, depuis lors, apporté un soutien admirable et désintéressé - je le dis à mes collègues de l'UMP, si prompts à critiquer ce syndicat.

Les salariés ont porté plainte individuellement contre ce système fondé sur le recrutement et l'exploitation de personnes vulnérables par le travail dissimulé. L'article L. 316-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) prévoit la délivrance d'un titre de séjour dès le dépôt d'une plainte contre la traite des êtres humains. Ce délit a été constaté par l'inspection du travail à quatre reprises depuis le mois de mai 2014, avec des procès-verbaux mentionnant des « conditions de travail incompatibles avec la dignité humaine ». La préfecture de police refuse pourtant de délivrer les titres de séjour. Ces travailleurs, qui résistent et font valoir leurs droits, pourraient être expulsés, alors que leur employeur - qui entre-temps a fui - n'est pas inquiété. La dignité humaine exige le respect de la loi. Quelles mesures prendra l'Intérieur pour demander à ses services de respecter la loi ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée des droits des femmes .  - Ce dossier a fait l'objet dès le printemps d'un suivi très attentif par la préfecture de police. Ces salariés, en application de la circulaire du 28 novembre 2012, pourront se voir délivrer un titre de séjour s'ils présentent une promesse d'embauche. L'article L. 316-1 du Ceseda ne peut être mis en oeuvre que si le procureur de la République engage des poursuites sur son fondement.

En outre, la préfecture a renforcé la lutte contre le travail dissimulé sur le boulevard de Strasbourg : au 30 septembre 2014, vingt opérations ont eu lieu contre huit l'année précédente. Les investigations se poursuivent.

M. Jean Desessard.  - J'ai des raisons de me réjouir de votre réponse. La préfecture de police s'intéressse à tout le boulevard, des opérations sont engagées, très bien, 150 boutiques sont concernées. Mais j'ai aussi des raisons d'être déçu. Le procureur n'est pas prêt ? J'y suis allé, au 57 boulevard de Strasbourg. Les conditions de travail sont indignes, cela saute aux yeux. Des plaintes ont été déposées. Il faut accélérer la procédure judiciaire.

Tarifs d'accès aux autoroutes en Île-de-France

Mme Claire-Lise Campion .  - Le 18 septembre 2014, l'Autorité de la concurrence, saisie par la commission des finances de l'Assemblée nationale, a publié son avis relatif aux sociétés concessionnaires d'autoroutes. Son principal constat est accablant : une rentabilité exceptionnelle, déconnectée des coûts et disproportionnée par rapport au risque de l'activité. Les marges affichées, entre 20 % et 24 %, sont à faire pâlir d'envie n'importe quel autre secteur d'activité. Elles sont aussi à faire rougir de colère les utilisateurs... L'Autorité, qui assimile cette rentabilité à une rente, appelle à davantage de régulation en faveur de l'État et des usagers.

C'est aussi ce que souhaitent les membres de l'association A10 gratuite, qui militent depuis 2001 pour la gratuité des autoroutes A10 et A11 en Île-de-France. L'A10 est payante à seulement 23 km de Paris lorsque les A6, A13, A5, A4 et A1 le sont à environ 50 km, voire aux portes de la région.

Les Essonniens sont des usagers assidus de l'infrastructure. Beaucoup d'entre eux s'acquittent, chaque jour, du prix du péage pour se rendre à leur travail - au total sur l'année de 300 à 1 300 euros. Il s'agit d'un poste budgétaire important pour les familles.

Le péage a des conséquences sur le réseau routier secondaire essonnien. La RN20 fait, par exemple, figure d'itinéraire bis pour les poids lourds - plus de 25 000 empruntent cet axe chaque jour. En mai 2013, à l'idée de la gratuité de l'A10 pour tous, le ministre des transports opposait le principe d'égalité entre les usagers à l'idée de la gratuité catégorielle. Soit. Le Gouvernement entend-il revoir les contrats de concession pour supprimer ou assouplir les conditions tarifaires d'accès au tronçon francilien de l'autoroute A10 ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Soyez assurée de la mobilisation du Gouvernement dans ce dossier. À la suite de l'avis de l'Autorité de la concurrence et comme l'a indiqué le Premier ministre, des réunions de travail entre le Gouvernement et les concessionnaires vont se tenir prochainement pour élaborer des propositions.

S'agissant des autoroutes de l'ouest de l'Essonne, des formules d'abonnement préférentiel ont été mises en place pour les usagers réguliers de l'A10 au diffuseur de Dourdan : depuis 2011, le tarif est de 0,80 centimes, contre 1,60 euro. Des tarifs préférentiels favorisent en outre le covoiturage, des aires de covoiturages ont été aménagées.

Les autoroutes en Île-de-France étant déjà proches de la saturation, les stratégies publiques visent à favoriser les transports collectifs : avec la création d'une voie réservée aux bus sur la section Les Ulis-Massy, mais aussi l'augmentation de la capacité du parking de comodalité de Dourdan.

Mme Claire-Lise Campion.  - Merci de ce rappel. Les tronçons A10 et A11 en Île-de-France sont victimes du cloisonnement, inacceptable. L'État doit travailler avec ses partenaires et proposer des solutions dans l'intérêt des usagers. Le plan de relance autoroutier en sera l'occasion.

Médecin des gens de mer du Guilvinec

Mme Maryvonne Blondin .  - Aucun médecin n'est affecté aux gens de mer dans le quartier maritime du Guilvinec depuis avril.

L'examen médical annuel des marins embarqués est pourtant une obligation, les besoins sont réels. En 2012, le médecin affecté effectuait 2 500 visites dans l'année et celui de Concarneau 1 500. Pas de visite médicale, pas d'embarquement, et le bateau reste à quai. Vous imaginez les conséquences financières. Une permanence d'un médecin militaire est assurée à Concarneau, un médecin se déplace ponctuellement à Paimpol et Saint-Malo. On en vient à recourir à des médecins généralistes, qui ne sont pas formés et peu rémunérés. Que va faire le Gouvernement pour résoudre ce problème urgent et se mettre en conformité avec les conventions internationales ? Il en va de la sécurité et de la santé des marins.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - La profession de marin est réglementée. Tout marin doit présenter un certificat d'aptitude pour embarquer. Le service de santé des gens de mer en a la responsabilité. Au Guilvinec, le poste de médecin est vacant depuis avril suite au décès du titulaire. Une recherche a été engagée ; à ce jour, elle n'a pas abouti. Je suis très attaché au bon fonctionnement de ce service de santé ; des dispositions transitoires ont été prises, et je me suis rendu au Guilvinec il y a peu.

La convention du travail maritime de 2006 autorise sous condition une validité de deux ans pour les certificats médicaux. J'ai demandé à mes services d'étudier la question avec les partenaires sociaux.

Mme Maryvonne Blondin.  - Les marins exercent un métier difficile. Plus généralement, nous manquons de médecins spécialisés en médecine du travail ou encore en médecine scolaire. Pour pouvoir embarquer, les marins doivent prévoir un déplacement à Saint-Malo ou ailleurs. C'est ubuesque ! Envisager une durée de validité du certificat de deux ans est peut-être la solution.

Éoliennes

Mme Catherine Procaccia .  - Le Gouvernement a annoncé vouloir réduire à 50 % la part de l'énergie nucléaire en 2025. Pour atteindre cet objectif, il mise notamment sur l'éolien terrestre et maritime. En 2013, malgré 5 000 implantations, cette énergie ne produisait que 2,9 % de l'électricité nationale.

Si le projet de loi sur la transition énergétique présente cette filière comme une alternative énergétique au nucléaire, elle commence à être critiquée et suspectée. La Cour de justice de l'Union européenne a ainsi estimé que le mécanisme français de compensation des surcoûts résultant de l'obligation d'achat de l'électricité produite par éoliennes était contraire aux règles communautaires. En mai 2014, le Conseil d'État a annulé les arrêtés introduisant ce dispositif.

Le développement acharné de cette filière, dominée par des industriels internationaux qui usent d'arguments erronés, défigure nos paysages et détériore parfois le cadre de vie des Français, sans parler des nuisances sonores. En outre, leur implantation, à marche forcée, multiplie les situations de prise illégale d'intérêts des élus locaux. En 2013, le Service central de prévention de la corruption a dénoncé la participation de certains élus à la délibération créant la zone de développement de l'éolien alors qu'ils sont propriétaires de parcelles situées dans ce périmètre.

Quelles sont les mesures envisagées pour répondre à ces problèmes ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Mme Royal, retenue, m'a prié de vous transmettre la réponse suivante. La transition énergétique appelle un développement fort des énergies renouvelables. La filière regroupe plusieurs acteurs industriels français de premier plan et concourt à la réindustrialisation de nos territoires.

L'éolien, après l'hydraulique, est l'énergie renouvelable la plus compétitive. La protection des paysages, de la faune et de la flore sont une priorité pour un développement durable de la filière. Les schémas régionaux identifient les zones potentiellement favorables ainsi que les règles de protection.

Les zones favorables à l'implantation sont identifiées ; les projets doivent en outre obtenir une autorisation et sont soumis à enquête publique avant décision du préfet. Pour accélérer les installations, Mme Royal a fait inscrire dans la loi de transition énergétique la généralisation de l'expérimentation de l'autorisation unique - elle regroupe l'autorisation du CPE, le permis de construire, l'autorisation d'implantation, l'autorisation de défrichement et, le cas échéant, la dérogation pour espèces protégées. Enfin, le dispositif de soutien au tarif d'achat a été sécurisé en 2014 et approuvé par la Commission européenne. (M. Jean Desessard applaudit)

Mme Catherine Procaccia.  - Le marché est tout de même dominé par les industriels étrangers...

M. Jean Desessard.  - Ils produisent en France !

Mme Catherine Procaccia.  - Vous ne répondez pas sur les conflits d'intérêt des élus. Dans le Lot, six conseillers municipaux ont été poursuivis pour prise illégale d'intérêt parce qu'ils étaient propriétaires de terrains, ce alors même que le projet d'éolienne a été abandonné. Une audience en la matière est prévue dans deux jours dans la Mayenne, une à Caen en janvier. Les élus, en milieu rural et agricole, peuvent se retrouver dans une situation très délicate, alors qu'ils sont de bonne foi. Il faut remédier à cette fragilité juridique.

Bisphénol A

M. Antoine Lefèvre .  - La loi du 24 décembre 2012 suspend la fabrication, l'importation, l'exportation et la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A, à compter du 1er janvier 2015. Dès lors que la règlementation européenne n'a pas encore statué dans le même sens, cette mesure est en décalage par rapport à nos partenaires européens. D'autres pays autorisent encore la fabrication de ces composants, la production française va, une fois de plus, être pénalisée. La France ne facilite décidément pas la vie de ses industriels ! Il en va ainsi de la société Crown Food France, sise à Laon, chef-lieu du département de l'Aisne, et qui emploie 247 salariés à la fabrication de couvercles de boîtes de conserve. La loi met directement en péril son activité : l'exportation de ses couvercles représente, annuellement, un milliard d'unités, à destination d'autres sites de fabrication du groupe ainsi que de ses clients européens. À la date du 1er janvier 2015, cette fabrication devra donc être délocalisée vers d'autres sites de production en Europe, mettant en péril la pérennité de celui de Laon.

Le rapport évaluant les substituts industriels, prévu pour avril 2014, vient tout juste d'être publié. La DGCCRF conclut que les industriels seraient prêts pour le 1er janvier 2015. Cette conclusion n'est nullement partagée par les industriels, à commencer par les conserveurs. Les problèmes techniques empêchent la mise en oeuvre de solutions de remplacement dès le début 2015.

Je plaide donc pour un report de la date de suspension d'au moins six mois, voire davantage ; à tout le moins pour des assouplissements, tant que l'Union européenne n'a pas statué dans le même sens que la France. Songeons à préserver l'emploi industriel en France !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Nos concitoyens sont de plus en plus préoccupés par les risques pour la santé liés à l'exposition aux produits chimiques et tout particulièrement aux perturbateurs endocriniens. La France a été pionnière avec la stratégie nationale sur les perturbateurs endocriniens ; elle est force de proposition, au niveau européen, pour inciter à leur interdiction. Le bisphénol A est un perturbateur endocrinien avéré. La loi Bapt l'interdit dans les contenants alimentaires, elle a été aussitôt ratifiée à la Commission européenne. Le rapport sur les substituts possibles montre que des solutions acceptables existent. C'est un facteur d'innovation pour nos entreprises de l'agroalimentaire. Après un débat intense, le Parlement a interdit l'exportation de produits imprégnés : la France n'allait pas commercialiser un produit dont elle ne voulait pas chez elle. L'avantage qualitatif des produits français sera ainsi valorisé.

M. Antoine Lefèvre.  - Je suis déçu par cette réponse. J'étais l'un des rares parlementaires à me préoccuper du bisphénol A, mais un moratoire me paraît indispensable pour ne pas pénaliser nos industriels.

Olives en crise

Mme Marie-Pierre Monier .  - Depuis quelques dizaines d'années, l'oléiculture française est redevenue dynamique. Elle fait vivre 30 000 oléiculteurs. La qualité du travail et les efforts de la filière se traduisent par une reconnaissance en AOC. Or une crise s'amorce, aussi grave que celle de 1956.

Le volume de production sera très faible à cause de la mouche de l'olive (bactrocera oleae) qui entraîne la chute au sol d'un pourcentage important de fruits. Tout au long de l'année, le développement végétatif des oliviers a été contrarié par des conditions météorologiques très défavorables.

À ce jour, les vergers sont, d'ores et déjà, touchés à plus de 50 %. Les oléiculteurs du Nyonsais et des Baronnies en souffriront davantage que ceux des olives à huile, leur production d'olives de bouche exige une récolte plus tardive et plus exigeante sur l'aspect.

Quels moyens le Gouvernement entend-il mettre en oeuvre pour apporter une aide économique aux oléiculteurs et, plus particulièrement, à ceux du Nyonsais et des Baronnies ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - La situation est en effet exceptionnelle cette année. L'été, particulièrement pluvieux et peu chaud, a favorisé le développement de cette mouche, qui n'est pas reconnue dans la liste des nuisibles. Il faut s'organiser pour lutter et préparer l'avenir.

Je suis disponible pour rencontrer les producteurs. Tous les fonds d'allègement et de report des charges et exonérations sont activés pour aider les producteurs à passer ce cap difficile. L'Italie et l'Espagne sont également touchées. Le Gouvernement est mobilisé.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Merci d'avoir entendu les oléiculteurs. Au lieu de récolter 1 000 litres, une oléicultrice en monoculture ne va en récolter que 54. Elle a besoin du report des charges que vous envisagez. Pour les mouliniers et les confiseurs, c'est une bombe à retardement : il faut penser à eux.

Besnoitiose bovine

M. Jean-Yves Roux .  - Depuis une trentaine d'années, la besnoitiose bovine, que l'on pensait disparue, progresse en France, au sud d'un axe Nantes-Lyon. Cette maladie, qui n'a pas de conséquence sur les hommes, serait transmise par des insectes piqueurs, vecteurs de parasites. La besnoitiose peut circuler pendant deux à trois ans dans un cheptel avant qu'un cas clinique se déclenche. Elle peut entraîner des pertes lourdes et toucher la majorité des animaux en quelques mois, avec un taux de mortalité qui atteint régulièrement 7 à 10 %. Il n'existe ni traitement, ni vaccination ; la seule solution est l'abattage des troupeaux infectés. Il faut apporter une réponse de grande ampleur au monde de l'élevage, très inquiet.

Comment améliorer les outils de diagnostic, développer un vaccin, identifier les bêtes malades ? Quelle indemnisation pour les éleveurs touchés alors que cette maladie n'est pas réglementée ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Effectivement, celle maladie n'est pas réglementée. La recherche se mobilise pour trouver des solutions pérennes. L'élevage est confronté à une situation sur laquelle nous agissons avec la réforme de la PAC, la compensation des handicaps, les aides couplées. Rien n'est évident. Le ministre ne peut que s'adresser aux chercheurs, aux vétérinaires. Il faudra étudier des politiques préventives pour éviter le développement de la maladie, qui a des conséquences économiques lourdes. Comme pour l'olive, les services de l'État sont mobilisés ; des allègements et reports de charges seront possibles.

M. Jean-Yves Roux.  - Merci pour votre réponse, et pour le soutien que vous apportez aux éleveurs.

Emplois militaires à Châlons-en-Champagne

Mme Françoise Férat .  - La dissolution du premier régiment d'artillerie de marine et le départ de l'état-major de la première brigade mécanisée de Châlons-en-Champagne ont de lourdes conséquences pour une région déjà très touchée.

Soyons clairs, je partage la logique de réduction des dépenses publiques. Mais quand la réduction est de 12 % des effectifs militaires en France, la proportion atteint 100 % à Châlons-en-Champagne où tous les emplois militaires disparaissent. C'est un choc économique et social pour toute cette ville. Cette région est la seule de France à perdre des habitants. Il n'est pas juste de supprimer 1 250 emplois, sans parler des 800 emplois induits, dans une ville de 45 000 habitants. Châlons-en-Champagne risque en outre de perdre son statut de capitale régionale, avec encore 1 000 emplois à la clé. Ce serait la double peine.

Je demande à l'État de jouer son rôle d'aménageur du territoire et de prendre des engagements précis. Des mesures de soutien et d'investissements doivent être prises dans la Marne. En premier lieu, il doit être consenti des dotations budgétaires fortes. En second lieu, il doit être envisagé des installations à Châlons-en-Champagne, des investissements d'entreprises de défense dont l'État est actionnaire ou donneur d'ordre, des transferts d'activité pour l'aéroport de Paris-Vatry, des financements dans le cadre du programme d'investissements d'avenir, des mises en oeuvre du plan de relocalisation. Quelles sont les compensations financières, économiques et en termes d'emplois que l'État envisage d'apporter au territoire châlonnais ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Veuillez excuser M. Le Drian. Je mesure le choc que représentent ces restructurations pour un territoire. Le ministre de la défense a veillé à ce que la réduction d'effectifs de 7 500 postes touche le moins possible les garnisons. Les forces terrestres de demain offriront une capacité opérationnelle de 66 000 hommes projetables et de sept brigades interarmes. Deux de ces brigades devront être aptes à l'entrée en premier sur un théâtre d'opération et au combat de coercition face à un adversaire équipé de moyens lourds. Deux autres brigades, plus légères, devront être capables d'intervenir dans des milieux très spécifiques ou difficiles ou, très rapidement, en complément de l'action des forces spéciales. Enfin, trois brigades multirôles seront prioritairement équipées et entraînées pour la gestion de crise.

Cette réarticulation des forces terrestres implique donc la dissolution du seul régiment d'artillerie non doté d'équipements lourds ou spécifiques, celui de Châlons-en-Champagne.

Un plan d'exception sera mis en place pour accompagner les conséquences pour la ville. Il sera conduit par le préfet de la Marne, en associant les acteurs locaux. Le ministre de la défense restera un partenaire responsable et déterminé.

Mme Françoise Férat.  - Merci de ces propos rassurants. Nous avons besoin de moyens pour développer notre territoire. Tous les acteurs, les élus de toute tendance, sont tous déterminés face à ce qu'il faut bien qualifier de catastrophe. Nous ne nous résignerons pas.

Intempéries en Ardèche

M. Jacques Genest .  - Je m'associe à la douleur des familles des victimes des intempéries survenues en Ardèche les 14 et 15 novembre. La zone cévenole a vu tomber en quelques heures l'équivalent d'un mois de précipitations. Chaussées défoncées, glissements de terrain, bâtiments inondés, coupures d'électricité. L'État a reconnu, par un arrêté du 4 novembre, l'état de catastrophe naturelle à 114 communes pour les intempéries de septembre et d'octobre. Je m'en réjouis pour les particuliers qui pourront obtenir des indemnisations rapides. Les collectivités territoriales, dans une situation financière déjà difficile, ont, elles aussi, été durement affectées : leurs infrastructures ont été abîmées. Que fera le Gouvernement pour elles ?

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement .  - Le Gouvernement s'associe à la douleur des familles qui ont perdu cinq des nôtres au cours de ces intempéries. Celles-ci deviennent récurrentes, et d'une grande intensité. La zone cévenole en a connu trois ou quatre consécutives. Preuve du dérèglement climatique...

L'état de catastrophe naturelle a été reconnu pour 127 communes. Trente autres dossiers ont été ajournés dans l'attente d'éléments météorologiques complémentaires ; ils seront bientôt examinés. La préfecture de l'Ardèche traite 80 demandes afin de parvenir à une reconnaissance rapide des communes touchées. En outre, les dossiers de reconnaissance de l'état de calamité agricole seront étudiés rapidement, je m'y engage.

Saluons la mobilisation des services de l'État, des collectivités et des élus pour prévenir les conséquences de ces intempéries. Les communes, vous l'avez souligné, ont été également touchées. La ministre de l'écologie, le ministre des finances et moi-même avons saisi nos inspections respectives ; une mission se rendra très prochainement en Ardèche pour évaluer les dégâts. Sur la base de son rapport, nous étudierons les solutions les plus adaptées pour répondre rapidement à la situation. Le Gouvernement dans son ensemble est mobilisé.

M. Jacques Genest.  - Merci, au nom des Ardéchois. Pour les communes, le gros problème est celui des délais. Vous savez leur difficulté de trésorerie. Ne peut-on envisager une avance ?

Dotations aux collectivités locales

M. Jean-François Longeot .  - L'impact des baisses de dotations de l'État aux collectivités territoriales sera lourd de conséquences pour l'investissement local, l'emploi et le maintien de services de proximité dans nos territoires. La baisse cumulée sera de 28 milliards d'euros pour la période 2014-2017 : une diminution sous-estimée, au vu des effets contre-productifs qu'elle aura sur l'objectif de redressement des comptes publics.

Ce prélèvement est insoutenable et insupportable pour les communes. Depuis trente ans, elles investissent dans les infrastructures, dans les équipements, en apportant davantage de services aux habitants. Elles n'auront plus d'autre choix que de diminuer leurs investissements pour ne pas augmenter la fiscalité locale. D'après la Cour des comptes, le bloc communal a réalisé pour plus de 37,4 milliards d'euros d'investissements en 2013, soit près de 64 % des investissements locaux. Ceux-ci diminueront en 2015, ce qui entraînera la perte de dizaine de milliers d'emplois dans le BTP. Les collectivités locales demandent une diminution en volume de la baisse de dotations ainsi qu'une modification du rythme de leur contribution. Faites confiance aux élus locaux et à leur sens des responsabilités. Est-il dans vos intentions de réexaminer le plan de réduction des dotations de l'État et d'arrêter les transferts de charges et des mesures normatives sur les collectivités locales ?

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Oui, nous faisons confiance aux élus et à leur sens des responsabilités. Ils sauront fournir l'effort qui leur est demandé et surmonter cet obstacle. Cet effort s'inscrit dans le cadre du plan de redressement des comptes publics.

Avec 11 milliards d'euros sur 50, l'effort demandé aux collectivités territoriales est proportionnel à ce que représente la dépense publique locale dans la dépense publique totale - environ 21 %. Ce n'est pas l'étranglement que certains veulent décrire : 1,6 % en moyenne des recettes totales des collectivités en 2013.

D'autres ressources des collectivités continuent en outre de croître. Je pense aux recettes supplémentaires de CVAE ou à la pérennisation du relèvement du taux plafond des DMTO en faveur des départements. Le Gouvernement est bien conscient du rôle crucial du bloc communal dans l'investissement public : c'est pourquoi il prévoit 192 millions de recettes supplémentaires pour les communes avec la sortie de l'enveloppe normée pour le FCTVA, et la suppression de la réfaction de 0,9 point.

Les crédits de la dotation d'équipement des territoires ruraux, de la dotation de développement urbain et de la dotation globale d'équipement des départements sont maintenus. L'Assemblée nationale a augmenté ces dotations de 30 % en redéployant les crédits des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle.

Enfin, je rappelle que le Gouvernement soutient l'investissement avec les prêts bonifiés concédés aux collectivités territoriales avec une nouvelle banque publique des collectivités locales créée autour de la Banque postale.

Je mène un combat résolu contre l'inflation normative. Pour 2015 ; l'objectif est clair : un coût de zéro euro par nouvelle norme, qui devra être compensée par la suppression d'une norme au coût équivalent.

M. Jean-François Longeot.  - Les élus sont des gens responsables. Cependant, ils sont confrontés à un effet ciseaux redoutable : les dotations baissent quand les charges augmentent. Relever les DMTO ? Les communes seront tenues responsables d'une telle hausse de la fiscalité, qui n'est pas bienvenue en ces temps difficiles.

Répartition des demandeurs d'asile

M. François Bonhomme .  - Le Tarn-et-Garonne peine à faire face à l'afflux important de dossiers de demandeurs d'asile. L'association montalbanaise d'accueil aux réfugiés, particulièrement active, répond à un grand nombre d'appels d'offres, ce qui a pour effet de diriger vers Montauban la majorité des dossiers de la région. Ainsi, en 2014, alors que Toulouse et la Haute-Garonne recevaient 300 demandeurs d'asile, pour une population de 1,3 million d'habitants, la ville de Montauban et le Tarn-et-Garonne en recevaient 156 pour une population de 240 000 habitants.

Cette situation pose de véritables problèmes en termes d'hébergement et, surtout, de scolarisation des enfants. Les écoles se trouvent déjà en flux tendu, compte tenu de l'essor démographique de la ville, mais aussi de l'accueil d'enfants étrangers non francophones bénéficiaires d'un titre de séjour ou en provenance de l'espace Schengen. Et 10 % des enfants scolarisés ne maîtrisent pas le français. La ville de Montauban, qui accueille pour l'année scolaire 2014-2015 175 enfants relevant du droit d'asile, n'a pas pu prendre en compte l'ensemble des demandes ; 29 dossiers sont en attente à ce jour. Nous devons corriger ces dysfonctionnements liés à un dispositif complexe qui ne répond plus à ses obligations d'intégration ni au principe de solidarité entre collectivités.

Le rapport parlementaire du 28 novembre 2013 préconise l'élaboration d'un schéma de répartition territoriale, en concertation avec les intervenants locaux, afin d'orienter les demandeurs d'asile en fonction du poids accordé à chaque région dans la mission d'accueil.

Sur la base de ce rapport, la ville de Montauban propose que, à titre expérimental, le schéma de répartition soit mis en place dans la région Midi-Pyrénées. L'association montalbanaise d'accueil aux réfugiés, qui perçoit une aide substantielle de l'État, pourrait être dotée d'une vocation régionale pour mettre ses compétences au service de l'ensemble des départements de Midi-Pyrénées. Cette expérimentation pourrait servir de base aux discussions qui s'engageront lors de la préparation du projet de loi réformant le droit d'asile. Le Gouvernement entend-il donner une suite à cette demande ?

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Le ministre de l'intérieur, retenu ce matin, est très attentif au rééquilibrage des flux de demandes d'asile. Le Tarn-et-Garonne a accueilli 113 demandeurs depuis le début de l'année, la Haute-Garonne 529. Ces chiffres sont proportionnels au poids démographique de ces départements.

Le département du Tarn-et-Garonne dispose de 158 places pour les demandeurs d'asile ; la région, de 1 000 au total. Les dossiers sont en cours d'examen pour une hausse des capacités. Les schémas de répartition seront discutés lors de l'examen du projet de loi. L'expérimentation viendra ensuite.

M. François Bonhomme.  - Soit, les capacités d'accueil augmentent, mais certaines communes comme Montauban peinent à accueillir les demandeurs. Il faut en tenir compte.

Fonds d'amorçage des rythmes scolaires

M. Cyril Pellevat .  - Le Gouvernement s'était engagé, par la voix du ministre chargé de l'éducation, à reconduire le fonds d'amorçage des rythmes scolaires pour l'année scolaire 2015-2016. Or, dans le projet de loi de finances initial pour 2015, l'article 55 limite son champ d'action aux seules communes bénéficiaires des dotations de solidarité urbaine « cible » et de solidarité rurale « cible ». Ce fonds qui alloue une aide insuffisante n'est toujours pas pérenne. Au nom de l'égalité territoriale, je demande au Gouvernement d'agir.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Mme Vallaud-Belkacem, retenue ce matin, a conscience des efforts demandés aux communes. Le Gouvernement a dégagé 90 millions d'euros en 2013, pour 4 000 communes volontaires ; 400 millions d'euros pour la rentrée 2014-2015.

Le Premier ministre vous a dit le 28 octobre son engagement de maintenir le niveau et le périmètre de cette aide, qu'il souhaite conditionner à l'engagement des communes dans l'établissement d'un projet éducatif territorial. Il a accepté que l'article 55 du projet de loi de finances pour 2015 soit amendé afin de rassurer les élus.

La Cnaf verse également une prestation aux communes pour un total de 580 millions d'euros. Et cela, dans l'objectif qui reste le nôtre : le bien-être des enfants.

M. Cyril Pellevat.  - Je suis déçu par cette réponse. Ma commune rurale de 300 habitants ne peut pas bénéficier de l'aide de la CAF qui se limite à 54 euros par enfant.

Instruction des dossiers relevant du droit des sols

Mme Élisabeth Lamure .  - L'instruction des dossiers relevant du droit des sols, régie par les articles R. 410-5 et R. 423-15 du code de l'urbanisme est confiée aux services de la commune, aux services d'une collectivité territoriale ou d'un groupement de collectivités, aux services d'un syndicat mixte, à une agence départementale ou aux services de l'État. Les prestataires privés sont exclus du cadre réglementaire. L'instruction des dossiers de droit des sols n'est pas une activité linéaire dans l'année. Cette nouvelle charge est en outre coûteuse, dans un contexte budgétaire difficile pour les acteurs locaux. Aussi, le recrutement d'agents publics peut-il s'avérer moins judicieux qu'un recours au secteur privé. Les communes concernées doivent être opérationnelles dès le 1er janvier 2015, afin d'assurer un service public de qualité aux administrés. Le Gouvernement envisage-t-il de modifier le code de l'urbanisme afin de permettre aux communes et intercommunalités, contraintes par cette nouvelle charge, de s'administrer avec le plus de liberté possible ?

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité .  - L'instruction des actes d'urbanisme est une compétence des collectivités territoriales. Si certains services de l'État peuvent être mis à disposition pour les aider, le maire ou le responsable de l'intercommunalité demeure signataire. La loi Alur a favorisé le regroupement intercommunal et la mutualisation de l'ingénierie. L'instruction ministérielle du 3 septembre 2014 n'interdit pas le recours à un prestataire privé pourvu qu'il s'agisse d'une aide à la décision - elle ne peut pas comprendre la rédaction des documents de l'instruction. Le prestataire ne peut en outre être intéressé au projet. Le maire ou le président de l'intercommunalité conserve ses pouvoirs de police.

Dans la situation actuelle, le regroupement au niveau intercommunal de l'ingénierie apparaît une bien meilleure solution que la coûteuse dissolution au niveau communal ou l'externalisation de cette compétence aux dépenses des pétitionnaires.

Mme Élisabeth Lamure.  - Je regrette cette réponse. De nombreuses communes ont déjà recours à des bureaux. Vos services départementaux semble ignorer l'interprétation que vous venez de donner de l'instruction du 3 septembre 2014.

La séance est suspendue à 11 h 50.

présidence de Mme Jacqueline Gourault, vice-présidente

La séance reprend à 14 h 30.

Échec en CMP

Mme la présidente.  - La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 n'est pas parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Délégation aux entreprises (Appel à candidatures)

Mme la présidente.  - Par un arrêté du 12 novembre dernier, le Bureau du Sénat a créé une délégation sénatoriale aux entreprises. Elle comprendra quarante-deux membres désignés par le Sénat de manière à assurer la représentation proportionnelle des groupes politiques et une représentation équilibrée des commissions permanentes. Cette désignation interviendra le mercredi 26 novembre 2014, à 14 h 30. Les candidatures devront être remises à la direction de la séance avant le mardi 25 novembre 2014, à 17 heures.

Il en est ainsi décidé.

Modification à l'ordre du jour

Mme la présidente.  - En conséquence, l'ordre du jour du mercredi 26 novembre 2014 s'établit comme suit :

À 9 h 30, à 14 h 30 et, éventuellement, le soir :

- Suite du projet de loi de finances pour 2015

En outre, à 14 h 30 :

- Désignation des quarante-deux membres de la délégation sénatoriale aux entreprises

L'ordre du jour est ainsi réglé.

Mise au point au sujet de votes

M. Robert Navarro.  - Mme Jouve, M. Amiel et M. Guérini n'ont pas pris part au scrutin n°23 lors du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 sur les amendements tendant à supprimer l'article 14, alors qu'ils souhaitaient voter pour.

Pour ma part, lors du scrutin n°7, je souhaitais voter contre les amendements nos2 rectifié, 48 et 144 du projet de loi relatif à la délimitation des régions.

Mme la présidente.  - Acte vous en est donné.

Débat sur l'hyper-ruralité

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle un débat, à la demande du groupe RDSE, sur le thème « Ruralité et hyper-ruralité : restaurer l'égalité républicaine ».

M. Alain Bertrand, pour le groupe RDSE .  - Le 13 décembre 2013, lors du débat sur la politique d'égalité des territoires, nous vous disions notre rêve d'une grande loi sur l'égalité des territoires. Avec mon groupe, j'en rêve encore... Mais je reconnais que les choses progressent. Les Assises de la ruralité voulues par M. Valls en sont une preuve ; l'appel à manifestation pour les centres-bourgs, l'adaptation de la loi de transition énergétique à la ruralité vont dans le bon sens.

Madame la ministre, je vous ai remis dernièrement mon rapport sur l'hyper-ruralité. Merci de l'avoir bien accueilli. Il démontrait que la prise en compte des territoires ruraux fragiles n'est pas la lubie d'un vieux sénateur lozérien, mais bien une nécessité. Il existe en France des territoires ruraux qui ont disparu de l'écran radar de la République ; ils sont aujourd'hui au seuil de l'effondrement alors qu'ils forment l'hinterland indispensable aux métropoles.

Notre système souffre de trois défauts : il est organisé autour de métropoles, de grandes villes et de capitales régionales ; deuxième défaut, la sacro-sainte loi du chiffre ; troisième défaut, il traite la ruralité comme un seul et même territoire, nécessitant les mêmes remèdes.

L'urbain serait notre planche de salut, seule capable de faire réussir la France dans la mondialisation, parce que la ville est le lieu des grandes masses, des grands chiffres d'affaires... Tout ce qui est hors zone d'influence des grandes agglomérations serait insignifiant.

Les politiques publiques calibrées depuis et pour les zones urbaines passent à côté des zones rurales, victimes d'une double peine. Sacralisation du chiffre, disais-je. 200 usagers à la Poste ? On ferme. Combien d'euros au guichet, de clients, de voyageurs quotidiens sur votre ligne ? Trop peu ? On ferme. Pas d'autoroutes, pas d'aéroport, mais quatre téléphones en poche, pour espérer avoir un peu de réseau... (Sourires) Combien de passages sur vos routes ? Trop peu pour faire des travaux...Circulez, il n'y a rien à voir !

Attention, il ne s'agit pas d'opposer la France urbaine et la France rurale. Nous, ruraux, sommes solidaires des thématiques métropolitaines. Nous ne nions pas le fait métropolitain. Mais le premier facteur d'attractivité d'une métropole est la qualité de son hinterland, dit le rapport Davezies.

Je ne place pas la ruralité et l'hyper-ruralité en position de mendiants ; elles ont des droits qui doivent être respectés.

La métropole et les territoires ruraux font système, ils sont interdépendants. Prenez un ingénieur toulousain, qui travaille pour un fleuron de l'industrie aéronautique ; sa fréquentation régulière des espaces naturels, de la montagne contribuent à sa productivité. Les territoires hyper-ruraux, par leur potentiel de ressourcement, participent au potentiel économique, chiffré, des zones urbaines.

Écoutez les ruraux : leur mode de vie, leurs préoccupations sont voisines de celles des urbains. Ils demandent des transports, une connectivité, un accès aux soins, à une éducation de qualité. Ils paient la même TVA, les mêmes impôts que les urbains, mais ont moins de droits !

La ruralité est diverse, celle de la proche banlieue lyonnaise ou lilloise n'est pas celle des villages creusois. Une étude de l'Inra commandée par la Datar en distingue trois types : les zones périurbaines, les montagnes et littoraux riches d'abord ; la ruralité agricole ou post-industrielle, ensuite ; enfin, les zones à faible densité et faibles revenus, avec peu de services. Toutes ont un riche patrimoine naturel et culturel, toutes connaissent des difficultés. Seule une politique différenciée, ciblée, y répondra.

L'hyper-ruralité fait partie de la troisième catégorie. Elle souffre en outre de l'éloignement, des services, des bassins d'emploi, des centres de décision. Cette ruralité de l'éloignement se caractérise par l'absence de centralité forte. Elle représente 26 % du territoire national, 250 bassins de vie, 3,5 millions de Français, 59 départements, dont certains entièrement en montagne ou en plaine. Cette cartographie objective révèle bien des surprises. L'hyper-ruralité, vous savez tout de suite quand vous y êtes : les enfants à peine arrivés vous disent que l'iPad, le portable ne passent pas !

On n'y trouve pas de distributeur de billets, pas de station-service à moins de 25 km - quand ce n'est pas 40 km, comme en Lozère. Y aller en train ? Cela mettrait dix fois plus de temps qu'en voiture. Il y a vingt ans, il fallait deux heures pour se rendre en train à la capitale régionale. Aujourd'hui, il faut six heures. Çà c'est l'hyper-ruralité. Impossible de suivre des études supérieures, de travailler au pays. Sur quatre hôtels, trois sont fermés, il n'y a plus que deux commerces là où il y en avait huit autrefois...

L'AVC - moi, qui suis mince et abstinent, cela ne me concerne pas, bien sûr ! (Sourires) - est beaucoup plus mortel dans l'hyper-ruralité qu'ailleurs. L'élu de l'hyper-ruralité est souvent courbé, il a la culture de la reculade alors qu'il est là pour bâtir et offrir un avenir à ses concitoyens. Que demande-t-il ? L'accès à un socle de services minimum.

Il est urgent d'agir. L'inaction amènerait ces territoires à entrer en récession complète. Nombre des mesures proposées dans mon rapport ne coûtent rien ; ce sont des mesures de bon sens. L'État est le seul garant de l'équilibre républicain. Il faut du volontarisme, une prise de conscience. Unissons-nous pour peser sur l'avenir. Pas de sous-territoires, pas de sous-citoyens, tel doit être notre principe. Cela peut passer par un pacte national pour l'hyper-ruralité ou par une loi sur l'égalité des territoires. L'uniformité de traitement entre tous les territoires ruraux ne serait pas productive. Mon rapport propose de traiter de l'hyper-ruralité dans toutes les lois - sur l'école, les infrastructures ou la défense. Ce serait un acte fort. Les schémas régionaux d'aménagement du territoire, de même, devraient systématiquement traiter de l'hyper-ruralité ainsi que les contrats de plan État-région. (M. Jean-Louis Carrère applaudit) Cette mesure ne coûterait pas un franc de plus ! Par exemple, on aurait ainsi évité l'application dans les territoires ruraux de la T2A et l'adoption d'un plan national de très haut débit, qui les pénalise puisque les opérateurs ne sont pas obligés de les desservir.

Mme la présidente.  - Il faut conclure.

M. Alain Bertrand.  - Il y a beaucoup de mesures faciles à mettre en place. L'État doit s'engager à maintenir les services publics, quitte à mutualiser, c'est le travail déporté.

Je prône la démétropolisation. Cessons de tout entasser dans les grandes villes. Pourquoi, quand on crée une école d'ingénieurs, n'est-ce jamais dans l'hyper-ruralité ? Il faut un guichet unique, une troisième décentralisation intelligente. Les élus ruraux sont prêts, eux, à s'engager.

Mme la présidente.  - C'est la conclusion ?

M. Alain Bertrand.  - Pas possible, vous m'avez volé du temps, madame la présidente ! (Rires)

Voilà des mesures simples, qui ne coûtent rien. L'hyper-ruralité est une terre de merveilles, qui est en train de crever. N'oublions pas notre devise républicaine : liberté, égalité, fraternité. C'est une belle aventure républicaine que je vous propose, madame la ministre, au bénéfice de millions de Français ! (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. Jean-Louis Carrère.  - Très bien !

M. Robert Navarro .  - Je salue le travail d'Alain Bertrand, et sa combativité. Les territoires ruraux sont sur la crête : ils peuvent devenir un véritable désert, ou au contraire être le moteur d'une nouvelle croissance. Faute d'action de l'État, ils vieillissent et se vident. Leur mise à l'écart est une faute morale et politique - car plus ils se désertifient, plus leur coût augmente pour la collectivité ! Pourtant, de nombreuses opportunités de développement existent. L'hyper-ruralité recèle des trésors et peut aider à diminuer la congestion des villes confrontées aux problèmes de logement et de transport. Or le manque criant de services publics, de santé, les zones blanches, la faiblesse des infrastructures de transport sont des freins à la relance de ces territoires.

La loi NOTRe est la première occasion pour faire cesser la discrimination territoriale. Ne rien faire reviendrait à transformer en désert un tiers de notre pays, tout en aggravant les difficultés des métropoles ! Il est temps d'agir. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

M. Jean-François Longeot .  - Merci au groupe RDSE pour cette initiative. Nous qui sommes la chambre des territoires nous devons nous saisir régulièrement de cette thématique. Sans misérabilisme, nous recherchons des solutions. Les territoires ruraux sont une richesse pour notre pays, y compris en termes de développement économique et de vie sociale. Le Sénat doit retrouver toute sa place dans les territoires, fortiori ruraux et hyper-ruraux. Après le rapport Bertrand, après la campagne sénatoriale, alors que les Assises de la ruralité sont en cours, le Sénat doit être le garant de l'égalité territoriale, proposer des solutions au sentiment d'abandon de ces territoires et de leurs habitants. Suppression des services publics, apparition de la délinquance, rythmes scolaires, suppression de l'instruction des permis de construire par les services de l'État... les problèmes s'accumulent.

L'État ne fait pas confiance aux élus ruraux ; il faut au contraire leur accorder plus de souplesse. La France est multiforme. Vouloir imposer le même cadre structurel à tous est un non-sens. Au contraire, favorisons les accords locaux !

Le développement du numérique est un enjeu essentiel. L'accès à Internet devient une condition essentielle à la vie de nos communes. C'est indispensable au maintien des populations. Dans le Doubs, le département va investir 185 millions d'euros sur quinze ans pour la fibre optique. Les communes vont devoir participer. Mais comment ?

J'espère que, lors du congrès des maires, le Gouvernement saura entendre ceux qui se dévouent au service des Français.

Cessons le délitement des services publics. Ils ont un coût, qu'il faut assumer. L'État doit en être le garant. Nos 30 000 communes rurales et hyper-rurales sont l'avenir de la France. Mettons-les au coeur de la relance sociale et économique de notre pays. (Applaudissements sur les bancs au centre et à droite)

M. Jean-Pierre Leleux .  - Jamais autant que ces derniers temps je n'avais entendu évoquer l'hyper-ruralité. Jamais je n'avais entendu autant d'élus ruraux lancer un cri d'alarme face au risque de la dissolution de leur territoire dans une nouvelle organisation. Vous avez entendu comme moi la révolte de ces élus, si nombreux mais si fragiles, qu'ils nous demandent de relayer ici, au Sénat, leur préoccupation.

La voix, la représentation des petites communes s'affaiblit, disparaît au fil des réformes territoriales. Une application de plus en plus stricte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel fondée sur le critère démographique ne permettra plus, bientôt, la représentation des territoires ruraux dans les conseils départementaux. Même le Sénat représente de moins en moins les petites communes...

Deuxième élément, le découragement des élus des petites communes, souvent bénévoles, qui peinent à boucler leur budget. La baisse des dotations s'accompagne de charges nouvelles - je pense aux rythmes scolaires et à des normes parfois exorbitantes.

Monde rural et monde urbain ne doivent pas s'opposer mais organiser leur complémentarité. Celle-ci fait partie de la culture française ; attention à ne pas rompre cet équilibre. En 1981, la superbe affiche de Jacques Séguéla pour François Mitterrand représentait un village, au coeur de la France. Le 11 octobre 2011, dans la Creuse, Nicolas Sarkozy disait : « La ruralité est l'avenir de la France. Le développement de la France passe autant par le développement des campagnes que par le développement des villes ».

Il est temps de passer aux actes. La représentation des territoires ne doit pas reposer sur la seule démographie. La communauté nationale doit accompagner le redéveloppement du pastoralisme et de l'agriculture de proximité ; une péréquation pour assurer la couverture en haut et très haut débit ; enfin, la mise en valeur du patrimoine historique et culturel. C'est ainsi que l'on redynamisera ces territoires fragilisés et que l'on redonnera confiance aux élus ruraux. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Sylvie Goy-Chavent.  - Très bien !

Mme Nelly Tocqueville .  - Merci au RDSE de son initiative. La France traverse une crise qui n'épargne pas les territoires ruraux ; elle impacte la capacité des pouvoirs publics à répondre aux défis qui se posent au monde rural. La cohésion appelle la connexion des territoires entre eux ; elle passe par l'accès aux réseaux de communication. Si l'accès aux services publics est indispensable à la qualité de vie des ruraux, il est tout aussi nécessaire au développement économique de ces territoires. Il n'y a pas de réponse unique et standardisée. Mais le retrait de l'État et de ses services, lui, s'observe partout... Nombre de Centres d'informations et d'orientation (CIO) ont ainsi été fermés : dans l'académie de Rouen, ils sont dix sur dix-sept à avoir disparu. Les inégalités s'aggravent entre les territoires.

Première action à mener : renforcer l'intercommunalité, favoriser la mutualisation de proximité - crèches, centres périscolaires, etc. Mais cette intercommunalité doit être choisie, non subie.

Deuxième action : redynamiser les communes, avec un renouveau de l'activité économique, la réintroduction de commerces, de services par exemple en lien avec l'économie sociale et solidaire (ESS), encourager les initiatives locales, avec le milieu associatif.

La plus cruelle carence est celle de la couverture numérique. Celle-ci est pourtant indispensable au développement du télétravail. Le tourisme, facteur d'activité non délocalisable, souffre aussi de cette mauvaise couverture numérique. Les services publics doivent être redéployés sous des formes nouvelles - stations-services, points postes... De même, l'accès aux administrations implantées en ville doit être garanti, par exemple grâce aux transports à la demande. Il est fondamental que les territoires ne soient pas déconnectés les uns des autres. La République est une et indivisible : il ne peut y avoir de territoires laissés pour compte. L'État doit donner les mêmes chances à tous les Français, pratiquer une politique d'équilibre entre les territoires, veiller à une efficace complémentarité entre eux. Je sais que vous y veillez, madame la ministre. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

M. Joël Labbé .  - C'est clair : pas de sous-territoire, pas de sous-citoyens. Merci à M. Bertrand de dire les choses telles qu'elles sont ; son rapport est excellent. Il connaît bien le sujet !

Je déplore, une fois encore, la sectorisation des politiques : politique urbaine d'un côté, assises de la ruralité de l'autre... Hier, quatre ministres s'étaient déplacés, dont notre ministre bretonne, Marylise Lebranchu, à Plélan-le-Petit  au coeur de la Bretagne profonde pour montrer que le Gouvernement prend en compte la ruralité. Mais maintenant, nous avons l'hyper-ruralité.

À courir sans cesse après un développement débridé, sans perspectives, résultat d'un grand marché libéral non régulé, complémentarité et solidarité ont cédé le pas à la concurrence.

La ruralité, c'est 26 % du territoire, M. Bertrand l'a rappelé. La notion de diagonale du vide négligeait les espaces hyper-ruraux des Alpes, de la Corse - ou encore de la Bretagne profonde.

Mme Nathalie Goulet.  - L'Orne !

M. Joël Labbé.  - L'aide à la rénovation du foncier bâti dans les bourgs, la revalorisation des postes de fonctionnaires dans la ruralité sont des idées de bon sens. Les primes sont moindres en milieu rural qu'en métropole : c'est anormal, je serais tenté de dire que ce devrait être le contraire.

Refonte de la péréquation, de la fiscalité la plus rurale, guichet unique : autant de propositions intéressantes.

Attention, en revanche, au seuil de 20 000 habitants pour les EPCI ; il ne faut pas hésiter à y déroger s'ils ne correspondent sur le terrain à aucune réalité. Merci à la ministre d'avoir tenu compte des spécificités insulaires.

De nouveaux modes de gouvernance sont envisagés pour les EPCI comprenant de nombreuses communes. Les écologistes ont proposé une seconde assemblée où toutes les communes seraient représentées - il en est question désormais...

Qu'on parle du retour des services publics dans les territoires, de leur restauration ou de leur renforcement, il faut passer à l'action. Certaines lignes de chemin de fer ne sont plus exploitées, nous devons nous poser la question de les rouvrir. 5 millions pour un pôle multimodal, c'est exagéré par rapport aux besoins de certains territoires.

On ne peut que souscrire à l'idée d'un pacte national pour l'hyper-ruralité, pour une mise en commun des intelligences dans le cadre de relations empreintes de maturité. Je me régale à l'avance de notre débat. (Applaudissements à gauche)

Mme Évelyne Didier .  - Le RDSE s'est fait une spécialité d'organiser tous les six mois un débat sur l'égalité des territoires. Il faut l'en remercier.

La notion d'hyper-ruralité émerge. Le rapport Bertrand doit servir de base de réflexion aux assises territoriales, afin de formuler à terme des propositions législatives. L'ADF a de son côté fait un travail intéressant. La loi annoncée sur la ruralité se fait attendre...

Les territoires très ruraux sont une richesse pour la France ; dotés de nombreux atouts, ils sont pourtant abandonnés. Une réponse politique est urgente et attendue. Les solutions préconisées par M. Bertrand sont-elles suffisantes ? C'est avec la logique de compétition entre territoires qui sous-tend la réforme territoriale qu'il faut rompre. Étonnant que le rapport ne mentionne pas la suppression, un temps envisagée, des départements... Quel sort leur sera finalement réservé ?

Le rapport appelle à la « non-décroissance du signal républicain » : autrement dit, au maintien des services publics dans les territoires ruraux, ce qui implique des moyens. La perte de ressources des collectivités territoriales a d'autant plus de conséquences que les territoires sont isolés et enclavés.

On dit parfois que la décentralisation aurait conduit à la désertification de certains territoires. C'est que, depuis un certain temps, décentralisation ne rime pas avec déconcentration mais avec désengagement de l'État.

M. Jean-François Husson.  - Eh oui !

Mme Évelyne Didier.  - J'ai dit : depuis un certain temps... La réforme de La Poste a conduit à la fermeture d'un grand nombre de bureaux. Si France Télécom n'avait pas été privatisé, la fibre aurait pu être déployée sur l'ensemble du territoire national. Les territoires ruraux veulent être sur la toile, pas dans ses creux...

En privant parallèlement les collectivités de ressources et d'assistance, on leur a ôté les moyens de répondre aux attentes des citoyens. Il n'y aura pas d'avenir pour ces territoires sans remise en cause de la politique d'austérité et de libéralisation. Mutualiser, pourquoi pas ; priver de moyens, non.

Une remarque de vocabulaire : il n'est plus question de service public, mais de service au public ou de services essentiels, plus question d'intérêt général, mais d'intérêt national - d'ailleurs à définir. Autant de glissements sémantiques, autant de glissements politiques...

En matière de logement, une politique offensive de réhabilitation des centres-bourgs est indispensable, mais les communes ne pourront l'assumer seules ; les 6,5 millions prévus au budget, au lieu des 40 évoqués, n'y suffiront pas.

La péréquation... M. Eckert dit lui-même que l'on ne comprend plus rien à la répartition des dotations. Hélas, notre proposition de loi a été rejetée...

L'ingénierie territoriale ? L'importance des départements n'est plus à démontrer, ils savent faire ; il faut leur permettre de continuer.

Pour nous, le guichet de la ruralité, c'est le réseau des préfectures et des sous-préfectures. Il ne nous semble pas pertinent de rompre l'unicité de la fonction publique territoriale en créant un corps de fonctionnaires spécifique.

Ruralité ? Je parlerai plutôt de province. Attention au langage, et à ne pas nous regarder comme des animaux de zoo !

Comment croire enfin à la pertinence du seuil de 20 000 habitants pour les intercommunalités ? Pour penser l'avenir de nos territoires, il faut avant tout écouter élus et populations. La critique systématique des élus locaux, auxquels on veut substituer des experts efficients au détriment de la démocratie, doit cesser. Nous avons besoin d'accompagnement, pas de dénigrement ! (Applaudissements à gauche et au centre)

M. Jacques Mézard .  - M. Alain Bertrand a exposé avec compétence et passion sa vision de l'hyper-ruralité ; 5 % de la population vivent sur 20 % du territoire : voilà l'hyper-ruralité, où le sentiment d'abandon est prégnant, où la révolte pointe et augure de lendemains douloureux si l'État ne réagit pas. Nous comptons sur vous pour convaincre vos collègues, madame la ministre. Il faut faire vite.

Déterminer les causes de la fracture territoriale avant les remèdes, voilà la démarche rationnelle. Quand la IIIe République avait ouvert une école dans chaque village pour donner à chacun sa chance, la Ve République a opéré un déménagement des territoires, faute de planification.

Sortons du débat binaire entre l'urbain et le rural : il est des territoires urbains pauvres, des territoires ruraux riches. Les territoires dont nous parlons sont ceux où l'agriculture eut un poids prépondérant et qui ont été vidés de leurs habitants par l'exode rural. Souvent, ce sont les plus enclavés. Les métropoles régionales, et cela s'accentuera avec la réforme territoriale, ont aspiré une grande partie du sang administratif, économique et humain de ces zones rurales. Il faut créer des métropoles fortes, certes, mais aussi trouver un équilibre. Les préfectures de région se renforcent au détriment des autres, elles concentrent aussi les sièges des banques, des assurances, des structures administratives. L'émergence des métropoles accentuera encore le phénomène. Et c'est grave. Parce que la matière grise quitte nos territoires - fonctionnaires, enseignants, professions libérales - avec des conséquences en chaîne ; même en Corrèze, malgré l'action de deux présidents de la République... Attention d'ailleurs à la réforme des professions réglementées, portée par M. Macron. Les décentralisateurs pourfendaient les jacobins ; la décentralisation a créé des hiérarques dont la soif de pouvoir, lorsqu'ils revendiquent le transfert du pouvoir réglementaire, met en péril la République une et indivisible.

Comment inverser la tendance ? Il ne sert à rien de multiplier les colloques pour remplir les colonnes des journaux. Le diagnostic est connu, il est temps d'apporter des remèdes. Cela suppose une vraie volonté politique. Comment promouvoir le développement économique quand, comme à Aurillac, on est à onze heures de la capitale par le train ? Qu'il n'y a qu'un seul avion par jour, et pas le samedi ni les jours fériés ? Nous serons demain la préfecture la plus éloignée d'une métropole régionale... Le Gouvernement a annoncé le renforcement des services des préfectures, mais il continue à fermer des brigades de gendarmerie ou des trésoreries... Le désert médical s'installe, téléphonie mobile et Internet dysfonctionnent.

À capital égal, les habitants du Cantal paient quatre à cinq fois plus d'impôts locaux qu'à Paris. Voilà la réalité ! Édith Cresson a été brocardée quand elle a lancé une politique de délocalisation. Elle avait pourtant raison ! L'État doit assurer à chaque citoyen, où qu'il réside, l'accès le plus proche à l'éducation, à la santé, au logement, à l'emploi. Ce n'est pas le cas.

Nous n'attendons pas la charité mais la justice territoriale. Nous avons confiance en vous, madame la ministre. Puissiez-vous améliorer la situation car il y a urgence. (Applaudissements sur les bancs du RDSE)

M. Jean-Jacques Lasserre .  - À mon tour, je remercie le RDSE d'avoir demandé l'organisation de ce débat indispensable. Merci aussi à M. Alain Bertrand pour son rapport, bien que je déplore l'impasse sur les conséquences de la réforme territoriale. L'évolution dramatique de certains territoires, la désertification, la déprise, l'abandon des services publics découragent les jeunes de s'y installer. Attention au point de non-retour.

L'hyper-ruralité n'est pas ringarde. Elle joue un rôle dans notre société. Il ne s'agit pas de reproduire un passé révolu, mais de faire entrer l'hyper-ruralité dans le monde contemporain, de façon pragmatique, réaliste, imaginative.

La première des contributions de l'hyper-ruralité à notre société est environnementale : des équilibres subtils ont été façonnés par les siècles entre l'homme et la nature - et qui ne doivent pas être éclipsés par certains épisodes récents. La deuxième est économique : l'hyper-ruralité, c'est aussi le lieu des productions agricoles de qualité et d'un tourisme vert en plein développement. La troisième enfin est sociétale ; le maintien d'un mode de vie, de relations citoyennes peut se traduire par une offre originale dans une société sans modèle.

L'idée d'un pacte national est intéressante, qui doit mettre en avant la question des services publics. Les conséquences de la RGPP se font sentir. M. Bertrand a raison d'appeler au maintien de services publics, de l'ingénierie territoriale, mais aussi des écoles et collèges. La politique de l'habitat doit être adaptée aux problèmes des centres-bourgs. Sur le très haut débit, il y a urgence. Le coût de l'investissement par abonné varie du simple au décuple... les équipements programmés privilégient les zones de retour sur investissement ; si on n'agit pas vite, on verra disparaître solidarité et péréquation. Les évolutions actuelles accélèreront la concentration urbaine.

La responsabilité de l'État doit être évoquée : le redécoupage cantonal a réduit le poids des territoires ruraux dans les conseils départementaux. Heureusement, il n'est plus question de supprimer ces derniers. M. Valls a donné des assurances sur leur rôle dans les solidarités humaines et territoriales ainsi que l'aménagement du territoire. Nous serons vigilants sur les compétences qui leur seront attribuées par la loi NOTRe.

Nous sommes nombreux à être sceptiques sur le seuil intercommunal de 20 000 habitants. J'appelle de mes voeux une approche plus pragmatique. (Applaudissements au centre, sur les bancs du RDSE et sur plusieurs bancs à droite)

M. Jean-Claude Carle .  - Les campagnes françaises ont connu de profondes mutations ces dernières années, à commencer par un renversement des tendances démographiques : depuis 1975, 2,5 millions de Français ont quitté la ville pour la campagne. Malgré les disparités que ce chiffre recouvre, les politiques publiques doivent tenir compte de ce regain d'intérêt pour le monde rural, qu'il s'agisse de services publics, d'aménagement du territoire ou d'agriculture.

Une politique de reconquête des territoires ruraux serait plébiscitée par les Français, et apporterait des réponses à de nombreux problèmes économiques et sociaux - sans être contradictoire avec des actions en faveur des zones urbaines ou périurbaines.

À la montagne, infrastructures et services publics coûtent plus cher. Le relief et l'enneigement changent tout, allongent les distances. Mais les montagnes sont une chance pour la République, des territoires vivants et de projets, il faut leur donner les moyens de leur ambition.

Nous revendiquons l'accès au très haut débit. Nous ne voulons pas être les spectateurs passifs de son déploiement dans les zones urbaines rentables. Nous refusons d'être condamnés à un Internet au rabais, sauf à cautionner la fracture territoriale.

De même, il importe de préserver le maillage des écoles et collèges, le taux d'encadrement des élèves, le remplacement des professeurs et les moyens destinés à l'accueil des élèves handicapés. Une école vivante, c'est une perspective d'avenir. La santé des enfants impose que le temps de transport scolaire ne dépasse pas certaines limites. Les seuils d'ouverture ou de réouverture de classes doivent être adaptés.

Enfin, un accès équitable aux services publics doit être garanti. Faute de quoi c'est l'identité de la France qui est remise en cause. Notre pays compte deux atouts majeurs : le renouvellement de sa population et son espace. Sachons les valoriser grâce à une politique qui conjugue populations, territoires et État pour relever les défis qui sont devant nous. (Applaudissements sur les bancs du RDSE, au centre et à droite)

M. Jean-Yves Roux .  - La ruralité est indispensable au développement métropolitain : tel est l'apport majeur du rapport Bertrand. La France doit s'appuyer sur sa diversité et la beauté de ses espaces, l'aspiration de ses habitants à une vie meilleure ; et combler le fossé territorial qui se creuse. Le monde rural est une force pour demain.

L'égalité 2.0 : voilà le premier impératif. Sans elle, nous continuerons d'avoir des territoires maintenus en respiration artificielle. Qu'il s'agisse d'accès à la santé, à la culture, à l'information, au service public, à l'emploi, rien ne sera possible sans le très haut débit pour tous. Or les opérateurs privés concentrent leurs investissements dans les zones peuplées, soit sur 25 % du territoire seulement. Or la qualité des réseaux est le troisième critère d'implantation des entreprises. Sans intervention publique, la fracture numérique s'élargira. À Digne-les-Bains, l'hôpital emploie de plus en plus d'outils numériques. Les urgentistes envoient des images au CHU de Marseille pour recevoir l'avis du neurochirurgien de garde. Or les fichiers sont trop lourds pour pouvoir être transmis avec la célérité que requiert l'urgence.

Autre défi, l'accès aux soins. Dans les Alpes-de-Haute-Provence, il faut attendre six à douze mois pour obtenir un rendez-vous chez un ophtalmologiste ; à Digne on ne compte aucun praticien de cette spécialité. Mme Touraine a pris des mesures pour favoriser l'installation de médecins en zone rurale, mais il faut être plus volontariste. Il est question aussi de mutualiser les services mobiles d'urgence des Alpes-de-Haute-Provence et des Hautes-Alpes ; il y a là un risque pour la sécurité sanitaire. L'attractivité d'un territoire dépend de l'accès aux soins, de la présence des services publics et du très haut débit.

Les collectivités rurales ont la légitimité démocratique pour agir mais elles manquent de moyens financiers et techniques. La péréquation de demain reste à inventer. Dans mon département, la dotation de fonctionnement des communes rurales est deux fois moins élevée que celle des grandes villes, malgré l'écart de richesses.

Je me félicite que le Premier ministre ait pris conscience de l'importance des départements, et qu'il se soit engagé à renforcer leur ingénierie au service des communes. Un pacte territorial garant de « l'identité de la France » pour reprendre la formule de Fernand Braudel, respectueux des deux forces urbaine et rurale, c'est la condition pour que la France fracturée ne prenne pas le pas sur la France solidaire à laquelle nous sommes tous attachés. (Applaudissements)

M. Rémy Pointereau .  - Élu du Cher, maire d'une commune rurale et rapporteur de la politique des territoires, je suis profondément attaché à la ruralité qui a façonné la France. En 1830, 80 % de la population française vivait à la campagne, 20 % en ville ; cette proportion s'est inversée. Il y a en France presque autant de ruralités que de fromages. Les ruraux ne veulent plus de bla-bla, ils veulent des actes. Jamais la ruralité ne s'est si mal portée malgré la création d'un ministère de l'égalité des territoires... Le vote extrême progresse, non pas à cause de l'immigration ou de l'insécurité mais parce que les ruraux se sentent abandonnés, déclassés, exclus.

Comment y remédier, avec des politiques qui creusent les inégalités ? Avec la constitution des métropoles, la réforme des rythmes scolaires qui crée une école à deux vitesses, la réforme territoriale qui enlève de la proximité et du lien social ? Avec la suppression de postes dans les préfectures plutôt que dans les directions des ministères, la baisse accélérée des dotations ? L'inégalité des dotations entre EPCI est flagrante : 20 euros par habitant pour les communautés de communes, qui sont pour la plupart rurales, 40 euros dans les communautés d'agglomération, 60 euros dans les futures métropoles... Où est l'égalité des territoires ? Désertification médicale, carences du haut débit et de la téléphonie mobile, disparition de lignes de chemin de fer : toutes les campagnes sont concernées.

L'égalité des territoires est de la compétence de l'État, il faut un plan Marshall pour la ruralité. Dans les années 1960, la Datar lançait des politiques sur dix ans, qui portaient leurs fruits. Dommage que les gouvernements successifs l'ait vidée de sa substance.

Des actions utiles ont été menées de 2002 à 2012. Pourquoi abandonner les pôles d'excellence rurale ? Les ZRR doivent être pérennisées, le Fisac joue un rôle essentiel, comme les maisons de santé pluri-professionnelles. La boîte à outils, chère à François Hollande, existe déjà. De grâce, conservez ce qui marche ! J'approuve votre projet de revitalisation des centres-bourgs, à condition que les élus y soient associés.

Il faut une égalité financière des territoires, soit l'égalité des dotations par habitant, avec une péréquation juste, verticale et horizontale. La ruralité ne doit pas être synonyme de déclin et de désertification, elle est une chance pour l'avenir de nos territoires ! (Applaudissements au centre, à droite et sur les bancs du RDSE)

Mme Delphine Bataille .  - C'est la question de l'hyper-ruralité que notre très cher Alain Bertrand a voulu soulever, encore que tous les territoires ruraux rencontrent des difficultés similaires se rencontrent - ainsi dans l'Avesnois et le Cambrésis dans le Nord. Vieillissement, enclavement, faibles ressources financières, disparition des services publics, l'état des lieux est accablant qui nourrit le sentiment d'abandon. Cette France des plans sociaux, de l'abstention et des comportements antirépublicains est aussi celle des initiatives politiques et des projets de relocalisation. L'attachement des habitants aux valeurs traditionnelles populaires est lié à leur angoisse devant la mondialisation et à certains projets sociétaux, à leur demande d'autorité. Les ruraux subissent l'hypercentralisation des services essentiels et des richesses. Les classes populaires sont chassées des métropoles, le sentiment de relégation se renforce. Pourtant, la complémentarité entre villes et campagnes est indéniable. La France reste profondément marquée par ses terroirs et la transition vers une civilisation urbaine doit se faire avec précaution.

Dans ces territoires l'État doit répondre à des défis spécifiques, renforcer sa présence. Chez moi, la base aérienne 103, fermée par un gouvernement de droite, a été reconvertie et le canal Seine-Nord favorisera le développement local.

L'intervention de l'État régulateur est fondamentale pour assurer la redistribution entre territoires riches et pauvres, et pour soutenir ces derniers, qui ont plus que jamais besoin d'être accompagnés. Je salue la décision de maintenir les conseils généraux ; le projet initial était perçu comme une menace pour le monde rural.

Il faut entendre les populations et les élus de ces territoires. La République doit être partout et pour tous. Souvenons-nous de la description que Fernand Braudel donnait de l'identité de la France, redonnons du souffle à nos territoires et de l'espoir à ses habitants. (Applaudissements à gauche)

M. Gérard Bailly .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) Je vais prononcer le quatorzième credo pour l'hyper-ruralité, vous me pardonnerez quelques répétitions. Merci à M. Bertrand de son rapport.

Les territoires ruraux recouvrent 80 % de la France. Ses 3,5 millions d'habitants peinent à accéder aux services publics, cela a été dit, mais les territoires ruraux ne sont-ils pas aussi des lieux de repos, de sport, de vacances, de détente, de gastronomie pour les citadins, des lieux de production du bois et de l'énergie ? Alors, a-t-on assez de considération et de reconnaissance pour ceux qui aménagent ces zones ? Ces territoires préservent les réserves en eau des gens des villes, servent de déversoir aux stations d'épuration, de dépôt aux déchets.

Avec Mme Renée Nicoux, nous avions signé un rapport sur l'avenir des campagnes. En audition, nous entendions les élus parler des zones oubliées, voire sacrifiées. Leurs habitants veulent, eux aussi, des piscines, des crèches, des médiathèques... Alors, pourquoi une DGF réduite de moitié par rapport aux villes ? À l'heure du numérique et des transports collectifs, rien pour nos campagnes.

Les populations s'inquiètent de leur accès aux soins, voire à une pharmacie. L'espérance de vie est moindre à la campagne, quand le délai de transport est plus long pour rejoindre un hôpital en cas d'infarctus ou d'AVC. Améliorons au moins la desserte aux hôpitaux urbains.

Que faire ? Une DGF plus juste, des ZRR, des crédits européens, des plans d'excellence rurale, un plan d'aménagement routier... À la campagne, le seuil de 20 000 habitants pour les intercommunalités est beaucoup trop élevé, il les ferait bien trop étendues.

Les élus ruraux, qui entretiennent un rapport affectif avec leur territoire, sont innovants et combatifs, surmontant leurs handicaps. En proie à une métropolisation galopante, la France aura besoin de ces territoires et les citadins viendront s'y réfugier. Encore faut-il qu'ils restent vivants. Ces territoires ruraux sont le creuset de la mutation de la France. À vous d'en décider, et aussi à nous tous ! (Applaudissements à droite)

Mme Frédérique Espagnac .  - La promesse républicaine est faite à tous les territoires. Ce n'est pas un hasard si ce rapport sur l'hyper-ruralité a été confié à notre cher collègue Alain Bertrand. Son plan en six points est très complet. La contribution de cet hinterland que représente l'hyper-ruralité serait mieux évaluée si l'on utilisait les nouveaux indicateurs de prospérité.

L'hyper-ruralité devra tirer parti des possibilités offertes par la révolution numérique. Sa planche de salut est le développement du très haut débit.

Le Gouvernement ne s'y est pas trompé puisqu'il a lancé un plan « France très haut débit » pour une couverture intégrale du territoire en février 2022, avec une enveloppe de 3 millions d'euros pour les territoires ruraux.

Accompagnons ces particuliers et ces entreprises qui partent avec un handicap, non de matière grise et de talents, mais d'équipement. Seules 35 % des entreprises sont équipées en « site vitrine » selon une étude récente. Certains proposent une fédération nationale de la médiation numérique, je soutiens cette idée. Il s'agit de faciliter l'inclusion des publics les plus éloignés, sur tous les territoires.

En tout cas, le Gouvernement a acté la nécessité de déployer le très haut débit dans les zones rurales ; les territoires ruraux devront faire l'objet d'une attention particulière dans la loi numérique à venir. C'est à saluer. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Jean-François Husson .  - (Applaudissements sur les bancs UMP) En janvier dernier, nous demandions quel était l'objectif du Gouvernement en matière d'aménagement du territoire. À ce Gouvernement qui déclarait son amour à la ruralité, je demandais des preuves. Depuis, a-t-il fait sa révolution copernicienne ?

Le Commissariat général à l'égalité des territoires a été créé, soit ; j'aurais aimé qu'il rende un avis. Votre titulature s'est enrichie d'un mot : vous êtes, accessoirement, ministre « de la ruralité ». Des mots, encore des mots, toujours des mots ; comme dans la chanson. À mi-mandat, c'est bien peu... La fracture territoriale ne cesse de se creuser. Néanmoins, je ne céderai jamais au fatalisme, à l'approche résignée d'une ruralité condamnée au vide et au vert, à vivre sous perfusion ou à l'approche bobo d'une ruralité réduite à un simple folklore. Cessons la caricature : la France urbaine ne résoudra pas tous les problèmes d'un coup de baguette magique. La vraie fracture n'est pas tant entre villes et campagne que selon le dynamisme.

Quand il s'agit d'égalité des chances, je ne crois pas à l'action de la main invisible. Dans La France périphérique, il est bien dit que la mondialisation profite d'abord aux métropoles. La décentralisation n'a pas contredit ce mouvement. Les ruralités doivent pourtant s'inscrire dans une logique de développement partagé avec les villes et les bourgs. Je crois à la coopération, à la fédération des énergies et des territoires. J'appelle à une nouvelle forme de décentralisation, pour se donner ensemble un destin commun, tisser un lien fort et complice entre ces deux France qui tendent à s'éloigner. Il existe des outils : les Scot sont le bon instrument pour traduire une vision bottom-up, à condition que leur périmètre soit suffisamment large. Il faudra en créer d'autres car, après le rabot démographique, l'impitoyable loi du chiffre a abouti à un redécoupage cantonal fondé sur le seuil magique de 20 000 habitants. À cela s'est ajoutée la baisse des dotations.

Je crois en la France qui a envie d'agir, à celles et ceux qui continuent de s'investir pour le sursaut de notre pays. Enfant d'une toute petite commune de cette belle Meurthe-et-Moselle qui compte la plus petite commune de France avec 3 habitants, j'ai une passion pour la ruralité. Madame la ministre, entendez-nous ! Il y va de l'égalité républicaine. (« Bravo ! » et applaudissements à droite ; M. Alain Bertrand applaudit aussi)

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité .  - À mon tour de saluer l'inscription de ce débat à l'ordre du jour du Sénat. Le rapport de M. Alain Bertrand sur la ruralité, que je connais bien comme élue locale, nous offre un éclairage précieux sur ce phénomène et des propositions intéressantes. Le constat est partagé.

Le sujet est d'actualité. J'ai lancé les Assises de la ruralité, articulées autour de sept sujets, qui associent les élus, les acteurs socioprofessionnels et les associations, en vue d'aboutir à une nouvelle feuille de route partagée, à des propositions concrètes, à une politique novatrice et volontaire.

Les attentes des ruraux sont de plus en plus analogues à celles des citadins, en effet, monsieur Bertrand. Sortir d'une vision caricaturale de la campagne, de l'opposition entre ville et campagne, tel est l'enjeu pour donner corps à notre ambition pour les territoires ruraux. Je le dis avec force, notre pays a autant besoin de ces territoires que de métropoles puissantes.

Oui, il faut sortir de l'opposition entre ville et campagne, car il y a des porosités entre ces zones, pour engager une logique de coopération. Celle de réparation a fait long feu. Égalité ne signifie pas uniformité. Il faut traduire dans les faits la promesse d'égalité républicaine. Nos territoires ruraux n'ont pas besoin de commisération, ils aspirent simplement à trouver leur juste place dans notre projet national. Pour le Gouvernement, ruralité rime avec modernité, attractivité et compétitivité. Élue d'un territoire rural, j'en connais la capacité à se saisir de son destin. Les assises des ruralités portent donc une ambition forte. Je suis attentive aux propositions du Sénat. Les sujets abordés cet après-midi ont été beaucoup discutés aux Assises.

Les services publics ? Les territoires ruraux ne nous ont pas attendus. Il existe déjà des maisons des services publics dans de petites communes. Le Gouvernement soutient cette démarche et souhaite atteindre l'objectif de 1 000 implantations à l'horizon 2017.

L'accès aux soins est une priorité forte, que vous avez été nombreux à évoquer. Le Gouvernement a développé la télémédecine, favorisé l'implantation des médecins en zones sous-denses. J'y ajoute une hausse de 65 % des bourses pour favoriser l'installation dans des déserts médicaux, 180 praticiens territoriaux, 300 maisons pluridisciplinaires dans plus de 55 départements.

Le Commissariat général à l'égalité des territoires, né cette année, s'affirme. Je souhaite qu'il devienne un laboratoire d'innovation et pèse pour que la ruralité soit prise en compte dans toutes les politiques. La proposition de M. Bertrand que les services publics déconcentrés puissent travailler pour le compte d'autres secteurs géographiques me paraît intéressante ; il faudra creuser l'idée, en lien avec les maisons de l'État.

L'aménagement numérique du territoire est la préoccupation numéro un des élus locaux, c'est vrai pour Internet comme pour la téléphonie mobile. Le très haut débit est devenu un bien essentiel, comme l'eau ou l'électricité. Le programme « France très haut débit » fixe un objectif de couverture intégrale pour 2022, quelque 20 milliards d'euros de financements publics sont mobilisés avec 3,3 milliards pour les zones les moins dotées. Moins le territoire est peuplé, plus il sera aidé ; c'est une forme de péréquation. Une technologie satellitaire sera développée en montagne : fin septembre 2014, 60 projets dans 71 départements ont été déposés. L'objectif de 2022 peut paraître lointain, mais il est déjà très ambitieux ; les délais dépendront beaucoup des capacités des collectivités à se mobiliser. C'est pourquoi j'ai souhaité que les crédits du Fonds national d'aménagement et de développement du territoire financent le développement de nouveaux usages du numérique dans les contrats de plan État-région. C'est ainsi que 7 millions d'euros leur sont consacrés.

Il faut supprimer les zones blanches et grises de la téléphonie mobile. Les contrats de plan représentent 12 milliards d'euros, dont 960 millions pour le volet territorial. C'est un gros effort de l'État dans la situation financière difficile que nous connaissons. J'ai assoupli les critères, les préfets disposeront de plus de marges de manoeuvre pour faire converger les priorités de l'État et des régions. Je leur ai demandé de se montrer particulièrement attentifs aux besoins des territoires ruraux.

Au-delà des contrats de plan État-région, je souhaite travailler à une nouvelle forme de contractualisation fondée sur la coopération entre l'urbain et le rural, par exemple pour la collecte des déchets ou encore les soins aux personnes âgées.

Ce débat sur la ruralité trouvera toute sa place lorsque le Sénat examinera bientôt le projet de loi NOTRe.

Le Premier ministre a réaffirmé sa volonté de construire des intercommunalités à l'échelle des bassins de vie. Le seuil de 20 000 habitants devra être adapté en zone rurale ; ce qui importe pour moi n'est pas le nombre d'habitants, mais la qualité du projet porté par les élus. Concernant la représentation des territoires ruraux, la proposition de loi Sueur-Richard sera bientôt examinée à l'Assemblée nationale.

Les départements sont confortés dans leurs compétences de solidarités humaine et territoriale. Le Premier ministre l'a rappelé à Pau, ils sont un échelon intermédiaire nécessaire. Les départements sont le pilier de la politique de solidarité entre les âges, comme en témoigne le projet de loi d'adaptation de la société au vieillissement. Aussi le Premier ministre a-t-il voulu augmenter leurs moyens en prolongeant, entre autres, la possibilité de varier le taux des DMTO ; il est ouvert à l'idée d'adapter le potentiel fiscal corrigé.

Le Gouvernement envisage en outre une recentralisation du RSA-socle. Monsieur Labbé, 300 communes ont été candidates à l'expérimentation sur la rénovation des centres-bourgs. Quelque 50 seront retenues, ce n'est pas assez mais il ne s'agit que d'une expérimentation qui pourra être élargie lors de la clause de revoyure des contrats de plan en 2016. Une somme de 14 millions d'euros a été dégagée pour l'ingénierie, 15 millions pour le logement, qui viendront en complément des crédits de droit commun et des crédits européens. Le projet de revitalisation fera l'objet de deux conventions : une avec le préfet de région, l'autre avec le préfet de département.

Monsieur Mézard, je partage votre point de vue. (Sourires à droite) Effectivement, certains territoires urbains sont en crise, certains territoires ruraux se portent bien - heureusement. Néanmoins, je ne vois pas toujours la même chose que vous lors de mes déplacements dans la ruralité et même l'hyper-ruralité : à quelques kilomètres du Cantal, dans le nord du Lot ou de l'Aveyron, j'ai visité des entreprises innovantes dynamiques, travaillant notamment dans l'aéronautique de pointe. Je pense aussi à l'économie de proximité, au tourisme vert, au télétravail, aux coopérations entre écoles d'architecture et communes rurales... J'attends vos propositions dans le cadre des Assises des ruralités...

M. Jacques Mézard.  - Ah non !

Mme Sylvia Pinel, ministre.  - ... ou dans un autre cadre.

Monsieur Lasserre, je vous lance la même invitation : la péréquation a atteint ses limites...

M. Pierre-Yves Collombat.  - Elle est devenue injuste !

Mme Sylvia Pinel, ministre.  - Depuis 2002, et non depuis 2012 comme certains voudraient le faire croire, (M. Rémy Pointereau s'insurge) les réformes se sont ajoutées aux réformes sans vue d'ensemble. Rien ne justifie des écarts de 1 à 3 dans la répartition de la DGF. S'il existe des charges de centralité, les communes rurales doivent entretenir les paysages et pèsent sur elles des charges de ruralité. Le Gouvernement travaille à une refonte globale de la DGF.

M. Jean-Claude Lenoir.  - On verra !

Mme Sylvia Pinel, ministre.  - J'ai préféré concentrer les crédits de mon ministère sur les zones qui en ont le plus besoin dans une logique de contractualisation plutôt que sur les ZRR où l'appel à projets conduit à sélectionner toujours les meilleurs.

Le Fisac ? Nous l'avons trouvé en déficit en 2012 avec une avalanche de promesses non financées...

M. Rémy Pointereau.  - Ne soyez pas sectaire ! Un peu d'objectivité !

Mme Sylvia Pinel, ministre.  - Je suis objective : c'est moi qui ai été chargée durant deux ans et demi de gérer le Fisac. Je parle d?expérience !

Nous mènerons une concertation approfondie avec les élus ; en attendant, j'ai reconduit les exonérations fiscales liées aux ZRR dans le projet de loi de finances pour 2015. Continuons à tenir ensemble la belle promesse de l'égalité républicaine ! (Applaudissements sur les bancs socialistes)

M. Rémy Pointereau.  - La ruralité est sauvée !

Cour de justice de la République (Prestation de serment)

Mme la présidente.  - M. Alain Anziani, élu juge suppléant à la Cour de justice de la République le 29 octobre dernier, va être appelé à prêter, devant le Sénat, le serment prévu par l'article 2 de la loi organique du 23 novembre 1993 sur la Cour de justice de la République.

Je vais donner lecture de la formule du serment. Je vous prie de bien vouloir vous lever à l'appel de votre nom et de répondre, en levant la main droite, par les mots : « Je le jure ».

Voici la formule du serment : « Je jure et promets de bien et fidèlement remplir mes fonctions, de garder le secret des délibérations et des votes, et de me conduire en tout comme un digne et loyal magistrat. »

M. Alain Anziani, juge suppléant, prête serment.

Septennat non renouvelable

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle la proposition de loi constitutionnelle visant à rétablir à sept ans la durée du mandat du président de la République et à le rendre non renouvelable.

Discussion générale

M. Jacques Mézard, auteur de la proposition de loi constitutionnelle .  - Réfléchir sur l'évolution des institutions est légitime pour le Sénat. On ne peut nier qu'elles posent problème. Sur tous les bancs, le débat existe. Il est naturel, il est légitime. À l'issue du référendum du 24 septembre 2000, marqué par l'abstention de 74 % des inscrits, le septennat a laissé la place au quinquennat. Les méfaits de ce dernier pour l'équilibre des pouvoirs sont connus. Récemment, des députés ont déposé une proposition de loi semblable : aucune corrélation directe avec le dépôt de la nôtre !

Le consensus prétendu sur le quinquennat est remis en cause par la difficulté d'exercice du mandat du président de la République, soumis aux volte-face d'une opinion capricieuse et volage. Un responsable politique se doit de mener des réformes même impopulaires. Schopenhauer soulignait qu'une fois qu'une opinion a obtenu un bon nombre de voix, les autres l'acceptent : adhérer devient alors un devoir.

Pour nous, il ne s'agit pas d'affaiblir la fonction du président de la République mais de la restaurer dans son rôle d'arbitre au-dessus de la mêlée. L'hypertrophie de la présidence de la République n'est pas un atout, surtout dans un système qui se veut bicéphale. Relisez le général de Gaulle : le quinquennat est à l'encontre de la volonté de celui qui a voulu la Ve République.

M. Yvon Collin.  - Absolument.

M. Jacques Mézard.  - Le débat se justifie par l'ampleur des dégâts du quinquennat. Les douze années de quinquennat nous donnent le recul nécessaire. Le bilan n'a pas à être positif : il faut savoir reconnaître ses erreurs, et celle de ses prédécesseurs. Point de défaitisme et d'immobilisme pour nous. Notre République doit évoluer - sans pour autant changer de numéro.

En 1962, l'élection du président de la République au suffrage universel fut déjà une évolution considérable. Mon groupe ne la soutenait pas. « Réunir en une seule main, sur une seule tête, tous les pouvoirs sans nul contrepoids, c'est proprement abolir la démocratie » disait Gaston Monnerville en 1962 - dans un texte intitulé « La Constitution est violée, le peuple est abusé ». On a vu la suite...

La durée du mandat présidentiel n'a cessé de faire débat. Le quinquennat a transformé la pratique de nos institutions, sans que les conséquences n'aient été prises en compte. Adopté dans la quasi-indifférence des Français, ce changement présenté comme minime a en réalité constitué un bouleversement institutionnel. La présidence de législature a mis fin au statut d'arbitre institutionnel qui était celui du président de la République, conformément à la volonté expresse des rédacteurs de la Constitution de la Ve République, dans son article 5. Ils concevaient la durée de la fonction présidentielle en fonction de l'équilibre entre les différents pouvoirs.

Brandissant le spectre de la cohabitation, les partisans du quinquennat ont imposé leurs vues, réfutant les jugements des électeurs qui avaient pourtant exprimé cette volonté en 1986, 1993 et 1997. Le vrai problème est celui de la censure du Gouvernement et de la dissolution... Il faudra en débattre un jour.

L'alignement de la durée de la fonction présidentielle sur celle de la fonction parlementaire a transformé le président de la République en super-élu, chef de la majorité en lieu et place du Premier ministre. Singulière idée que de réduire la durée de son mandat tout en renforçant encore son pouvoir, remarquait naguère le doyen Vedel ! Entre un président de la République chef de la majorité et un président de la République arbitre et par nature irresponsable, il faut choisir.

L'hyper-présidentialisation n'est pas synonyme d'un renforcement de la fonction mais de la polarisation autour d'un homme rendu responsable de tous les maux.

L'argument de la modernité, de l'accélération de l'histoire ne vaut pas. La modernité interdit-elle la réflexion ?

Le rôle du chef de l'État dans la politique internationale plaide pour le temps qui lui confie une expérience, une autorité morale, et l'établissement de relations personnelles, qui lui permettent de peser dans les négociations. Les grands couples franco-allemands en témoignent.

Plaçant le président de la République dans le rôle de candidat à sa propre succession, le quinquennat prouve sa dangerosité. Deux ans après l'élection de l'actuel président, les candidats à sa succession se sont déjà déclarés... Nous voyons là une américanisation de la vie politique. Le président de la République se voit obligé de rentrer dans la mêlée, privilégiant le court terme sur le long terme, faisant primer l'intérêt partisan sur l'intérêt général.

Enfin, le quinquennat a eu comme corollaire l'affaiblissement du Parlement, réduit au rôle de chambre d'enregistrement. Nous en payons tous les jours le prix. Le maintien du quinquennat se fera au détriment de l'intérêt national.

D'où notre proposition de loi constitutionnelle qui revient à un mandat de sept ans, non renouvelable. Ce n'est pas un retour en arrière, au septennat renouvelable qui a montré ses limites. Le comité Vedel avait mis en avant les avantages d'une telle formule. La fonction ne serait plus atteinte par le cycle électoral et retrouverait la sérénité si nécessaire à l'art de gouverner. (Applaudissements sur les bancs du RDSE ; M. Robert Navarro et Jean-Yves Leconte applaudissent aussi)

M. Hugues Portelli, rapporteur de la commission des lois .  - Cette proposition de loi constitutionnelle est très intéressante ; elle nous permet de poursuivre un débat qui dure depuis 1958.

Le septennat n'est pas au départ une tradition républicaine, mais le fruit d'un compromis passé en 1873 entre les deux familles dynastiques. Il a été ensuite adopté par les républicains, la question n'ayant guère d'importance puisque le président était privé de tout pouvoir effectif.

En 1946, on a gardé le septennat dans la conception qui avait été celle de la pratique de la IIIe République. René Coty, Vincent Auriol ont été élus pour sept ans, avec un pouvoir encore moindre que sous la IIIe République.

La Constitution de 1958 a été rédigée en trois mois - il fallait l'adopter avant octobre. Des pans entiers ont été repris de la Constitution de 1946 - dont son Préambule. Pour le général de Gaulle, l'essentiel était d'exercer la fonction présidentielle. Pour les gaullistes, il fallait que le mandat dure longtemps. Michel Debré avait d'ailleurs plaidé, dans un livre écrit pendant la guerre, pour douze ans. Sept ans, c'était un pis-aller ! Dans la conception du général de Gaulle, la contrepartie de ce mandat était la responsabilité du président de la République devant le peuple, via le référendum, c'est-à-dire la démission en cas de réponse négative à la question de confiance. C'est ce qu'il a fait en 1969 la réforme refusée par 53 % des Français le 27 avril, il démissionnait le 28.

M. Charles Revet.  - C'était de Gaulle...

M. Hugues Portelli, rapporteur.  - Les rédacteurs de la Constitution de 1958 sont les mêmes qui la mettent en oeuvre : à trois reprises, le général de Gaulle interroge le peuple par référendum, sur des questions essentielles avant 1962.

Au lendemain de sa démission, aucun des successeurs du général de Gaulle n'a partagé cette vision des choses. Le septennat a alors changé de nature. Dès 1973, Georges Pompidou se pose la question de la réduction de la durée du mandat. La révision a été adoptée par les chambres, mais n'aurait pu passer l'épreuve des trois cinquièmes au congrès.

Comment gérer un mandat de sept ans avec l'érosion de la confiance populaire ? La question était posée - dès 1967, puis à la veille des législatives de 1973, puis de 1978. Le problème a ensuite été réglé par le peuple avec les cohabitations...

Le principal responsable du quinquennat, c'est le Premier ministre de cohabitation qui exerça pendant cinq ans les pouvoirs les plus importants de chef de gouvernement de la Ve République, le président en étant réduits à ses pouvoirs aux acquêts constitutionnels. Il mit en oeuvre une double réforme qui devait, dans son esprit, écarter au maximum les risques de cohabitation. Lionel Jospin a proposé le quinquennat puis la prolongation du mandat des députés, pour assurer la primauté de l'élection du président de la République. Il faut toujours avoir à l'esprit ceux qui sont à l'origine de réformes...

La proposition de loi constitutionnelle introduit un septennat non renouvelable. Cela, personne ne l'a proposé. En 2000, Jacques Chirac n'a accepté la révision qu'à la condition que la reconduction du mandat ne soit pas limitée, considérant que c'est au peuple de décider s'il veut ou non garder un président en fonction. Un président peut se représenter et ne pas être réélu, on l'a vu.

La réduction du mandat de sept à cinq ans n'est pas due à la seule cohabitation. Dans la plupart des pays démocratiques, les mandats sont plus courts. Quand le mandat est long, comme en Italie, c'est que le président de la République exerce une magistrature d'influence, plutôt que décisionnelle.

Il ne s'agit pas de la réduction du temps médiatique mais de la réduction du temps politique, qui concerne aussi les parlementaires. Dans la majorité des pays européens, ceux-ci sont élus pour quatre ans, voire trois ans. Aux États-Unis, les représentants le sont pour deux ans ! L'organisation du temps politique n'est pas la même, et fonctionne aussi bien...

La question du travail utile pour un président de la République serait hypothéquée par le quinquennat, dit M. Mézard. C'est un problème politique et non constitutionnel. Un exemple : Jacques Chirac, premier ministre en 1986, a accompli davantage d'oeuvre législative qu'entre 2002 et 2007.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Il ne faut pas trop légiférer !

M. Hugues Portelli, rapporteur.  - C'est qu'en 1986, la nouvelle majorité avait un programme de gouvernement prêt à être mis en oeuvre ; en 2002, c'était loin d'être le cas. Cela tient à l'organisation du travail gouvernemental, pas au mandat présidentiel en lui-même.

La question des pouvoirs du président n'est pas uniquement liée à la durée de son mandat. La séparation des pouvoirs, par exemple, le droit de dissolution, le lien avec la majorité de l'Assemblée nationale, voilà sur quoi il faudra nous interroger. Ne focalisons pas le débat sur la seule durée du mandat. (Applaudissements sur les bancs UMP)

M. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargé des relations avec le Parlement .  - Voilà un beau sujet de débat, qui traite de la fonction la plus éminente de notre République. Le septennat est l'effet du hasard : la loi du 20 novembre 1873 qui confie le pouvoir exécutif au maréchal Mac-Mahon pour sept ans est le résultat d'un compromis entre partisans du quinquennat et du décennat, dans un contexte tumultueux. La Constitution de 1958 a donné un sens nouveau au septennat présidentiel. Sous les IIIe et IVe Républiques, le président n'était rien, n'avait rien, pour citer André Tardieu. Sous la Ve République, le septennat fait reposer la légitimité du président de la République sur le peuple seul et non sur la majorité parlementaire. Conception renforcée en 1962, avec l'élection au suffrage universel.

En pratique, le président de la République a vite cessé d'être un arbitre impartial. Dès 1958, il est apparu comme le chef de la majorité parlementaire ; le général de Gaulle est intervenu d'entrée dans la politique intérieure et a interdit au Premier ministre de se faire qualifier de « chef du gouvernement ». Il n'était ni possible, ni souhaitable, que le président soit placé hors de la vie politique. Ses successeurs ont ainsi fixé la politique de la nation, et pris part aux grands débats nationaux. L'idée d'un président détaché de la vie politique est une fiction. Ce constat ne date pas de 2000. Dès 1973, Georges Pompidou avait tenté de raccourcir la durée du mandat à cinq ans ; c'était, selon Étienne Dailly, la conséquence logique de l'élection du président de la République au suffrage universel.

Le septennat n'est certes pas un sujet tabou, et cette proposition de loi constitutionnelle a toute sa légitimité, mais je ne peux la soutenir. En premier lieu, rétablir le septennat n'épuise pas la question de la réforme de nos institutions ; au contraire, une telle réforme pourrait déséquilibrer notre architecture. En deuxième lieu, la surexposition médiatique du président de la République, son rôle de chef de la majorité, l'accélération du temps politique me semblent résulter de l'évolution de la société, du contexte de crise. Si l'on va plus vite, c'est que les économies sont interdépendantes, que l'information est devenue instantanée et continue... Il est logique, en démocratie, qu'une institution aux pouvoirs particulièrement importants revienne fréquemment devant le suffrage universel. Avec un mandat de sept ans, on court le risque de se couper du peuple. En outre, le septennat ne correspond plus au rythme de notre vie politique. « Proposer un programme pour sept ans, cela relève davantage de l'art divinatoire que de l'art politique », écrivait Étienne Dailly en 1973. Que dire aujourd'hui ?

Nos institutions peuvent toujours être améliorées : le renforcement de la participation du public à la prise de décision, un meilleur contrôle du gouvernement par le Parlement, une indépendance renforcée de la justice... Ne prenons pas, avec un septennat non renouvelable, le risque de l'inefficacité ou - pire - de l'improvisation. (Applaudissements sur divers bancs)

M. Christian Namy .  - Les Français ont-ils eu raison, en 2000, d'adopter le quinquennat ? En 1848, le mandat du président de la République était de quatre ans. La durée de sept ans fut le fruit d'un compromis, on l'a dit. Les royalistes prônaient dix ans - un mandat de monarque -, les républicains, cinq ans, pour asseoir la jeune République. Mac-Mahon a coupé la poire en deux, afin de contenter tout le monde. Ce choix s'est pérennisé par la pratique d'une présidence plutôt effacée : « Une lourde responsabilité pèse sur moi alors que le principe de l'irresponsabilité constitutionnelle me condamne au mutisme et à l'inaction », disait Poincaré. Le général de Gaulle jugeait que le septennat lui permettrait d'assurer son mandat sereinement, loin des joutes électorales. Jacques Chirac a jugé cette durée anachronique. En 2000, seulement 18 % des électeurs inscrits ont ratifié le quinquennat, dans une quasi-indifférence générale. Après le quinquennat chiraquien, l'hyper-présidence de Nicolas Sarkozy, puis le quinquennat actuel, la question se pose à nouveau.

L'obsession du renouvellement électoral entraîne une véritable dérive, alimentée par le rôle des médias. Le président de la République a besoin de temps, de recul, pour dissocier l'intérêt général des querelles partisanes. D'où cette proposition de loi constitutionnelle, que nous sommes nombreux à soutenir au groupe UDI-UC. Une proposition de loi identique a été déposée par des députés UMP.

Le retour au septennat apporterait un meilleur équilibre entre gouvernement et Parlement ; le président de la République en serait le garant. Cette proposition de loi est sage, à un moment où notre pays a tant besoin de stabilité. (Applaudissements sur les bancs du RDSE et UDI-UC)

Mme la présidente.  - Les quatre heures dévolues au groupe du RDSE étant révolues, je dois interrompre la discussion de cette proposition de loi constitutionnelle. Il appartiendra à la Conférence des présidents d'en inscrire la suite à l'ordre du jour d'une prochaine séance.

La séance est suspendue quelques instants.

Sécurité sociale des étudiants

Mme la présidente.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de loi tendant à réformer le système de sécurité sociale des étudiants.

Discussion générale

Mme Catherine Procaccia, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires sociales .  - L'automne est décidément la saison préférée, au Sénat, pour évoquer la sécurité sociale des étudiants. Ceux-ci, comme moi, croient à la possibilité d'améliorer la sécurité sociale des étudiants se remettent à l'ouvrage avec l'espoir d'être entendus du Gouvernement. En décembre 2012, Ronan Kerdraon et moi-même présentions notre rapport sur la question, qui fit, fait exceptionnel, la une du Monde. Malgré ce coup de projecteur, aucun ministre n'est intervenu depuis, contrairement à la Cour des comptes qui a publié un rapport percutant, pour ne pas dire corrosif en décembre 2013. À la suite de quoi, le groupe UMP demanda l'organisation d'un débat. Vous avez alors reconnu, madame la ministre, qu'il était difficile de comprendre comment vos enfants étaient assurés ! « Le Gouvernement agira sans tabou », disiez-vous. J'y ai cru. Comme j'ai cru à votre engagement de décaler l'affiliation des étudiants à septembre à la rentrée 2014-2015. Il suffisait de modifier un décret périmé...

Comme soeur Anne, ne voyant rien venir, j'ai déposé cette proposition de loi soutenue par 80 sénateurs de trois groupes différents, que je remercie de me soutenir et de soutenir les étudiants exaspérés par la complexité et les dysfonctionnements du système. Je sais que plusieurs de mes collègues socialistes fustigent, eux aussi, l'immobilisme de La Mutuelle des étudiants (LMDE).

À l'Assemblée nationale, pas moins de 93 questions ont été posées au Gouvernement sur le thème. Les parlementaires pressent le Gouvernement d'agir.

Ce soir, j'espère une refondation. Nous mettrons en balance le seuil de représentativité des syndicats et les attentes des étudiants. Qu'est-ce qui différencie les étudiants des autres jeunes au point qu'ils soient dotés d'un régime propre ? Les actions de prévention leur seraient-elles réservées ? La LMDE a été placée sous tutelle de l'Autorité de contrôle prudentiel en juillet, plusieurs semaines après le dépôt de ma proposition de loi...

Le système actuel est unique en Europe ; ailleurs, les étudiants sont considérés comme des jeunes comme les autres. Il est original : c'est par le biais d'une délégation de service public que les prestations de base sont servies aux étudiants, la Cnam couvrant les frais de gestion à hauteur de 50 euros par étudiant. Il est subsidiaire et ne couvre pas les étudiants salariés ou les enfants ayants droit de la SNCF. Il est à durée déterminée, un an, le CDD devant être renouvelé à chaque rentrée. Il est atypique, en ce que la LMDE et des mutuelles régionales sont mises en concurrence - une concurrence semblable a été supprimée pour l'assurance accident des agriculteurs. Cette concurrence est source de dépenses et d'une agressivité commerciale peu appréciée.

Enfin, la LMDE et les mutuelles régionales proposent des prestations complémentaires. C'est aussi incongru que si les CPAM proposaient une couverture complémentaire !

Impossible de ne pas mentionner la complexité kafkaïenne du passage d'un régime à l'autre. Le système impose la création d'une nouvelle carte Vitale, alors que dès 16 ans, le jeune a sa propre carte. Et je ne parle pas des milliers de cartes non délivrées...

Si le régime a été conçu pour rendre les jeunes autonomes, il produit l'effet inverse.

Je propose donc une solution simple : tous les jeunes qui deviennent étudiants resteront affiliés au régime dont ils relevaient auparavant, à titre d'affiliés à part entière, moyennant le paiement d'une cotisation forfaitaire. Il n'y a pas lieu de crier à la fin de leur autonomie. Plus de mutation inter-régimes, de dossiers perdus, de nouvelle déclaration de médecin traitant... Cette réforme pourrait dégager 69 millions d'euros, selon la Cour des comptes.

À ma demande, la commission des affaires sociales a choisi de reporter de trois ans l'entrée en vigueur de la loi. Il fallait laisser le champ libre à une solution transitoire, vu la gravité de la situation actuelle et les 1 800 emplois en jeu. L'adossement au régime général n'est pas une fin en soi, il laisserait le temps aux mutuelles de se préparer à la disparition de la délégation de gestion. Et nous verrons si à terme il est utile de maintenir une vitrine si tout le travail est fait par les CPAM. Le texte prévoit le transfert automatique des contrats de travail des 1 800 salariés dans les régimes d'origine.

La Mutuelle générale de l'éducation nationale (MGEN) vient de dénoncer la convention d'adossement de la LMDE. Celle-ci perd la moitié de son portefeuille des complémentaires. De toute façon, les nouvelles règles prudentielles de Solvabilité II mettront en difficulté les petits assureurs ; impossible pour les mutuelles étudiantes de s'y conformer seules.

On me fait trois objections. On me reproche d'abord de proposer une solution structurelle aux problèmes conjoncturels que connaît la seule LMDE. Mais j'estime que le système est excessivement complexe et opère une distinction élitiste entre les étudiants et les jeunes du même âge. Mon objectif est de simplifier la vie des étudiants, rien d'autre. On me dit ensuite que l'autonomie et le droit à l'intimité des étudiants sont mis en cause ; mais ils seront affiliés à part entière et recevront personnellement leurs remboursements ; leur droit à l'intimité sera respecté. On suggère enfin qu'avec ma proposition de loi, les mutuelles ne pourront plus remplir leurs missions de prévention. Rien ne les empêchera d'intervenir en la matière, dès lors qu'elles conservent l'activité des complémentaires ; pas plus les services universitaires de prévention de renforcer leurs actions et de collaborer avec les associations étudiantes.

Je veux améliorer la situation d'1,7 million de personnes en les aidant à sortir du labyrinthe, telle Ariane guidant Thésée. Aucun amendement n'a été déposé, j'y vois un signe encourageant. Ma proposition de loi sur les comptes des comités d'entreprise, votée ici malgré l'avis du Gouvernement, n'a-t-elle pas été intégrée à la réforme de la formation professionnelle ? (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, chargée de l'enseignement supérieur et de la recherche .  - Les conditions de vie étudiantes sont un préalable à la réussite universitaire. Les améliorer compte parmi nos priorités, afin que l'enseignement supérieur joue son rôle d'ascenseur social - alors qu'il aggrave actuellement les inégalités. D'où notre réforme des bourses sur critères sociaux, notre plan pour le logement étudiant, la caution locative destinée aux étudiants, l'extension de la CMU-c aux étudiants précaires et l'ouverture de 30 centres de santé dans les universités d'ici 2017. L'autonomie des étudiants suppose aussi de pouvoir accéder aux soins sans dépendre du médecin de famille.

Faire de la jeunesse une priorité, c'est d'abord lui permettre de se former dans de bonnes conditions. Or la France n'a pas clarifié sa politique entre soutien aux familles et à l'autonomie des jeunes.

Créé en 1948 à l'initiative d'une sénatrice gaulliste de la Seine, le régime étudiant de sécurité sociale est la première pierre d'un statut social de l'étudiant qui reste à construire. Il définit l'étudiant comme un affilié autonome et non un ayant droit de ses parents. Il favorise l'acquisition progressive de l'autonomie sanitaire et promeut la démocratie sociale en associant les étudiants à sa gestion. Les étudiants sont les mieux à même d'exprimer leurs besoins : voyez les études des mutuelles. Une politique efficace de prévention ne saurait se passer de l'implication des jeunes.

L'autonomie en matière de santé n'est pas un luxe, c'est une nécessité. Les étudiants sont en meilleure santé que les autres jeunes, même si certaines catégories demeurent très fragiles et si des problèmes spécifiques existent : mal-être, santé sexuelle, alcoolisation... Et si un tiers des étudiants ont déjà renoncé à des soins faute de complémentaire.

Supprimer le régime étudiant, sera-ce un progrès ? Le Gouvernement ne le pense pas. Ce serait obliger les mutuelles étudiantes à fermer dès lors qu'elles ne pourront survivre avec la seul activité complémentaire. Un marché s'ouvrirait. Je ne suis pas sûre que cela améliorerait le taux de couverture.

Ensuite, cette proposition de loi ferait disparaître un dispositif central de prévention par les pairs ; la prévention la plus efficace est prescrite par les jeunes eux-mêmes, non par les sachants. Elle aurait un coût social difficilement soutenable - quelque 1 300 ETP sont en jeu. L'amendement adopté en commission transférant automatiquement les contrats de ces agents vers les caisses d'assurance-maladie ne concernera que les agents chargés de la liquidation des droits. Et les 650 autres ?

Les CPAM seraient soumises à une pression accrue, particulièrement en région parisienne. Enfin, les économies à attendre sont largement surestimées. Le coût de gestion de 12 % imputé au régime étudiant, contre 3 % dans le régime général, résulte d'un calcul biaisé, l'essentiel des prestations du régime relevant de l'ambulatoire. L'économie à escompter d'une fusion serait bien en deçà des millions évoqués.

La suppression du régime serait ainsi politiquement peu productive, économiquement hasardeuse, socialement peu soutenable et pas souhaitable pour la santé des étudiants.

À qui profiterait la disparition de ce régime ? Certainement pas aux étudiants. Derrière ce projet peut se cacher une certaine méfiance vis-à-vis de l'autonomie des jeunes ou de la démocratie sociale, mais je ne ferai pas de procès d'intention.

Les étudiants sont à 65 % attachés à ce régime, ils en sont satisfaits à 67 %, un récent sondage du CSA en témoigne. Au-delà des clivages partisans, cet attachement à un régime spécifique est partagé par les associations de parents et des parlementaires de tous les bords. La mission d'information conduite par M. Wauquiez en 2006 à l'Assemblée nationale abondait dans le même sens.

Le statu quo n'est cependant pas souhaitable : l'enjeu, c'est d'améliorer le régime existant. Je m'y engage. Le Gouvernement s'est fixé deux objectifs : assurer la bonne gestion du régime et améliorer le service rendu. Entre 2014 et 2017, nous avons demandé au régime 10 millions d'économie de gestion. Le Gouvernement soutient les partenariats qui se nouent. Il serait injuste d'accabler la LMDE qui a hérité du passif de la Mnef.

La MGEN a récemment renoncé à son adossement à LMDE pour le régime de base ; leur partenariat demeure pour le régime complémentaire. Des discussions sont en cours pour un adossement du régime obligatoire de la LMDE à la Cnam. C'est dans ce cadre que pourra être instaurée une application dès septembre. Cet adossement recentrera la LMDE sur ses missions, facilitera les mutations entre régimes, entraînera des économies d'échelle, répondra aux inquiétudes du personnel, alors que la suppression du régime étudiant détruirait des centaines d'emplois. Cet adossement technique assurerait la pérennité du régime tout en répondant aux interrogations légitimes du Sénat.

Un processus de négociation est engagé. Cette proposition de loi intervient à contretemps alors que nous pouvons avancer de manière pragmatique et progressive. Elle ferait basculer 1,7 million d'étudiants dans l'inconnu. Le Gouvernement vous demande de la repousser.

M. Jérôme Durain .  - Je veux examiner cette proposition de loi sans esprit de polémique. Ce texte n'est pas dénué de qualités. Il montre que l'initiative parlementaire peut répondre aux préoccupations des Français. Le sujet est dans l'air du temps, celui des économies. En ces temps de redressement budgétaire, nous, parlementaires, avons à coeur de maîtriser la dépense publique.

Mais cette proposition de loi, trop radicale, crée plus de problèmes qu'elle n'en résout. Présentée comme une solution facile, elle est davantage une solution de facilité. Je regrette que, parmi les préconisations de la mission d'information sénatoriale, vous ayez choisi la moins consensuelle. Nombreux sont ceux qui auraient intérêt à la suppression du régime étudiant, car ils profiteraient de ce nouveau marché. Les acteurs de terrain, au contraire, y sont attachés. Vous invoquez une simplification ? Nombre d'affiliés au régime général connaissent des tracasseries administratives... L'égalité entre les jeunes ? Vous oubliez les spécificités étudiantes que vous avez-vous-mêmes soulignées. Votre proposition de loi reviendrait à considérer les étudiants comme des majeurs sous tutelle : nombreux sont ceux qui m'ont dit leurs doutes sur le respect de la confidentialité en cas d'IVG ou de prescription de la contraception.

Sur le modèle de la mutuelle de la police, il y a dix ans, un adossement de la LMDE peut être envisagé - à la Cnam pour le régime obligatoire, à la MGEN pour la couverture complémentaire. Les autres mutuelles pourraient aussi continuer à proposer une couverture complémentaire. Le scénario de transfert du back office à la caisse nationale permet d'espérer la reprise de 700 ETP par l'assurance-maladie.

Si le statu quo est impossible, cela n'implique ni de faire table rase du passé, ni de passer outre l'avis des étudiants. Pour la première fois, toutes les organisations étudiantes viennent de s'unir pour défendre le régime étudiant - grâce à vous, madame Procaccia ! Notre approche ne peut pas être seulement comptable. Le régime étudiant est un gage de proximité et de prévention face à la crise économique et sociale. Nous ne pouvons nous contenter d'une prévention administrative. Il existe d'autres solutions que celle de cette proposition de loi. (Applaudissements à gauche)

présidence de Mme Françoise Cartron, vice-présidente

Mme Aline Archimbaud .  - Dans les six derniers mois, 17,4 % des étudiants ont renoncé à des soins ; 35 % selon d'autres sources. Le phénomène progresse. Un jeune sur six et 19 % des étudiants n'ont pas de couverture complémentaire, contre 5 % dans le reste de la population. C'est dire qu'il y a urgence à agir.

Nous partageons les conclusions du rapport Procaccia-Kerdraon : le système de sécurité sociale étudiante ne fonctionne plus. Attente interminable de la carte Vitale, manque de fiabilité, coûts de gestion et frais de publicité exorbitants... Sans parler de la difficulté à changer de régime, alors que près de 40 % des étudiants y sont contraints, par exemple parce qu'ils doivent travailler pour payer leurs études - et l'augmentation du coût de la vie aggravera les choses.

Cependant, nous ne sommes pas favorables à l'affiliation des étudiants au régime de leurs parents - la simplicité n'y gagnerait pas du fait de l'existence de nombreux régimes spéciaux. Mieux vaudrait une affiliation de tous au régime général, qui aurait bien des avantages. Et les étudiants comme tous les jeunes, doivent avoir la plus large autonomie : l'affiliation au régime général éviterait toute intrusion des parents.

Cette proposition de loi ne répond pas à la question du renouvellement des mutuelles étudiantes, une réforme d'une telle ampleur se prépare : il faut y réfléchir, dans une logique coopérative, faute de quoi nous glisserons vers une logique assurantielle. Enfin, comment verser 1,7 million de dossiers vers un régime général déjà engorgé ?

Si nous partageons le constat fait par Mme Procaccia et son souci de trouver rapidement une solution au problème, nous ne pourrons voter ce texte. (Applaudissements à gauche)

M. Dominique Watrin .  - La situation sanitaire et sociale des étudiants est particulièrement préoccupante : 200 000 étudiants vivent sous le seuil de pauvreté, avec moins de 400 euros par mois ; la moitié des étudiants doivent travailler. Résultat, plus d'un tiers d'entre eux doivent renoncer à se soigner et seuls 20 % d'entre eux sont couverts par une mutuelle. La crise n'est pas seule en cause ; la politique de déremboursements de ces dernières années a aggravé les choses.

Le régime de sécurité sociale des étudiants, créé en 1948, est le garant de l'autonomie. Des problèmes se posent, nous ne les nions pas : longues files d'attente, remboursements qui tardent à venir... La complexité s'explique aussi par le fait que ce régime est de transition. Les difficultés sont réelles, héritées du passé - difficultés des mutuelles, création de la taxe sur les contrats d'assurance. Encore une fois, le groupe CRC ne les nie pas. En revanche, il ne croit pas que la suppression brutale du régime étudiant soit la solution.

Nous défendons, nous, une allocation d'autonomie pour les étudiants et un adossement de la gestion à la Cnam, les mutuelles pourraient ainsi mieux remplir leur mission de complémentaire santé et de prévention.

Urgence ne doit pas signifier précipitation. (Applaudissements sur les bancs CRC et certains bancs socialistes)

Mme Hermeline Malherbe .  - Les sujets dépassant les clivages entre la droite et la gauche ne sont pas légion. La nécessité de réformer la sécurité sociale étudiante en fait partie, merci à Mme Procaccia et M. Kerdraon de leur rapport qui sert de base à ce débat.

Leur constat reste d'actualité. Qu'apporte un système concurrentiel pour un service public obligatoire ? Concrètement, qu'est-ce qui pousse un étudiant à adhérer à la LMDE plutôt qu'à une mutuelle régionale ? L'étudiant, après des heures perdues en file d'attente, après avoir rempli son dossier administratif, obtenu sa carte d'étudiant et j'en passe, se trouve dans une énième salle au bout d'un énième couloir. Face à lui, deux stands. Là, on lui apprend que l'affiliation est obligatoire. Il signe en général avec celui qui l'a le plus baratiné (sourires) et, dans la plupart des cas, avec le premier qui l'a fait, par envie de se débarrasser de la paperasserie administrative. Croyez-vous qu'il distingue la couverture obligatoire de l'offre commerciale de couverture complémentaire ?

Le choc de simplification voulu par le président de la République est dans ce domaine comme dans tant d'autres une nécessité. Mais pourquoi liquider purement et simplement les mutuelles étudiantes ? Elles pourraient transférer leurs activités de back office à la Cnam en se concentrant sur leurs activités de front office.

Le groupe RDSE, dans sa majorité, ne votera pas cette proposition de loi tout en appelant le Gouvernement à agir. (Applaudissements sur les bancs socialistes et du RDSE)

Mme Elisabeth Doineau .  - Je salue l'initiative de Mme Procaccia : sa proposition de loi traite d'un sujet majeur. Depuis la loi du 23 septembre 1948, les étudiants ont l'obligation de s'affilier à la sécurité sociale, mais la gestion de leur caisse est déléguée aux mutuelles étudiantes qui, depuis 1971, forment un duopole - une situation unique en Europe.

Il faut simplifier ce système terni par les affaires et opaque. Son ancienneté et son originalité ne font pas un argument pour repousser cette réforme. Il n'est plus adapté : le nombre d'étudiants a doublé en trente ans, nous sommes loin de 1948... La qualité des prestations n'est pas au rendez-vous : que de complexité pour un système transitoire ! Je vous renvoie au rapport Procaccia-Kerdraon de 2012 et à celui de la Cour des comptes de 2013.

Il faut agir, mais comment ? Deux solutions s'offrent à nous : celle de Mme Procaccia ou bien celle de la LMDE : s'adosser à la caisse nationale d'assurance-maladie, à qui serait déléguée la fonction de gestion pour que la LMDE puisse se concentrer sur ses fonctions mutualistes. Pour la simplicité et la clarification, on repassera. Cette solution est incomplète, puisqu'elle ne porte que sur la LMDE, et hypothétique.

Le groupe UDI-UC préfère la proposition de loi de Mme Procaccia. Quand la dette de la LMDE atteint des millions d'euros, on craint pour son existence dès la rentrée prochaine. On aurait certes pu trouver une solution intermédiaire consistant en une reprise de la LMDE par les mutuelles régionales...

En commission, j'ai émis des doutes sur le respect de la confidentialité : un tiers des étudiants habitent encore chez leurs parents La dématérialisation devrait apaiser cette inquiétude. L'efficience du système doit être une préoccupation constante, des mesures de qualité de service régulièrement publiées. Nous voterons cette proposition de loi. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Catherine Deroche .  - Depuis 1948, les étudiants bénéficient d'un système de sécurité sociale spécifique, lequel, depuis plusieurs années, fait l'objet de critiques de la part des étudiants, de leurs parents, des associations de consommateurs, et aussi de la Cour de comptes - malgré les enquêtes de satisfaction autoproduites par les mutuelles étudiantes. Le constat de la Cour des comptes est accablant : les frais de gestion unitaires ont progressé de 7,2 % entre 2005 et 2011, contre 5 % ailleurs. Selon UFC-Que choisir ?, les frais se sont montés à 93 millions en 2011, soit 14 % des prestations versées et trois fois plus que pour l'assurance-maladie.

En résumé, un système spécifique, des prestations peu satisfaisantes et des coûts de gestion élevés. La Cour des comptes a conclu qu'il fallait s'interroger sur le maintien de ce système.

Mme Procaccia apporte une réponse en prévoyant l'affiliation des étudiants au régime de leurs parents, ce qui est juste, vu la place qu'ils tiennent dans les études de leurs enfants. L'article 2 maintient la cotisation forfaitaire. Les articles 3 et 4 suppriment les mutuelles. Des amendements ont été adoptés pour répondre à l'inquiétude du personnel et repousser la mise en oeuvre de la loi afin que chacun puisse s'y adapter.

Puisque l'heure est à la simplification, que les étudiants en profitent également ! Le groupe UMP votera ce texte avec conviction. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Corinne Imbert .  - Le système de sécurité sociale des étudiants, créé en 1948, est unique en Europe. Son ambition initiale était louable mais il s'est essoufflé au fil des années. Le constat est si accablant, qu'il s'agisse des délais de remboursement, du taux de réponse des conseillers ou des frais de gestion, que la Cour des comptes recommande de reconsidérer l'existence même de ce régime. Cette proposition de loi issue d'un travail engagé depuis 2012, ne remettra nullement en cause l'autonomie des étudiants, ni la confidentialité des données - dont, en tant que professionnelle de santé, je connais l'importance. La Fage réclame d'ailleurs une telle réforme.

Cette proposition de loi simplifie un système trop complexe, surtout si l'on prend en compte les stages en entreprise que certains étudiants, en pharmacie par exemple, doivent effectuer : avec ces changements de régime, ils attendent longtemps leur carte Vitale. Le mélange entre délégation de service public et offre commerciale est néfaste. On pourrait maintenir ce système s'il était économe. Ce n'est pas le cas, la Cour des comptes estime que sa disparition procurerait 69 millions d'euros d'économie.

Le monde n'est plus celui de 1948. Je vous invite à voter cette proposition de loi équilibrée, qui se situe au-delà des clivages partisans. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Dominique Gillot .  - Quelle famille ne déplore pas les files d'attente à l'université ? Les délais de remboursement trop longs ? Nous devons sortir par le haut de cette impasse. Le renoncement aux soins progresse bien que ce Gouvernement ait amélioré la condition de vie étudiante. Serait-ce imputable aux échecs de la prévention, à la carte Vitale qui ne vient pas ?

Une stratégie nationale est à définir, dans laquelle les Crous doivent jouer tout leur rôle. Puisque le président de la République veut développer le service civique, pourquoi ne pas demander à des jeunes en service civique de jouer un rôle de médiateurs de la santé ?

L'administratrice provisoire de la LMDE, qui s'est opposée aux recommandations du conseil de surveillance, rendra ses conclusions en juin.

Partageant le constat de Mme Procaccia, je crois cependant que ce véhicule législatif n'est pas le bon. Que le Gouvernement prenne la main sur ce dossier et annonce, dès avant juin, une réforme structurelle, dont l'intérêt des étudiants, des apprentis et des alternants soit la boussole. (Applaudissements sur les bancs socialistes ; Mlle Sophie Joissains applaudit aussi)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Cyril Pellevat .  - La LMDE serait en cessation de paiement en juillet 2015. Il faut trouver une solution rapide. De plus, les prestations servies sont de piètre qualité : délais de délivrance de la carte Vitale qui s'allongent, remboursements erratiques, permanences téléphoniques mal assurées. Cet article premier garantira que nos campus ne soient pas un champ de bataille des mutuelles. Il aboutira à une économie de près de 70 millions d'euros. Ce n'est pas anodin en ces temps.

Vous l'aurez compris, je voterai ce texte.

Mme Catherine Deroche.  - Bravo !

M. Olivier Cadic .  - Voici une proposition de loi comme je les aime : qui simplifie, fait faire des économies et améliore la qualité de service. Ce sera la fin du calvaire administratif que représentait le régime de sécurité sociale des étudiants. L'exception française n'est pas un modèle, personne ne l'a adoptée.

Déjà, les coalitions conservatrices se forment. Non, ce texte ne remet pas en cause l'autonomie. Je suis particulièrement fier de voter cette proposition de loi, première étape vers le régime universel que j'appelle de mes voeux. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Stéphane Ravier .  - Les mutuelles étudiantes ont du plomb dans l'aile. Après le scandale de la Mnef qui reste dans toutes les mémoires, il n'a pas suffi qu'elle adopte le nom de LMDE pour sortir de la tourmente. On sait bien les collusions politiques qui ont mené à cela ! Que le Gouvernement dépasse sa nostalgie de jeunesse, et en termine avec ce régime inadapté, coûteux et inefficace. Nous voterons cette proposition de loi.

Mme Nicole Bricq.  - Tout en nuance...

Mme Catherine Procaccia, rapporteur .  - Il y a urgence. Le directeur général de la Cnam a dit clairement qu'une modification législative ou réglementaire était indispensable pour l'adossement de la LMDE à l'assurance-maladie. Quand interviendra-t-elle ?

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État .  - Cela se fera par convention, comme cela s'est fait pour la mutuelle de la police. Il n'y a pas besoin de disposition législative ou réglementaire. Je sais que le calendrier est serré mais je tiendrai mes engagements, avec la volonté de préserver la spécificité du régime étudiant.

Le dernier orateur qui vient de s'exprimer est bien placé pour savoir ce qu'il en est des « collusions politiques » du temps de la Mnef : le parti qu'il représente ici y avait des administrateurs.

L'article premier est adopté.

ARTICLE 2

Mme la présidente.  - Amendement n°1, présenté par Mme Procaccia, au nom de la commission.

Alinéa 4, dernière phrase

Remplacer cette phrase par deux phrases ainsi rédigées :

Les étudiants qui, pour l'année universitaire, remplissent les conditions fixées à l'article L. 313-1, sont également exonérés de la cotisation forfaitaire. L'exonération peut être décidée à titre exceptionnel dans des conditions fixées par voie réglementaire.

Mme Catherine Procaccia, rapporteur.  - Rendons à César ce qui est à César : cet amendement provient de Mme Archimbaud. Il évitera aux étudiants qui travaillent 60 heures par mois une double cotisation. D'après nos auditions, ils ne parviennent jamais à obtenir le remboursement de la cotisation en sus.

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État.  - Amendement intéressant, mais le Gouvernement est contre cette proposition de loi. L'avis est défavorable.

Mme Dominique Gillot.  - Soit. Nonobstant, il faudra bien à un moment ou à un autre régler ce problème pour les apprentis, les salariés et les alternants. (« Très bien ! » à droite)

Mme Aline Archimbaud.  - Cet amendement ne préjuge pas la position du groupe écologiste sur ce texte. Qu'au moins on ait en tête la situation des étudiants qui travaillent.

L'amendement n°1 est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

Les articles 3, 4, 4 bis, 5 et 6 sont successivement adoptés.

Interventions sur l'ensemble

Mme Catherine Procaccia, rapporteur .  - Cette proposition de loi a le mérite d'exister, elle explore - enfin - des pistes que j'avais dessinées avec M. Kerdraon il y a deux ans et dont aucune n'avait été suivie par le Gouvernement. Elle est simple, si simple que l'administration n'y avait pas pensé... Qu'on se le demande : les étudiants sont-ils si différents des autres jeunes de leur âge ?

Avec mon texte, on évite trois ou quatre transferts et les pertes de droits qui les accompagnent. Jetons les bases d'une réforme qui, je l'espère, prospérera à l'Assemblée nationale. (« Bravo ! » à droite)

Mme Geneviève Fioraso, secrétaire d'État .  - J'ai dit l'intérêt du Gouvernement pour cette question, et même son engagement. Je ne peux pas laisser dire qu'il n'a rien fait. Nous avons engagé une démarche avec la MGEN, qui, hélas, n'a pas pu aboutir. La solution aujourd'hui envisagée préservera l'acquis du passé et la gestion du système par les étudiants, facteur de formation, de responsabilisation et d'efficacité de la prévention. Personne, mieux qu'un jeune, ne peut persuader un jeune de se faire suivre ! Pensez à ces cas d'addiction ou à cet isolement si fréquent qui conduit certains au suicide.

Je suis prête à venir faire le point devant vous très bientôt.

M. Jérôme Durain .  - Oui à l'amélioration de la gestion du régime et du service rendu. Nous aurions préféré une proposition de loi médiane comme celle qu'a évoquée Mme Doineau, afin de ne pas faire table rase du régime étudiant. Nous avons une vraie divergence sur sa pertinence. On ne peut nier qu'il ait fait ses preuves : c'est le meilleur outil pour faire des étudiants des acteurs de leur santé.

Nous ne croyons pas non plus à l'innocuité sociale de cette réforme - 1 300 emplois menacés - ni au maintien de la confidentialité des données. Nous faisons confiance à Mme la ministre.

M. Dominique Watrin .  - Nul ne nie les difficultés. De là à crier à jeter le bébé avec l'eau du bain... D'autres solutions permettraient de maintenir un régime étudiant spécifique, dont les étudiants soient acteurs. La ministre a été claire : l'adossement à l'assurance-maladie ne pose pas de problème juridique.

Nous voterons contre cette proposition de loi. La balle est dans le camp du Gouvernement. J'espère qu'il coconstruira la meilleure réforme possible, avec tous les acteurs concernés.

La proposition de loi est adoptée.

(Applaudissements au centre et à droite)

Question prioritaire de constitutionnalité

Mme la présidente.  - Le Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le mardi 18 novembre 2014, qu'en application de l'article 61-1 de la Constitution, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d'une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l'article 64 de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 (Régime général du redressement judiciaire).

Prochaine séance demain, mercredi 19 novembre 2014, à 14 h 30.

La séance est levée à 20 h 40.

Jean-Luc Dealberto

Directeur des comptes rendus analytiques

Ordre du jour du mercredi 19 novembre 2014

Séance publique

De 14 h 30 à 18 h 30

Présidence : M. Claude Bérit-Débat, vice-président

Secrétaire : M. Claude Dilain

1. Proposition de loi tendant à favoriser le recrutement et la formation des sapeurs-pompiers volontaires (n° 553, 2013-2014)

Rapport de M. Jean-Pierre Sueur, fait au nom de la commission des lois (n° 90, 2014-2015)

Texte de la commission (n° 91, 2014-2015)

2. Débat sur l'action de la France pour la relance économique de la zone euro

De 18 h 30 à 19 h 30 et de 2h 30 à 0 h 30

Présidence : M. Claude Bérit-Débat, vice-président M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

3. Proposition de loi relative à la prise en compte par le bonus-malus automobile des émissions de particules fines et d'oxydes d'azote et à la transparence pour le consommateur des émissions de polluants automobiles (n° 802, 2013-2014)

Rapport de Mme Marie-Hélène des Esgaulx et M. Jean-François Husson, fait au nom de la commission des finances (n° 88, 2014-2015)

Résultat des travaux de la commission (n° 89, 2014-2015)

Avis de Mme Odette Herviaux, fait au nom de la commission du développement durable (n° 85, 2014-2015)

4. Proposition de loi relative à l'instauration d'une journée des morts pour la paix et la liberté d'informer (n° 231, 2013-2014)

Rapport de M. Jeanny Lorgeoux, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (n° 576, 2013-2014)

Résultat des travaux de la commission (n° 577, 2013-2014)

5. Proposition de résolution relative à la préservation des insectes pollinisateurs, de l'environnement et de la santé et à un moratoire sur les pesticides de la famille des néonicotinoïdes, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution (n° 643, 2013-2014)