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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Engagement de la procédure accélérée

Retrait d'une question orale

Questions orales

Rénovation des voies de chemins de fer capillaires en France

Mme Françoise Férat

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Traitement des déchets de certaines entreprises

M. Henri de Raincourt

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Desserte ferroviaire Aurillac-Brive

M. Jacques Mézard

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Ruisseaux couverts de l'ex-bassin houiller cévenol

M. Jean-Paul Fournier

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Réglementation en matière d'amiante sur la voirie

M. René Danesi

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Étapes de réalisation de la ligne à grande vitesse Montpellier-Perpignan

M. Roland Courteau

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche

Pénurie de médecins en Eure-et-Loir

Mme Chantal Deseyne

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie

Situation des enfants intersexes

Mme Maryvonne Blondin

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie

Mutualisation de la direction des centres sociaux

Mme Corinne Imbert

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie

Prévention spécialisée

Mme Marie-Pierre Monier

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie

Accueil des personnes handicapées

M. Dominique Bailly

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie

Mesures agro-environnementales et climatiques

Mme Agnès Canayer

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie

Accueil des mineurs isolés étrangers

M. Christian Favier

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux privés non lucratifs

M. Jean-Jacques Filleul

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Établissements publics de coopération culturelle

Mme Sylvie Robert

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Assouplissement des normes pour les petites entreprises

M. Jacques Genest

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Commerce de proximité

M. Mathieu Darnaud

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Évasion fiscale organisée

M. François Marc

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Effectifs de la douane

M. Thierry Foucaud

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Zones d'entraînement à très basse altitude et croissance verte

M. Olivier Cigolotti

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget

Financement des temps d'activités périscolaires dans les établissements privés

M. Yannick Botrel

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Assouplissement des règles de gestion de trésorerie des communes

M. Patrick Masclet

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Communication du fichier DGF aux collectivités locales

M. Dominique de Legge

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale

Destruction de 750 logements sociaux récemment rénovés à Clamart

M. Philippe Kaltenbach

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité

Création d'une zone d'aménagement concerté

M. Rémy Pointereau

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité

Mise en oeuvre du plan numérique dans les établissements d'enseignement

M. Jean-Claude Lenoir

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité

Prorogation de l'état d'urgence (Procédure accélérée)

Discussion générale

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur

M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois

Mme Éliane Assassi

M. Alain Richard

Mme Esther Benbassa

M. David Rachline

M. Jacques Mézard

M. Bruno Retailleau

M. François Zocchetto

M. Bernard Cazeneuve, ministre

Discussion des articles

ARTICLE UNIQUE

M. Gaëtan Gorce

M. Pierre-Yves Collombat

M. Jean-Yves Leconte

ARTICLES ADDITIONNELS

Liberté de création, architecture et patrimoine

Discussion générale

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur de la commission de la culture

Mme Françoise Férat, rapporteur de la commission de la culture

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture

M. David Assouline

Mme Marie-Christine Blandin

M. David Rachline

Mme Françoise Laborde

M. Pierre Laurent

Mme Colette Mélot

M. Philippe Bonnecarrère

Mme Sylvie Robert

Mme Corinne Bouchoux

Mme Mireille Jouve

M. Jacques Grosperrin

Mme Marie-Pierre Monier

Mme Dominique Estrosi Sassone

M. François Commeinhes

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur

Mme Sylvie Robert

Mme Brigitte Gonthier-Maurin

Mme Fleur Pellerin, ministre

ARTICLES ADDITIONNELS

ARTICLE 2

Mme Maryvonne Blondin

Mme Sylvie Robert

Mme Christine Prunaud

Ordre du jour du mercredi 10 février 2016

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du mardi 9 février 2016

63e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président

Secrétaires : M. Philippe Adnot, M. Christian Cambon.

La séance est ouverte à 9 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu intégral publié sur le site internet du Sénat, est adopté sous les réserves d'usage.

Engagement de la procédure accélérée

M. le président.  - En application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l'examen de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l'indépendance et le pluralisme des médias, déposée sur le Bureau de l'Assemblée nationale le 2 février 2016.

Retrait d'une question orale

M. le président.  - J'informe le Sénat que la question orale n° 1349 de M. Jean-Claude Requier est retirée du rôle des questions orales, à la demande de son auteur.

Questions orales

M. le président.  - L'ordre du jour appelle vingt-six questions orales.

Rénovation des voies de chemins de fer capillaires en France

Mme Françoise Férat .  - Notre pays est traversé par de nombreuses voies ferrées secondaires dédiées au fret, dont certaines existent depuis le début du siècle dernier, voire avant 1900 ; dans certains cas les traverses n'ont pas été changées depuis quatre-vingts ans. De ce fait, de nombreuses lignes sont délaissées pour raisons de sécurité ou ont un trafic très perturbé. Ce réseau a la particularité de connecter de nombreuses activités économiques entre elles, et il joue un grand rôle dans la protection de l'environnement, compte tenu de son faible impact carbone. Dans mon département de la Marne, le partenariat avec les Ardennes, les communautés de communes, SNCF Réseau et les chargeurs est exemplaire. Ainsi 21 millions d'euros ont été engagés pour pérenniser ces lignes. L'apport de l'État ne suffira toutefois pas. Compte-t-il s'engager davantage et pour combien de temps ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Le réseau capillaire est en effet essentiel, or son modèle économique est très dégradé. La réflexion doit s'ancrer dans une perspective d'aménagement du territoire. Dans le cadre de la loi NOTRe, j'ai obtenu que les régions et intercommunalités puissent devenir propriétaires de ces infrastructures. L'État a engagé 30 millions sur trois ans pour leur rénovation - les cofinancements se montent à 100 millions d'euros. Des comités de lignes se sont réunis à l'automne 2015, des conventions de financement ont été signées en décembre pour trois lignes, Oiry-Sézanne, Châlons-en-Champagne-Troyes et Vitry-le-François-Troyes. Je souhaite que les chantiers démarrent dès cette année.

Mme Françoise Férat.  - Merci pour cette réponse. Dans un contexte budgétaire contraint, les collectivités territoriales ont besoin d'engagements forts.

Traitement des déchets de certaines entreprises

M. Henri de Raincourt .  - Ma question porte sur la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et, en particulier, de son article 93 qui concerne le traitement des déchets de certaines entreprises.

En effet, ces dispositions prévoient qu'à compter du 1er janvier 2017, tout distributeur de matériaux, produits et équipements de construction à destination des professionnels s'organise pour reprendre, sur ses sites de distribution ou à proximité de ceux-ci, les déchets issus des produits qu'il vend.

Or, aujourd'hui, il semble que cette date ne laisse pas suffisamment de temps aux professionnels pour trouver des solutions viables. Surtout, les professionnels ont deux interrogations. La reprise et la mutualisation d'un service marchand payant, entre des entreprises concurrentes, ne posent-elles pas un problème anticoncurrentiel ? En outre, exclure les grandes surfaces de bricolage ne risque-t-il pas de créer une distorsion de concurrence entre opérateurs ?

Quelles dispositions le Gouvernement compte-t-il prendre ? Il serait nécessaire de le savoir rapidement.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Les entreprises de traitement de déchets n'investissent dans les plateformes de valorisation des matériaux du BTP que si le stock de déchets anticipé est suffisant ; d'où cet article 93, destiné à densifier le maillage du territoire en déchetteries spécialisées. Des seuils d'incorporation de déchets pour la commande publique ont été fixés dans le projet de décret. Celui-ci est actuellement examiné par le Conseil d'État. Il prend en compte, pour établir les obligations des professionnels, de nombreux critères, notamment la surface de vente, le chiffre d'affaires, l'implication des collectivités dans la gestion des déchets professionnels. Les distributeurs pourront ainsi optimiser leurs investissements, notamment par la mutualisation.

M. Henri de Raincourt.  - Le problème des déchets industriels est compliqué, or il est également très sensible dans la vie quotidienne de nos compatriotes, donc de nos collectivités territoriales.

Merci pour votre réponse ; dommage que la date de publication du décret ne soit pas connue, cependant.

Desserte ferroviaire Aurillac-Brive

M. Jacques Mézard .  - Lorsque j'ai déposé cette question orale, la ligne Brive-Paris avait, après un déraillement, été coupée pour des raisons de sécurité. Aujourd'hui, des suspensions demeurent. Les locomotives ont même été détournées pour la desserte périurbaine de Clermont-Ferrand.

Malgré les travaux du plan Rail, la liaison Aurillac-Brive demeure constamment ralentie à 50 kilomètres par heure. Monsieur le ministre, il faut que vous sachiez ce qui se passe sur le terrain : mes concitoyens se retrouvent parfois, quand ils arrivent de Paris en gare de Brive, sans train ni bus pour rentrer à Aurillac !

Alors que le redécoupage des régions nous a rattachés à Lyon, nous avons besoin de solutions concrètes...

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - La sécurité ferroviaire est une de mes priorités. J'ai d'ailleurs créé un comité dédié que je préside.

Le phénomène de deshuntage est très préoccupant. Après l'accident de Sainte-Pazanne en octobre, j'ai demandé une enquête à ce propos, et demandé à la SNCF de prendre des mesures conservatoires. La ligne que vous citez fait partie des voies sur lesquelles roulent les trains X73500 sujets à ces difficultés ; nous ne saurions les remettre en circulation sans assurer la sécurité des usagers.

Le prochain comité de suivi de la sécurité ferroviaire du printemps 2016 sera l'occasion de faire le point sur la situation. Une modernisation des infrastructures de cette ligne est également prévue aux CPER des régions Midi-Pyrénées et Limousin.

M. Jacques Mézard.  - Précisément, le CPER conclu avec l'Auvergne ne flèche pas un centime vers les lignes Aurillac-Figeac-Toulouse et Aurillac-Brive, à la différence de celles des régions Limousin et Midi-Pyrénées. Il est indispensable d'inscrire 15 millions d'euros dans le CPER d'Auvergne-Rhône-Alpes pour éviter que les lignes soient rénovées uniquement jusqu'à la limite du département !

Ruisseaux couverts de l'ex-bassin houiller cévenol

M. Jean-Paul Fournier .  - Ma question porte sur les ruisseaux couverts de l'ex-bassin houiller cévenol construits à partir du XIXe siècle dans le cadre de l'exploitation industrielle du charbon et de la houille.

Le 10 novembre 2012, après un épisode pluvieux, la commune de Robiac-Rochessadoule subissait l'effondrement d'une partie de tunnel recouvrant l'un de ces ruisseaux, ouvrant un trou béant. Certains tunnels délabrés se situent au-dessous de lieux de vie... Il s'agit de propriété publique, justifiant de la part de l'État un plan pluriannuel d'entretien et de rénovation. Outre leur sécurisation, une valorisation est envisageable, je songe à la création d'échangeurs géothermiques, comme cela se fait à l'étranger.

Dans quelle mesure l'État pourrait-il en outre s'impliquer dans la création d'un laboratoire de recherches sur les techniques de remise en ordre de ces ruisseaux couverts ? Ce serait un nouveau départ pour ces territoires.

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - En matière de risques miniers, la loi ne confie à l'État de responsabilités qu'en cas de disparition ou de défaillance des exploitants. Du reste, ces ruisseaux ne sont pas directement liés à l'extraction, ce sont des ouvrages de génie civil qui ne sont pas soumis aux procédures de fin d'exploitation. Les obligations d'entretien ont été transférées aux acquéreurs des terrains. L'État n'a pas vocation à se substituer à tous les propriétaires privés... Cependant, compte tenu des difficultés auxquelles font face les acteurs locaux, l'État a cofinancé le programme de recherches de l'école des mines d'Alès ; Ségolène Royal a en outre saisi l'inspection générale du ministère de l'écologie d'une mission dont les conclusions seront rendues au premier trimestre 2016. L'accident de Robiac-Rochessedoule y sera examiné. L'expertise est, en toute hypothèse, déjà disponible au niveau régional. La création d'un laboratoire de recherche n'est donc pas nécessaire.

M. Jean-Paul Fournier.  - Cette réponse ne me rassure guère... Nous devons ensemble assurer l'après-mine, dans un territoire qui s'est illustré par ses efforts en faveur de la reconstruction après la seconde guerre mondiale, à l'époque où l'on utilisait le charbon ; nous ne pouvons, en tout cas, fermer les yeux.

Réglementation en matière d'amiante sur la voirie

M. René Danesi .  - La circulaire du 15 mai 2013 portant « instruction sur la gestion des risques sanitaires liés à l'amiante dans le cas de travaux sur les enrobés amiantés du réseau routier national non concédé » introduit une nouvelle contrainte pour les collectivités territoriales gestionnaires de voiries.

Elle est d'abord illégale, l'article annexe 13-9 du code de la santé publique n'évoquant nullement les enrobés utilisés pour la voirie.

Elle est ensuite inadaptée, car la cartographie des voiries concernées par l'éventuelle présence d'amiante n'a pas été établie par les directions interdépartementales des routes (DIR). Dès lors il faudra un carottage systématique pour rechercher la présence d'amiante.

Elle est inapplicable, enfin, car les voiries potentiellement concernées selon la circulaire sont exagérément larges.

Enfin, par le biais de différentes commissions, notamment le comité de pilotage national « travaux routiers - risques professionnels » de novembre 2013, les analyses des « carottages » de voirie sont étendues à la recherche de la présence d'hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP).

Avec le « guide d'aide à la caractérisation des enrobés bitumineux », ce comité met en place des recommandations sur le recyclage des enrobés contenant des HAP. Sans fondement légal, on recommande aux maîtres d'ouvrage des dispositifs conduisant à un surcoût important.

Par des moyens détournés, l'administration s'exonère ainsi de l'obligation fixée par le Gouvernement de limiter le nombre de nouvelles normes...

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - La circulaire du 15 mai 2013 n'est destinée qu'aux services gérant le réseau routier national, et ne traite que de l'amiante. Le guide sur les HAP n'est pas opposable ; il a été élaboré par le groupe de travail qui réunissait INRS, assurance maladie et administration, pour dresser un état de l'art et dégager des pistes de prévention du risque amiante dans les revêtements routiers.

La cartographie établie par les gestionnaires de réseaux routiers s'avérera très utile pour affiner l'application de la réglementation amiante aux travaux de voirie et éviter les carottages inutiles.

M. René Danesi.  - Dans ma modeste commune de Tagsdorf, le bureau d'études a ordonné le carottage sur quelques mètres de chemin rural que je comptais rénover ! Je vous remercie donc de cette réponse claire et officielle. Les comités Théodule et les administrations ont développé un art consommé pour contourner les engagements du Gouvernement. Nous n'avons cependant plus les moyens d'empiler des règlementations dont le seul objet est d'entretenir une administration de contrôle pléthorique et de soutenir certaines activités économiques !

Étapes de réalisation de la ligne à grande vitesse Montpellier-Perpignan

M. Roland Courteau .  - La ligne à grande vitesse de Montpellier à Perpignan, chaînon essentiel sur le plus grand des axes européens de lignes à grande vitesse, reliant le sud de l'Espagne à l'Europe du Nord, est attendue depuis presque vingt-cinq ans, c'est-à-dire depuis la mission Querrien.

Votre prédécesseur avait posé les perspectives suivantes : un tracé approuvé à la fin de l'année 2015, une enquête publique à la fin de 2016, pour un début de chantier en 2018. Vous avez vous-même indiqué, en novembre 2014, qu'un objectif de lancement de l'enquête publique à l'horizon fin 2016 avait été retenu.

Où en sommes-nous, monsieur le ministre ?

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche .  - Le projet suit son cours, conformément à la feuille de route de la commission Mobilité 21.

Plusieurs étapes importantes ont été franchies en 2015. En particulier, la Commission européenne a confirmé le cofinancement de la moitié des études de 2015 à 2019, pour 11,65 millions d'euros. C'est une première étape vers le cofinancement des travaux, le moment venu.

Le 29 janvier, j'ai signé la décision confirmant le tracé. En 2016, SNCF Réseau initiera la procédure préalable à l'enquête publique, qui sera mise en oeuvre à l'hiver 2016-2017.

Les choses avancent conformément à l'engagement du Gouvernement et dans l'intérêt de la région et de l'Europe, dont les choix seront déterminants.

M. Roland Courteau.  - La basse plaine de l'Aude a déjà payé un lourd tribut lors des inondations de 1999 : il faudra un viaduc, non un simple remblai. Le projet est important pour toute la région. Merci pour votre réponse.

Pénurie de médecins en Eure-et-Loir

Mme Chantal Deseyne .  - Tous les départements de la région Centre ont une densité de médecins inférieure à la moyenne nationale : 97,6 omnipraticiens pour 100 000 habitants. L'Eure-et-Loir est le moins bien loti : 74,2 omnipraticiens pour 100 000 habitants, et entre 2013 et 2018, le nombre de médecins inscrits va diminuer de 3,4 %...

Ce manque provoque un engorgement des services d'urgence à l'hôpital. Au cours de l'été de 2015, les médecins urgentistes du centre hospitalier de Dreux ont fait grève pour alerter les pouvoirs publics. En un an, le nombre de leurs patients a augmenté de 8 %. Que compte faire le Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Remédier au problème de démographie médicale est une des priorités du Gouvernement, que traduit le pacte territoire santé lancé par Marisol Touraine en 2012. Trois ans après, ses effets sont tangibles. Cela a conduit à définir, fin 2015, un pacte territoire santé 2, avec de nouvelles initiatives.

En contrepartie d'une bourse, 1 300 internes se sont engagés à s'installer dans une zone à faible démographie médicale ; grâce au statut de praticien territorial de médecine générale (PTMG), 500 professionnels se sont installés en zones sous-dotées.

L'exercice coordonné se développe : le nombre des maisons de santé est passé de 174 à 800 entre 2012 et 2015.

Dans le cadre du contrat de plan État-région (CPER), 42 maisons pluridisciplinaires ont été créées en région Centre-Val de Loire, dont une à Dreux le 2 janvier 2016.

Le Gouvernement continuera à s'engager pour résorber les déserts médicaux.

Mme Chantal Deseyne.  - Sur la seule ville de Dreux, sept médecins prendront leur retraite en 2016... Je vous invite à valoriser davantage la médecine générale à l'université : seuls 10 % des étudiants envisagent de s'y consacrer.

Situation des enfants intersexes

Mme Maryvonne Blondin .  - Les personnes intersexes ne disposent pas, à la naissance, de caractères sexuels déterminés. Il naît environ 2 % d'enfants intersexes par an, en France. Les parents, souvent désemparés, doivent alors se déterminer sur le sexe qu'ils veulent attribuer à leur enfant, avec le conseil des médecins ; Ces pratiques chirurgicales constituent une véritable violence à l'égard de ces enfants. Douloureuses, souvent très nombreuses, elles entraînent, bien souvent, des difficultés postopératoires et des troubles d'identité. L'ONU reconnaît d'ailleurs ces pratiques médicales comme de véritables mutilations. Les personnes intersexes sont niées dans leur identité.

Certains pays ont d'ores et déjà interdit toute opération avant que l'enfant soit en âge de choisir son sexe. Si nous n'en sommes pas encore là, la réflexion progresse en France. Dans le cadre du festival du cinéma des minorités sexuelles, des initiatives intéressantes ont été présentées, comme une résidence à Douarnenez qui a réuni nombre de professionnels d'horizons divers.

La délégation aux droits des femmes organisera le 12 mai prochain une table ronde sur la question. Je rappelle que le TGI de Tours, en octobre dernier, a autorisé la mention « sexe neutre » sur le registre d'état civil. Le Gouvernement compte-t-il aller plus loin ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Le phénomène est heureusement marginal - deux naissances sur 5 000, soit 160 par an d'après mes sources - ce qui ne minimise pas l'importance du problème. Les enfants ont d'abord besoin d'une prise en charge interdisciplinaire. Le centre des maladies rares du développement sexuel, implanté à Lyon et au Kremlin-Bicêtre, est le centre de référence sur ces questions. Les interventions chirurgicales doivent tenir compte des données médicales et du libre choix des parents, et des enfants lorsqu'ils sont en âge de l'exprimer.

Ces questions font l'objet de réflexions larges au niveau européen compte tenu de la complexité des enjeux de l'intersexualité. Le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) sera saisi avant que le Gouvernement prenne des décisions en la matière.

Mme Maryvonne Blondin.  - Devoir remplir une case femme ou homme sur la fiche d'état civil reste un problème, auquel je souhaite que l'on sensibilise nos concitoyens le plus largement possible. En Allemagne, les interventions chirurgicales sont différées jusqu'aux 15 ans de l'enfant, qui peut ainsi exprimer son choix. Le Défenseur des droits serait utilement saisi...

Mutualisation de la direction des centres sociaux

Mme Corinne Imbert .  - Ma question porte sur la politique d'animation de la vie sociale, élément de la politique familiale et sociale porté par les caisses d'allocations familiales (CAF). Cette politique s'appuie, notamment, sur les centres sociaux et les espaces de vie sociale. Les collectivités, qui financent les prestations de service assurées par le centre et les fonctions dites « tronc commun », se sont engagées dans une démarche d'optimisation et de rationalisation de leurs moyens dans tous les secteurs d'activité. Le département de la Charente-Maritime compte par exemple vingt-trois centres sociaux, dont sept pour la seule ville de La Rochelle. Le regroupement envisagé à Saintes s'est heurté à la position de la CAF locale, au motif qu'il ne peut être accordé plusieurs agréments à une seule association assurant la fonction d'animation globale et que l'agrément d'un centre social passe par la nécessité de disposer d'un directeur. Or ces centres ne peuvent exister qu'avec l'apport des financements des collectivités locales. Aussi, convient-il que les centres sociaux puissent mutualiser leurs moyens.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie .  - L'offre d'accompagnement de la Cnaf a été précisée dans sa circulaire du 20 juin 2012 - les critères ont été définis plus clairement. L'encadrement de chaque centre social exige un ETP. Mais il est possible de mutualiser certaines fonctions de pilotage, sans fusionner pour autant les structures.

Le conseil d'administration de la CAF doit en toute hypothèse donner son accord.

Mme Corinne Imbert.  - Merci. Vous comprenez bien qu'il ne s'agit pas de diminuer le nombre de centres, mais de faciliter la mutualisation de leurs directions. C'est une compétence facultative des départements, qui sont donc attachés à cette mutualisation. Une modulation par territoire est nécessaire.

Prévention spécialisée

Mme Marie-Pierre Monier .  - D'année en année, de plus en plus de départements se désengagent financièrement des actions de prévention spécialisée. Cette situation soulève une forte inquiétude, comme l'a souligné le député Jean-Pierre Blazy, dans son rapport d'information. Il est vrai que les articles du code qui traitent de la prévention spécialisée sont susceptibles d'interprétations contradictoires en ce qui concerne l'obligation pour le département de mettre en oeuvre la prévention spécialisée. En outre, leur rédaction pourrait laisser croire qu'aucune action ne saurait être menée hors des zones urbaines sensibles. Pourtant même les territoires les plus ruraux sont concernés.

Comment expliciter les compétences et leur exercice en matière de prévention spécialisée ? Quelles suites le Gouvernement entend-il apporter à la proposition de M. Blazy de dresser un état des lieux du financement de la prévention spécialisée par les départements, afin de le pérenniser ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Croyez bien que je partage votre préoccupation. De nouvelles menaces pèsent sur les jeunes : les équipes de prévention spécialisée sont une aide indispensable pour ceux qui sont éloignés de toute autre intervention sociale. Cette prévention relève désormais de l'aide sociale à l'enfance. La feuille de route pour la protection de l'enfance prévoit plusieurs mesures pour consolider l'exercice de cette prévention. Un groupe de travail a été installé le 27 janvier. Il rendra ses propositions avant l'été.

Mme Marie-Pierre Monier.  - Merci de votre attention à ce problème. Ancienne enseignante, je peux témoigner de l'utilité de la prévention spécialisée, y compris dans la ruralité, qui ne doit pas être encore une fois oubliée.

Accueil des personnes handicapées

M. Dominique Bailly .  - Le Gouvernement mène une politique très active sur la question du handicap : la troisième conférence nationale du handicap du 11 décembre 2014 ou encore la loi du 10 juillet 2014 en témoignent. Des difficultés subsistent pourtant. Faute de places disponibles dans les établissements spécialisés français, des personnes souffrant d'handicaps complexes sont orientées vers des établissements situés hors de nos frontières : 6 500 en Belgique et parmi eux 1 500 enfants.

Les conséquences pour les proches sont graves : les familles sont épuisées, parfois même contraintes de quitter leur activité professionnelle pour s'occuper à plein temps de leur parent handicapé, voire de déménager si elles en ont les moyens.

Pourquoi ne pas créer de nouvelles places d'hébergement, en réorientant les financements de l'assurance maladie actuellement consacrés à l'accueil de ces citoyens handicapés, pour financer ces nouvelles places en France, via un fonds géré par la caisse nationale de la solidarité et de l'autonomie ? On pourrait ainsi créer 4 000 emplois en France ; l'assurance maladie et les départements économiseraient 250 millions d'euros.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie .  - En effet, la Belgique est accueillante pour les handicapés français. Un accord-cadre franco-wallon a été signé en 2014, ce qui nous permet de contrôler les établissements par des inspections communes. Cela ne dédouane pourtant pas la France de ses responsabilités : aucune personne ne devrait être contrainte à s'exiler ainsi.

Un fonds d'amorçage de 15 millions d'euros servira à financer des interactions à domicile ou des créations de places sur mesure. Les crédits devront être utilisés en cohérence avec la loi Santé. L'Igas fera un bilan fin 2017.

M. Dominique Bailly.  - Merci de votre attention. Je souhaitais alerter sur l'urgence de la situation. La vie quotidienne de certains de nos concitoyens est fortement perturbée. Si le Gouvernement est attentif, l'administration doit être dans la même dynamique.

Mesures agro-environnementales et climatiques

Mme Agnès Canayer .  - Dans le cadre de la nouvelle réforme de la politique agricole commune en 2015, les mesures agro-environnementales sont devenues « mesures agro-environnementales et climatiques » (Maec) pour encourager les pratiques favorables à l'environnement.

En Seine-Maritime, neuf projets ont été retenus. Or le cahier des charges ne tient pas compte des conditions géologiques et climatiques qui requièrent de lutter contre l'érosion et l'assèchement des sols. Les agriculteurs abandonnent donc leur projet. La rémunération est trop faible. Comment le cahier des charges et la rémunération pourraient-ils être adaptés aux besoins de mon département ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État auprès de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, chargée de la famille, de l'enfance, des personnes âgées et de l'autonomie .  - Les MAEC sont de deux types : des mesures systèmes et des mesures localisées qui ne concernent que quelques parcelles. Dans un cas comme dans l'autre, les montants sont fixés par un calcul de surcoût, défini au niveau européen.

Des modifications sont à l'étude pour répondre aux retours d'expérience des utilisateurs. Les cahiers des charges et des montants sont révisés pour tenir compte des spécificités locales. Notamment dans votre région, les agriculteurs demandaient à toucher des avances de trésorerie sur les versements qui sont en retard du fait de la pénalité d'1 milliard qui a touché la France à cause des pratiques des années 2008 à 2012. Ce sera possible en avril, comme l'a annoncé le ministre de l'agriculture le 26 janvier.

Mme Agnès Canayer.  - Les agriculteurs ont besoin d'être rassurés par des engagements qui prennent en compte les spécificités locales.

Accueil des mineurs isolés étrangers

M. Christian Favier .  - Dans le cadre d'un protocole signé avec l'Association des départements de France, une cellule nationale avait été instituée en 2013, afin de mieux répartir sur le territoire national la prise en charge des mineurs étranges isolés. Malheureusement ces dispositions ne sont plus respectées et, en 2015, le Val-de-Marne, qui aurait dû recevoir 13 mineurs isolés, en a accueilli 185. Cela déstabilise les dispositifs d'accueil du département et a représenté une charge supplémentaire de 21 millions d'euros en 2015.

Mon département ne pourra faire face à cette explosion de l'accueil de ces mineurs, si le rythme actuel des placements judiciaires ne faiblit pas et que la répartition nationale ne reprend pas.

Que compte faire le Gouvernement pour assurer, sans délai, une juste répartition territoriale de cette mission et pour que l'État prenne sa part des dépenses d'accueil ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Le garde des sceaux est actuellement à l'Assemblée nationale.

La France comme les autres pays européens accueille de nombreux mineurs isolés étrangers : 213 ont été confiés au Val-de-Marne en 2014. En 2015, sur les 343 confiés initialement au Val-de-Marne, 174 ont été réorientés. La dette de l'État a été soldée en septembre dernier, pour 9,5 millions et le Gouvernement a ouvert une ligne de crédits de 14 millions d'euros.

Deux articles ont été introduits à la demande du Gouvernement dans le projet de loi Enfance que le Sénat examinera le 18 février afin de parvenir à une répartition de ces mineurs sur tout le territoire. Une circulaire du 16 décembre dernier devait y contribuer en attendant, en facilitant la coordination entre les différents services.

Je salue vos initiatives. Le Gouvernement est pleinement investi dans la résolution de ce problème.

M. Christian Favier.  - L'accueil des mineurs isolés étrangers relève d'une mission régalienne de l'État, qui doit s'assurer que ces personnes relèvent bien des engagements de la France, ce qui n'est pas le cas : de nombreux jeunes exploités par des mafieux ne sont pas identifiés par les services de l'État. Je renverrai tout mineur qui ne pourra pas justifier de son identité, rétablissant l'État dans ses missions régaliennes. J'assignerai aussi l'État en référé pour obtenir la compensation de cette dépense indue.

Établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux privés non lucratifs

M. Jean-Jacques Filleul .  - Les services fiscaux notifient, de plus en plus souvent, aux établissements et services sanitaires, sociaux et médico-sociaux privés non lucratifs des assujettissements à la taxe foncière et à la taxe d'habitation, alors même que d'autres bénéficient d'une exonération pour des activités similaires. Elles sont privées de crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, de crédit d'impôt recherche et de crédit d'impôt innovation, alors que les établissements de santé privés de statut commercial en bénéficient. Les mêmes activités sociales et médico-sociales gérées par des centres communaux d'action sociale sont exonérées à la fois de la TVA et de la taxe sur les salaires - qui est une charge fixe que l'on acquitte quelle que soit sa situation budgétaire, tout en pouvant accéder au fond de compensation de la TVA pour leurs investissements.

J'appelle à un réajustement fiscal au bénéfice du secteur privé non lucratif.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Vous soulevez, dites-vous, une injustice fiscale ; elle est toute relative : le secteur privé est soumis aux trois impôts commerciaux. Je reste réservé sur le fait de priver les collectivités territoriales de ressources propres. L'article 92 de la loi de finances pour 2016 les autorise à décider d'exonérations de ce genre si elles le souhaitent. L'abattement sur la taxe sur les salaires a été porté de 6 000 à 20 000 euros. Le CICE a trouvé son pendant dans l'économie sociale. Le président de la République a évoqué la mutation du CICE vers une exonération de cotisations sociales. Cela pourrait être une réponse à votre préoccupation.

M. Jean-Jacques Filleul.  - Les associations nous ont entendus : nous devons encore travailler pour qu'elles ne se sentent plus exclues. Votre piste me semble de nature à les satisfaire.

Établissements publics de coopération culturelle

Mme Sylvie Robert .  - Les établissements publics de coopération culturelle (EPCC) sont la traduction de notre modèle français, la culture étant une compétence partagée entre État et collectivités territoriales. Ils se sont multipliés mais ils rencontrent des défis économiques. Deux mesures pourraient les aider. Un EPCC dont l'État est membre ne peut récupérer la TVA pour les travaux d'investissement dont il est maître d'ouvrage. C'est dommage. De plus, les EPCC sont soumis à la taxe sur les salaires, ce qui grève leur budget. Quel serait le chiffrage de la suppression de ces deux règles ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - L'extension du FCTVA demandée par de nombreux amendements à la loi de finances représenterait une dépense importante. Les EPCC ne sont pas exclus dès lors que tous ses membres peuvent bénéficier du FCTVA. Ceux dont l'État ou un établissement public national est membre ne sont donc pas concernés. Les y inclure créerait un précédent regrettable. Attention à ne pas faire de même sur la taxe sur les salaires. Je vous transmettrai les chiffrages demandés, qui sont en cours.

Assouplissement des normes pour les petites entreprises

M. Jacques Genest .  - Les grands oubliés de la simplification sont les petites entreprises qui doivent sans cesse revoir leurs locaux pour satisfaire à de nouvelles normes en termes de sécurité ou d'accessibilité. Dommage pour celles des territoires ruraux qui n'ont pas vu l'effet fracassant du choc de simplification ! Les fonctionnaires qui écrivent ces textes pensent-ils à leur effet sur les Français ? Maire, je peux ester en justice mais je n'ai pas le droit de changer une ampoule.

Cette situation kafkaïenne ferait rire si elle n'était tragique. Le Gouvernement compte-t-il simplifier la vie des petits artisans, poumon économique de nos territoires ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Excusant l'absence de Martine Pinville, je rappelle que 55 mesures du choc de simplification sur les 415 qu'il comprend - auxquelles 90 nouvelles ont été ajoutées le 3 février-  ont déjà été engagées : l'adaptation des règles d'accessibilité par la possibilité de pose de rampes amovibles. Rappelons aussi le moratoire des normes : une norme ajoutée, une norme supprimée. Rappelons enfin la lutte contre la surtranspositon. Un programme consacré aux problématiques des PME et TPE prend en compte leurs préoccupations à trouver des ateliers.

M. Jacques Genest.  - Si les services parisiens appliquaient les normes avec le même zèle que les provinciaux, il ne resterait plus aucun hôtel à Paris ! Le monde rural aime les paroles, mais préfère les actes.

Commerce de proximité

M. Mathieu Darnaud .  - Le commerce de proximité est un véritable lien social, un lieu d'échanges qui contribue à l'attractivité d'une ville, petite ou moyenne ; la qualité du cadre de vie des habitants en dépend. La majorité de ces entreprises proposent une grande variété de produits de qualité, provenant de circuits courts et pour lesquels la relation humaine est au coeur de leur activité. Le commerce reflète l'âme d'un village.

Malheureusement, les cessions de fonds de commerce se sont effondrées au premier semestre de 2015, en passant sous le seuil des 20 000, soit une chute de près de 12 % en un an - selon le baromètre officiel des annonces civiles et commerciales. Sur l'ensemble du territoire, la proportion des commerces vacants en centre-ville est proche de 8 %.

À la suite de la loi du 18 juin 2014 qui avait pour but de simplifier les modalités de mise en oeuvre du Fisac, le montant de cette aide est passé de 42 millions en 2012 à 15 millions en 2016.

Cette baisse massive et brutale des moyens d'accompagnement est un des facteurs de la crise actuelle. Les artisans sont préoccupés par les contraintes du compte pénibilité pour lesquelles ils ne sont pas prêts. Que compte faire le Gouvernement pour aider le commerce de proximité ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Le Gouvernement s'était engagé à réformer le Fisac : il passe d'une logique de guichet à une logique de projets, conformément aux recommandations de la Cour des comptes.

Notre action est désormais ciblée vers les projets qui ont des conséquences sur les zones marquées par une disparition de l'activité commerciale ou la mono-activité. Le délai dont dispose la commune pour trouver un gérant passe de deux à trois ans, tandis que le droit de préemption pourra être délégué à l'intercommunalité ou à une société d'économie mixte.

Concernant les centres villes, Mmes Pinel et Pinville ont lancé une mission le 5 février dernier, dont les conclusions seront rendues en juin 2016. Sur le compte pénibilité, d'autres ministres vous répondront mieux que je ne saurais le faire.

M. Mathieu Darnaud.  - Sur le Fisac, reste l'essentiel : le montant est passé de 42 à 15 millions d'euros ; les moyens manquent pour le développement des territoires ruraux. Je serai heureux d'entendre un autre ministre sur le compte pénibilité. Mais les artisans voient arriver de nouvelles contraintes avec inquiétude.

Évasion fiscale organisée

M. François Marc .  - La crise financière de 2007 et 2008 a fait d'énormes ravages ; de nombreuses dérives du monde financier ont contribué à ce déclenchement : et notamment certaines pratiques spéculatives et les agissements de certains réseaux bancaires internationaux. On peut se féliciter que des mesures significatives aient été prises ces dernières années en vue d'une meilleure régulation financière et bancaire. La réglementation a été renforcée et les conventions internationales ont évolué dans un sens souhaitable.

Des questions restent toutefois posées sur le développement considérable du shadow banking, avec toute l'opacité que cela laisse deviner quant aux méthodes et aux agissements spéculatifs des acteurs de la sphère financière. Une autre question fondamentale porte sur la subsistance de circuits d'évasion fiscale organisée qui ont continué à prospérer depuis 2008.

A-t-on pris des mesures suffisantes pour prévenir et sanctionner ces circuits d'évasion fiscale organisée ? Je pense à la banque HSBC ou la banque Pasche. D'anciens cadres de cet établissement ayant son siège à Monaco, et qui était filiale d'une banque française jusqu'à l'été 2015, ont dénoncé des pratiques frauduleuses ayant eu cours jusqu'à une période très récente.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Ces agissements étaient inacceptables. HSBC a été mis en examen et la justice fait son travail ; le Gouvernement est partie civile dans cette affaire.

Depuis 2012, nous avons promu un accord entre pays de l'OCDE - que 57 États ont signé - pour le partage des données bancaires des particuliers. Tous les moyens sont mis en oeuvre pour qu'il puisse commencer en 2017. Nous assistons aussi à de nombreuses régularisations car les contribuables savent que l'ère de l'opacité est derrière nous. Cela a rapporté 2,65 milliards en 2015, après 1,9 milliard en 2014. Nous attendons 2,4 milliards en 2016. Sur la totalité du quinquennat, nous avons mis fin au secret bancaire. Conséquence, nous pouvons baisser les autres impôts.

L'ACPR, vous le savez, prononce des sanctions pour les banques qui manquent à leurs obligations.

M. François Marc.  - Les choses avancent ; mais la finance évolue aussi dans un sens qui n'est pas rassurant. Avec le shadow banking, 40 % des transactions financières ne seraient pas régulées.

M. Rameix, le président de l'Autorité des marchés financiers, juge les moyens de contrôle trop modestes au regard des capacités des établissements. Il y va de la protection des épargnants et de l'orientation de l'épargne vers l'économie réelle et non vers la spéculation.

Effectifs de la douane

M. Thierry Foucaud .  - Le rétablissement temporaire des contrôles aux frontières à compter du 6 novembre 2015 et les mesures décidées dans le cadre de l'application de l'état d'urgence ont mis en lumière la situation, d'une gravité sans précédent, à laquelle est confrontée la profession douanière et qui relève d'une question de sécurité nationale.

L'approche douanière par les flux de marchandises, de capitaux, en complémentarité des personnes, a démontré son efficacité. Cette approche devrait pouvoir se décliner en tout point du territoire mais ce n'est plus le cas, à cause de la multiplication des économies réalisées sur les vedettes garde-côtes, les avions, les brigades, les bureaux, les effectifs et même les missions, en pleine guerre contre le terrorisme.

La douane doit redevenir une administration de protection prioritaire. Le président de la République a annoncé, le 16 novembre 2015, le recrutement de mille douaniers en plus des 70 emplois annoncés à la suite des attentats de janvier 2015. Le Gouvernement s'engage-t-il à ce que les effectifs soient effectivement portés à 17 466 d'ici à deux ans et que les moyens mis à leur disposition soient au rendez-vous ? La loi de finances pour 2016 prévoit la création de 500 postes mais aussi la suppression de 230 autres...

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Le Gouvernement est conscient de l'importance de la douane. Un plan de renfort des moyens a été annoncé par le président de la République devant le Congrès le 16 novembre 2015, dont j'ai précisé le contenu en Haute-Savoie le 22 janvier 2016. Ces nouveaux moyens sont budgétés dans la loi de finances pour 2016. 1 000 recrutements supplémentaires auront lieu en 2016 et 2017 : 550 agents de constatation, 350 contrôleurs et 100 inspecteurs. Évitons la bataille de chiffres. Au total, 635 emplois supplémentaires seront créés, nous mettons un terme à une trajectoire décroissante. Le nombre de postes mis au concours de la douane en est la preuve. Outre les moyens humains, nous augmentons aussi les équipements.

M. Thierry Foucaud.  - Si je comprends bien, les effectifs seront bel et bien portés à environ 17 400 dans deux ans...

La baisse des effectifs douaniers était préoccupante. Mais il faut aussi renforcer les moyens sur tout le territoire. Ainsi le scanner des conteneurs au Havre n'a toujours pas été remplacé. Cet outil non intrusif était pourtant très efficace. Il s'agit non seulement de défendre des emplois mais bien le pays !

Zones d'entraînement à très basse altitude et croissance verte

M. Olivier Cigolotti .  - L'installation de zones d'entraînement militaire de type secteur d'entraînement à très basse altitude (SETBA) pénalise l'activité éolienne en France. Ainsi, la Haute-Loire compte seulement trois parcs éoliens en dépit d'atouts sérieux et peut miser sur le développement de l'énergie éolienne. Le schéma régional éolien de juin 2012 a défini les zones favorables. Le ministère de la défense est pleinement associé à la réalisation de ce schéma. Une partie du département est exclue, afin de tenir compte des réseaux très basse altitude (RTBA). Les avis négatifs émis par le ministère de la défense en raison de l'existence de périmètres SETBA compromettent la réalisation de nombreux projets, notamment à Bas-en-Basset, à Saint-Paul-de-Tartas et à Saint-Jean-de-Nay.

En 2014, le ministère de la défense avait annoncé qu'une réflexion serait lancée sur les moyens techniques opérationnels ou réglementaires, afin de permettre de concilier au mieux les activités du ministère de la défense, tout en accroissant la part des énergies renouvelables. Où en est-on ?

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget .  - Il est impératif de maintenir l'entraînement des équipages à basse altitude, pour des raisons de sécurité et d'efficacité.

Les SETBA existaient déjà lors de la création des premiers schémas éoliens. Chaque projet fait l'objet d'une appréciation au cas par cas. Il faut savoir que la hauteur des éoliennes est passée en moyenne de 90 mètres à 200 mètres les rendant plus dangereuses pour les équipages. Les SETBA sont choisis en raison de leur position centrale, de leur faible densité de population et de leur topographie, critères auxquels la Haute-Loire répond bien.

Une réunion a été tenue à la préfecture d'Auvergne. D'autres échanges sont prévus. Nous renforçons l'information en amont des porteurs de projets. Des études sont en cours pour évaluer les effets des éoliennes sur les radars.

Notez qu'à ce jour, 26 GW ont été autorisés par le ministère de la défense, l'objectif fixé par le Grenelle pour 2020 étant de19 GW. Et en Haute-Loire, 462 MW ont été autorisés sur les 800 prévus au schéma.

M. Olivier Cigolotti.  - Merci. La Haute-Loire ne veut pas rester en marge de la transition énergétique et de la croissance verte.

Financement des temps d'activités périscolaires dans les établissements privés

M. Yannick Botrel .  - Alors que de nombreux établissements d'enseignement privés sous contrat d'association, en partenariat avec les communes, ont mis en oeuvre des temps d'activités périscolaires dans le cadre de la réforme des rythmes scolaires, la non-éligibilité de leurs dépenses au titre du fonds de soutien crée une inégalité de traitement qui semble contestable et pénalise les communes concernées, déjà lourdement impactées par la situation budgétaire contrainte que nous connaissons.

Le dispositif est-il pleinement opérationnel ? Quelles sont les raisons de cette non-éligibilité au fonds de soutien des communes au titre des établissements privés sous contrat d'association ? Il semble que ma question soit caduque depuis la loi de finances pour 2016 ; reste la question de la rétroactivité pour la période entre la rentrée 2105 et la date d'adoption du texte...

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Certaines communes ont souhaité mettre en place le dispositif pour la totalité des écoles publiques et privées sous contrat de leur territoire. Ce choix conforme à l'esprit de la réforme a conduit le ministère de l'éducation à apporter une réponse pérenne à leur demande, par le biais d'un amendement au collectif de fin d'année.

Désormais tous les élèves sont pris en compte pour le calcul des aides dès lors que le dispositif s'inscrit dans un projet éducatif territorial.

M. Yannick Botrel.  - Cette disposition sera-t-elle rétroactive ? En Bretagne, de très nombreux enfants sont scolarisés dans le privé.

Assouplissement des règles de gestion de trésorerie des communes

M. Patrick Masclet .  - La baisse des dotations pénalise les communes, qui sont contraintes de réduire leurs investissements. Les départements sont en difficulté pour les aider - le reste à charge au titre du RSA est ainsi de 288 millions d'euros dans celui du Nord.

Pour continuer à investir les maires sont contraints d'ouvrir des lignes de trésorerie, qui doivent être remboursées au cours de l'exercice. Or les subventions attendues par les communes arrivent souvent en retard... Le Gouvernement entend-il assouplir les règles, de sorte qu'au moment de l'arrêté des comptes le déséquilibre constaté n'alerte pas les services de l'État ?

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - L'investissement communal et intercommunal, qui représente 60 % de l'investissement public, est fondamental. Les lignes de trésorerie n'entrent pas dans le calcul de l'équilibre budgétaire. Il n'est ainsi pas nécessaire de modifier les règles de gestion.

Le Gouvernement soutient l'investissement public. La Caisse des dépôts et consignations propose déjà de préfinancer le remboursement de TVA à taux zéro. Le Gouvernement a aussi débloqué un milliard d'euros pour soutenir l'investissement des collectivités territoriales, crédits déjà mis à la disposition des préfets de département.

M. Patrick Masclet.  - Merci pour cette réponse précise. Les services de l'État doivent être sensibilisés.

Communication du fichier DGF aux collectivités locales

M. Dominique de Legge .  - Chaque année, la direction générale des collectivités locales (DGCL) communiquait aux collectivités locales, laboratoires de recherches ou bureaux d'études qui en faisaient la demande, le fichier DGF qui intègre l'ensemble des paramètres de calcul de celle-ci pour toutes les collectivités locales de France. Ce fichier est précieux car il sert de base aux intercommunalités pour effectuer des calculs de critères de répartition de la dotation de solidarité communautaire. Ce fichier, communiqué depuis des années sous format papier est, depuis quelques années, dématérialisé. Or depuis 2014, la DGCL refuse de le communiquer ou de le vendre, ce qui est contraire à l'exigence de transparence...

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale .  - Conformément à la décision n°25 du Cimap du 18 décembre 2013, le CD-Rom contenant ce fichier n'est plus commercialisé par la DGCL. Les données figurent désormais sur son site internet. Une annexe est jointe au projet de loi de finances qui détaille les versements aux collectivités territoriales et les prélèvements sur recettes.

Chaque commune, EPCI, département ou région peut trouver sur le site toutes les informations utiles, montants versés et contribution aux fonds nationaux de péréquation, les principaux critères de répartition de ces fonds et les modalités de répartition des dotations d'État. Il est enfin possible d'en consulter les évolutions dans le temps. Toutes ces données sont téléchargeables.

M. Dominique de Legge.  - La vie est belle, donc... Le site de la DGCL a été rénové... Mais les collectivités territoriales n'ont pas toujours les moyens humains pour les analyser en détail. Par transparence, il serait bon de les communiquer à tous ceux qui y ont un intérêt.

Destruction de 750 logements sociaux récemment rénovés à Clamart

M. Philippe Kaltenbach .  - Un projet de démolition de 750 logements sociaux dans le quartier du Pavé blanc à Clamart, dans les Hauts-de-Seine, a été lancé ; l'actuelle équipe municipale entend confier les terrains à des promoteurs privés pour construire des logements de standing et assurer, dit-elle, la mixité sociale... Pourtant, un projet de requalification globale de ces logements et de leur environnement vient de s'achever après plusieurs années de travaux dont le coût global avoisine les 20 millions d'euros.

La destruction de ces 750 logements sociaux, tout juste requalifiés, va à l'encontre des efforts entrepris dans la lutte contre la crise du logement et représente un gaspillage d'argent.

L'association des locataires s'est mobilisée ; la pétition qui a été lancée a révélé que 69 % des occupants de ces logements s'opposent à leur destruction.

L'État donnera-t-il son accord à ce projet de démolition ?

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité .  - 671 logements ont été réhabilités il y a une vingtaine d'années, les travaux ont été amortis ; d'autres ont été lancés plus récemment, sans aide publique. Le préfet des Hauts-de-Seine, vous le savez, est particulièrement attentif à ce dossier. Rien n'est figé, les études se poursuivent.

L'aménagement du quartier du Pavé blanc, qui date de 1964, n'est plus guère adapté aux besoins de la population. Il n'est pas anormal, de plus, d'introduire de la mixité sociale là ou 100 % des logements sont des logements sociaux. S'il y a démolition de tout ou partie des logements, l'État sera vigilant sur la qualité de la concertation, celle des propositions de relogement et l'équilibre économique de l'opération.

M. Philippe Kaltenbach.  - Les logements ont été réhabilités. Mieux vaudrait construire des logements sociaux là où on en manque - la ville de Clamart en compte 26 % - que détruire les logements de qualité qui existent. Je note toutefois que rien n'est encore tranché.

Création d'une zone d'aménagement concerté

M. Rémy Pointereau .  - Depuis la loi Alur, l'avis émis par l'autorité environnementale sur l'étude d'impact préalable à la création d'une ZAC pourra tenir lieu d'avis pour les études d'impact afférentes aux acquisitions foncières, aux travaux et aux ouvrages réalisés au sein de la zone. Cette disposition, adoptée par le Sénat, est bienvenue car elle allège les normes dans un domaine, l'urbanisme, dont deux tiers des élus locaux ont jugé la simplification prioritaire.

Elle contribuera, sans doute, à revaloriser le dispositif des ZAC, qui a largement perdu de son attractivité depuis les années 1990.

Cette désaffection est due, pour partie, à la prolifération normative. Plusieurs études d'impact sont, aujourd'hui, requises lors de la mise en oeuvre des ZAC : la première pour leur création et les autres pour les travaux, les ouvrages et les aménagements réalisés en leur sein. Au total, le cumul des études d'impact conduit à porter les délais de créations des ZAC à vingt-cinq mois dans le meilleur des cas, et entre trois et cinq ans en pratique.

Quand sera pris le décret en Conseil d'État prévu par la loi Alur et quel en sera le contenu ? Toutes les ZAC seront-elles concernées ? Les autorités environnementales pourront-elles dispenser les ZAC de certaines évaluations ?

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité .  - L'article L. 122-3 introduit par la loi Alur vise à simplifier les procédures. J'ai souhaité aller plus loin : en vertu d'une ordonnance dont l'habilitation a été votée dans la loi sur la croissance et le pouvoir d'achat, l'étude d'impact globale de la ZAC, pourvu qu'elle soit précise, vaudra pour les projets inscrits dans la même zone. Le décret pris sur le fondement de cette ordonnance est lui-même, simultanément, en préparation. Cela redonnera à la ZAC sa vocation d'ensemblier, accélérera les projets de construction sans mettre en péril la protection de l'environnement, sera source d'économies importantes pour les maîtres d'ouvrages publics et privés et s'inscrit parfaitement dans le plan de relance de la construction.

M. Rémy Pointereau.  - Nous avons besoin de concret, les normes sont un frein à l'emploi et à l'activité. Toute avancée réglementaire produisant des résultats tangibles dans les meilleurs délais est bonne à prendre... J'en proposerai moi-même si le Gouvernement tarde.

Mise en oeuvre du plan numérique dans les établissements d'enseignement

M. Jean-Claude Lenoir .  - Le déploiement du plan numérique dans l'ensemble des établissements publics locaux d'enseignement est un objectif du Gouvernement.

Qu'en est-il des ressources toutefois ? Les manuels numériques coûtent plus cher que leur forme papier, sans compter qu'il faudra les changer avec la refonte des programmes. De plus, l'administration des réseaux repose souvent sur le volontariat et la bonne volonté des personnels enseignants. Dans nombre de collèges ruraux, toutefois, les équipes pédagogiques ne sont pas en nombre ou n'ont pas les compétences. Le Gouvernement a annoncé la création de référents numériques. Où en est-on ? Quels seront les moyens ?

Mme Sylvia Pinel, ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité .  - Mme Najat Vallaud-Belkacem a lancé l'appel à projet « Collège numérique » pour concentrer les efforts de tous et accélérer les investissements nécessaires. Pour 1 euro investi dans les équipements individuels par les collectivités territoriales, l'État versera 1 euro et 30 euros supplémentaires par enfant et par enseignant équipé pour l'acquisition de ressources supplémentaires.

L'État assume aussi la totalité de l'équipement informatique des enseignants. La mise à disposition des banques de ressources numériques sera gratuite. Un plan exceptionnel de formation au numérique a été lancé : 250 000 enseignants ont déjà été formés. Des référents ont été créés dans chaque académie.

M. Jean-Claude Lenoir.  - Je ne peux que souligner le décalage entre les objectifs annoncés et les moyens. Trente euros par élève, c'est bien peu au regard du coût des manuels.

La question de la rémunération des personnels reste posée. Les enseignants souhaitent avant tout une décharge horaire. Je partage les objectifs de ce plan mais les moyens doivent être à la hauteur.

Enfin à titre personnel, je tiens à saluer, madame la ministre, à l'heure où la rumeur vous donne partante du Gouvernement, la courtoisie qui ne vous a jamais quittée tout au long de nos nombreux débats. Je vous souhaite bonne chance dans l'exercice de la mission que les électeurs vous ont confiée.

M. Jean-Claude Gaudin.  - Je m'associe, madame la ministre, aux propos du président Lenoir.

La séance est suspendue à 12 h 25.

présidence de M. Gérard Larcher

La séance reprend à 14 h 30.

Prorogation de l'état d'urgence (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi prorogeant l'application de la loi du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence. À ma demande, nous voterons par scrutin public sur ce texte, conformément à l'article 60 de notre règlement.

Discussion générale

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur .  - Depuis le 13 novembre 2015, la France est confrontée à une menace terroriste sans précédent : 130 victimes innocentes, des concitoyens meurtris dans leur chair pour le restant de leurs jours. Jamais jusqu'alors nous n'avions connu des attentats d'une telle ampleur sur le sol national. Sous l'autorité du président de la République, le Gouvernement a pris les mesures qui s'imposaient pour garantir l'ordre public et prévenir la commission de nouveaux attentats.

Le 20 novembre, le Parlement a adopté à la quasi-unanimité la loi modernisant le régime de 1955 et prorogeant l'état d'urgence pour trois mois. Le Gouvernement vient devant vous pour une nouvelle prorogation de trois mois.

Je salue le travail de la commission des lois et remercie en particulier le président Bas et le rapporteur spécial du comité de suivi, Michel Mercier, dont les travaux ont été essentiels.

L'état d'urgence fait partie de l'histoire républicaine française. Tout régime démocratique doit prévoir un tel dispositif pour faire face à des situations d'extrême gravité, dans le respect des principes démocratiques. Nul ne nie que les attentats du 13 novembre entrent dans le cadre fixé par la loi de 1955.

L'état d'urgence n'est pas le contraire de l'état de droit, il en est le bouclier. Il n'est pas synonyme d'arbitraire : ses motifs, sa déclaration et sa prorogation sont prévus et encadrés par la loi, et sa légitimité réside dans son caractère temporaire.

Nous sommes fidèles à l'esprit des auteurs de la loi de 1955, Pierre Mendès France et Edgar Faure, pour qui l'état d'urgence était une alternative libérale à l'état de siège.

Nous avons par la loi du 20 novembre supprimé des dispositions qui nous semblaient inadaptées à la société actuelle, comme celles relatives au contrôle des médias ; nous avons mis en place un contrôle par le juge administratif même pendant l'urgence et un contrôle parlementaire inédit.

Les 3 336 perquisitions menées sur le fondement de l'état d'urgence ont permis de saisir 578 armes : 220 armes longues, 169 armes de poing, 42 armes de guerre et 147 autres armes dangereuses. Les 395 interpellations ont donné lieu à 344 gardes à vue. Nous avons joué sur l'effet de surprise pour éviter les répliques d'attentats et déstabiliser les filières.

Certaines perquisitions ont donné lieu à des critiques. J'ai constaté effectivement des faits isolés. Je pense à la perquisition dans une ferme biologique du Périgord le 24 novembre, et à celle du 17 novembre dans une mosquée d'Aubervilliers, où des symboles de la religion n'ont pas été respectés. J'ai immédiatement donné des instructions très fermes par télégramme, en date du 25 novembre, pour que les perquisitions ciblent uniquement des objectifs pertinents et se déroulent de façon irréprochable. J'ai demandé aux directeurs généraux de la police nationale et de la gendarmerie nationale de diffuser ces instructions auprès de tous les services.

Au 2 février, 563 procédures judiciaires étaient ouvertes, donnant lieu à 65 condamnations, dont 23 pour apologie de terrorisme, et 54 décisions d'écrou. Le bilan peut paraître modeste, mais les résultats vont bien au-delà : les renseignements collectés numériquement restent à exploiter ; les trafics d'armes et de stupéfiants qui alimentent le terrorisme sont désorganisés. Les saisies d'espèces représentent plus d'un million d'euros.

La lutte contre le terrorisme se poursuivra sans trêve ni pause. Depuis 2013, les services de renseignement ont déjoué 11 attentats, outre les attentats ratés du Thalys et de Villejuif. Rendons-leur hommage : 1 038 individus, dont 320 ont été interpellés et 13 sont sous le coup d'un mandat d'arrêt international, 199 mis en examen, 163 écroués et 46 sous contrôle judiciaire. Voilà le résultat de notre action conduite grâce à l'état d'urgence.

Afin de préserver les garanties, des directives très précises ont été données pour associer les autorités judiciaires ; le contrôle juridictionnel a été exercé de manière systématique - l'absence de juge judiciaire a été interprétée par certains comme une mise à l'écart, elle n'est que l'application du principe général du droit selon lequel c'est le juge administratif qui intervient dans cette matière. Il a eu l'occasion de démontrer qu'il n'était pas moins indépendant que le juge judiciaire, ni moins soucieux des libertés publiques. En vertu d'un principe ancien, le juge judiciaire reste compétent pour examiner la légalité des ordres de perquisition.

J'ai entendu des propos incongrus en droit : le rôle du juge administratif priverait le citoyen de tout recours ; il serait une violation de nos principes républicains traditionnels. Or c'est dans une loi de 1790 (M. Michel Mercier renchérit) que compétence a été retirée au juge judiciaire sur les actes de l'exécutif ; cela a été confirmé par l'arrêt Blanco de 1875, période scélérate en matière de libertés publiques comme chacun sait, et par une décision du Conseil constitutionnel de 1987. Il y a entre ces commentaires invoquant des références juridiques et historiques frelatées et le droit un décalage que je me devais de souligner. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain et Les Républicains, sur quelques bancs des groupes RDSE et UDI-UC)

L'état d'urgence n'est pas tenable sans contrôle parlementaire efficace. (M. Charles Revet approuve) J'ai mis en place dans mon ministère une cellule pour répondre dans les vingt-quatre heures à toute demande des parlementaires.

Le risque sur la démocratie, ce sont les terroristes qui le font peser, non l'État. (M. Bruno Sido approuve ; applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ainsi que du groupe Les Républicains)

Le Conseil constitutionnel a jugé, examinant une QPC, que les dispositions introduites par la loi de novembre dernier étaient conformes à la Constitution et que l'assignation à résidence n'était pas une mesure privative de liberté au sens de l'article 66.

Près de 400 assignations ont été prononcées, dont 27 dans le contexte de la COP21, qui ont donc été périmées après le 12 décembre. Sur les 160 recours en référé, dont 125 référés-liberté et 35 référés-suspension, 11 ont conduit à la suspension de l'acte : cela montre l'indépendance de la juridiction administrative et la mesure du ministère de l'intérieur. Ceux-là mêmes qui dénoncent l'absence de juge se réjouissent des jugements administratifs qui cassent des procédures...

Une seule annulation au fond a été prononcée. Aujourd'hui, 290 assignations à résidence restent en vigueur. À la fin de l'état d'urgence, toute assignation à résidence sera levée, hors procédure judiciaire en cours.

Les interdictions de manifester jusqu'au 12 décembre 2015 étaient justifiées par l'impossibilité d'assurer la sécurité publique dans les circonstances d'alors. La liberté de manifester demeure néanmoins la règle. Le 30 janvier, les manifestants ont même pu défiler contre l'état d'urgence sous la protection des forces de l'ordre : quel symbole ! J'ai interdit les manifestations de Calais, en revanche, car des violences graves étaient prévisibles.

Dix mosquées ont été fermées ; elles étaient des bases arrière, comme celle de Lagny en Seine-et-Marne.

L'état d'urgence est soumis à un contrôle parlementaire inédit, car inappliqué depuis 1955, allant au-delà de celui des commissions d'enquête parlementaires. Je me suis engagé sur la plus grande transparence. Des réunions hebdomadaires ont été organisées avec les parlementaires, sous l'autorité du Premier ministre ou la mienne.

La prorogation de l'état d'urgence s'apprécie à l'aune de la persistance d'un péril imminent. Le Conseil d'Etat jugeant en référé a estimé que tel était le cas, et que les mesures prises ne représentaient pas une atteinte grave, illégale, aux libertés.

Depuis le 13 novembre, des attentats ont été commis contre des pays amis directs de la France. Plusieurs attentats ont été déjoués en France - à Tours, à Orléans  - comme en Belgique ou en Allemagne. Le 24 décembre 2015, un couple demeurant à Montpellier a été mis en examen des chefs d'association de malfaiteurs en vue de préparer des actes de terrorisme et financement du terrorisme, et écroué. De la documentation djihadiste et un faux ventre de femme enceinte qui aurait pu servir à dissimuler des armes, recouvert d'une couche d'aluminium, ont notamment été saisis à leur domicile.

Le 7 janvier 2016, un individu apparemment porteur d'un engin explosif, qui s'est ensuite avéré factice, ainsi que d'un document de revendication au nom de l'organisation terroriste Daech, a été abattu par des policiers en faction devant le commissariat du 18e arrondissement de Paris alors qu'il les menaçait avec une arme blanche.

Le 11 janvier 2016, à Marseille, un mineur a blessé à l'arme blanche un professeur de confession juive avant de revendiquer son action au nom de Daech.

Ces organisations terroristes ont frappé à Bamako, à Djakarta, à Ouagadougou, sans parler de la Syrie et l'Irak. Al Mourabitoune a revendiqué l'attentat du Radisson Blu à Bamako. Six cents Français sont présents en Irak et en Syrie. Deux cent cinquante-quatre sont revenus sur le territoire ; cent quarante-trois ont été judiciarisés, dont soixante-quatorze incarcérés, et treize sont sous contrôle judiciaire ; et cent onze surveillés, dont soixante-sept ayant fait l'objet d'un entretien administratif avec la DGSI.

L'année 2015 a enregistré trois cent vingt-neuf nouvelles arrivées en Syrie ou en Irak. En un peu plus d'an an, le nombre de personnes voulant partir est passé de deux cent quatre-vingt-quinze à plus de sept cents fin 2015.

C'est pour faire face à une menace particulièrement grave que le Gouvernement a choisi l'état d'urgence ; le risque est si élevé que nous ne pouvons pas y renoncer.

Dans les années quatre-vingt-dix, face au terrorisme, François Mitterrand avait défini l'attitude à avoir : « tout faire, sauf céder ». Tous les gouvernements depuis lors se sont conformés à ce principe. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, sur plusieurs bancs du groupe RDSE, et sur ceux du groupe Les Républicains)

M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois .  - La France étant dans une situation de péril imminent, le Gouvernement, approuvé par le Parlement, a décrété l'état d'urgence, qui a fait l'objet d'un contrôle parlementaire accru, notamment à la charge de la commission des lois.

Le Gouvernement s'y est pleinement prêté : nous avons eu tous les renseignements que nous avions demandés, et même ceux que nous ne demandions pas ! (Sourires) Il y a eu plus de trois cent cinquante assignations à résidence environ et de très nombreuses perquisitions. Notons une innovation : l'utilisation des technologies d'internet. Nous avons affaire à des techniciens de premier ordre et devons prendre en compte cette compétence.

Le ministre de l'intérieur vient d'en parler, il est fondamental de se demander si la République agit en dehors du droit : sinon, nous serions comme les terroristes. (Mme Sophie Joissains applaudit, ainsi que quelques sénateurs du groupe UDI-UC)

Le Conseil d'État a tranché : le Gouvernement a respecté les règles fondamentales auxquelles nous sommes attachés. Sur les assignations à résidence, objet de nombreux recours, sur les perquisitions et la possibilité d'enjoindre le président de la République de mettre fin à l'état d'urgence, le Conseil d'État a utilisé par trois fois la procédure de question prioritaire de constitutionnalité créée par la révision constitutionnelle de 2008.

Sur les assignations à résidence, le Conseil constitutionnel a jugé que la Constitution n'excluait pas que le législateur fixe un régime spécifique, distinguant les mesures privatives et restrictives de liberté, les premières relevant du contrôle du juge judiciaire, les secondes du juge administratif. Les mesures doivent en toute hypothèse être justifiées et proportionnelles au danger.

Autre apport majeur de sa jurisprudence, le Conseil d'État exerce un contrôle plein et entier des actes pris sur le fondement de l'état d'urgence : nous sommes donc restés dans le cadre de l'État de droit.

Sur les notes blanches qui ont fait parler d'elles dans la presse, le Conseil d'État a admis la possibilité de les utiliser, dès lors qu'elles étaient soumises au débat contradictoire.

Le Conseil constitutionnel a admis l'usage de mesures relevant de l'état d'urgence y compris lorsque le lien avec le terrorisme n'est pas évident, car cette menace bouleverse les règles du maintien de l'ordre.

Les perquisitions administratives ont fait l'objet de peu de recours, car celui-ci n'est déclenché que lorsqu'elles ont pris fin. Elles donneront peut-être lieu à un contentieux de la réparation.

Faut-il ou non proroger l'état d'urgence ? Le Conseil d'État s'est prononcé par deux fois sur l'existence d'un « péril imminent », liant la prorogation de celui-là à la présence de celui-ci.

Mais la véritable question est : comment sort-on de l'état d'urgence ? Le péril existe : il est permanent. On ne peut pas répondre, monsieur le ministre, à un péril permanent par des mesures provisoires. Il faut renforcer les procédures de droit commun afin de renforcer le pouvoir du juge judiciaire. (M. Bruno Sido renchérit).

Le Conseil d'État dégage des pistes ; le Sénat y a répondu en votant la semaine dernière une proposition de loi renforçant nos dispositifs de droit commun. (Mme Catherine Troendlé approuve)

Il faut renforcer l'efficacité des enquêtes - premier chapitre de la proposition de loi - menées par l'autorité judiciaire. J'espère que le Gouvernement prendra en compte notre travail. La commission des lois propose de voter l'article unique du projet de loi en ne modifiant que sa forme, pour autoriser explicitement la prorogation de l'état d'urgence, se prononcer sur les perquisitions et sur la possibilité pour le président de la République de mettre fin à l'état d'urgence de façon anticipée. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe Les Républicains)

Mme Éliane Assassi .  - L'état d'urgence, justifié au départ, suscite de plus en plus de critiques ; il en va de même pour la regrettable, très regrettable initiative sur la déchéance de nationalité. Or les textes se multiplient qui durcissent notre arsenal juridique : texte sur la sécurité dans les transports, réforme de la procédure pénale, proposition de loi Bas, prorogation de l'état d'urgence...

La lutte contre Daech est justifiée, mais seules quatre enquêtes ont été ouvertes et une seule mise en examen a été décidée sur le chef de terrorisme, sur 3 300 perquisitions ! Le Gouvernement serait-il bipolaire ? (Rires)

Concernant l'assignation à résidence, l'exposé des motifs du projet de loi reconnaît des excès. La procédure ne respecte pas les libertés publiques ; nous proposerons des amendements.

Pouvons-nous accepter une situation qui brise l'équilibre des pouvoirs, entre un exécutif surpuissant et un législatif abaissé ? L'état d'urgence est un état d'exception. Est-ce normal que notre pays soit dénoncé par Amnesty international, excusez du peu ? (M. Bruno Sido ironise)

Daech se nourrit du malheur ; il nous tend un piège politique, comme disait Robert Badinter. Oubliez-vous les innombrables bombes qui ont détruit l'Irak ?

M. Philippe Bas, président de la commission des lois.  - Ce n'est pas une excuse !

Mme Éliane Assassi.  - Le Premier ministre nous dit qu'expliquer, c'est excuser, comme si on pouvait soupçonner qui que ce soit parmi nous de bienveillance à l'égard des terroristes... Pour combattre, il faut comprendre, en prenant tout en compte. Oui, le terrorisme grandit là où liberté, égalité et fraternité sont des mots vains.

Le péril imminent demeurera jusqu'à l'extinction de Daech, entend-on dire. L'état d'urgence deviendra-t-il donc permanent ? Avec l'état d'urgence, le pouvoir exécutif s'affirme. Comment allez-vous renforcer la fraternité ? Nous sommes de plus en plus nombreux à être las des propos guerriers. (Protestations à droite)

M. Alain Bertrand.  - Il faut aussi de la fermeté !

Mme Éliane Assassi.  - Nous voulons comprendre, nous voulons du progrès, de la justice et de la réconciliation. En un mot, des paroles et des actes de gauche. Le groupe CRC votera contre le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Alain Richard .  - C'est un moment de rencontre entre le Gouvernement et le Parlement, autour d'une responsabilité collective.

L'état d'urgence remonte loin dans la tradition républicaine, car la République s'est toujours donné les moyens de protéger la liberté. Le Sénat et l'Assemblée nationale ont voté l'état d'urgence à la quasi-unanimité et personne ne le regrette. Le danger a une source principale : une entreprise internationale djihadiste cherchant à établir une nouvelle forme de société a pris notre pays pour cible et dispose de nombreux moyens pour nous porter des coups. Il est donc justifié d'offrir aux pouvoirs publics, pour réagir, un éventail plus large de moyens que ceux dont il dispose d'ordinaire.

Tous les actes pris depuis trois mois par le Gouvernement ont démontré la volonté d'associer le pouvoir judiciaire à travers le ministère public. La justice administrative a de surcroit contrôlé scrupuleusement ces décisions.

Même les assignations à résidence : les deux tiers d'entre elles n'ont pas été contestées devant le juge et le juge des référés, juge de l'urgence, n'a suspendu que 5 % seulement de celles dont il a été saisi. Cela démontre la vigilance du Gouvernement sur le bien-fondé des dispositions prises dans le cadre de l'état d'urgence. Nous n'avons pas à rougir du travail parlementaire de contrôle.

La situation continue de requérir des moyens spécifiques de renseignement et d'enquête. Le débat porte aussi sur la création de moyens supplémentaires de vigilance - ce sera l'objet du projet de loi sur la procédure pénale. Comme ce fut le cas sur la loi Renseignement, nous pouvons trouver un consensus.

Notre mandat est de servir la République, surtout lorsqu'elle est menacée. Je suis convaincu que nous pouvons y faire face. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, du RDSE ainsi qu'au centre et à droite)

Mme Esther Benbassa .  - Nous sommes réunis aujourd'hui, presque trois mois après les terribles attentats de Paris, pour décider de la prorogation de l'état d'urgence pour trois mois supplémentaires. Pour nous en convaincre, le Gouvernement aligne pêle-mêle les actes terroristes déjoués en France et ceux aboutis à l'étranger. Il évoque également « un bilan opérationnel conséquent au-delà des seuls constats chiffrés ». Une telle formule me paraît relever au mieux d'un surréalisme au pire d'un jésuitisme gouvernemental. (Indignation à droite et sur les bancs socialistes)

M. Jean-Claude Lenoir.  - Les jésuites ne méritent pas cela !

Mme Esther Benbassa.  - Sur 3 289 perquisitions, seulement 5 procédures judiciaires concernent le terrorisme et 202 des infractions à la législation sur les stupéfiants.

Les historiens s'interrogeront plus tard sur la façon dont la tactique politique et le lavage de cerveau ont triomphé.

M. Bruno Sido.  - Ce qui est excessif est insignifiant !

Mme Esther Benbassa.  - Mais pouvons-nous maintenir ce régime d'exception aussi longtemps que la menace terroriste durera ?

Ces textes protègent davantage les politiciens des conséquences d'un éventuel attentat que les Français eux-mêmes. (À droite : « Ce n'est pas bien ! »)

Les résultats obtenus par l'état d'urgence ne militent pas pour la prorogation. Pis, ses dérives militent contre ! L'exécutif a le devoir de revenir à l'État de droit pour lutter efficacement contre le terrorisme. Légiférer en permanence en profitant de la faiblesse d'une population endeuillée relève de la paresse intellectuelle. (On s'indigne à droite)

Notre nouveau garde des Sceaux, lorsqu'il présidait la commission des lois de l'Assemblée nationale, doutait publiquement de l'utilité de l'état d'urgence.

Si quelque chose pouvait sortir les Français de leur marasme, ce serait bien plutôt des décisions opérationnelles et des perspectives économiques et sociales. Les plonger dans cette ambiance inquiétante ne servira de rien... Notre groupe votera majoritairement contre la prorogation de l'état d'urgence. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. David Rachline .  - Vous demandez à nouveau la prorogation de l'état d'urgence ; cette fois votre demande semble bien moins légitime. Nous n'avons que peu de visibilité sur son application. Vous faites état d'un certain nombre de perquisitions, de saisies d'armes... Félicitez donc vos services.

Mais à quoi sert l'état d'urgence lorsque les migrants, soutenus par des militants d'extrême gauche, sèment le chaos à Calais ? Lorsque des islamistes radicaux s'expriment sans honte face à une ministre de l'Éducation nationale muette ? Fermer des sites virtuels ne suffira pas, quand la radicalisation résulte dans 95 % des cas d'un facteur humain.

Certaines forces de police réclament la prorogation de l'état d'urgence car il simplifie les procédures. Or nous ne défendons pas un État policier, mais un État de droit ! (Exclamations) La démission de la ministre de la justice ouvre quelque espoir... Pour le concrétiser, il faut faire bien plus : contrôles aux frontières, arrêt de l'accueil des migrants, politique pénale ferme, expulsions, accès aux fiches « S » de l'ensemble des forces de police. En attendant, la prolongation de l'état d'urgence, ce n'est que de la communication !

M. Jacques Mézard .  - Faut-il proroger l'état d'urgence ? À cette question, nous répondrons, pour la majorité d'entre nous, positivement. Mais la situation n'est pas la même qu'au 20 novembre 2015. Certes, le ministre a fait le choix de la transparence, et le travail du comité de suivi confirme la persistance d'un péril imminent. Mais la prorogation de l'état d'urgence est-elle utile à la protection de nos concitoyens et est-elle proportionnée au risque auquel nous faisons face ?

Si un attentat survenait le lendemain de la décision de mettre fin à l'état d'urgence, personne ne le pardonnerait. Cela étant, il faudra bien sortir un jour, même si notre ennemi réussit à terroriser nos concitoyens jusque dans les plus petits villages de montagne.

Les mesures prises ont été d'ampleur exceptionnelle : 3 300 perquisitions administratives et 392 assignations à résidence. Reste à permettre ou non à l'autorité administrative d'intervenir suite à de nouveaux renseignements. Quant aux assignations à résidence, la question est plutôt de savoir dans quelles conditions y mettre fin.

L'état d'urgence constitue bel et bien un régime exceptionnel compte tenu de la gravité de la situation, comme le dit Michel Mercier, sous le seul contrôle du juge administratif. C'est là pour nous le noeud du problème. Certes les actes pris sur le fondement de l'état d'urgence ne sont pas soustraits à tout contrôle juridictionnel mais celui-ci n'est mené qu'a posteriori.

Renforçons les moyens donnés à nos services de sécurité et mettons bientôt un terme à l'état d'urgence ; rendons ainsi à l'autorité judiciaire son rôle de gardien de la liberté individuelle, conformément à la loi constitutionnelle du 3 juin 1958 - rôle qu'ont rappelé cette semaine le premier président de la Cour de cassation et tous les premiers présidents de cour d'appel de France.

Pour l'heure, la grande majorité du groupe RDSE votera la prolongation de l'état d'urgence, deux de ses membres s'y opposeront. (Applaudissements sur les bancs du RDSE, du groupe socialiste et républicain, à droite et au centre)

M. Bruno Retailleau .  - La France est en guerre, une guerre qui s'est affranchie des frontières, des champs de batailles, des codes militaires, une guerre de civils contre des civils de leur propre pays, et qui ne s'achèvera ni par un armistice, ni avec la seule éradication de Daech. Cette guerre a surpris un Occident bercé par un rêve de fin de l'Histoire, réveillé par le retour du tragique, du totalitarisme au sens que Hannah Arendt donnait à ce terme : la conjugaison de l'idéologie et de la terreur. Tous les continents sont frappés.

Face à cette menace, nous ne devons pas trembler, nous devons être implacables. Nous voterons donc ce texte, comme nous avons soutenu les précédents. La majorité sénatoriale prendra ses responsabilités, comme elle l'a toujours fait. (Applaudissements à droite)

La sécurité et la liberté ne sont pas des soeurs ennemies mais siamoises ! Nous voterons ce texte tel qu'amendé par le rapporteur.

L'état d'urgence ne peut être que temporaire. Le Conseil d'État l'a dit : face à une menace permanente, il faut des outils pérennes. Deux textes sont sur la table : la réforme pénale du Gouvernement et notre proposition de loi. Or le premier est trop timide, tant sur la répression du terrorisme - nous créons trois nouveaux délits - que sur l'application des peines - nous introduisons une peine de perpétuité réelle pour les auteurs de crimes terroristes. Il faut rompre avec l'angélisme pénal qui a caractérisé le début du quinquennat.

M. Didier Guillaume.  - C'est exagéré !

M. Bruno Retailleau.  - Nous assistons au retour du chaos et du nationalisme en Europe. Où sont les voix qui s'élèvent contre ? Que fait le couple franco-allemand ?

Deuxième ligne de front : nos valeurs. Nous ne devons pas céder. Rappelons l'exigence de la laïcité, combattons le communautarisme et rétablissons l'autorité de l'État sur tout le territoire ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mettons enfin l'école au centre de tout. Rien n'est plus décisif que l'éducation dans le pacte républicain. Il nous faut comme le dit si bien Pierre Manent, une nouvelle amitié civique, fondée sur l'effort et le mérite, afin que les mots « France », « patrie », « République » ne soient pas des mots creux aux oreilles de nos jeunes concitoyens, mais qu'ils aient un contenu affectif.

À Stockholm, Camus dédia son prix Nobel à son instituteur, rappelant le noble rôle qui était le sien : faire en sorte que le monde ne se défasse pas. La République, non plus, ne doit pas se défaire face à la barbarie ! (Applaudissements à droite et au centre)

M. François Zocchetto .  - L'émotion est déjà derrière nous ; la vie semble avoir repris son cours. La menace terroriste est pourtant toujours aussi forte. L'état d'urgence, mesure d'exception, était nécessaire le 20 novembre. Faut-il le prolonger ? La menace est toujours là, certes, mais le Conseil d'État n'a-t-il pas indiqué que l'état d'exception ne saurait être que temporaire ?

Un point n'a pas été soulevé : celui de la durée. Pourquoi trois mois ? Pour attendre le projet de loi porté par le garde des Sceaux ? Pourquoi ne pas attendre l'Euro 2016 ?

Autre question délicate : comment en sortir ? Pour y parvenir sans baisser la garde, renforçons notre arsenal juridique de lutte contre le terrorisme. Le Sénat s'est employé à faire des propositions, au moyen d'un dispositif complet : améliorer l'efficacité des enquêtes, créer de nouvelles incriminations pour la consultation habituelle de sites faisant l'apologie du terrorisme et le séjour sur un théâtre d'opérations conduites par un groupe terroriste. Nous voulons aussi rendre plus rigoureux le régime d'application des peines.

Convenez, monsieur le ministre, que notre proposition de loi est un apport essentiel à la lutte contre le terrorisme. Car enfin, avons-nous besoin de symboles ou d'outils efficaces ? Les deux, sans doute ; mais la déchéance de nationalité ne dissuadera jamais un terroriste de commettre un attentat. (Applaudissements au centre)

Nous voterons la prorogation de l'état d'urgence. (Applaudissements au centre et sur certains bancs à droite)

M. Bernard Cazeneuve, ministre .  - Merci à tous les orateurs. Je veux remercier en particulier le président Retailleau pour les questions qu'il a soulevées avec le brio et la finesse que nous lui connaissons. Je ne voudrais pas le compromettre ! (Rires). Mais nos divergences sont telles que le risque est faible.

L'Europe est un élément central de ce débat. Nous avons obtenu le 15 décembre 2015 une modification de l'article 7-2 du code Schengen, qui permettra de contrôler tous nos ressortissants de retour de théâtres de guerre ; de consulter systématiquement le Système d'information Schengen (SIS) ; d'interconnecter les fichiers des services des États membres et de connecter ceux-ci au SIS.

Eurodac doit en outre pouvoir être utilisé à des fins de sécurité, ce qui requiert une modification de son règlement. Je vous rappelle que deux des kamikazes qui ont frappé le 13 novembre sont passés par les îles grecques au moyen de faux passeports, dont Daech dispose en abondance. On aurait pu les identifier si l'on avait eu accès au fichier des empreintes digitales.

À cela s'ajoutent les questions migratoires. Nous devons tarir le flux d'arrivants, aider ceux qui sont déjà arrivés sur le territoire européen. Sur ces sujets, les propositions françaises sont devenues, et c'est très important, franco-allemandes.

Vous évoquez l'autorité de l'État. Attention toutefois à son instrumentalisation... La faire respecter demande du temps, de la prudence. Notez que l'État n'a pas failli face aux débordements en Corse, ni à Calais. Les agissements des activistes No Border, qui exposent les migrants à de graves risques, sont insupportables ; ceux qui ont été interpellés ont été jugés en comparution immédiate. Mais l'autorité de l'État s'impose à tous : quand j'interdis une manifestation en raison de risques de débordement, on ne peut admettre qu'un général en retraite, qui devrait incarner le respect du droit et des décisions du Souverain, brave cette interdiction. Tant que je serai ministre de l'intérieur, je ne le tolérerai pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste, ainsi que du RDSE)

À chaque attentat, les micros se tendent avec toujours la même question : où sont les failles des services de renseignement ? Je rappelle que les Belgo-Marocains qui ont perpétré les attentats du 13 novembre les ont préparés depuis l'extérieur du territoire français et que ceux qui sont revenus de Syrie ont franchi les frontières de plusieurs États de l'Union européenne. Nos services travaillent à flux tendus, et l'on ne parle guère des 11 attentats déjoués depuis un an ni des 18 filières démantelées l'an passé.

La sous-direction anti-terroriste (Sdat) et la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) ont interpellé 40 personnes depuis un mois, dont la moitié sont sous contrôle judiciaire ou en détention. Il faut leur rendre hommage, ainsi qu'aux forces de l'ordre du plan Sentinelle, qui - faut-il le rappeler aux théoriciens pavloviens des violences policières ? - assurent au péril de leur vie la protection de tous les Français et garantissent l'exercice de leurs libertés fondamentales. (Applaudissements sur les bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE, UDI-UC, Les Républicains) Pour une fois, témoignez-leur un peu de reconnaissance plutôt que de relever d'éventuelles bavures - sur lesquelles je serai intransigeant.

Je prépare tous les jours la sortie de l'état d'urgence. Certaines personnes sont expulsables au terme de leur assignation à résidence ; la loi pénale à venir contient des mesures utiles, tout comme la proposition de loi Bas, sur lesquelles nous reviendrons.

La pénalisation de la consultation habituelle de sites terroristes s'inspire des dispositions existantes proposées en matière de répression de la pédopornographie, dont le Conseil d'État a évoqué l'inconstitutionnalité.

Monsieur Mézard, nous avons constamment à l'esprit le renforcement des mesures de droit commun.

Madame Benbassa, madame Assassi, compte tenu du niveau et du caractère inédit de la menace - 2 200 Français sont concernés par l'islamisme radical et sont présents pour la plupart sur notre territoire, ce qui n'a rien à voir avec la situation du GIA algérien dans les années 1990 - nous avons l'obligation de nous doter des moyens d'y faire face.

Nous prenons toutes les précautions pour éviter toute dérive. Loin de remettre en cause les libertés publiques, il s'agit de les protéger. Je présente ainsi ce texte non pas avec la conscience tranquille - comment serait-ce possible ? - mais avec la sincérité d'un républicain. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE UNIQUE

M. Gaëtan Gorce .  - La façon dont l'exécutif s'adresse aux Français est décisive. Nous sommes un grand pays, et les Français ont foi en leurs valeurs, censées venir à bout de tous leurs adversaires.

Notre histoire nous dit que la France de 1914 n'est pas celle de 1940 ; si celle de 1959 a su se redresser quand celle de 1958 n'en semblait pas capable, c'est grâce à la parole d'un homme. Le général de Gaulle a su trouver les mots que n'avaient pas trouvés les Pflimlin et les Guy Mollet.

De la France du repli et de la haine il n'y a rien de bon à attendre. C'est à la France du sursaut qu'il faut parler, en en appelant à nos valeurs, en exhortant à ne céder sur rien ! (Applaudissements sur quelques bancs socialistes)

M. Pierre-Yves Collombat .  - J'ai voté l'état d'urgence, sa prorogation de trois mois, mais ne voterai pas ce texte. D'abord parce que l'effet de surprise qui le rend efficace s'est dissipé - ce qu'a reconnu Jean-Jacques Urvoas encore président de la commission des lois et de la commission de suivi de l'Assemblée nationale. Ensuite, parce que la persistance du danger prouve que le traitement de celui-ci relève de bien autre chose que de l'état d'urgence - M. Urvoas le reconnaissait aussi...

Je déplore que le Gouvernement n'accorde guère d'importance au terreau idéologique du terrorisme, dont la stérilisation est pourtant une obligation permanente.

En cas de nouvel attentat, les Français ne comprendraient pas, dit-on, que l'on ait mis fin à l'état d'urgence. Comprendraient-ils mieux, état d'urgence ou pas, une nouvelle tuerie ? Je ne le pense pas. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen ; Mme Esther Benbassa applaudit également)

M. Jean-Yves Leconte .  - Le principal enjeu est ce qui adviendrait des 339 assignations à résidence qui peuvent être annulées... Cela rend indispensable la prorogation de l'état d'urgence, mais sans doute pas dans les mêmes conditions que pendant les trois premiers mois.

Le pays a besoin de sérénité. Alors que la menace est mondiale, la France doit rester exemplaire pour mobiliser ses partenaires.

L'état d'urgence est indispensable pour gérer la menace, nous suivrons le Gouvernement. Mais si la politique de sécurité l'est aussi pour se projeter dans l'avenir avec confiance, elle ne suffit pas.

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 3

Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :

Il peut également y être mis fin par le Parlement qui apprécie, au terme d'un délai de trente jours, si les conditions fixées à l'article 1er de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence demeurent réunies.

Mme Éliane Assassi.  - Des comités de suivi de l'état d'urgence ont été institués à l'Assemblée nationale et au Sénat, et l'Assemblée nationale a ajouté au projet de loi constitutionnel, avec l'accord du Gouvernement, le principe d'un contrôle parlementaire. Hostiles à la constitutionnalisation de l'état d'urgence, nous proposons, pour l'heure, d'inscrire dans la loi que le Parlement peut y mettre fin après trente jours.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Trente jours ? Pourquoi pas trois ? Le Parlement est souverain, ne limitons pas ses droits... Avis défavorable.

Mme Éliane Assassi.  - Vous êtes extraordinaire !

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

L'article unique est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°2, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la première phrase du premier alinéa de l'article 6 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence, les mots : « à l'égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace pour la sécurité et l'ordre publics » sont remplacés par les mots : « dont le comportement est dangereux pour la sécurité et l'ordre publics ».

Mme Christine Prunaud.  - Pendant l'état d'urgence, il suffit, pour décider d'une assignation à résidence, d'avoir des « raisons sérieuses de penser » que le « comportement » d'une personne menace la sécurité et l'ordre publics. Selon le rapporteur public du Conseil d'État, on peut ainsi prendre en compte un simple risque, mais celui-ci est par nature difficile à apprécier. Résultat : une augmentation exponentielle du nombre de perquisitions et d'assignations à résidence et une contradiction avec la prévisibilité de la loi : nous proposons de revenir à la rédaction initiale de la loi de 1955.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - La commission des lois a choisi de ne pas revenir sur les modifications apportées en novembre à la loi de 1955 - qui devra être revue si la révision constitutionnelle arrive à son terme.

En outre, les mesures de police administrative ont un objectif de prévention. Un « comportement » dangereux, lui, appelle des poursuites judiciaires. Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°2 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°3, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le I de l'article 11 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence est ainsi modifié :

1° Après la deuxième phrase du deuxième alinéa, est insérée une phrase ainsi rédigée :

« Une copie de l'ordre de perquisition est remise à la personne faisant l'objet d'une perquisition. » ;

2° Le quatrième alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Une copie de ce compte rendu est remise à l'intéressé. »

Mme Laurence Cohen.  - De prolongation en prolongation, l'état d'urgence, qui devait être provisoire, devient permanent et source de nombreuses dérives. Pour limiter l'arbitraire, le cadre juridique des perquisitions administratives doit être précisé.

Si aucun compte rendu n'est remis à l'intéressé, comment celui-ci exercerait-il son droit au recours ? De plus, si le dernier alinéa des ordres préfectoraux de perquisition précise qu'il doit être notifié à la personne interrogée, cela est rarement fait.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Les ordres de perquisition prévoient, nous l'avons constaté, la remise d'une copie du compte rendu. M. le ministre devrait vous satisfaire en rappelant cette obligation aux préfets. Retrait.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Un projet de loi ordinaire complètera, après la révision constitutionnelle, le régime de l'état d'urgence et notamment celui des perquisitions administratives. Le compte rendu est un document administratif au sens de la Cada : il peut donc être communiqué sur demande. Avis défavorable.

Mme Laurence Cohen.  - J'entends, mais nous avons eu un tout autre écho...

L'amendement n°3 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°4, présenté par Mme Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'article unique

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 14-1 de la loi n° 55-385 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« La condition d'urgence est présumée remplie pour le recours juridictionnel en référé d'une mesure d'assignation à résidence. »

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Sur un tel projet de loi, la brièveté de notre débat a de quoi surprendre... Sous prétexte d'un contexte national et international qui ne disparaîtra pas en trois mois, le Gouvernement veut gagner du temps pour introduire une grande partie des dispositions de l'état d'urgence dans son projet de loi de réforme pénale...

En dépit de la décision du Conseil d'État du 11 décembre 2015, les personnes assignées à résidence au cours de l'état d'urgence ne disposent pas d'un réel droit au recours si la condition d'urgence n'est pas reconnue. D'où cet amendement. Elle serait présumée remplie pour un recours devant le juge des référés.

M. Michel Mercier, rapporteur.  - Amendement intéressant, qui reprend un élément du droit prétorien en train de se construire... Nous y reviendrons bientôt. Pour l'heure, évitons de prolonger la navette, et montrons ainsi notre fermeté à l'opinion comme aux terroristes. Avis défavorable.

M. Bernard Cazeneuve, ministre.  - Même avis.

L'amendement n°4 n'est pas adopté.

Le projet de loi est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°144 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 343
Pour l'adoption 315
Contre 28

Le Sénat a adopté.

(Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes socialiste et républicain, RDSE, UDI-UC et Les Républicains)

La séance est suspendue à 16 h 55.

présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président

La séance reprend à 17 h 5.

Liberté de création, architecture et patrimoine

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.

Discussion générale

Mme Fleur Pellerin, ministre de la culture et de la communication .  - Certaines lois, chemin faisant à bas bruit devant les assemblées, deviennent des jalons pour les politiques qu'elles portent. Il en va ainsi de celle-ci au regard de l'intense travail mené par la commission de la culture et du nombre d'amendements déposés.

Il n'y a pas un domaine de l'action culturelle qui ne soit ébranlé par les mutations contemporaines. Nous devons nous y adapter pour conforter la vie culturelle et artistique, le patrimoine qui font partie des liens qui nous rassemblent. Ces temps troubles renforcent la responsabilité de l'exécutif et du législateur.

Tout ne relève pas de la loi. Mais celle-ci s'imposait pour moderniser d'abord la protection du patrimoine. Celui-ci ne se limite plus aux grands monuments, ni à leurs abords et aux quartiers remarquables, protégés depuis la loi de 1962 voulue par Malraux - un chef-d'oeuvre isolé, disait-il, est un chef-d'oeuvre mort. Les collectivités territoriales y apportent leur indispensable concours depuis les lois Defferre.

Aux châteaux des princes se sont ajoutés les usines, les quartiers historiques, les cités ouvrières, les maisons anonymes... Tous les éléments de notre patrimoine font désormais l'objet de l'attention et de la fierté des Français. Leur engagement associatif, le succès des Journées du patrimoine en témoignent.

Le démantèlement heureusement évité de sites éminents comme la villa Cavrois de Mallet-Stevens, la dispersion de leur mobilier imposent de renforcer notre arsenal législatif de protection.

À côté de l'exode rural qu'invoquait Malraux pour justifier la loi de 1962, il faut aujourd'hui prendre en compte les petites migrations vers les périphéries des villes et villages qui vident les centres et mettent en péril des villages entiers. Le patrimoine meurt lorsqu'il n'est plus vivant, lorsqu'il n'est plus utilisé. Mais il n'y a là aucune fatalité, comme le montrent les exemples de Chinon sous l'impulsion de votre ancien collègue Yves Dauge, de Besançon, de Cahors ou du Havre. Avec la ministre du logement, j'ai proposé de lancer une mission à ce sujet. Un cadre juridique plus lisible facilitera le travail des élus, et rendra le patrimoine plus attractif : c'est l'objet des « cités historiques » créées par le projet de loi, qui devraient d'emblée être au nombre de 800.

Les inquiétudes exprimées à ce sujet sont légitimes. Sémantique d'abord, mais depuis le XIVe siècle et les chroniques de Jehan Froissart, on appelle cité le quartier le plus ancien d'une ville. Depuis Zola et Son Excellence Eugène Rougon, ce nom peut même s'appliquer à tout ensemble bâti.

Mme Françoise Férat, rapporteur de la commission de la culture.  - Bâti !

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Enfin, si nous voulons fédérer, pouvons-nous laisser subsister des sigles abscons, comme ZPPAUP ou Avap ? Je veux qu'on reconnaisse la valeur d'une cité historique comme on reconnaît celle d'un monument historique.

Je veux aussi apaiser l'inquiétude des élus locaux : l'État continuera d'être aux côtés des collectivités territoriales, par la procédure de classement, par son concours technique et financier, par l'intervention des architectes des bâtiments de France et celle des commissions ad hoc.

Aucune politique n'est plus partenariale que la protection du patrimoine, et j'ai voulu renforcer le rôle de garantes de la protection du patrimoine qu'est celui des collectivités territoriales. Je suis prête, aussi, à travailler sur l'idée du plan de mise en valeur du patrimoine annexé au PLU émise par Mme Férat.

Sur l'archéologie préventive, nos désaccords demeurent. L'Assemblée nationale a voulu rétablir un équilibre en renforçant les standards, en clarifiant le périmètre d'intervention des différents acteurs, en garantissant le caractère scientifique des fouilles et en associant les services spécialisés des collectivités - sans préjudice du rôle des entreprises privées. J'espère vous convaincre.

Le patrimoine, facteur d'attractivité et de vie culturelle, est aussi un point de repère dans un monde en mouvement. Mais nous ne cherchons pas à retourner au passé, à rigidifier ou à mythifier le patrimoine, à entretenir le fantasme d'une France éternelle : attentifs au passé, nous nous voulons ouverts à l'avenir. Le patrimoine nous rappelle que nous sommes mortels, nous montre que des hommes sont passés avant nous et que d'autres hommes viendront après nous. Sa protection ne doit pas être le prétexte à fustiger la création contemporaine. Qui peut contester que la splendeur du Louvre ait été rehaussée par la pyramide de Pei ?

C'est pourquoi le Gouvernement a voulu rassembler dans une même loi des dispositions relatives au patrimoine et à la création. L'article premier élève la liberté de création au rang de liberté fondamentale. On lui a reproché son manque de contenu normatif, sa sobriété ; mais la loi est aussi là pour rendre possible. La France est un pays où l'art et la création ont une place singulière, où la politique ne dicte pas sa loi à l'art.

Je regrette le sort que la commission a réservé à la plus grande liberté que nous offrons aux architectes. Vous revendiquez votre attachement à une création artistique libre, mais vous refusez de leur accorder la liberté d'expérimenter, dans des conditions pourtant encadrées. Vous vous inquiétez de l'uniformité des entrées de villes mais vous refusez que les architectes interviennent davantage dans les constructions individuelles, pour les petites surfaces. Malraux invitait pourtant à choisir la modernité - quand l'ancien entre en jeu, disait-il, la reconstruction aboutit inévitablement à l'ersatz. J'espère vous convaincre.

S'agissant des relations entre les acteurs - artistes, producteurs, diffuseurs ou distributeurs -, la loi ne s'imposera qu'à défaut d'accord. Nous avons voulu rendre plus transparentes les relations entre artistes et producteurs, et je me félicite que votre commission, à l'initiative de M. Assouline, ait étendu à l'audiovisuel les dispositions applicables au cinéma. Sur les relations entre producteurs et diffuseurs, en revanche, je ne puis souscrire aux modifications apportées en commission. C'est aussi la transparence que nous avons privilégiée pour rééquilibrer les relations entre artistes-interprètes et producteurs de musique d'une part, et entre producteurs et plateformes de musique en ligne d'autre part. Le développement équitable de la musique en ligne a fait l'objet d'un accord sans précédent ; d'autres négociations sont en cours, qu'il ne faut pas déséquilibrer.

Je regrette que vous refusiez l'extension de la licence légale au webcasting linéaire, qui n'est que l'application du principe de neutralité technologique.

Les libertés de programmation et de diffusion sont notre fierté. Elles sont la condition même de la culture, et doivent être garanties. Y participent aussi les dispositions qui offrent un cadre pérenne à l'intervention publique : labels, droits sociaux ouverts aux professions du cirque et de la marionnette, formation des artistes en devenir, caractère inaliénable des collections publiques des Fonds régionaux d'art contemporain.

Je veux donner la possibilité aux artistes de créer librement dans un environnement nouveau, permettre aux acteurs culturels d'exercer leur métier dans un cadre sécurisé, soutenir l'emploi, mieux protéger le patrimoine au bénéfice de tous. Mon objectif est bien l'accès de tous à la culture, d'où l'exception au droit d'auteur pour les personnes handicapées par exemple, dont je me réjouis qu'elle soit consensuelle.

J'espère que nous parviendrons à un accord sur la réforme des conservatoires, grâce auxquels le plus grand nombre a accès à une formation artistique exigeante. J'ai souhaité conforter les principes de la loi de 2004, tout en réengageant l'État. Comment ne pas vouloir accompagner les douze millions d'artistes amateurs que compte notre pays ? Je sais Mmes Blondin et Robert très soucieuses d'une culture participative.

C'est l'avenir de notre culture que vous avez entre vos mains, et l'avenir des Français qui cherchent dans la culture les liens qui nous unissent et nous élèvent. Ce texte conforte la place reconnue aux artistes dans notre société. Permettons aux jeunes générations d'avoir accès à une vie culturelle toujours aussi riche et intense, où ils trouveront les moyens d'affronter les turbulences du monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur de la commission de la culture .  - Enfin ce texte tant attendu arrive ! On nous avait annoncé une grande loi sur le spectacle vivant, une autre pour remplacer Hadopi, une autre sur le patrimoine, une autre encore sur la création... Nous avons aujourd'hui toutes ces lois dans un texte passablement touffu.

Nous regrettons les habilitations à prendre des ordonnances...

M. Charles Revet.  - Encore ! On ne fait plus que cela désormais !

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - ... et les demandes de rapports au Gouvernement. Ce texte a un bel étendard, son article premier, sublime de dépouillement : « La création artistique est libre ». Mais ensuite, quelles litanies !

La commission a ajouté de l'intelligibilité au texte. Nous avons amélioré les dispositions sur l'audiovisuel, faisant par exemple passer à 60 % la part de la production indépendante, en définissant l'indépendance par le seul critère de détention capitalistique ; nous avons supprimé la réforme des webradios, à l'impact trop incertain ; clarifié la répartition des compétences sur les conservatoires afin de faire de la région le vrai chef de file ; créé un dispositif innovant en matière de mécénat territorial ; amélioré la transparence et la gouvernance de la commission de la copie privée. Je reviendrai sur tous ces points et sur d'autres... (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Françoise Férat, rapporteur de la commission de la culture .  - Examinant le titre II, notre commission a travaillé dans un esprit constructif, apportant des améliorations de bon sens, simplifiant, rendant la rédaction plus concise.

Nous n'avons pas rejeté en bloc le dispositif relatif aux espaces protégés au titre du patrimoine, mais l'avons modifié profondément.

Nous avons cherché à préserver les intérêts des collectivités territoriales qui demandent un cadre simple et qui veulent être accompagnées sans subir de contraintes excessives. Sur l'architecture, nous avons maintenu les dispositions initiales du projet de loi, mais avons modifié celles relatives à la lutte contre les signatures de complaisance et amélioré l'exigence de qualité architecturale des lotissements. Nous avons supprimé les articles allant à l'encontre de l'impératif de simplification ou ceux pénalisant nos concitoyens, comme l'abaissement du seuil d'intervention des architectes.

Nous approuvons la présomption de propriété publique sur les biens archéologiques mobiliers qui ont un intérêt scientifique, mais récusons l'extension du contrôle de l'État sur les acteurs publics et privés de l'archéologie préventive, pour réduire la concurrence au seul bénéfice de l'Inrap...

M. Charles Revet.  - Incroyable !

Mme Françoise Férat, rapporteur.  - Hormis notre opposition sur ce point, nous abordons l'examen du texte dans un esprit constructif et c'est avec la même ouverture d'esprit que nous examinerons les amendements qui seront présentés.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission de la culture .  - Grand millésime ou petite année ? Ni l'un ni l'autre. Une bouteille à moitié vide ou à moitié pleine, voici l'impression que donne cette loi tiroirs, qui n'est malheureusement pas une loi de décentralisation suivie de lois-cadres sur chaque secteur.

Il y a du bon et du moins bon. Certaines mesures sont bienvenues, souvent issues de la négociation interprofessionnelle, comme sur la musique. D'autres sont plus contestables, je pense à l'archéologie préventive. L'Assemblée nationale a corrigé certains oublis regrettables, comme sur l'enseignement artistique spécialisé. Depuis 1977, le Parlement n'a pas eu à connaître de l'architecture. Il était temps de réfléchir au nouveau rôle de l'architecte dans la cité. Certains points feront débat.

Difficile de porter un jugement sur ce texte. Bien des acteurs se sentent les grands oubliés, souvent à tort : tout ne passe pas par la loi.

La commission de la culture a adopté 34 articles sans modification, de nombreux autres avec des modifications marginales. Pour une fois, nous ne sommes pas soumis à la brutalité de la procédure accélérée. Nous pouvons construire un système équilibré entre liberté locale et défense du patrimoine. Le nombre d'amendements déposés montre que notre rapporteur a eu raison sur le droit de suite - qui pourra être légué par l'artiste à une institution.

Le Sénat est au rendez-vous pour prendre toute sa part dans un texte qui, sans être une grande loi, est une opportunité pour faire vivre l'exception culturelle.

Alors que l'obscurantisme frappe de manière barbare les sites archéologiques, les musées et ceux qui les fréquentent ou y travaillent, comme le dit Didier Hallépée : « Notre culture repose sur deux besoins intrinsèques de l'être humain : la soif d'apprendre, la soif de transmettre ». La culture n'existe pas pour elle-même, elle est avant tout développement humain. (Applaudissements au centre et à droite ; Mmes Marie-Christine Blandin et Corinne Bouchoux applaudissent également)

M. David Assouline .  - Nous avons trop longtemps attendu cette loi. Aujourd'hui, les circonstances que nous traversons, le terrorisme contre notre mode de vie, la remise en cause de nos valeurs républicaines et laïques, le chômage de masse appellent aussi une réponse culturelle. Notre culture, un concentré de valeurs humanistes, fruit des apports de tous ceux qui sont venus s'installer dans notre pays, est menacée.

Ils tuent des dessinateurs, des spectateurs de concerts, des juifs parce que juifs dans le pays du J'accuse de Zola, ils saccagent des oeuvres du patrimoine, brûlent des livres, interdisent le chant.

La culture est ciblée ; nous devons répondre par la culture, et par elle redonner du sens à la politique. Alors que la tentation éternelle d'accuser l'autre de ses difficultés semble plus prégnante que jamais, être bouleversé par un film, reprendre en choeur un refrain, déguster les mots d'un auteur vieux de plusieurs siècles, danser sur les musiques de tous les continents, c'est l'antidote à la haine et au terrorisme. La culture n'est pas un supplément d'âme, c'est notre âme. Nous devons lui redonner toute sa force, sa capacité d'entraînement, d'utopie... La bataille culturelle de la République pour ses valeurs doit être aussi une bataille pour la culture.

Avec ce texte, les artistes seront mieux rémunérés, les pratiques amateurs garanties. Bravo, madame la ministre, d'affirmer la liberté de création ! Dans le même mouvement, nous proposons un article premier bis disposant que la diffusion de la création est libre. Cela est nécessaire face à la concentration croissante, qui se cache derrière l'abondance de l'offre, qui ne garantit pas la diversité, dans tous les secteurs - pas même le livre n'est épargné.

Le marché et sa brutale recherche de profit ne permet pas d'atteindre la qualité et la diversité. Il est donc nécessaire de le réguler. Dans cette même logique, la France a obtenu le retrait des biens culturels de la négociation du Tafta ; et nous devons rester vigilants sur la directive en préparation sur le droit d'auteur. Prenons garde au délitement de notre exception culturelle et à l'effacement du citoyen devant le consommateur. La culture devient une marchandise comme les autres, minant les objectifs de la politique culturelle : égalité d'accès de tous à la culture et aide à la création.

Une juste rémunération à toutes les étapes est une nécessité : la captation de valeur par les grands acteurs tels que Google, Amazon ou Apple, qui se jouent du droit fiscal comme des droits d'auteur, remet en question la création elle-même.

Les actionnaires ont souvent peu à voir avec le monde de la culture. Nous déposons donc des amendements corrigeant les abus de notre commission ; ainsi le dispositif de M. Leleux concernant les producteurs indépendants et les diffuseurs parviendrait à tuer toute la création indépendante.

Sur le patrimoine, l'archéologie et l'architecture, nous soutenons la modernisation, mais sans jamais brader la qualité ni l'harmonie entre les collectivités territoriales et l'État, sans faire prévaloir une logique libérale au détriment de la protection du patrimoine.

Après l'inscription du statut des intermittents dans la loi et des arbitrages budgétaires en hausse, ce texte est une nouvelle étape bienvenue. Nous le soutenons et essaierons de l'améliorer. S'il n'est pas dénaturé, nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs socialistes)

Mme Marie-Christine Blandin .  - Voici le beau projet, le projet attendu par les acteurs. La culture se nourrit de la sensibilité des artistes. Elle utilise toutes les voies sensibles pour nous faire entrer en émotion. Nous rions, nous révoltons, sommes déstabilisés, rencontrons les autres par la culture. Qui ne se souvient avoir été ébloui par un spectacle, une exposition ?

L'année 2015 a été faite d'effroi, de compassion, mais aussi de relents xénophobes. Plus que jamais, la France ne doit laisser quiconque dans une solitude aigrie et peureuse. Les droits culturels ne sont pas un luxe, mais la promesse d'un avenir commun émancipateur, désirable, les ferments de notre démocratie.

L'article 2, alinéa 3 mentionne la parité hommes-femmes ; nous aurions pu ajouter l'absence de discriminations, tant il subsiste de mises à l'écart. Amateurs de slam ou de chant grégorien, pauvres ou riches, ruraux ou urbains, valides ou invalides, personne ne doit être exclu de la culture.

Après la phase - peu normative - selon laquelle « la création est libre », le soufflé est retombé. Les parlementaires ont été harcelés par les différentes catégories aux intérêts contraires - architectes versus géomètres, éditeurs versus producteurs, etc. Malheur à ceux qui n'ont pas les bonnes entrées, tels les paysagistes, les photographes, la musique actuelle.

Les conférences territoriales de l'action publique devront, pour leur volet culturel, se nourrir de la créativité des habitants, n'ignorer ni la culture ouvrière ni la culture paysanne...

Ni dans l'interministériel, ni au Parlement n'a été prise à bras le corps la question des droits sociaux des plasticiens, alors que l'on a fait des progrès pour les intermittents. Le soutien à la création, c'est aussi la dignité de l'accueil à Pôle Emploi. Il est temps de réparer le filet, quitte à bousculer le fonctionnement en silo de certains guichets... (Applaudissements sur les bancs du groupe écologique et sur quelques bancs des groupes socialiste et républicain et communiste républicain et citoyen)

M. David Rachline .  - Votre ambition pour la culture est bien floue. Vous êtes plus habile dans les effets de manche que dans l'exercice du pouvoir... (Protestations)

Ce texte, l'unique texte sur la culture du quinquennat, ressemble à une grosse ratatouille : on y trouve de tout. Quelle déception... La culture, c'est une langue - je ne m'appesantirai pas sur l'ubuesque réforme de l'orthographe - et c'est un patrimoine.

L'instauration des cités historiques masque le désengagement de l'État. Jamais le financement de la culture n'a été aussi menacé, via la baisse drastique des dotations aux collectivités.

M. Pierre Laurent.  - C'est votre programme !

Mme Éliane Assassi.  - Et votre élu à Metz ?

M. David Rachline.  - Des disparités énormes entre territoires en seront les conséquences. Je m'oppose à ce que la modification du périmètre de 500 mètres soit à l'initiative de la commune, l'État n'intervenant qu'a posteriori. La suppression de l'abaissement à 150 mètres carrés de la nécessité de faire appel à un architecte sera, lui, source de frais supplémentaires pour nos concitoyens. Pourquoi vous mêler des bénévoles, que vous appelez artistes amateurs ? Laissons les hommes et les femmes de bonne volonté agir en paix, et souvent dans l'excellence - je pense au parc du Puy du Fou en Vendée. Nous ne voterons ce texte que si nos amendements sont adoptés.

Mme Françoise Laborde .  - La liberté de création est essentielle. Mais, comme toute liberté, elle est fragile, et donc à préserver. En décembre dernier, nous avons été effarés par la vandalisation à trois reprises de l'exposition d'Olivier Ciappa portant sur l'universalité du sentiment amoureux, et figurant des couples homosexuels. Kandinsky disait que l'essentiel dans une forme était qu'elle naisse d'une nécessité intérieure. Proclamons la liberté de création et encourageons cette nécessité intérieure.

La création doit bénéficier à un large public. Les dynamiques locales créent du lien, stimulent l'économie et construisent notre patrimoine. La diffusion doit être soutenue, dans les écoles, dans les rues, comme à Aurillac avec le festival cher à Jacques Mézard. La protection du patrimoine autorise son partage par le plus grand nombre. Le projet de loi apporte des réponses utiles comme sur les pratiques amateurs ; nous souscrivons à votre article premier, que nous souhaitons compléter par la liberté de diffusion.

Nous souhaitions voir inscrit dans la loi le financement du troisième cycle des conservatoires. Mon amendement a hélas été déclaré irrecevable au titre de l'article 40 de la Constitution.

Les douze millions d'amateurs en France sont une grande richesse. Nous avons des propositions pour la protection des artistes interprètes. Je regrette certains ajouts de la commission, et notamment des modifications de seuil sans souci des conséquences... Il faut maintenir un haut niveau de création architecturale en France sans pour autant limiter l'accès à la propriété.

Nous espérons pouvoir voter le texte la semaine prochaine. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE et sur quelques bancs des groupes UDI-UC, socialiste et républicain, et écologiste)

M. Pierre Laurent .  - Voici une loi attendue, retardée, repoussée. Mieux vaut tard que jamais, me direz-vous ? Mais affirmer la liberté de création aurait eu plus de sens la première année du quinquennat.

Elio Vittorini le disait, « la culture est la force humaine qui découvre, dans le monde, les exigences d'un changement ». La culture, si elle se fige, n'est plus qu'une pâle copie d'elle-même.

Ce texte n'est pas superflu, tant la culture est au coeur du combat à mener contre tous les totalitarismes. Les bouddhas de Bâmiyân ou les ruines de Palmyre nous appellent à défendre la culture lorsque les idéologues de la régression la mettent en danger ; nous devons faire vivre une République qui ne souffre pas d'assèchement de la culture.

La politique culturelle, pour quoi faire ? Pour assurer un égal accès à la culture à tous les citoyens, quelle que soit leur couleur de peau, leur compte en banque, leur état de santé. Pour garantir la fraternité républicaine.

L'État doit piloter cette politique. Certes, l'engagement des collectivités territoriales est important, mais il doit être protégé. Sans un partenariat solide, toute la culture est fragilisée.

Nous voulons ancrer la culture dans le service public pour la sortir du monde marchand. Sans les artistes, la massification culturelle aurait été laissée au seul marché.

La révolution numérique apporte de nouveaux défis. Sans de nouvelles protections, l'exception culturelle sera réduite comme peau de chagrin. Nous entrons dans ce débat avec des exigences proportionnelles au retard pris. Lever la censure ne suffit pas à assurer la liberté culturelle ; il y faut des moyens.

Ce projet de loi marque un progrès, mais qui n'est pas suffisant, et pas général - les plasticiens sont oubliés. Nos collègues de l'Assemblée nationale ont enrichi le texte et le Sénat devrait s'employer à poursuivre la tâche. Les ajouts des députés doivent être encadrés et précisés. Les dispositions sur l'éducation artistique sont faibles. Nous avons dû voter contre le texte de la commission à cause du détricotage des avancées sur l'archéologie préventive à l'Assemblée nationale, la suppression de la licence légale pour les webradios, le recours restauré au crédit impôt recherche pour les fouilles archéologiques, le recul sur les dispositions anticoncurrentielles dans le secteur de la radio ou encore la rémunération diminuée de certains artistes.

Trente-six demandes d'habilitations avant le passage en commission au Sénat, c'est beaucoup trop ! Il y a néanmoins des points positifs, comme sur le médiateur de la musique, la place des femmes artistes ou le rapprochement des mondes artistique et universitaire. Mark Twain disait : ils ne savaient pas que c'était impossible, c'est pourquoi ils l'ont fait. Ainsi nous tenterons d'améliorer le texte et le voterons si nous sommes suivis. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen, sur quelques bancs du groupe socialiste et républicain et du groupe écologiste)

Mme Colette Mélot .  - Le projet de loi ne fait qu'effleurer quelques sujets majeurs. On ne compte pas les mesures disparates. Le volet création comporte peu de fond, trop de dispositions purement formelles. C'est un catalogue de bonnes intentions.

Le Gouvernement a largement communiqué sur une mesure phare : l'inscription dans la loi de la liberté de la création. Nous pouvons rester sereins car en ce début de XXIe siècle en France, la création n'a jamais été aussi libre, protégée par les tribunaux, reconnue au titre de la liberté d'expression. Nous ne nous battrons pas sur l'article premier.

Nous avons beaucoup de points de désaccord, comme sur le médiateur de la musique, qui témoigne des mauvaises méthodes du Gouvernement, avec son périmètre trop flou. Votre empressement sur ces webradios nous a privés d'une étude d'impact ; artistes-interprètes et producteurs seront pénalisés. Pourquoi tant d'ajouts en dernière minute à l'Assemblée nationale, souvent à l'initiative du Gouvernement ? Et que de lacunes... Pauvre sur l'audiovisuel, peu ambitieux pour l'emploi et l'activité professionnelle, quasi muet sur le livre, ce texte comporte aussi des excès qu'il convient de corriger. La proposition relative à la production audiovisuelle a beaucoup fait parler d'elle. Il est temps de redistribuer les cartes, alors que les chaînes sont en concurrence avec Netflix et Youtube. Il faut donner les moyens à la création de se développer au sein de grands groupes audiovisuels. Si les concurrents internationaux l'emportent, tous seront perdants.

Sur l'architecture et le patrimoine, les dispositions proposées bouleversent notre régime. L'État conserverait un rôle d'assistance technique et financière, les collectivités territoriales se voyant libres d'adopter les règles dans leur PLU. Le Sénat ne saurait se réjouir d'une telle mesure, car les majorités locales passent, le patrimoine reste !

Les amendements adoptés en commission permettent de garantir stabilité des règles et bon niveau de protection patrimoniale. La volonté première des collectivités territoriales n'est pas d'accroître leur autonomie mais d'être accompagnées efficacement.

Sur l'archéologie préventive, la démarche retenue est curieusement inverse, qui renforce le rôle de l'Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap)... Faisons preuve d'audace mais aussi de prudence, pour protéger un patrimoine que le monde nous envie. (Applaudissements au centre et à droite)

M. Philippe Bonnecarrère .  - Ce texte est riche de dispositions techniques, moins de confiance dans la vitalité culturelle. Nos rapporteurs ont beaucoup de mérite, sur un texte portant en quelque sorte « diverses dispositions d'ordre culturel ». Loi Macron, numérique... la démarche est toujours la même : le nombre de dispositions, techniques, submerge le législateur.

Dit autrement, ce texte manque de sens, mais aussi d'ambition. Une culture, objet vivant, n'a pas besoin d'être défendue article par article, elle se défend par sa vitalité propre. Je lis l'article 2, véritable caverne d'Ali Baba, comme une marque de défiance à l'égard de notre culture. Lorsqu'on se fixe 17 objectifs, c'est que l'on n'en a en réalité aucun...

Autre preuve de ce manque de confiance : la sanctuarisation du budget de la culture, qui ne saurait tenir lieu de politique culturelle.

Assimiler l'exercice de la liberté de création à un service public était pour le moins curieux : le service public est un moyen ; il n'est en rien constitutif d'une liberté.

Je serai plus prudent que M. Leleux sur la définition des producteurs indépendants dans le secteur audiovisuel. Je comprends l'intention, et l'on perçoit dans vos amendements une véritable inquiétude sur le destin des grands médias ; mais il faudra trouver un équilibre. Les centristes, naturellement attachés à l'indépendance, le sont aussi à celle des médias.

Mme Férat s'est attachée à la qualité de la politique patrimoniale, à la mise en valeur des paysages, et il faut lui en savoir gré. Nous manquons en France d'une culture architecturale, au sens large du terme. Tous ceux qui ont l'expérience de la gestion d'une collectivité territoriale savent que l'urbain est transversal.

Bravo pour le travail réalisé sur la mise en valeur du patrimoine, nous devrons garder en la matière le standard le plus élevé. Mais attention à ne pas verser de manière excessive dans le jacobinisme : les élus locaux ont le sens du patrimoine, et la vérité ne réside pas forcément dans les documents coproduits par l'État plutôt que dans le plan local d'urbanisme.

Ne surestimons pas non plus la capacité de l'État à accompagner localement la création ou la révision des documents, alors que les effectifs sont réduits à peau de chagrin. Ne sous-estimons pas, à l'inverse, les délais et coûts de réalisation des plans de sauvegarde et de mise en valeur : il faudra trouver un équilibre sur ce point également.

Bref, le groupe UDI-UC attend qu'un nouveau souffle soit donné à ce texte. Les sénateurs centristes, contrairement à d'autres, n'éprouvent nullement le besoin de proclamer que la culture est au coeur de leur projet politique : elle fait partie de notre ADN.

Nous souhaitons l'amélioration de ce texte, mais le voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC)

Mme Sylvie Robert .  - Cette année 2015 marque un tournant dans la vie démocratique de notre pays qui a redécouvert le visage de la barbarie. Nous avons tous vacillé, incrédules ; puis nous nous sommes collectivement relevés, et les débats ont repris.

Dans certains pays d'Europe centrale, la liberté des médias, conquise jadis de haute lutte, est remise en cause. L'édifice bâti par la philosophie des Lumières subit les assauts répétés des opposants à la liberté de conscience. Des raisons pernicieuses sont invoquées à l'appui d'un recul de la raison.

Ce texte touche à la culture mais aussi, par là même, à la démocratie. Face à la vandalisation d'oeuvres dont le seul tort est de nous pousser à nous interroger, l'article premier est salutaire.

Croyant aux valeurs, mais aussi à la sanction, je proposerai la création d'un délit d'entrave à la liberté de créer - qui mérite d'être un droit effectif, non seulement déclaratif. L'artiste a toujours revendiqué son droit de déranger : il est inaliénable. Dans le contexte actuel, il est essentiel de rassurer les créateurs et de prévenir les défauts de soutien à certains projets.

L'article 2, qui énumère les finalités de la création artistique, est une avancée notable, que nous souhaitons récrire pour plus de clarté.

Les dispositions sur l'architecture, certes imparfaites, ont été presque toutes supprimées en commission : le groupe socialiste et républicain proposera d'en rétablir une bonne part. Lorsque les paysages habités dessinent de plus en plus notre environnement, il est nécessaire de guider l'architecture. Les zones d'entrée de ville sont un enjeu particulièrement crucial. Pourquoi ne pas instituer un dispositif expérimental pour prévenir la défiguration de notre environnement ?

La liberté de diffusion, sans laquelle celle de créer est nulle, doit être affirmée. Mais nous avons changé d'ère : il est temps de reconnaître l'identité et la diversité culturelle des individus. C'est pourquoi je souhaite voir figurer la notion de « droits culturels » à l'article 2. L'action publique en matière de culture est de long terme, imperceptible. Elle nous confère une grande responsabilité collective. Je conclurai avec René Char : « Dans l'inaccompli bourdonne l'essentiel ». (Applaudissements à gauche)

Mme Corinne Bouchoux .  - Ce texte répond-il aux attentes des créateurs, usagers, amateurs et praticiens ? Nous veillerons à son équilibre. S'agissant des photographes et plasticiens, un oubli a été réparé en commission, à propos des images que les moteurs de recherche s'approprient unilatéralement. Je veux en revanche relayer leur première inquiétude face aux pratiques variables des musées qui ne leur accordent pas systématiquement le droit d'accès gratuit dont ils ont évidemment besoin. Pourquoi ne pas étendre le principe de gratuité à tous les assujettis - et non affiliés - au régime de sécurité sociale des artistes auteurs ? La consécration du patrimoine immatériel et des sites inscrits au patrimoine mondial de l'Unesco est bienvenue, mais qu'en est-il des réserves de biosphère ?

Des réactions locales et oppositions fortes ont guidé l'attitude de la commission sur le conflit d'usage entre les moulins à eau et la restauration de la continuité écologique des cours d'eau. Il nous semble prématuré de modifier la loi avant d'avoir mis à plat les véritables enjeux.

Mieux définir le service public d'archives est un enjeu essentiel. Il faudra aussi évoquer la formation des archivistes et les moyens qui leur sont alloués.

Sur l'archéologie préventive, on sent bien que l'État veut limiter son financement tout en accroissant son contrôle... Nous y reviendrons.

Ce texte donne le sentiment de mettre en concurrence les professions entre elles ; or nous avons besoin de tous, architectes, paysagistes...

Trouvons enfin un équilibre entre la conservation de l'existant et les nécessaires évolutions. (Applaudissements sur les bancs écologistes)

Mme Mireille Jouve .  - Voilà un grand et vaste projet, qui croise la protection du patrimoine et la valorisation de l'architecture, et était attendu de longue date.

Le statut de la profession d'architecte n'avait pas changé depuis 1977 ; les oppositions au texte n'ont dès lors pas manqué à l'Assemblée nationale. Les revendications des 200 maires de villes d'art et d'histoire, soutenus par l'Association des maires de France, ont fait évoluer les choses, jusqu'en commission au Sénat. Celle-ci est aussi revenue sur le contrôle accru de l'État sur les opérateurs privés d'archéologie préventive, et leur a rendu la possibilité de bénéficier du crédit impôt recherche. S'ils ont toute leur place sur le marché des fouilles, attention aux pratiques de dumping. D'autant que le choix du moins-disant financier se fait souvent au détriment de la qualité scientifique, et qu'une fouille entamée ne peut être recommencée à son origine.

Je salue les avancées sur la protection du patrimoine. Son unité passe par une certaine stabilité, dont l'État est garant. Les « cités historiques » sont devenues en commission « sites d'appellation protégée ». Nous proposerons une nouvelle dénomination, plus attractive pour les touristes.

Je reste attachée à la promotion de la qualité architecturale du bâti, et plutôt méfiante sur la défiguration des entrées de ville ; renforcer le recours à l'architecte me semble donc une bonne chose.

Bref, nous sommes plutôt favorables au texte, mais resterons vigilants sur l'archéologie préventive. (Applaudissements)

M. Jacques Grosperrin .  - L'article premier serait-il un sujet de philo pour la prochaine session du bac ? La grande réforme de François Hollande accouche d'un texte fourre-tout. Le temps où la culture était un marqueur de gauche est révolu.

M. David Assouline.  - Nous, au moins, avons un passé en la matière !

M. Jacques Grosperrin.  - Ce serait au pouvoir législatif de labelliser les projets culturels ? Notre pays est pourtant connu à l'étranger pour sa culture humaniste, pas pour sa culture d'État. L'article 11 A ne donne aucune perspective, aucun cadre aux pratiques amateurs. Comment incite-t-on les mécènes à participer à la vie culturelle ? Le texte est muet.

Les changements de dénomination des sites et monuments classés ? Tour de passe-passe... Pourquoi ne pas redonner vie et jeunesse à notre patrimoine en le confiant à un seul ministère ? Avec 80 millions de touristes, la France est le pays le plus visité du monde. Pourtant, sans être plus nombreux, les touristes visitant les États-Unis génèrent quatre fois plus de revenus. Le texte ne fait rien pour combler cet écart, il se contente d'abaisser le seuil de recours à un architecte : est-ce là une simplification des procédures ?

Je souhaite que le soutien à la création fasse l'objet d'une politique plus ambitieuse. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Mme Marie-Pierre Monier .  - Les acteurs du patrimoine étaient depuis longtemps en attente d'un texte. La grande loi que nous propose le Gouvernement porte une orientation forte, et lie efficacement création et patrimoine.

Depuis les lois de 1887 et 1913 sur les monuments historiques jusqu'à la loi de 2001 sur l'archéologie préventive, en passant par celles de 1930 et 1962 sur les sites inscrits classés, beaucoup a été fait pour préserver nos richesses patrimoniales et les mettre à la disposition de tous, en contribuant à notre rayonnement international tout en faisant vivre nombre de nos concitoyens.

Comme l'a dit récemment l'historien Patrick Boucheron, « notre histoire est riche des expériences du passé. Elle ne trace pas de chemin, ni ne donne de leçons ». Ce n'est pas un hasard si les terroristes s'attaquent au patrimoine : ils s'attaquent ainsi à la diversité des racines des peuples afin d'imposer leur vision totalitaire du monde.

Ce texte affirme que la protection du patrimoine est une composante indispensable de notre projet politique. Il s'inscrit également dans les enjeux contemporains de participation des usagers et d'ouverture des données.

La reconnaissance et la sécurisation des Fonds régionaux d'art contemporain est une avancée remarquable. Nous proposerons de rapprocher les musées des institutions scolaires.

Contrairement à ce que la majorité du Sénat soutient, nous n'avons pas l'intention de revenir sur le principe d'ouverture du marché de l'archéologie préventive, seulement de rendre à l'État un plus grand rôle de régulation, en rétablissant le texte de l'Assemblée nationale. En matière d'archéologie préventive, le critère financier ne doit pas être le seul pris en compte !

Le nom « cité historique » a fait débat ; mais il rappelle celui de « monument historique ». J'y vois un outil puissant et souple de valorisation du patrimoine. La commission a renforcé la participation des communes concernées ; j'espère que l'équilibre trouvé en commission sera préservé.

Tous les points de ce texte montrent que le patrimoine est vivant, doit être conservé et protégé. (Applaudissements sur les bancs écologistes et du groupe socialiste et républicain)

Mme Dominique Estrosi Sassone .  - À force d'accumuler les dispositions, il reste des points à éclaircir... Je me bornerai à évoquer l'archéologie préventive et le rôle des architectes des bâtiments de France sur la base d'expériences de terrain vécues...

Alourdir les conditions d'obtention des agréments de fouille témoigne d'un mépris des élus locaux et équivaut à rendre un quasi-monopole à l'Inrap. Tous ceux qui gèrent une collectivité territoriale ont eu à souffrir du retard des travaux de l'Inrap. Allonger les durées de fouille sans garantir l'amélioration de leur qualité est un contresens ! Les élus se sont d'ailleurs prononcés à 63 %, en 2014, pour la simplification des normes en la matière afin de ne pas bloquer les chantiers de construction. L'absence d'échéances précises dans le code du patrimoine conduit à des retards importants.

Collectivités et opérateurs voient le coût des travaux augmenter, alors que le foncier est déjà rare et cher, particulièrement dans les Alpes-Maritimes. Ainsi, on avait retrouvé un four romain tuilier sur un terrain où 80 logements sociaux et 92 parkings devaient être construits ; le projet a pris dix-neuf mois de retard, et son coût a été alourdi de 835 000 euros suscitant incertitude et mécontentement des opérateurs, des entreprises et des demandeurs de logement.

Un mot enfin des ABF... Certains de leurs avis pourraient devenir consultatifs pour de petits travaux ou le déplacement de simples ornements de façade. On éviterait ainsi des situations ubuesques. À Nice, j'ai été confrontée à des décisions subjectives et sans appel. J'ai l'exemple d'une décision subjective et sans appel qui a interdit la démolition-réfection d'un immeuble insalubre et inoccupé qui ne remplira jamais les objectifs d'efficacité énergétique, même si l'opérateur faisait l'effort de s'y conformer. L'ABF s'est aussi opposé à la destruction-reconstruction d'un bâtiment de 32 logements sociaux à l'abandon en raison de la présence d'une fresque qui pouvait parfaitement être démontée et remontée à l'identique sur un autre bâtiment. Huit ans et un million d'euros de perdus...

Cessons d'imposer aux maires, à qui l'on demande de construire toujours plus, des contraintes toujours plus lourdes. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. le président.  - Je connais une ville où, dès qu'on creuse, on trouve le tibia de Jules César... (Sourires)

M. François Commeinhes .  - Le plus grand flou règne sur la conduite des politiques culturelles, la loi NOTRe n'ayant pas encore produit tous ses effets. Selon nous, le patrimoine n'est pas une compétence qui se transfère, mais un bien national qui se protège. Il y faut des règles nationales.

Les cités historiques viennent remplacer les ZPPAUP et les Avap, créées en 2010, qui ont pourtant fait leurs preuves. Leur création masque surtout le désengagement financier de l'État. Très opportunément, la commission a préservé les caractéristiques des quartiers sauvegardés et substitué aux cités historiques des sites patrimoniaux protégés. Les plans de mise en valeur seront moins contraignants mais resteront protecteurs.

Les Avap n'auraient pas rencontré un grand succès ? C'est qu'une modification des règles est annoncée depuis 2014, qui a gelé les initiatives !

J'appelle de mes voeux une protection efficace du patrimoine bâti et non bâti, urbain et rural. Les cités historiques n'entraînent aucune simplification ni amélioration du dispositif de protection. La décentralisation ne consiste ni à abandonner des règles communes et nécessaires, ni à détruire les outils de gestion locale qui fonctionnent. Ne sacrifions pas nos richesses sur l'autel de la rationalisation technocratique. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

La discussion générale est close.

La séance est suspendue à 19 h 40.

présidence de M. Thierry Foucaud, vice-président

La séance reprend à 21 h 30.

Discussion des articles

ARTICLE PREMIER

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur .  - La création artistique est libre, proclame l'article premier... La commission a maintenu cette rédaction un peu clinquante, cette pépite brillante. Cela n'allait pas de soi - voyez les débats à l'Assemblée nationale. La mention ne modifie guère le droit en vigueur et laisse penser que la création artistique n'est pas libre en France. Nous pensons quant à nous qu'elle n'a jamais été aussi libre : le temps est loin où le jeune Flaubert devait répondre devant le tribunal correctionnel des écarts de Mme Bovary par rapport à la morale publique et la religion. Mais nous avons décidé de conserver cette disposition ; il est normal que vous imprimiez votre marque au texte, madame la ministre, et nous voulons marquer que la création et la culture sont des valeurs partagées sur tous ces bancs. La culture ne s'hérite pas, elle se conquiert, écrivait Malraux. Puisse cet article premier inspirer la conquête de nouveaux territoires par tous ceux qui voudront y consacrer leur imagination, leur talent et leur audace.

Mme Sylvie Robert .  - Cet article est l'enjeu majeur du projet de loi. Les censeurs qui avancent leur idéologie rétrograde contre les droits sont en effet nombreux. Vous bataillez ainsi en ce moment, madame la ministre, contre une association contestant le visa d'exploitation accordé à un film, et ce n'est pas le premier fait d'armes de ce petit groupe...

Cet article est utile encore pour lutter contre l'autocensure, dans une société où l'intolérance progresse au même rythme que la liberté. Il servira de guide au juge, et sera le signal d'un sursaut démocratique qui protègera tous les créateurs.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin .  - L'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen protège déjà la liberté du créateur, comme le Préambule de la Constitution de 1946 et la Déclaration universelle des droits de l'homme - dont l'article 27 dispose que toute personne prend part librement à la vie culturelle de la société. Cette liberté fondamentale est aussi consacrée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. La loi de 1881 garantit la liberté d'expression.

Mais la liberté de création s'apprécie à l'aune des garanties qui l'entourent. Elle est affaiblie sans liberté de diffusion. L'organisation de l'invisibilité des femmes créatrices est également un frein à leur activité. D'où l'amendement que nous défendrons, et qui vise à inscrire dans la loi la définition des droits culturels que donnent l'ONU et la convention de 2005 de l'Unesco.

Mme Fleur Pellerin, ministre .  - Cet article est la condition de possibilité de tous les autres.

Je ne partage pas l'analyse du rapporteur selon laquelle la création n'a jamais été aussi libre. Les actions de l'association Promouvoir visent à empêcher la diffusion des films d'Abdellatif Kechiche, Lars von Trier ou Quentin Tarantino au nom de la moralité publique ou des valeurs judéo-chrétiennes ; le spectacle Tragédie d'Olivier Dubois a été menacé d'interdiction par une conseillère du Front national ; les photographies d'Olivier Ciappa ont été vandalisées ; je pourrais vous citer les propos de Marion Maréchal-Le Pen sur l'art contemporain, les décisions du maire de Villers-Cotterêts... Tous ces évènements récents démontrent l'utilité de cet article, qui envoie un message fort aux artistes d'aujourd'hui et de demain.

La France réaffirme par-là ses valeurs, et guide le travail du juge.

M. le président.  - Amendement n°358, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste.

Compléter cet article par les mots :

et son expression est garantie par la loi, les traités et les conventions internationales

Mme Marie-Christine Blandin.  - Cet article, certes non normatif, est tellement sonnant - la « pépite » décrite par M. Leleux - que nul n'a osé y toucher. Le groupe socialiste préfère introduire un article premier bis pour le compléter. Personne n'a osé rompre le charme, sauf les écologistes et le groupe CRC... Nous nous appuyons sur la rigueur des textes internationaux, en particulier l'article 4 de la convention de l'Unesco sur la liberté culturelle. La France s'est trouvée bien démunie lorsqu'il s'est agi d'empêcher des propos racistes dans le spectacle de Dieudonné...

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - Si nous n'avons pas touché à cet article, c'est parce que nous pensons qu'il a du sens, pas parce que nous n'avons pas osé. Avis défavorable.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Cet article est une consécration législative de la liberté de création artistique ; il serait redondant de faire référence explicitement à nos engagements internationaux. Cet article premier reprend, par sa force de concision, le modèle des grandes lois de la République. Les compléments utiles sur la liberté de diffusion viennent aux articles suivants. Retrait ou rejet.

M. David Assouline.  - Le groupe socialiste ne souhaite pas toucher à l'article premier. Les déclinaisons de cette déclaration fondamentale font l'objet des articles suivants. Nous sentons bien qu'affirmer le droit, dans le contexte actuel, n'est pas anodin. La liberté n'a jamais été aussi grande, dit le rapporteur. Certaines forces politiques parvenues au pouvoir - local seulement, fort heureusement - n'hésitent pas à la faire reculer ! Attaques, déprogrammations sont un phénomène européen.

Le corollaire indispensable de cette liberté de création, c'est la liberté de diffusion, objet de l'article premier bis que nous proposons.

Mme Catherine Tasca.  - Vous avez mille fois raison de vous placer sous ce beau drapeau de la liberté, madame la ministre, mais je vous mets en garde : il faut mobiliser des moyens adéquats pour garantir l'exercice de cette liberté. Dans l'Allier, toutes les subventions aux opérateurs culturels sont supprimées, ce qui les condamne à mort.

Il faudra nous donner les moyens de contrecarrer les attaques, tantôt brutales tantôt sournoises, contre une politique culturelle édifiée au fil des décennies par les majorités successives.

M. Jean-Pierre Sueur.  - L'amendement de Mme Blandin semble distinguer la création et son expression, reprenant ainsi les termes d'une philosophie dualiste - distinguant signifiant et signifié, contenant et contenu, fond et forme, essence et existence... Cela n'a pas de sens. Guillaume Budé, natif d'Orléans, a été brûlé à Paris, place Maubert, par des gens ne supportant pas qu'il puisse défendre la souveraine liberté de l'esprit. Il a été brûlé... avec ses livres. Ce que les censeurs voulaient ainsi faire disparaître, c'était non seulement sa personne mais tout ce qu'il avait écrit, pensé : le fond et la forme, l'être et la création. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

L'amendement n°358 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°215, présenté par M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Toutes les personnes jouissent du droit à la liberté d'expression artistique et de création, qui recouvre le droit d'assister et de contribuer librement aux expressions et créations artistiques par une pratique individuelle ou collective, le droit d'avoir accès aux arts et le droit de diffuser leurs expressions et créations.

M. Pierre Laurent.  - L'impact de cet article pourrait être encore renforcé par une deuxième phrase inspirée par les stipulations de la convention de 2005 de l'Unesco.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - Je crains que cela ne l'affaiblisse au contraire. Avis défavorable.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - La force de cet article réside en effet dans sa concision à laquelle je ne souhaite pas renoncer. Le droit d'accès aux arts et à la liberté de diffusion est déjà consacré dans notre droit. Avis défavorable à défaut d'un retrait.

M. David Assouline.  - Votre amendement tend à définir cette première phrase : cela ne peut que restreindre sa portée. Les articles premier bis et 2 apportent les précisions nécessaires.

M. Pierre Laurent.  - Nous ne cherchons pas à définir la liberté de création, elle se suffit à elle-même et vous savez combien nous y sommes historiquement attachés. Il s'agit simplement d'une précision utile ; ne cherchez pas, cher collègue, à nous prêter des intentions que nous n'avons pas.

L'amendement n°215 n'est pas adopté.

L'article premier est adopté.

ARTICLES ADDITIONNELS

M. le président.  - Amendement n°68 rectifié, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La diffusion de la création artistique est libre. Elle s'exerce dans le respect des principes encadrant la liberté d'expression et conformément aux dispositions de la première partie du code de la propriété intellectuelle.

M. David Assouline.  - Il n'y va pas seulement de la liberté de création face à ceux qui veulent la restreindre : nous nous attaquons au phénomène de concentration des canaux de diffusion, qui réduit mécaniquement la diversité artistique et culturelle.

Bien sûr, la liberté de diffusion est encadrée, ou plutôt elle s'insère dans les principes qui s'appliquent déjà à la liberté d'expression.

Certains s'abritent parfois derrière la liberté de création artistique pour la pervertir - je pense aux spectacles de Dieudonné. De même, la liberté de diffusion s'exerce conformément au droit de propriété intellectuelle. Protégeons les véritables créateurs, leur droit de propriété, la liberté de diffusion de leurs oeuvres.

M. le président.  - Amendement n°439 rectifié bis, présenté par Mmes Laborde et Jouve, MM. Amiel, Bertrand, Castelli, Collombat, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Malherbe et MM. Requier et Vall.

Après l'article l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La liberté de programmation, la liberté de diffusion artistique et la liberté de création artistique sont garanties par l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements.

Mme Françoise Laborde.  - Le principe posé à l'article premier n'est pas suffisant pour protéger ceux qui diffusent, exposent, programment ; la loi doit aussi protéger la diffusion des oeuvres.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - L'amendement n°68 rectifié est astucieux. D'abord parce qu'il ne touche pas à l'article premier. Ensuite parce qu'il limite opportunément la liberté précédemment mentionnée, dans l'esprit libéral qui est celui de notre droit. Il est conforme à ce que je pense : avis par conséquent favorable. L'amendement n°439 rectifié bis est moins bien rédigé : retrait au profit de l'amendement n°8 rectifié ?

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - À l'Assemblée nationale, l'inscription de cet objectif dans la loi a fait l'objet d'un débat riche. Il est nécessaire d'aller plus loin en consacrant un article à la liberté de diffusion.

Avis favorable à l'amendement n°68 rectifié. L'amendement n°439 rectifié bis sera satisfait par son adoption... Retrait ou rejet.

L'amendement n°439 rectifié bis est retiré.

M. David Assouline.  - L'amendement ne limite pas la liberté de diffusion, il lui donne au contraire sa pleine portée, tout son sens humain. Tenir des propos racistes ou homophobes ne relève pas de l'exercice de la liberté.

L'amendement n°68 rectifié est adopté et devient article additionnel.

ARTICLE 2

Mme Maryvonne Blondin .  - L'article 2 confère à l'article premier toute sa force en traçant une politique culturelle ambitieuse et émancipatrice. Le texte vise à favoriser la création sous toutes ses formes, à consacrer l'accès à la culture pour tous. D'où les dispositions relatives à l'égalité entre les hommes et les femmes. Je souhaite aussi renforcer les dispositions promouvant les arts de la rue, essentiels pour le lien social.

Thucydide disait déjà il y a 25 siècles que la défense de la cité tenait davantage à la motivation de ses habitants qu'à l'épaisseur de ses murs...

Mme Sylvie Robert .  - Cet article semble un inventaire à la Prévert ; nous avons regroupé les dispositions sous cinq grandes missions. Pour la première fois, un cadre clair est donné aux politiques culturelles mises en oeuvre conjointement par l'État et les collectivités locales. Réaffirmer que les pouvoirs publics respectent et font respecter la liberté de programmation, ce n'est pas rien, cela engage !

Nous avions également à coeur de réaffirmer les droits culturels, consacrés dans la loi NOTRe, et de réintégrer une notion retirée du texte par le rapporteur, le service public. Notre territoire compte encore des zones blanches. L'infusion culturelle est fondamentale.

Mme Christine Prunaud .  - La commission a enrichi le texte mais le travail n'est pas achevé. Nous proposons des amendements pour préciser les rôles respectifs de l'État et des collectivités territoriales, qui doivent être un soutien indéfectible à la création artistique. La lutte contre l'obscurantisme - qui nous menace - passe notamment par la culture, le refus de toute forme de censure, l'accès du plus grand nombre aux oeuvres.

À cet égard, le mécénat ne doit pas compenser un désengagement de l'État. Enfin, la rédaction laisse à penser que si culture et entreprise doivent être rapprochées, les salariés n'ont pas leur place dans cette relation...

M. le président.  - Amendement n°70 rectifié, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.

Rédiger ainsi cet article :

L'État, à travers ses services centraux et déconcentrés, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, définissent et mettent en oeuvre une politique de service public en faveur de la création artistique et veillent au respect de la liberté de programmation artistiques.

Cette politique poursuit les objectifs suivants :

1° Soutenir l'activité artistique professionnelle :

a) Garantir la diversité artistique sur l'ensemble du territoire, en particulier les oeuvres d'expression originale française ;

b) Promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes dans les domaines de la création artistique, de l'architecture et du patrimoine ;

c) Encourager l'émergence, le développement et le renouvellement des talents ;

d) Promouvoir la mobilité des artistes, favoriser leur implication dans le cadre de leur activité professionnelle et favoriser leur rayonnement à l'étranger ;

e) Promouvoir la diversité professionnelle et l'égalité entre les femmes et les hommes dans les professions artistiques et dans les établissements culturels ;

f) Assurer une juste rémunération des artistes et un partage équitable de la valeur, en promouvant le droit d'auteur et les droits voisins aux plans européens et internationaux ;

g) S'assurer, dans l'octroi des subventions, du respect des droits sociaux et des droits de propriété intellectuelle, de la transparence dans leur attribution;

h) Encourager les actions de mécénat des particuliers et des entreprises en faveur de la création artistique et favoriser le développement des actions des fondations reconnues d'utilité publique qui accompagnent la création ;

i) Contribuer au développement et à la pérennisation de l'emploi, de l'activité professionnelle et des entreprises des secteurs artistiques au soutien à l'insertion professionnelle et à la lutte contre la précarité des auteurs et des artistes ;

j) Participer à la préservation, au soutien et à la valorisation des métiers d'art ;

k) Garantir la prise en charge des risques particuliers découlant des modes de collaboration multiformes propres aux métiers de la culture et de la création, sous l'égide de structures dédiées, aux moyens mutualisés ;

2° Favoriser l'accès, la participation et la contribution des personnes :

a) Garantir les droits culturels des personnes ;

b) Garantir l'égalité d'accès des personnes à l'art dans sa diversité et leur participation à la vie culturelle ;

c) Garantir l'accessibilité aux oeuvres et aux pratiques culturelles au public atteint de handicap ;

d) Garantir la diversité des expressions culturelles et la liberté de participer et de contribuer à la vie culturelle ;

e) Développer la création et l'expression artistique et culturelle dans les espaces publics pour favoriser la vie sociale, l'échange et le vivre ensemble ;

f) Mettre à la disposition des personnes les ressources culturelles, encourager les parcours et favoriser les échanges et les interactions entre les expressions culturelles ;

g) Favoriser les pratiques en amateur, sources de développement personnel et de lien social ;

h) Mettre en oeuvre, en conformité avec le code de l'éducation, des parcours d'éducation artistique et culturelle à destination de la jeunesse et favoriser l'implication des artistes dans ces actions, dans le cadre de leur activité professionnelle ;

i) Favoriser la présence des arts et de la culture dans le monde du travail et dans les lieux de vie sociale ;

3° Former à la pratique artistique :

a) Contribuer à la formation initiale et continue des artistes professionnels ;

b) Mettre en place des dispositifs de reconversion professionnelle ;

c) Contribuer à la transmission des arts et de la culture dans leur diversité ;

d) Favoriser la transmission des savoirs et savoir-faire au sein et entre les générations ;

4° Soutenir les établissements qui mettent en oeuvre ces objectifs :

a) Garantir la liberté de diffusion artistique, développer ses moyens, mobiliser à cette fin l'audiovisuel public ;

b) Promouvoir la circulation des oeuvres et la coopération des établissements au service de la production, de la diffusion et de la médiation ;

c) Mettre en valeur les propositions artistiques dans l'espace public, dans le respect des droits des auteurs et des artistes ;

d) Soutenir les actions de médiation et les processus artistiques participatifs ;

5° Renforcer la coopération entre l'État et les collectivités territoriales dans l'élaboration de politiques communes.

Dans l'exercice de leurs compétences, l'État, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, respectent et veillent au respect de la liberté de programmation artistique.

M. David Assouline.  - Tout le monde y étant allé de son ajout, nous avons tenté de mettre un peu d'ordre dans cet article, et d'introduire les termes fondamentaux qui n'y figuraient pas : diversité artistique et culturelle, médiation, formation aux actions de médiation, accès des personnes souffrant d'un handicap aux pratiques culturelles... Je me réjouis que la commission ait ce matin donné un avis favorable à notre amendement.

M. Alain Vasselle.  - On aurait pu faire plus synthétique...

Le sous-amendement n°504 est retiré.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - Dresser une liste exhaustive des objectifs de la politique culturelle était une tentative pour le moins hasardeuse. La commission avait remis de la cohérence dans la liste élaborée à l'Assemblée nationale, vous y revenez : avis défavorable à titre personnel, même si la commission a donné un avis favorable...

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Je partage l'objectif de lisibilité de cet amendement : avis favorable. Par cohérence avec la loi NOTRe, la formulation retenue pour les droits culturels devrait être modifiée à la marge, mais nous y reviendrons dans le cadre de la navette.

M. Alain Vasselle.  - Vous alourdissez inutilement le texte !

M. Bruno Retailleau.  - Disciplinés la plupart du temps, nous suivrons ici plutôt l'avis personnel du rapporteur que celui de la commission...

M. David Assouline.  - La démocratie, c'est le respect de la décision de ceux qui sont présents à l'heure et votent en commission ; c'est accepter le fait majoritaire. (Mouvements à droite)

M. Alain Joyandet.  - Nous le sommes ce soir dans l'hémicycle !

M. David Assouline.  - Je demanderai, en outre, aux touristes de la séance de ne pas s'exprimer... (Protestations à droite ; « Des excuses ! » à droite)

Depuis le début, nous écoutons !

Voix à droite.  - Vous vous écoutez surtout parler !

M. David Assouline.  - La commission, une et indivisible, a donné un avis favorable. Si nous proposons une autre écriture, c'est pour donner plus de cohérence et introduire des compléments nécessaires dont le rapporteur n'a pas voulu. S'il n'est pas question de dresser un inventaire à la Prévert, il faut faire droit à l'accès à la culture des personnes handicapées.

M. le président.  - Concluez.

M. David Assouline.  - Les lieux culturels sont trop souvent mal équipés pour les accueillir. J'aimerais un peu plus de silence à droite quand je prends la parole.

M. le président.  - Il serait bon, monsieur Assouline, que vous respectiez votre temps de parole. (M. David Assouline proteste, on applaudit à droite.)

M. Pierre Laurent.  - L'écriture de cet article progresse, c'est à quoi sert le Parlement.

M. Bruno Retailleau.  - Absolument !

M. Pierre Laurent.  - Ce n'est pas un inventaire à la Prévert. Certains éléments pourraient être détaillés, et nous aurions aimé une loi plus ambitieuse énonçant les principes fondamentaux qui doivent guider le service public de la culture. L'amendement n°70 rectifié est utile, le groupe CRC le votera.

Mme Marie-Christine Blandin.  - L'amendement clarifie le texte, c'est son grand mérite. Mais que sont les droits culturels devenus ? Le Sénat se bat pour eux depuis un an, les voilà subrepticement évaporés. Avec mon sous-amendement n°505, j'avais proposé de mettre le public avant les artistes : la politique des transports n'est pas d'abord au service de l'industrie ferroviaire ! De même, et bien que les artistes soient au coeur de ce texte, nous légiférons d'abord pour le public.

L'amendement n°70 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°304, présenté par le Gouvernement.

I.  -  Alinéa 1

Rédiger ainsi cet alinéa :

L'État, à travers ses services centraux et déconcentrés, les collectivités territoriales et leurs groupements, ainsi que leurs établissements publics, définissent et mettent en oeuvre une politique de service public en faveur de la création artistique.

II.  -  Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

4° Mettre en oeuvre, à destination de toutes les personnes, notamment de celles qui sont les plus éloignées de la culture, des publics spécifiques, ainsi que des jeunes, des actions d'éducation artistique et culturelle permettant l'épanouissement des aptitudes individuelles et favorisant l'égalité d'accès à la culture, en veillant notamment à la conception et à la mise en oeuvre du parcours d'éducation artistique et culturelle mentionné à l'article L. 121-6 du code de l'éducation et en favorisant l'implication des artistes dans le cadre de leur activité professionnelle ;

III.  -  Alinéa 11

Supprimer cet alinéa.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Je rectifie l'alinéa 1 pour ajouter, après « mettre en oeuvre », « dans le respect des droits culturels des personnes ».

Cet article formule pour la première fois les objectifs principaux de la politique culturelle. Merci à la commission des simplifications qu'elle y a apportées, mais il convient de rétablir le caractère de service public de la politique en faveur de la création artistique, dans la continuité des grands textes fondateurs et notamment la charte des missions de service public pour le spectacle vivant de 1998 et la charte des missions de service public pour les institutions d'art contemporain du 27 novembre 2000.

En outre, l'éducation artistique et culturelle étant la condition d'une politique culturelle volontariste tournée vers l'ensemble des publics, il importe de la mettre au coeur de l'action de l'État en direction de tous les jeunes et de reconnaître la place centrale de la création et le rôle primordial de l'artiste dans les actions qui y sont liées.

Enfin, si les objectifs de transparence et d'équité président à l'octroi des subventions dans le secteur culturel, le recours à une procédure d'appel à projet ne constitue qu'une modalité d'attribution relevant d'une appréciation au cas par cas suivant la nature des projets.

M. le président.  - Ce sera l'amendement n°304 rectifié bis.

Amendement n°71 rectifié, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 1

Après les mots :

une politique

insérer les mots :

de service public

Mme Sylvie Robert.  - Notre objectif est le même que celui de Mme la ministre : réintroduire la notion de service public.

M. le président.  - Amendement identique n°219, présenté par M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

M. Pierre Laurent.  - La notion est de première importance, le rapporteur l'a fait disparaître sans nous expliquer pourquoi.

M. le président.  - Amendement identique n°431 rectifié, présenté par Mme Laborde, M. Mézard, Mme Jouve, MM. Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Malherbe et MM. Requier et Vall.

Mme Françoise Laborde.  - Pourquoi cette suppression, en effet ?

La politique de l'État et des collectivités territoriales en faveur de la création artistique est une politique de service public, y compris lorsqu'il s'agit pour l'État et les collectivités territoriales d'encourager les actions du privé en faveur de la création.

M. le président.  - Amendement n°216, présenté par M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

I.  -  Alinéa 1

Compléter cet alinéa par les mots :

et fondée sur un égal accès des femmes et des hommes

II.  -  Alinéa 3

Supprimer les mots :

dans le respect de l'égalité entre les femmes et les hommes

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Les députés ont ajouté au texte le principe d'égalité d'accès entre les femmes et les hommes. La commission l'a remonté à l'alinéa 3, mais cela ne suffit pas tant l'enjeu est essentiel.

Le constat est accablant : rappelez-vous le festival d'Angoulême et les critiques de la presse spécialisée quand il est question de la nécessaire féminisation des postes à responsabilité dans le domaine artistique. Voyez aussi l'exposition « Qui a peur des femmes photographes ? » ou encore le projet de musée des femmes. Bien du chemin reste à parcourir : elles ne représentent que 31 % des directeurs de musées nationaux et 24 % des oeuvres exposées. Il faut être plus ambitieux, la culture est le miroir de la nation.

M. Alain Joyandet.  - Mais plafonnons leur représentation à 50 % partout, y compris dans la justice et l'éducation !

M. le président.  - Amendement n°76 rectifié, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 8

Rédiger ainsi cet alinéa :

6° Mettre en oeuvre, à destination de toutes les personnes, notamment de celles qui sont les plus éloignées de la culture, des publics spécifiques, ainsi que des jeunes, des actions d'éducation artistique et culturelle permettant l'épanouissement des aptitudes individuelles et favorisant l'égalité d'accès à la culture, en veillant notamment à la conception et à la mise en oeuvre du parcours d'éducation artistique et culturelle mentionné à l'article L. 121-6 du code de l'éducation et en favorisant l'implication des artistes dans ces actions ;

Mme Sylvie Robert.  - Les politiques culturelles doivent favoriser l'accès à la culture des publics qui en sont le plus éloignés, comme des publics empêchés.

M. le président.  - Sous-amendement n°505 à l'amendement n°76 rectifié de M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain, présenté par Mmes Blandin et Bouchoux.

Amendement 76 rectifié, alinéa 3

Après le mot :

permettant

insérer les mots :

la découverte et

Mme Marie-Christine Blandin.  - Il ne faut pas seulement choyer les petits chéris à l'oreille absolue, mais faire naître de nouveaux talents !

M. le président.  - Amendement n°223, présenté par M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 8

Après les mots :

tous les publics

insérer les mots :

, notamment ceux les plus éloignés de la culture,

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Certes, l'article 103 de la loi NOTRe constitue une garantie pour l'accès à la culture. Cependant, le principe de réalité s'impose. Gardons-nous d'entretenir la dynamique de l'exclusion.

M. le président.  - Amendement n°363 rectifié, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 8

Après le mot :

permettant

insérer les mots :

la découverte et

M. le président.  - Amendement n°364, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 8

Compléter cet alinéa par les mots :

, en particulier au contact d'artistes dans le cadre de leur activité professionnelle

Mme Marie-Christine Blandin.  - Le rôle fondamental des artistes dans l'éducation artistique et culturelle doit être reconnu. Levons toute ambiguïté. Un chorégraphe s'est vu refuser par Pôle Emploi le décompte de son intervention dans un atelier de danse au titre de l'annexe 10 ; ces heures ont été requalifiées au titre du régime général. Résultat : un trop-perçu de 14 000 euros.

M. le président.  - Amendement n°365, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

9° Favoriser la démocratie culturelle en garantissant la transparence des critères, pour les attributions de subventions publiques comme pour les nominations, et en ayant recours à une évaluation régulière et partagée des actions menées ;

Mme Marie-Christine Blandin.  - Transparence, justice des attributions et évaluations sont de belles finalités que nous regroupons sous la bannière de la démocratie culturelle, à ne pas confondre avec la démocratisation culturelle.

M. le président.  - Amendement n°366, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 11

Rédiger ainsi cet alinéa :

9° Garantir la transparence dans l'octroi des subventions publiques à des personnes morales publiques et privées intervenant en faveur de la création artistique, et une évaluation régulière et partagée des actions menées ;

Mme Marie-Christine Blandin.  - Les appels à projets, systématisés, contraires à la charte d'autonomie, fragiliseraient notre position vis-à-vis de la Commission européenne au regard des règles de la commande publique. Sans compter qu'ils pourraient conduire à des ruptures : imaginez que des candidats européens y répondent sans même connaître le territoire.

M. le président.  - Amendement n°367, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 11

Remplacer les mots :

le recours à des appels à projet

par les mots :

des conventions et dispositifs concertés

Mme Marie-Christine Blandin.  - Smic des amendements, repli des replis...

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - Le texte initial du Gouvernement ne parlait pas de service public... Cette expression est d'une ambigüité malvenue aujourd'hui.

M. Pierre Laurent.  - C'est malheureux !

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - Quand nous tentons de faire émerger partout de nouveaux talents, pourquoi laisser entendre que nous nous limitons au service public ? Avis défavorable à l'amendement n°304 rectifié bis, ainsi qu'aux amendements identiques nos71 rectifié, 219 et 431 rectifié. Avis défavorable aux amendements nos216 et 76 rectifié ainsi qu'au sous-amendement n°505 et à l'amendement n°223. Avis favorable à l'amendement n°363 rectifié. Avis défavorable aux amendements nos364 et 365. Sagesse positive sur l'amendement n°366, l'amendement n°367 devrait tomber.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Avis favorable à tous les amendements, ils énoncent des objectifs extrêmement importants. Le Gouvernement s'est montré très favorable à la proposition de Marie-Georges Buffet, à l'Assemblée nationale, d'affirmer le caractère de service public de la politique culturelle. Mon ministère est aussi très engagé en faveur de l'égalité femmes-hommes - il est l'un des rares à avoir mis en place un observatoire - et à la transparence.

M. Pierre Laurent.  - N'entretenez pas la confusion, monsieur le rapporteur. Que la politique culturelle soit un service public n'est pas une position idéologique. L'idée de service public a traversé les années et les majorités. Il y a ainsi une politique de service public de la santé à laquelle participent les médecins libéraux...

M. David Assouline.  - S'il y a bien un domaine où nous avons aujourd'hui la responsabilité de mener une politique de service public, c'est la culture - et ce n'est nullement antinomique avec le déploiement des énergies. Il ne s'agit pas de fonctionnariser les créateurs. Nous nous inscrivons dans la continuité de la politique menée depuis Malraux. Affirmer le service public de la culture, c'est lui rendre hommage.

L'amendement n°304 rectifié bis n'est pas adopté, non plus que les amendements identiques nos71 rectifié, 219 et 431 rectifié.

L'amendement n°216 n'est pas adopté.

Le sous-amendement n°505 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°76 rectifié.

L'amendement n°223 n'est pas adopté.

L'amendement n°363 rectifié est adopté.

L'amendement n°364 n'est pas adopté, non plus que l'amendement n°365.

L'amendement n°366 est adopté.

L'amendement n°367 devient sans objet.

M. le président.  - Amendement n°359, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste.

I.  -  Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Favoriser la liberté de choix des pratiques culturelles et des modes d'expression artistique ;

II.  -  Alinéa 5

Supprimer cet alinéa.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Si les écologistes approuvent le soutien apporté à la création, une politique publique doit d'abord s'adresser à la population. Imagine-t-on une loi sur la santé qui commence par les droits des praticiens ou l'industrie pharmaceutique ? La politique culturelle se fait d'abord avec et pour les citoyens.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - C'est contradictoire avec l'objectif même de cette politique qui est le soutien aux oeuvres et aux artistes. Avis défavorable.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Sagesse.

L'amendement n°359 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°224, présenté par M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 3

Après le mot :

soutenir

insérer les mots :

l'existence et

Mme Christine Prunaud.  - L'État et les collectivités territoriales ont aussi la responsabilité de faire émerger des lieux de culture là où il n'y en a pas. C'est capital pour la démocratisation de la culture et des arts.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - « Encourager l'existence des talents » ? Ce n'est pas très clair... Faudrait-il subventionner des artistes indépendamment de leurs réalisations ? Avis défavorable.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Avis favorable. Mme Tasca a rappelé les coupes budgétaires imposées aux opérateurs culturels. Je veux néanmoins souligner que beaucoup de collectivités territoriales leur maintiennent leur appui, je les y encourage en signant avec celles qui sont volontaires des pactes culturels.

L'amendement n°224 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°360, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 3

Supprimer les mots :

et le rayonnement de la France à l'étranger,

Mme Marie-Christine Blandin.  - Ne voyez pas dans cet amendement un renoncement à faire rayonner notre culture au-delà de nos frontières. En revanche, le rayonnement n'est pas un objectif en soi : on ne monte pas une pièce pour l'exporter, on ouvre le Louvre-Lens, la Piscine de Roubaix et le MuCEM à Marseille d'abord pour les habitants ; les gens d'ailleurs y viennent ensuite parce que c'est beau. Je n'aurais pas la cruauté de citer les échecs de projets uniquement conçus pour s'exporter.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - Avis défavorable, cet objectif est important.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Sagesse.

M. Jacques Legendre.  - Cet amendement me semble malheureux : on construit un musée pour les habitants et tous ceux qui voudront le visiter.

L'amendement n°360 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°361, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 3

Supprimer le mot :

française

Mme Marie-Christine Blandin.  - En ces années bouleversées, nous avons tendance à vouloir nous faire chaud au coeur en parlant à tout propos de notre pays. Néanmoins, évoquer des oeuvres d'expression originale française exclurait les langues minoritaires, comme le basque et le breton, et peut-être l'accueil en résidence d'artistes étrangers. N'oublions pas que la culture est ce qui tend à tirer chacun d'entre nous vers l'universel.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - Avis défavorable, sans surprise. Les critères sont suffisamment souples pour englober tous les projets pourvu qu'ils aient un ancrage français.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Même avis. L'un des objectifs de mon ministère, avec l'Institut français, l'Office national de diffusion artistique (Onda) et les outils de valorisation à l'exportation, est de favoriser le rayonnement des oeuvres d'expression française, en restant évidemment ouvert à l'altérité, c'est-à-dire à la création issue de toutes origines.

M. David Assouline.  - Il ne s'agit pas de porter préjudice aux langues régionales, mais de faire face au monde réel, marqué par l'uniformisation et l'hégémonie américaine ! La France résiste, grâce à l'exception culturelle, contrairement à l'Espagne ou à l'Italie, grandes terres de cinéma. Les artistes étrangers adorent venir dans notre pays, ils savent qu'ils y seront soutenus.

Mme Marie-Christine Blandin.  - Je ne voudrais pas passer pour mauvaise citoyenne. Surtout, la ministre m'a convaincue.

L'amendement n°361 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°72 rectifié, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 3

Après les mots :

l'émergence,

insérer les mots :

l'existence,

Mme Maryvonne Blondin.  - Il rejoint un amendement rejeté tout à l'heure, je le retire.

L'amendement n°72 rectifié est retiré.

M. le président.  - Amendement n°73 rectifié, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 4

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Garantir les droits culturels des personnes ;

Mme Sylvie Robert.  - Nous réintroduisons les droits culturels dans les termes de la loi NOTRe.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - L'amendement est satisfait par le texte de la commission : retrait, sinon défavorable.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Sagesse.

L'amendement n°73 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°74 rectifié, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Favoriser l'égalité entre les femmes et les hommes dans le domaine de la création artistique ;

Mme Maryvonne Blondin.  - Nous proposons une écriture plus ambitieuse et plus forte pour l'égalité femmes-hommes. Les femmes demeurent cruellement sous-représentées dans tous les domaines de la culture alors qu'elles représentent plus de 50 % de notre population. Comment prétendre ensuite que les oeuvres reflètent la société ? D'après le rapport 2015 de l'observatoire du ministère, les femmes mettent en scène un quart des spectacles et dirigent 5 % des concerts ; elles demeurent sous-représentées parmi les lauréats des prix et récompenses - nous avons tous en tête l'épisode du festival d'Angoulême - sans parler des écarts de rémunération. Il est temps de redresser la barre !

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - L'objectif est parfaitement louable, j'ai d'ailleurs proposé de l'inscrire à l'alinéa 1. En rajouter serait affaiblir le combat. Avis défavorable.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Objectif indispensable. Les premières statistiques de l'observatoire du ministère montrent que la voie est longue. Avis favorable.

L'amendement n°74 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°75 rectifié, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 5

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Développer la création et l'expression artistique et culturelle dans les espaces publics pour favoriser la vie sociale, l'échange et le vivre ensemble ;

Mme Maryvonne Blondin.  - Alors que le vivre ensemble est mis à mal, il est primordial d'encourager l'expression artistique dans tous les espaces publics, urbains et ruraux. Élue du Finistère, je sais que les arts de la rue servent la démocratisation de la culture et l'aménagement du territoire.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - La commission a voulu un article 2 plus synthétique. L'alinéa 5 prévoit déjà de mettre en valeur les oeuvres dans l'espace public, cela répond aux attentes des artistes de rue. Avis défavorable.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Nous recevrons en juin les conclusions de la mission confiée à Jean Blaise en avril 2014. En attendant, je suis favorable à cet amendement, convaincue que les artistes de rue favorisent l'accès de tous à la culture.

Mme Catherine Tasca.  - Même si les artistes de la rue sont sous-entendus dans la longue liste de cet article, ils font face à de grandes difficultés. Or ils constituent un creuset d'inventivité. Les mentionner explicitement dans ce texte contribuera au vivre ensemble et au renouvellement de la création contemporaine.

Mme Françoise Laborde.  - Présidente du groupe d'étude des artistes de la scène, de la rue, festivals en région, je me sens très concernée par cet amendement. Il faut protéger les artistes de la rue, notamment du vandalisme, qui n'est pas le seul fait des plus jeunes...

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission.  - N'y a-t-il pas une contradiction entre l'affirmation de la liberté de création et l'énumération - forcément incomplète - des formes artistiques à protéger ? Défendons les artistes dans l'espace public, mais ne rendons pas la loi inutilement bavarde.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - La présidente de la commission m'ôte les mots de la bouche. Être défavorable à un amendement ne veut pas dire que l'on désapprouve ce qu'il entend promouvoir. Mais à vouloir tout lister, nous risquons d'oublier certaines formes artistiques...

M. Marc Laménie.  - Évitons les contraintes inutiles, faisons confiance à la présidente et au rapporteur. C'est le meilleur moyen de soutenir la citoyenneté dans toutes ses composantes.

M. David Assouline.  - Ceux qui jugeaient l'article premier déclaratoire refusent à présent d'être plus précis. Les arts de la rue sont en difficulté, on sait par exemple qu'on a coupé les vivres au festival de Chalon...

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission.  - Les scènes nationales souffrent aussi.

M. David Assouline.  - Certes, mais certains arts sont historiquement plus puissants que d'autres. Nous voulons défendre les arts dont on ne parle pas et qu'on laisse mourir.

L'amendement n°75 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°432 rectifié, présenté par Mmes Laborde et Jouve, MM. Mézard, Amiel, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mme Malherbe et MM. Requier et Vall.

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« 4° Favoriser les activités de création artistique pratiquées en amateur, en particulier celles issues des initiatives territoriales ;

Mme Françoise Laborde.  - Amendement rédactionnel.

M. le président.  - Amendement n°362, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 6

Remplacer les mots :

artistique pratiquées en amateur

par les mots :

ou les pratiques qui associent des amateurs

Mme Marie-Christine Blandin.  - Celui-ci n'est pas seulement rédactionnel : il s'agit de reconnaître la place des amateurs tout en évitant une concurrence déloyale avec les professionnels. Un certain nombre d'amateurs se produisent sans que l'on puisse dire qu'ils sont en train de créer.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - Avis favorable à l'amendement n°362 ; retrait de l'amendement n°432 rectifié ?

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Avis favorable à l'amendement n°432 : les activités pratiquées en amateur sont essentielles au vivre ensemble. Leur disparition a souvent des conséquences dramatiques. L'État doit soutenir les collectivités territoriales dans la promotion de ces projets.

Avis défavorable à l'amendement n°362, qui détourne le texte de son objet. Certaines pratiques sportives aussi associent des amateurs...

Après une épreuve à main levée déclarée douteuse, l'amendement n°432 rectifié, mis aux voix par assis et levé, n'est pas adopté.

L'amendement n°362 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°222, présenté par M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'alinéa 8

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Favoriser une politique de mise en accessibilité des oeuvres en direction du public atteint de handicap et promouvoir les initiatives professionnelles, associatives, intermédiaires et indépendantes visant à favoriser l'accès à la culture et aux arts pour les personnes souffrant de handicap ainsi que leur contribution à la création artistique et culturelle.

Mme Christine Prunaud.  - Les politiques de liberté, de création artistique, de service public doivent respecter l'égalité entre les citoyens, à toutes les étapes de la création. Hélas, on constate un manque de moyens pour concrétiser les objectifs affichés en 2005 dans la loi relative aux personnes handicapées.

Cet amendement inscrit dans la loi le principe selon lequel la puissance publique met tout en oeuvre pour assurer l'accès des personnes handicapées aux arts.

M. le président.  - Amendement n°79 rectifié, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Garantir l'accessibilité aux oeuvres et aux pratiques culturelles au public atteint de handicap ;

Mme Sylvie Robert.  - Les personnes handicapées doivent avoir les mêmes droits d'accès aux lieux et pratiques culturels que les personnes valides. Notre responsabilité est collective.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - Ce n'est pas parce que j'émettrai un avis défavorable que je désapprouverai le fond de cet amendement. Seulement voilà : il n'est point besoin d'alourdir cet article. Il est évident que les personnes handicapées doivent accéder à la culture dans les mêmes conditions que les autres. C'est d'ailleurs pourquoi nous avons fait remonter les droits culturels aux premières lignes du texte.

Mais comme l'a dit la présidente, on ne saurait énumérer les cas particuliers sans paradoxalement, restreindre l'application du principe de l'article premier. N'oublions pas que nous écrivons la loi.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Les personnes handicapées ne sont pas un cas particulier. Élargir leur accès à la culture ne concerne pas que l'adaptation du bâti, mais aussi l'accès aux oeuvres et aux pratiques, et cela quel que soit leur handicap. Beaucoup d'établissements mènent déjà une politique ambitieuse en la matière ; Ségolène Neuville et moi-même avons réuni récemment le comité Culture et handicap et remis un prix récompensant les meilleures initiatives dans ce domaine. Mais beaucoup reste à faire.

Avis favorable à l'amendement n°222, qui satisfera l'amendement n°79 rectifié.

M. David Assouline.  - Bien sûr que les droits valent pour tous. Mais alors pourquoi avoir voté la loi de 2005, sinon pour les rendre effectifs pour les personnes handicapées. Il ne s'agit pas seulement ici de l'accès aux lieux et aux oeuvres, mais aussi aux pratiques artistiques. Plus le monde est fou, plus l'urbanisation galope, moins on regarde ceux qui en sont exclus. Nous retirons l'amendement n°79 rectifié au profit du précédent.

L'amendement n°79 rectifié est retiré.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Nous ne cherchons pas à rendre la loi bavarde, mais à reconnaître la dignité de chaque personne humaine. Il s'agit de faire entrer chaque personne en situation de handicap dans la création elle-même. Et je salue la proposition de la présidente Morin-Desailly de créer un groupe de travail dédié à cette question.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission.  - La loi de 2005 consacre déjà le principe d'accessibilité des lieux et d'accès aux pratiques culturelles. À l'occasion de son dixième anniversaire, la commission a constaté des carences dans son application ; un travail sur la question sera engagé cette année en son sein.

Les droits culturels sont désormais réaffirmés. Mais il reste tant à faire...

Mme Dominique Gillot.  - La loi Création ne présente pas plus que les autres d'étude d'impact de ses dispositions sur les personnes handicapées. C'est pourtant une obligation générale. J'invite Mme la ministre à joindre au projet de loi le compte rendu de la dernière réunion de la commission nationale consultative des personnes handicapées, qui a fait le point sur la question.

M. David Assouline.  - Je propose de sous-amender l'amendement n°222 pour homogénéiser la rédaction en parlant toujours de « personnes en situation de handicap », et pour supprimer la référence, peu claire, aux structures « intermédiaires ».

Mme Christine Prunaud.  - Entendu, cela met davantage en valeur les associations.

M. le président.  - Sous-amendement n°521 à l'amendement n° 222 de M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, présenté par M. Assouline.

Amendement 222, alinéa 3

 1° Remplacer le mot : 

atteint

par les mots :

en situation

2°  Supprimer le signe et  le mot :

, intermédiaires

3° Remplacer le mot : 

souffrant

par les mots :

en situation

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - Attendri par le discours de David Assouline, je donne un avis favorable, bien que tout cela soit inclus dans le texte...

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Avis favorable.

Le sous-amendement n°521 est adopté.

L'amendement n°222, sous-amendé, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°220, présenté par M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par les mots :

par le biais des comités d'entreprise, des comités d'oeuvres sociales et des comités d'activités sociales et culturelles quand une de ces structures existe

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Cet ajout de l'Assemblée nationale doit être précisé afin de réaffirmer qu'une politique culturelle doit être coconstruite avec tous les acteurs et non imposée verticalement. Les comités d'entreprise, d'oeuvres sociales et d'activités sociales et culturelles ont d'ailleurs fait leurs preuves : reconnaître leur apport en matière culturelle, au regard de leurs acquis, serait bienvenu.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - L'alinéa 9 vous satisfait : avis défavorable.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Sagesse.

M. Pierre Laurent.  - Il ne s'agit pas d'ajouter des détails pour le plaisir, cet ajout est fondamental. Les comités d'entreprise ont joué un rôle très positif, mais amoindri au fil du temps. Beaucoup de comités d'entreprise vendent essentiellement des billets pour Eurodisney, mais pas tous ; encourageons-les à faire autrement, à avoir une vraie ambition culturelle. Beaucoup de salariés souffrent, la culture peut être un plus. Adopter cet amendement nous permettrait de finir la soirée dans la liesse générale... (Sourires)

L'amendement n°220 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°77 rectifié, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.

Alinéa 9

Compléter cet alinéa par les mots :

et en respectant les principes d'égalité d'accès des femmes et des hommes aux postes de responsabilité

Mme Maryvonne Blondin.  - Cet amendement conforte les conditions d'accès des femmes dans les postes à responsabilité du secteur de la culture, où elles sont largement minoritaires, comme l'a révélé un rapport de 2009.

Aucune femme ne dirige un centre national de création musicale ; depuis le départ de Muriel Mayette, plus aucune femme ne dirige un théâtre national ; dans les administrations centrales, elles sont, depuis peu, 50 %, c'est un progrès notable.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - Je suis d'accord sur le fond, mais on ne peut pas ajouter cette phrase à chaque alinéa... Le principe figure à l'alinéa 3... Avis défavorable.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Avis très favorable. Je suis très attachée au respect de ce principe. Même figurant déjà dans le droit positif, il n'est pas respecté, alors que nous disposons de nombreuses femmes artistes de talent. Il faut être volontariste. Nous avons progressé sur les nominations, mais pas suffisamment. J'ai fixé une feuille de route à l'occasion du dernier comité interministériel aux droits des femmes. Nous instaurerons des objectifs chiffrés si nécessaire.

Mme Catherine Morin-Desailly, présidente de la commission.  - La loi sur l'égalité professionnelle a déjà posé ce principe.

L'amendement n°77 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°78 rectifié, présenté par M. Assouline et les membres du groupe socialiste et républicain.

Après l'alinéa 9

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

...° Favoriser l'accès à la culture dans les lieux de vie sociale ;

Mme Sylvie Robert.  - J'entends déjà le rapporteur me répondre qu'on en rajoute une couche... Mais il est important de reconnaître que la culture n'habite plus que les seuls lieux dédiés à la culture, qu'elle s'invite dans l'espace public, dans les quartiers, dans des lieux parfois improbables. C'est ce que j'entends par infusion culturelle. L'appropriation se joue là. La culture investit tous les champs de la société, jusqu'aux maisons de retraite ; il faut l'y encourager.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - L'alinéa 5 prévoit déjà l'accès du public le plus large à la création, et la mise en valeur des oeuvres dans différents espaces... Ne précisons pas à l'excès, au risque de restreindre la portée de l'article. Et que sont les « lieux de vie sociale » ? Avis défavorable.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°78 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°218, présenté par M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Alinéa 10

Après les mots :

sensibilisation des publics

insérer les mots :

, de l'art-thérapie

Mme Christine Prunaud.  - Si la culture est bonne pour l'esprit, elle l'est aussi pour le corps... Du chemin a déjà été parcouru grâce à la reconnaissance des art-thérapeutes par la Commission nationale de certification professionnelle et la création d'un master à l'université Paris-Descartes. Mais il reste beaucoup à faire pour reconnaître les apports de cette discipline, notamment pour les enfants psychotiques : concentration, canalisation de l'énergie...

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - Je ne doute pas de l'efficacité de l'art-thérapie, mais l'évaluation universitaire de ses effets n'en étant qu'à ses prémices, une reconnaissance législative semble prématurée. Avis défavorable.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - L'alinéa 10, rédigé largement, vous donne satisfaction. La convention culture-santé signée par le ministère fait un pas important dans le soutien à ces nouvelles formes thérapeutiques. Retrait ?

Mme Christine Prunaud.  - Soit, j'entendais vous sensibiliser.

L'amendement n°218 est retiré.

M. le président.  - Amendement n°368, présenté par Mme Blandin et les membres du groupe écologiste.

Alinéa 12

Remplacer les mots :

à la promotion

par les mots :

au développement et au soutien

Mme Marie-Christine Blandin.  - Le terme « promotion » est polysémique : remplaçons-le par « développement et soutien ».

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - Avis favorable.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Sagesse.

L'amendement n°368 est adopté.

M. le président.  - Amendement n°217, présenté par M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Après l'alinéa 15

Insérer un alinéa ainsi rédigé : 

...° Favoriser et soutenir le développement de la recherche dans le domaine artistique et culturelle en matière de production et de diffusion des oeuvres ;

M. Pierre Laurent.  - Il est essentiel de favoriser le développement de la recherche dans les arts et la culture, que ce soit dans la production ou dans la diffusion des oeuvres. C'est ce qui permet de faire émerger de nouveaux talents, et ouvre des horizons nouveaux.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - Le créateur est déjà par définition un chercheur... Que peut donc recouvrir la notion de recherche dans ce domaine ? Avis défavorable.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Avis favorable.

L'amendement n°217 n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°221, présenté par M. Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

La politique culturelle en faveur de la création organise la régulation entre le service public des arts, de la culture, de l'audiovisuel et du cinéma, le secteur subventionné privé et le secteur marchand. Les instruments de cette politique de régulation sont : la charte des missions de service public, le cahier des charges des institutions ou établissements labellisés et la mise en oeuvre de fonds de soutien.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin.  - Il convient de préciser que la politique de l'État et des collectivités territoriales en faveur de la création relève du service public. L'art n'est pas une marchandise, l'État doit défendre l'intérêt général, avoir un rôle de régulateur sans se poser en censeur.

Marchandisation rime bien souvent avec concentration et uniformisation. Faut-il rappeler que l'on n'est pas consommateur mais usager de la culture ? Nous demandons un engagement fort de la puissance publique.

M. Jean-Pierre Leleux, rapporteur.  - Il n'y a pas lieu de hiérarchiser les partenaires, la politique culturelle doit avant tout favoriser les partenariats et une offre diversifiée. En outre, il n'appartient pas à l'État de réguler la création artistique, qui est libre comme en dispose l'article premier.

Mme Fleur Pellerin, ministre.  - Retrait, cette mention n'a pas sa place ici.

L'amendement n°221 est retiré.

M. David Assouline.  - Quelques amendements, rarement socialistes, ayant été adoptés, et pour que la suite de nos débats se déroule dans un bon état d'esprit, nous ne nous opposerons pas à cet article réécrit en commission, mais nous abstiendrons.

À la demande de la commission, l'article 2, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°145 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 197
Pour l'adoption 197
Contre      0

Le Sénat a adopté.

M. le président.  - Nous avons examiné 39 amendements ce soir ; il en reste 416.

Prochaine séance aujourd'hui, mercredi 10 février 2016, à 14 h 30.

La séance est levée à minuit quarante.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus

Ordre du jour du mercredi 10 février 2016

Séance publique

À 14 h 30, le soir et la nuit

Présidence : Mme Françoise Cartron, vice-présidente M. Claude Bérit-Débat, vice-président Mme Françoise Cartron, vice-présidente

Secrétaires : M. Jean Desessard - M. Jackie Pierre

- Suite du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (n° 15, 2015-2016).

Rapport de M. Jean-Pierre Leleux, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n° 340, tomes I et II, 2015-2016).

Texte de la commission (n° 341, 2015-2016).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 144 sur l'ensemble du projet de loi prorogeant l'application de la loi n° 55-835 du 3 avril 1955 relative à l'état d'urgence.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :345

Suffrages exprimés :343

Pour :315

Contre :28

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 142

Abstention : 1 - Mme Marie-Annick Duchêne

N'a pas pris part au vote : 1 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat

Groupe socialiste et républicain (110)

Pour : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Contre : 19

Groupe du RDSE (17)

Pour : 15

Contre : 2 - MM. Gilbert Barbier, Pierre-Yves Collombat

Groupe écologiste (10)

Pour : 3 - Mme Aline Archimbaud, MM. Joël Labbé, Jean-Vincent Placé

Contre : 6

Abstention : 1 - Mme Leila Aïchi

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 3

Contre : 1 - M. David Rachline

N'ont pas pris part au vote : 2 - MM. Robert Navarro, Stéphane Ravier

Scrutin n° 145 sur l'article 2 du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :197

Pour :197

Contre :0

Le Sénat a adopté

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 142

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (110)

Abstentions : 110

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 42

Groupe communiste républicain et citoyen (19)

Abstentions : 19

Groupe du RDSE (17)

Abstentions : 17

Groupe écologiste (10)

Pour : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier