Lutte contre le crime organisé et le terrorisme (Procédure accélérée - Suite)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle les explications de vote des groupes sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.

Explications de vote

M. François Zocchetto .  - Le Sénat a-t-il marqué de son empreinte le texte que nous nous apprêtons à voter ? Sans hésitation, la réponse est oui, grâce au travail mené par la commission des lois sous la houlette du président Philippe Bas et grâce à la motivation du rapporteur Michel Mercier. (Quelques applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains) Nous nous sommes efforcés de renforcer la sauvegarde des libertés individuelles et l'efficacité de la lutte contre le terrorisme. Il en ressort un texte plus équilibré, plus précis ; en un mot, meilleur.

Je veux saluer l'attitude constructive du Gouvernement sur ce texte. Je dis bien, sur ce texte. (M. Roger Karoutchi abonde) Car le contraste avec la semaine dernière marquée par l'échec de la réforme constitutionnelle n'échappe à personne. L'attitude du Gouvernement et du président de la République ont laissé au Sénat un goût amer. (Exclamations ironiques sur les bancs du groupe socialiste et républicain)

Les choses avaient pourtant bien commencé : nous étions tous debout pour applaudir à Versailles ; c'était avant que la majorité, pour reprendre les mots des commentateurs, ne s'essouffle.

Le Sénat ne saurait être tenu responsable...

M. Jean-Louis Carrère.  - Tu parles !

M. François Zocchetto.  - La majorité sénatoriale a travaillé sérieusement sur la base du texte originel du président de la République... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Louis Carrère.  - Non ! Sur la base de la primaire de la droite, entre Sarkozy et Fillon !

M. François Zocchetto.  - Le Sénat a adopté sa propre réforme constitutionnelle. Et après ? C'est le jeu de la navette parlementaire. Le Gouvernement a préféré reporter sur le Sénat les errements d'une majorité si divisée que le président de la République lui-même s'en méfie ! Dissimulant cette réalité, le Premier ministre n'a pas reculé devant des raccourcis juridiquement faux lors de la séance de questions d'actualité de la semaine dernière : non, la révision constitutionnelle n'aurait rien changé au sort de Salah Abdeslam puisque notre droit pénal n'emporte pas le principe de rétroactivité.

M. Jean-Pierre Sueur.  - Parlez-nous plutôt du texte !

M. François Zocchetto.  - Perquisitions de nuit, lutte contre le trafic d'armes ; enfin, nous sommes avec ce texte dans le concret, le quotidien des forces de l'ordre et des magistrats qui luttent contre le terrorisme.

Dans la continuité de l'excellente proposition de loi Bas-Mercier (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains), nous avons, en séance, créé deux nouveaux délits : la consultation habituelle sans motif légitime de sites de propagande terroriste et le séjour intentionnel sur un théâtre étranger d'opérations terroristes.

Le débat a été riche, notamment sur la détention à perpétuité. Nous avons strictement encadré les conditions dans lesquelles le tribunal d'application des peines pourra examiner les demandes de relèvement de période de sûreté. Cette décision ne pourra être octroyée qu'à titre exceptionnel, après une incarcération minimum de trente ans et, surtout après avoir recueillir l'avis des parties civiles et obtenu l'aval d'une commission spéciale composée de magistrats de la Cour de cassation.

Le groupe UDI-UC votera ce texte largement enrichi, en comptant sur nos représentants pour défendre les apports du Sénat en CMP. En particulier, le dispositif revenant enfin sur le monopole de Bercy en matière de poursuites pour fraude fiscale, le fameux verrou de Bercy. (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-UC ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également) Les sénateurs centristes, et notamment Nathalie Goulet, le demandaient depuis longtemps ; je salue l'initiative que Michel Mercier a prise de l'introduire dans le texte. J'espère que, sur ce point comme sur les autres, la CMP nous donnera raison. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-UC et Les Républicains ; Mme Marie-Noëlle Lienemann applaudit également)

M. le président.  - La parole est à M. Philippe Bas. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

M. Jean-Louis Carrère.  - M. Bas n'est pas M. Fillon !

M. Roger Karoutchi.  - M. Fillon ? Où est-il ?

M. le président.  - Je le sais, moi, mais je ne vous le dirai pas...

M. Philippe Bas .  - Merci pour cet accueil chaleureux. (Sourires)

Je veux d'abord saluer le travail considérable et tout à fait excellent qu'a accompli M. Mercier. (Applaudissements à droite et au centre) Il suit depuis le début la mise en oeuvre de l'état d'urgence, il a accompagné le travail de la révision constitutionnelle et il assume la fonction de rapporteur de cette loi qui fera franchir à notre pays un palier dans la lutte contre le terrorisme.

Ce sujet nous réunit une fois de plus après le drame de Bruxelles et ceux que la France a connus l'an dernier, il justifie notre reconnaissance envers les forces de l'ordre et les magistrats français.

Le Sénat a voulu rendre ce texte plus sévère et plus efficace dans le respect de l'État de droit et des libertés fondamentales, une exigence à laquelle le Sénat ne se dérobe jamais. Nous avons toujours répondu présent quand il s'est agi de voter les lois antiterroristes de 2012 et de 2014, la loi sur le renseignement puis l'état d'urgence en 2015 et le texte le prolongeant en 2016. Nous le serons à nouveau, aujourd'hui, pour adopter un texte qui n'est nullement le moyen de réagir à l'émotion de nos concitoyens mais de tenir compte des difficultés éprouvées par les forces de sécurité et les magistrats pour identifier les réseaux terroristes, rassembler des preuves et arrêter les coupables.

Le terrorisme ne cesse de se diversifier, de gagner en technicité et l'intensité de ses crimes de s'aggraver. Notre droit pénal comptait trop d'angles morts, il était temps de les combler.

Ce texte renforce les pouvoirs du procureur : nous accroissons ses moyens de surveillance et d'information ; entre autres, il pourra désormais utiliser des techniques de captation de données telles que les IMSI-catchers. Ainsi, il n'y aura plus de solution de continuité dans le déroulement des enquêtes ; il ne sera plus contraint de se dessaisir d'une affaire au profit d'un juge d'instruction aux pouvoirs plus étendus.

Nous avons créé de nouvelles infractions - voyage sur un théâtre étranger d'opérations djihadistes, consultation sans motif légitime de site djihadiste - et criminalisé des délits punis jusque-là de dix ans d'emprisonnement. En matière d'exécution des peines, nous avons écarté la contrainte pénale de Mme Taubira pour tout ce qui a trait au terrorisme, allongé à trente ans la durée de la période de sûreté, interdit tout aménagement de peine pour les personnes condamnées pour terrorisme ; et, pour ceux condamnés à une peine inférieure à la perpétuité, la rétention de sûreté s'appliquera - elle n'existe actuellement que pour les criminels sexuels diagnostiqués malades psychiques. Enfin, le texte prévoit un délit sanctionnant les entreprises refusant de fournir les clés de décryptage utiles à une enquête.

La police voit également ses moyens renforcés avec l'assignation à résidence pour tout individu rentrant d'un théâtre d'opérations terroristes et une rétention administrative pouvant aller jusqu'à quatre heures après un contrôle d'identité qui nécessiterait des recherches plus poussées. Quand nous avons réussi à interpeller certains individus, nous ne pouvons pas les laisser repartir dans la nature sans procéder aux vérifications grâce auxquelles ils pourront être arrêtés.

M. Charles Revet.  - Tout à fait !

M. Philippe Bas.  - Pour toutes ces raisons, je vous recommande d'adopter ce texte, plus sévère que celui de l'Assemblée nationale. (Applaudissements à droite et au centre)

Mme Cécile Cukierman .  - L'état d'urgence « montre son efficacité, même s'il ne peut pas être un état permanent. C'est pourquoi un projet de loi est discuté en ce moment même au Parlement. », a déclaré mercredi dernier le président de la République, en annonçant la fin des débats sur le projet de loi visant à le constitutionnaliser. Ces propos clarifient les tenants et les aboutissants de ce texte : il prend le relais à l'état d'urgence qui prendra fin le 26 mai, soit quinze jours avant l'Euro 2016.

Le Gouvernement est donc parvenu à faire passer dans notre droit commun, et en procédure accélérée, des mesures issues du régime de l'état d'urgence, telle la rétention administrative de quatre heures sur simple soupçon. Alors que l'État n'a toujours pas répondu aux condamnations pour contrôles discriminatoires au faciès, cette mesure dégradera la confiance de nos concitoyennes et concitoyens dans les forces de l'ordre.

Ce texte comporte une salve de mesures attentatoires aux libertés : les parquets pourront ordonner les perquisitions de nuit, recourir aux IMSI-catchers et les règles d'engagement armé des policiers ont été assouplies. La droite sénatoriale l'a durci. Dorénavant, la consultation habituelle de sites terroristes sera pénalisée, comme si le filtrage et l'interdiction étaient la meilleure façon de prévenir les attentats... Forme d'inquisition moderne ? La presse spécialisée s'interroge. Autres marqueurs, la criminalisation de l'association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste ou encore et, avec l'aval du garde des sceaux qui se disait conscient de la nécessité d'alourdir les sanctions, la « perpétuité incompressible ».

Nous refusons cette surenchère sécuritaire et démagogique, qui met en péril le socle même de notre droit pénal. Ces mesures seront non seulement inefficaces dans la lutte contre Daech mais aussi inapplicables compte tenu des moyens dérisoires accordés à la justice.

Quand bien même nos finances publiques seraient au beau fixe, il faudrait plutôt refonder notre politique de sécurité en phase avec la situation internationale et un projet de société mettant l'accent sur la jeunesse, l'éducation et la culture.

Ne tombons pas dans le piège des obscurantistes ; c'est la liberté et le progrès social qui feront triompher la République.

Mme Éliane Assassi.  - Très bien !

Mme Cécile Cukierman.  - Le groupe CRC ne votera pas ce texte qui acte un recul inédit de nos libertés. (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jacques Bigot .  - Nous allons dans quelques instants, je l'espère, voter ce texte qui témoigne de notre détermination à lutter contre le terrorisme et le crime organisé - qui sont d'ailleurs liés.

Nous sommes tous d'accord quant à l'objectif : renforcer les moyens des forces de l'ordre et de la justice. En témoigne la large majorité qui a voté ce texte à l'Assemblée nationale : 474 députés. J'invite le groupe socialiste à les suivre, même si tous ses articles ne recueillent pas notre soutien.

Ce texte donne d'abord à nos forces de l'ordre les moyens les plus modernes - il faudra toutefois consentir les moyens financiers qui vont avec. La lutte contre le trafic d'armes et contre la cybercriminalité seront globalement renforcées. L'utilité de l'infraction de consultation habituelle de sites djihadistes reste douteuse ? N'empêchera-t-elle pas les tribunaux de faire usage d'infractions plus répressives ?

Le texte tire les conséquences de l'internationalisation du terrorisme. C'est en ce sens que nous avons accepté la demande que nous a faite le ministre de l'intérieur, amendée par l'Assemblée nationale, d'accepter la rétention administrative pouvant aller jusqu'à quatre heures lors des contrôles d'identité.

Nous avons passé du temps sur le financement du terrorisme et la lutte contre le blanchiment : c'est utile, et particulièrement d'actualité... Monsieur Zocchetto, il n'est pas impossible que votre proposition soit intéressante.

La lutte contre le terrorisme et le crime organisé doit être menée dans le respect des lois et de la démocratie. Chacun a le droit à un procès équitable. Alors que le rôle du procureur se renforce, et c'est nécessaire, il nous faudra adopter une révision constitutionnelle garantissant son indépendance et introduire du contradictoire dès l'enquête.

La pénalisation ne doit pas nous faire peur. En revanche, soyons conscients qu'elle est peu efficace à l'encontre de gens qui donnent la mort en se donnant la mort. La Cour d'appel de Paris risque fort d'être encombrée. Porter la détention administrative des mineurs de deux à trois ans ? C'est le choix de la majorité sénatoriale ; nous, nous pensions qu'il fallait les sortir au plus vite du provisoire et chercher à les réinsérer.

M. Roland Courteau.  - Très bien !

M. Jacques Bigot.  - Dissocions la logique de la peine des attentes de la société sur la sortie. La perpétuité réelle, pour les individus les plus dangereux, ceux qui veulent continuer de faire la guerre à la France, est déjà possible dans les faits. L'aménagement des peines est une simple possibilité, elle est rarement utilisée.

Robert Badinter, mon maître au barreau, un grand garde des Sceaux et un grand sénateur, disait que la grandeur de la France est à la mesure de son rôle pour la protection des libertés. Son rôle pionnier en la matière fait que son influence est supérieure à sa puissance réelle. C'est bien en restant fidèles à nos valeurs que nous vaincrons le terrorisme : liberté, égalité, fraternité ! (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Alain Bertrand applaudit également)

Mme Esther Benbassa .  - Expliquer son vote sur un texte renforçant la lutte antiterroriste est devenu un exercice de style tant le Parlement est mobilisé sur ces questions depuis quelques années. Renforcer l'arsenal législatif quand la menace est forte est légitime : c'est après la vague des attentats de 1980 et de 1995 que la France s'est dotée de lois antiterroristes majeures. Puis il y a eu les textes des années 2000 en réaction au 11 septembre 2001 mais aussi aux attentats de Madrid de 2004 et de Londres en juillet 2005.

En novembre 2012, Mohammed Merah assassinait des militaires et des enfants juifs et la France découvrait avec horreur le terrorisme djihadiste. Cinq lois en quatre ans, et toujours plus de dispositions hétéroclites adoptées sous le coup de l'émotion et en procédure accélérée.

La lutte contre le terrorisme djihadiste est un devoir national mais, pour être efficace, elle doit être concertée, coordonnée avec nos voisins et pensée au-delà du répressif. Les terribles attaques de 2015 ont déstabilisé notre société, n'était-ce pas précisément le but de ces meurtriers fanatisés ? Et nous offrons à nos concitoyens le spectacle désolant de la division et, parfois, de l'imposture politicienne. Nous ne vaincrons pas le terrorisme à coup de déchéance de nationalité et de perpétuité réelle.

Le groupe écologiste ne votera pas ce texte ni par lâcheté ni par angélisme, mais par attachement à nos principes démocratiques et à nos libertés. Comme nous avons refusé la prorogation de l'état d'urgence, nous refuserons de faire entrer certaines de ses composantes dans le droit commun.

Certains, parmi nous, soutiennent que les terroristes sont des monstres, qu'ils n'ont plus rien de commun avec l'humanité. Parce qu'on ne pourrait pas les détruire, il faudrait les isoler, les exclure définitivement. Proposer des programmes de réinsertion et de déradicalisation serait faire insulte à leurs victimes. Je vois dans ce point une immense erreur, voire une défaite de la pensée comme le dit le philosophe Frédéric Worms.

M. Roger Karoutchi.  - Qui ça ?

Mme Esther Benbassa.  - Si vous ne le connaissez pas, je n'y peux rien...

La réponse aux terroristes, dit Frédéric Worms, « ne saurait consister à prétendre exclure radicalement ceux qui ont radicalement trahi le contrat social. En effet, la maturité d'une société politique se mesure à sa capacité à connaître et surmonter ses divisions intérieures, aussi graves soient-elles ». (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Jean Louis Masson .  - (À droite : « Ah ! Un autre philosophe ! ») J'insisterai sur deux points qui n'ont pas encore été abordés. Les Français sont choqués de voir un délinquant ou un criminel pouvoir se porter partie civile contre sa victime. (Soupirs sur les bancs des groupes communiste républicain et citoyen et socialiste et républicain) Notre système judiciaire devrait l'interdire franchement.

Mme Christine Prunaud.  - Quel est le rapport avec le texte ?

M. Jean Louis Masson.  - De nombreux faits divers ont défrayé la chronique : le bijoutier attaqué par son cambrioleur, le délinquant par le policier qui l'a interpellé...

D'autre part, l'usage de leurs armes par les policiers et gendarmes. Leur fonction est identique : protéger nos concitoyens et faire régner l'ordre public. Pourtant, les premiers, contrairement aux seconds, ne peuvent faire feu qu'en cas de légitime défense. (On signale à gauche que l'orateur a dépassé son temps de parole) Harmonisons les deux régimes.

M. Michel Mercier, rapporteur de la commission des lois.  - C'est ce que nous avons fait... dans ce texte !

M. Jacques Mézard .  - Nous avons déjà eu trois occasions de nous prononcer sur un texte renforçant la lutte contre le terrorisme, j'ai eu l'honneur de rapporter celui de 2012. Le groupe RDSE, fidèle à son principe de liberté, s'abstiendra en majorité, une partie votera pour et M. Collombat contre.

Monsieur Bas, le Sénat n'est pas fidèle à son histoire en fabriquant un texte plus sévère que celui de l'Assemblée nationale, soumise, elle, à la pression de l'opinion et des médias.

Dans ce magma confus, quelques dispositions utiles sur la lutte contre le financement du terrorisme et le trafic d'armes et la volonté de traiter les retours de théâtres d'opérations terroristes.

En revanche, soumettre les retenues administratives au contrôle du juge judiciaire brouille la frontière des deux ordres de juridiction. Quelle sera la valeur juridique des propos tenus pendant la rétention de quatre heures ? Ni le rapporteur ni le garde des sceaux n'ont pu l'expliquer. Les vices inhérents au texte se confirmeront dans la pratique.

Quant à la distinction entre mesure restrictive de liberté et mesure privative de liberté, il faut être passé par l'ENA pour transformer la loi en un sanctuaire de l'hypocrisie. (Murmures) Quant aux nouvelles incriminations, elles sont plus que discutables. La preuve, elles forment déjà une liste.

Comment ignorer les difficultés du système judiciaire quand on veut renforcer la lutte contre le terrorisme ? Le garde des sceaux lui-même tire l'alarme sur les coûts cachés dans le système pénitentiaire et le système judiciaire.

Lutte contre le crime organisé par la pure aggravation des peines est une absurdité répétée sous tous les quinquennats, sans aucun résultat. On ne combat pas le terrorisme en envoyant des messages aux médias mais en donnant aux forces de l'ordre et à la justice les moyens dont ils ont besoin. Aucun gouvernement n'a voulu en faire une priorité, les citoyens non plus. Comment ne pas être indigné devant les sommes faramineuses englouties pour bâtir les stades de l'Euro quand nos greffes et nos gendarmeries manquent d'hommes et de matériel ? Quand les Romains ont abusé de l'adage panem et circenses, leur civilisation s'est effondrée.

Ce texte, qui devait initialement alléger la procédure pénale, amorce la disparition du juge d'instruction au profit du couple procureur - juge des libertés et de la détention. À droit constant, sans indépendance du parquet, c'est doter un magistrat nommé par l'exécutif du don d'ubiquité. La procédure accélérée a fait obstacle à l'examen approfondi des conséquences de ce bouleversement qui fait peser un risque réel sur nos libertés. (Applaudissements sur les bancs du groupe RDSE)

Scrutin public solennel

M. le président.  - Il va être procédé dans les conditions prévues par l'article 56 du Règlement au scrutin public solennel sur l'ensemble du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.

Ce scrutin, qui sera ouvert dans quelques instants, aura lieu en salle des Conférences.

Je remercie nos collègues Mme Catherine Tasca, MM. Philippe Adnot et François Fortassin, secrétaires du Sénat, qui vont superviser ce scrutin.

Une seule délégation de vote est admise par sénateur.

La séance, suspendue à 16 h 10, reprend à 16 h 35.

M. le président.  - Voici le résultat du scrutin n°194 sur l'ensemble du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale, compte tenu de l'ensemble des délégations de vote :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 328
Pour l'adoption 299
Contre 29

Le Sénat a adopté le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l'efficacité et les garanties de la procédure pénale.

(Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains)

Intervention du Gouvernement

M. Jean-Jacques Urvoas, garde des sceaux, ministre de la justice .  - Nous avons fait la moitié du chemin. Évidemment, le texte adopté par le Sénat est différent. Le Gouvernement espère que la CMP, la seule instance parlementaire dont il n'est pas, rétablira l'habilitation à transposer par ordonnance la quatrième directive européenne contre le blanchiment. Autrement nous risquons de ne pouvoir le faire à temps, d'ici décembre. J'espère que la CMP sera fructueuse car la lutte contre le terrorisme mérite cet esprit de concorde que je suis heureux d'avoir retrouvé au Sénat. (Applaudissements)

La séance est suspendue à 16 h 40.

présidence de M. Jean-Claude Gaudin, vice-président

Secrétaires : M. Philippe Adnot, M. François Fortassin.

La séance reprend à 16 h 45.