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Vous pouvez également consulter le compte rendu intégral de cette séance.


Table des matières



Renvoi pour avis

Action logement (Procédure accélérée)

Discussion générale

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable

Mme Valérie Létard, rapporteure de la commission des affaires économiques

Mme Marie-Noëlle Lienemann

M. Jean-Claude Lenoir

M. Michel Le Scouarnec

M. Pierre-Yves Collombat

M. Joël Labbé

M. Henri Tandonnet

Mme Élisabeth Lamure

Mme Emmanuelle Cosse, ministre

Discussion des articles

ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article premier

Interventions sur l'ensemble

M. Philippe Dallier

M. Martial Bourquin

M. Michel Le Scouarnec

Hommage aux victimes d'une catastrophe aérienne

Organisme extraparlementaire (Candidature)

Instauration d'un revenu de base

Discussion générale

M. Jean Desessard, auteur de la proposition de résolution

M. Yvon Collin

Mme Nicole Duranton

M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Mme Annie David

M. Jean-François Husson

Mme Nicole Bricq

Mme Marie-Christine Blandin

M. Daniel Percheron

M. Jean-Baptiste Lemoyne

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité réelle

Ancrage territorial de l'alimentation

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE PREMIER (Suite)

ARTICLE ADDITIONNEL

ARTICLE PREMIER BIS

ARTICLE 2

ARTICLE 3

ARTICLE 3 BIS

ARTICLE 4

ARTICLE 5 (Supprimé)

Interventions sur l'ensemble

M. Michel Le Scouarnec

M. Claude Bérit-Débat

Mme Marie-Christine Blandin

M. Jean Desessard

Mme Catherine Procaccia

M. Joël Guerriau

M. Joël Labbé, rapporteur

Ordre du jour du mardi 24 mai 2016

Analyse des scrutins publics




SÉANCE

du jeudi 19 mai 2016

99e séance de la session ordinaire 2015-2016

présidence de M. Claude Bérit-Débat, vice-président

Secrétaires : Mme Frédérique Espagnac, M. Jackie Pierre.

La séance est ouverte à 10 h 30.

Le procès-verbal de la précédente séance, constitué par le compte rendu analytique, est adopté sous les réserves d'usage.

Renvoi pour avis

M. le président.  - J'informe le Sénat que le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, autorisant la ratification de l'accord de Paris adopté le 12 décembre 2015, dont la commission des affaires étrangères est saisie au fond, est envoyé pour avis, à sa demande, à la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable.

Action logement (Procédure accélérée)

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, habilitant le Gouvernement à adopter des mesures relevant du domaine de la loi pour simplifier et rationaliser l'organisation de la collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction et la distribution des emplois de cette participation (demande du Gouvernement en application de l'article 48, alinéa 3, de la Constitution).

Discussion générale

Mme Emmanuelle Cosse, ministre du logement et de l'habitat durable .  - Je suis très heureuse de vous présenter ce projet de loi pour simplifier et rationaliser la participation des employeurs à l'effort de construction (Peec). La simplification ne se traduit certes pas dans ce titre barbare (Sourires) mais nous sommes tous ici des initiés et nous savons tous qu'il s'agit d'Action logement, l'ancien 1 % logement.

Cette réforme a été voulue et conçue par les partenaires sociaux, pour qu'Action logement conduise la politique du logement équitable, mutualisée et fonctionnelle, pour produire des logements abordables et bien situés, conformément aux voeux de nos concitoyens et dans l'intérêt de la construction.

L'accès à un logement à un prix abordable doit permettre à chacun de construire son projet de vie. C'est pourquoi le Gouvernement a porté ses efforts pour relancer la construction. Celle-ci redémarre.

La Peec est au coeur de la politique de l'emploi et du logement. Elle joue un rôle dans le financement du logement social, et des aides des employeurs à la mobilité. Elle finance la nouvelle caution locative de trois ans destinée aux salariés jeunes ou précaires. Action logement apporte aussi une contribution majeure à la politique du logement, définie par une convention-cadre, selon laquelle l'organisme a souscrit 3 milliards d'euros d'emprunt pour construire des logements sociaux.

L'Association foncière logement (AFL) dispose de 3,7 milliards d'euros : 1,4 milliard d'euros destinés au financement des personnes morales, HLM par exemple, 1,3 milliard pour la rénovation urbaine, 1 milliard pour l'aide aux personnes physiques, notamment les prêts d'accession, 200 millions pour l'aide à l'accession à la propriété dans les quartiers de la rénovation urbaine.

Le nombre des collecteurs interprofessionnels du logement (CIL) est passé de 125 à 20 entre 2009 et 2012, mais il reste des tensions et une concurrence ruineuse et inutile - que ce texte vise à supprimer.

Outre supprimer la concurrence entre les CIL, cette réforme vise à renforcer les services aux entreprises et aux salariés, garantir un accès équitable aux CIL pour toutes les entreprises, quelle que soit leur taille.

Oui, il s'agit d'un texte d'habilitation à procéder par ordonnances ; je n'ai pas de mal à imaginer votre manque d'enthousiasme pour cette procédure, c'est pourquoi j'insiste sur le fait que je vous transmettrai le projet d'ordonnances, conformément au souci de transparence et de concertation qui est ma méthode.

Une structure unique remplacera les CIL, avec un pôle service, chargé de collecter la Peec et un pôle immobilier, qui prendra des participations dans les organismes HLM. La collecte sera ainsi simplifiée, unifiée et plus transparente.

La création d'un organisme unique chargé de distribuer les fonds favorise aussi la transparence dans la répartition des aides entre les territoires, entre les zones tendues et non tendues. Je sais que dans votre commission comme à l'Assemblée nationale la question de la répartition territoriale des aides est au coeur de vos débats ; c'est pourquoi j'ai inscrit la dimension territoriale au coeur de ce texte. Les Comités régionaux Action logement (Cral) auront pour mission de déterminer les besoins des territoires, en lien avec les comités régionaux, les EPCI. La distribution de la Peec sera ainsi conforme à la fois aux orientations nationales et aux besoins locaux. La rationalisation de la structure dégagera des économies qui devront être réinvesties dans le logement.

L'Assemblée nationale a amélioré le texte. Un comité des partenaires réunira les HLM et les collectivités territoriales. Le délai de publication de l'ordonnance a été ramené de douze à huit mois et je ferai en sorte qu'elle soit publiée à l'automne pour être applicable au 1er janvier 2017.

La capitalisation des partenaires d'Action logement a aussi été réduite. La convention du 21 décembre 2014 limitait déjà la proposition des fonds capitalisés. L'État pourra s'opposer au cas par cas à des augmentations de capital. L'Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) contrôlera aussi la répartition des emplois, dans les conditions strictes qu'on lui sait et qu'on lui reproche parfois.

Cette réforme concertée améliore la transparence, la pertinence et la performance dans le respect des engagements pris pour le logement social sur tout le territoire. C'est aussi un atout supplémentaire dans la bataille pour l'emploi. Il y a une vraie urgence sociale pour des millions de nos concitoyens, qui ont besoin de logements de meilleure qualité, plus durables, plus écologiques, plus confortables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain, ainsi que du RDSE)

Mme Valérie Létard, rapporteure de la commission des affaires économiques .  - Créée en 1953 après plusieurs expérimentations locales, la participation des employeurs à l'effort de construction, la PEEC, qu'on appelle communément « 1 % logement » est une contribution versée par les employeurs du secteur privé d'au moins vingt salariés. Cette contribution est fixée à 0,45 % des rémunérations versées.

Les partenaires sociaux ont proposé et concerté une réforme de ce système au vu des problèmes posés par la concurrence entre les CIL. Ce texte nous propose d'autoriser le Gouvernement à y procéder par ordonnances ; nous aurions préféré y procéder nous-mêmes, madame la ministre, sans préjuger du contenu de vos propositions.

La réforme annoncée ne manque pas d'avantages. Les CIL seront fédérés par un organisme collecteur unique. La structure faîtière demeurera un organisme paritaire ; elle définira les orientations générales du dispositif, pilotera et contrôlera les différentes structures mises en place. Une deuxième structure remplacera les collecteurs et distribuera la Peec. Une troisième structure recueillera les titres détenus par les organismes collecteurs et pourra acquérir des titres émis par des sociétés immobilières. L'association pour l'accès aux garanties locatives et l'Association foncière logement verront leurs compétences respectives confortées dans un champ modifié. Enfin, un comité régional Action logement (Cral) représentera Action logement dans chaque région et aura vocation à identifier les besoins dans les territoires

La concurrence entre CIL sera supprimée, les coûts seront diminués de 10 % et le réseau d'Action logement aura plus de visibilité : autant de points positifs.

Les organismes HLM étaient inquiets sur la répartition de la Peec entre les organismes HLM, sur la possibilité d'utiliser la Peec pour acquérir des participations dans des organismes HLM, sur le respect de la clause d'agrément applicable dans certaines sociétés HLM.

Des réponses ont été apportées. L'ordonnance devrait garantir l'absence de discrimination entre les organismes HLM et inscrire dans le code le principe de distribution maîtrisée des dotations en fonds propres. Enfin, elle devrait donner à l'État les moyens de contrôler la distribution des fonds entre organismes HLM et de s'opposer à des augmentations de capital.

Les besoins des territoires seront mieux pris en compte, grâce aux Cral. Toutefois, les critères de répartition entre les niveaux national et local restent incertains. Comment évitera-t-on l'application de règles uniformes mécaniques ? Construction en zone tendue, rénovation ailleurs ? Les Cral feront la synthèse de besoins locaux des salariés et passeront des conventions. Il ne faut pas que la centralisation de la collecte limite les adaptations locales.

Il importe aussi que l'Ancols, qui contrôle Action logement, soit autonome, que l'on sache quelles sommes seront collectées et comment elles seront redistribuées.

Je vous propose d'adopter ce texte mais je serai très vigilante sur tous ces points d'inquiétude : nous n'hésiterons pas à procéder aux corrections nécessaires lors de l'examen du projet de loi de ratification si nous constations un décalage entre vos engagements et le contenu de l'ordonnance. (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Marie-Noëlle Lienemann .  - Le groupe socialiste soutient la position de notre rapporteure. Si je n'ai jamais été favorable aux ordonnances, il est temps que cette réforme aboutisse ; nous nous souvenons de la censure de la loi Rebsamen au motif que les dispositions concernant la Peec étaient un cavalier. Madame la ministre, merci pour votre sens du dialogue et votre engagement de nous transmettre le projet d'ordonnances avant sa publication.

Le groupe socialiste et républicain est attaché au caractère paritaire de la PEEC, et opposé à sa transformation en un prélèvement obligatoire géré par l'État, qui se substituerait à des crédits budgétaires et diminuerait l'aide à la pierre. Dites-le à Bercy ! La centralisation proposée rendra le système plus efficace, plus transparent, limitant les gaspillages. L'urgence est de construire et rénover, même si je soutiens la garantie Visale...

La Peec est un dispositif général, il ne doit pas varier selon les cas. L'Assemblée nationale a bien fait de créer un comité associant les professionnels et les élus locaux. Tous les opérateurs doivent être traités à l'identique.

Pourquoi toutefois la capitalisation est-elle possible à certains et non à d'autres ? Est-il bien constitutionnel d'autoriser une capitalisation avec des fonds issus d'un prélèvement obligatoire ? Jusque-là les organismes HLM devaient disposer de fonds propres pour agir.

M. Philippe Dallier.  - C'est évident !

Mme Marie-Noëlle Lienemann.  - Avec les prêts de haut de bilan de la Caisse des dépôts et consignations annoncés par le président de la République, la capitalisation n'est plus nécessaire : je souhaite que nous allions vers son extinction.

Je salue les engagements du Gouvernement pour des solutions plus justes et plus équitables.

Deuxième sujet, la territorialisation : il est bien légitime de s'inquiéter des zones tendues, mais cela ne doit pas être une raison de délaisser celles qui le sont moins. Nous craignons qu'au nom de l'intérêt général, on oublie les besoins des territoires dans leur diversité. Les industries sont rarement dans les métropoles. Il ne faut pas les oublier, ni que les ressources qui en sont issues soient éparpillées au loin.

La création d'une structure faîtière fait craindre que les technocrates parisiens remplacent les organismes et les partenaires sociaux. J'espère qu'on évitera une centralisation excessive ; sinon, ce sera un rapport de force perpétuel. Peut-on envisager une structure de médiation pour les cas où la décision d'Action logement heurterait de front les volontés locales ?

Troisième sujet : la contractualisation, qui est trop complexe. Simplifier l'action des acteurs locaux doit être une priorité.

Le groupe socialiste votera ce texte avec en tête l'idée de simplifier et d'assurer l'égalité entre tous les acteurs et territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ainsi que du RDSE et sur quelques bancs à droite)

M. Jean-Claude Lenoir .  - Ce texte était attendu. L'enchevêtrement des structures, leur concurrence et les coûts de gestion, dénoncés par la Cour des comptes, étaient connus et devaient être corrigés. Une première tentative avait été faite lors de la loi Rebsamen, censurée comme un cavalier législatif par le Conseil constitutionnel. Ce texte autorise le Gouvernement à procéder par ordonnances, je veux dire clairement qu'ici, au Sénat, nous ne sommes guère favorables à cette voie - et que nous aurions préféré voter un texte ad hoc... Cependant, je n'utiliserai cet argument qu'avec retenue puisqu'un certain candidat à la présidentielle présente le recours aux ordonnances comme un moyen utile pour aller vite et loin dans les réformes. (Sourires entendus)

Mme Lienemann, sénatrice parisienne, s'est heureusement montrée sensible à une répartition équilibrée du 1 % logement. Les territoires ruraux ne doivent pas être oubliés ? L'Orne aussi a des besoins de construction, même au travers de petites opérations dans de petits bourgs. Les organismes HLM continueront-ils à les aider ?

Il y a ensuite la centralisation du mode de décision. Qui décidera ? Les élus doivent être associés, afin que les technocrates ne prennent pas le pouvoir, au détriment des territoires ruraux. J'ai été surpris, lors de l'examen en commission, par la levée de boucliers et les très vives inquiétudes de sénateurs de tous les bords.

Je salue, madame la ministre, votre sens de l'écoute et du dialogue, et votre engagement de nous transmettre les projets d'ordonnances.

Nous sommes attachés à ce qu'aucun territoire ne soit oublié ; que tous nos concitoyens bénéficient de cette politique. Nous comprenons l'urgence à agir. Pour gagner du temps et éviter une nouvelle lecture, nous n'avons pas déposé d'amendements. L'essentiel est que le Gouvernement entende nos préoccupations, pour le bien de tous. (Applaudissements)

M. Michel Le Scouarnec .  - Le logement est au coeur des préoccupations des Français. Ce sujet aurait mérité mieux qu'un recours aux ordonnances. Encore une façon antiparlementaire de procéder, en plus du recours au 49-3 à l'Assemblée nationale sur la loi Travail !

Cette réforme prolonge la logique de concentration engagée par la loi Boutin de 2009. Le nombre de CIL a déjà été réduit de 125 à 20 et vous allez encore plus loin. Le lien entre Action logement et les territoires sera rompu, avec le risque de voir les inégalités se creuser entre les territoires. Cette recentralisation masque en fait un désengagement de l'État. La collecte n'est pas défectueuse, madame la ministre. Mieux aurait valu revoir les finalités du dispositif ! Seul le futur nous dira si l'engagement de conserver les actifs des CIL sera tenu ! Le Gouvernement confond simplification et centralisation.

Ce texte crée une superstructure, propriétaire de 900 000 logements en France.

Les modalités de capitalisation retenues ne s'apparentent-elles pas à une aide de l'État ? Cette réforme supprime de nombreuses structures locales, au risque de nier les besoins des territoires.

Plus qu'une nouvelle garantie logement, nous proposons une réforme pour construire plus de logements. Pour cela les cotisations doivent représenter réellement 1 % de la masse salariale et non 0,45 % ; la collecte doit être possible à partir de dix salariés, et non de vingt. Enfin, le 1 % doit bénéficier à tous.

Cessons de faire financer par le 1 % l'ensemble de la politique du logement et du renouvellement urbain : un milliard d'euros pour Action logement, contre 250 millions pour l'État - mais le Gouvernement élargit les niches fiscales. Madame la ministre, les territoires demandent une meilleure gouvernance, allez-vous les entendre ?

Ce projet de loi concentre excessivement la collecte, prive le Parlement de son contrôle, s'éloigne des préoccupations locales : nous ne le voterons pas car nous n'y croyons pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

M. Pierre-Yves Collombat .  - Rationaliser la collecte du 1 % n'a rien de choquant, même si l'usage des simplifications complexifiantes m'a rendu méfiant.

La Cour des comptes voit 320 millions d'euros d'économies possibles, c'est attirant ; cependant, pourquoi recourir aux ordonnances ? Il faudrait agir rapidement, sur ce sujet technique où les acteurs sont nombreux, avec l'accord des partenaires sociaux, tout en revenant sur la censure d'un cavalier administratif... Je ne suis guère convaincu.

Dans le fond, pourquoi m'opposerais-je cependant à un accord obtenu entre partenaires sociaux ? L'ordonnance devra être ratifiée par le Parlement trois mois après sa publication. Un contrôle sera effectivement possible.

Deux points, cependant. L'emploi des agents des CIL est loin d'être garanti. Ensuite, la répartition des ressources à l'aune de la nouvelle centralisation : l'Île-de-France a certes des besoins (M. Philippe Dallier le confirme), le Grand Paris avait pour premier objectif de régler les questions de logement.

M. Philippe Dallier.  - Ce n'est pas encore fait !

M. Pierre-Yves Collombat.  - Vous nous dites, madame la ministre, que la plus grande attention sera portée à la répartition ; cependant, le diable agit dans les détails. « Loin des yeux, loin du coeur », dit le proverbe. J'ajoute : loin du pouvoir et des lobbys, loin des subventions.

Le groupe RDSE, cependant, penche pour la présomption de confiance envers vos intentions, madame la ministre : nous voterons pour, en prenant rendez-vous pour la loi de ratification ! (Applaudissements)

M. Joël Labbé .  - Madame la rapporteure, c'est toujours un plaisir de vous entendre sur la question du logement, que vous connaissez bien - c'est aussi le cas de Mmes Lienemann et Estrosi Sassone.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre.  - Heureusement qu'il y a des femmes !

M. Joël Labbé.  - Cependant, le recours aux ordonnances ne nous satisfait pas nous non plus. Certes, il est urgent d'agir, la matière est technique et vous vous engagez à nous transmettre le projet d'ordonnances. Oui, le « choc de simplification » s'impose en la matière aussi : la concurrence entre organismes est source de complexité, des économies de fonctionnement sont louables quand elles ne font pas que supprimer des emplois - donc, oui à la transparence, à la simplification, à l'équité. Cependant, il faut rassurer les acteurs locaux, les quelque quatre mille agents ; madame la ministre, les rassurerez-vous ?

La crise du logement perdure, malgré quelques signes d'amélioration ; la nouvelle structure sera une bonne chose si elle ne centralise pas les décisions, si les particularismes des territoires peuvent être pris en compte : nous y serons très vigilants. La décision doit appartenir aux politiques, pas aux technocrates !

Dans le Morbihan, l'excellente loi SRU rencontre des difficultés à s'appliquer : des communes volontaristes se trouvent en porte-à-faux lorsqu'elles proposent de construire du logement social en centre-bourg : je vous invite à regarder cet exemple de près. Même attente de réponse précise pour les commerces en centre-ville.

Madame la ministre, vous pouvez compter sur les écologistes au Sénat ! (Applaudissements sur les bancs écologistes ainsi que du groupe socialiste et républicain)

M. Henri Tandonnet .  - Ce texte pose des problèmes à tous les groupes de la Haute Assemblée, très sensibles à la question du logement. Je salue le travail de notre rapporteure, je compte qu'elle soit notre vigie sur les ordonnances elles-mêmes.

Par définition, l'ordonnance dessaisit le Parlement, c'est regrettable. Le Gouvernement a déjà utilisé cette procédure en 2013 pour accélérer la construction du logement, sans grand succès... Je me réjouis que le délai de publication ait été réduit à l'Assemblée nationale. Quel sera votre calendrier ?

Plus généralement, les textes n'ont pas manqué ces derniers temps sur le logement : le Gouvernement traite le sujet au coup par coup, ce qui nuit à l'intelligibilité de l'ensemble - j'espère que ce n'est pas délibéré... Nous attendons un vrai bilan.

Les partenaires sociaux sont parvenus à un accord sur la réforme d'Action logement pour améliorer le service tout en diminuant les coûts, donc rendre le dispositif plus efficace. Mais la recentralisation qui s'opère entre les mains de l'État a de quoi nous inquiéter. Attention à ce que les fonds aillent bien au logement, pas à d'autres secteurs. Ensuite, gare à l'équilibre entre les territoires, les territoires ruraux, voire hyper-ruraux - chers à M. Bertrand - ne doivent pas être oubliés ! Les collectivités pouvaient hier faire entendre leur voix, qu'en sera-t-il demain ? N'accélérons pas la désertification des bourgs-centres et des villes moyennes, qui ont besoin d'être accompagnés dans leur mutation.

Quant aux recapitalisations et prises de participation prévues, je souhaite qu'elles ne concernent pas que les gros organismes.

Le groupe UDI-UC suivra la rapporteure, avec la plus grande vigilance sur la suite ! (Applaudissements des bancs du groupe socialiste et républicain aux bancs du groupe Les Républicains)

Mme Élisabeth Lamure .  - Les partenaires sociaux ont entrepris de réformer Action logement pour plus d'efficacité et de transparence. Si nous partageons ces objectifs, des zones restent à éclaircir. La méthode des ordonnances, couplée à la procédure accélérée, devient habituelle et c'est regrettable. Le Gouvernement plaide l'urgence, mais il a fallu attendre un an et demi l'ordonnance sur le logement intermédiaire prévue par la loi Alur...

Surtout, la recentralisation envisagée ne doit pas se faire au détriment de l'aménagement du territoire. Il faut éviter que la concentration de la PEEC sur les seules zones tendues n'accélère la désertification des zones rurales et périphériques. Les collectivités territoriales participeront certes au comité consultatif, mais quelle sera leur poids, leur influence ? L'État a trop tendance à faire porter à d'autres la charge de politiques qu'il entend continuer à déterminer...

Ensuite, si les CRAL sont utiles, les conventions seront signées par les régions et les EPCI : quelle place pour les autres collectivités ?

Nous resterons donc vigilants. Les rôles et responsabilités sont distribués, merci d'en prendre acte, madame la ministre ! (Applaudissements au centre et à droite)

Mme Emmanuelle Cosse, ministre .  - Vos interrogations sont légitimes, je les ai eues moi-même et les ai entendues à l'Assemblée nationale. L'État n'a pas souhaité cette réforme, ni voulu recentraliser : j'agis au nom des partenaires sociaux, pour porter la réforme qu'ils ont voulue - si l'État recentralisait, il verserait la Peec à son propre budget...

Ensuite, il faut évidemment veiller à ce que la politique du logement soit déclinée territorialement. Moi qui suis élue d'une zone très tendue, je ne méconnais pas les besoins des territoires ruraux ou périurbains, et refuse d'opposer zones tendues et détendues. Leurs besoins sont différents, en termes d'ingénierie, de crédits, de logements sociaux, d'accession à la propriété... Comment ne pas tenir compte des territoires, quand les financements viennent des territoires ? C'est le sens même des Cral et du comité des partenaires : les collectivités territoriales seront plus présentes que l'État ! Les discussions nationales prendront en compte les besoins exprimés par les Cral.

Nous venons de créer le fonds national des aides à la pierre, jamais on ne lui a fait le reproche d'ignorer les besoins locaux.

Le personnel d'Action logement n'est pas oublié ; la réorganisation a commencé, et le dialogue se poursuit.

La Peec a pour unique but la construction de logements. Est-il donc illégitime que l'État demande à Action logement d'utiliser l'argent à cette fin ? Je ne le crois pas. Le Gouvernement n'entend pas remettre en cause ce système, contesté par d'autres.

Les acteurs du logement ont fait de très grands efforts, il faut les soutenir afin de mobiliser plus efficacement la Peec : c'est notre objectif.

La discussion générale est close.

Discussion des articles

ARTICLE ADDITIONNEL avant l'article premier

M. le président.  - Amendement n°1, présenté par M. Le Scouarnec et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Avant l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le code de la construction et de l'habitation est ainsi modifié :

1°  -  Au premier alinéa de l'article L. 313-1, le mot : « vingt » est remplacé par le mot : « dix » et le taux : « 0,45 % » est remplacé par le taux : « 1 % » ;

2°  -  Aux première et troisième phrases du premier alinéa, aux deuxième et troisième alinéas de l'article L. 313-2, le mot : « vingt » est remplacé par le mot : « dix ».

M. Michel Le Scouarnec.  - Avant de revoir le mode de collecte, il faudrait s'intéresser à l'enveloppe globale de la Peec. Depuis sa création en 1953, le 1 % logement a été malmené : baisse du taux à 0,45 % en 1992, relèvement du seuil d'assujettissement de 10 à 20 salariés en 2006... Les sommes collectées sont de plus en plus dispersées : elles financent l'Anru, l'Anah, mais aussi désormais les APL, demain la garantie locative, voire le prêt d'un milliard d'euros aux bailleurs sociaux...

Selon nous, Action logement doit se concentrer sur son coeur de métier, la construction de logements sociaux pour tous les salariés. Avec cet amendement, nous proposons de rétablir le taux de 1 % et le seuil de 10 salariés. Les entreprises doivent participer à l'effort de construction, c'est leur intérêt et celui des salariés, qui aspirent à se loger près de leur lieu de travail - ce qui réduira aussi les émissions polluantes.

Mme Valérie Létard, rapporteure.  - Si le taux est effectivement passé à 0,45 %, il faut compter avec la contribution au Fnal qui, elle, a augmenté progressivement pour atteindre 0,5 % de la masse salariale, soit au total 0,95 %. Il ne paraît pas souhaitable d'aller plus loin sans concertation avec les partenaires sociaux, avis défavorable.

Mme Emmanuelle Cosse, ministre.  - Cet amendement pose les questions plus générales du financement du logement et de la pression fiscale. Ce n'est pas l'objet de ce projet de loi. La participation totale des employeurs s'élève effectivement à 0,95 %, et si les entreprises de moins de 20 salariés sont exonérées, celles qui emploient de 10 à 19 salariés bénéficient cependant des aides d'Action logement. Avis défavorable.

M. Philippe Dallier.  - La France est désormais championne d'Europe. De football ? Non, des prélèvements obligatoires, qui s'élèvent à 45,7 % du PIB. De grâce, stop ! Nos entreprises n'en peuvent plus, ni les particuliers !

M. Henri Tandonnet.  - Nous voterons contre, telle n'était pas la démarche des partenaires sociaux, que nous devons respecter.

L'amendement n°1 n'est pas adopté.

Les articles premier, 2, 3 et 4 sont successivement adoptés.

Interventions sur l'ensemble

M. Philippe Dallier .  - Je voterai ce texte sans état d'âme.

M. Roger Karoutchi.  - Moi aussi !

M. Philippe Dallier.  - Souvenons-nous des critiques envers Action logement ! Voilà un organisme qui s'autoréforme, dans la concertation, il mérite notre soutien. On s'inquiète pour la territorialisation, mais 60 % des crédits vont déjà aux zones non tendues et la contribution des entreprises vise à construire près des emplois. Si nous constatons des dérives, nous pourrons y revenir.

Sur le Fnal, madame la ministre, je proposais d'aller beaucoup plus loin : que le Fonds s'autogouverne et que l'État cesse de s'arroger une minorité de blocage. Je suis, moi, pour la responsabilisation des acteurs, quitte à corriger le tir si nécessaire.

M. Martial Bourquin .  - Le groupe socialiste votera ce texte. La question centrale sera effectivement celle de l'équité territoriale. Bien sûr, il faut construire près des entreprises. Mais n'oublions pas les villes moyennes, souvent situées près de secteurs d'activité, où l'on compte tant de logements vétustes et où le taux de vacance atteint des sommets. De vastes chantiers de réhabilitation sont devant nous.

De même, certains quartiers hors Anru, où la sociologie est pourtant beaucoup plus difficile, ont besoin de notre solidarité.

S'agissant enfin de la ruralité, des opérations extraordinaires ont été menées dans des centres-bourgs et des villages, qui y ont ramené la vie.

M. Michel Le Scouarnec .  - Tout notre débat le montre, nous manquons cruellement de moyens pour le logement. Il y a tant à faire ! Pour avoir été maire pendant dix-sept ans, et pour avoir beaucoup construit, je sais combien le logement est une question cruciale, pour l'emploi bien sûr, mais surtout pour le bonheur des gens.

Le projet de loi est définitivement adopté.

La séance est suspendue à 12 h 20.

présidence de M. Jean-Pierre Caffet, vice-président

La séance reprend à 14 h 40.

Hommage aux victimes d'une catastrophe aérienne

M. le président.  - (Mmes et MM. les sénateurs et Mme la secrétaire d'État se lèvent)

Ce matin, un avion de la compagnie égyptienne Egyptair a disparu.

Soixante-six personnes, dont quinze de nos compatriotes, étaient à bord de l'appareil.

Si les causes de ce drame ne sont pas encore connues, je souhaite, au nom du Sénat tout entier, assurer les familles et les proches des victimes de notre compassion sincère et de notre solidarité.

Toute la lumière devra être faite sur ce drame.

Je vous invite à respecter un moment de recueillement.

(Mmes et MM. les sénateurs et Mme la secrétaire d'État observent un instant de silence)

Organisme extraparlementaire (Candidature)

M. le président.  - M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d'un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission permanente pour l'emploi et la formation professionnelle des Français de l'étranger.

La commission des affaires sociales a été invitée à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du Règlement.

Instauration d'un revenu de base

M. le président.  - L'ordre du jour appelle l'examen de la proposition de résolution pour l'instauration d'un revenu de base présentée, en application de l'article 34-1 de la Constitution, par M. Jean Desessard et les membres du groupe écologiste.

Discussion générale

M. Jean Desessard, auteur de la proposition de résolution .  - J'ai le plaisir de vous présenter, avec l'ensemble des membres du groupe écologiste, une proposition de résolution instaurant un revenu universel. Sa dénomination peut varier : revenu de base, revenu universel, minimum d'existence, allocation universelle, revenu citoyen, dividende universel, etc.

L'idée n'est pas neuve. Voltaire, dans L'homme aux quarante écus ou Thomas Paine, dans Justice agraire ont avancé l'idée d'un revenu inconditionnel versé à tous les habitants d'un territoire.

L'économiste Yoland Bresson a émis l'idée d'un revenu « alloué périodiquement à tout citoyen économique, sans autres considérations que celle de son existence ». Des intellectuels comme André Gorz, Jacques Marseille, Cynthia Fleury, plus récemment, l'ont reprise, puis des politiques, au-delà même du parti écologiste. Ainsi, des amendements ont été déposés en ce sens à l'Assemblée nationale par les députés Frédéric Lefebvre et Delphine Batho.

Ce débat n'existe pas qu'en France. Ainsi, la Finlande a lancé une étude en vue de l'expérimentation d'un revenu de base en 2017. Le 5 juin 2016, le peuple suisse sera invité à se prononcer sur l'instauration d'un revenu de base dans le cadre d'une initiative populaire fédérale. Aux Pays-Bas, trente villes envisagent d'expérimenter le revenu de base sur leur territoire.

Le revenu de base, selon les termes de notre proposition, est « un droit inaliénable, inconditionnel, cumulable avec d'autres revenus, distribué par une communauté politique à tous ses membres, de la naissance à la mort, sur la base individuelle, sans contrôle des ressources ni exigence de contrepartie, dont le montant et le financement sont ajustés démocratiquement ».

Ainsi les pauvres, les riches, les chômeurs, les précaires, les milliardaires, y ont-ils droit, sans avoir à effectuer de démarches particulières.

Il permet d'abord de lutter contre la pauvreté, objectif posé par l'article 25 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948. Notre pays compte 112 000 sans-abri en 2012, selon l'Insee, dont 31 000 enfants, ce qui illustre assez que cet objectif n'est pas atteint.

Deuxième objectif du revenu de base : la simplification administrative, puisqu'il se substituerait aux minima sociaux. Au 31 décembre 2013, quatre millions de personnes perçoivent une allocation sociale : l'enjeu est de taille. Simplification pour les bénéficiaires également, qui n'auraient plus à effectuer la moindre démarche, alors que le taux de non recours au RSA, par exemple, avoisine les 50 %.

Le revenu de base est également la nouvelle étape de la citoyenneté. Grâce au revenu de base, le travailleur gagnera en dignité, en capacité de négociation face à un employeur pour refuser un travail pénible sous-payé. Le revenu de base, vu sous cet angle, serait aussi un levier d'émancipation.

Le cabinet d'études Roland Berger estime que le numérique, dans toutes ses dimensions - robotisation, développement de nouvelles applications, etc. - pourra supprimer trois millions d'emplois en France en 2025. Face à cette révolution, le revenu de base apparait ainsi comme une solution durable face à un chômage structurel lui aussi durable.

Le groupe écologiste considère que les gains de productivité entraînés par la robotisation doivent être redistribués.

Cette proposition de résolution demande simplement qu'une étude d'impact soit réalisée sur la mise en place d'un revenu de base. À 525 euros, son coût serait de 400 milliards d'euros, ce qui.... (Sourires et exclamations sur divers bancs)

Mme Nicole Bricq.  - ...n'est rien ! (Sourires)

M. Jean Desessard.  - ...est loin d'être négligeable, certes, (Sourires) alors que les prélèvements de l'État s'élèvent à 291 milliards d'euros et ceux des collectivités territoriales à 127 milliards. Mais il s'agit d'une redistribution. Le revenu de base s'accompagnera nécessairement d'une révolution ou en tout cas d'une grande réforme fiscale...

M. Jean-Baptiste Lemoyne.  - Enfin, la fameuse ! (Sourires à droite)

M. Jean Desessard.  - Bref, nous ferons évaluer ces modalités une fois la résolution votée. Car le revenu de base n'est pas une lubie d'altermondialistes ni une rêverie d'écologistes en manque d'utopies...

M. Jean-François Husson.  - Bien sûr !

M. Jean Desessard.  - C'est un outil de solidarité adapté à la transformation économique, efficace pour lutter contre la pauvreté. (M. Jean-Baptiste Lemoyne s'exclame) C'est une nécessité. L'économiste et philosophe Philippe Van Parijs le dit si bien : « Un jour, nous nous demanderons comment nous avons pu vivre sans revenu universel. » (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste ; Mme Annie David et M. Gilbert Roger applaudissent aussi)

M. Yvon Collin .  - Notre excellent collègue Michel Amiel devait intervenir sur ce sujet le 9 mars ; je m'exprimerai à sa place en m'inspirant de son projet d'intervention.

Ce monde globalisé, numérisé, uberisé dans lequel nous vivons a conduit récemment le Conseil national du numérique à réfléchir à notre avenir. L'enjeu ? Endiguer la pauvreté, dans un système qui crée pourtant de plus en plus de richesses. Les détracteurs du revenu universel se réjouissent de voir naître ses prémisses chez Thomas More, l'inventeur de l'idée d'utopie... On la retrouve pourtant plus tard chez Thomas Paine, James Meade, prix Nobel d'économie, ou Jean-Marc Ferry. Michel Foucault voyait aussi dans la création d'une allocation unique le meilleur système de protection sociale.

Un tel revenu de base répondrait à trois critères : universel, individuel, inconditionnel. Il s'agit de préserver la dignité de tous, de rendre effectif le droit à ne pas être laissé sur le bord de la route. L'autonomie de chacun est préservée, et l'automaticité du mécanisme exonère d'effectuer les longues démarches associées à la demande d'une allocation. En raison de son versement unique, le revenu de base simplifierait aussi la charge administrative des prestations sociales.

Le système proposé prête certes le flanc à la critique. Il encouragerait l'oisiveté, dit-on. Il susciterait l'engagement dans des activités associatives, peut-on répondre.

Pour reprendre les termes de l'économiste Yann Moulier-Boutang entre le modèle de la cigale insouciante et de la fourmi laborieuse s'interpose celui de l'abeille vertueuse.

Le revenu de base bousculerait le contrat social, dissocierait droits et devoirs, entend-on aussi. Cela se discute.

Reste à préciser ses modalités de financement. Il coûterait 400 milliards d'euros. Taxe Tobin, réforme de l'impôt sur le revenu, des pistes de financement existent. Nous comptons beaucoup sur les travaux de la mission d'information demandée par le groupe socialiste pour approfondir cette question. Nous soutenons philosophiquement l'idée d'un revenu de base, mais considérons que le débat doit être porté au niveau européen. Ayant trop de réserves à ce stade pour soutenir la proposition de résolution dans sa rédaction actuelle, les membres du groupe RDSE s'abstiendront. (Mme Marie-Christine Blandin applaudit ; Mme Nicole Bricq applaudit aussi)

M. Jean Desessard.  - S'il y a des réserves financières, c'est que cela doit pouvoir s'arranger ! (Sourires)

Mme Nicole Duranton .  - Le revenu de base sur lequel nous sommes amenés à nous prononcer permettrait à chaque citoyen de recevoir une allocation fixe sans considération de revenu. L'idée, on l'a dit, est loin d'être nouvelle : la littérature économique est remplie de telles propositions de revenu ou d'allocation universels censées lutter contre la pauvreté et la crise leur a donné une nouvelle actualité. Le Conseil national du numérique lui-même l'a soulevée récemment.

M. Desessard a cité Thomas More et Thomas Paine. Des personnalités telles que Napoléon et Martin Luther King, s'étaient ralliés à une telle idée.

Nous ignorons en réalité les effets d'un tel mécanisme. En Alaska, un revenu de base est versé depuis 1982, souché sur les recettes pétrolières de l'État...

Mme Nicole Bricq.  - Exact.

Mme Nicole Duranton.  - Aux Pays-Bas, entre 20 et 30 villes disent vouloir l'expérimenter. En Finlande, un revenu de base de 800 euros est à l'étude - M. Jean-François Husson, qui en revient, en parlera mieux que moi.

Le revenu universel, à la vérité, risque d'encourager l'assistanat. Donnons plutôt à chacun le goût d'entreprendre. La France est un pays d'assistés ! (Marques d'indignation sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen et sur plusieurs bancs du groupe socialiste et républicain)

Mon département dépense 80 millions d'euros au titre du RSA. Il compte 13 000 bénéficiaires. Sur 4 000 courriers envoyés aux allocataires, la quasi-totalité des retours indiquaient un changement de situation, 2 000 courriers sont restés sans réponse, et 1 000 avaient abouti, manifestement, à une mauvaise adresse... Une allocation aveugle, qui ignorerait cette réalité, serait inefficace et inutile.

Preuve qu'un tel revenu doit être souple, adapté à la situation de chacun, sinon comme le RSA il entretiendra l'oisiveté, et attirera les immigrants... (Protestations sur les bancs du groupe communiste républicain et citoyen)

Mme Éliane Assassi.  - C'est proche du Front national ce que vous dites !

Mme Nicole Duranton.  - Le Conseil national du numérique indique en outre que le remplacement de tous les versements existants par un unique revenu universel reviendrait à ne verser que 200 euros par personne et 60 euros par enfant.

Bref, le revenu de base n'est pas concevable en l'état, et pose de nombreux problèmes philosophiques et économiques à ce jour non résolus. Nous ne voterons donc pas cette proposition de résolution. (Mme Éliane Assassi s'exclame à nouveau)

M. Jean-Marie Vanlerenberghe .  - L'idée d'un revenu de base est ancienne, M. Desessard l'a rappelé, Voltaire, John Stuart Mill l'ont jadis défendue.

Il s'agit d'assurer un minimum de bien-être et de simplifier le versement des prestations existantes. En France, Arnaud Montebourg, Dominique de Villepin militent dans le même sens que Jean Desessard. Au-delà de nos frontières, l'idée prospère, semble-t-il, en Finlande - M. Husson qui en revient nous en dira plus - mais aussi en Suisse, aux Pays-Bas et en Alaska. En Belgique, depuis 1986, le Basic Income Earth Network (BIEN) soutient également la mise en place d'un revenu universel.

Dans sa version finlandaise, qui devrait aboutir en 2017, une allocation de 800 euros serait versée à chacun, sans préjudice des revenus d'activité, mais en remplaçant, semble-t-il, certaines prestations sociales, afin, selon les promoteurs de cette mesure, tel le professeur Olli Kangas, de stimuler la recherche d'emploi chez ceux qui n'en ont pas - je ne vois guère comment mais soit.

En 2012, le Centre des jeunes dirigeants d'entreprise a dévoilé un projet Oïkos, en faveur de la compétitivité des entreprises, de la simplification, censé améliorer le pouvoir d'achat de 7 %, qui comprendrait une allocation universelle, de 400 euros par mois pour un adulte, la moitié pour les mineurs, en remplacement de l'ensemble des autres aides sociales.

Le think tank Génération libre propose, lui, un crédit d'impôt financé par l'impôt sur le revenu. Pour le financer, une taxe de 23 % sur les revenus serait créée. La moitié de la population en bénéficierait ; un quart serait contributaire ; pour un cinquième de la population le dispositif serait neutre.

La Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (iFRAP), elle, propose la fusion de 47 aides sociales existantes en une seule allocation unique, avec un cumul entre les aides sociales et le revenu du travail plafonné à 2 500 euros par mois. La gestion serait locale, par un organisme unique - 10 milliards d'euros serait ainsi économisés sur les frais de gestion.

Il y a, on le voit, plusieurs conceptions du revenu de base. Le coeur du sujet reste son montant : il ne doit pas dissuader de travailler, le travail n'étant pas une punition mais une source de lien social, et surtout le moyen de financer les prestations sociales.

Deuxième problème : les modalités de calcul du revenu de base : faut-il y inclure les pensions de retraite, par exemple ?

Intellectuellement, l'idée n'est pas mauvaise. Mais elle soulève de nombreuses questions. Quelle finalité, au juste, confère-t-on au revenu de base ? Quelles modalités de calcul ? Nous n'y répondrons à l'évidence pas cet après-midi. Il convient d'approfondir. La mission d'information créée sur le revenu de base fournira, elle, des éléments précieux. Nous nous abstiendrons. (Applaudissements au centre et à droite ; M. Jean Desessard applaudit aussi)

Mme Annie David .  - Je ne peux commencer mon propos sans m'associer aux manifestations d'aujourd'hui qui réitèrent les demandes de retrait de la loi Travail. Salarié(e)s, étudiant(e)s, citoyens, parlementaires n'ont cessé de vous le dire depuis trois mois : il serait temps de les écouter ; il serait temps d'entendre aussi cette exigence d'une société plus juste, plus solidaire, qui permette à chacun de vivre dignement.

Cela m'amène naturellement à cette proposition de résolution. L'idée est versée au débat public depuis longtemps, dans un contexte de chômage de masse et de précarisation des emplois. Mais attention : ne voyons pas dans le revenu de base une solution miracle à tous ces maux.

Derrière cette idée généreuse, les conditions, les finalités et les modalités d'un tel revenu de base diffèrent, ce débat l'a montré.

Premier objectif affiché par la proposition de résolution : garantir un revenu élémentaire, mais comment le financer ? L'économiste Marc de Basquiat, président de l'association pour l'instauration d'un revenu d'existence (Aire), estime son coût à 400 millions d'euros pour 470 euros par mois par adulte. D'autres économistes jugent le mécanisme inefficace en-deçà de 1 000 euros par mois, niveau du seuil de pauvreté, ce qui coûterait 600 milliards d'euros...

Mme Nicole Bricq.  - Le coût de notre protection sociale...

Mme Annie David.  - C'est en effet le coût de notre protection sociale ciblée. Deuxième objectif : simplifier la gestion des allocations sociales. Cette finalité peut faire craindre des coupes claires dans notre système de sécurité sociale et des suppressions d'emploi.

Troisième objectif : accompagner les mutations de l'économie française. Mais le mécanisme proposé ne propose aucun autre modèle, voire accompagne la poursuite de la libéralisation de notre économie.

Nous portons, nous, un projet de société sans chômage, et n'avons pas abandonné la belle idée d'Ambroise Croizat, fondateur de notre sécurité sociale, de bâtir un système dans lequel on ne passerait pas sa vie à la gagner - le plus souvent, à la perdre... Reconnaissance des qualifications, 32 heures de temps de travail par semaine, accès à la formation professionnelle, retraite à 60 ans pour tous, voire 55 ans pour les métiers les plus pénibles, voilà un projet moderne qui permet de se consacrer à un travail qui nous plait et de jouir de nos loisirs.

Mais cela requiert une profonde réforme fiscale. Ce n'est pas le chemin pris dans notre pays, si l'on en juge par les notes récentes...

M. Jean-François Husson .  - Cette proposition de résolution arrive dans un contexte préoccupant. La célébration des 70 ans de la sécurité sociale doit nous inciter à l'inventivité, car notre régime, l'un des plus généreux du monde, est aussi inefficient et inefficace, si l'on considère que 14 % de nos concitoyens vivent sous le seuil de pauvreté.

Faute d'objectifs clairs, notre système de protection sociale se complexifie d'année en année. Il est urgent de le rendre à nouveau lisible.

Notre économie subit simultanément de profonds bouleversements qui imposent des adaptations.

La France doit dans ce contexte avoir l'audace de regarder hors de ses frontières. Je reviens justement d'Helsinki, où j'étais au titre du groupe d'amitié franco-finlandais que je préside. En effet, y est prévu un revenu de 550 euros par personne, en remplacement de certaines aides sociales existantes. Il n'est pas question, pour l'instant de toucher aux allocations familiales, aux aides au logement ni aux indemnités de chômage. Il s'agit de favoriser le retour à l'emploi et de soutenir les bas salaires.

Dès le 1er janvier 2017, deux mille personnes-tests, choisies aléatoirement par la sécurité sociale finlandaise, en bénéficieront, pour un coût estimé de 20 millions d'euros. Le montant de 550 euros est supérieur au revenu minimum et aux allocations destinées aux étudiants.

L'idée est séduisante, certes, mais bien des questions toutefois demeurent : quel montant pour atteindre efficacement l'objectif de lutte contre la pauvreté ? Quels bénéficiaires pour maintenir une certaine équité ? L'idée d'un revenu perçu de la naissance à la mort me paraît déraisonnable. S'agit-il d'un revenu direct ou d'un impôt négatif ? Les résidents étrangers doivent-ils être éligibles du seul fait de leur présence sur le territoire ? Poser la question, c'est embrasser d'emblée la complexité de la réponse... Cela n'encouragera-t-il pas l'assistanat ? Les taux de retour à l'emploi doivent être, à l'évidence, examinés de près pour mesurer l'efficacité de ce mécanisme. Enfin, quel impact sur les finances publiques et sur les impôts déjà élevés ? Il est douteux que nos concitoyens puissent accepter un prélèvement supplémentaire, fût-ce pour cet objectif louable.

Le revenu de base imposerait en corollaire que tous les ménages soient effectivement assujettis à l'impôt - ce qui fait généralement consensus sur nos bancs.

La question d'une protection sociale du XXle siècle doit être posée, et le revenu de base fait partie des pistes de réflexion que nous pouvons explorer. Cependant une telle réforme de notre système de protection sociale ne peut s'improviser. Donnons-nous le temps d'en débattre, après avoir examiné les résultats des expériences étrangères et interrogé nos concitoyens.

Bref, je salue l'initiative, même si le projet reste encore trop flou. Mon abstention sera donc bienveillante... (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains ; M. Jean Desessard applaudit aussi)

Mme Nicole Bricq .  - Nos collègues écologistes ont soumis cette proposition de résolution le 2 février dernier, à la suite de leurs congrès de novembre 2013. Leur proposition est très exigeante pour le Gouvernement, à qui vous demandez beaucoup et qui a autre chose à faire...

M. Jean-Claude Lenoir.  - Lutter contre le chômage !

Mme Nicole Bricq.  - Le groupe socialiste ne la votera pas, mais l'idée est ancienne, elle date du XVIIIe siècle, reprise tantôt par la droite, tantôt par la gauche. Il ne faut pas fermer le débat comme a fait Mme Duranton en réduisant le revenu de base à l'assistanat. Les libéraux peuvent aussi apprécier cette proposition et y voir une substitution à la protection sociale. M. Cameron a bien des difficultés d'ailleurs à la mettre en oeuvre. Le groupe socialiste évitera tout procès a priori et reste ouvert à la discussion.

Le Conseil national du numérique dans son rapport de janvier 2016 donne au revenu de base plusieurs missions : répondre aux aléas de la vie, lutter contre la précarité et la pauvreté, ainsi que contre le travail caché lié à la numérisation. Il propose plusieurs pistes de financement : surcoût de CSG, d'impôt sur le revenu, cotisation employeur, taxe sur les transactions financières. C'est assez large et occupe six pages seulement d'un rapport qui en fait deux cents !

Autre sujet : l'intermittence des parcours. France Stratégie propose l'instauration d'un statut d'indépendant et de salarié intermittent, articulé avec le compte personnel d'activité, c'est intéressant. Comme Terra Nova, elle imagine qu'en 2030 le revenu de base fusionnerait tous les minima sociaux. Voilà qui a le mérite de conforter la valeur du travail.

Poser comme préalable le principe de l'individualisation suppose rien moins qu'une vraie révolution fiscale. Je vois déjà les difficultés à mettre en place la retenue à la source.

La réflexion la plus aboutie est celle du député Christophe Sirugue, dans son rapport du 18 avril. Il propose comme l'ont fait les Allemands avec les réformes Hartz, la fusion des minima sociaux existants dans une couverture socle de 400 euros, complétée par une allocation d'insertion, versée par des départements, à hauteur de 100 euros, et un complément de soutien aux personnes handicapées ou âgées. Il facilite donc le financement et l'accès aux droits, sur le modèle de la réforme de la prime pour l'emploi.

Méfions-nous, en tout cas, de la pensée magique. Si l'on s'engage sur cette voie, il faudra indiquer aux Français toutes les conséquences.

Mme Marie-Christine Blandin .  - Notre société est prisonnière d'un paradoxe durable. D'une part, la valeur travail est une valeur cardinale dès l'école et tout au long de la vie, aussi bien pour l'insertion individuelle que pour la transmission des savoir-faire - donc, vive le travail ! Pourtant, notre société n'est plus capable d'en fournir à tout le monde, le diplôme ne suffit plus, il faut aussi de l'aisance verbale lors des entretiens d'embauche.

Selon les critiques de droite, le revenu de base découragerait le travail. L'expérience canadienne dans le Manitoba montre qu'il n'en est rien. Les taux d'activité ont augmenté. Le revenu de base n'est pas un passeport pour l'oreiller mais une passerelle vers l'emploi, car les gens ont besoin d'être sécurisés. L'exemple des 930 habitants d'un village de Namibie montre que l'activité économique a crû, que le chômage a été ramené de 60 à 45 %, que l'activité entrepreneuriale s'est accrue de 300 %.

Selon les critiques de gauche, le revenu de base ne serait que la roue de secours du capitalisme, une manière de comprimer les salaires en offrant en échange un niveau de revenus excessivement bas, qui serait à l'avantage des seuls employeurs.

Les écologistes, au contraire, proposent un revenu suffisant pour renforcer la capacité de négociation et de choix des salariés. Plus personne ne craindra alors d'exercer des travaux pénibles ? Ce qui se passera alors, c'est qu'on améliorera les façons de faire et les outils, par exemple chacun apprendra à mieux gérer ses déchets. C'est bien un changement de société !

Le revenu de base coûterait cher ? Oui mais les cotisations sociales seraient revues, comme la fiscalité. Les niches fiscales baisseraient et la fiscalité écologique monterait en puissance. Quelle réforme mais chacun y gagnerait en dignité ! Oui, madame Duranton, beaucoup n'habitent plus à l'adresse indiquée, c'est que beaucoup sont expulsés ! Le revenu de base est complexe en effet, mais notre société a besoin de cette révolution apaisée. (Applaudissements sur les bancs écologistes et du groupe CRC)

M. Jean Desessard.  - Vive la révolution sereine !

M. Daniel Percheron .  - Si l'on parle du revenu d'existence, on croise Jean-Jacques Rousseau et Milton Friedman. Ce débat fait avancer le progrès social. Je suis élu du département de Thomas Paine, député à la Grande Convention.

Ce débat doit être l'occasion d'une prise de conscience et permettre l'expérimentation. Mettons nos pas dans ceux de Michel Rocard, Lionel Stoléru, Christophe Sirugue, Martin Hirsch, et avançons donc.

On est loin des promesses de la stratégie de Lisbonne, quand nous étions persuadés que nous ferions travailler pour nous tous les ateliers du monde et que nous vivrions de l'économie de la connaissance. Reconnaissons-le : alors que les capitaux ruissellent à la surface de la planète et font sauter le bocage des États-nations, l'Europe n'est pas au rendez-vous de la prospérité, nous nous sommes trompés, et une évolution est plus que jamais nécessaire.

La troisième révolution industrielle annoncée par Jeremy Rifkin est en marche dans le Pas-de-Calais. Quand 40 % des emplois sont menacés par la révolution numérique, il n'est plus question d'imiter les ouvriers du XIXe siècle qui bloquaient les machines avec leurs sabots. Avançons plutôt vers plus de solidarité.

En avons-nous les moyens ? L'État providence est une réalité : 57 % de dépenses publiques ; un taux de dépenses sociales inégalé dans le monde 30 %. Nous avons les moyens de mettre en place ce revenu d'existence ! Nous avons besoin de traçabilité dans le domaine social, car nos concitoyens nous disent « vous ne faites rien pour nous ».

Mme Nicole Bricq.  - Ce qui est faux.

M. Daniel Percheron.  - Comme le dit Jean Tirole, le rôle de l'État est de réguler le marché et d'assurer la protection sociale. Expérimentons !

N'oubliez pas que l'Europe expérimente déjà le revenu de base dans la PAC, avec le découplage des aides. Pourtant, les agriculteurs ne veulent pas être des assistés ! Je viens du Nord : il y a des terres en déshérence. Dans l'arrondissement de Lens, la création de richesses n'est que de 1 000 euros, quand elle est de 8 000 dans certaines vallées alpines.

Notre mission d'information aura pour but d'expérimenter. La Finlande, fidèle à son modèle nordique, ose l'expérimentation. Mais la Finlande ne compte que 5 millions d'habitants et deux millions de syndiqués !

M. le président.  - Si je vous laisse poursuivre, nous sommes encore ici ce soir ! (Sourires)

M. Daniel Percheron.  - Je me hâte. N'oublions pas la maxime de Saint-Just : « Les malheureux sont les puissants du monde. Ils ont des droits sur les gouvernants ». (Applaudissements sur certains bancs à gauche et au centre)

M. Jean-Baptiste Lemoyne .  - Merci au groupe écologiste pour cette proposition de résolution qui nous projette dans l'avenir. Non, nous n'avons pas tout essayé. Il faut sortir du cadre. L'heure n'est plus aux petits réglages des curseurs : il faut tout changer pour que tout change et faire mentir l'auteur du Guépard. Malgré des dépenses sans précédent, notre protection sociale ne nous protège plus assez : les inégalités se creusent, le chômage atteint des sommets.

Tandis que le personnalisme prône le minimum social garanti, les ultralibéraux parleraient plutôt de revenu social négatif. Il est édifiant que ces deux philosophies arrivent à se rencontrer même si les mots ne sont pas les mêmes. Et pour cause, il y a un point commun : favoriser l'autonomie de chacun et promouvoir une souveraineté ascendante, de l'homme vers l'humanité. Bref, une société subsidiaire.

Proche d'Emmanuel Mounier, le personnaliste Alexandre Marc décrivait la crise comme une rupture entre élites et masses, un schisme social, un étatisme envahissant. Cela nous parle ! Le fédéralisme global qu'élaborent les personnalistes a vocation à s'appliquer dans tous les ordres. Ordre politique, avec la valorisation des communes, ces « petites patries » ; ordre économique avec la valorisation d'une association harmonieuse capital/travail ; ordre social avec le minimum social garanti. Bref à la confluence de Pierre-Joseph Proudhon, d'Albert de Mun et de Fernand Pelloutier, le promoteur des bourses du travail et de la libre association de producteurs.

Les libéraux, comme Maurice Allais, Milton Friedman ou Gaspard Koenig, sont sensibles à la simplification et posent comme pendant l'impôt universel. On n'en est pas là.

Il revient au législateur de mettre le revenu de base en pratique. Le consensus risque alors de se briser sur des questions comme celles du périmètre et du montant. Et comment éviter l'inactivité ?

La Finlande, les exemples de l'Inde ou de la Namibie sont un peu éloignés. Pensons plutôt à celui de la Finlande, plus proche de nous à tout point de vue.

Le revenu citoyen est un instrument de responsabilisation. Aux actes citoyens ! Je voterai cette proposition de résolution, des deux mains !

M. Jean Desessard.  - Oui, « de l'audace ! », madame la ministre !

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité réelle .  - La création d'un revenu de base minimal revient au coeur de nombreuses discussions. Il concerne notre modèle de société. La France, en 1990, a été à l'avant-garde, quand Michel Rocard a créé le RMI, pour garantir à chacun la dignité, et non l'assistanat. Puis le RSA a été créé, transformé en prime d'activité récemment, pour encourager la reprise du travail.

Mme Nicole Bricq.  - Très bien !

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État.  - Le Gouvernement partage plusieurs objectifs de cette proposition de loi : garantir à tous un revenu pour que chacun puisse se soigner, se loger, se nourrir. C'est l'objet du plan de lutte contre la pauvreté : un ménage sur sept vit en dessous du seuil de pauvreté, un enfant sur cinq est en grande précarité. Le plan de lutte contre la pauvreté 2013-2017 vise à réduire la précarité, il comprend 49 mesures précises, dont le plan d'aide renforcé visant des familles pauvres avec enfants, la garantie des loyers pour les étudiants, etc.

C'est ainsi que 2,6 milliards supplémentaires seront reversés à 2,7 millions de ménages, soit 1 000 euros pas ménage et par an. La hausse du taux de pauvreté a été enrayée.

La multiplicité des aides les rend peu visibles et est source d'inégalité. Une simplification est nécessaire. M. Sirugue a fait des propositions. Le Gouvernement s'en inspirera pour simplifier les minima sociaux : dix allocations différentes, c'est trop ! L'objet est de rendre notre système plus simple, lisible, accessible. La garantie Jeunes deviendra bientôt un droit pour tous les jeunes de moins de 25 ans en situation de rupture.

Ainsi le Gouvernement travaille déjà dans le sens des auteurs de cette proposition de résolution. Cependant, le revenu de base ne va pas sans poser question. La diversité des appellations - revenu de base, revenu d'existence, revenu minimum garanti - traduit des divergences réelles. Vous ne dites pas quelles prestations sociales vous remplaceriez par le revenu de base : toutes les prestations sociales seraient-elles fusionnées ? Y compris les allocations familiales et les aides au logement ?

Comment ce revenu de base serait-il financé ? Si le revenu de base n'est financé que grâce au redéploiement des minima solidarité, son montant sera très faible : alignerez-vous les retraites à 700 euros, en plongeant nos seniors en-dessous du seuil de pauvreté ?

M. Jean Desessard.  - Ce n'est pas mon projet !

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État.  - La question se pose, les Finlandais sont confrontés à ces difficultés. Surtout, les conceptions divergent profondément : s'agit-il d'une simple réforme technique de simplification, ou bien d'un instrument accompagnant la libéralisation du marché du travail ? De plus, cette réforme ne crée-t-elle pas un revenu domestique pour les femmes au foyer ? Ne risque-t-elle pas de remettre en cause le travail, comme espace de socialisation ?

L'action du Gouvernement répond à vos objectifs. Face à l'amalgame de certains entre assistanat et solidarité, nous devrons défendre, et donc réformer notre système de solidarité. Le plan contre la pauvreté simplifie déjà les aides ; la nouvelle prime pour l'activité est une rupture : suppression des seuils, allègement des conditions de ressources, dans une logique d'émancipation et non intrusive.

3,8 millions de personnes en bénéficient déjà. Nous concentrons nos efforts sur les plus modestes.

« Toute société qui prétend garantir aux hommes la liberté, doit commencer par leur garantir l'assistance », disait Léon Blum. Nous oeuvrons en ce sens. L'adoption de cette proposition de résolution est prématurée.

M. le président.  - La Conférence des présidents a décidé que les interventions vaudraient explications de vote.

À la demande du groupe Les Républicains, la proposition de résolution est mise aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°227 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 211
Pour l'adoption 11
Contre 200

Le Sénat n'a pas adopté.

Ancrage territorial de l'alimentation

M. le président.  - L'ordre du jour appelle la suite de l'examen de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation, que nous avions commencé le 9 mars dernier.

Discussion des articles (Suite)

ARTICLE PREMIER (Suite)

M. le président.  - Amendement n°12 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Mandelli, Mme Garriaud-Maylam, MM. Kennel, Pierre et Morisset, Mmes Canayer, Morhet-Richaud et Di Folco, MM. Cardoux, Trillard et Mayet, Mme Imbert, MM. Emorine et Mouiller, Mme Deromedi, MM. Grand et Raison, Mme Lopez, M. P. Leroy, Mme Estrosi Sassone, MM. Calvet, Bonhomme, G. Bailly, Vasselle, Milon, Pellevat, Longuet, Lenoir, Rapin, Pointereau, Bouchet, Chasseing, Bizet, Cornu et Vaspart et Mme Primas.

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

« Pour la mise en oeuvre du présent article, les collectivités territoriales peuvent mettre en place des projets alimentaires territoriaux. »

Mme Jacky Deromedi.  - L'objet de cet amendement est d'inscrire dans la loi, l'intérêt du déploiement de ces projets alimentaires territoriaux. Évitons les objectifs chiffrés qui contraindraient à des importations et obligeraient la production bio à se massifier.

M. Joël Labbé, rapporteur de la commission des affaires économiques.  - Cette notion de PAT est pertinente. Avis favorable de la commission, très favorable du rapporteur.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État auprès du Premier ministre, chargée de l'égalité réelle.  - La notion de projets alimentaires territoriaux existe déjà dans le code rural où elle concerne les marchés publics. Évitons les ambiguïtés en l'inscrivant une nouvelle fois. Avis défavorable.

L'amendement n°12 rectifié est adopté.

À la demande du groupe Les Républicains, l'article premier, modifié, est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°228 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 203
Pour l'adoption 200
Contre 3

Le Sénat a adopté.

ARTICLE ADDITIONNEL

M. le président.  - Amendement n°5 rectifié, présenté par MM. Desplan, Cornano, J. Gillot, Antiste et S. Larcher.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le dixième alinéa de l'article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

«  -  le label RUP en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, à Mayotte et Saint Martin ; ».

M. Serge Larcher.  - Le « manger local » répond à une attente forte, il permet d'écouler la production de nos agriculteurs tout en exerçant notre responsabilité écologique, économique et sociale. Mais les régions ultrapériphériques, où la course au moindre coût s'impose peut-être plus qu'ailleurs en raison de la cherté de la vie, subissent les effets pervers des accords commerciaux conclus par l'Union européenne et la concurrence de pays voisins qui ne s'astreignent pas aux mêmes normes sociales, sanitaires et environnementales. Si nous sommes inondés par leurs produits, dits « locaux », comment préserver nos producteurs et promouvoir une consommation responsable ?

M. Joël Labbé, rapporteur.  - Vous ne visez que les régions ultrapériphériques françaises, alors que le label RUP peut être décerné à des produits des Açores ou des Canaries : c'est juridiquement fragile, sagesse.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État.  - Avis favorable, à la condition de ne pas viser seulement les RUP françaises - ce sera alors conforme au droit européen.

M. Serge Larcher.  - D'accord.

M. le président.  - C'est l'amendement n°5 rectifié bis.

Après l'article 1er

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le dixième alinéa de l'article L. 640-2 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

«  -  le label RUP ; ».

M. Joël Labbé, rapporteur.  - Favorable, dès lors.

L'amendement n°5 rectifié bis est adopté et devient article additionnel.

ARTICLE PREMIER BIS

M. le président.  - Amendement n°2 rectifié, présenté par MM. Vasselle et Kennel, Mmes Cayeux, Lamure, Gruny et Procaccia, MM. Charon, Lefèvre, D. Laurent et P. Leroy, Mme Hummel, MM. Milon, Longuet et Mouiller, Mmes Giudicelli et Deromedi, M. Houel, Mme Primas et M. Pointereau.

Supprimer cet article.

Mme Catherine Procaccia.  - Je m'en suis assez expliquée.

M. Joël Labbé, rapporteur.  - Ce rapport du Gouvernement est indispensable : avis défavorable.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État.  - Sagesse.

Mme Catherine Procaccia.  - Mme la ministre sait quel est le sort des rapports...

L'amendement n°2 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°15 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Mandelli, Mme Garriaud-Maylam, MM. Kennel, Lenoir, Pierre et Morisset, Mmes Canayer, Morhet-Richaud et Di Folco, MM. Cardoux, Trillard et Mayet, Mme Imbert, MM. Emorine, Vaspart, Cornu, Bizet, Chasseing, Pointereau, Rapin, Bouchet, Longuet, Pellevat, Milon, Vasselle, G. Bailly, Bonhomme et Calvet, Mme Estrosi Sassone, M. Mouiller, Mme Deromedi, MM. Grand et Raison, Mme Lopez et M. P. Leroy.

Deuxième phrase

Remplacer les mots :

nécessaires aux gestionnaires de la restauration collective de l'État, ainsi qu'aux collectivités territoriales et aux établissements publics, pour accroître la part des produits relevant de l'alimentation durable dans leur approvisionnement

par les mots :

que les gestionnaires de la restauration collective de l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics devront mettre en place

Mme Jacky Deromedi.  - Amendement de conséquence, étant donné nos votes du 9 mars. La notion d'alimentation durable, qui n'a aucune assise juridique, exclurait arbitrairement des pans entiers de l'agriculture française.

L'amendement n°15 rectifié, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.

L'article premier bis, modifié, est adopté.

ARTICLE 2

M. le président.  - Amendement n°18, présenté par M. Labbé, au nom de la commission.

Alinéa 6

Rédiger ainsi cet alinéa :

« Il évalue la mise en oeuvre de l'article L. 230-5-1, en lien avec les services déconcentrés de l'État, les collectivités territoriales et les établissements publics intéressés. » ;

M. Joël Labbé, rapporteur. - On ne peut qu'être favorable à ce que l'observatoire de l'alimentation définisse, au niveau national, des outils d'accompagnement des gestionnaires de services de restauration collective. Il devra le faire en lien avec les collectivités concernées. La rédaction proposée inclut les observatoires qui existent dans certaines régions, sans pour autant les consacrer au niveau législatif ni imposer leur création dans chaque région.

L'amendement n°18, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 2, modifié, est adopté.

ARTICLE 3

M. le président.  - Amendement n°17 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Mandelli, Mme Garriaud-Maylam, MM. Kennel, Pierre et Morisset, Mmes Canayer, Morhet-Richaud et Di Folco, MM. Cardoux, Trillard et Mayet, Mme Imbert, MM. Emorine et Mouiller, Mme Deromedi, MM. Grand et Raison, Mme Lopez, M. P. Leroy, Mme Estrosi Sassone et MM. Calvet, Bonhomme, G. Bailly, Vasselle, Milon, Pellevat, Longuet, Lenoir, Bouchet, Chasseing, Bizet, Cornu, Vaspart, Rapin et Pointereau.

I.  -  Alinéa 2

Supprimer cet alinéa.

II.  -  Alinéas 7 et 8

Supprimer ces alinéas.

Mme Jacky Deromedi.  - Amendement de conséquence.

M. Joël Labbé, rapporteur.  - Avis favorable de la commission, défavorable à titre personnel.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État.  - Défavorable.

L'amendement n°17 rectifié est adopté.

M. le président.  - Amendement n°13 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Mandelli, Mme Garriaud-Maylam, MM. Kennel, Pierre et Morisset, Mmes Canayer, Morhet-Richaud et Di Folco, MM. Cardoux, Trillard et Mayet, Mme Imbert, MM. Emorine et Mouiller, Mme Deromedi, MM. Grand et Raison, Mme Lopez, M. P. Leroy, Mme Estrosi Sassone, MM. Calvet, Bonhomme, Vasselle, Milon, Pellevat, Longuet, Bouchet, Lenoir, Chasseing, Bizet, Cornu, Vaspart, Rapin et Pointereau, Mme Primas et M. G. Bailly.

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° Au premier alinéa, après le mot : « agricole », est inséré le mot : « , alimentaire, » ;

Mme Jacky Deromedi.  - La rédaction actuelle ferait disparaître toute mention de la politique agro-industrielle parmi les domaines couverts par le plan régional de l'agriculture durable, alors que ce n'est pas tout à fait la même chose que la compétence « alimentation ».

M. le président.  - Amendement n°19, présenté par M. Labbé, au nom de la commission.

Alinéa 3

Rédiger ainsi cet alinéa :

2° Au premier alinéa, les mots : « agroalimentaire et agro-industrielle » sont remplacés par les mots : « alimentaire et agroalimentaire » ;

M. Joël Labbé, rapporteur.  - Rédactionnel : la politique agro-industrielle est incluse dans la politique agro-alimentaire. L'amendement n°13 rectifié ayant été rectifié à la demande de la commission, il reçoit un avis favorable et celui-ci est retiré.

L'amendement n°19 est retiré.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État.  - Défavorable à l'amendement n°13 rectifié, les deux termes sont redondants et je préfère « agro-alimentaire », plus englobant. Au demeurant je n'oppose pas les différents types d'agriculture les uns aux autres.

M. Joël Labbé, rapporteur.  - Ma position est décidément difficile... À titre personnel, je suivrai le Gouvernement.

L'amendement n°13 rectifié n'est pas adopté.

M. le président.  - Amendement n°20, présenté par M. Labbé, au nom de la commission.

Alinéas 4 et 5

Remplacer ces alinéas par quatre alinéas ainsi rédigés :

2° bis Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

a) À la première phrase, les mots : « des régions » sont remplacés par les mots : « de la région » ;

b) Après la première phrase, il est inséré une phrase ainsi rédigée :

« Il promeut le développement de circuits d'approvisionnement de proximité dans la région. »

M. Joël Labbé, rapporteur.  - Il serait peu réaliste que le Praad définisse de manière autoritaire des circuits que les acteurs locaux bâtiront de manière pragmatique et qui seront appelés à évoluer. En revanche, il est souhaitable que ce plan promeuve le développement de circuits de proximité - et superfétatoire de préciser que ces circuits seront adaptés aux spécificités territoriales et aux besoins de la région, puisque c'est l'objectif du Praad.

L'amendement n°20, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°21, présenté par M. Labbé, au nom de la commission.

Alinéa 6

Remplacer les mots :

les comités régionaux pour l'alimentation

par les mots :

le comité régional pour l'alimentation

M. Joël Labbé, rapporteur.  -  Rédactionnel : seul le comité de la région concernée interviendra dans l'élaboration du Praad.

L'amendement n°21, accepté par le Gouvernement, est adopté.

M. le président.  - Amendement n°22 rectifié, présenté par M. Labbé, au nom de la commission.

I. - Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

II bis - Au 2° du I de l'article L. 180-2 du code rural et de la pêche maritime, la première occurrence du mot : « deuxième » est remplacée par le mot : « troisième ».

II. - Alinéas 10 à 12

Supprimer ces alinéas.

L'amendement de coordination n°22 rectifié, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 3, modifié, est adopté.

ARTICLE 3 BIS

M. le président.  - Amendement n°23, présenté par M. Labbé, au nom de la commission.

Alinéa 2

Remplacer les mots :

la réalisation de l'objectif fixé à

par les mots :

la mise en oeuvre de

L'amendement de coordination n°23, accepté par le Gouvernement, est adopté.

L'article 3 bis, modifié, est adopté.

ARTICLE 4

M. le président.  - Amendement n°16 rectifié, présenté par MM. Gremillet et Mandelli, Mme Garriaud-Maylam, MM. Kennel, Pierre et Morisset, Mmes Canayer, Morhet-Richaud et Di Folco, MM. Cardoux, Trillard et Mayet, Mme Imbert, MM. Emorine et Mouiller, Mme Deromedi, MM. Grand et Raison, Mme Lopez, M. P. Leroy, Mme Estrosi Sassone et MM. Calvet, Bonhomme, G. Bailly, Vasselle, Milon, Pellevat, Longuet, Bouchet, Chasseing, Bizet, Cornu, Vaspart, Rapin, Pointereau et Lenoir.

Supprimer cet article.

Mme Jacky Deromedi.  - Amendement de conséquence, cet article ne ferait qu'ajouter aux contraintes subies par les entreprises.

M. Joël Labbé, rapporteur.  - Avis favorable, au nom de la commission - et l'inverse personnellement.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État.  - Il ne s'agit pas d'une contrainte, mais d'un levier pour valoriser les efforts faits par les entreprises pour développer l'approvisionnement local et la qualité dans la restauration collective. Avis défavorable.

À la demande du groupe Les Républicains, l'amendement n°16 rectifié est mis aux voix par scrutin public.

M. le président. - Voici le résultat du scrutin n°229 :

Nombre de votants 343
Nombre de suffrages exprimés 342
Pour l'adoption 200
Contre 142

Le Sénat a adopté.

L'article 4 est supprimé.

ARTICLE 5 (Supprimé)

M. le président.  - Amendement n°8, présenté par M. Desessard et les membres du groupe écologiste.

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

Le code de la consommation est ainsi modifié :

1° À l'intitulé de la sous-section 10 bis du chapitre Ier du titre II du livre Ier, le mot : « commerciale » est supprimé ;

2° Au premier alinéa de l'article L. 121-82-1, après le mot : « commerciale », sont insérés les mots : « , de restauration collective ».

M. Jean Desessard.  - L'extension de la mention « fait maison » à la restauration collective permettra de valoriser auprès de leurs convives les efforts faits pour proposer des plats de qualité, à partir de produits bruts. Cette mention a toute sa place en restauration collective, même si elle répond à d'autres considérations que dans la restauration commerciale où elle est un outil de différentiation concurrentielle.

Nous rétablissons donc cet article et il faudra adapter la réglementation pour que la mention puisse être apposée dans les restaurants collectifs dotés d'une cuisine centrale.

M. Joël Labbé, rapporteur.  - L'article prévoyait une mention facultative, la commission l'a supprimé - et donne donc un avis défavorable à cet amendement. Quel dommage ! C'est la fierté des élus et responsables de cantines que de renouer avec le beau métier de cuisinier.

Mme Ericka Bareigts, secrétaire d'État.  - Avis favorable. Les services de Mme Pinville m'ont confirmé qu'il n'y a guère d'obstacle technique à la modification du décret et les professionnels n'y sont pas opposés.

M. Claude Bérit-Débat.  - Le groupe socialiste est tout à fait favorable à cet amendement : il y a longtemps que Martial Bourquin et moi-même défendons la mention « fait maison ». J'aurais pu vous citer les responsables de restauration collective de deux petites communes de Dordogne, Marsaneix et Mussidan, qui se disent fiers de cuisiner des produits locaux.

M. Henri Tandonnet.  - Ma position est inverse, car cette extension édulcorerait la mention « fait maison », créée après bien des débats dans la restauration artisanale. D'ailleurs, je me vois mal expliquer à mes petits-enfants qu'à la cantine, ils mangent « fait maison », et de retour à la maison, quelquefois... des plats préparés !

Enfin, l'Agropole d'Agen emploie 2 000 personnes, et je ne vois guère de différence de qualité entre les plats qui y sont préparés et ceux qui sont servis dans les cantines dotées d'une cuisine centrale...

Mme Catherine Procaccia.  - La réalité varie d'un lieu à l'autre. Dans les grandes agglomérations, où l'on manque d'espace, il n'est pas toujours possible de servir dans les cantines de plats préparés sur place. Au sein d'une même commune ou d'un même département, on rencontre des écoles et des collèges où c'est ou non le cas. Va-t-on montrer du doigt ceux qui n'y arrivent pas ?

Quant aux maisons de retraite, lorsque leurs occupants s'apercevront qu'ils mangent du « fait maison », mais toujours aussi mal...

Je voterai contre.

M. Joël Labbé, rapporteur.  - La cuisine faite maison n'est pas la même que l'industrielle, c'est un fait. Et si notre objectif est l'ancrage territorial de l'alimentation, elle va de pair avec la cuisine sur place. Trop peu de restaurants indiquent le « fait maison », cette extension à la restauration collective redonnerait du sens au label !

L'amendement n°8 est adopté, et l'article 5 est rétabli.

Interventions sur l'ensemble

M. Michel Le Scouarnec .  - Ce texte rejoint nos préoccupations : la qualité de l'alimentation et la relocalisation des produits agricoles consommés en restauration collective. Nous le voterons, malgré ses limites : 40 % des produits servis provenant de circuits courts ou répondant à des critères de développement durable, c'est très bien, mais nous regrettons l'abandon des 20 % de produits bio, objectif qui peut parfaitement être atteint. Dans le Morbihan, nous atteignons parfois 40 % de bio, pour un surcoût de 0,14 centime d'euro par repas - largement compensé par des économies à long terme.

M. Claude Bérit-Débat .  - Le groupe socialiste et républicain s'abstiendra à regret. Nous partageons les objectifs initiaux de ce texte adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, mais le retrait de l'objectif de 20 % de bio, l'assouplissement de l'article premier, la suppression de l'affichage du « fait maison » en atténuent la portée.

Le président de la République a fixé l'objectif de 40 % de produits de proximité dans la restauration collective, le ministre Le Foll promeut les circuits courts et a publié un guide très apprécié en décembre 2014. Dommage que le consensus de l'Assemblée nationale n'ait pas été possible à la Haute Assemblée, nous déplorons des propos entendus sur le bio à droite de notre hémicycle. Bien sûr, il ne faut pas opposer le bio au conventionnel, mais on ne peut nier la nécessité d'encourager le développement de filières durables. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et républicain ; M. Jean Desessard applaudit aussi)

Mme Marie-Christine Blandin .  - Les écologistes sont déçus, ce texte devait nous rassembler pour une meilleure alimentation, plus saine, moins énergivore, pour le soutien aux producteurs de proximité et les générations futures. Mais certains s'en sont pris au bio, comme si promouvoir le bio revenait à s'en prendre à ceux qui, dans le passé, n'ont pas pu le pratiquer. Respecter les paysans, c'est aussi leur ouvrir des perspectives de vraie compétitivité - au lieu de les enfermer dans un système où ils se ruinent en pesticides et la MSA en traitements des cancers induits. L'objectif des 20 % serait inaccessible ? La France est désormais le troisième producteur de bio en Europe, le marché a bondi de 17 % l'an passé et trois milliards de repas sont à portée de main. Le bio serait coûteux ? L'expérience prouve le contraire, et la lutte contre le gaspillage est un gisement d'économies phénoménales. Vous avez repoussé cet objectif, vous y viendrez. En attendant, quelques tonnes de pesticides de plus se seront déversées dans la nature et dans le sang de nos enfants !

M. Jean Desessard .  - Nous sommes tous pour l'ancrage territorial de l'alimentation, tant mieux. Alors, un peu de cohérence : cessez de dire que nos industriels doivent exporter et qu'il ne faut pas être trop regardant sur la traçabilité ! Je suis parisien, et cela ne m'empêche pas de connaître les problèmes des agriculteurs. Mais je vois aussi que la tendance est au bio : comment s'en sortiront-ils s'ils ne font pas le choix de la qualité ?

Dommage que la majorité sénatoriale ait repeint ce texte d'une autre couleur que le vert. Nous nous abstiendrons, en gardant bon espoir pour la suite de la navette.

Mme Catherine Procaccia .  - Je ne peux laisser passer les propos de Mme Blandin : le groupe Les Républicains est tout aussi favorable que les autres à une alimentation plus saine ! Seulement, nous sommes pragmatiques. Certaines des mesures proposées, applicables dans de petites communes, ne le sont pas dans les grandes métropoles. Et s'il faut faire venir des produits bio de l'autre bout de la France...

Ce texte, tel qu'amendé par le Sénat, constitue un progrès, nous le voterons.

M. Joël Guerriau .  - Le groupe UDI-UC votera ce texte, qui a évolué. Nous le disions, il faut faire confiance au bon sens des élus. Beaucoup de progrès ont déjà été faits : dans ma commune de Loire-Atlantique, tous les produits servis dans les cantines sont locaux. Nous nous approvisionnons en Bretagne, au plus loin...

M. Joël Labbé, rapporteur .  - Ma tâche a été difficile, merci à la commission d'avoir osé me désigner. J'ai beaucoup apprécié travailler avec les services du Sénat, j'ai appris des choses, y compris sur ce qui se passe dans mon département. Des expériences extraordinaires sont conduites, grâce aux élus et aux responsables des cuisines.

Ce texte était déjà modéré, et j'ai fait des concessions pour parvenir à un consensus - l'application aux contrats signés à compter de 2020, l'inclusion des terres en conversion... Cela n'a pas suffi, dommage. Dans notre pays riche, où la désespérance pointe, ce texte donnait du sens, une perspective. Je m'abstiendrai donc, à regret. Je déplore certains arguments entendus. J'espère que nous saurons bientôt nous projeter dans l'après-pétrole, au-delà de 2030, que des ceintures maraîchères réapparaîtront - les terres existent - et que nous parviendrons à transformer nos territoires en une mosaïque de polyculture-élevage, où l'alimentation sera ancrée localement, en France comme partout dans le monde ! (Applaudissements sur les bancs du groupe écologiste et plusieurs autres bancs à gauche)

La proposition de loi est adoptée.

Prochaine séance mardi 24 mai 2016, à 14 h 30.

La séance est levée à 17 h 20.

Jacques Fradkine

Direction des comptes rendus

Ordre du jour du mardi 24 mai 2016

Séance publique

À 14 h 30 et le soir

- Deuxième lecture du projet de loi, adopté avec modifications par l'Assemblée nationale, relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (n° 495, 2015-2016).

Rapport de M. Jean-Pierre Leleux et Mme Françoise Férat, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication (n° 588, 2015-2016).

Texte de la commission (n° 589, 2015-2016).

Analyse des scrutins publics

Scrutin n° 227 sur l'ensemble de la proposition de résolution, présentée en application de l'article 34-1 de la Constitution, pour l'instauration d'un revenu de base.

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :211

Pour :11

Contre :200

Le Sénat n'a pas adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 1 - M. Jean-Baptiste Lemoyne

Contre : 139

Abstentions : 2 - MM. Jean-Pierre Grand, Jean-François Husson

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (109)

Abstentions : 109

Groupe UDI-UC (42)

Contre : 38

Abstentions : 4 - Mmes Élisabeth Doineau, Chantal Jouanno, Anne-Catherine Loisier, M. Jean-Marie Vanlerenberghe

Groupe communiste républicain et citoyen (20)

Contre : 19

Abstention : 1 - Mme Christine Prunaud

Groupe du RDSE (17)

Contre : 1 - M. Gilbert Barbier

Abstentions : 16

Groupe écologiste (10)

Pour : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Contre : 3

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier.

Scrutin n° 228 sur l'article premier de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :203

Pour :200

Contre :3

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 140

Contre : 2 - MM. François Grosdidier, Henri de Raincourt

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (109)

Abstentions : 109

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 41

Abstention : 1 - Mme Chantal Jouanno

Groupe communiste républicain et citoyen (20)

Abstentions : 20

Groupe du RDSE (17)

Pour : 17

Groupe écologiste (10)

Abstentions : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 2

Contre : 1 - M. Philippe Adnot

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier.

Scrutin n°229 sur l'amendement n°16 rectifié, présenté par M. Daniel Gremillet et plusieurs de ses collègues, tendant à supprimer l'article 4 de la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, visant à favoriser l'ancrage territorial de l'alimentation

Résultat du scrutin

Nombre de votants :343

Suffrages exprimés :342

Pour :200

Contre :142

Le Sénat a adopté.

Analyse par groupes politiques

Groupe Les Républicains (144)

Pour : 140

Contre : 2 - MM. François Grosdidier, Henri de Raincourt

N'ont pas pris part au vote : 2 - M. Gérard Larcher, Président du Sénat, M. Michel Bouvard

Groupe socialiste et républicain (109)

Contre : 109

Groupe UDI-UC (42)

Pour : 41

Abstention : 1 - Mme Chantal Jouanno

Groupe communiste républicain et citoyen (20)

Contre : 20

Groupe du RDSE (17)

Pour : 17

Groupe écologiste (10)

Contre : 10

Sénateurs non inscrits (6)

Pour : 2

Contre : 1 - M. Philippe Adnot

N'ont pas pris part au vote : 3 - MM. Robert Navarro, David Rachline, Stéphane Ravier.