ANNEXE 1

LA RÉFORME DE LA TAXE PROFESSIONNELLE
PRINCIPALES CONSÉQUENCES POUR LES COLLECTIVITÉS LOCALES

La réforme de la taxe professionnelle prévue par la loi de finances pour 2006 (article 85) a essentiellement deux objets :

- proroger le dégrèvement pour investissements nouveaux (DIN) ;

- à compter de 2007 (c'est ce qui justifie la présence du dispositif en deuxième partie de la loi de finances), plafonner la taxe professionnelle supportée par les entreprises à 3,5 % de leur valeur ajoutée.

Il s'agit d'un dégrèvement, qui sera donc compensé aux collectivités locales. Mais avec une forte particularité : ce dégrèvement sera plafonné, ce qui conduit à une prise en charge partielle par les collectivités.

La discussion parlementaire n'a pas fait évoluer le coeur du dispositif, mais elle a, en revanche, permis d'en atténuer les effets les plus négatifs.

a) Prorogation du dégrèvement pour investissements nouveaux

Pour les immobilisations neuves ou acquises à compter du 1 er janvier 2006, éligibles à l'amortissement dégressif, le dégrèvement décidé en 2004 est prorogé. Il s'applique pendant trois ans : 100 % de la valeur du bien la première année, 66,67 % la deuxième année, 33,33 % la troisième année.

Pour l'entreprise, le dégrèvement consiste en une exonération de TP, sur la valeur des immobilisations concernées.

Pour les collectivités, le dégrèvement est pris en charge à 100 % par le budget de l'Etat à hauteur du taux 2003 ou de celui de l'année d'imposition, s'il est inférieur.

b) Le plafonnement absolu à 3,5 % de la valeur ajoutée des entreprises

A compter de 2007, les entreprises ne paieront pas de taxe professionnelle globale au-delà de 3,5 % de leur valeur ajoutée, au taux de la TP de l'année d'imposition.

Ce plafond s'applique à la somme des cotisations payées par chaque établissement appartenant à l'entreprise. Sur sa demande, l'entreprise est donc remboursée de la différence entre le plafond et la somme due en application des taux de TP votés par les collectivités territoriales.

Au Sénat, le gouvernement a fait adopter un dispositif tendant à limiter les minorations artificielles de valeur ajoutée par les entreprises (optimisation fiscale).

c) Les conséquences pour les collectivités locales

Les conséquences pour les collectivités locales sont de trois natures :

1- il s'agit d'un dégrèvement . Par conséquent, l'Etat prendra à sa charge la différence, pour chaque collectivité locale, entre le plafond de 3,5 % de la VA et la somme des cotisations dues.

2- toutefois, ce dégrèvement ne sera pris en charge par l'Etat que jusqu'à concurrence des taux de TP votés en 2004 majorés d'un coefficient différencié selon les catégories de collectivités locales, ou des taux ultérieurs les plus réduits s'ils sont inférieurs . Pour une collectivité donnée, le taux de 2004 majoré du coefficient (correspondant à sa catégorie) sera donc un plafond absolu , mais le taux de référence sera le taux le plus faible des taux votés dans les années suivantes .

Cela signifie qu'il restera à charge des collectivités un « ticket modérateur » pour toutes celles dont le taux 2005 et après est (ou sera) supérieur au taux 2004 multiplié par le coefficient, exprimé en pourcentage, correspondant à la catégorie. Le « ticket modérateur » global serait de 400 millions d'euros pour l'ensemble des collectivités.

L'Assemblée nationale avait proposé un coefficient de majoration uniforme de 4,5 %, correspondant à peu près à la hausse des taux de TP des départements en 2005 (+ 4,6 %).

Le Sénat a proposé de différencier ce pourcentage selon les catégories de collectivités :

- 5,5 % pour les communes et leurs établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre ;

- 7,3 % pour les départements ;

- 5,1 % pour les régions.

La commission mixte paritaire (tenue le jeudi 15 décembre) avait décidé de diminuer ces 3 taux d'un point chacun . Mais sa rédaction supprimait la référence au taux de 2005 au cas où il aurait été inférieur au taux plafond, donnant ainsi une marge de dégrèvement plus élevée aux collectivités dont le taux 2005 est inférieur au taux 2004 majoré du coefficient. C'eût été un petit avantage consenti aux collectivités « vertueuses », tout en pénalisant davantage celles dont les augmentations de taux en 2005 étaient les plus élevées.

Le gouvernement a voulu revenir à la rédaction du Sénat. Il a donc déposé à cette fin des amendements en lecture de CMP que les deux assemblées ont acceptés .

3- à compter de 2007 et ensuite, les bases plafonnées des collectivités ne pourront plus produire d'impôt au-dessus de ce plafond . Ceci signifie qu'une collectivité qui augmentera ses taux au-delà du plafond de taux, ne verra cette augmentation avoir un effet en termes de rendement supplémentaire d'impôt que sur les bases non plafonnées. Or, la proportion de bases plafonnées à 3,5 % de la valeur ajoutée aux taux de TP 2004 est élevée pour toutes les collectivités . Cette proportion irait ainsi de 38,43 % en Ile-de-France à 70,8 % pour le Nord Pas-de-Calais s'agissant des régions. Elle irait de 27,1 % dans les Hauts-de-Seine à 74 % en Ariège pour les départements. Les écarts sont encore plus grands pour les communes (de 1 % à 99 %).

Le plafond n'implique pas que le produit de la taxe professionnelle ne pourra pas évoluer . D'une part, à taux égal, les collectivités bénéficieront de l'évolution des bases de la taxe, a priori plus dynamiques que la croissance du produit intérieur brut-PIB (donc de la dotation globale de fonctionnement-DGF en particulier). D'autre part, la progression de la valeur ajoutée des entreprises déplafonnera progressivement les bases, à condition que les collectivités ne relèvent pas leurs taux à due proportion 1 ( * ) .

On peut, à l'inverse, observer que, pour une valeur ajoutée des entreprises donnée, le dispositif n'incitera pas les collectivités à réduire leur taux de TP, dès lors que celui-ci est inférieur ou égal au plafond absolu. En effet, le vote d'un taux inférieur entraîne une réduction homothétique du taux de référence, ce qui réduit le dégrèvement.

Par ailleurs, le Sénat a élaboré une solution pour les collectivités dont les bases sont très fortement plafonnées et dont les marges de manoeuvre sur les taux sont ainsi très réduites.

Cette solution assez complexe porte schématiquement, d'une part sur l'ensemble des collectivités territoriales, d'autre part sur les EPCI à taxe professionnelle unique (TPU).

- Pour l'ensemble des collectivités dont les bases plafonnées sont supérieures de 10 points à la moyenne de leur catégorie, la part de dégrèvement mis à leur charge (le « ticket modérateur ») fait l'objet d'une réfaction de 20 % lorsque ce ticket modérateur est supérieur à 2 % du produit des impôts directs locaux (les 4 taxes) perçu l'année précédant celle de l'imposition.

Le ticket modérateur est par ailleurs plafonné en valeur absolue selon un mécanisme complexe, pour les collectivités dans lesquelles sont implantés des établissements appartenant aux plus grandes entreprises, celles dont le dégrèvement est lui-même plafonné à 76.225.000 euros.

- Pour les EPCI à TPU, le ticket modérateur est diminué de 20 % lorsque leurs bases plafonnées sont supérieures à 50 %. Cette diminution pourra aller jusqu'à 50 % au maximum pour les EPCI dont la TP par habitant est la plus faible.

4 mesures d'accompagnement ont été votées au Sénat :

- le ticket modérateur n'est pas mis à la charge de la collectivité s'il est inférieur à 50 euros ;

- le ticket modérateur est supprimé pour les collectivités dont les difficultés financières entraînent un règlement d'office du budget par le préfet ;

- pour les communes dont le taux de TP était nul en 2004 et 2005 du fait de l'absence de bases taxables sur leur territoire, le taux de référence sera le premier taux voté ;

- le dispositif n'aura pas de conséquence sur les conditions d'abondement des fonds départementaux de taxe professionnelle (amendement « Charasse »).

Enfin, le Conseil constitutionnel a examiné la conformité du dispositif avec les principes constitutionnels d' autonomie financière et de libre administration .

Sur le premier principe, il a considéré que le dispositif n'était pas de nature à enfoncer le plancher de ressources propres de l'année 2003 garanti par la loi organique pour les 3 catégories de collectivités locales (et assimilées), en tout cas de façon manifeste, car il s'en est remis au rapport annuel que le gouvernement doit établir à ce sujet. Il a ainsi rappelé qu'il reviendrait au gouvernement de proposer les mesures appropriées dans le cadre de la procédure prévue par la loi organique si le plancher d'autonomie, constaté dans le rapport, était enfoncé, du fait de cette réforme ou de tout autre cause.

Plus intéressante est sa remarque sur le second principe . En effet, le Conseil constitutionnel émet à ce sujet une réserve dont la conséquence technique peut être importante. Il estime que si le même rapport révèle que la réforme de la taxe professionnelle (et elle seule, le Conseil ne se réfère pas sur cet aspect à d'autres causes éventuelles) avait pour conséquence d'entraver la gestion (il n'est plus question d'autonomie financière) d' une collectivité (il n'est plus seulement question de catégorie) au point de porter une atteinte grave à sa libre administration , les pouvoirs publics devront prendre les mesures appropriées.

Or, le premier rapport du gouvernement sur l'application de la loi organique remis aux assemblées le 30 juin 2005, et qui définit les planchers organiques de l'année 2003, ne fournit de données que par catégorie de collectivités territoriales, et non pour chaque collectivité.

La réserve du Conseil est donc une invitation très forte, voire crée une obligation au gouvernement, de fournir des données individuelles pour chaque collectivité à compter du rapport établi en 2008.

Tout en ne la retenant pas a priori , le Conseil n'exclut pas en effet l'hypothèse, à vérifier a posteriori , que la réforme ne crée une contrainte financière insupportable pour les communes et les communautés dont la proportion des bases plafonnées est très élevée, et qui, pour une raison ou une autre, ne pourraient plus faire face à leurs charges, ou seraient contraintes d'augmenter les impôts ménages dans des proportions excessives. Il est bien évident que de tels cas ne peuvent relever que d'un examen individuel.

Mécanisme de prévision pour les budgets locaux

« Concrètement pour les impositions établies au titre de l'année N :

- avant le vote des taux le 31 mars de l'année N, la collectivité est informée du montant prévisionnel de sa participation au titre du plafonnement. Ce montant représente un maximum garanti. Il est calculé à partir d'une estimation des bases de taxe professionnelle de l'année N des établissements situés sur son territoire et ayant bénéficié en N-2 du plafonnement ;

- au cours de l'année N, la collectivité perçoit un produit fiscal tenant compte de sa participation estimée au plafonnement ;

- en N+1, les entreprises concernées demandent le plafonnement de leur cotisation au titre de la taxe professionnelle payée l'année N et l'Etat paie le dégrèvement aux entreprises ;

- l'année N+2, l'Etat reverse le cas échéant à la collectivité le trop-perçu, c'est-à-dire la différence, si elle est positive entre le montant du prélèvement effectué l'année N et le montant du dégrèvement effectivement dû par la collectivité. »

Source : rapport général de l'Assemblée nationale n° 2568 (oct. 2005) - Gilles CARREZ

Enfin, différents dispositifs d'application sont prévus pour permettre aux communautés à taxe professionnelle unique en phase de convergence des taux de mener leur opération à terme.

* 1 Soit une entreprise dont la valeur ajoutée et (par hypothèse) la base imposable, sont de 350. Si les taux des collectivités sont globalement de 15 %, le plafond joue car la cotisation due serait de 4,3 % de la VA. Mais si cette VA passe, en quelques années, de 350 à 700, le taux de 15 % se retrouve sous le plafond (2,1 %). Les collectivités retrouvent alors une marge d'augmentation des taux sur cette entreprise. C'est d'ailleurs une partie du pari du gouvernement.

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