CONCLUSION

De cette instructive mission, la délégation sénatoriale retient une évidence d'ensemble : la présence française est trop faible au Kirghizistan et au Tadjikistan , bien en deçà des légitimes attentes qu'expriment ces deux pays amis et des opportunités politiques et économiques qu'ils recèlent. Ce constat, hélas, vaut aussi pour les trois autres pays d'Asie centrale.

Comme l'observait à juste titre en 2005 notre collègue Aymeri de Montesquiou dans son rapport au Premier ministre sur l'Asie centrale, « la France jouit encore d'une bonne image auprès des dirigeants de ces pays. Or, peu de régions offrent à la France la chance de défendre ses idées, de concrétiser son concept de politique internationale et d'assurer la prospérité de ses entreprises [...] Elle est également en mesure d'amener ces pays à suivre les règles démocratiques internationales et de participer, aux côtés de ses partenaires, à stabiliser cette zone ».

Cette analyse conserve toute sa pertinence et son actualité, y compris pour le Kirghizistan et le Tadjikistan qui, chacun à sa manière, rejoignent des positions françaises dans certains domaines politiques internes ou internationaux : le choix sans état d'âme qu'a fait le Kirghizistan en faveur de la démocratie parlementaire, par exemple ; ou le soutien appuyé qu'apporte le Tadjikistan à la Coalition internationale présente en Afghanistan ; ou encore le refus clair qu'affichent les autorités de ces deux pays face aux menaces de l'islamisme radical, du terrorisme, du trafic des stupéfiants ou de la criminalité internationale.

Sur le plan économique, la France gagnerait à être plus attentive aux potentialités du Kirghizistan et du Tadjikistan , notamment dans des secteurs où notre pays pourrait les faire profiter de son expertise reconnue et appréciée internationalement (l'eau et la production d'hydroélectricité, les réseaux de distribution, l'assainissement et la gestion des déchets, etc...). C'est un message que le groupe d'amitié s'efforce de faire passer auprès des responsables politiques et économiques français 23 ( * ) , mais qui n'est sans doute pas encore assez entendu.

A cet égard, la difficulté de concrétiser le projet de fourniture par une entreprise française d'un câble haute-tension au Kirghizistan, ou les retards pris dans la réalisation du nouvel aéroport de Douchanbé ont peut-être d'autres explications que simplement techniques ou financières : ne refléteraient-elles pas plutôt une prise en compte insuffisante du potentiel qu'offrent ces deux pays et, plus profondément, une vision sans doute trop étriquée des enjeux de cette région au carrefour de plusieurs grandes civilisations ?

Il ne faut pas perdre de vue que l'Asie centrale est confrontée à des défis géostratégiques immenses (environnementaux, économiques, religieux, etc...) dont l'importance ira croissante dans les prochaines décennies : la sécurité mondiale des approvisionnements en hydrocarbures, le partage de l'eau et le risque d'assèchement et de désertification d'immenses territoires, l'endiguement de l'islamisme radical, la lutte contre le trafic international des stupéfiants, etc...

Là encore, il serait logique que les États occidentaux -notamment ceux du continent européen , dont les limites géographiques extrêmes s'étendent pratiquement jusqu'au Kazakhstan 24 ( * ) - accordent aux pays d'Asie centrale l'attention et la considération qu'ils méritent, notamment pour les accompagner dans leur développement économique et social et dans leur marche vers la démocratie.

Sur le plan économique, plusieurs grandes puissances ont déjà clairement joué la carte de l'Asie centrale : la Russie, l'Iran ou la Turquie -très présents dans cette région- la Chine, hautement intéressée par les matières premières et les ressources énergétiques centrasiatiques, ou encore l'Inde.

Les pays de l'Union européenne -à commencer par la France- auraient tout intérêt à être eux-aussi plus à l'écoute des pays d'Asie centrale , d'autant que sur le plan politique et institutionnel, ils peuvent partager avec eux un savoir-faire démocratique dont d'autres puissances régionales ne se soucient guère...

C'est bien la démarche à laquelle l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe a invité tous ses États-membres, en leur demandant de « renforcer le dialogue avec les autorités des pays d'Asie centrale, afin de promouvoir et d'appuyer les réformes en faveur de la bonne gouvernance, de la libéralisation politique, de la modernisation et de la transparence des institutions ... ».

Le groupe d'amitié du Sénat -avec l'appui de nos ambassadeurs- est fier d'apporter sa contribution concrète à la promotion des liens entre la France et les pays d'Asie centrale , points de tangence privilégiés entre des pays occidentaux à la recherche d'un second souffle et des pays d'Orient dont beaucoup accéderont à un fort niveau de développement dans les prochaines décennies.


* 23 Notamment lors des traditionnelles « Rencontres annuelles Sénat-Ubifrance sur l'Asie centrale et le Caucase », ou par son soutien à des initiatives privées ou des événements thématiques ponctuels, comme la tenue au Sénat en 2010 de la réunion constitutive des Amitiés franco-tadjikes, en présence de représentants de plusieurs grandes entreprises françaises intervenant au Tadjikistan.

* 24 L'Europe des géographes est conventionnellement délimitée à l'est par le Fleuve Oural, et inclut donc la petite partie du territoire kazakhstanais située au nord-ouest de la Mer caspienne.

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