II. SÉISME ET MIGRATION

On a pu constater, dès les premiers jours qui ont suivi le séisme, une tension entre le besoin de main-d'oeuvre sur place et le besoin d'argent des migrants. Le séisme n'a, en la matière, fait qu'accentuer une situation qui existait déjà. On verra cependant qu'il n'y a pas superposition exacte des cartes des migrations et de l'intensité du séisme.

A. LA QUESTION DE LA PRÉVENTION AU RISQUE SISMIQUE PARMI LES MIGRANTS

Selon un rapport du Centre for the Study of Labour and Mobility (CESLAM) 72 ( * ) , les migrants ne sont pas mieux préparés que les autres en matière de prévention au risque sismique. En effet, il n'existe que des liens très faibles entre les migrations externes et la prévention d'un événement de ce type : les familles de migrants construisent certes des maisons en ciment, mais cet usage reflète plus leur souhait d'avoir une « maison moderne » qu'un souci de sécurité en cas de séisme. Parmi les migrants, les seuls qui se sont déclarés préparés à l'éventualité d'un séisme n'évoquaient pas tant les normes antisismiques de leur habitation que la possibilité de mobiliser un capital (sous forme de bijoux portés et de liquidités à la banque, fruits de l'épargne du migrant). S'ils ont réussi à sauver leurs biens (qui sont plus importants que ceux des non migrants), ils pourraient faire face plus rapidement à une situation de catastrophe. Il en va de même pour les migrants qui ont une épargne a priori destinée à partir vers une autre destination, qui déclarent, dans certains cas, pouvoir prêter cet argent pour la reconstruction.

Il n'y donc pas de lien entre migration de travail et prévention des séismes, car les migrants n'ont pas plus accès à l'information sur la prévention et à des programmes d'aide que les non migrants. En revanche, les migrants sont favorisés dans l'après-séisme du fait qu'ils possèdent plus de capital.

B. MIGRATIONS DE TRAVAIL À L'ÉTRANGER ET MANQUE DE MAIN D'oeUVRE

A très court terme, dans les premiers moments après le séisme, l'absence des hommes migrants a durement été ressentie, surtout quand il s'est agi de dégager les décombres, de déplacer des pierres ou des poutres ou tout autre travail de force. Beaucoup de témoignages de femmes font état d'une situation très critique dans les heures qui ont suivi le séisme : non seulement, il leur a fallu tenter de récupérer leurs biens et leurs denrées (sans parler des survivants) dans les décombres, mais il leur a aussi fallu se procurer des bâches, des tôles ondulées, et construire des abris de fortune. La plupart des familles comptant des migrants à l'étranger ont assuré que l'absence d'hommes valides (ou d'aînés) a perturbé les stratégies familiales post-séismes, tels que les crémations, par exemple, auxquelles, traditionnellement, les femmes n'ont pas le droit de participer. Le problème de l'absence des hommes a été relaté par tous les médias, mais les témoignages ont aussi montré que cette absence avait été supplétée par une entraide très forte à l'échelle des communautés villageoises.

Il ne faut pas en outre sous-estimer les dimensions psychologiques de l'absence d'un homme (père ou fils) parti travailler à l'étranger : comment le prévenir ? Comment lui demander de revenir ? Que lui dire ? Des histoires terribles de migrants, n'ayant pris connaissance de décès de membres de leur famille qu'une fois rentrés chez eux, ont circulé dans les médias.

A moyen terme, se pose la question de la main d'oeuvre disponible pour les travaux agricoles.

Apparemment, dans les quelques semaines qui ont suivi le séisme, beaucoup d'hommes ont annulé leur départ, ou l'ont reporté, pour être présents durant la première phase de reconstruction.


* 72 http://ceslam.org/index.php?pageName=publication&pid=36, publié en juin 2015.

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