C. LA QUESTION DU RETOUR AU MOMENT DU SÉISME

Le Gouvernement népalais a rapidement demandé aux pays hôtes des travailleurs migrants de leur donner congé et les laisser rentrer au pays, mettant même en place un mécanisme de paiement d'un aller-retour pour les migrants ayant perdu un membre de leur famille dans le tremblement de terre. Mais de début mai à mi-juin, seulement 15 personnes avaient utilisé cette aide.

Si, au total, très peu de migrants sont rentrés  c'est que l'opération était risquée et coûteuse (rupture de contrat avec leur entreprise, retenue sur salaires). Dans l'étude CESLAM, seuls 12 % de migrants sont revenus, 23 % ont tenté de revenir mais n'ont pas pu (absence d'accord de l'employeur, d'information sur le plan d'aide gouvernemental, d'argent nécessaire à l'achat du billet d'avion, ou de demande de la famille) et 55 % ne sont pas rentrés ni n'ont eu des velléités de rentrer ; enfin les 7 % restant ont le projet de revenir.

Le quotidien The Guardian a annoncé dans ses colonnes que le Qatar interdisait formellement aux Népalais de rentrer chez eux, une information que le Gouvernement népalais a contestée. J'ai moi-même constaté en suivant les posts de quelques migrants sur Facebook que l'information n'était pas exacte, même si on note bien une asymétrie des rapports de pouvoir entre les migrants népalais et leurs employeurs qui ne facilitent pas les retours.

D. LA RECONSTRUCTION

Une des questions qui se posent au sujet de la reconstruction est la suivante : l'augmentation des besoins après le séisme va-t-elle entraîner plus de migrations ?

A court terme, après la tragédie, les demandes de passeport ont diminué : d'une part, certains ont décidé de repousser leur voyage et d'autres ont estimé que l'argent engagé dans la migration serait sans doute mieux utilisé à la reconstruction. On ne connait pas les conséquences de ces décisions, mais on peut noter que dans des économies familiales fragiles, le séisme risque de pénaliser encore plus les ménages qui comptaient ou comptent sur la migration pour s'en sortir.

L'aide apportée par les migrants a été spectaculaire dans la période qui a immédiatement suivi le séisme, puisque les flux privés envoyés par les migrants sont arrivés plus vite que l'aide internationale. Dans l'étude du CESLAM, l'augmentation des flux n'est pas vraiment avérée alors qu'à l'échelle nationale, les transferts d'argent (via Western Union notamment) ont très largement augmenté (mais ces transferts n'étaient pas émis que par des Népalais). Les faibles transferts constatés par l'étude du CESLAM s'expliquent par l'incapacité des migrants à mobiliser rapidement une somme d'argent. En effet, les envois d'argent se font par rotation : les hommes collectent de l'argent entre eux et l'envoient à leur famille chacun leur tour. Ils n'ont pas beaucoup de liquidités disponibles en dehors du moment où vient leur tour. Toutefois, même les transferts effectués dans les premiers jours avaient leur utilité, pour l'achat de denrées et provisions.

Il semblerait que la majorité des familles ait demandé à ce que le migrant ne rentre pas, mais plutôt qu'il continue à envoyer de l'argent pour les besoins immédiats et les besoins futurs de reconstruction.

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