TABLE RONDE 3 -
FINANCER SES PROJETS ET SES EXPORTATIONS

Table ronde animée par M. Arnaud FLEURY, journaliste économique

Ont participé à cette table ronde :

Mme Nancy TAWFIK, Directeur Marché des entreprises, HSBC Bank Egypt

M. Omar KRONFOL, Directeur commercial grands comptes, Commerce & Financement international, HSBC France

M. Louis MARGUERITTE, Chef du bureau Fininter 1 (crédit export et garanties à l'international), sous-direction du financement international des entreprises (Fininter), direction générale du Trésor

M. Eric TAINSH, Responsable export, Bpifrance

Mme Marie-Hélène LOISON, Directrice Méditerranée et Moyen-Orient, Agence française de développement

La dernière table ronde porte sur le financement des projets d'investissements et des exportations.

Madame Tawfik, d'une façon générale, quelle est la réalité du système bancaire égyptien - banques égyptiennes, banques internationales - et quels sont les services proposés aux entreprises ?

Mme Nancy TAWFIK - L'Égypte possède environ une quarantaine de banques sur le marché. Nous avons constaté une certaine consolidation dans ce secteur depuis quelques années, et avons assisté à davantage de concentration dans le secteur bancaire.

Trois banques publiques contrôlent environ 30 % des actifs du marché. Ces banques financent principalement des projets du gouvernement, avec d'autres banques du secteur privé, et l'on trouve également beaucoup de banques de détail.

Il n'existe en fait pas de concurrence entre les banques privées et les banques internationales, car cela ne concerne pas beaucoup d'investissements.

Du côté du secteur public, nous avons pu voir, depuis six ans, quelques banques multinationales quitter l'Égypte, comme la Société générale ou BNP Paribas. Ce n'est en fait pas lié au marché égyptien proprement dit, mais plutôt à un changement de stratégie en termes de présence internationale.

HSBC est quant à elle présente sur le marché depuis cinquante ans. Il s'agit d'une présence historique très forte. En pleine croissance, l'Égypte est un pays important pour HSBC, qui constitue la plus grande banque multinationale du pays.

Les banques multinationales ont été remplacées par des banques régionales, venues des pays du golfe Persique, ainsi que par des banques du secteur privé.

Nous avons depuis quelques années constatées beaucoup d'évolutions, notamment en matière de devises. Cela résulte en particulier de la réduction du flux touristique le long du canal de Suez. Toutefois le niveau des importations reste le même.

La Banque centrale d'Égypte a dû intervenir en 2012. Nous avons connu deux années d'opérations normales après la révolution alors que nous n'avions rien subi pendant les deux premières années.

Vers la fin de 2012, les réserves s'épuisant, le gouvernement et HSBC ont dû créer des limites en termes d'échanges entre les marchés et intervenir par rapport à la parité.

Quelques secteurs sont demeurés prioritaires, tels que l'alimentation, la pharmacie, les machines et les matières brutes, afin que l'activité puisse continuer dans le pays.

M. Arnaud FLEURY - Comment voyez-vous aujourd'hui l'activité des banques après la dévaluation et le flottement de la livre ? Y a-t-il un retour à la normale d'un point de vue interbancaire ?

Mme Nancy TAWFIK - D'un point de vue bancaire, les flux entrants sont plus élevés que par rapport au mois de novembre. Nous avons par ailleurs constaté une augmentation des investissements obligataires.

Quant aux arriérés de paiement, il est en voie d'allégement, mais l'amélioration va demander un peu de temps.

M. Arnaud FLEURY - Que recommandez-vous aux entreprises clientes d'HSBC en Égypte qui souhaitent exporter ?

Mme Nancy TAWFIK - Cela varie suivant les importateurs. Durant les années difficiles, les banques ont augmenté les seuils afin de soutenir l'activité. Des facilités sont par exemple accordées aux clients locaux qui importent depuis la France et qui rencontrent un problème de paiement.

Cela dépend des types de produits qui sont importés et des relations avec la banque en Égypte. Si les relations sont bonnes, il est plus facile d'obtenir le paiement et d'éviter les retards de règlement. Cela peut changer d'une entreprise à l'autre, mais les choses s'améliorent.

M. Arnaud FLEURY - Monsieur Kronfol, quels sont les produits et les services bancaires mis à disposition des entreprises qui exportent vers l'Égypte ? Que leur conseillez-vous en matière de sécurisation des paiements ?

M. Omar KRONFOL - L'Égypte est un marché parfaitement normal en termes d'offres bancaires. Nous n'avons pas de restriction, c'est juste une question d'évaluation des risques.

La Banque centrale d'Égypte contrôlant les sorties de devises, on a mis en avant les produits bancaires comme le crédit documentaire, pour lequel le paiement est réalisé après présentation d'un document qui atteste de la bonne exécution du contrat. On a en effet pu constater que les entreprises importatrices détenaient des devises même si la situation change et évolue favorablement.

L'appétit des banques est bien réel depuis ces deux dernières années. HSBC a la chance de pouvoir s'appuyer sur une forte présence en Égypte pour réaliser une cartographie du marché, mais les autres banques françaises de la place sont tout à fait prêtes à collaborer ou même à nous concurrencer.

M. Arnaud FLEURY - Même si seul le Crédit agricole est sur place ?

M. Omar KRONFOL - Certaines banques régionales sont de plus en plus implantées à Paris, notamment des banques arabes. Même les gros projets sont parfaitement sécurisables et finançables, précisément en raison de l'appétit des banques, sous réserve d'un risque acceptable.

Aujourd'hui, d'un point de vue offshore , l'intervention des secteurs public ou bancaire égyptiens constitue souvent un prérequis pour obtenir des structures de financement à moyen terme.

M. Arnaud FLEURY - Constatez-vous une augmentation de la demande depuis la France après la dévaluation ?

M. Omar KRONFOL - Je n'ai pas suffisamment de recul pour attester d'une véritable modification mais, sur les dix-huit derniers mois, nous avons été très actifs en matière de sécurisation et de financement des flux, notamment dans le domaine des matières premières, qui représentent aujourd'hui l'essentiel des importations.

Les projets portant sur les biens d'équipement, qui ont pour objectif de favoriser la production locale, sont un peu plus difficiles à financer parce que l'on recherche des maturités un peu plus longues, mais on y arrive. Les projets du secteur privé sont souvent adossés à une garantie locale bancaire.

M. Arnaud FLEURY - S'il fallait noter l'Égypte de 1 à 10 sur la question du risque bancaire et du risque de paiement, où la situeriez-vous ? À quel pays pourrait-on la comparer ?

M. Omar KRONFOL - Si on s'en tient aux instituts ou à l'OCDE, l'Égypte ne bénéficie pas d'un classement très favorable. Sur l'échelle de l'OCDE, qui va de un à sept, l'Égypte est classée sixième.

Je pense en revanche que les perspectives sont positives. Le niveau du risque est plus élevé pour l'Égypte, mais le sujet d'actualité est la capacité du pays à générer suffisamment de ressources pour rembourser des prêts en devises.

On constate aujourd'hui que les réformes sont plutôt bien engagées de ce point de vue, même si l'on peut tous éprouver une inquiétude à court terme quant à un éventuel ralentissement des importations, qui sont devenues plus chères pour les entreprises qui produisent et commercialisent sur le marché local.

M. Arnaud FLEURY - Par rapport au Nigeria, les choses sont cependant bien mieux contrôlées en Égypte ?

M. Omar KRONFOL - Absolument.

M. Arnaud FLEURY - Madame Tawfik, une entreprise locale ou française installée sur place peut donc emprunter en Égypte. Quelles conditions financières proposez-vous ? J'imagine que les taux d'intérêt sont très élevés du fait de l'inflation ?

Mme Nancy TAWFIK - En effet. Et cela se traduit par une facture plus lourde pour les entreprises sur place. Les restrictions par rapport aux prêts en devises ont toutefois été assouplies par la Banque centrale d'Égypte. Nous pouvons consentir des prêts en devise locale, mais les entreprises doivent cependant tenir compte de cette différence dans leurs calculs.

M. Arnaud FLEURY - Y a-t-il une demande de la part des milieux d'affaires égyptiens pour emprunter en Égypte du fait des différents projets ?

Mme Nancy TAWFIK - En effet, différents projets ont été mis de côté depuis quelques années. C'est un marché qui subit tout de même les suites de la dévaluation. La demande n'est donc pas stable, mais les entreprises égyptiennes, en dépit des taux d'intérêt, formulent tout de même des demandes de prêt en devises.

M. Arnaud FLEURY - À combien évaluez-vous la livre égyptienne d'ici trois mois ?

Mme Nancy TAWFIK - C'est une question difficile. Je ne saurais répondre.

M. Arnaud FLEURY - Existe-t-il une convergence des différentes banques ou de vos services sur la tenue de la livre égyptienne dans les prochains mois ?

Mme Nancy TAWFIK - HSBC a publié un avis autour de 17 euros pour une livre égyptienne. Aujourd'hui la livre égyptienne s'échange à 15,35 euros. Oui, elle restera stable.

M. Arnaud FLEURY - HSBC a-t-il un d'autres renseignements à nous communiquer à propos du financement des exportations et des investissements ?

M. Omar KRONFOL - Tout ce que l'on peut dire sur le marché égyptien, c'est qu'il est assez sophistiqué. Les termes contractuels sont plutôt de bonne facture. Les exigences des opérateurs égyptiens sont à de haut niveau de standard en matière de garanties et de performances de la part des entreprises françaises.

Je pense qu'il s'agit d'un marché concurrentiel. On voit d'ailleurs de plus en plus d'acteurs, notamment asiatiques, très intéressés par ce marché. On a connu en 2013 une période d'inquiétude et un moindre appétit des banques pour intervenir sur ce marché, mais c'est aujourd'hui un marché courant et nous accompagnons nos clients français. On sécurise et on réalise de plus en plus de financements à moyen ou long terme selon la nature du projet. On émet surtout, sur ordre de nos clients français, des garanties au bénéfice des autorités égyptiennes qui cherchent des opérateurs de qualité.

M. Arnaud FLEURY - Les Égyptiens aiment-ils les services bancaires ? Compte-t-on de plus en plus de comptes bancaires et d'applications ?

Mme Nancy TAWFIK - Oui, dans une certaine mesure. Comme cela a déjà été dit, 50 % de la population reste en dessous du seuil de pauvreté et ne possède pas de compte bancaire, mais les entreprises réalisent de plus en plus de virements et ne paient pas toujours en liquide.

M. Arnaud FLEURY - Je me tourne vers M. Margueritte, haut fonctionnaire à Bercy, qui est plus particulièrement en charge du crédit à l'exportation et des garanties internationales. Les choses sont plus difficiles pour les PME que pour les grandes entreprises, d'où l'importance d'un soutien public à l'exportation. Comment une PME française peut-elle bénéficier de soutiens publics à l'exportation si elle veut aller vers l'Égypte ? Quels sont vos outils ?

M. Louis MARGUERITTE - Vous avez évoqué les grands groupes. Ceux-ci nous connaissent assez bien, tout comme la COFACE, dont les équipes ont été transférées au groupe Bpifrance pour ce qui est de la gestion des garanties publiques pour le compte de l'État.

On arrive à la fin d'un cycle de plusieurs années, au cours duquel les réformes qui ont été effectuées ont permis d'élargir la palette de nos outils et les rendre plus compétitifs. Le benchmarking (référenciation) avec nos partenaires et concurrents européens est courant. On peut considérer que l'on intervient tout au long de la vie d'un projet, de la première idée jusqu'à la conclusion finale et même après, l'assurance-crédit publique que nous proposons permettant à une banque de se prémunir contre le défaut de son acheteur.

On arrive à quelque chose d'assez compétitif et diversifié. C'est un peu l'objectif du transfert de la gestion des garanties publiques souhaité par le Président de la République il y a deux ans. Il s'agit d'avoir une meilleure diffusion. On sait bien qu'on n'est pas toujours les meilleurs en la matière. Grâce à Bpifrance, on souhaite qu'il y ait une meilleure diffusion, de telle façon que les PME, en région, puissent avoir davantage accès à ces outils et compléter la palette de ce qui leur est offert.

M. Arnaud FLEURY - Quelle est la politique de Bercy en termes de sélection des projets et de garantie des crédits acheteur vis-à-vis de l'Égypte, qui représente un pays important en prêts souverains français ?

M. Louis MARGUERITTE - L'Égypte est un pays qui reste ouvert, avec des conditions de saisine du ministre assez souples au regard de ce que l'on peut connaître pour d'autres pays.

Il existe trois grandes catégories de pays en la matière, ceux bénéficiant d'une ouverture sans condition, ceux frappés par la fermeture, comme la Corée du Nord et ceux ouverts avec condition, comme l'Égypte, qui comporte une condition de saisine du ministre.

Vous l'avez dit, l'Égypte est la première exposition souveraine de la France - et de l'UE - à la fois s'agissant des crédits à l'exportation et des autres expositions publiques de la France (AFD, etc.).

Cela prouve que nous avons été très actifs ces trente dernières années. On a beaucoup accompagné les entreprises françaises. Je citerai l'incontournable métro du Caire, dans lequel beaucoup d'entre elles se sont impliquées.

Une exposition importante signifie davantage de sélectivité vis-à-vis des projets. On continue bien évidemment à accompagner les entreprises, en sélectionnant tout d'abord la thématique des projets. L'infrastructure et l'énergie se retrouvent assez fréquemment. Les énergies renouvelables correspondent à de vraies priorités pour le gouvernement égyptien.

En second lieu, on est très sélectif en matière de montant et d'assiette de garantie. La modulation dépend de la nature de la part française et de la part locale.

La sélectivité s'établit en fonction de ces deux paramètres. Celle-ci s'est peut-être accrue par rapport à il y a vingt ans, mais elle permet de continuer à accompagner les entreprises françaises.

M. Arnaud FLEURY - Sentez-vous frémir la demande française concernant l'Égypte, notamment du fait du transfert des garanties publiques gérées par la Coface à Bpifrance ?

M. Louis MARGUERITTE - D'une manière générale, la demande reste relativement importante s'agissant de l'Égypte. Tout un travail de sélection avec les entreprises et les banques est mené pour continuer à accompagner au mieux nos entreprises à l'exportation.

S'agissant des PME, le frémissement n'est peut-être pas encore perceptible, mais on ne doute pas qu'il le sera dans les prochaines semaines. Il n'y a pas eu de changement majeur par rapport au transfert. On pense que celui-ci va avoir un effet d'entraînement sur la demande.

Je veux également citer l'accompagnement des projets énergétiques avec l'opérateur électrique EETC. La France a remporté un contrat assez important via General Electric France, qui comporte un réseau vert et un réseau intelligent de soutien aux projets de ville durable et de gestion de l'énergie.

Il faut noter que ces contrats sont souvent souscrits avec des entreprises égyptiennes, ce qui démontre l'intérêt à la fois du gouvernement égyptien, des entreprises françaises et des sous-traitants locaux en la matière.

M. Arnaud FLEURY - M. Tainsh de Bpifrance est le fidèle partenaire de Business France dans l'exportation et l'investissement à l'étranger. Quel message désirez-vous faire passer en matière de crédit à l'exportation et, plus particulièrement, sur l'Égypte ?

M. Éric TAINSH - Tous nos compétiteurs utilisent en ce moment l'ensemble des moyens mis à leur disposition pour soutenir leurs emplois domestiques et faire en sorte que leurs entreprises gagnent sur les marchés internationaux.

Nos compétiteurs utilisent les agences de crédit à l'exportation, de généreux prêts de développement et parfois des entreprises publiques. Je pense à la Chine qui, selon le New York Times de la semaine dernière, a mis sur la table 500 milliards de prêts de crédits à l'exportation et d'assurances exportation au titre de 2015 pour supporter ses exportations.

C'est dans ce contexte assez compétitif que les pouvoirs publics nous font l'honneur de nous confier les différentes garanties publiques en matière de prospection, de change, de crédit et de risques pays. Tout ceci aide les entreprises à obtenir des contrats et permet aux banques d'absorber du risque, elles qui doivent fournir des garanties de soumission et de restitution de comptes.

M. Margueritte l'a très bien dit : notre point fort est d'avoir un réseau extrêmement dense en région, avec quarante-sept implantations et six-cents exploitations sur le terrain. À compter du 2 janvier, date du transfert, notre ambition est d'abaisser le centre de gravité de toutes ces garanties publiques pour faire en sorte que des milliers d'entreprises françaises puissent gagner des marchés internationaux en étant mieux assurées, mieux coachées, mieux garanties, mieux financées et, mieux capitalisées. Une des dimensions de Bpifrance est d'être en effet un puissant investisseur et d'entrer dans le capital des entreprises pour faire en sorte qu'elles réussissent sur les marchés internationaux.

M. Arnaud FLEURY - Parvenez-vous à savoir ce qui est demandé sur l'Égypte ?

M. Éric TAINSH - Non, mais j'ai attentivement écouté les débats de cet après-midi. J'observe qu'à peine 3 000 entreprises exportatrices sur 124 000  exportent vers l'Égypte, soit 3 % du total. Cent cinquante entreprises sont installées sur place. Or, j'ai entendu qu'il était extrêmement important d'être là-bas pour pouvoir rayonner sur l'Afrique.

Le cahier des charges est très simple : nous devons inciter les entreprises françaises à exporter vers l'Égypte, marché de cent millions de consommateurs, à condition qu'elles assurent leur prospection et que 65 % du coût de cette prospection leur soit remboursé si les choses fonctionnent mal.

M. Arnaud FLEURY - C'est ce que vous proposez ?

M. Éric TAINSH - Oui, mais il faut qu'elles aient un bilan suffisamment solide. Réussir en Afrique en général et en Égypte en particulier est une oeuvre de longue haleine. Pour remporter des marchés, il faut également être en mesure d'accorder des délais de règlement à trente, soixante, quatre-vingt-dix jours s'il s'agit de biens de consommation, ou plus en cas de gros équipement. C'est tout le fondement du crédit à l'exportation : permettre à des entreprises françaises qui vendent de l'équipement et qui sont sur des projets importantes en Égypte de venir avec un package comportant la proposition technique, la technologie et le financement, de sorte que l'Égyptien puisse payer sur trois, quatre, cinq ou huit ans et se payer de la technologie française.

M. Arnaud FLEURY - Vous êtes venu avec l'un de vos confrères, basé à Dubaï.

M. Éric TAINSH - Oui. Il est sur le point de s'y installer.

M. Emmanuel BRÉCHARD , représentant de Bpifrance au Moyen-Orient - Nous intervenons historiquement sur le financement des entreprises françaises depuis la France avec des prêts internationaux garantis. Nous finançons à présent directement les importateurs dans les pays qui achètent des biens français via le crédit acheteur et via le rachat de crédit fournisseur, pour des montants assez faibles, qui vont de 1 million à 25 millions.

On adresse directement les ETI et les PME qui vendent des biens à des entreprises privées, ou directement à du public ou du parapublic. On n'a pas encore monté de dossier pour l'Égypte, mais on en étudie quelques-uns actuellement. C'est un marché.

M. Arnaud FLEURY - Dans quel secteur ?

M. Emmanuel BRÉCHARD - Dans le secteur des fours à pain, des turbines et des infrastructures, notamment à destination de l'État.

M. Éric TAINSH - Imaginez une entreprise française qui s'implante en Égypte, avec 5 millions de livres égyptiennes. Elle dispose de 1,5 million de livres égyptiennes pour capitaliser sa filiale et recherche 3,5 millions de livres égyptiennes. On a vu toutes les vicissitudes qui existent autour de cette monnaie. Si on gagne sa vie en livres égyptiennes, il est peut-être bon d'emprunter sur place. Une banque égyptienne peut être prête à lever 2,5 millions de livres égyptiennes pour aider l'entreprise française, à condition de disposer d'une caution à 100 % de la banque française. Bpifrance aide la banque française en la garantissant à hauteur de 60 %.

Nous pourrons aider les banques dans la mesure où on peut compléter les 2,5 millions de livres égyptiennes prêtés sur place par un prêt de croissance international. C'est le produit phare de Bpifrance. Il s'agit d'un produit sur sept ans, qu'on ne commence à rembourser qu'à partir de la troisième année. Il est sans garantie et concerne tous les investissements immatériels, toujours si délicats à financer à l'international. Il s'agit des prêts Croissance International, qui se vendent « comme des petits pains ». On en a vendu pour 760 millions l'année dernière. Cette année, nos ambitions sont plus fortes encore, puisqu'ils permettent de renforcer le bilan des entreprises.

M. Arnaud FLEURY - Nous allons conclure avec Mme Marie-Hélène Loison de l'Agence française de développement (AFD).

Que représente l'Égypte pour l'AFD ? Et quelle stratégie propose-t-elle dans cette zone ?

Mme Marie-Hélène LOISON - Nous sommes installés en Égypte depuis 2006. C'est un des plus importants pays sur lesquels nous travaillons. La zone que je couvre va du Maroc à la Turquie.

Nous intervenons comme agence de développement, avec comme priorité l'amélioration des conditions de vie des populations et l'accompagnement d'une croissance durable du secteur productif. Cela couvre un champ d'intervention relativement large.

Nos emprunteurs et nos clients sont des contreparties égyptiennes publiques (État, entreprises publiques, banques publiques) ou privées, via notre filiale Proparco.

Notre portefeuille s'élève à 1,6 milliard, dont 1 milliard de prêts souverains à destination de l'État égyptien. Cette tendance va se poursuivre, car nous allons beaucoup travailler avec ce dernier.

Nous recourons principalement à des prêts plus ou moins bonifiés et à des outils de garantie à destination du secteur bancaire. Proparco intervient dans des prêts pour le secteur privé ou des financements de projets.

Nous disposons d'une toute petite enveloppe de subventions, qui nous sert principalement à financer des études et des actions d'assistance technique.

Nous sommes positionnés sur des infrastructures relatives à l'énergie, au transport, à l'eau et à l'assainissement. Ce sont des secteurs où l'offre française est très bien placée. Notre portefeuille comporte beaucoup de projets où des entreprises françaises ont pu obtenir des attributions.

En matière d'énergie, nous intervenons sur la promotion des énergies renouvelables. Nous finançons notamment la première centrale photovoltaïque connectée au réseau égyptien. Nous travaillons également sur l'amélioration et le renforcement du réseau, le financement de centres de contrôle régionaux, ainsi que sur la connexion au gaz, grand projet que nous avons financé il y a un ou deux ans.

Le transport est aussi un secteur important. On a évoqué le métro du Caire. On travaille également sur un projet de tramway à Alexandrie, qui va sortir prochainement. Nos priorités tournent autour de l'accompagnement de la croissance urbaine et de la thématique de la ville durable.

M. Arnaud FLEURY - La France, suivant les instructions de l'OCDE, propose un financement délié, contrairement aux Chinois. Il n'existe donc pas de contreparties obligatoires pour les entreprises françaises. Dès lors, comment faire en sorte d'entraîner des entreprises françaises dans votre sillage, afin de ramener de la valeur ajoutée en France ?

Mme Marie-Hélène LOISON - En tant qu'agence bilatérale de coopération, nous sommes particulièrement bien positionnés pour faire connaître les savoir-faire et les technologies françaises à nos partenaires égyptiens. Ceci passe par un dialogue régulier et par l'organisation de séminaires, de colloques, etc.

On a par exemple organisé en novembre dernier deux jours de séminaire sur la mobilité urbaine avec l'association de coopération pour le développement et l'amélioration des transports urbains et périurbains (Codatu). Le ministre des transports égyptiens était là pour prendre des notes concernant le modèle français et les technologies.

C'est grâce à ce type d'événement que l'on peut contribuer à faire connaître nos savoir-faire. Nous jouons également le rôle de trait d'union avec les entreprises françaises pour les informer en amont des secteurs prometteurs égyptiens. C'est ce que nous demandent nos partenaires.

Il s'agit bien de financements déliés. En revanche, il convient de repérer les secteurs sur lesquels l'offre française est bien positionnée.

Nous avons également des avis à donner sur les dossiers d'appels d'offres. Nous devons veiller à ce que les appels d'offres soient le plus ouverts possible, et notamment faire en sorte, en matière de technologies, que les choix ne ferment pas la porte à une possible offre française. Nous devons aussi être attentifs au fait que ces appels d'offres incluent des standards de niveau international à la fois environnementaux et sociaux ou techniques.

On sait par exemple que, dans un certain nombre de secteurs, le fait de mettre l'accent non seulement sur les équipements, mais également sur la maintenance et l'exploitation, peut contribuer à bien positionner l'offre française.

M. Arnaud FLEURY - L'amitié franco-égyptienne est une réalité. L'idée est-elle de continuer en Égypte ou bien d'être sélectif et de prendre son temps ?

Mme Marie-Hélène LOISON - On s'inscrit dans un contexte similaire à ce que décrivait M. Margueritte. On dispose d'un portefeuille relativement important. Nous sommes amenés à opérer une certaine sélectivité par rapport aux projets sur lesquels on pense que le positionnement des entreprises françaises peut être favorable à plus ou moins long terme.

Notre force est de travailler sur le moyen et le long termes et de réfléchir à ce qui peut être porteur pour les entreprises françaises en matière d'environnement. On travaille actuellement sur le secteur de l'énergie, à travers un soutien de nature plus budgétaire, qui accompagne une dynamique de réforme dans le secteur.

Il n'y aura pas forcément d'intérêts français stricto sensu en termes d'attribution de marché. En revanche, on sait que le fait de pourvoir libéraliser le secteur du gaz ou de l'énergie, ou le fait de pouvoir contribuer à une gouvernance de qualité dans ce domaine va créer un environnement plus favorable aux entreprises françaises.

M. Arnaud FLEURY - Y a-t-il des questions ?

M. Emmanuelle PEZÉ , représentant de Tinubu Square - Ma société fournit des systèmes et des services dans le domaine du risque de crédit business to business . Nos clients sont des assureurs-crédit, des banques, etc.

Les grands assureurs-crédit - Euler, Atradius, Coface - ne sont pas très généreux pour l'Égypte. Bpifrance semble plus proactif. Qu'en est-il ?

Par ailleurs, HSBC possède une activité d'affacturage en Égypte. Comment voyez-vous son développement en Égypte ?

Mme Nancy TAWFIK - Il faut une licence spécifique pour réaliser de l'affacturage en Égypte. On ne peut le faire avec les banques commerciales. Nous pouvons en faire, mais c'est une question de disponibilité du projet.

M. Emmanuelle PEZÉ - L'affacturage est d'une extrême importance pour le financement des activités, pour les créances et le commerce. Il faut le développer en Égypte. Vous êtes un acteur important dans ce pays : qu'en pensez-vous ?

Mme Nancy TAWFIK - Je pense qu'il faut développer ce secteur sur le marché. Du point de vue du potentiel de croissance, nous avons le marché.

Il est évident que cela prendra un certain temps avant de pouvoir le développer. Nous devrons également obtenir un agrément de la part des autorités de réglementation. C'est l'un des secteurs de croissance pour l'avenir.

M. Éric TAINSH - Vous avez cité Atradius, Euler et Coface. S'agissant des garanties, Coface devient Bpifrance Assurance Export.

Nous parlons là de garanties sur des financements supérieurs à deux ans, qui permettent de se prémunir contre le défaut de paiement ou l'interruption du contrat. S'agissant de ce produit bien particulier, l'ambition de Bpifrance est d'abaisser le centre de gravité de l'assurance-crédit pour permettre aux PME et aux ETI d'en bénéficier.

En effet, les entreprises nous ont fait savoir à maintes reprises qu'elles avaient énormément de mal à trouver un financement et une garantie pour financer des équipements de 1 million à 10 millions. C'est là que nous voulons agir.

M. Emmanuelle PEZÉ - C'est du moyen terme !

M. Éric TAINSH - Il s'agit de financer la contrepartie égyptienne pour que ce pays puisse acheter de l'équipement français et que nos exportateurs se trouvent dans des conditions similaires à celles que connaissent les exportateurs allemands, italiens ou chinois, avec un financement embarqué sur une durée intéressante.

M. Louis MARGUERITTE - J'imagine que vous parlez aussi d'assurance-crédit à court terme, inférieur à deux ans, réputé a priori couvert par le marché privé. En réalité, ce n'est pas toujours le cas. On y réfléchit.

Un dispositif a vu le jour entre 2009 et 2011. Ce dispositif, dénommé CAP+ et CAP Export, était un système de réassurance par la puissance publique des assureurs-crédit privés.

On souhaitait remettre ce dispositif en application. Les textes étaient prêts. On avait même l'autorisation de la Commission européenne. Les discussions avec les assureurs-crédit privés sont compliquées. Le transfert n'a pas forcément aidé à aller dans ce sens, mais l'option de revenir à la réassurance telle qu'on la connaissait en 2009-2010 ou de réfléchir à faire de l'assurance-crédit directe à court terme est bien réelle.

M. Arnaud FLEURY - Madame Tawfik, en conclusion, êtes-vous optimiste s'agissant de la situation au Caire ? On a l'impression que les écuries d'Augias ont été nettoyées, que le pays est sur de bons rails pour la suite et qu'il peut compter sur la force que représentent ses 90 millions d'habitants.

Mme Nancy TAWFIK - Les changements ont été importants, mais je pense que nous sommes sur la bonne voie. Nous avons commencé à apprécier l'impact positif de tout cela. Nous avons bien sûr dû passer par pas mal de difficultés pour atteindre notre but ; mais nous avons pris les mesures qui s'imposaient. Je suis donc optimiste pour l'avenir.

M. Arnaud FLEURY - Une certaine stabilité est peut-être aujourd'hui en train de s'installer dans la région.

Merci à vous tous. Merci également aux équipes du Sénat et de Business France de nous avoir accueillis avec autant de professionnalisme.

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