Rapport présenté par Mme Odette TRUPIN relatif au renforcement de la coopération entre les parlements des pays francophones d'Europe dans la perspective de l'élargissement de l'Union européenne

L'Union européenne va connaître dans les années à venir l'un des bouleversements les plus marquants de son histoire, avec l'intégration d'une douzaine de nouveaux pays membres, dont la plupart des PECO (Pays d'Europe centrale et orientale).

Cet élargissement, qui concrétisera une réconciliation au sein du continent européen qui paraissait encore inimaginable il y a quelques années, constitue une chance historique, mais aussi un formidable défi.

Si les négociations relatives à la future adhésion des pays candidats relèvent en premier lieu des pouvoirs exécutifs, les Parlements y sont aussi très étroitement associés, car les réformes à mener à bien nécessitent un très important travail législatif. Par ailleurs les Parlements, lieux de la représentation populaire, ont un rôle déterminant à jouer pour assurer le consensus national sur les objectifs de l'intégration.

Ces nouvelles missions qui incombent aux Parlements des pays candidats doivent nous inciter à mener une réflexion sur la coopération que nous pouvons leur proposer. Nombre d'actions fructueuses sont certes déjà menées dans ce domaine, mais il convient de les renforcer et d'explorer de nouvelles pistes.

S'agissant par ailleurs, pour la plupart d'entre eux, de Parlements qui sont membres de l'APF, l'occasion nous est ainsi donnée de mettre en oeuvre concrètement la solidarité dans l'espace francophone, et de déployer toute notre vigilance pour assurer à la langue française la place qui doit lui revenir dans la future Europe élargie.

I - La perspective de l'élargissement et ses conséquences pour la Francophonie dans l'Union européenne

1/ Les enjeux de l'élargissement

Au cours de ces dernières années, l'Europe a connu des événements de portée considérable. L'effondrement de l'Union soviétique et, par conséquent, la fin de la guerre froide ont modifié sensiblement l'ancien ordre géopolitique et mis fin aux vieux modèles d'équilibre international.

C'est dans ce contexte nouveau que le processus actuel d'élargissement de l'Union européenne à treize pays candidats apparaît comme l'une des plus vastes et ambitieuses opérations d'intégration politique, économique et sociale jamais entreprises. Il conduit l'ensemble des partenaires concernés à relever un défi sans commune mesure avec ceux des élargissements antérieurs.

Il s'en distingue en effet non seulement par le nombre des pays candidats, l'importance des populations concernées (une centaine de millions de citoyens au total) et l'écart en matière de développement économique par rapport à la moyenne communautaire, mais surtout par sa portée historique, politique et morale. Plus qu'un simple élargissement, ce processus se propose d'accomplir le rêve de tout européen, qui paraissait encore inaccessible il y a quelques années - la réunification du continent- et de réaliser le premier objectif de la construction européenne, consistant à promouvoir la paix et la stabilité en Europe afin de la préparer à devenir un acteur mondial de premier plan au service de valeurs communes.

En adhérant à l'Union européenne, l'Europe centrale et orientale va s'arrimer définitivement aux principes de la démocratie et de l'économie de marché dans un continent réconcilié, et elle accomplira cette métamorphose en seulement un peu plus d'une décennie après la chute du mur de Berlin et la fin de la division de l'Europe entre deux blocs résolument antagonistes.

La nécessité de satisfaire aux critères d'adhésion énoncés par le Conseil européen de Copenhague en 1993 représente assurément une lourde contrainte, mais les pays candidats sont conscients que la reprise de l'acquis communautaire leur offre la chance de profiter de l'expérience acquise au cours de quatre décennies de fonctionnement de l'Union et qu'elle leur fait gagner un temps considérable pour se réformer et accéder au plus grand marché libre du monde.

Quant aux pays déjà membres, l'élargissement constitue également pour eux une chance. L'extension de l'Union, au moins dans une première étape, à plus de cent millions de nouveaux citoyens, favorisera les échanges, l'activité économique et donnera un nouvel élan au développement et à l'intégration de l'économie européenne dans son ensemble. L'adhésion de nouveaux Etats membres augmentera le poids et l'influence de l'Union sur la scène internationale dans tous les domaines, y compris sur le plan stratégique.

2/ L'état d'avancement des négociations

Le dernier grand rendez-vous des négociateurs européens, qui s'est tenu les 29 et 30 mars derniers à Bruxelles avec les représentants de chacun des pays candidats, a permis d'enregistrer des progrès substantiels, quoique inégaux selon les pays.

L'acquis communautaire, c'est-à-dire l'ensemble des législations que les pays candidats doivent reprendre pour s'adapter aux règles de fonctionnement de l'Union, a été divisé en 31 chapitres. Les plus avancés en ont clos 18 : il s'agit de la Hongrie, de la Slovénie, de l'Estonie et de Chypre. Le deuxième groupe comprend la Pologne, la République tchèque, Malte et la Lituanie.

Pour l'ensemble de ces pays, une adhésion pourrait être envisagée à partir de 2004. L'échéance devrait être plus tardive pour la Roumanie et la Bulgarie avec lesquelles les négociations rencontrent davantage de difficultés.

D'une manière générale, le processus de négociation s'est concentré jusqu'à présent sur une discussion technique indispensable autour de la reprise de l'acquis communautaire. Alors que le Conseil européen de Nice a récemment permis de trouver un accord institutionnel préalable à l'élargissement, il convient désormais de renforcer avec les pays candidats un dialogue politique de fond, afin d'élaborer une vision partagée de la future Union européenne élargie et de consolider le compromis européen sur l'unité du continent dans sa diversité.

Il faut pour cela que le processus sorte du cercle étroit des gouvernements et des experts et aille à la rencontre des opinions publiques afin d'y puiser la légitimité démocratique indispensable à sa réussite.

Les Parlements ont à cet égard un rôle essentiel à jouer pour associer pleinement les citoyens au développement d'un projet de cette envergure et mieux prendre en compte leurs interrogations face aux risques, mais aussi aux avantages de l'élargissement. Or il y a désormais urgence, car l'impatience grandit face à la longueur du processus de négociation et à l'ampleur des sacrifices consentis : un récent sondage montrait que les tchèques ne sont plus que 49 % à souhaiter l'adhésion.

3/ Les conséquences de l'élargissement sur la Francophonie en Europe

L'élargissement constitue une perspective très favorable pour la Francophonie eu sein de l'Union européenne, puisque 10 % des 55 millions d'apprenants de français hors de France résident dans les Pays d'Europe centrale et orientale.

Parmi les pays candidats, la Roumanie se distingue par sa solide tradition francophone, qui fait partie intégrante de son patrimoine culturel, comme en témoigne sa participation très active aux instances de l'Organisation internationale de la Francophonie (OIF). La proportion de francophones dans ce pays atteint le taux exceptionnel de 21 % de la population.

L'arrivée à terme dans l'Union de la Bulgarie, où un quart des lycéens apprennent le français, est également de bon augure à cet égard.

S'agissant des autres pays candidats, dans lesquels le français tient une place plus modeste, on constate que la perspective de leur adhésion à l'Union européenne a puissamment stimulé leur intérêt pour la Francophonie.

Ce phénomène s'explique en premier lieu par le statut de langue de travail que détient notre langue au sein des institutions européennes et du rôle moteur joué par la France dans la construction de l'Europe. Il procède également, à l'issue de plusieurs décennies d'une histoire plus subie que choisie, d'une aspiration à s'ouvrir sur le monde et sur les valeurs véhiculées par la Francophonie, telles que la démocratie, le pluralisme et les Droits de l'homme. Il reflète enfin un soutien déterminé aux principes de diversité culturelle et de multilinguisme, seuls moyens pour des nations petites ou moyennes, de sauvegarder leur identité face au processus en cours de mondialisation.

C'est pour l'ensemble de ces raisons que la majorité des pays candidats à l'Union, y compris les moins traditionnellement francophones, ont obtenu à leur demande un statut d'observateur au sein de l'OIF (depuis 1993 pour la Bulgarie et la Roumanie, 1997 pour la Pologne, et 1999 pour la Lituanie, la Slovénie et la République tchèque). Ils ont également, pour la plupart, mené dans la période récente des réformes de leurs systèmes éducatifs visant à diversifier leur offre en matière d'apprentissage de langues étrangères, ce qui a particulièrement profité au français. Ainsi, en République tchèque par exemple, le nombre de lycéens qui apprennent le français a triplé depuis 1990. De même il convient de souligner le succès des nouvelles filières bilingues hongrois-français qui se sont ouvertes en Hongrie, dans l'enseignement secondaire et supérieur.

Ces dispositions favorables des pays candidats se heurtent toutefois à des difficultés, qui tiennent essentiellement à l'évolution préoccupante de la place du français dans les institutions européennes.

D'ores et déjà, en ce qui concerne les négociations relatives à l'élargissement, domaine clé pour l'avenir du plurilinguisme en Europe, on observe un recours massif à l'anglais.

Les documents de négociation n'existent qu'en anglais et ne sont traduits qu'à l'occasion des conférences ministérielles.

De leur côté, les représentants des pays candidats s'expriment en quasi totalité en anglais. A l'écrit, le français n'est utilisé de manière significative que par les représentations roumaine (environ un tiers de ses documents écrits sont en français) et bulgare (environ un quart), ce qui place toutefois notre langue en seconde position, loin devant l'allemand (utilisé, dans moins de 10 % de leurs documents écrits, par les représentants slovaques, tchèques et hongrois). La situation est un peu meilleure pour l'oral : les représentants roumains prononcent environ 70 % de leurs communications en français, les bulgares 40 %, les hongrois, les polonais et les tchèques, entre 10 et 20 %.

La faible utilisation du français parmi les pays candidats, y compris les plus francophones d'entre eux, s'explique aussi par le fait qu'à travers les programmes qui leur sont destinés, ils perçoivent l'Europe comme anglophone. Concernant notamment le programme PHARE, la Roumanie déplore les difficultés qu'elle éprouve à obtenir les documents émanant de la commission en français. La Bulgarie, qui avait prévu de conduire les discussions relatives à ce programme en français, a dû y renoncer.

Cette situation a également des conséquences économiques, puisque le fait que les appels d'offres liés à ce programme soient rédigés en anglais et que les entretiens se déroulent, à de rares exceptions près, dans cette langue, défavorise incontestablement les petites entreprises non anglophones.

II - Un champ très vaste, et encore insuffisamment exploré, pour la coopération parlementaire

1/ Les objectifs de la coopération parlementaire

a) Les besoins ressentis par les Parlements des pays candidats

L'intégration de l'« acquis communautaire » dans le droit interne des pays candidats a entraîné pour leurs Parlements un accroissement considérable du travail législatif. Ce travail est encore loin d'être terminé puisque les plus avancés des pays candidats n'ont clos à ce jour qu'un peu plus de la moitié des 31 « chapitres » qui constituent l'ensemble de l'acquis.

Ce travail législatif concerne principalement la réforme de l'économie et des institutions financières, du système douanier, de la police et de la justice, de l'administration tant centrale que locale, ainsi que la mise en place d'une réglementation de l'environnement.

Pour y faire face, les Parlements concernés se sont dotés de nouvelles structures (offices spécialisés, commissions ad hoc ou permanentes) et ont dû renforcer leurs services administratifs d'une manière significative.

La nécessité d'aider et de conseiller ces assemblées parlementaires dans l'accomplissement de leurs nouvelles missions implique un renforcement substantiel de notre coopération parlementaire.

b) La « promotion » du droit francophone

Si le droit apparaît, sous ses différentes formes, comme universel, il varie dans l'espace et le temps comme le font les représentations que les individus s'en forment et qui lui impriment sa marque distinctive.

Ainsi, le droit apparaît comme une composante de la culture d'un pays ou d'un groupe de pays. Selon l'expression d'un anthropologue français, il « fait partie d'une manière distinctive d'imaginer le réel ». Partie intégrante d'une culture donnée, il en reflète et diffuse à la fois les valeurs, les normes et les modèles de comportement.

Ressemblances et différences sont dues aux traditions locales, aux systèmes sociaux et politiques et à leur inscription dans l'histoire. Mais la langue qui les exprime et les structure joue aussi à cet égard un rôle décisif. Et l'appropriation par les individus au cours de l'enfance et de l'adolescence d'une manière de penser et de dire le droit, la loi et la justice - ce que l'on appelle la socialisation juridique ou conscience du droit - passe par l'image du monde dont le langage maternel est porteur.

C'est ainsi que, comparé à d'autres cultures juridiques, le droit francophone, et notamment français, présente des caractéristiques fortes.

Par exemple dans le domaine civil et pénal, le système français présente la particularité de faire un recours systématique à la loi pour résoudre les problèmes et les conflits survenant dans la vie de la société et le monde du travail. De même, sur le plan du droit public et constitutionnel, la France a hérité de son histoire un Etat assez fortement centralisé, et un régime semi-présidentiel original.

Le droit français, qui a inspiré nombre de pays francophones, n'est évidemment ni meilleur ni pire qu'un autre. Fruit d'une expérience singulière, il peut toutefois constituer, aux côtés d'autres cultures juridiques, une source d'inspiration pour les nouvelles démocraties d'Europe centrale et orientale.

Cet élément nous semble devoir être davantage pris en compte dans les actions de coopération parlementaire, qui constituent des instruments privilégiés pour promouvoir notre culture juridique francophone dans la future Europe élargie.

2/ Une coopération qui doit être renforcée

a) Les actions menées dans le cadre de l'APF

La coopération mise en place par l'APF au profit des Parlements des PECO concerne l'organisation de séminaires parlementaires, le Programme PARDOC et le Programme d'actions de coopération de la Région Europe.

L'APF a organisé deux séminaires parlementaires dans les PECO. Le premier, à Bucarest en novembre 1995, portait sur « le pouvoir de contrôle du Parlement ». Le second s'est tenu à Sofia en janvier 1998 et était consacré au « consensus parlementaire ».

Ces séminaires sont des occasions d'échanges fructueux et de partages d'expériences. Ils rencontrent un grand succès. Il nous paraît souhaitable qu'une nouvelle session puisse être organisée prochainement en Europe de l'Est, sur un thème qui pourrait concerner l'organisation du travail législatif.

Par ailleurs, le programme PARDOC, dont la gestion est confiée à l'APF, a été créé par le Sommet francophone de Chaillot en 1991, pour une durée de dix ans. Il se propose de favoriser la collecte, le traitement, la diffusion et la mise à disposition de la documentation dans les Parlements.

Parmi les pays candidats à l'Union, seul le Parlement roumain (Assemblée nationale et Sénat) bénéficie de ce programme, depuis 1998. A ce titre, il a reçu plusieurs dotations d'ouvrages et des abonnements à des périodiques. Des formations ont également été proposées aux personnels des services concernés.

Il nous semble que la reconduction cette année de ce programme, qui a largement fait ses preuves, devrait être l'occasion de lui assigner de nouvelles orientations dans le sens d'une meilleure prise en compte des besoins des Parlements des PECO (le PARDOC a en effet été conçu à l'origine pour les Parlements africains). L'acquisition d'un fonds documentaire francophone de base par les assemblées parlementaires des pays candidats à l'Union, dans les domaines juridique et politique notamment, paraîtrait très souhaitable. Par ailleurs, un effort particulier pourrait être porté sur les nouvelles technologies de l'information (dotations de CD-Roms, création de sites Internet en français par exemple).

Enfin, le programme d'actions de coopération de la Région Europe de l'APF finance des stages destinés à des parlementaires et des fonctionnaires des Parlements des PECO. Ils sont organisés au sein des Parlements belge, français et luxembourgeois. Ces stages, qui ne concernent à chaque fois qu'un faible nombre de participants, permettent de répondre au mieux aux besoins exprimés. En ce sens, ils constituent des actions concrètes et profitables, qui doivent être poursuivies et faire l'objet d'évaluations systématiques.

b) La coopération bilatérale

Les pays candidats à l'adhésion doivent constituer une zone prioritaire pour notre coopération parlementaire bilatérale.

Le Parlement français y développe déjà depuis plusieurs années nombre d'actions très variées : séminaires sur place ou en France, stages pour des parlementaires et des fonctionnaires, formations plus longues en partenariat avec d'autres institutions (notamment l'Institut international d'administration publique), envois d'ouvrages et de documents.

Les échanges entre groupes ou associations parlementaires d'amitié peuvent également être intensifiés et déboucher sur des actions plus concrètes, comme par exemple la mise en place de jumelages entre collectivités locales, ou l'appui à des associations culturelles, etc.

Par ailleurs, face à une commission de Bruxelles souvent considérée, y compris dans les PECO, comme lointaine, technocratique et bureaucratique, les Parlements pourraient jouer un rôle utile de sensibilisation afin de renforcer l'adhésion des populations aux enjeux de l'élargissement, en donnant de l'Europe et de ses institutions une image plus humaine et plus attrayante.

Il conviendrait ainsi que la coopération parlementaire ne néglige pas le domaine de la communication, où l'on pourrait envisager plusieurs types d'actions : organisation d'expositions sur l'Europe et la Francophonie, de colloques ou de rencontres sur ces thèmes, notamment à l'attention des jeunes, aide à la création de sites sur l'Internet, publication de périodiques destinés au grand public, etc.

c) Les perspectives offertes par le programme communautaire PHARE

Créé en 1990 par la Commission européenne, PHARE est un programme communautaire dont le but initial était d'apporter une aide financière et technique favorisant l'émergence d'une économie de marché dans les PECO. Devenu depuis 1998 l'instrument essentiel du soutien à l'adhésion des pays candidats à l'Union, ses principaux objectifs ont été redéfinis pour la période 2000-2006 selon deux grandes orientations : l'aide à l'investissement, qui représente 70 % de l'enveloppe financière globale, et le renforcement des capacités institutionnelles, couvrant les 30 % restant des crédits (soit environ 500 millions d'euros par an).

De nombreux partenariats ont déjà été conclus dans le cadre de ce deuxième volet institutionnel, qui intéressent principalement les secteurs de l'administration centrale et territoriale, la justice, la police et l'environnement.

Curieusement, la coopération parlementaire, qui pourrait trouver dans ce programme un cadre favorable pour se développer, est encore peu représentée. Toutefois, un projet très prometteur, qu'il nous paraît intéressant de présenter, se met actuellement en place au bénéfice du Parlement polonais :

Le Parlement français (Assemblée nationale et Sénat) s'est engagé au sein d'un consortium avec le Sénat espagnol dans un partenariat pour répondre à un appel d'offres relatif à un programme PHARE de jumelage avec la Pologne, visant à aider ce pays à accélérer l'intégration de l'acquis communautaire dans son droit national.

Ce programme de renforcement institutionnel a été lancé après que la Commission européenne eut estimé que les retards constatés en Pologne pour intégrer cet acquis tenaient pour une large part à des problèmes de procédure parlementaire.

La convention de jumelage, signée en mars dernier, bénéficiera principalement à la Diète ainsi que, dans une moindre mesure, au Sénat polonais, aux ministères concernés et à l'organisme chargé dans ce pays de l'intégration européenne.

Son objectif principal vise à perfectionner les procédures parlementaires d'intégration du droit communautaire, mais une attention particulière sera également portée à la mise en place de procédures interministérielles d'élaboration des projets de loi, ainsi qu'à l'amélioration de l'accès à l'information.

Le programme se propose d'assurer la formation d'environ 300 parlementaires et 200 fonctionnaires. S'agissant du premier groupe, il sera fait appel à des parlementaires français et espagnols pour diriger les stages.

Ce projet, qui s'inscrit dans un ensemble d'une quarantaine de programmes PHARE dont bénéficie la Pologne, présente la particularité d'être le seul à instaurer un partenariat transversal, qui recoupe l'ensemble des secteurs concernés par les réformes que ce pays doit encore mener à bien pour atteindre l'objectif d'adhésion qu'il s'est fixé.

Par son caractère global, par la profondeur des relations qu'il permettra d'établir entre les différents partenaires, cet ambitieux programme nous paraît exemplaire de la contribution que la coopération parlementaire peut apporter au processus d'élargissement. Il est à souhaiter qu'il puisse inspirer d'autres initiatives similaires.

d) Une vigilance accrue dans le domaine de la Francophonie

Dans le domaine du renforcement de la langue française dans les PECO, la section française, dans le rapport qu'elle a présenté l'an dernier à l'occasion de l'Assemblée régionale Europe de Crans Montana, a formulé plusieurs propositions relatives notamment à la coopération scolaire et universitaire, ainsi que dans le cadre de la coopération décentralisée, qui restent plus que jamais d'actualité.

Il nous paraît toutefois utile de revenir sur la question du français dans les institutions européennes, suite au constat alarmant que nous avons établi dans la première partie du présent exposé. Bien que les Parlements ne soient pas directement acteurs dans ce domaine, il nous revient, en notre qualité d'élus parlementaires, de maintenir une vigilance particulière en liaison avec les opérateurs de la Francophonie.

Cette vigilance a commencé, quoi que bien tardivement, à porter ses fruits. En effet, à l'occasion de la présidence française de l'Union, le gouvernement français et celui de la Communauté Wallonie-Bruxelles se sont engagés à réaliser un plan pluriannuel en faveur du développement de la langue française dans les institutions européennes, qui tient compte des nouveaux besoins entraînés par la perspective de l'élargissement. Trois volets de ce plan concernent particulièrement les PECO candidats à l'adhésion :

- Formation au français des interprètes de ces pays, organisée conjointement avec la Commission européenne et l'Agence de la Francophonie, et associant plusieurs établissement d'enseignement supérieur ;

- Formation des traducteurs francophones de la Commission aux langues des pays candidats à l'adhésion, afin de maintenir au français le statut de « langue pivot » pour les traductions ;

- Formation au français des fonctionnaires des pays candidats impliqués dans les négociations d'adhésion, et de ceux qui seront probablement appelés, au cours de leur carrière administrative, à travailler en liaison avec les institutions européennes.
Ce programme, qui résulte enfin d'une réelle prise de conscience, constitue une réponse concrète et adaptée aux besoins constatés. Nous devrons toutefois nous assurer qu'il dispose de moyens suffisants, et qu'il fera l'objet d'évaluations régulières. Nous pourrions aussi suggérer que le troisième volet s'adresse également à des fonctionnaires des Parlements des pays candidats, voire à des parlementaires.

De même, sur ces questions, les parlementaires membres de l'APF doivent user de leur pouvoir de proposition et de contrôle non seulement sur les gouvernements, notamment à l'occasion des discussions budgétaires, mais aussi sur les instances intergouvernementales de la Francophonie.

A cet égard, l'Ambassade de Roumanie à Paris nous a exprimé, à l'occasion des contacts que nous avons pris dans le cadre de la préparation de ce rapport, l'incompréhension et la déception des autorités de ce pays qui, malgré des demandes répétées, et un dynamisme remarquable dans le domaine francophone, n'ont pu obtenir de poste de responsabilité au sein de l'Agence de la Francophonie. Il nous paraît de notre devoir de jouer une rôle systématique de relais et d'appui pour ce type de demande auprès des décideurs concernés.

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En adhérant aux institutions de l'OIF, les pays d'Europe centrale et orientale, quel que soit leur degré de proximité avec la langue française, ont exprimé leur confiance dans la capacité d'accueil de la Francophonie. Celle-ci peut en effet unir sans uniformiser, défendre les identités multiples, refuser la mise en oeuvre d'une mondialisation exclusivement marchande, qui réduirait les langues et les cultures du monde à quelques reliquats plus ou moins folkloriques.

C'est dire combien l'attente de ces pays est grande. La Francophonie ne peut se permettre de les décevoir.

C'est pourquoi au delà du lien qui unit ses membres et fait une part de leur cohérence, à savoir la langue française, la Francophonie doit poursuivre ses efforts dans la voie de son affirmation politique. De sa capacité à proposer au monde une vision, à la fois conforme à ses valeurs de référence et adaptée à la modernité multiforme des évolutions en cours, dépendra son avenir.

La Francophonie doit donc être un espace de proposition, d'innovation et d'imagination. Mais elle se doit aussi, et peut-être avant tout, d'être un véritable espace de solidarité, au sein duquel les Parlements peuvent jouer un rôle à la fois actif, et incitatif auprès des exécutifs.

C'est pourquoi il est aujourd'hui plus que jamais nécessaire de renforcer d'une manière significative la coopération parlementaire dans le cadre de l'Europe francophone, alors que les Parlements des PECO sont confrontés au formidable défi que constitue pour eux la préparation à l'intégration dans l'Union européenne.

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