PREMIÈRE PARTIE : LE VANUATU

I. LE VANUATU, « LE PAYS QUI SE TIENT DEBOUT »

Le Vanuatu est un jeune État du Pacifique Sud, indépendant depuis 1980. Connu sous le nom de Nouvelles Hébrides, ce pays est alors devenu « le pays qui se tient debout ». 3 ( * )

Les défis à son autonomie ne manquent pourtant pas. La première contrainte forte est d'ordre géographique. Ce pays est un étonnant chapelet d'îles (avec quelque quatre-vingts îles et îlots, dont une trentaine seulement est habitée) qui s'étirent sur près de 800 km et dessinent sur la carte une sorte de «Y».

Situées à 500 km au nord-est de la Nouvelle-Calédonie et à 2 500 km de Sydney (Australie), ces îles de « cendre et de corail », ont un relief essentiellement montagneux, de type volcanique (le plus haut sommet, le Pic du mont Tabwemassana, à Santo, culmine à 1 809 mètres).

La délégation sénatoriale a pu constater que ces volcans sont encore bien en activité 4 ( * ) , comme le mont Yasour sur l'île de Tanna, et à proximité de zones relativement peuplées. Les deux tiers de la population, estimée à environ 240 000 personnes, sont concentrés sur les quatre îles de Efaté, Santo, Mallicolo et Tanna. Port-Vila, la capitale compte, quant à elle, environ 30 000 habitants, ce qui dans la région est déjà assez remarquable.

A travers ses déplacements, la délégation a pu se rendre compte aussi de la diversité de ce pays. Une des grandes richesses du Vanuatu réside notamment dans son impressionnante multiplicité linguistique, considérée comme une des plus fortes de la planète. On ne compte pas moins d'une centaine de langues différentes, sans compter les dialectes. La question linguistique est ainsi très présente sur le terrain. Le Vanuatu possède actuellement trois langues officielles : l'anglais, le français et le bichlamar, langue véhiculaire constituée essentiellement à partir de l'anglais. Cette dernière prend largement le pas dans la vie courante, voire officielle, et mobilise actuellement l'attention des autorités locales.

Ses diversités culturelles n'empêchent pas ce territoire, doté d'une histoire très riche et d'une position centrale dans l'arc mélanésien, d'affirmer progressivement son identité dans l'ensemble océanien.

DONNÉES GÉNÉRALES SUR LE VANUATU

Population

240 000 (environ)

Superficie

12.189 km²

Capitale

Port-Vila

Villes principales

Port-Vila, Luganville

Langue(s) officielle(s)

bislamar, anglais, français

Monnaie

Vatu

Fête nationale

30 juillet

Croissance démographique

2,7 % / an

Taux d'alphabétisation

74 %

Religion(s)

Protestants, catholiques

Indice de développement humain

0,542

PIB (prév. 2006)

44 milliards VT (314 M €)

PIB par habitant (2005)

1 660 US $ (1 220 €)

(France : 26 510 € en 2004)

Taux de croissance (2007)

6 % (est.)

Taux de chômage (au sens du BIT)

ND

Taux d'inflation (2006)

1,6 %

Solde budgétaire (2004)

3,2 % est

Balance commerciale (2003)

-59 M€

Principaux clients (2004)

Thaïlande (46,3%), Malaisie (18,1%), Japon (6,8%), Indonésie (5,3%), Belgique (5,3%), Allemagne (2,1%), Australie (1,2%)

Principaux fournisseurs (2004)

Australie (15,5%), Japon (10,7%), Singapour (8%), Nouvelle-Zélande (6%), Fidji (4,6%), Chine (3,5%)

Part des principaux secteurs d'activités dans le PIB

Agriculture 19,3 %, industrie 3,6 %, commerce 32,4 %, finance 7,1 %

Exportations de la France vers le Vanuatu

6,3 M€/an (2003)

Importations françaises depuis le Vanuatu

1,2 M €/an (2003)

Ambassade de France

Port-Vila

Communauté française au Vanuatu

1 354 immatriculés au 31/12/2006

Communauté en Nouvelle-Calédonie

3 000 env.

(source : Ministère des Affaires étrangères)

A. UNE HISTOIRE EMBLÉMATIQUE

Bien avant d'être abordées par les navires européens, ces îles semblent avoir été une importante zone d'échanges et de rencontres entre différentes cultures, mélanésiennes et polynésiennes, qui en font la diversité et leur confèrent un caractère unique.

Pour comprendre l'histoire récente du Vanuatu, et notamment la persistance d'un « clivage » entre anglophones et francophones, y compris après l'accession à l'indépendance, il n'est pas inutile de rappeler quelques données historiques.

1. La rivalité franco-britannique

Les îles qui composent l'actuel Vanuatu ont été visitées à partir du XVII e siècle par les plus grands navigateurs qui les ont fait entrer dans la mythologie autant que dans l'histoire du Pacifique.

En 1606, l'explorateur portugais Pedro de QUEIRÓS découvrit l'île d'Espiritu Santo et en donna une description paradisiaque, pensant avoir découvert le continent austral imaginé dès l'antiquité par les Grecs et recherché jusqu'alors en vain par les navigateurs. Puis, ce n'est qu'en 1768 que l'archipel fut redécouvert par Louis-Antoine de BOUGAINVILLE, qui le nomma joliment « Grandes Cyclades du Sud ».

En 1773, c'est James COOK qui lui trouva le nom, plus austère, de New Hebrides (ou Nouvelles-Hébrides), en souvenir des îles de son Écosse natale.

On sait qu'en 1788, LA PÉROUSE, à bord de ses deux navires la Boussole et l'Astrolabe, traversa ces Nouvelles-Hébrides avant de se perdre dans les îles Salomon ainsi que D'ENTRECASTEAUX en 1793, puis DUMOND D'URVILLE en 1828, partis à sa recherche. En 1789 et 1792, William BLIGH, célèbre pour l'épisode de La Bounty, y découvrit certaines îles et y revint confirmer ses découvertes.

Mais c'est surtout au XIX e siècle que la rivalité franco-britannique fait entrer ces îles dans l'histoire occidentale .

Les premiers missionnaires presbytériens (britanniques) arrivèrent en 1839, suivis en 1860 par les anglicans et, en 1887, par les catholiques (français), et ces différentes communautés religieuses entrèrent en rivalité.

Des colons britanniques venus d'Australie, et des Français en provenance de la Nouvelle-Calédonie commencèrent à s'y établir dès 1854.

Par ailleurs, le commerce du bois de santal, florissant au début du XIX e siècle, cessa vers 1868, pour laisser la place aux « recruteurs » de main d'oeuvre (les sinistres « blackbirds » qui kidnappaient et attiraient les îliens sur les bateaux en leur promettant des contreparties dérisoires ou jamais tenues) pour le compte des industries de canne à sucre de Fidji et du Queensland, les mines de nickel de Nouvelle-Calédonie et les plantations de cocotiers des Samoa occidentales.

Ces contacts, ajoutés aux épidémies, ont eu un effet dramatique sur la population, dont le nombre est tombé de quelque 650 000 en 1870 à environ 100 000 en 1890, pour atteindre 41 000 habitants en 1935.

Partagées entre l'influence des missionnaires presbytériens et les colons français qui possédaient la majorité des terres cultivables, les populations locales se trouvèrent, de plus, tenues de choisir le plus souvent entre le système d'enseignement francophone (catholique) ou anglophone (protestant).

* 3 Traduction donnée par José Garanger, dans Vanuatu Océanie, Arts des îles de cendre et de corail, RMN 1996.

* 4 Neuf volcans sont actuellement en activité. L'archipel est situé dans une des zones les plus instables de la planète et est exposé régulièrement aux tremblements de terre, tsunamis et glissements de terrain.

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