Le Caucase, la force de l'énergie, la volonté d'ouverture

Daniel PATAT,
chef du service économique à Bakou

Cette région est enthousiasmante. Elle porte beaucoup d'espoirs. Un nombre très important d'entreprises s'y intéresse. Elles doivent emmener avec elles des entreprises de taille plus modeste.

Il est beaucoup plus facile de gérer le Turkménistan depuis Bakou. Ce pays n'est pas épargné par l'entrée en force de la Chine dans la région. Le Turkménistan a perdu beaucoup de la superbe des années Gazprom. Il est aujourd'hui un fournisseur de gaz oriental. Ses livraisons à Gazprom sont minimales. Le Turkménistan vend à l'Iran, qui reste son principal client, ainsi qu'à la Chine, dont l'appétit semble insatiable.

Les entreprises françaises sont très orientées vers les grands marchés. D'aucuns pourraient s'en plaindre, mais c'est un moyen d'emmener d'autres entreprises qui, seules, n'y iraient pas.

Le Turkménistan se développe. Il sort d'une tradition profondément tournée vers lui-même. Le Turkménistan a compris qu'il devait s'ouvrir au monde et s'adapter à l'économie occidentale.

Ce pays ne regarde pas simplement vers l'Orient. Il veut également regarder vers l'Occident. L'Azerbaïdjan peut être le point d'entrée, par un corridor qui reste à établir. Les projets font leur chemin. Le dénouement de Nabucco ou de plus petits projets est proche. La quantité de gaz turkmène est potentiellement importante.

L'Azerbaïdjan est un grand pays pétrolier. Le Caucase a conscience d'être un trait d'union et d'avoir de véritables capacités d'attraction de l'investissement. Les taux de croissance des trois pays de cette zone sont différenciés, l'Azerbaïdjan ayant mieux vécu la crise économique que la Géorgie et l'Arménie. La Géorgie s'est très bien rattrapée. Elle a su gérer l'appui international, qui représente près de 50 % de son PIB. Elle l'a fait en devenant un pays de plus en plus ouvert, notamment à l'Azerbaïdjan voisin. L'avenir de ces deux pays dans la liaison Asie-Europe est lié.

Le Caucase ne pourra se développer que lorsqu'il sera en paix avec lui-même. La France y travaille fortement. La plus importante contribution viendra des pays qui composent la région. Ces pays savent très bien qu'ils devront réapprendre à travailler ensemble. Leur potentiel est excellent. Le Caucase doit faire la paix avec lui-même car il s'agit de sa meilleure voie de développement. C'est en s'ouvrant que ces pays retrouveront la voie du développement.

Echanges avec la salle

Laure de MONDRAGON, Ubifrance

Il serait très intéressant d'avoir le point de vue de la Coface sur les risques pays en Asie centrale et dans le Caucase.

Gaëlle BRY-LIBERT, Coface

Ces pays sont plutôt situés au bas de notre échelle de risque. C'est l'environnement des affaires qui impacte souvent directement leur note globale. Ces pays ont plutôt bien résisté à la crise. Nos prévisions sont très positives pour les pays exportateurs en 2011. Toutefois, l'inflation, notamment importée, pourrait impacter les ménages, donc fragiliser la reprise de la croissance et la demande interne. Le Kazakhstan est le pays le mieux noté. Le Kirghizstan et le Turkménistan sont moins bien notés. Des analyses économiques et de l'environnement des affaires sont disponibles sur notre site Internet.

Gilles CUDIA, GEFCO (groupe PSA)

Je n'ai pas beaucoup entendu parler du développement de l'automobile. Quels sont vos commentaires pour le Caucase et l'Asie centrale ?

Jean-Jacques GUILLAUDEAU

Au Kazakhstan, l'automobile est une chasse gardée nippo-coréenne pour les véhicules neufs. L'Allemagne parvient à conserver une part de marché limitée. Le marché est dominé par le 4x4. En Ouzbékistan, il existe une production locale et des joint-ventures avec les Russes. Je suis absolument persuadé qu'il y a de la place pour les constructeurs français.

Daniel PATAT

La situation est strictement la même dans le Caucase. L'essentiel du marché est un marché d'occasion. L'industrie allemande se taille la part du lion. Les quelques véhicules français sont difficiles à entretenir. La seule production digne de ce nom est à trouver en Ouzbékistan. Les véhicules innovants et les nouvelles générations sont probablement des marchés à conquérir. Nous avons du retard, mais nous pouvons le récupérer. Les gouvernants savent qu'ils ont encore beaucoup de choses à faire dans le domaine de l'environnement. Le niveau de vie d'un certain nombre de ces pays s'élève durablement.

De la salle

Quel impact pourrait avoir sur la stabilité de la région la valorisation du potentiel hydrique du Tadjikistan et du Kirghizstan ? Quel sera l'impact de la reconstruction de l'Afghanistan sur les demandes en eau de la région ? Enfin, comment acheminer la production hydro-électrique dans les pays voisins comme l'Iran ou l'Afghanistan voisins ?

Aymeri de MONTESQUIOU

Il y a un manque d'hydricité dans la région. Le problème tient à l'aval. Il existe des tensions très fortes entre l'Ouzbékistan et le Tadjikistan. Les Ouzbèques craignent de ne plus avoir d'eau. Une entente régionale est nécessaire. Les Nations Unies et la Chine peuvent apporter leur aide. Il n'est pas acceptable que des villages soient dépourvus d'électricité. Les lignes à construire seront ensuite une aubaine pour les entreprises françaises. Il faut commencer par un accord international.

Jean-Pierre AUTELLI

En Asie Centrale, 90 % de l'électricité est produite à partir de gaz. Son efficacité est de 40 % inférieure au niveau européen. Du fait de la montée du prix du gaz, les pays producteurs ont intérêt à exporter ce gaz et à importer de l'hydro-électricité. L'économie tend vers la construction de centrales hydro-électriques au Tadjikistan et au Kirghizstan, mais cela prendra du temps.