Campagnes électorales

Monsieur Alain ANZIANI , Sénateur de la Gironde


La commission des Lois du Sénat a mis en place un groupe de travail pluraliste sur les campagnes électorales afin de clarifier le régime actuel, à droit constant. Sur ce sujet, en effet, une certaine confusion règne. Or la clarté doit être le propre de chaque loi, plus encore de celles qui fixent le régime démocratique. Nous avons abouti à quarante propositions, qui peuvent être regroupées en six rubriques.

La première consiste en un effort de rationalisation et de clarification des règles de dépôt des candidatures, de début et de fin de campagnes, ainsi que des règles d'éligibilité, d'inéligibilité et d'incompatibilité. Pour ce faire, nous proposons une définition des métiers mais aussi des fonctions et recommandons de prévoir que toute inéligibilité emporte incompatibilité.

Le second bloc de propositions concerne les comptes de campagne. Nous recommandons d'abaisser le seuil démographique d'obligation de présenter des comptes de campagne à 3 500 habitants au lieu de 9 000 actuellement et de supprimer le contrôle des comptes de candidats ayant obtenu moins de 1 % des suffrages, dans la mesure où ils n'ont pas bénéficié de dons, afin d'alléger le travail de la commission. Nous recommandons également d'étendre les comptes de campagnes aux élections sénatoriales, même si cette proposition suscite des résistances et des objections techniques. Il est en effet paradoxal que le Sénat édite des règles sans les appliquer à ses propres élections. Les représentants des cinq groupes politiques ont été unanimes sur ce point.

L'encadrement des procédés de campagne électorale, par ailleurs, nous paraît trop restrictif. Il interdit la diffusion de tout autre document électoral que ceux remis à la commission. Or faire campagne consiste, pour un candidat, à distribuer des tracts, poser des affiches, se rendre sur les marchés, etc., ce qui lui est refusé puisque l'infraction à la règle peut faire l'objet de sanctions pénales ou d'une saisine du juge des référés. Constatant ce décalage entre les textes et la pratique, nous proposons d'accorder la possibilité de distribuer des tracts et de tenir des réunions. En revanche, nous maintenons la restriction en matière d'affichage.

En matière de propagande, nous considérons que les règles applicables à l'écrit devraient s'appliquer à tout autre support, y compris à Internet et au phoning . Les candidats y recourent de plus en plus et ce, jusqu'au dimanche de l'élection, ce qui pose le problème de l'égalité des candidats et des comptes de campagne puisqu'aucune trace n'en est gardée. Nous recommandons également de préciser la définition des dépenses électorales, absente du code électoral, et des dépenses remboursables, à relier au débat politique. Jusqu'à présent, seule la jurisprudence y fait référence en désignant comme telle toute dépense ayant pour objectif l'obtention des suffrages.

En matière de sanctions, nous proposons d'accorder à la commission la possibilité de moduler les sanctions financières et préconisons l'uniformisation des sanctions. La sanction d'inéligibilité, par exemple, possède un caractère d'automaticité si elle est appliquée par le conseil constitutionnel, alors qu'elle n'est pas automatique lorsque l'affaire est de la compétence du Conseil d'Etat. Nous insistons par ailleurs sur la définition de la bonne foi des candidats comme « absence d'intention frauduleuse », considérant que des erreurs de forme ne devraient pas entraîner l'application de la sanction extrême d'inégibilité mais que les cas de fraude manifestes et intentionnels devraient être traités avec rigueur. Par conséquent, nous recommandons que le fraudeur soit frappé d'inéligibilité à toutes les élections, selon une durée maximale de cinq ans modulée par le juge, et que tout fraudeur encoure la sanction d'inéligibilité, quelle qu'en soit la raison, même si la fraude s'avère sans conséquence sur le scrutin.

René DOSIÈRE, Député

Le cadre des campagnes électorales doit certes être précisé mais je ne partage pas votre vision, peu de candidats me semblant susceptibles d'être frappés d'inéligibilité sans en connaître les raisons. La sanction d'inéligibilité me semble d'ailleurs être la seule valable pour un élu.

De la salle

Le travail de votre groupe est de première qualité. Vous avez traité des questions jusqu'à présent négligées, telles que le phoning . Je pense notamment à un sénateur de Guadeloupe ayant fait l'objet d'une campagne calomnieuse jusqu'au dernier instant, qui a modifié le résultat attendu de l'élection. J'apprécie par ailleurs que vous reteniez la sanction d'inéligibilité en matière de fraude électorale. A cet égard, il importe de revoir la loi du 31 décembre 1975 en précisant qu'un candidat élu, bénéficiaire ou auteur d'une fraude électorale, encourt une inéligibilité.

S'agissant de la bonne foi, certains ne partagent pas votre opinion par souci du droit positif. La conception que vous retenez n'est pas celle du Conseil d'Etat. Il conviendrait de préciser qui doit apporter la preuve de l'intention frauduleuse et d'amender le texte pour prendre en compte la situation dans laquelle un candidat pourrait être relevé d'inéligibilité si l'irrégularité n'a pas porté atteinte à la sincérité du scrutin. Mais on voit toutes les difficultés qui pourraient en résulter, car il s'agit de deux législations indépendantes.

François LOGEROT, Président de la CNCCFP

La CNCCFP peut extraire des comptes de campagnes les dépenses non électorales. Les sanctions sont donc étudiées en fonction. Une irrégularité susceptible d'aboutir au rejet du compte peut en revanche entraîner une sanction forte. Nous disposons d'un pouvoir d'appréciation qui nous conduit parfois à considérer que l'importance relative de l'irrégularité ne justifie pas le rejet. Si nous acceptons le compte, nous devons effacer la faute commise. Nous souhaitons pouvoir moduler le remboursement des dépenses électorales en déduisant le montant de la recette interdite du montant du remboursement. Nous éviterions ainsi des rejets tout en sanctionnant l'irrégularité.

De la salle

La législation encadrant le financement des partis politiques et des campagnes électorales s'est imposée face aux problèmes de corruption, ce qui la rend indispensable. Néanmoins, elle alourdit le travail des petits candidats aux élections cantonales et municipales. L'obligation de produire des comptes peut faire obstacle aux petites candidatures indépendantes. L'extension de la législation aux circonscriptions de moins de neuf mille habitants et aux élections sénatoriales répond-elle à des raisons impérieuses ?

Concernant le régime des inéligibilités, la référence à l'intention de fraude et à la bonne foi, d'une part, l'alourdissement des sanctions, d'autre part, nous entraînent dans le domaine pénal qui implique des procédures complexes, des condamnations difficiles et des délais relativement longs.

Alain ANZIANI, Sénateur

Le paquet sur les lois électorales doit être examiné par le Sénat dans quinze jours. Le Président de la commission des Lois souhaite se servir du véhicule législatif pour intégrer des propositions, y compris sur les comptes de campagne pour les élections sénatoriales dont l'absence d'encadrement peut jeter le discrédit sur la sincérité du scrutin. Sur ce sujet, le débat est ouvert. J'ai par ailleurs conscience de la complexité de la notion de bonne foi. Nous devrons veiller à la définir précisément. Elle devra faire l'objet d'un débat contradictoire, auquel le requérant devra pouvoir contribuer. Concernant le phoning , il nous semble nécessaire d'inscrire dans le code électoral l'interdiction de diffusion tardive d'éléments auxquels l'adversaire ne peut répondre. Enfin, pour assurer l'égalité entre candidats aux élections municipales et cantonales, les honoraires des experts comptables pourraient faire partie des dépenses remboursables.