ALLEMAGNE



Confrontée au problème du terrorisme, la République fédérale d'Allemagne a adopté en 1989 une loi accordant un régime pénal particulier aux repentis, la loi du 9 juin 1989 qui modifiait notamment le code pénal et le code de procédure pénale. Cette loi est souvent qualifiée de loi sur le « témoin de la Couronne » ( Kronzeugengesetz ).

La loi du 9 juin 1989 avait initialement été adoptée pour une période limitée et s'appliquait aux seules infractions relevant du terrorisme. Son champ d'application a été étendu en 1994 à l'association de malfaiteurs et sa durée de validité a été prolongée à plusieurs reprises, de sorte qu'elle est restée en vigueur jusqu'au 31 décembre 1999 .

Dès le milieu des années 70, un dispositif similaire, mais de portée beaucoup plus limitée, avait été introduit dans les articles du code pénal sur le terrorisme et la criminalité organisée. Pour renforcer la lutte contre la criminalité organisée, il a ensuite été étendu. Il a en effet été intégré en 1982 dans la loi sur les stupéfiants et en 1992 dans l'article du code pénal relatif au blanchiment d'argent.

À la différence de la loi du 9 juin 1989, ces dispositions, dénommées « petite réglementation du témoin de la Couronne » (1( * )), continuent à s'appliquer.

Le texte ci-dessous analyse la loi du 9 juin 1989, qui n'est plus en vigueur, ainsi que les règles actuellement applicables, c'est-à-dire la « petite réglementation du témoin de la Couronne ».

1) La reconnaissance juridique des repentis

a) Les infractions visées



La loi du 9 juin 1989

---

Les règles actuellement en vigueur

---

Initialement, elle s'appliquait uniquement aux infractions définies par l'article 129a du code pénal ainsi qu'aux infractions connexes, à l'exception des génocides.

Relatif à la constitution d'organisations terroristes, l'article 129a du code pénal vise la création de groupements tendant à la réalisation de meurtres, d'assassinats, de prises d'otages, d'attentats et de certaines autres infractions créant un danger collectif (incendies volontaires, détournements de véhicules, empoisonnement de l'eau du réseau public de distribution...). L'article 129a vise également l'appartenance à de tels groupements.

En 1994, le champ d'application de la loi a été étendu aux infractions définies par l'article 129 du code pénal .

Sous l'appellation « constitution d'organisations criminelles », cet article vise non seulement la création d'associations de malfaiteurs, mais aussi l'appartenance et soutien à de telles organisations.

Elles s'appliquent aux infractions définies par :

- les articles 129, 129a, 129b et 261 du code pénal ;

- les articles 29, 29a, 30, 30a de la loi sur les stupéfiants.

Les articles 129 et 129a, relatifs aux organisations terroristes et criminelles, sont décrits dans la colonne de gauche. L'article 129b du code pénal a été ajouté en août 2002 : il vise les associations de malfaiteurs et les organisations terroristes implantées à l'étranger.

L'article 261 du code pénal se rapporte au blanchiment d'argent lié à la criminalité organisée.

Les articles 29, 29a, 30 et 30a de la loi sur les stupéfiants visent les principales infractions à la loi (culture, production, distribution et commercialisation de substances illicites en dehors de toute autorisation, et fourniture à des mineurs).

b) Les personnes concernées



La loi du 9 juin 1989

---

Les règles actuellement en vigueur

---

La loi s'appliquait aux auteurs (et à leurs complices) des infractions définies par les articles 129 et 129a du code pénal et à ceux d'autres faits liés à ces infractions , dans la mesure où ils fournissaient aux autorités judiciaires, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des informations susceptibles :

- d'empêcher à l'avenir la réalisation de telles infractions ;

- d'élucider des infractions déjà commises ;

- de contribuer à l'arrestation des auteurs ou des complices de telles infractions.

Elles s'appliquent uniquement aux personnes accusées des infractions définies, d'une part, par les articles 129, 129a, 129b et 261 du code pénal et, d'autre part, par les articles  29, 29a, 30, 30a de la loi sur les stupéfiants, dans la mesure où elles collaborent avec la justice, la nature de leur collaboration déterminant l'ampleur de la réduction de peine.

2) Les avantages accordés aux repentis

a) Le traitement pénal



La loi du 9 juin 1989

---

Les règles actuellement en vigueur

---

L'article 129a du code pénal

Le procureur de la Cour fédérale suprême pouvait, avec l'accord de l'une des chambres pénales de cette cour, renoncer aux poursuites lorsque les informations livrées le justifiaient, notamment eu égard aux infractions ainsi empêchées.

Si les poursuites étaient entamées, le tribunal avait la possibilité de ne pas prononcer de peine ou de prononcer la peine minimale prévue par la loi .

Cependant, dans les cas d'homicide, la loi excluait l'abandon des poursuites ou l'impunité, et prévoyait une peine de prison d'au moins trois ans.

On estime à une vingtaine le nombre de cas où la mesure a été utilisée.

L'article 129 du code pénal

Les dispositions prévues pour les infractions définies par l'article 129a étaient applicables, mais seulement si l'intéressé était passible d'une peine de prison d'au moins une année et si son infraction justifiait l'application de l'article 73d du code pénal sur la confiscation.

Cette dernière condition limitait l'application de la mesure à quelques infractions (relatives à la fausse monnaie, au trafic d'êtres humains, au vol aggravé...). Elle semble avoir été mise en oeuvre une vingtaine de fois.

Les articles 129, 129a et 129b du code pénal

Le tribunal peut s'abstenir de prononcer une peine ou prononcer la peine minimale prévue par la loi
(2( * )) dans deux cas :

- si l'auteur de l'infraction s'est efforcé, de son plein gré et de façon sérieuse, d'empêcher la survie de l'organisation ou la réalisation d'une nouvelle infraction correspondant aux objectifs de l'organisation ;

- s'il a communiqué à temps des informations qui ont empêché la réalisation d'une infraction déjà planifiée.

Ces trois articles du code pénal accordent l'impunité lorsque le concours du délinquant permet le démantèlement de l'organisation.

Ces dispositions sont considérées comme peu efficaces, car elles ne sont pas applicables à des infractions déjà réalisées. En outre, à la différence de la loi de 1989, elles s'appliquent aux seules infractions définies par les articles 129, 129a et 129b du code pénal, c'est-à-dire uniquement à la constitution d'organisations criminelles ou terroristes. Elles ne peuvent pas être mises en oeuvre pour des infractions connexes , comme des enlèvements ou des attentats.

L'article 261 du code pénal

Il accorde l'impunité aux auteurs d'infractions qui :

- dénoncent de leur plein gré aux autorités compétentes (ou agissent de façon à permettre une telle dénonciation) l'infraction à laquelle ils ont participé, alors que les faits n'ont pas encore été découverts ;

- garantissent la sauvegarde de l'objet recelé.

Il prévoit également que le tribunal ne prononce pas de peine ou prononce la peine minimale prévue par la loi lorsque les auteurs d'infractions fournissent de leur propre initiative des informations et apportent ainsi une contribution décisive à la découverte d'autres infractions relevant du même article.

L'article 31 de la loi sur les stupéfiants

Il dispose que, dans deux cas, le tribunal peut ne pas prononcer de peine ou prononcer la peine minimale prévue par la loi :

- lorsque, de leur propre initiative, les délinquants fournissent des informations plus larges que celles concernant leur seule participation à l'infraction et apportent ainsi une contribution importante à la découverte de l'infraction à laquelle ils ont participé ;

- lorsque leurs révélations empêchent la réalisation d'infractions planifiées.

Cette disposition est massivement utilisée : entre son entrée en vigueur en 1982 et la fin de l'année 1998, elle l'a été plus de 6 000 fois, mais sans que le rôle des repentis soit nécessairement décisif, car, dans le même temps, moins de 450 personnes ont bénéficié de mesures de protection.

b) Les mesures de protection

Les repentis bénéficient des dispositions sur la protection des témoins .

Dans les cas les plus graves (criminalité organisée au niveau international par exemple), cette protection relève de la compétence de l'Office fédéral pour la police criminelle , qui a institué en 1987 un programme spécifique . Les bénéficiaires en sont les personnes dont le témoignage est ou a été « important pour la recherche de la vérité ». Le programme, applicable aussi bien aux témoins incarcérés qu'à ceux qui ne le sont plus, pourvoit à tous les besoins des repentis : mise à disposition de gardes du corps, fourniture de gilets pare-balles, prise en charge des frais de chirurgie esthétique, hébergement, prestations en espèces pour compenser l'impossibilité de travailler...

Les autres repentis relèvent de la loi du 11 décembre 2001 portant harmonisation de la protection apportée aux témoins menacés . D'après cette loi, les mesures de protection sont prises par l'administration compétente de chaque Land, en règle générale la police, en fonction de son appréciation du danger couru par les intéressés. La loi prévoit explicitement que la protection peut être étendue aux membres de la famille et qu'un changement d'identité provisoire peut être accordé. Les mesures de protection sont secrètes. Elles ne figurent pas dans le dossier d'instruction, mais sont communiquées au ministère public sur demande.

3) La valeur probatoire des déclarations des repentis

Aucune disposition n'interdit explicitement qu'une condamnation soit prononcée sur la seule base des déclarations d'un repenti, mais l'introduction d'une telle mesure est demandée par une partie de la police et de la magistrature.

* *

*

En décembre 1999, le Bundestag s'est opposé à la reconduction de la loi du 9 juin 1989 , alors que les autorités policières ainsi que les magistrats du siège et du parquet s'étaient majoritairement prononcés en faveur d'une telle reconduction, à la différence des avocats. Au cours des mois suivants, il a rejeté plusieurs propositions de loi tendant à étendre à d'autres articles du code pénal les règles actuellement en vigueur sur les repentis. À la même époque, le ministère de la Justice avait envisagé d'insérer dans le code pénal un nouvel article remplaçant les dispositions éparses régissant les repentis par une clause générale applicable indépendamment de la nature de l'infraction.

L'accord conclu entre le SPD et les Verts à l'issue des élections législatives de 2002 exclut explicitement toute réintroduction d'une disposition générale en faveur des repentis. En revanche, il prévoit de modifier le code pénal pour y insérer une clause générale d'atténuation de peine applicable notamment aux délinquants qui acceptent de collaborer avec la justice. En effet, dans la rédaction actuelle du code pénal, la clause d'atténuation de peine n'est applicable que dans les cas où les règles relatives à l'infraction considérée le prévoient.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page