SERVICE DES ETUDES JURIDIQUES (novembre 2004)

SUISSE

En l'absence de législation fédérale définissant expressément les droits du malade en fin de vie, les directives médico-éthiques de l'Académie suisse des sciences médicales (ASSM) sont considérées comme des lois supplétives. Elles autorisent l'abstention ou l'interruption des traitements de survie et reconnaissent les directives anticipées des patients.

La santé publique relève de la compétence des cantons et plusieurs cantons, surtout en Suisse romande, ont légiféré sur les droits des patients, notamment pour affirmer la force obligatoire des directives anticipées .

Le projet de loi de révision du droit de la tutelle qui est en cours d'élaboration devrait comprendre des dispositions sur les directives anticipées et sur les « mandataires médicaux ».

Au début de l'année 2004, le gouvernement a annoncé son intention de préparer un projet de loi sur l'euthanasie passive. Le texte permettrait de garantir la sécurité juridique des médecins.

1) Le malade est capable de donner un consentement juridique valable

Le code civil protège la personnalité. Tout acte médical étant considéré comme une atteinte à la personnalité, nul n'est tenu de subir un traitement sans avoir préalablement donné son accord. L'article 28 du code civil prévoit en effet qu'une atteinte à la personnalité est présumée illicite « à moins qu'elle ne soit justifiée par le consentement de la victime [...]. »

À partir de ce précepte général, l'Académie suisse des sciences médicales confère au patient en fin de vie le droit de refuser un traitement médical, mais laisse le pouvoir de décision au médecin, qui doit tenir compte de l'état du patient, ainsi que de l'espérance de vie et de la qualité de vie prévisibles.

Dans ses directives médico-éthiques sur la prise en charge des patients en fin de vie (3 ( * )) , qu'elle définit comme les « malades pour lesquels le médecin, se fondant sur des signes cliniques, a acquis la conviction que s'est installé un processus dont on sait par expérience qu'il entraîne la mort en l'espace de quelques jours ou de quelques semaines », l'ASSM énonce : « Le respect de la volonté des patients capables de discernement est fondamental dans l'action médicale. C'est pourquoi, un traitement médical contre la volonté exprimée du patient capable de discernement est inadmissible. Ceci compte également lorsque, du point de vue des tiers, cette volonté semble aller à l'encontre des intérêts bien compris du patient [...]. »

L'ASSM précise que l'abstention thérapeutique peut, à titre exceptionnel, s'appliquer à des mesures visant uniquement le maintien en vie, comme la réhydratation, l'alimentation artificielle ou la respiration assistée.

L'absence de règles explicites sur l'abstention thérapeutique alors même que le code pénal (4 ( * )) autorise l'aide au suicide lorsque le mobile égoïste de l'assistant n'est pas établi a suscité un important débat sur l'opportunité de réviser la législation, le Parlement ayant à plusieurs reprises exprimé son souhait d'une réforme, tandis que le gouvernement considérait celle-ci comme inopportune.

À la suite de l'adoption par le Conseil national (5 ( * )) , le 10 mars 2004, de la motion du Conseil des États « Euthanasie et médecine palliative », le gouvernement a affirmé son intention de préparer un projet de loi qui encadrera notamment l'euthanasie passive. Celle-ci devrait être légalisée dans certaines conditions. L'adoption de ce texte devrait entraîner une plus grande sécurité juridique pour les médecins, ainsi qu'une application uniforme du droit dans les différents cantons.

2) Le malade est incapable de donner son consentement

a) Le malade a exprimé clairement son opinion par avance

La situation actuelle

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Le projet de loi sur la tutelle

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Les directives médico-éthiques de l'ASSM sur la prise en charge des patients en fin de vie ainsi que celles qui portent sur le traitement et la prise en charge des patients souffrant d'atteintes cérébrales extrêmes de longue durée reconnaissent la validité des directives anticipées, en particulier lorsqu'elles sont récentes et formulées clairement, et qu'aucun indice ne laisse supposer que l'intéressé a changé d'avis.

L'ASSM ne confère pas la même valeur aux directives anticipées d'un patient mourant et à celles émanant d'un malade souffrant d'une d'atteinte cérébrale extrême de longue durée. Dans le premier cas, le médecin doit tenir compte de l'état de l'intéressé et du pronostic quant à l'espérance et à la qualité de vie avant de prendre la décision finale. Dans le second, les directives de l'ASSM précisent que « L'obligation de préserver [la] vie est en revanche sujette à des restrictions. La volonté du patient est le critère prioritaire pour décider de ne pas recourir ou de mettre un terme à des mesures visant à préserver la vie . »

En pratique, les professionnels n'admettent pas toujours la validité de ces documents.


Plusieurs lois cantonales sur la santé énoncent l'obligation qu'a le personnel médical de respecter les directives anticipées. C'est notamment le cas dans les cantons de Fribourg, de Genève, du Valais et de Vaud.

Le projet de loi portant révision des articles du code civil relatifs à la tutelle vise à ancrer dans la législation fédérale la pratique des directives anticipées , dont la valeur juridique dépendrait du degré de précision :

- des directives « suffisamment précises » s'imposeraient au corps médical ;

- sinon, elles constitueraient de simples indications.

En cas de « doutes fondés » sur la correspondance entre la volonté de la personne et les directives, celles-ci seraient sans effet.

b) Le malade n'a pas clairement exprimé son opinion

La situation actuelle

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Le projet de loi sur la tutelle

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Les directives médico-éthiques de l'ASSM sur la prise en charge des patients en fin de vie ainsi que celles qui portent sur le traitement et la prise en charge des patients souffrant d'atteintes cérébrales extrêmes de longue durée prévoient la possibilité pour tout patient de désigner un « représentant thérapeutique ». Bien qu'il ne détienne pas de mandat légal, le représentant thérapeutique exerce les droits du patient et peut, le cas échéant, refuser un traitement. Lorsque les décisions du représentant thérapeutique paraissent contraires à l'intérêt du patient ou ne semblent pas traduire la volonté de ce dernier, le médecin contacte le tuteur.

En l'absence de représentant thérapeutique, c'est le représentant légal qui exerce les droits du patient.

Lorsqu'il n'existe ni représentant thérapeutique ni représentant légal, la volonté présumée du patient doit être recherchée, en se référant par exemple aux convictions, à certains comportements ou à des discussions avec les proches ou avec le médecin.

En l'absence de tout indice de la volonté du patient, le médecin agit dans l'intérêt de ce dernier selon les règles de la gestion d'affaires sans mandat. Toute action thérapeutique dont le poids et les contraintes dépassent les bénéfices doit être repoussée.


Plusieurs lois cantonales sur la santé prévoient que le représentant légal ou une personne spécialement désignée à cet effet prend les décisions médicales à la place du patient. Outre les cantons qui reconnaissent la validité juridique des directives anticipées, c'est aussi le cas des cantons du Jura et de Neuchâtel.

Il donne la possibilité à toute personne majeure de désigner un mandataire chargé spécifiquement de prendre toutes les décisions dans le domaine médical, et donc en particulier de refuser un traitement.

À défaut, le projet de loi prévoit un dispositif « en cascade », qui dispense l'équipe médicale d'agir dans le cadre de la gestion d'affaires. Il détermine la personne habilitée à accepter ou refuser un traitement en prévoyant l'ordre suivant : le titulaire d'un mandat général, le conjoint (ou partenaire), les descendants, les parents, les frères et soeurs.

* (3) L'Académie suisse des sciences médicales distingue désormais le cas des patients en fin de vie, c'est-à-dire des mourants, de celui des patients souffrant d'atteintes cérébrales extrêmes de longue durée, dont l'état, bien qu'irréversible, est stabilisé. Alors que les directives de 1995 s'appliquaient indistinctement aux deux groupes de patients, cette distinction devrait la conduire à publier des directives différentes. Les directives relatives au traitement et à la prise en charge des patients souffrant d'atteintes cérébrales extrêmes de longue durée ont été publiées en 2003. Celles qui concernent les patients en fin de vie ne sont pas encore définitivement adoptées, de sorte que les directives de 1995 continuent à s'appliquer à ces personnes. Toutefois, dans la présente note, c'est le texte, non définitif, visant spécifiquement les patients en fin de vie qui est pris en compte.

* (4) L'article 115 du code pénal, relatif à l'incitation et à l'assistance au suicide énonce : « Celui qui, poussé par un mobile égoïste, aura incité une personne au suicide, ou lui aura prêté assistance en vue du suicide, sera, si le suicide a été consommé ou tenté, puni de la réclusion pour cinq ans au plus ou de l'emprisonnement. »

* ( 5 ) Le Conseil national et le Conseil des États sont les deux assemblées parlementaires. Le premier représente le peuple et le second les cantons.

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