PORTUGAL

Au Portugal, le juge constitutionnel peut être saisi aussi bien avant la promulgation d'une norme qu'après celle-ci par le biais du contrôle « abstrait ». Les décisions déclarant l'inconstitutionnalité d'une norme dans ce cadre ont des effets erga omnes et équivalent à une annulation.

Tous les juges portugais étant compétents, en vertu de la constitution, pour apprécier la conformité d'une disposition à la loi fondamentale, il n'existe pas de question préjudicielle.

Le juge constitutionnel est appelé à statuer sur les décisions juridictionnelles rendues sur la conformité des normes à la constitution par le biais du contrôle « concret ». Sa décision ne vaut qu'entre les parties. Toutefois si la même norme est jugée inconstitutionnelle dans trois affaires distinctes, les pouvoirs publics ont la possibilité de demander au juge d'exercer son contrôle « abstrait » pour obtenir l'annulation de la norme en question.

1. Les recours
a) La saisine en dehors de toute autre action contentieuse


• Le contrôle de constitutionnalité

Le contrôle de constitutionnalité « préventif » avant l'entrée en vigueur des normes contestées

Il est institué par les articles 278 et 279 de la constitution et 57 à 61 de la loi n° 28 du 15 novembre 1982 sur l'organisation, le fonctionnement et la procédure devant le tribunal constitutionnel.

Comme l'indique sa dénomination ce contrôle intervient avant l'entrée en vigueur des normes qui en font l'objet.

Peuvent le mettre en oeuvre :

- le président de la République pour les lois soumises à sa promulgation et les traités avant ratification ;

- le premier ministre et un cinquième des députés à l'Assemblée de la République ( Assembleia da República ), soit 46 sur 230 membres actuellement, en ce qui concerne les lois organiques, les normes régionales et les lois de la République concernant les régions autonomes ainsi que les omissions législatives concernant les régions autonomes ;

- et les représentants de la République dans les régions autonomes, s'agissant des textes soumis à leur signature.

Le contrôle de constitutionnalité, en dehors de tout litige, après l'entrée en vigueur des dispositions en cause (contrôle « abstrait »)

Ce contrôle est mis en oeuvre, sans condition de délai et sans qu'il soit besoin que la disposition contestée ait été appliquée ou qu'elle ait fait l'objet d'un procès (d'où l'appellation de contrôle « abstrait »).

Son régime résulte des articles 281 et 282 de la constitution et 62 à 66 de la loi n° 28 du 15 novembre 1982 précitée.

Peuvent déférer une disposition au tribunal constitutionnel : le président de la République, le président de l'Assemblée de la République, le premier ministre, l'équivalent du médiateur de la République, le procureur général de la République et un dixième des députés à l'Assemblée de la République soit 23 sur 230 actuellement.

Si les droits des régions autonomes sont concernés, le tribunal peut aussi être saisi par le représentant de la République dans une région, l'assemblée législative de cette collectivité, son président, un dixième de ses membres et le président du gouvernement régional.

Enfin les juges du tribunal constitutionnel et le ministère public devant ce tribunal peuvent utiliser ce type de recours pour soumettre au tribunal constitutionnel des normes qui ont fait l'objet de trois déclarations d'inconstitutionnalité à l'occasion de l'exercice du contrôle « concret » examiné infra.

Le contrôle de l'inconstitutionnalité par omission

Le tribunal constitutionnel apprécie et vérifie la non application de dispositions constitutionnelles résultant du fait que le législateur a omis d'adopter des dispositions législatives nécessaires pour qu'elles entrent en vigueur.

Dans ce cas, ce tribunal peut être saisi par le président de la République, l'équivalent du médiateur et, si les droits constitutionnels d'une région autonome sont en cause, par le président de l'assemblée délibérante de cette collectivité.

Le contrôle de légalité de normes protégées de façon spécifique

En vertu des articles 280 et 281 de la constitution, le tribunal constitutionnel statue sur la légalité :

- des normes régionales ou étatiques qui outrepassent les limites de l'autonomie régionale ;

- et des dispositions législatives qui contreviennent à des lois à valeur renforcée, semblables aux lois organiques, ainsi que des décisions juridictionnelles qui refusent d'appliquer une loi en raison de son incompatibilité avec une loi à valeur renforcée.

Les autres compétences

Le tribunal constitutionnel est également chargé, en vertu de l'article 223 de la constitution, de statuer sur :

- l'empêchement du président de la République ;

- les recours tendant à faire perdre son mandat à un député à l'Assemblée de la République ou aux assemblées des régions autonomes ;

- le contentieux de l'élection à la Présidence de la République, à l'Assemblée de la République, aux assemblées des régions autonomes et au Parlement européen ;

- la légalité de l'organisation des référendums nationaux avant leur déroulement et les irrégularités survenues au cours de la votation ;

- et enfin la légalité des référendums locaux avant leur déroulement et les irrégularités survenues au cours de ces votations.

En ce qui concerne la vie politique le tribunal contrôle :

- en vertu des articles 9 de la constitution et 10 de la loi n° 28 du 15 novembre 1982 précitée, l'enregistrement des partis politiques, la légalité de leur appellation et de leur sigle (il peut ordonner leur dissolution) ;

- aux termes des articles 23 à 27 et 33 de la loi n° 19 du 20 juin 2003, les comptes des partis politiques ainsi que ceux des campagnes électorales.

Enfin il tient le registre des déclarations de patrimoine que déposent les titulaires de charges politiques (article 11 de la même loi).

b) La saisine à l'occasion d'un autre contentieux

Ce contrôle « concret » comme le qualifie l'article 280 de la constitution, est un contrôle de la décision rendue par une juridiction inférieure qui porte une appréciation sur la constitutionnalité d'une norme à appliquer. Au Portugal, en effet, tous les tribunaux sont compétents pour apprécier - y compris en la soulevant eux-mêmes d'office au cours d'un procès - la constitutionnalité d'une norme sans avoir à saisir le tribunal constitutionnel en cas de doute. Ils s'abstiennent alors de l'appliquer s'ils l'estiment contraire à la loi fondamentale.

Seule limite : la question de constitutionnalité doit constituer un élément déterminant pour la solution du litige soumis au juge et l'ensemble des voies de recours doivent avoir été épuisées.

Le recours est ouvert :

- aux parties au procès, dans les dix jours suivant la notification de la décision du tribunal qu'elles ont saisi de la demande initiale ;

- au ministère public qui est tenu de déposer un recours si la norme présumée inconstitutionnelle que le tribunal refuse d'appliquer est un traité, une loi, le règlement d'application d'une loi ou encore si la décision de justice applique une norme déjà déclarée contraire à la constitution par le tribunal constitutionnel.

2. Le cas spécifique de la saisine par les particuliers

Le tribunal constitutionnel est investi du contrôle de constitutionnalité de la loi. Il n'est pas chargé de la sauvegarde des droits fondamentaux.

En conséquence, le seul cas dans lequel un particulier peut saisir ce tribunal est celui dans lequel, à l'issue d'un procès devant les juges chargés de statuer au fond, après épuisement des voies de recours, lorsque la décision a été rendue en faisant référence à une disposition de la constitution, l'une des parties au procès défère ce jugement au tribunal constitutionnel dans le cadre du contrôle « concret ».

3. La portée et les effets des décisions du tribunal constitutionnel


• À l'issue du contrôle de constitutionnalité préventif

Les normes déclarées non conformes à la constitution n'entrent pas en vigueur.


• À l'issue du contrôle de constitutionnalité intervenant en dehors de tout litige, après l'entrée en vigueur des dispositions en cause (contrôle « abstrait »)

La déclaration d'inconstitutionnalité d'une norme a des effets erga omnes , de sorte que la disposition incriminée ne peut plus être appliquée par quiconque.

Si le juge ne déclare pas une norme inconstitutionnelle, sa décision ne lui interdit pas, par la suite, de revenir sur cette première appréciation à l'occasion d'une nouvelle saisine dans le cadre du contrôle abstrait ou du contrôle concret.

La décision du juge produit ses effets à compter de la date d'entrée en vigueur de la norme déclarée contraire à la constitution. Cependant, l'article 282 de la loi fondamentale prévoit deux atténuations à ce principe général :

- lorsque la norme est déclarée non-conforme à une disposition constitutionnelle qui lui est postérieure, la décision du tribunal ne produit ses effets qu'à partir de l'entrée en vigueur de la disposition constitutionnelle ;

- le tribunal constitutionnel peut enfin limiter les effets des décisions de non-conformité qu'il rend, pour des raisons tenant à la préservation de la sécurité juridique, à l'équité ou au respect d'un intérêt public d'importance exceptionnelle.

Ces principes sont également applicables aux décisions rendues en matière de contrôle de légalité dont est chargé le tribunal constitutionnel tant à l'encontre des normes régionales ou étatiques qui outrepassent les limites de l'autonomie régionale qu'au sujet des dispositions législatives qui contreviennent à des lois à valeur renforcée.


• À l'issue du contrôle de constitutionnalité à l'occasion d'un litige (contrôle « concret »)

La décision du Tribunal constitutionnel peut ordonner au juge de reformuler sa décision ou de rejeter le recours.

Elle n'a d'effet qu'entre les parties, pour l'espèce soumise au juge. La norme dont l'application est écartée demeure en vigueur. Elle peut donc être appliquée dans un autres procès. Cependant, si un tribunal de droit commun rend une décision contraire à la jurisprudence du tribunal constitutionnel, celle-ci sera obligatoirement soumise à ce tribunal.

Au surplus, lorsqu'une norme est jugée inconstitutionnelle dans trois cas, un juge du tribunal constitutionnel ou le ministère public peuvent déférer la décision à ce tribunal afin qu'il procède à un contrôle abstrait de la décision.


• À l'issue du contrôle de l'inconstitutionnalité par omission

Le tribunal constitutionnel ne peut pas combler par lui-même le vide causé par une omission législative, ni enjoindre au législateur de voter une loi à cette fin. En revanche, il donne acte au demandeur de l'existence de cette omission, par le biais d'une décision « déclaratoire » qui est portée à la connaissance des organes législatifs compétents afin qu'ils en tirent les conséquences.

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