ITALIE

I. LA POLITIQUE DE L'IMMIGRATION LÉGALE

1. Orientations générales

Entre 1990 et 1998, le nombre des étrangers présents sur le territoire italien est passé de 781 000 à 1 240 721. Cette forte hausse a conduit à une importante modification de la politique de l'immigration italienne résultant du décret législatif n° 286 du 25 juillet 1998 portant texte unique des dispositions concernant les règles applicables à l'immigration et normes sur la condition de l'étranger.

Ce texte a notamment introduit le régime des quotas annuels établis par le gouvernement. Son article 3 prévoit qu'un décret du président du Conseil des ministres fixe chaque année des quotas par nationalité pour l'accueil d'immigrés extracommunautaires saisonniers, d'une part, et pour ceux qui effectuent un travail non saisonnier, d'autre part. Les quotas annuels de non saisonniers, qui se sont élevés à 170 000 personnes jusqu'en 2007, notamment pour les employés à domicile, ont été diminués à 150 000 en 2008. Aucun quota n'a été ouvert en 2009 pour les travailleurs non saisonniers tandis que 80 000 travailleurs saisonniers étaient autorisés à entrer en Italie.

Le décret-loi de 1998 a ensuite fait l'objet de plusieurs modifications importantes en 2002, 2007, 2008 et 2009, tandis que des dispositions complémentaires étaient également adoptées.

L'article 6 de la loi n° 189 du 30 juillet 2002, portant modification aux normes en matière d'immigration et d'asile a notamment créé, pour juguler les entrées illégales de travailleurs, un « contrat de séjour pour travail subordonné », signé auprès du guichet unique de l'immigration à conclure entre le salarié et l'employeur par lequel celui-ci s'engage :

- à trouver un logement décent à son employé ;

- et à payer les frais afférents à son retour dans son pays d'origine.

Le permis de séjour n'est pas délivré à l'employé si le contrat ne comporte pas ces mentions.

La population immigrée a continué de croître en dépit des mesures prises pour limiter les flux migratoires. Elle a augmenté de 12 % en 2008, et de 10 % en 2009, atteignant 4 280 000 personnes, hausse largement due à l'arrivée de citoyens Roumains dont le nombre a crû de 27 % en un an, atteignant 800 000 personnes. L'immigration illégale par la mer a donné lieu à l'interception de 37 000 personnes en situation irrégulière en 2008, un accord de coopération avec la Lybie étant désormais appliqué pour limiter les arrivées par bateau en Italie du Sud.

Parallèlement aux dispositions législatives tendant à limiter les flux, l'Italie a procédé à des campagnes de régularisations en 1990, 1996, 1998 et 2002, ce qui a permis de délivrer des titres de séjour à 1 500 000 immigrés 7 ( * ) . En 2006, alors que le gouvernement avait institué un quota de 170 000 permis de travail, 517 000 étrangers ont demandé leur régularisation, qui a été accordée à 350 000 d'entre eux. En 2009, 295 000 personnes ont déposé une demande afin d'obtenir la régularisation au titre de l'emploi à domicile d'un étranger en tant qu'auxiliaire de vie ou de collaborateur familial, conformément à la possibilité ouverte par l'article 1 er de la loi du 3 août 2009 portant dispositions en matière de légalisation du travail illégal pour des activités d'assistance familiale exercées par des citoyens d'un État membre de l'Union européenne ou de citoyens extracommunautaires.

Les orientations générales de la politique du Gouvernement actuellement en fonction ont été énoncées dans le discours d'investiture du Premier ministre, Silvio Berlusconi, du 13 mai 2008 : « Croître, cela veut dire augmenter notre capacité d'échange avec le reste du monde, absorber et intégrer avec ordre et sagesse les migrations intérieures et extérieures à la communauté des pays européens dont nous faisons partie, sans nous laisser gagner par un sentiment, sensible aujourd'hui, de défaite et de fermeture face aux difficultés et aux risques de l'immigration sauvage et non réglée, en restant maîtres chez nous, mais fiers de l'esprit traditionnel d'accueil et de l'antique capacité d'intégration de notre peuple ».

2. Modifications législatives récentes

Au cours des années 2008 et 2009, le Parlement italien a adopté plusieurs lois et habilité le Gouvernement à prendre des décrets-lois pour mettre en oeuvre l'ensemble des mesures qu'il est convenu d'appeler le « paquet sécurité ». Parmi celles-ci, plusieurs concernent le régime de l'immigration légale.

a) Allongement de la durée du mariage nécessaire pour obtenir la naturalisation par option

Alors que l'article 5 loi n° 91 du 5 février 1991 prévoyait que le conjoint apatride ou étranger d'un Italien pouvait obtenir la nationalité italienne après trois mois de résidence légale sur le territoire ou après trois ans de mariage sans condition de résidence, l'article 1 er -11 de la loi n° 94 du 15 juillet 2009 portant dispositions en matière de sécurité publique a porté la condition de résidence en Italie à deux ans, tout en prévoyant que cette durée est réduite de moitié si le couple a des enfants.

b) « L'accord d'intégration »

Le Parlement a adopté la loi n° 94 du 15 juillet 2009 portant dispositions en matière de sécurité publique dont l'article 1 er alinéa 25 fait référence au concept d'intégration des étrangers entendue comme « le processus destiné à promouvoir la vie en commun des citoyens Italiens et des étrangers, dans le respect des valeurs garanties par la Constitution italienne, avec l'engagement réciproque de participer à la vie économique, sociale et culturelle de la société ».

Ce texte renvoie à un décret, non encore publié, le soin de fixer les critères et les modalités pour la souscription, de la part d'un étranger, au moment où il dépose une demande de permis de séjour, d'un « accord d'intégration » qui détermine les conditions de nature à permettre la délivrance du permis de séjour, notamment en ce qui concerne la connaissance de la langue et de la culture italienne de base. Il est composé de « crédits » dont la perte intégrale entraînera la perte du permis de séjour qui sera également retiré à l'étranger qui ne respectera pas les termes de l'accord et sera, de ce fait, expulsé.

Il ne s'applique ni aux demandeurs d'asile, ni aux bénéficiaires de permis de séjour délivrés au titre du droit d'asile, de motifs humanitaires ou familiaux ou encore du regroupement familial.

c) Connaissance de la langue italienne et délivrance d'un permis de séjour

La loi n° 94 du 15 juillet 2009 a également prévu que l'attribution d'un permis de long séjour est conditionnée par le résultat d'un test de connaissance de la langue italienne dont les modalités seront définies par un décret conjoint du ministre de l'Intérieur et du ministre de l'Instruction, de l'université et de la recherche.

Ne sont pas soumis au test : les mineurs de moins de 14 ans, les étrangers qui suivent des cours de langue, sont titulaires d'un diplôme de l'enseignement secondaire, d'un diplôme attestant une connaissance de la langue italienne supérieure ou égale au niveau A2 au sens du Conseil de l'Europe, non plus que les personnes atteintes de déficience mentale.

d) Resserrement du régime du regroupement familial

Enfin le droit du regroupement familial a été modifié dans un sens plus restrictif.

3. Modifications législatives en cours d'examen

La Commission des Affaires constitutionnelles de la Chambre des députés a, au cours d'un premier débat qui s'est déroulé le 16 décembre 2008, examiné diverses propositions de loi relatives à la citoyenneté dont les premières tendaient à assouplir les conditions d'accès à la nationalité en facilitant notamment la ré-acquisition de la nationalité italienne par des Italiens qui l'auraient perdu, en élargissant le nombres des cas où elle est attribuée en fonction du droit du sol et en l'accordant à l'enfant mineur d'étrangers qui aurait suivi un parcours scolaire ou une formation en Italie. D'autres avaient, en revanche, pour objet de rendre plus restrictives les conditions d'accès à cette nationalité en prévoyant un « test » préalable à la naturalisation, le retrait de la nationalité pour les étrangers qui, ayant acquis celle-ci par mariage, auraient été condamnés pour certains délits, l'existence d'un revenu supérieur ou égal au minimum social pour obtenir la naturalisation, la bonne connaissance de la langue et de l'histoire italiennes ou encore la renonciation à la précédente nationalité. Certaines de ces dispositions ont finalement été reprises dans la loi n° 94 du 15 juillet 2009 portant dispositions en matière de sécurité publique.

La Chambre des députés italienne a en outre débattu, le 22 décembre 2009, de la modification des dispositions relatives à la citoyenneté. La proposition de loi présentée en séance publique par la rapporteure qui tentait une synthèse des dispositions principales en discussion proposait notamment que :

- l'étranger né en Italie devrait, pour obtenir la nationalité italienne avoir, d'une part, résidé dans le pays sans interruption et, d'autre part, avoir fréquenté l'école au moins jusqu'au terme de l'obligation scolaire ( diritto-dovere all'istruzione ) ;

- pendant les dix ans minimum de résidence dans le pays qui précèdent la naturalisation, l'étranger né hors d'Italie devrait avoir obtenu un permis de séjour durable et non pas plusieurs permis de séjour temporaires, considérant que, pour certains migrants, l'Italie ne serait qu'une étape dans le processus d'immigration ;

- l'étranger fréquente un cours annuel inclus dans un « parcours de citoyenneté » destiné à approfondir la connaissance de l'histoire de la culture italienne et européenne, de l'éducation civique et des principes de la constitution ;

- pour être naturalisé à l'issue du « parcours de citoyenneté », l'étranger devrait avoir atteint une réelle intégration sociale et respecter, y compris dans son milieu familial, les lois et les principes fondamentaux de la constitution ;

- pour obtenir la nationalité italienne, quiconque aurait obtenu le permis de séjour communautaire de longue durée, devrait respecter, pendant les 5 ans suivant cette obtention, les conditions de revenu et de logement préalables à la délivrance de ce permis de séjour.

Compte tenu de l'absence de consensus sur ce texte, l'assemblée a voté en séance publique, le 12 janvier 2010, le renvoi de la proposition de loi en commission. Elle n'a pas été réexaminée depuis lors.


* 7 Patrick Simon, « L'enjeu des migrations pour l'Union » dans www.contructif.fr.

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