ESPAGNE

Après avoir présenté la répartition des compétences entre l'État, les autonomies et les communes pour les transports routiers et pour les chemins de fer, on examinera le cas particulier de l'Andalousie puis la question du financement.

1. Transports routiers

• Compétences de l'État

L'article 149.1.21 de la constitution espagnole dispose que les transports terrestres relèvent de la compétence de l'État.

Le Tribunal constitutionnel a jugé, par une décision n° 65 du 18 mars 1988, que l'intervention de l'État dans le domaine routier repose sur l'article 149.1.24 du même texte qui lui attribue une compétence exclusive sur « les ouvrages public d'intérêt général dont la réalisation concerne plus d'une communauté autonome ».

L'article 4 de la loi n° 25 du 29 juillet 1988, dont le Tribunal constitutionnel a reconnu la conformité par rapport à la loi fondamentale dans la décision précitée prévoit que cette compétence concerne les routes d'intérêt général et celles dont le fonctionnement concerne plus d'une communauté autonome. Leur liste est déterminée par décret.

• Compétences des autonomies

L'article 148.1.5 de la constitution prévoit que les communautés autonomes peuvent assumer la compétence concernant les routes dont l'itinéraire est intégralement situé dans leur territoire. Le Tribunal constitutionnel a jugé que cela emportait à leur profit la faculté de légiférer et d'exécuter leur politique (décision n° 118 du 27 juin 1996 de l'Assemblée générale).

En pratique, toutes les communautés autonomes ont décidé, d'assumer, en vertu d'une loi propre, cette compétence.

La loi organique n° 5 du 30 juillet 1987 a transféré aux communautés autonomes les compétences antérieurement exercées par l'État en ce qui concerne l'organisation des transports intérieurs, qu'il s'agisse des services partiels ou des services de transport intérieur réguliers.

Dans le domaine des services partiels, qui concernent des lignes régulières lesquelles dépassent le territoire d'une communauté autonome, la communauté autonome où ces services s'exercent a compétence pour autoriser leur établissement en prolongement de ceux concédés pour modifier le calendrier, les horaires et les autres conditions de prestation du service, ainsi que pour opérer des accroissements, diminutions ou variations du service principal.

S'agissant des services de transport intérieur public de voyageurs d'usage général dont l'itinéraire parcourt le territoire de plus d'une communauté, les communautés autonomes sont compétentes pour prendre des mesures de portée locale telles que :

- l'établissement et l'adjudication de nouveaux services ;

- l'unification ou la fusion de services ;

- l'utilisation du même matériel mobile ;

- les annexes ou prolongation ;

- l'établissement de services interurbains (servicios parciales internos de una comunidad) ;

- la modification du calendrier ou des horaires, des véhicules ou du matériel ;

- le rachat et la déclaration de caducité de la concession ;

- les services réguliers prêtés dans le cadre d'une concession ;

- ainsi que les mesures de gestion qui sont nécessaires à l'accomplissement du service et que l'État ne se réserve pas.

L'article 4 précise que lorsque l'itinéraire du service de transport public régulier de voyageurs parcourt de façon prédominante le territoire d'une communauté autonome, toutes les compétences qui y sont relatives sont transférées à cette communauté dès lors que le trafic extérieur à son territoire est résiduel et n'a pas de conséquences sur l'organisation du transport dans la communauté voisine.

• Les compétences des communes

L'article 25 de la loi n° 7 du 2 avril régissant les bases du régime local, prévoit que les communes sont compétentes en matière de transports publics locaux de voyageurs.

L'article 26 du même texte dispose que les communes de plus de 50 000 habitants sont, de surcroît, compétentes en matière de transport collectif urbain de voyageurs et de protection de l'environnement.

2. Chemins de fer

L'article 149 de la constitution espagnole prévoit que, comme les transports terrestres, les chemins de fer qui traversent le territoire de plus d'une communauté autonome relèvent de la compétence exclusive de l'État.

Des entreprises ferroviaires ont été créées aussi bien :

- par l'État qui contrôle une entreprise chargée de la gestion de réseaux à voie étroite (Ferrocarriles de vía estrecha, FEVE) qui intervient en Galice, dans les Asturies, en Cantábria, au Pays-Basque et en Castille-et-León ;

- que par les communautés autonomes (Pays-Basque, Catalogne, Valence et Îles Baléares).

3. L'exemple de la Communauté autonome d'Andalousie

Avec 8,37 millions d'habitants pour un territoire de plus de 87 000 km 2 , la Communauté autonome d'Andalousie se situe, par sa population, à la hauteur de l'ensemble constitué par les régions Aquitaine et Midi-Pyrénées dont la population cumulée dépasse 6 millions de personnes.

L'article 64 du statut de cette communauté prévoit que celle-ci exerce une compétence exclusive sur les réseaux routier et ferroviaire situés sur son territoire, ainsi que sur les transports terrestres de personnes et de marchandises.

La loi de la communauté n° 8 du 12 juillet 2001 sur les routes dispose que cette collectivité est compétente au titre du domaine public routier qui est fixé par voie réglementaire, tandis que les députations provinciales exercent des compétences sur le domaine public routier en ce qui concerne la planification, la protection, la construction, le financement, la conservation, la sécurité et l'utilisation à des fins de défense.

En matière de transports urbains, la loi de la communauté n° 2 du 12 mai 2003 sur les transports urbains et métropolitains publics de voyageurs distingue entre :

- la communauté autonome qui se réserve les transports métropolitains et interurbains, la planification, l'organisation et la gestion des services ainsi que les infrastructures ferroviaires qui y contribuent ;

- et les communes qui sont compétentes en matière de transports urbains (y compris les transports ferroviaires urbains).

S'agissant des transports ferroviaires, la communauté autonome exerce sa compétence :

- sur tous les services ferroviaires dont l'itinéraire se déroule intégralement et exclusivement sur son territoire ;

- et sur les infrastructures dont l'itinéraire s'effectue intégralement sur son territoire.

4. Le financement des transports et les collectivités territoriales

Le système de financement se caractérise par :

- la forte implication des collectivités locales dans la réalisation d'infrastructures de transports - y compris dans la recherche de subventions européennes, comme le montre l'exemple du corridor ferroviaire de la Costa del Sol (Algeciras - Port Bou) - ;

- l'absence d'autorités métropolitaines pour l'organisation des transports.

On examinera successivement la contribution des collectivités locales au financement des transports, les modes de financement, avant d'évoquer le transport collectif.

• La contribution des collectivités locales au financement des transports

L'évolution de la contribution des autonomies et collectivités locales au financement des transports se présente comme suit :

ÉVOLUTION DES INVESTISSEMENTS SUR LE RÉSEAU FERROVIAIRE
RÉALISÉS EN ESPAGNE, 2000-2009

milliers d'euros

Entités

2000

2005

2006

2007

2008

2009

total

%

Autonomies

1 593 806

2 694 519

2 736 763

2 699 120

2 914 801

2 500 174

15 139 183

33 %

Provinces

603 747

898 730

921 471

973 287

993 299

972 911

5 363 445

12 %

Sous-total

2 197 553

3 593 249

3 658 234

3 672 407

3 908 100

3 473 085

0

0 %

État

2 364 622

3 153 269

3 443 439

3 644 654

3 716 690

4 054 343

20 377 017

44 %

Sociétés d'autoroutes

262 210

1 572 173

1 304 359

453 065

473 977

893 640

4 697 214

11 %

Total

4 824 385

8 318 691

8 406 032

7 770 126

8 098 767

8 421 068

45 839 069

100 %

Source : Ministerio de Fomento, Anuario estadístico , 2009, p. 46.

De 2000 à 2009, le total des investissements dans le secteur routier, soit 45,83 milliards d'euros, a été pour 45 % à la charge des autonomies et des collectivités locales, pour 44 % à la charge de l'État et pour 11 % à celle des sociétés concessionnaires d'autoroutes.

Entre 2000 et 2009, le montant total des investissements ferroviaires espagnols s'est élevé à 35,48 milliards d'euros, dont 3,19 à la charge des autonomies et de leurs compagnies ferroviaires, soit 8,84 % des infrastructures ferrées. L'État a payé 24 % de ces investissements et l'administrateur du réseau espagnol, équivalent de Réseau ferré de France, plus de 65 %.

ÉVOLUTION DES INVESTISSEMENTS SUR LE RÉSEAU FERROVIAIRE
RÉALISÉS EN ESPAGNE, 2000-2009

milliers d'euros

Entités

2000

2005

2006

2007

2008

2009

Total

%

Autonomies

93 902

301 393

330 263

383 489

444 887

622 718

2 176 652

7,70 %

Compagnies des autonomies

76 918

212 797

306 323

186 148

148 557

92 166

1 022 909

1,14 %

Sous-total

170 820

514 190

636 586

569 637

593 444

714 884

3 199 561

8,84 %

État

353 617

1 308 566

1 444 688

1 574 986

1 704 893

1 949 220

8 335 970

24,11 %

RENFE

343 833

49 351

101 619

155 505

127 600

69 140

847 048

0,86 %

FEVE

46 290

52 600

67 684

70 832

76 694

69 716

383 816

0,86 %

Administrateur du réseau ferré

925 565

3 518 120

3 837 223

4 698 701

4 458 394

5 281 224

22 719 227

65,33 %

Total

1 840 125

5 442 827

6 087 800

7 069 661

6 961 025

8 084 184

35 485 622

100,00 %

Source : Ministerio de Fomento, Anuario estadístico , 2009, p. 53.

• Le mode de financement des transports par les collectivités locales

L'étude n'a pas mis en évidence de dispositifs nationaux spécifiques autres que le versement de subventions au cas par cas et l'attribution de concessions pour le financement des transports. Du reste, la loi de financement des communautés autonomes n° 8 du 22 septembre 1980 n'affecte pas de ressources spécifiques au financement des transports qui ne font, de surcroît, pas partie des « services fondamentaux » (éducation, santé et services sociaux essentiels) que l'État garantit uniformément sur tout le territoire en vertu de l'article 15 du même texte.

Il n'y a pas d'affectation des impôts liés aux transports que perçoivent les collectivités locales. Ceux-ci ne sont donc pas nécessairement destinés au financement de ce secteur. L'impôt sur la vente au détail de certains carburants (Impuesto sobre ventas minoristas de determinados hidrocarburos) , perçu depuis 2002 sur les ventes d'hydrocarbures, a été créé pour financer des dépenses sociales au niveau national et, dans les autonomies, pour payer des dépenses environnementales. L'impôt spécial sur certains moyens de transport (Impuesto especial sobre determinados medios de transporte) frappe, quant à lui, la première immatriculation d'un véhicule en Espagne. Les autonomies ont la faculté de majorer son taux de base, pour se procurer des recettes supplémentaires.

Compte tenu de l'importance des investissements réalisés en matière d'infrastructures au cours de ces dernière années et avant même que la crise financière ne conduise le Gouvernement à des coupes dans les budgets d'investissements, l'Espagne a aussi eu recours au financement des infrastructures de transport par des capitaux privés, notamment pour mener à bien un grand programme de construction d'autoroutes d'aménagement du territoire.

Depuis le vote de la loi n° 13 du 23 mai 2003, la concession d'ouvrages publics a, en effet, été étendue du secteur des autoroutes à d'autres infrastructures. Depuis lors, nombre d'entre elles ont été réalisées dans le cadre de ce type de partenariat public-privé.

Le plan national stratégique d'investissement 2005-2020 en infrastructures et transports envisageait d'ailleurs que les ressources budgétaires ne financent que 75 % des investissements routiers et 81,4 % de ceux réalisés dans le secteur des chemins de fer.

Comme le montre le tableau infra , entre 2003 et 2007, l'ensemble des investissements concédés par les collectivités locales de tout type représentaient un peu moins des deux-tiers (63,24 %) du total de ceux-ci, tous secteurs confondus, soit environ 18,8 sur 29,8 milliards d'euros.

ÉVOLUTION DES INVESTISSEMENTS CONCÉDÉS EN ESPAGNE
TOUS SECTEURS D'ACTIVITÉS CONFONDUS
PAR TYPE DE COLLECTIVITÉ CONCÉDANTE 2000-2007

millions d'euros

Collectivités

2003

2004

2005

2006

2007

Total

%

Autonomies

1835,3

2597,3

4280,6

2353,1

3327,9

14394,2

48,29%

Provinces et communes

356,7

183,6

1986,3

1225,3

706,6

4458,5

14,96%

Sous-total

2192

2780,9

6266,9

3578,4

4034,5

18852,7

63,24%

État

3501,4

641,3

954,6

5859,4

10956,7

36,76%

Total

5693,4

2780,9

6908,2

4533

9893,9

29809,4

100,00%

Source : J. M. Vassallo Magro, R. Izquierdo, Infraestructura pública , p. 218.

En ce qui concerne le secteur des transports proprement dit, l'ensemble des investissements relatifs à des ouvrages concédés représentait, pour la même période, 19 milliards d'euros dont l'essentiel, soit 15,4 milliards, concernait les routes et 1,8 milliard (6,1 %) la mobilité urbaine.

ÉVOLUTION DES INVESTISSEMENTS CONCÉDÉS EN ESPAGNE
PAR TYPE D'OUVRAGE 2000-2007

millions d'euros

2003

2004

2005

2006

2007

Total

%

Routes

2321,1

1772,7

2330,3

417,3

8624,1

15465,5

51,88%

Chemins de fer

1443,1

1443,1

4,84%

Aéroports

113,8

185,2

299

1,00%

Mobilité urbaine

104,4

422,6

944,1

363,3

1834,4

6,15%

sous total

3878

1877,1

2752,9

1546,6

8987,4

19042

63,88%

Autres

1815,4

903,8

4155,4

2986,5

906,5

10767,6

36,12%

Total

5693,4

2780,9

6908,3

4533,1

9893,9

29809,6

100,00%

Source : J. M. Vassallo Magro, R. Izquierdo, Infraestructura pública , p. 219.

Plusieurs de ces investissements, dans le secteur autoroutier ne se sont pas avérés rentables faute de trafic, à commencer par des radiales construites aux abords de Madrid, de sorte que l'État a dû récemment venir financièrement en aide aux concessionnaires, annonçant le versement de 80 millions d'euros à ce titre en 2011.

• La situation des transports collectifs

La répartition du nombre des voyageurs transportés par les transports collectifs urbains et interurbains, montre la place importante conservée dans la péninsule ibérique, pour les voyages interurbains, par le car qui transporte à lui seul plus de la moitié des voyageurs, dont 36,19 % en zone urbaine et 14,44 % en service interurbain. Le métro achemine un peu moins d'un quart des voyageurs et le chemin de fer 12 %, comme le montre le tableau suivant.

RÉPARTITITION DES VOYAGEURS TRANSPORTÉS EN 2009

en milliers de voyageurs

2009

%

Transports urbains :

2 911 956

60,57%

dont autobus

1 739 798

36,19%

dont métro

1 172 158

24,38%

Transports interurbains :

1 320 834

27,47%

dont autobus

694 042

14,44%

dont chemins de fer

580 366

12,07%

Transports spéciaux (scolaires, professionnels) et autres

574 771

11,96%

4 807 561

100,00%

Source : Ministerio de Fomento, El transporte urbano y metropolitano
en España
, juillet 2010, p. 190.

Des disparités existent entre les divers modes de transport en ce qui concerne le taux de couverture des frais de fonctionnement par le prix de billet acquitté par l'usager.

Dans les régions où prédomine le transport interurbain par car, le taux de couverture du coût du service par le prix payé est plus élevé (60-80 %) que dans les grandes agglomérations où le réseau ferré, plus coûteux, est prédominant (37-50 %).

En ce qui concerne les autobus urbains, la subvention unitaire par voyage varie, selon les communes, entre 40 et 70 centimes alors que le prix du billet correspondant au même trajet est compris entre 1 et 1,2 euro.

ORGANISATION DE LA COMPÉTENCE « TRANSPORT »
ENTRE LES DIFFÉRENTS NIVEAUX DE COLLECTIVITÉS LOCALES

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