ITALIE

Après avoir présenté la répartition des compétences entre l'État, les régions, les provinces et les communes, on examinera le cas particulier de la région Piémont, puis les principales modalités de financement des transports publics locaux.

1. Compétences de l'État

La constitution italienne distingue, pour la répartition de l'ensemble des compétences de l'État et des régions, entre les compétences exclusives et des compétences partagées.

La liste des matières au titre desquelles la compétence législative est exclusivement attribuée à l'État est dressée à l'article 117 de cette constitution qui précise en outre que les régions sont compétentes dans toutes les matières qui ne sont pas explicitement attribuées à l'État.

Figurent parmi les compétences partagées entre l'État et les régions, l'aménagement du territoire, les ports et aéroports civils et les grands réseaux de transport et de navigation. En ces matières, les régions exercent leur compétence législative, sous réserve du respect des « principes fondamentaux » fixés par des lois de l'État.

2. Compétences des régions

• Dispositions générales

Les transports locaux ne figurant ni dans la première ni dans la seconde des listes fixées par l'article 117 de la constitution, ils relèvent donc entièrement des régions. Les compétences législatives des régions s'exercent conformément au décret législatif n° 422 du 19 novembre 1997 portant dévolution aux régions et aux collectivités locales de fonctions et d'obligations en matière de transports public local.

Le premier article de ce texte définit les services publics de transport régional et local comme « les services de transport de personnes et de marchandises qui ne rentrent pas dans le cadre formellement défini des services d'intérêt national. Ils comprennent tous les systèmes de mobilité terrestre, maritime, lagunaire, de navigation sur les lacs, fluviaux ou aériens qui sont en activité de façon continuelle ou périodique avec des itinéraires, horaires, fréquences et tarifs préétablis, moyennant un accès au public, dans un cadre régional ou infra régional ».

L'article 4 du même texte précise que l'État n'est compétent, pour ce qui est du transport public régional et local, qu'en ce qui concerne les accords internationaux, les questions de sécurité et l'adoption des lignes directrices pour la réduction de la pollution.

En sens inverse les articles 5 et 6 ont transféré aux régions et aux collectivités locales « toutes les obligations et toutes les fonctions relatives au service public de transport d'intérêt régional et local ». Ils donnent aussi à ces collectivités la compétence en matière de « programmation des services de transport public régional et local ».

Les régions, les provinces et les communes déterminent également le service minimum nécessaire pour satisfaire la demande dont elles assument le coût, ainsi que les obligations de service public et les compensations financières à verser aux entreprises qui y sont soumises.

La coordination de la programmation interrégionale des transports est réalisée dans le cadre de la conférence permanente pour les rapports entre l'État, les régions et les provinces autonomes de Trente et de Bolzano qui, composée des présidents des régions et de ceux des deux provinces autonomes, est présidée par le président du Conseil des ministres, par le ministre des Affaires régionales ou encore par un autre ministre.

Pour mettre en oeuvre les décisions de cette conférence, l'État, les régions, les provinces et les communes concluent des accords de programme pour déterminer les investissements à savoir :

- les ouvrages d'art et les moyens de transport y compris le matériel roulant ferroviaire ;

- les délais de réalisation ;

- et les ressources nécessaires.

• Cas particulier du transport ferroviaire

Dans le domaine du transport ferroviaire, les articles 8, 14 et 18 prévoient que les régions confient, sous réserve d'une mise en concurrence, la gestion des services qui relèvent de leur compétence, à des entreprises qui répondent aux conditions posées par la loi dans le cadre de contrats de service d'une durée minimale de six ans renouvelables. Elles reçoivent compétence pour la programmation des services ferroviaires d'intérêt régional ou local antérieurement concédés par l'État aux Ferrovie dello Stato .

Cette programmation consiste dans la détermination des orientations de la planification des transports locaux et dans la rédaction des plans régionaux des transports.

Dans le domaine du transport public local, les régions approuvent des programmes triennaux des services de transport public local qui déterminent :

- le réseau et l'organisation des services ;

- l'intégration modale et tarifaire ;

- les ressources destinées aux dépenses de fonctionnement et à celles d'investissement ;

- les modalités de détermination des tarifs ;

- les conditions de négociation et de révision des contrats de service qui assurent la « complète correspondance entre les charge du service et les ressources disponibles » ;

- les systèmes de suivi des services ;

- et les critères qui permettent la réduction de la congestion et de la pollution.

Dans les zones où la demande est faible, elles peuvent organiser des systèmes de transport automobiles non réguliers et à la demande.

3. Compétences des provinces et des communes

• Dispositions générales

Dans le respect des normes régionales et après avoir entendu les organes représentant les provinces - équivalent des départements - et les communes, les régions peuvent, en vertu de l'article 7 du décret législatif n° 422 du 19 novembre 1997, transférer aux provinces et aux communes toutes les compétences qui ne nécessitent pas un exercice unitaire au niveau régional, compte tenu des « dimensions territoriales, associatives et organisatives » de ces collectivités dans le respect des principes de subsidiarité, d'économie, d'efficience, de responsabilité, d'unité et d'homogénéité de l'administration ainsi que d'équilibre financier.

Comme on l'a vu ci-dessus, les provinces et les communes peuvent donc intervenir au niveau local en matière de :

- programmation des services de transport ;

- détermination du service minimum et compensation de son coût pour les opérateurs ;

- conclusion des accords de programme avec l'État et les régions.

• L'exemple du Piémont

Avec 4,39 millions d'habitants pour un territoire de 25 399 kilomètres carrés, le Piémont se situe, par sa population, à la hauteur de la région PACA et, par son territoire, au niveau de la région Champagne-Ardennes. Il se compose de huit provinces. Son chef-lieu est Turin.

Cette région a adopté une loi n° 1 du 4 janvier 2000, portant règles en matière de transport public local, qui a institué le dispositif suivant.

Dans la région le transport public se divise entre :

- les réseaux et services régionaux ;

- les réseaux et service de lignes provinciaux qui concernent des zones de trafic homogènes ;

- les réseaux et services urbains mis en oeuvre au sein d'une conurbation ou d'une commune de plus de 30 000 habitants ;

- et les services à la demande, qui se substituent aux lignes régulières dans les zones à faible demande.

Réseaux et services de transport sont définis par :

- les provinces dans les communes de moins de 30 000 habitants ;

- les communes elles mêmes dans les communes de plus de 30 000 habitants ou par les structures intercommunales dont la population dépasse ce chiffre, lesquelles ont été définies par le conseil régional ;

- les communautés de montagne dans les zones caractérisées par une faible demande qui peuvent définir des modalités de service particulières.

Quant aux services de transports ils sont concédés à des opérateurs après mise en concurrence, à moins qu'ils ne puissent être mis en oeuvre dans un cadre concurrentiel.

Dans tous les cas, la politique tarifaire est définie par le conseil régional en accord avec les provinces et les communes qui peuvent octroyer, sur leurs ressources propres, des aides tarifaires à certains usagers.

Les instruments de programmation prévus par la loi régionale sont :

- le « Plan des transports » qui présente la synthèse du système de transport ;

- et le « Programme triennal régional des services de transport public local » qui définit les objectifs d'organisation et de production du service, les caractéristiques du service minimum, la répartition des ressources, la politique tarifaire et les contrats de service, le réseau des services régionaux, les objectifs des services délégués ainsi que le système de contrôle.

La région conclut en outre des « Accords de programme » avec les provinces, les communes et les intercommunalités de plus de 30 000 habitants pour le transfert des ressources correspondant aux compétences qu'elle leur délègue.

Les provinces sont, en pratique, compétentes pour l'organisation :

- du service des transports publics routier interurbain ;

- du service de transport urbain dans les communes ou intercommunalités de moins de 30 000 habitants ;

- et, dans les zones à faible demande, pour favoriser la complémentarité entre les services urbains et interurbains avec les services à la demande.

À cette fin elles établissent :

- un plan provincial des transports ;

- et un programme triennal des services de transport qui définit les objectifs en la matière.

Les communes et les intercommunalités de plus de 30 000 habitants sont, quant à elles, compétentes pour l'organisation des transports sur leur territoire. Pour ce faire elles élaborent :

- un plan urbain du trafic ;

- et un programme triennal des services de transport public qui détermine les objectifs.

La région administre directement les services régionaux ferroviaires, hormis :

- ceux délégués à l'Agence pour la mobilité métropolitaine ;

- les « réseaux » et les « services de lignes extra urbaines » qui sont déterminés et administrés par les provinces.

Pour la réalisation des investissements, elle a conclu, d'une part, un protocole d'accord avec l'opérateur historique TRENITALIA et, d'autre part, un accord de programme avec le Ministère des Transports. Ces investissements sont financés par le fond régional des transports qui est alimenté par des ressources régionales et des contributions de l'État.

Enfin, au sein de sa direction des Transports, la région Piémont a créé un Observatoire de régional de la mobilité, chargé de contrôler l'efficacité des politiques mises en oeuvre sous son égide.

4. Le financement des transports et les collectivités territoriales

• Les infrastructures locales dotées d'un intérêt national

Les infrastructures stratégiques pour une région et pour l'État sont déterminées d'un commun accord par ces deux entités. Elles sont inscrites dans un programme national dont la mise à jour, en septembre 2010, précise que le coût estimé de l'ensemble des infrastructures projetées dans la péninsule est de plus de 101,5 milliards d'euros. Sur ce total, les financements publics sont de 18 milliards, les financements privés (réunis exclusivement dans le nord du pays) de 16,5 milliards, et le reste à financer de près de 67 milliards.

Il en résulte que, selon le Ministère des Transports, les projets à venir ne pourront être menés à bien que grâce au financement, en tout ou partie, par des capitaux privés. Un premier exemple de ce type d'opération est la rocade de Milan dont le coût - 1,74 milliard d'euros - a, d'ores et déjà, été entièrement financé par des opérateurs privés.

• Les autres dépenses

Aucune étude synthétique n'étant disponible sur le financement des transports par les collectivités territoriales, on présente infra des éléments concernant les principaux mécanismes mis en oeuvre depuis 1995, étant observé que les transports automobiles individuels occupent une place prépondérante dans les déplacements urbains. Les moyens de transports collectifs, qui assurent 63,6 % des déplacements à Paris, ne représentent que 47 % à Milan et 32,4 % à Rome.

Le fond national des transports par lequel transitaient initialement les ressources de l'État aux régions en matière de transport a été supprimé en 1995.

Le décret législatif n° 422 du 19 novembre 1997 a transféré aux régions les ressources nécessaires au titre de la compétence en matière de transport qu'elles ont reçu, dans des conditions qui garantissaient, en théorie, le maintien du niveau de service et la prise en compte de l'inflation. Ce texte prévoyait que chaque région constituerait un fond régional des transports, abondé par les ressources transférées et par ses ressources propres. Cependant, en pratique, le taux d'accroissement des ressources transférées, (6 % en moyenne entre 1996 et 2004), fut nettement inférieur à l'évolution du coût de la vie, (+ 20 % sur la même période), de sorte que les régions se sont trouvées confrontées à des difficultés chroniques de financement.

Dans un rapport publié en 2005, le Conseil national de l'Économie et du travail (CNEL), homologue du Conseil économique, social et environnemental, soulignait les carences du système de transport local italien qui se caractérisait, à cette époque, par des traits dont certains demeurent encore les siens aujourd'hui :

- un matériel de transport vieilli, pour le remplacement duquel il suggérait que l'État investisse 350 millions d'euros par an afin d'acheter 1 750 autobus, étant observé que, pour le ferroviaire, il convenait d'accroître le nombre des matériels roulants de 20 % ;

- un réseau très modeste de lignes de métro ;

- la petite taille des entreprises locales de transport ;

- et des tarifs parmi les plus faibles d'Europe entraînant un déséquilibre dans le financement du secteur (financé à 51 % par les régions, 10 % par les communes et provinces, 6 % par les produits divers (parkings...) et 33 % seulement par le produit de la vente de titres de transports).

Pour remédier à cette situation, le Conseil recommandait de suivre l'exemple français et de consacrer au transport public local une accise sur l'essence dont le produit serait affecté par tiers, aux régions, au Ministère des Infrastructures et, enfin, aux provinces et aux communes.

En décembre 2006, l'État et les régions sont convenus, à l'issue de six mois de négociations, que serait défini, au plan national, un flux de ressources destiné à financer, sans hausse de la fiscalité, de façon durable et indexée, le secteur des transports locaux, tout en permettant d'atteindre un niveau de services satisfaisant. Ils se sont aussi engagés à définir une stratégie commune pour cofinancer notamment les investissements en matériel roulant et ceux nécessaires à la sécurité.

La loi de finance n° 244 du 23 décembre 2007 a, en conséquence, décidé qu'une fraction des droits d'accise sur le gasoil destiné à l'auto-traction consommés sur leur territoire, serait affectée aux régions à statut ordinaire pour le financement des transports locaux, tout d'abord pour des montants correspondant aux dotations antérieures puis, à compter de 2011, compte tenu d'un taux spécifique.

Elle a, en outre, prévu la création d'un fond pour la promotion du transport public local, doté de 113 millions d'euros en 2008, 130 en 2009 et 110 en 2010 et 2011, pour l'achat de véhicules ferroviaires pour les lignes régionales ou locales, de tramways et de bus moins polluants. A compter de 2011, les financements issus du fonds devaient être répartis en fonction de l'amélioration de la qualité des services que les matériels achetés permettent.

Elle a enfin prévu la possibilité pour les usagers des transports en commun de déduire de leur impôt sur le revenu 19 % des dépenses réalisées avant le 31 décembre 2008 pour l'achat d'abonnements de transports publics locaux, régionaux ou interrégionaux, dans la limite de 250 euros, soit une économie d'impôt maximum de 47,5 euros.

Cependant, vu la nécessité de limiter les déficits publics, le collectif budgétaire adopté en juillet 2010 a :

- abrogé la disposition relative au transfert de l'accise sur le gasoil - dont le montant en année pleine était estimé à un peu moins de 1,2 milliard d'euros - ;

- diminué les transferts financiers aux régions (que celles-ci pouvaient en tout ou partie aussi utiliser pour le transport) de 4 milliards d'euros en 2011 et de 4,5 milliards en 2012 et en 2013 ;

- réaffecté 425 millions d'euros initialement destinés à l'amélioration du matériel roulant.

Cette mesure a suscité une très vive protestation des régions qui ont, le 9 décembre 2010, tout d'abord réclamé que le législateur les autorise à renégocier les contrats de services conclus avec les entreprises gestionnaires des transports publics locaux. Elles ont ensuite décidé de tirer les conséquences de la diminution des ressources en :

- augmentant la productivité de 2 % ;

- accroissant les tarifs d'au plus 30 % ;

- et en réduisant les services d'au maximum 15 %.

Dans le cadre de la Conférence unifiée État - régions, les pouvoirs publics ont finalement conclu un compromis, le 16 décembre 2010, d'où il résulte que :

- la diminution des transferts financiers serait limitée à 2 milliards d'euros (contre 4 prévus initialement) en 2011 et à seulement 3,3 milliards en 2012 (contre 4,5 initialement) ;

- l'État s'engage à transférer 900 millions d'euros aux régions en 2011 pour le transport public local, étant entendu que l'accise sur les carburants serait rétablie en 2012.

La crise du financement du transport public local met, par ailleurs, en évidence deux problèmes de fond : d'une part, le très bas niveau des tarifs et le déficit de certaines lignes et, d'autre part, la faible concurrence dans l'attribution des concessions.

Par la voix du ministre des Infrastructures et des transports, le Gouvernement a souligné, en juin 2010, la nécessité de réorganiser les services mal organisés, dont les deux-tiers du coût sont payés par la dépense publique.

Au-delà des péripéties survenues en 2010, les pouvoirs publics semblent déterminés à lutter contre le manque de concurrence dans l'attribution des concessions de services publics de transports, dans la mesure où il limite l'efficacité de leur organisation et accroît leur coût, comme l'avait déjà souligné l'OCDE en 1999. Le décret « Ronchi », n° 135 du 25 septembre 2009, a notamment prévu que la gestion des services publics locaux - et notamment celle des transports - serait désormais conférée dans les conditions du droit commun à des sociétés mixtes où les partenaire privés ne détiendront pas moins de 40 % du capital et, seulement à titre dérogatoire - et après avis de l'équivalent du Conseil de la concurrence -, aux entreprises locales possédées par les collectivités concédantes. La question de l'application des procédures au terme desquelles les transports sont concédés - dans le but de réduire les coûts - demeure donc essentielle.

Le Programme des infrastructures stratégiques élaboré en septembre 2010 par le ministère des Transports insiste sur la nécessité de résoudre durablement le problème de financement du transport public local. Il propose que la Conférence unifiée État - régions analyse l'existant afin d'envisager d'homogénéiser les prestations et les tarifs de transport en éliminant ceux caractérisés par une faible productivité et en réaffectant les ressources économisées. Puis ce ministère préparera, pour chaque zone où existe, ou bien est préparation, un système de transport public, un tableau de financement y afférent. Le même document insiste sur les effets bénéfiques enregistrés par l'introduction du tarif unique qui a permis de diminuer les coûts de 20 à 30 % et d'accroître les recettes d'environ 25 %.

Enfin le ministère envisage de revoir les contrats de service conclus par les régions et de constituer, en lien avec celles-ci, un organisme national de contrôle des pratiques en matière de transport, d'accorder une aide spécifique aux régions qui atteindront certains objectifs d'amélioration de la gestion et de financer des investissements nouveaux en véhicules de transports.

ORGANISATION DE LA COMPÉTENCE « TRANSPORT »
ENTRE LES DIFFÉRENTS NIVEAUX DE COLLECTIVITÉS LOCALES

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