III. L'AUSTRALIE, LE CANADA, LA SUÈDE ET LA FINLANDE PRÉVOIENT DES OBLIGATIONS DE DÉPORT POUR LES PARLEMENTAIRES CONFRONTÉS À UN CONFLIT D'INTÉRÊTS.

En Finlande , l'article 32 de la Constitution prévoit l'empêchement du député pour toute question relative à une affaire qui le concerne personnellement. Le dispositif est complexe : il peut participer aux débats en séance plénière mais pas au vote ; il ne peut participer ni au débats, ni à la prise de décision en commission. En outre, sa participation est interdite en commission lors de l'examen des mesures qu'il a prises dans l'exercice de ses fonctions, y compris anciennes. Le Règlement intérieur de l'assemblée ne donne pas de précisions, non plus que le code d'éthique de 2015.

D'après les renseignements collectés par le Conseil de l'Europe auprès des autorités finlandaises 8 ( * ) , en pratique, c'est le parlementaire lui-même qui évalue la situation et la portée concrète de l'obligation de récusation. Les cas de déports sont très rares. Il peut demander un avis au secrétaire général qui peut prendre conseil auprès de jurisconsultes ; il est aussi arrivé qu'un président de commission saisisse les services du cas d'un député pour vérifier qu'il n'y avait pas de conflits d'intérêts dirimant contre sa participation. En général, dans les avis, on retient une application étroite de l'empêchement pour ne pas modifier les équilibres politiques issus des élections, si bien que peu de déports sont constatés.

En Suède , la Loi sur le Parlement (art. 11 et art. 14) interdit à un parlementaire d'être présent en séance plénière ou en réunion de commission lorsqu'une question en délibération le concerne personnellement ou concerne un de ses associés proches, ce qui comprend aussi bien le conjoint, la famille que les associés d'affaires et potentiellement un colocataire, par analogie avec des dispositions similaires applicables aux élus municipaux.

D'après la doctrine constitutionnelle suédoise, l'interprétation de ces mesures est plutôt étroite car il ne faut pas changer la structure et les équilibres politiques du Parlement par des récusations intempestives. Il faut un lien direct personnel ; ainsi, un parlementaire membre du Conseil d'administration d'un organe public peut participer à une décision pour lui allouer des fonds.

Il existe aussi un code de conduite des membres du Parlement et des lignes directrices émises par les groupes parlementaires. Dans la pratique, c'est le parlementaire lui-même qui évalue la situation et la portée concrète de l'obligation de récusation ; d'après les renseignements collectés par le Conseil de l'Europe auprès des autorités suédoises 9 ( * ) , il pourra simplement s'abstenir d'assister aux débats ou il pourra de surcroît prévenir la présidence concernée ; dans ce cas, son absence est notée au PV mais sans mention de la raison de l'absence.

En Finlande comme en Suède, l'obligation de déport n'est pas accompagnée d'une obligation de divulgation d'intérêts ad hoc.

En Australie , il convient de distinguer les règles applicables à la Chambre des représentants et au Sénat, les dispositions relatives au déport relevant des règlements des deux assemblées.

À la Chambre des représentants, en séance plénière, il est interdit à un parlementaire de prendre part à un vote par division sur une question qui présente pour lui un intérêt financier direct (art. 134 Standing Orders ). Ne mènent pas à un conflit d'intérêts les mesures de politique générale applicables à l'ensemble ou à une vaste portion de la population. Cela ne concerne pas tous les scrutins mais simplement la procédure où la chambre se scinde physiquement en deux camps les Ayes et les Noes. Tout membre de la chambre peut déposer une motion juste après le scrutin par division pour contester au nom d'un conflit d'intérêt le vote d'un autre membre. Si la motion est adoptée par la chambre, le vote du membre mis en cause est annulé.

Il est également interdit à un membre de la Chambre des représentants d'assister à une réunion de commission qui examine un sujet avec lequel il entretient un lien financier direct (art. 231). Si un autre membre conteste sur ce motif sa présence en commission, l'affaire est renvoyée à la Chambre qui tranche.

Au Sénat australien s'applique le même déport en commission mais pas de récusation en séance plénière (art. 27 Standing Orders ). Aucun précédent n'a été constaté. De 1994 à 2003, le règlement du Sénat prévoyait une obligation de signalement ad hoc d'un conflit avant un scrutin par division.

Le Canada possède le système de déport le plus complet. Le Code régissant les conflits d'intérêts des députés faisant partie du Règlement de la Chambre des communes prévoit une obligation de déport en commission et en séance plénière qui vaut pour les débats et pour les votes (art. 13). 10 ( * )

Parmi les actes susceptibles de favoriser l'intérêt personnel du parlementaire, sont comptés la nomination comme dirigeant ou administrateur au sein d'une personne morale, d'une association ou d'un syndicat, ou encore comme associé dans une société de personnes. Sont exclues, selon une formule notamment partagée avec l'Australie ou le Parlement européen, les mesures de portée générale ou concernant une vaste catégorie de personnes (art. 3).

Le déport intervient après une divulgation ad hoc verbale ou écrite décrivant la nature générale des intérêts personnels qu'il détient dans la question en examen (art. 12). Le greffier de la Chambre 11 ( * ) doit également être sans délai avisé par écrit ; il fait inscrire la divulgation dans les bulletins officiels de la Chambre ( Journals ) et la transmet au Commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique. Cette personnalité indépendante est nommée par le Gouverneur général avec l'approbation de la Chambre des communes et dotée de larges prérogatives d'enquête par la Loi sur le Parlement du Canada 12 ( * ) , la Loi sur les conflits d'intérêts 13 ( * ) et le Règlement de la chambre. Des sanctions peuvent être prises par la Chambre sur son rapport, rendu public.


* 8 Rapport d'évaluation sur la Finlande du Groupe d'États contre la corruption (GRECO), Conseil de l'Europe, mars 2013.

* 9 Rapport d'évaluation sur la Suède du Groupe d'États contre la corruption (GRECO), Conseil de l'Europe, octobre 2013.

* 10 Cette règle générale amplifie la disposition de l'article 20 du Règlement qui prévoit uniquement le cas où que le député se retire de la discussion, lorsque surgit en séance une question concernant sa conduite ou son élection, ou encore son droit de faire partie de la Chambre.

* 11 Plus haut fonctionnaire de la Chambre, relève directement du Président, fait prêter le serment d'allégeance aux députés nouvellement élus, authentifie par sa signature toutes les décisions de la Chambre et assure le secrétariat du Bureau de régie interne qui supervise l'utilisation des fonds des parlementaires.

* 12 L.R.C. (1985), ch. P-1

* 13 L.C. 2006

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