ALLEMAGNE



L'évaluation de la législation est essentiellement comprise comme l'évaluation de l'efficacité des lois.

Cette recherche d'efficacité s'applique dès la préparation des projets de loi ; une décision du conseil des ministres de décembre 1984 recommande à tous les ministres de veiller à la bonne adéquation de toutes les dispositions normatives et de vérifier cette dernière en répondant à un questionnaire très complet.

En outre, la Cour constitutionnelle joue un rôle important en matière d'évaluation des effets des lois adoptées car elle a développé au fil du temps une théorie sur le déroulement du processus législatif. Selon elle, la promulgation d'un texte, même si ce dernier est reconnu comme conforme à la Constitution, ne signifie pas l'achèvement du processus d'élaboration de la loi. En effet, la Cour ne se contente plus d'obliger le " législateur à éliminer dans les meilleurs délais les éléments anticonstitutionnels ". Depuis la fin des années 70, elle lui impose aussi de corriger et d'amender ses textes si les prévisions sur lesquelles ces derniers sont fondés se révèlent inexactes.

I - L'EVALUATION FORMELLE

Le règlement commun des ministères fédéraux se montre très précis et très exigeant sur la présentation et la rédaction des projets de loi, notamment afin de favoriser leur uniformisation.

Le ministère de la justice examine la qualité formelle des projets et vérifie leur compatibilité avec les normes déjà existantes. La plupart des projets sont également soumis au ministère de l'intérieur afin que soient vérifiées leur compatibilité par rapport à la procédure administrative et leur possibilité d'application concrète.

II - L'EVALUATION DE L'OPPORTUNITE

1) Le test préalable à l'adoption des projets de loi en conseil des ministres

En application de la décision prise le 11 décembre 1984 par le conseil des ministres pour vérifier l'opportunité des réglementations nouvelles, législatives ou non, les ministres de l'intérieur et de la justice ont établi ensemble un questionnaire en dix parties permettant de tester la " nécessité, l'efficacité et l'intelligibilité " de tous les projets de loi (ainsi que des projets de textes réglementaires).

Tous les ministères doivent donc tester leurs projets de loi par rapport à ces trois critères. Cette obligation s'applique aussi bien aux projets considérés dans leur totalité qu'à chacune de leurs dispositions détaillées.

Le test permet de vérifier, dans un premier temps, l'opportunité d'une réforme. Pour cela, il contient des questions relatives aux buts à atteindre, aux besoins exprimés, notamment par les personnes concernées, à la situation initiale, aussi bien juridique que factuelle, aux lacunes constatées, aux développements récents de l'économie, de la science, de la technique et de la jurisprudence dans le domaine concerné, au nombre de cas dans lesquels une réforme est attendue.

Cette première partie se termine par une question de contrôle : que se passe-t-il si rien n'est fait ?

La deuxième partie envisage toutes les possibilités pour transformer la situation de départ, précédemment identifiée, en fonction des buts recherchés. Elle analyse donc les différentes alternatives, leurs avantages et leurs inconvénients, et toutes leurs conséquences juridiques, économiques, sociales, financières...

Lorsqu'il apparaît qu'une action doit être entreprise par les pouvoirs publics, la structure fédérale du pays oblige à se poser la question du niveau d'intervention en fonction de la répartition des compétences entre Fédération et Länder . Grâce à une conception restrictive des compétences fédérales, le gouvernement fédéral cherche à donner la latitude maximale aux Länder .

Quand on conclut à la nécessité d'une intervention fédérale, on doit examiner la nature de la norme juridique à utiliser. Une loi nouvelle ne se justifie que si le problème à résoudre se révèle particulièrement important. La durée de validité de la nouvelle réglementation, la possibilité d'une réglementation expérimentale et de clauses d'évaluation sont ensuite envisagées.

Les autres questions du test sont moins pertinentes par rapport à l'évaluation de l'opportunité juridique mais elles permettent de vérifier la bonne articulation entre la réforme et ses mesures d'exécution, les conséquences de la nouvelle réglementation sur les dispositions voisines, l'accueil de la nouvelle réglementation de la part des autorités administratives d'exécution, du public...

Dans la partie du questionnaire consacrée à l'exécution administrative de la nouvelle réglementation, le souci d'éviter de créer de nouvelles instances, de nouvelles règles d'organisation et de compétence apparaît nettement. L'initiateur de la réforme envisagée est invité à utiliser les structures administratives existantes, sans toutefois les solliciter de manière excessive.

Ce questionnaire cherche à mettre en évidence que la création d'une nouvelle norme, législative ou réglementaire, ne constitue pas nécessairement la meilleure réponse à un problème donné.

Depuis la décision du 11 décembre 1984, et notamment pour répondre aux exigences imposées par l'utilisation de ce questionnaire, les différents ministères ont mis en place des unités transversales, composées essentiellement de juristes et d'organisateurs, pour réaliser ce type d'évaluations.

En même temps qu'il procède à l'évaluation formelle, le ministère de la justice doit vérifier que les projets de loi qui lui sont présentés satisfont effectivement aux trois critères de nécessité, d'efficacité et d'intelligibilité.

2) La transmission des projets de loi à la Chancellerie

Les projets de loi transmis à la Chancellerie doivent être accompagnés d'une explication détaillée du but recherché, des effets prévisibles et des conséquences dans tous les domaines.

3) La jurisprudence de la Cour constitutionnelle sur la nécessaire évaluation prospective du législateur

Depuis une quinzaine d'années, la Cour constitutionnelle demande au législateur, dans la phase préparatoire, de faire une investigation complète des faits pertinents, d'analyser les différentes variantes de législation qui se présentent et de réaliser une évaluation prospective des effets possibles selon la variante choisie.

III - LE CONTROLE DES EFFETS DE LA LOI

1) La jurisprudence de la Cour constitutionnelle

La Cour constitutionnelle exige depuis quelques années que le législateur observe constamment les effets produits par la loi et qu'il la corrige en fonction des effets observés.

En 1979, dans l'arrêt rendu sur la participation des travailleurs à la gestion des entreprises, elle s'est ainsi exprimée : " L'incertitude qui peut régner au sujet des effets d'une loi dans un avenir lui-même incertain ne conduit pas à dénier au législateur la compétence de l'adopter. Il en va ainsi même si la loi a une grande portée. Inversement, l'incertitude ne doit pas en tant que telle rendre impossible le contrôle du juge constitutionnel, ce qui serait le cas si la loi était fondée sur des pronostics invérifiables. Ceux-ci comportent un jugement fondé sur les probabilités, dont les fondements peuvent et doivent être vérifiés . "

Ceci implique qu'à intervalles réguliers, le législateur procède à une évaluation rétrospective de la loi.

Dans son arrêt de 1993 relatif à l'interruption volontaire de grossesse, la Cour constitutionnelle donne même des indications méthodologiques sur l'obligation d'observation. Selon elle, le législateur doit " réunir et exploiter systématiquement les données nécessaires à l'évaluation des effets produits par la loi ".

2) Les clauses d'évaluation

Elles sont extrêmement fréquentes dans la législation. Ainsi, la loi sur la dépendance prévoit que le Parlement tire les conséquences législatives des modalités d'application différentes selon les Länder dans le courant de l'année 1995. La même loi prescrit au gouvernement d'informer tous les trois ans à partir de 1997 de l'état d'avancement du système d'assurance dépendance.

En revanche, les lois adoptées à titre expérimental pour permettre au législateur de les évaluer pendant la durée de leur application, sont peu nombreuses.

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