BELGIQUE



L'évaluation de la législation est très peu développée. Toutefois, au cours des trois dernières années, plusieurs propositions de loi tendant à mettre en place une évaluation systématique de la législation ont été déposées . L'une d'entre elles a été adoptée par le Sénat en 1993.

I - L'EVALUATION FORMELLE

A - Avant l'examen parlementaire

L'avis de la section de législation du Conseil d'Etat constitue actuellement le seul élément d'évaluation avant la discussion parlementaire.

Avant d'être déposés au Parlement, la plupart des projets de lois doivent être soumis à la section de législation du Conseil d'Etat qui en examine les qualités formelles, vérifie s'ils traduisent l'intention de leurs auteurs et s'ils sont compatibles avec les normes déjà existantes.

L'obligation souffre quelques exceptions (projets de loi de finances, projets de loi relatifs aux emprunts, situations d' urgence...) mais elles sont en nombre limité.

En outre, le Conseil d'Etat propose qu'il soit procédé à une abrogation chaque fois qu'il constate, dans le cadre de sa saisine pour avis, qu'une disposition est tombée en désuétude ou qu'il existe une contradiction entre deux dispositions en vigueur. Faute de temps, ses recommandations ne sont pas toujours suivies d'effet.

B - Après la promulgation

1) La consolidation des lois

La consolidation, dénommée coordination en Belgique, est une pratique assez développée, encadrée par la loi du 13 juin 1961 relative à la coordination et à la codification des lois.

Il s'agit d'une procédure à la fois législative et administrative. En effet, le législateur décide du principe de la consolidation, mais délègue ses pouvoirs pour en confier la réalisation à l'exécutif, sans que le produit fini soit présenté au Parlement. Le législateur peut donc inviter le gouvernement à rassembler les textes applicables à une matière donnée.

La loi de 1961 a prévu une délégation permanente autorisant le Roi à coordonner les lois existantes de sa propre initiative.

Lorsque la délégation permanente est utilisée, la procédure est la suivante.

C'est le ministre responsable de l'administration générale ou le ministre compétent qui doit demander au bureau de coordination du Conseil d'Etat de coordonner ou de codifier la législation qu'il lui désigne. En effet, la tâche de coordonner les textes incombe au bureau de coordination du Conseil d'Etat, dont les membres ont, en vertu des lois coordonnées sur le Conseil d'Etat, " notamment pour mission de coordonner les lois, les arrêtés royaux et les divers textes réglementaires généraux en vigueur en Belgique . "

Le bureau de coordination soumet son projet à la section de législation du Conseil d'Etat qui le transmet avec son avis motivé au ministre intéressé. Le Roi prend enfin un arrêté de coordination ou de codification qui doit contenir les références permettant de retrouver le texte original de chaque disposition coordonnée ou codifiée.

L'avis du Conseil d'Etat ainsi que les éventuelles notes justificatives du bureau de coordination doivent être publiées avec cet arrêté royal.

Puisque, dans ce cas, le pouvoir administratif maîtrise tout le processus de codification, il faut veiller à ce qu'il n'y ait aucune modification, même fondée sur un souci de modernisation du langage. Il convient également d'indiquer la concordance avec les textes originels.

Sur ces deux points le Traité de légistique formelle, confectionné par les services du Premier ministre en 1982, contient des indications très pratiques :

"142. La coordination ou la codification projetée doit reprendre fidèlement les textes originels sans qu'il soit procédé à des corrections de forme (grammaire et terminologie); l'uniformité de la terminologie peut et doit être assurée.

143. Chaque article doit être accompagné d'une note de bas de page.

144. Les notes de bas de page poursuivent un double objet :

a) permettre de retrouver le texte originel de chaque disposition coordonnée ou codifiée ;

b) indiquer les modifications apportées par la coordination ou la codification au texte originel.

145. Les notes de bas de page indiquent dans l'ordre :

a) l'indication de la loi, du décret ou de l'arrêté originel,

b) l'article particulier auquel correspond l'article de la coordination ou de la codification,

c) les modifications subies par cet article,

d) les changements que la coordination ou la codification apportent au texte originel.

146. Il faut joindre à la coordination ou à la codification la liste des dispositions, qui n'y sont pas reprises, de manière telle que les dispositions non codifiées et non coordonnées ne soient pas perdues de vue par les praticiens. "

2) Les propositions de réforme

Au cours des dernières années, trois propositions de loi tendant à rendre systématique l'évaluation de la législation ont été déposées.

L'une d'entre elles a été adoptée par le Sénat en juin 1993. Elle tend à la création d'une commission nationale de vingt-cinq experts chargée de faire des propositions de coordination ou de simplification de toute la législation.

La deuxième vise à instaurer une actualisation systématique des lois et réglements, grâce à l'établissement de la liste des lois qui n'ont pas été modifiées au cours des quinze dernières années. Cette liste serait réalisée au début de chaque législature par les commissions permanentes de la Chambre des représentants. La proposition de loi opère une distinction entre actualisation " technique " et actualisation " sociale ", l'actualisation technique consistant à remplacer des mots ou des expressions par d'autres (par exemple " secret des communications individuelles " à la place de " secret des lettres ") et l'actualisation sociale portant sur des questions de fond. La proposition de loi donne la priorité aux actualisations de la seconde catégorie.

La troisième proposition tend à instituer une évaluation triennale de la législation. Cette tâche serait confiée au Conseil d'Etat. Le Parlement, informé par une note du gouvernement établie à la suite du rapport d'évaluation du Conseil d'Etat, se prononcerait sur les mesures appropriées.

Les deuxième et troisième propositions de loi ont été examinées par une sous-commission de la commission de révision de la Constitution. Cette sous-commission, après avoir tenu plusieurs réunions de travail en 1993 et 1994, a déposé son rapport en avril 1994. Selon ses conclusions, il conviendrait de :

- charger le Conseil d'Etat de la rédaction d'un rapport annuel relevant " les lacunes, les chevauchements et les textes qui ne sont plus actuels " ;

- demander également à la Cour de cassation de rédiger un rapport annuel ;

- faire examiner ces deux rapports par " une commission spéciale d'évaluation ou d'actualisation des lois, relevant du Sénat en sa qualité de chambre de réflexion ", sans que la compétence du Sénat soit exclusive ;

- d'élaborer sur la base de ces données des propositions de loi bénéficiant de la même priorité que les projets de loi ;

- créer un corps de légistes chargés de rédiger les propositions de loi.

II - L'EVALUATION DE L'OPPORTUNITE

Les réformes législatives les plus significatives sont généralement précédées d'une évaluation des textes précédents, soit à l'initiative du législateur, soit spontanément de la part de la doctrine.

III - LE CONTROLE DES EFFETS DE LA LOI

Dans certains cas, le législateur, au moment de l'adoption d'une loi, confie à un groupe d'experts le soin de procéder à l'évaluation des effets de cette loi. Parallèlement, il prévoit la modification de cette loi au cas où elle ne produirait pas les effets attendus.

Ainsi, la loi du 13 août 1990, adoptée quelques mois après la dépénalisation de l'avortement, institue une " commission nationale chargée d'évaluer l'application des dispositions relatives à l'interruption de grossesse ". Composée notamment de médecins et de juristes, la loi a chargé la commission d'établir à l'intention du Parlement, pour le 31 août 1992, et par la suite tous les deux ans, un rapport statistique portant sur un certain nombre de données relatives aux avortements pratiqués ainsi qu'un rapport détaillant et évaluant l'application de la loi et son évolution. Le cas échéant, la commission peut faire au Parlement " des recommandations en vue d'une initiative législative éventuelle et/ou d'autres mesures susceptibles de contribuer à réduire le nombre d'interruptions de grossesse et à améliorer la guidance et l'accueil des femmes en état de détresse ".

De même, la loi du 13 août 1990 sur les écotaxes a mis en place une commission de treize experts choisis en raison de leur compétence dans les matières concernées par les écotaxes. Cette " commission du suivi " a pour tâche d'évaluer le système des écotaxes, d'analyser ses conséquences économiques, de proposer des modifications, de suggérer éventuellement de nouvelles écotaxes, de participer à des campagnes d'information et de sensibilisation du public et d'établir un rapport annuel.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page