NOTE DE SYNTHESE

La prochaine révision des lois françaises sur la bioéthique soulève plusieurs interrogations, les unes portant sur l'assistance médicale à la procréation et les autres sur la recherche sur l'embryon. Il a donc paru utile d'analyser comment d'autres pays européens résolvaient quelques-unes des questions actuellement en discussion :

- l'accès des femmes célibataires à l'assistance médicale à la procréation ;

- l'insémination artificielle et le transfert d'embryons post-mortem ;

- la possibilité de réaliser des diagnostics préimplantatoires ;

- la recherche sur l'embryon ;

- l'interdiction explicite du clonage humain.

Les législations de cinq pays européens, l'Allemagne, le Danemark, l'Espagne, le Royaume-Uni, et la Suisse , ont été analysées. En effet, ces législations poursuivent des objectifs très divers : ainsi, la loi britannique régit l'assistance médicale à la procréation médicalement assistée en même temps qu'elle définit les conditions de la recherche sur l'embryon, tandis que la loi allemande, de nature essentiellement pénale, cherche à protéger l'embryon, qu'elle assimile à une personne. En outre, certaines de ces législations ont dix ans ou plus, tandis que d'autres ont été adoptées très récemment : la loi allemande sur l'embryon date de 1990 ; la loi danoise sur la fécondation artificielle de 1997 ; les lois espagnoles sur les techniques de reproduction assistée et sur l'utilisation des embryons de 1988 ; la loi britannique sur la fécondation et l'embryologie de 1990 ; la loi suisse sur la procréation médicalement assistée de 1998.

L'examen de ces lois et des textes qui les complètent (règlements, codes de déontologie...) permet de mettre en évidence que :

- les lois espagnole et britannique sont les seules qui n'excluent pas les femmes célibataires de l'assistance médicale à la procréation ;

- elles sont également les seules qui permettent l'insémination artificielle et le transfert d'embryons post-mortem ;

- les lois allemande et suisse n'autorisent pas le diagnostic préimplantatoire ;

- les lois espagnole et britannique sont les plus libérales en matière de recherche sur l'embryon ;

- la loi britannique est la seule à ne pas interdire toutes les formes de clonage humain.

1) Les lois espagnole et britannique sont les seules qui n'excluent pas les femmes célibataires de l'assistance médicale à la procréation


a) L'Allemagne, le Danemark et la Suisse réservent l'assistance médicale à la procréation aux couples

Si la loi allemande est muette sur ce point, les directives de l'Ordre fédéral des médecins prévoient que l'assistance médicale à la procréation est réservée aux couples mariés, que les couples non mariés doivent s'adresser à la commission régionale de l'Ordre, et que les femmes seules ne peuvent pas en bénéficier.

La loi danoise dispose que l'assistance médicale à la procréation ne peut être proposée qu'à des couples, mariés ou non. Il en va de même pour la loi suisse, mais cette dernière précise que les techniques supposant un don de sperme sont accessibles aux seuls couples mariés.

b) Les lois espagnole et britannique n'excluent pas que des femmes célibataires puissent bénéficier de l'assistance médicale à la procréation

Aucune des deux lois n'évoque la situation matrimoniale des femmes qui demandent à bénéficier de l'assistance médicale à la procréation, le législateur ayant décidé de n'exclure a priori aucune catégorie de femmes. Toutefois, le code de déontologie de l'instance chargée de faire respecter l'application de la loi britannique précise que, lors de l'examen des demandes émanant de femmes seules, il doit être tenu compte de la présence, dans l'entourage de la future mère, d'une personne qui puisse partager la responsabilité de l'éducation de l'enfant.

2) Les lois espagnole et britannique sont les seules qui permettent l'insémination artificielle et le transfert d'embryons post-mortem

a) Les lois danoise et suisse interdisent ces pratiques

L'insémination artificielle et le transfert d'embryons post-mortem sont expressément condamnés par ces deux lois.

b) La loi allemande prohibe l'insémination artificielle post-mortem, mais ne se prononce pas explicitement sur le transfert d'embryons post-mortem

En Allemagne, ni la loi, ni les directives de l'Ordre fédéral des médecins ne règlent explicitement la question du transfert d'embryons post-mortem. Plusieurs éléments restreignent la portée du problème (limitation de la production des embryons surnuméraires par exemple). Toutefois, le transfert d'embryons post-mortem peut être exceptionnellement autorisé, par exemple pour permettre la réalisation d'un projet parental clairement établi avant le décès du père.

c) Les lois espagnole et britannique autorisent l'insémination artificielle et le transfert d'embryons post-mortem

Ces deux lois précisent en effet les règles de filiation applicables en pareil cas . Elles ont retenu des solutions différentes. La loi britannique exclut que la paternité du géniteur puisse alors être reconnue. En revanche, la loi espagnole permet la reconnaissance de la paternité du mari (ou du compagnon) à condition que ce dernier ait pu manifester, par testament par exemple, son souhait de voir son épouse (ou sa compagne) bénéficier de l'assistance médicale à la procréation après son décès et que le projet soit réalisé dans les six mois qui suivent le décès.

3) Les lois allemande et suisse sont les seules qui n'autorisent pas le diagnostic préimplantatoire

Le diagnostic préimplantatoire consiste à avancer le diagnostic prénatal et à le réaliser avant même le transfert de l'embryon. Par le prélèvement d'une ou deux cellules embryonnaires, le diagnostic préimplantatoire permet de détecter une possible maladie héréditaire. Cette méthode suscite parfois de fortes réticences, car elle ouvre la possibilité d'un contrôle de la qualité des embryons avant implantation.

a) Les lois allemande et suisse interdisent cette pratique

La première le fait implicitement. En effet, elle assimile à l'embryon toute cellule totipotente (c'est-à-dire, dans les tout premiers jours du développement de l'embryon, toute cellule susceptible de se développer pour produire tous les types de cellules spécialisées) prélevée sur un embryon et condamne par ailleurs toute personne qui intervient sur un embryon dans un but autre que d'assurer sa survie. La combinaison de ces deux dispositions se traduit par l'interdiction du diagnostic préimplantoire, puisque ce dernier ne sert pas à la conservation de l'embryon.

En revanche, la loi suisse, de façon très explicite, prohibe " le prélèvement d'une ou plusieurs cellules sur un embryon in vitro et leur analyse ".

b) Les lois danoise, espagnole et britannique limitent le champ d'application du diagnostic préimplantatoire

Même si la formulation de chacune des lois diffère, dans ces trois pays, le diagnostic préimplantatoire est autorisé dans les seuls cas où l'enfant risque d'être porteur d'une anomalie chromosomique ou génétique importante.

4) les lois espagnole et britannique sont les plus libérales en matière de recherche sur l'embryon

a) Les loi allemande et suisse interdisent la recherche sur l'embryon

L'interdiction de la recherche sur l'embryon constitue le fondement de la loi allemande sur la protection de l'embryon , qui sanctionne " toute personne (...) qui utilise un embryon dans un autre but que celui d'assurer sa survie ".

En Suisse, l'interdiction ne figure pas expressément dans la loi. Toutefois, cette dernière prohibe à la fois la conservation des embryons et leur don. Par ailleurs, elle ne permet pas la fabrication d'embryons aux seules fins de recherche, puisqu'elle exclut le recours à la procréation médicalement assistée dans un but autre que de celui de provoquer une grossesse.

b) La loi danoise limite très strictement la recherche sur l'embryon

Même si elle pose le principe général de l'interdiction de la recherche et de l'expérimentation sur l'embryon, la loi danoise prévoit la possibilité d'effectuer des recherches pendant les quatorze premiers jours de son développement. Les recherches ne peuvent avoir pour but que l'amélioration, d'une part, des techniques de procréation médicalement assistée et, d'autre part, du diagnostic préimplantatoire. La recherche ne peut pas avoir lieu sur des embryons surnuméraires, car le don d'embryons est prohibé. Elle ne peut pas avoir lieu non plus sur des embryons créés pour cela, puisque le Parlement danois a ratifié la convention du Conseil de l'Europe sur les droits de l'homme et la biomédecine, qui interdit " la constitution d'embryons humains aux fins de recherche ".

c) Les lois espagnole et britannique autorisent assez largement la recherche sur l'embryon de moins de quatorze jours

Chacune des deux lois établit une distinction entre le pré-embryon, âgé de moins de quatorze jours, et l'embryon à proprement parler.

La recherche sur ce dernier est totalement interdite au Royaume-Uni, tandis qu'elle n'est autorisée, en Espagne, que sur des embryons morts ou non viables.

En revanche, dans ces deux pays, la recherche sur le pré-embryon est assez largement admise , dans la mesure où certaines conditions sont remplies (consentement des géniteurs, approbation d'un organe de contrôle éthique...). De plus, chacune des deux lois exige que la recherche poursuive l'un des objectifs qu'elle énumère. A la différence de la loi espagnole, la loi britannique autorise la production d'embryons en vue de la recherche.

5) La loi britannique est la seule à ne pas interdire toutes les formes de clonage humain

Toutes les lois étudiées interdisent explicitement le clonage humain sous toutes ses formes, à l'exception de la loi britannique, qui condamne seulement le fait de substituer au noyau d'une cellule embryonnaire un noyau prélevé sur une cellule humaine ou embryonnaire.

Cependant, au Royaume-Uni, les voix se multiplient depuis quelque temps pour que la loi soit modifiée, afin d'y introduire l'interdiction explicite du seul clonage humain reproductif, compte tenu des perspectives prometteuses que le clonage à visée thérapeutique semble présenter. De même, l'organe de contrôle de la loi espagnole sur la reproduction assistée plaide pour la modification de la disposition qui interdit toute forme de clonage, afin d'autoriser le clonage à visée thérapeutique.

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