PROJET DE LOI

rejeté le 12 mai 1998

N° 129

SENAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

PROJET DE LOI

REJETÉ PAR LE SÉNAT EN NOUVELLE LECTURE

d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail.

Le Sénat a adopté, en nouvelle lecture, la motion, opposant la question préalable à la délibération du projet de loi, dont la teneur suit :

Voir les numéros :

Assemblée nationale (11 e législ.)

lre lecture : 512, 652 et T.A. 81.

2e lecture : 765, 774 et T.A. 114. 829 et commission mixte paritaire : 837.

Nouvelle lecture : 829,855 et T.A. 132,

Sénat : 1e lecture : 286,306 et T.A. 89 (1997-1998).

2e lecture : 363,365 et T.A. 110 (1997-1998). Commission mixte paritaire : 392 (1997-1998).

Nouvelle lecture : 418 et 423 (1997-1998).

Considérant que, lors de l'examen du présent projet de loi, tant en première qu'en seconde lecture, le Sénat a souhaité faire prévaloir le dialogue social et une réduction négociée et équilibrée de la durée effective du travail ;

Considérant que le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, comme le texte du projet de loi initial du Gouvernement, entend au contraire procéder à un abaissement général et autoritaire de la durée légale du travail ;

Considérant que ce faisant le projet de loi fausse les termes de la négociation entre les partenaires sociaux dont dépend pourtant, selon le Gouvernement lui-même, la réussite d'une politique de réduction du temps de travail ;

Considérant que les conséquences concrètes de cette décision ont été renvoyées à une loi ultérieure, qu'il s'agisse du contingent autorisé des heures supplémentaires, du taux exact de leur majoration ou encore d'une question aussi fondamentale que la nature du salaire minimum de croissance et son évolution ; qu'en conséquence, les partenaires sociaux ignorent la teneur des contraintes qui pèseront ainsi sur eux ;

Considérant que la démarche adoptée par le Gouvernement a eu ainsi pour premier effet de bloquer le dialogue social et d'entretenir l'attentisme ;

Considérant qu'en dépit du dispositif d'incitation financière dont il est assorti et dont le coût pour les finances publiques n'a pas été chiffré, le projet de loi compromet les effets escomptés sur l'emploi d'une politique de réduction du temps de travail adaptée à la diversité des situations des entreprises et des salariés, qu'il risque d'avoir un effet inverse en raison, notamment, de l'alourdissement du coût du travail le moins qualifié qui résulterait du principe des « 35 heures payées 39 heures » ;

Considérant que la réduction autoritaire de la durée du travail, de même que le dispositif d'incitation financière proposé, sont particulièrement inadaptés à la situation des petites et moyennes entreprises dont chacun sait qu'elles constituent le gisement des emplois de demain ;

Considérant que, de surcroît, le seuil retenu de vingt salariés pour une entrée en vigueur différée de la nouvelle durée légale du travail n'a pas de sens alors même que la Commission européenne préconise le seuil de cinquante salariés pour définir la petite entreprise et le seuil de deux cent cinquante salariés pour définir les moyennes entreprises ;

Considérant que le choix d'abaisser la durée légale du travail entraîne l'extension de cette mesure, d'ores et déjà acceptée dans son principe, à l'ensemble des fonctions publiques et est porteur à ce titre d'une détérioration des comptes publics, notamment des collectivités territoriales et de la sécurité sociale ;

Considérant, en outre, que l'application de la nouvelle durée l'égale du travail aux associations, notamment dans le secteur médico-social, grèvera une nouvelle fois le budget des collectivités locales au titre des subventions qu'elles devront leur accorder ;

Considérant que la démarche dans laquelle s'est engagé le Gouvernement et dans laquelle il engage notre pays se situe en marge des lignes directrices pour l'emploi adoptées par les partenaires européens au sommet de Luxembourg, lignes directrices qui n'évoquent la réduction du temps de travail que pour la placer résolument dans le cadre de négociations entre les partenaires sociaux visant à la «modernisation de l'organisation du travail» et au «soutien à la capacité d'adaptation des entreprises » ;

Considérant que cette démarche se situe à l'opposé des analyses économiques tant de l'Organisation pour le développement et la coopération économiques que du Fonds monétaire international, ce dernier estimant que la loi française sur les 35 heures « devrait aggraver le problème du chômage structurel plutôt que le résorber» ;

Considérant que l'Assemblée nationale a souhaité de surcroît ouvrir, de façon confuse et précipitée, un débat sur la définition du temps de travail effectif; qu'en définitive le texte qu'elle a retenu en nouvelle lecture s'écarte des termes de la directive européenne ;

Considérant qu'en dépit de l'ampleur des débats auxquels a donné lieu le projet de loi, des incertitudes et des dangers qu'il comporte, de l'inquiétude des agents économiques et des partenaires sociaux et des interrogations des partenaires économiques de notre pays, l'Assemblée nationale a rétabli, en nouvelle lecture, l'essentiel du texte initial proposé par le Gouvernement; que ce faisant elle a déjà dit son « dernier mot » ;

En conséquence, en application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, d'orientation et d'incitation relatif à la réduction du temps de travail (n° 418, 1997-1998).

En conséquence, conformément à l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le projet de loi a été rejeté par le Sénat.

Délibéré, en séance publique, à Paris, le 12 mai 1998.

Le Président, Signé : René MONORY

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