II. L'AMPLEUR DES DÉGÂTS CONSTATÉS INVITE À UNE RÉFLEXION GLOBALE SUR LES MÉCANISMES D'INDEMNISATION, DE MUTUALISATION ET D'ASSURANCES

Les dégâts occasionnés par les tempêtes de décembre 1999 sont considérables. Les services de l'Etat les évaluent à approximativement 100 milliards de francs.

Ceux-ci concernent au premier chef le patrimoine forestier, qui a été sinistré sur la majeure partie du territoire. Mais le patrimoine architectural et plusieurs secteurs économiques -agriculture, pêche, cochlyculture- ainsi que les particuliers ont également été touchés.

Le gouvernement a annoncé, dès le 12 janvier, un ensemble de mesures destinées à faire face aux conséquences de ces tempêtes et du naufrage de l'Erika.

Il a déclaré l'état de catastrophe naturelle dans 69 départements, de façon à permettre la prise en charge, par les compagnies d'assurance, de l'indemnisation des dommages provoqués par les inondations, l'effet des vagues, des coulées de boues ou des glissements de terrain. Il a annoncé que la mise en oeuvre de la procédure des calamités agricoles permettrait l'indemnisation des biens non assurables par nature. Il a annoncé un plan national pour la forêt doté de crédits conséquents mais s'est refusé à envisager une indemnisation des propriétaires forestiers, la forêt étant un bien assurable, même si, dans l'ensemble, elles sont, pour des raisons économiques, très rarement assurées.

A. LA FORÊT FRANÇAISE SINISTRÉE

1. Des chablis d'un volume sans précédent

L'impact des tempêtes de décembre 1999 sur la forêt française a été, à proprement parler, sans précédent. Les premières estimations des dégâts effectuées par le ministère de l'agriculture ont évalué à près de 140 millions de mètres cubes de bois le volume des arbres abattus.

Cette évaluation devra sans doute être affinée, mais le bilan définitif, qui devrait être connu en début d'année 2001, ne semble pas devoir l'affecter sensiblement.

Ce volume est sans commune mesure avec les dégâts forestiers enregistrés au cours des tempêtes précédentes A titre de comparaison, les tempêtes qui avaient touché la France en novembre 1984 et octobre 1987, et en janvier/février 1990 ont provoqué des chablis respectivement de 12 millions de m 3 , et de 8 millions de m 3 .

Si la plupart des régions métropolitaines françaises ont été touchées, elles l'ont été à des degrés divers.

Comme le montre le tableau suivant, établi par les soins de l'inventaire forestier national, les régions dont les forêts ont été les plus touchées ont été la Lorraine, et l'Aquitaine, qui représentent respectivement 21 et 20% de l'ensemble des bois abattus, suivies du Limousin, de la Champagne-Ardenne et du Poitou-Charentes, qui représentent chacun environ 10 % des chablis.

DÉGÂTS OCCASIONNÉS AUX FORÊTS

Région

Volume estimé de chablis en milliers de m 3 (estimation du 27 février 2000)

Public

Privé

Total

%

Lorraine

22 430

7 050

29 480

21 %

Aquitaine

1 032

26 690

27 722

20 %

Limousin

1 050

15 250

16 300

12 %

Champagne-Ardennes

6 443

7 382

13 825

10 %

Poitou Charentes

700

11 300

12 000

9 %

Rhône Alpes

866

5 704

6 570

5 %

Alsace

5 479

1 041

6 520

5 %

Auvergne

1 348

5 012

6 360

5 %

Bourgogne

1 785

2 674

4 459

3 %

Franche Comté

2 527

1 853

4 380

3 %

Ile de France

1 243

1 434

2 677

2 %

Basse Normandie

625

1 410

2 035

1 %

Haute Normandie

775

1 100

1 875

1 %

Centre

359

1 175

1 534

1 %

Picardie

250

550

800

1 %

Pays de Loire

129

472

601

0 %

Languedoc Roussillon

205

332

537

0 %

Midi Pyrénées

99

259

358

0 %

Bretagne

119

150

269

0 %

Corse

3

-

3

0 %

Nord Pas-de-Calais

-

-

-

0 %

PACA

-

-

-

0 %

TOTAL

47 467

90 838

138 305

REGIONS SINISTREES

45 528
96

86 800
96

132 328
96 %

Source : Ministère de l'agriculture et de la forêt.

On peut déduire de ce tableau que la tempête du 26 décembre qui a frappé le nord du territoire, et particulièrement le nord-est, et la tempête du 27 décembre, qui a balayé la moitié sud du territoire ont été également dévastatrices.

Il faut également relever que les chablis sont deux fois plus importants dans la forêt privée (90 millions de m 3 ) que dans la forêt publique (47 millions de m 3 ) .

Il reflète également les fortes disparités qui existent d'une région à l'autre, dans la répartition entre forêt publique et forêt privée :

- la forêt aquitaine, dévastée par la tempête du 27 décembre, est essentiellement privée ;

- les chablis, en Lorraine, concernent à 75 % la forêt publique.

D'après l'Office national des forêts, les chablis constatés en Lorraine représentent l'équivalent de 10 récoltes annuelles, alors que, à l'échelle nationale, les dégâts représentent en moyenne trois récoltes.

Des dégâts d'une telle ampleur sont de nature à avoir un impact durable sur les paysages, ainsi que sur l'économie et l'activité forestières. Ils ne semblent pas, en revanche, d'après le ministère de l'agriculture et celui de l'environnement, devoir présenter une menace pour la biodiversité et pour l'extension de la forêt française 1 ( * ) . Celle-ci connaît, depuis le siècle dernier, un accroissement des surfaces boisées qui lui permet, aujourd'hui, d'occuper une superficie comparable à celle de la forêt de l'an mille. Les tempêtes ne semblent pas devoir remettre en question cette évolution.

2. Les risques induits par les chablis

Si les effets directs des tempêtes sont aujourd'hui bien évalués, il conviendra cependant de se montrer attentif aux effets secondaires susceptibles d'être induits par l'importance des chablis.

Le premier de ces risques est d'ordre phytosanitaire. La principale inquiétude réside dans le risque d'une prolifération d'insectes xylophages (également qualifiés de sous-corticaux, car ils se multiplient sous l'écorce). Ceux-ci colonisent d'abord les arbres abattus et se reportent ensuite sur les arbres restés sur pied. Ce risque concerne, semble-t-il, essentiellement les résineux, qui représentent, en l'espèce, 60 % des arbres abattus.

Parmi ceux-ci, les épicéas, qui représentent 20 millions de mètres cubes, sont l'essence la plus menacée, suivie du pin et du sapin.

D'après le ministre de l'Agriculture et l'Office national des forêts, le risque est actuellement bien contrôlé, grâce, en particulier aux conditions climatiques du premier semestre : le printemps et le début d'été frais et humide ont été défavorables à la multiplication des insectes. Le suivi, opéré par les correspondants du département de la santé des forêt sur plusieurs centaines de sites, montre que la plupart d'entre eux sont encore indemnes, ou que les niveaux de contamination restent faibles. Cette situation s'explique également par la faiblesse des populations d'insectes à la veille des tempêtes.

Il convient toutefois de ne pas perdre de vue que si la santé globale des forêts avant les tempêtes, et les circonstances climatiques très favorables de l'année 2000 nous ont permis, en quelque sorte " de gagner une saison ", les risques demeurent très importants pour 2001 et les années suivantes.

Sauf à bénéficier à nouveau en 2001 de conditions climatiques comparables à celles de 2000, l'évolution du risque phytosanitaire dépendra très largement du rythme de déblaiement des forêts et d'évacuation des bois.

Or, la sortie des chablis est très inégale selon les régions, et reste partielle pour les régions les plus sinistrées. Le nettoyage des parcelles où le bois n'est pas commercialisable reste encore limité.

Il est souhaitable, dans ces conditions, que les aides de l'Etat permettent d'accélérer le rythme de nettoyage des parcelles et le stockage du bois dans de bonnes conditions. On ne doit pas perdre de vue, en effet, que la gravité éventuelle des problèmes phytosanitaires dépendra, pour une large part, de la réussite de l'ensemble des mesures du plan national pour la forêt.

3. Les propositions du Sénat

Dès le 11 janvier, le président et le rapporteur général de la commission des finances ont avancé, dans un communiqué à la presse, un certain nombre de propositions en faveur des victimes de la tempête, et notamment :

- une accélération des remboursements du Fonds de Coopération de la TVA en faveur des collectivités locales victimes de la tempête et du naufrage de l'Erika ;

- le versement par la Caisse des dépôts à ces collectivités de prêts-relais en attendant le versement d'aides ou de prêts bonifiés ;

- l'application du taux réduit de la TVA de 5,5 % pour les travaux nécessaires au déblaiement, à l'exploitation et à la reconstitution des forêts ;

- un " panier " de mesures fiscales passant en particulier par un dégrèvement exceptionnel de la taxe foncière sur les propriétés non bâties au titre de 1999, par un mécanisme de déduction du revenu foncier des charges exceptionnelles entraînées par les tempêtes, et enfin, par une exemption des droits d'enregistrement sur la première mutation pour les biens forestiers afin de relancer l'investissement.

Ces propositions ont été reprises et complétées par deux propositions de lois organiques (n° 172 et 225 - 1999-2000) qui préconisaient en outre un élargissement des possibilités de placement des fonds provenant de la vente des chablis, et un assouplissement dans l'imputation des attributions du FCTVA dans le budget des collectivités forestières sinistrées.

Certaines de ces propositions ont été reprises par le gouvernement à l'occasion de l'annonce du plan national pour la forêt française ou ultérieurement, et notamment la réduction à 5,5 % du taux de la TVA sur les travaux forestiers, et l'accélération des remboursements du FCTVA pour les communes sinistrées.

La suppression provisoire de tous les droits de mutations à titre onéreux sur les parcelles boisées ou à boiser pour une période de trois ans a été adoptée dans la loi de finances rectificative du 13 juillet 2000 ; dans le cadre du projet de loi de finances pour 2001, la commission des finances du Sénat propose d'étendre le bénéfice de cette exonération temporaire aux acquisitions à titre gratuit, d'étendre ce dispositif d'exonération aux parts de groupements forestiers, et de prolonger de deux ans l'application de ce dispositif d'exonération.

En revanche, alors que le gouvernement avait annoncé, dans son plan national pour la forêt, qu'il permettrait la déduction des revenus professionnels des charges liées à la tempête et non couvertes par les indemnisations des assurances, cette mesure est encore à l'étude.

Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie n'envisage d'autoriser que la déduction d'un surcoût de frais d'exploitation des chablis que le ministre de l'agriculture estimerait à 60 francs par m 3 . Ces charges ne pourraient être déduites que des revenus agricoles avec, éventuellement, une possibilité de report sur dix ans, sans possibilité d'imputer le déficit sur d'autres revenus.

A l'occasion de la discussion du projet de loi de finances pour 2001, la commission des finances du Sénat a adopté un amendement qui autorise la déduction de ces charges exceptionnelles de l'ensemble du revenu, et le report de ce droit à déduction sur dix ans.

4. Le plan national pour la forêt

Le plan national pour la forêt, présenté par le gouvernement le 12 janvier 2000, annonçait plusieurs séries de mesures, assorties de financements significatifs, et notamment :

* une enveloppe de 8 milliards de francs de prêts bonifiés au taux de 1,5 % destinés à encourager les propriétaires, les coopératives et les exploitants forestiers à préfinancer l'abattage et la mise au bord des routes des bois endommagés ;

* la possibilité de déduire des revenus professionnels les charges liées à la tempête, et non couvertes par les indemnisations des assurances ;

* une enveloppe de 4 milliards de francs de prêts bonifiés au taux de 5 % destinée à encourager la création d'aires de stockage, l'encouragement au transport du bois par la voie ferroviaire, la promotion des emplois du bois et la valorisation énergétique du bois ;

* un dégrèvement exceptionnel de la taxe foncière sur les propriétés non bâties de 1999 au bénéfice des exploitants forestiers, pour les parcelles atteintes par la tempête ;

* un recrutement de 230 agents sur trois ans, et la mobilisation de 200 ingénieurs et techniciens forestiers appelés sous les drapeaux, destinés à renforcer les effectifs techniques dans le secteur forestier ;

* enfin, un plan d'aide à la reconstitution de la forêt de 6 milliards de francs, étalé sur 10 ans.

Des mesures complémentaires ont été annoncées les 3 et 17 février, et en particulier :

* reprenant une recommandation formulée par le président et le rapporteur spécial de la commission des finances du Sénat dans leur communiqué de presse du 11 janvier 1999, le taux de la TVA a été ramené à 5,5 % pour les travaux d'exploitation forestière (plantation, débardage, élagage) ;

* une amélioration de l'aide au transport du bois, portée à 700 millions de francs, sous la forme d'une aide de 50 francs par tonne de bois transporté par rail, et de 25 à 50 francs par tonne, suivant les distances, pour le transport par route et par voie navigable.

En outre, le gouvernement a annoncé, à l'issue du comité interministériel pour l'aménagement du territoire du 18 mai, qu'une enveloppe supplémentaire de 4 milliards de francs serait consacrée par l'Etat au financement des avenants aux contrats de plan Etat-région, pour réparer, sur le long terme, les conséquences des catastrophes de l'hiver.

Mesures prises en faveur de la forêt et imputées, notamment,
sur le budget du ministère de l'agriculture et des forêts

L'inventaire des dégâts : 20 MF

(imputation : 36-22 41 pour 13 MF + fonds de roulement inventaire forestier national (IFN) pour 7 MF)

Réalisé par l'inventaire forestier national, d'ici le début de 2001, un inventaire cartographique détaillé utilise les photos aériennes et l'imagerie satellitaire. Cette vision exhaustive et globale des dégâts au patrimoine forestier est indispensable pour orienter la reconstitution des forêts sinistrées et réorganiser la gestion durable des biens et services fournis par les forêts.

Le déblaiement des accès : 100 MF

(imputation : 44-92 20)

Mesure d'urgence pour le dégagement et la réouverture des routes et pistes, notamment celles qui desservent les forêts privés et plusieurs propriétaires.

Le renforcement de la desserte forestière et l'aménagement de places de dépôts : 90 MF

(imputation : 61-45 40/50)

Pour faciliter l'exploitation et le transport des bois : ouverture de pistes forestières, création de places de dépôt.

La création d'aires de stockage des bois : 60 MF

(imputation : 61-45 40/50)

Pour stocker à long terme et conserver la qualité des bois : création et équipement d'aires de stockage des grumes par voie humide et de stockage à sec des bois de trituration.

L'acquisition de matériel d'exploitation forestière : 50 MF

(imputation : 61-45 70)

Pour renforcer les capacités d'exploitation forestière et améliorer la sécurité : aide à l'acquisition de matériel.

Protection phytosanitaire : 100 MF sur 5 ans, dont 25 MF pour 2000

(imputation : 61-45 10)

Pour une gestion préventive et curative des problèmes sanitaires liés à l'important volume de bois à terre. Les opérations indispensables pour l'intérêt collectif sont aidées mais sont très dépendantes, dans le temps et en intensité, des paramètres météorologiques notamment.

Le transport des bois par voie routière et fluviale : 500 MF

(imputation : 44-92 20)

Pour désengorger les régions sinistrées, faciliter l'expédition vers les lieux de stockage ou de transformation et inciter au gel des coupes indemnes : aides forfaitaires, de 20 F/T à 50 F/T selon les distances et les modes de transport.

Le transport des bois par voie ferroviaire : 200 MF

(imputation : 44-92 10)

Pour les mêmes raisons, une convention a été établie avec la SNCF et une aide forfaitaire de 50 F/T est attribuée.

Mesures en faveur de l'emploi et de la formation : 89 MF

(imputation : divers dont budget ministère de l'emploi et de la solidarité)

Formations à la sécurité, aides à l'embauche de demandeurs d'emploi, stages d'accès à l'emploi et dispositifs de qualification des personnes (Ministère de l'emploi et de la solidarité)

Soutien à l'organisation : 210 MF sur trois ans (soit 70 MF/an)

(imputation : 44-92 20/30)

Pour apporter des conseils aux propriétaires forestiers, organiser la mobilisation du bois et la reconstitution du patrimoine : renforcement des effectifs techniques, des coopératives et des organismes interprofessionnels par 230 contrats à durée déterminée pendant 3 ans.

Aide au reboisement : 600 MF/an pendant 10 ans

(imputation : 61-92 30/40)

Actions de communication et de sensibilisation indispensables pour stimuler et augmenter la consommation de bois, en évitant un réflexe de restriction de consommation sous prétexte " d'aider " la forêt sinistrée.

5. Un premier bilan des mesures adoptées

Il est sans doute encore un peu tôt pour dresser un bilan global du plan national, car de nombreuses actions de mobilisation et de valorisation du bois chablis s'étaleront encore sur plusieurs mois. En outre, le dispositif fait largement appel au mécanisme des prêts bonifiés, dont on ne peut apprécier l'incidence qu'avec un certain recul.

Les éléments fournis par l'administration à votre rapporteur permettent cependant d'avancer les éléments suivants :

* en matière de sortie et de stockage du bois : environ 2,8 milliards de certificats d'éligibilité aux prêts bonifiés ont été délivrés pour la forêt privée et la forêt communale, correspondant à un volume de 8,2 millions de mètres cubes de sorties de bois, et à un volume de 3,8 millions de mètres cubes  de stockages ; l'office national des forêts a également eu accès à ces prêts, pour effectuer 2,95 millions de mètres cubes de sorties de bois, et 777 000 mètres cubes de stockage.

Des contacts qu'il a eus avec plusieurs de ses interlocuteurs, votre rapporteur a retiré l'impression que l'enveloppe des prêts bonifiés consacrée à la sortie et au stockage du bois a été fixée à un montant suffisant.

Il n'est pas sûr, en revanche, que le mécanisme des prêts bonifiés était le plus adapté à toutes les situations.

D'après la fédération nationale des syndicats de propriétaires forestiers sylviculteurs, le dispositif retenu pourrait bénéficier aux exploitants forestiers, mais non aux petits propriétaires qui ne sont pas tous exploitants.

* L'aide au transport routier et fluvial s'est, semble-t-il, mise en place plus tard que les autres mesures et n'a pu de ce fait bénéficier aux petits propriétaires qui, dans l'ensemble avaient déjà cédé leur bois ; en outre, le fait que des factures acquittées doivent être fournies à l'appui des dossiers a contribué à retarder le dépôt des demandes. Au 1 er juillet, le montant des aides engagées ou en cours d'engagement s'élevait à 70 millions de francs et correspondait au transport de 2,25 millions de tonnes de chablis. Il semblerait en outre que les enveloppes de crédits initiales aient été évaluées un peu trop justement. Le gouvernement semble d'ailleurs envisager de les compléter .

* La SNCF a transporté 1,1 million de tonnes de chablis.

* Plus des trois quarts des 230 postes prévus pour le renforcement des effectifs techniques ont été recrutés, et une trentaine d'appelés du contingent ont été affectés dans les directions régionales de l'agriculture et de la forêt, et les directions départementales de l'agriculture et de la forêt.

Ces mesures sont appréciables : seront-elles suffisantes, face aux 140 millions de mètres cubes de chablis, pour assurer un dégagement suffisant des parcelles sinistrées dans des délais convenables ?

6. Les problèmes spécifiques de la forêt domaniale et de l'Office National des Forêts

Les tempêtes de décembre 1999 et les chablis qu'elles ont provoqués, vont affecter, pendant au moins dix ans, les revenus domaniaux qui permettaient d'équilibrer le budget de l'office national des forêts (ONF).

L'ONF assure en effet traditionnellement quatre grandes missions, qui s'équilibrent mutuellement en termes financiers :

- la gestion de la forêt domaniale pour le compte de l'Etat était traditionnellement une activité excédentaire. Les recettes tirées de la vente du bois dépassaient en effet assez largement les charges liées à l'exploitation de la forêt. Le solde excédentaire permettait de compenser les activités déficitaires ;

- l'ONF assure, en qualité de prestataire de service, la gestion des forêts des collectivités territoriales. Cette activité est financée en partie par les frais de garderie versés par les collectivités, et par un versement compensateur de l'Etat qui ne suffit cependant pas à assurer l'équilibre global de cette branche d'activité ;

- l'ONF assure également un certain nombre de missions d'intérêt général, pour le compte de l'Etat ou des collectivités territoriales ; il peut s'agir, par exemple, des travaux de restauration des terrains de montagne, de la gestion des chasses présidentielles de Marly, ou de commandes passées par le ministère de l'environnement pour la gestion de Natura 2000. Cette branche d'activité est également déficitaire ;

- enfin, l'ONF exerce diverses activités dans le secteur marchand, en situation concurrentielle, et ce secteur, en proportion le moins développé, est en situation équilibrée .

La réduction des recettes tirées de la gestion domaniale, va contraindre l'Etat à redéfinir les conditions de l'équilibre du budget global de l'ONF.

7. Les communes forestières

Le gouvernement a prévu de débloquer des moyens financiers importants -approximativement un milliards de francs en autorisations de programme, et 750 millions de francs en crédits de paiement- pour venir en aide aux collectivités territoriales sinistrées.

Un dispositif complémentaire a été mis en place pour les communes forestières.

Celles-ci peuvent, comme tout exploitant forestier, prétendre aux aides annoncées dans le plan national pour la forêt, et en particulier au système des prêts bonifiés exposé plus haut.

Cette aide budgétaire complémentaire de 200 millions de francs, répartie pour moitié sur l'exercice 2000, et pour moitié sur l'exercice 2001 a été mise en place, par le ministère de l'intérieur, et, pour partie déléguée aux préfets. Elle concerne 2 637 communes, réparties sur 22 départements, et qui, depuis plusieurs années, tiraient plus de 10 % de leurs recettes de l'exploitation de leurs forêts.

Ces mesures sont nécessaires. Cependant, il ne faut pas perdre de vue que l'impact des tempêtes sur le budget de ces communes va perdurer pendant de nombreuses années, et que l'horizon du dispositif d'aide mis en place ne peut se borner à l'année 2001 .

8. Trouver des mécanismes d'assurance ou de mutualisation des risques appropriés à la forêt

Il est à noter qu'aucune des mesures adoptées ne constitue une indemnisation directe des propriétaires forestiers .

Le système des calamités agricoles ne s'applique en effet pas aux forêts. En outre, les forêts sont un bien " assurable " et les dégâts qui leur sont occasionnés par les tempêtes ne peuvent dans ces conditions faire l'objet d'une indemnisation publique au titre de l'état de catastrophe naturelle.

Cette situation soulève une véritable difficulté, car si les forêts sont en principe assurables, elles sont, en pratique, très rarement assurées. Les syndicats de propriétaires forestiers rapportent que cet état de choses aux caractéristiques intrinsèques de l'investissement forestier, qui est d'être un investissement de long, voire de très long terme, et d'offrir un rendement relativement faible. La conjugaison de ces deux caractéristiques rend le coût d'assurance des parcelles hors de proportion avec leur rentabilité financière.

Cette situation risque d'être encore aggravée à la suite des tempêtes de décembre dernier :

- les parcelles les plus touchées, et qui devront être replantées, ne pourront commencer à produire des revenus qu'au terme d'un cycle de production long de 20 à 150 ans, lorsque les arbres seront devenus récoltables ; les propriétaires forestiers seront-ils en mesure de financer une police d'assurance pendant toute la durée de ce cycle ?

- la couverture des forêts n'est assurée semble-t-il que par un petit nombre de grandes compagnies d'assurances, et certaines d'entre elles auraient indiqué leur intention de ne pas poursuivre leur activité dans ce secteur. Si ce mouvement se confirmait et se généralisait, on se retrouverait dans la situation paradoxale où les forêts seraient juridiquement assurables, mais ne pourraient l'être faute d'une offre de la part des compagnies d'assurances.

Cette situation n'est pas tenable, et il convient d'amorcer rapidement une réflexion sur les mécanismes qui permettraient, à l'avenir, de ne pas laisser les propriétaires forestiers isolés, et sans secours, face à des sinistres de cette ampleur.

Ce mécanisme de solidarité ou de mutualisation des risques devrait prendre en compte l'horizon de longue durée de l'exploitation forestière, et pourrait être réalisé, par exemple, sous la forme d'un fonds abondé conjointement par l'Etat et par les propriétaires forestiers.

Car lorsqu'une tempête détruit une plantation d'arbres arrivés à maturité, elle ne détruit pas la récolte d'une année, mais le revenu de plusieurs dizaines d'années de récolte potentielle.

* 1 Celle-ci couvre aujourd'hui 14,5 millions d'hectares, soit 25 % du territoire. Au XXe siècle, elle a gagné près de 5 millions d'hectares, et, en raison de la déprise agricole, continue de s'accroître de 30 000 hectares par an.

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