B. LE COLLÈGE : LA RÉFORME INTROUVABLE

Votre commission ne peut que constater que le programme de rénovation du collège, annoncé par Mme Royal à la rentrée 1999 après la consultation nationale organisée entre février et mai 1999 sous l'égide du sociologue François Dubet, a été sensiblement édulcoré par le ministre actuel de l'éducation nationale.

Une circulaire publiée en juin dernier tend en effet à recadrer autour de cinq orientations générales les quelque quarante mesures proposées à l'époque par la ministre déléguée.

Dans un rapport d'étape relatif à la mise en place de la réforme des collèges, l'IGEN a souligné que ces mesures de rénovation avaient peu mobilisé les enseignants, et que nombre d'entre elles étaient restées lettre-morte dans la plupart des collèges.

Du fait d'un défaut de pilotage de la part des inspecteurs d'académie et d'une absence de hiérarchisation des objectifs, certaines mesures du catalogue annoncé ont été peu appliquées : c'est le cas en particulier des mesures destinées à lutter contre la violence scolaire qui n'ont fait l'objet que de textes publiés tardivement au cours de l'été.

En revanche, d'autres mesures plus ponctuelles, comme celles concernant l'exercice de la citoyenneté (heure de vie en classe, journal du collégien), les nouveaux bulletins scolaires, les ateliers-lecture ont été largement mises en oeuvre.

Les mesures de réforme pour le " collège des années 2000 " ont fait l'objet des circulaires du 13 janvier et du 23 juin 2000. Lors de la dernière rentrée, ces mesures ont été regroupées autour de cinq priorités.

1. Une réforme recentrée

a) Les dispositifs d'aide personnalisée aux élèves

La dernière rentrée a vu la poursuite de la mise en oeuvre des dispositifs de remise à niveau en classe de sixième, d'aide individualisée en classe de cinquième, d'aide et de soutien en classe de quatrième, tandis que les études dirigées ou encadrées étaient systématisées.

L'enquête de l'IGEN précitée indique que l'aide individualisée a été appliquée dans près de 70 % des collèges mais que sa mise en place a été contrariée par des difficultés pédagogiques tenant pour l'essentiel en une non remise en cause des méthodes de travail des enseignants.

Par ailleurs, le tutorat est maintenu pour assurer un suivi individualisé aux élèves en cas de difficultés scolaires ou de comportement. Il peut être demandé par l'élève, par sa famille ou par l'équipe pédagogique et éducative. L'IGEN a constaté que le tutorat n'a été mis en oeuvre que dans moins d'un collège sur deux et a regretté le manque d'implication des enseignants : " Parfois, ce sont les élèves de 3 ème qui deviennent les tuteurs d'élèves de 6 e ".

Il faut enfin souligner que l'efficacité de ces dispositifs d'aide personnalisée aux élèves sera d'autant plus grande que les liens entre collèges et écoles primaires seront renforcés, notamment à travers une liaison plus satisfaisante entre les classes de CM2 et de 6 e .

b) La maîtrise des langages

La réforme des collèges tendait à redéfinir les moyens d'accéder à la maîtrise des langages et notamment l'apprentissage de l'oral.

La mise en place en classes de sixième et de cinquième d'ateliers spécifiques, qui ont pour objet de développer l'intérêt des élèves pour la lecture, devrait être généralisée et les pratiques de l'oral devraient être évaluées dans le bulletin trimestriel des élèves.

c) Les pratiques interdisciplinaires

L'objectif des parcours diversifiés et des travaux croisés est de permettre la mise en place de pratiques interdiciplinaires. Ces mesures devraient offrir aux professeurs la possibilité de pratiquer de nouvelles méthodes pédagogiques afin de motiver les élèves du cycle central des collèges.

A la rentrée 2000, si les travaux croisés ne sont pas obligatoires pour toutes les classes de quatrième, les collèges sont encouragés à les expérimenter au cours de l'année scolaire. Il a été demandé à chaque collège d'organiser au moins une expérimentation de " travaux croisés " en quatrième, soit pour une classe entière, soit par regroupement temporaire d'élèves issus de plusieurs classes.

Un bilan de la mise en place des travaux croisés, en 2000/2001 sera établi, afin de décider de la suite à donner à ce dispositif ; dans l'attente de ces conclusions, la prise en compte de l'évaluation de ces travaux dans le cadre du brevet a été reportée.

L'enquête de l'IGEN a montré que ces travaux croisés destinés à favoriser le travail interdisciplinaire, n'ont été mis en oeuvre que dans 18 % des collèges interrogés.

d) L'enseignement de la technologie

La réforme du collège avait aussi pour objet de mettre en place, en classe de quatrième, des groupes pour l'enseignement de la technologie afin de développer " l'intelligence concrète " des élèves et donner aux équipes pédagogiques des outils susceptibles de faciliter les apprentissages, notamment dans le domaine des NTIC.

L'IGEN a établi un bilan mitigé de cette mesure, la mise en place de ces groupes de nouvelles technologies appliquées qui devaient se substituer aux classes de 3 ème et 4 ème technologiques ayant été limitée, alors que ces classes disparaissent progressivement des collèges. En conséquence, la circulaire du 23 juin 2000 s'est bornée à indiquer que ces groupes seront " accessibles au plus grand nombre ".

e) L'exercice de la citoyenneté au collège

L'éducation civique est désormais enseignée de façon continue de la classe de sixième à celle de troisième et est évaluée au brevet depuis la session de 2000. L'" heure de vie de classe " a pour objet d'offrir aux élèves une occasion de débattre des problèmes quotidiens de la classe et de l'établissement. Une version remaniée de la brochure " Mon journal de sixième " a été distribuée à l'ensemble des élèves de sixième à la rentrée. Cette réédition a été conçue comme un support à l'animation de l'heure de vie de classe.

2. L'avenir du collège unique

Le bilan mitigé du plan de rénovation du collège, les observations formulées par l'inspection générale et les réserves des enseignants conduisent nécessairement à s'interroger sur la pertinence du collège unique tel que celui-ci est figé depuis un quart de siècle.

En témoignent la déclaration du ministre délégué à l'enseignement professionnel en juin dernier : " du collège unique, il faut retenir l'immense ambition humaniste, mais unique ne veut pas dire uniforme. Nous ne nous contenterons pas de l'hypocrisie des apparences ", ainsi que celle du ministre de l'éducation nationale : " De tribune en tribune, on gémit sur l'hétérogénéité du collège sans en tirer les conséquences pratiques. Le moment est sans doute venu de réfléchir sans tabou. "

Votre commission rappellera pour sa part que la moitié seulement des collégiens se retrouveront un jour dans un lycée d'enseignement général, alors que les programmes et les méthodes d'apprentissage du collège restent essentiellement définis par cet objectif, et que le collège a toujours été " calqué " sur le lycée et non pas envisagé comme le prolongement naturel de l'école primaire.

Elle espère que les incertitudes sur l'avenir du collège unique seront rapidement levées et que l'inspecteur général Philippe Joutard, qui a été chargé par le ministre d'examiner " le principe d'unité qui reste le fondement du collège, et le principe de diversité qui permet aux différentes formes d'intelligence de se manifester et de s'accomplir... ", fera preuve d'imagination afin d'éviter des guerres de religion pédagogiques : ayant plaidé pour l'introduction du fait religieux dans les programmes scolaires d'histoire-géographie, à l'occasion d'un rapport en 1988, il semble être l'homme de la situation...

Ce rapport devrait préciser la notion de parcours scolaire en soulignant notamment le rôle des classes charnières (6 e et 3 e ) et en recherchant le moyen de renforcer leur lien avec l'école primaire et la première année de lycée.

Il devra ainsi nécessairement se prononcer pour le maintien du collège pour tous, qui est paradoxalement source d'exclusions, d'inégalités et de tensions, ou pour une spécialisation plus précoce vers une voie professionnelle, ce qui implique l'abandon d'un principe de l'école républicaine, c'est-à-dire celui d'une formation générale de base pendant toute la durée de la scolarité obligatoire.

Votre commission suivra ce débat avec attention.

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