B. UN PREMIER BILAN ENCOURAGEANT DE LA MISE EN oeUVRE DE LA LOI SUR L'INNOVATION ET LA RECHERCHE

L'adoption de la loi du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche, qui a reçu un puissant soutien au Sénat, se proposait pour principaux objectifs d'encourager les chercheurs à la mobilité et à la création d'entreprises, d'améliorer la collaboration entre les organismes de recherche ou les universités, et les entreprises ou leurs créateurs, et enfin d'encourager les organismes de recherche et les universités à valoriser les résultats de leur recherche.

Certes, la pleine entrée en vigueur des dispositions de la loi est encore entravée, sur certains points, par des retards dans la publication de quelques décrets d'application. Cependant, le premier bilan que l'on peut tirer de son adoption comporte des éléments très encourageants.

1. La valorisation des résultats de la recherche publique

a) Rappel du dispositif législatif et réglementaire

La loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 sur l'innovation et la recherche encourage les organismes de recherche et les universités à valoriser les résultats d leur recherche, grâce à trois séries de dispositions :

• des dispositions qui les autorisent à assurer par convention des prestations de services, à exploiter des brevets et licences, à commercialiser les produites de leur activité , et, pour les établissements publics à caractère scientifique et technique, à gérer des contrats de recherche ;

• des dispositions qui les autorisent, par convention et pour une durée limitée, avec information de l'instance scientifique compétente, à fournir à des entreprises, ou à des personnes physiques, des moyens de fonctionnement, notamment en mettant à leur disposition des locaux, des équipements, et des matériels ; l'entrée en vigueur de ces dispositions était subordonnée à la publication d'un décret qui en précise les conditions d'application ; ce décret, qui porte le numéro 2000-893 a été pris le 13 septembre 2000. Celui-ci a précisé que les bénéficiaires de ces prestations sont, soit des personnes physiques créant une entreprise, soit de petites entreprises, créée depuis moins de deux ans qui emploient moins de 50 salariés, et dont le chiffre d'affaires annuel n'excède pas 7 millions d'euros, ou dont le total du bilan annuel n'excède pas 5 millions d'euros et dont des entreprises plus importantes ne détiennent pas plus du quart du capital. Il ajoute que ces entreprises doivent, en outre, avoir un caractère innovant, valoriser des travaux de recherche et disposer d'un potentiel de croissance et de créations d'emplois. Le montant maximal des prestations de service que peut fournir l'établissement public à une entreprise ne peut excéder les 100 000 euros hors taxe sur une période de trois ans.

• des dispositions qui précisent que l'ensemble de ces activités peuvent être gérées par des services d'activités industrielles et commerciales (SAIC). Ces services toutefois ne pourront être créés que lorsqu'auront été pris :

- un décret définissant leur régime financier et comptable ;

- un décret en conseil d'Etat définissant les conditions dans lesquelles les établissements pourront recruter des agents non titulaires par des contrats de droit public à durée indéterminée.

La mise au point de ces décrets fait l'objet d'une étude approfondie conduite par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, celui de l'éducation nationale et celui de la recherche. Les principales questions qui restent à trancher sont, semble-t-il, des questions de fiscalité, et ont trait aux modalités d'imposition de ces " SAIC ", notamment à la TVA, à l'impôt sur les sociétés, et à la taxe professionnelle.

Il est indispensable d'arriver à un système clair et cohérent, de façon à ce que les " SAIC " soient effectivement en mesure d'apporter un soutien efficace aux établissements publics scientifiques et techniques ainsi qu'aux universités qui sont actuellement tentés d'y recourir pour mieux valoriser les résultats de leurs recherches.

b) Un premier bilan encourageant

Les réponses que votre rapporteur a reçues des différents établissements publics scientifiques et techniques auxquels il avait adressé des questionnaires, et les entretiens qu'il a eus avec des responsables universitaires ou administratifs donnent une vision encourageante des premiers effets de l'entrée en vigueur de la loi.

Un de ses premiers effets bénéfiques réside sans doute dans le changement des mentalités que l'adoption de la loi sur l'innovation a opéré dans les milieux de la recherche, en rendant des chercheurs plus attentifs à la valorisation de leurs travaux.

Par-delà cette transformation progressive des esprits, tout à fait positive, plusieurs établissements ont opéré une réforme de leur organisation en vue de mieux assurer les possibilités que leur ouvre la loi.

Ainsi, par exemple, l'INSERM a décidé de confier à une filiale, " INSERM transfert ", actuellement en cours de constitution, le soin de favoriser et d'accompagner la création d'entreprises, en liaison avec des incubateurs et des fonds d'amorçage. Dotée d'un capital de 30 millions de francs, celle-ci pourra mener des études, valider des projets, et le cas échéant prendre des participations dans le capital des sociétés créées.

L'Institut de recherche pour le développement a créé un département d'expertise et de valorisation en vue de donner un nouvel élan à sa politique de coopération avec les entreprises.

L'Institut national de recherche sur les transports et leur sécurité a mis en place une cellule spéciale chargée de détecter dans ses laboratoires les innovations susceptibles d'une valorisation dans le champ des transports, d'assister les chercheurs dans les actions de protection de la propriété intellectuelle, ou de préparation de partenariat avec les entreprises, et enfin, d'aider les créateurs d'entreprises.

Au CNRS , la valorisation des recherches est assurée par la Délégation aux entreprises, qui a utilisé la filiale FIST pour l'évaluation technico-économique des inventions et pour le courtage de technologie. Une redéfinition des missions de cette filiale est actuellement en cours pour lui permettre d'intervenir dans les premiers stades de développement de certaines sociétés issues des laboratoires du CNRS.

D'une façon générale, il semblerait que l'entrée en vigueur de la loi ait donné lieu à un commencement d'accroissement de l'activité de transfert de technologie et de dépôt de brevets.

Ces établissements ont également commencé d'utiliser les dispositions du nouvel article 19-1 de la loi 82-680 sur l'innovation et la recherche afin d'encourager et de soutenir le développement de nouvelles entreprises qui valorisent les résultats de leur recherche.

Ainsi quelques jeunes entreprises bénéficient, au CNRS, de la mise à disposition de locaux, de l'accès à des installations expérimentales et de prestations techniques permettant la mise au point de prototypes. Cette action est menée en parallèle avec l'accueil des créateurs d'entreprise dans les incubateurs auxquels participe le CNRS.

L'institut de recherche pour le développement indique avoir accueilli, dans ses laboratoires de Montpellier, deux entreprises crées par des chercheurs ; il est en outre membre associé de l'incubateur de la région Languedoc-Roussillon, et fondateur de l'incubateur de la région Centre.

Les dispositions de la loi semblent avoir également provoqué un accroissement de la création d'entreprises par essaimage .

Ainsi, à l'INSERM, le nombre d'entreprises créées par essaimage a été de 11 pour les années 1999 et 2000 ; 18 nouveaux projets en cours sont susceptibles d'aboutir en 2001.

A l'Institut de recherche pour le développement, trois sociétés ont été créées au cours du premier semestre 2000 et trois dossiers sont encore à l'étude. Quatre nouvelles sociétés sont susceptibles de voir le jour en 2001.

Toutefois, la traduction la plus marquante de la loi sur l'innovation et la recherche a été la création de 29 incubateurs , à la suite d'un appel à projets lancé le 24 mars 1999, auquel a répondu la quasi totalité des établissements d'enseignement supérieur et de recherche.

Les subventions qui leur sont allouées s'élèvent à 152,5 millions de francs. Ils ont l'ambition d'accueillir 860 porteurs de projets de création d'entreprises dans les trois années à venir.

LISTE DES 29 INCUBATEURS SÉLECTIONNÉS

- En Alsace , l'incubateur de Strasbourg, porté par l'université Louis Pasteur en partenariat avec les autres établissements d'enseignement supérieur et des structures de développement local ;

- en Aquitaine , l'incubateur régional d'Aquitaine qui fédère tous les établissements de la région ;

- en Auvergne , l'incubateur BUSI, qui réunit l'université d'Auvergne, l'université de Clermont II et la société régionale de capital-risque (SOFIMAC) ;

- en Bourgogne , l'incubateur régional de Bourgogne qui fédère l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur de la région ;

- en Bretagne , l'incubateur de Rennes/Lannion/Lorient, porté par les trois technopoles en association avec les établissements d'enseignement supérieur et de recherche ;

- en Centre , l'incubateur régional porté par les universités d'Orléans et de Tours, en partenariat avec plusieurs organismes de recherche (CEA, CNRS, CEMAGREF, INRA) ;

- en Champagne-Ardenne , l'incubateur régional porté par l'université de Reims, l'université technologique de Troyes, le centre ENSAM de Châlons-en-Champagne, les Ecoles supérieures de commerce et les technopoles de Reims et de Troyes ;

- en Franche-Comté , l'incubateur régional de Franche-Comté qui fédère l'ensemble des établissements d'enseignement supérieur et de recherche de la région ;

- en Ile-de-France , cinq projets :

* " Ile-de-France Sud Incubation " porté par le CNRS, le CEA et l'université de Paris Sud-Orsay ;

* " Science Pratique Incubateur ", porté par la filiale de l'ENS de Cachan en association avec les universités de Paris 7, Paris 8 et le Cemagref, l'Inrets et le LCPC ;

* l'incubateur technologique AGORANOV regroupant les universités de Paris VI et de Paris IX, l'ENS d'Ulm et Paritech (groupement des 9 écoles d'ingénieurs de Paris intra muros) ;

* " Paris-Biotech ", bio-incubateur dont les membres fondateurs sont l'université René Descartes (Paris V), avec le CHU de Cochin Port-Royal, l'INSERM, l'Ecole Centrale Paris et l'ESSEC ;

* le projet d'incubateur " Ile-de-France Innovation " regroupant les universités de Versailles-Saint-Quentin, de Nanterre, de Cergy-Pontoise, l'INRA, le CNAM, ainsi que le Génopole d'Evry, l'université d'Evry et l'Institut national de Télécommunications, et l'Institut Gustave Roussy, tous ces établissements devant se regrouper dans une structure fédérative unique ;

- en Languedoc-Roussillon , l'incubateur régional regroupant les trois universités de Montpellier et l'université de Perpignan, ainsi que les autres établissements d'enseignement supérieur (en particulier l'Ecole des mines d'Alès) et les principaux organismes de recherche ;

- en Limousin , l'incubateur régional porté par l'université de Limoges ;

- en Lorraine , le projet d'" Incubateur lorrain pour la création d'activités et d'entreprises ", fondé par les 4 établissements d'enseignement supérieur de Nancy et Metz, en association avec les organismes de recherche et les structures de transfert de la région ;

- en Midi-Pyrénées , un incubateur qui réunit tous les établissements d'enseignement et de recherche de la région ;

- en Nord-Pas-de-Calais , deux incubateurs :

* Eurasanté, dédié aux technologies de la santé ;

* l'incubateur du GIP " MITI ", généraliste, qui réunit tous les établissements d'enseignement et de recherche de la région ;

- en Basse-Normandie , l'incubateur régional porté par l'université de Caen, le GANIL (Grand accélérateur d'ions lourds) et l'ISMRA (Institut supérieur de la matière et du rayonnement) ;

- en Haute-Normandie , l'incubateur porté par les universités de Rouen et du Havre, l'INSA de Rouen, l'Ecole supérieure d'ingénieurs en génie électrique et le Centre européen de bioprospective ;

- en Pays de Loire , le projet d'incubateur Atlanpole, porté par la technopole de Nantes/Saint-Nazaire et l'université de Nantes ;

- en Picardie , l'incubateur régional porté par l'université de Picardie-Jules Vernes et l'université technologique de Compiègne en partenariat avec l'INERIS-Institut national de l'environnement industriel et des risques, l'ESIEE-Ecole supérieure d'ingénieurs en électronique et électrotechnique d'Amiens, et le CRITT polymères Picardie ;

- en Poitou-Charentes , l'incubateur régional, porté par l'université de Poitiers, le CNRS et l'ENSMA (Ecole nationale supérieure de mécanique et d'aérotechnique), en association avec l'université de La Rochelle ;

- en Provence-Alpes-Côte d'Azur , trois incubateurs :

* l'incubateur " Multimédia Belle-de-Mai ", porté par les trois universités et le CRDP (Centre Régional de Documentation Pédagogique) d'Aix-Marseille. Il est spécialisé dans le domaine du multimédia éducatif et culturel, et a une vocation nationale ;

* l'incubateur de " PACA/Ouest " (Aix-Marseille-Avignon), porté par les 4 universités de l'Académie d'Aix-Marseille en partenariat avec l'Ecole supérieure d'ingénieurs de Marseille et l'Ecole nationale supérieure des Arts et Métiers de Marseille, et avec le soutien du Conseil régional ;

* l'incubateur de " PACA/Est " (Nice-Sophia-Toulon), porté par les universités de Nice-Sophia et de Toulon et l'établissement de l'INRIA à Sophia, en partenariat avec l'Ecole des Mines de Paris, les grandes entreprises technologiques de Sophia (Club High Tech, Club des dirigeants, Télécom Valley, club Sophia Start up), les organismes de recherche (CNRS, INRA, INSERM) et la Fondation Sophia-Antipolis ;

- en Rhône-Alpes , deux incubateurs partenaires d'un dispositif régional d'aide aux entreprises technologiques :

* " CREALYS ", qui réunit tous les établissements de Lyon, de Saint-Etienne et de l'Ain ;

* " Grenoble-Alpes-Incubation ", réunissant les établissements de Grenoble et de la Savoie.

On notera que parallèlement se développent des incubateurs privés dotés de fonds d'amorçages parfois internationaux.

2. L'encouragement donné aux chercheurs à la mobilité et à la création d'entreprises

La loi n° 99-587 du 12 juillet 1999 a prévu trois séries de dispositions pour développer les liens entre les chercheurs et les entreprises qui valorisent leurs recherches. Ces dispositions sont contenues dans les articles nouveaux 25-1, 25-2 et 25-3 insérés par la loi de 1999 dans le dispositif de la loi n° 82-610 rectifiée du 15 juillet 1982 d'orientation et de programmation pour la recherche et le développement technologique.

•  L'article 25-1 autorise les personnels de recherche à participer à titre personnel, en qualité d'associé ou de dirigeant, à la création d'une entreprise dont l'objet est d'assurer la valorisation de leurs travaux de recherche ;

•  L'article 25-2 autorise ces mêmes personnels de recherche à apporter leur concours scientifique , pendant une période de cinq ans renouvelable, à une entreprise qui assure la valorisation de leurs travaux de recherche ;

•  L'article 25-3 autorise ces personnels de recherche à être, à titre personnel, membres du conseil d'administration ou du conseil de surveillance d'une société anonyme afin de favoriser la diffusion des résultats de la recherche publique.

Une circulaire en date du 7 octobre 1999 est intervenue rapidement pour préciser les modalités de mise en oeuvre de ces dispositions. Les décrets relatifs aux plafonds de rémunération des chercheurs qui apportent leur concours à une entreprise, ainsi qu'à l'indemnisation des chercheurs participant à des actions de transfert de technologies, ont été pris dans l'année.

Il reste cependant, dans un souci de cohérence juridique, à inscrire dans les statuts des différents personnels concernés, les droits que leur reconnaît la loi sur l'innovation et la recherche.

Au 18 juillet dernier, 54 dossiers ont reçu un avis favorable de la commission de déontologie :

- 24 dossiers ont autorisé des fonctionnaires à quitter leur laboratoire pour créer une entreprise qui valorise leurs travaux de recherche ;

- 23 dossiers permettent à des fonctionnaires, tout en restant dans leur laboratoire, d'apporter leur concours scientifique à une entreprise qui valorise leurs travaux, et, le cas échéant, d'en être actionnaires, dans la limite de 15 % de son capital ;

- enfin, 7 dossiers autorisent des fonctionnaires, tout en conservant leur emploi, à être membre du conseil d'administration ou du conseil de surveillance d'une société anonyme afin de favoriser la diffusion des résultats de la recherche publique.

Votre rapporteur juge encourageants ces premiers résultats et espère qu'ils se développeront

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