Avis n° 94 (2000-2001) de M. Pierre HÉRISSON , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 23 novembre 2000

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N° 94

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 novembre 2000.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME XXI

TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION ET POSTE

Par M. Pierre HÉRISSON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Jean Huchon, Jean-François Le Grand, Jean-Paul Emorine, Jean-Marc Pastor, Pierre Lefebvre, vice-présidents ; Georges Berchet, Léon Fatous, Louis Moinard, Jean-Pierre Raffarin, secrétaires ; Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jacques Bellanger, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Gérard César, Marcel-Pierre Cleach, Gérard Cornu, Roland Courteau, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Christian Demuynck, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Paul Dubrule, Bernard Dussaut , Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Serge Godard, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Joly, Alain Journet, Philippe Labeyrie, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, Gérard Le Cam, André Lejeune, Guy Lemaire, Kléber Malécot, Louis Mercier, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Ladislas Poniatowski, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Josselin de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2585 , 2624 à 2629 et T.A. 570 .

Sénat : 91 et 92 (annexe n° 12 ) (2000-2001).

Lois de finances.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Retrouver, dans le projet de loi de finances pour 2001, les crédits demandés au titre de la poste et des technologies de l'information relève d'un véritable jeu de piste , tant leur nouvelle présentation, adoptée l'an dernier, a opacifié la traduction budgétaire de la politique de l'Etat dans ce domaine.

Après avoir été, dans le précédent Gouvernement, l'objet d'un ministère à part entière aussi bien que d'une section budgétaire distincte, ces crédits ont ensuite été intégrés, à compter de 1997, au sein du fascicule budgétaire des crédits de l'industrie, où leur était toutefois consacré un agrégat distinct " Poste et télécommunications ". Ils ont ensuite été fondus au sein d'un agrégat hétéroclite consacré à " l'action sur l'environnement et le développement de la compétitivité des entreprises " , qui regroupe, entre autres, les crédits de formation du ministère de l'industrie. Encore les crédits contenus dans cet agrégat ne sont-ils pas exhaustifs , puisqu'il faudrait leur ajouter les crédits des administrations en charge des postes et télécommunications, qui n'y figurent pas, ceux consacrés au réseau national de recherche en télécommunications, ainsi que les dotations figurant au budget des charges communes et destinées à payer les pensions des agents retraités de France Télécom, et, pour une partie, de La Poste.

Mais plus que de l'évolution des seuls crédits que l'Etat consacre à ces secteurs d'activité, c'est plus globalement de leur avenir que votre rapporteur pour avis a souhaité faire le centre de sa réflexion.

En matière postale , l'amélioration récente des résultats de l'opérateur national et la conclusion d'un accord avec l'intégrateur FedEx ne doivent pas occulter l'ampleur des choix politiques à opérer pour assurer l'avenir de La Poste, dans un environnement en bouleversement de plus en plus rapide. L'entrée en bourse de la poste allemande ou l'ouverture à la concurrence programmée au niveau communautaire ne sont que les signes les plus visibles des changements aux racines très profondes à l'oeuvre dans les métiers postaux. Votre commission continue à demander qu'un débat législatif permette enfin de trancher les questions décisives que sont, par exemple, le statut de l'opérateur national ou le financement des missions d'intérêt général qu'il exerce.

Le secteur des télécommunications , profondément modernisé par les deux lois du 26 juillet 1996 ouvrant ce secteur à la concurrence et transformant le statut de France Télécom, est particulièrement dynamique. Mais votre commission regrette que, contrairement à la démarche adoptée en 1996, les grandes évolutions se fassent désormais en dehors du Parlement , soit qu'il ne soit consulté qu'à posteriori , comme ce fut le cas pour l'attribution des licences de téléphonie mobile de troisième génération, soit qu'il soit finalement court-circuité après que le Gouvernement ait échoué à faire adopter par lui (ou plus précisément par une partie de sa majorité) des réformes pourtant nécessaires, comme ce fut le cas pour le dégroupage de la " boucle locale ", finalement imposé par décret ; soit encore qu'on fasse l'impasse sur la discussion législative , comme ce sera vraisemblablement le cas pour la transposition par ordonnances de neuf directives communautaires en matière de télécommunications.

Les technologies de l'information se sont diffusées à un rythme très rapide dans l'économie française. Si de récentes modifications ont été apportées au droit de l'Internet (signature électronique, responsabilité des prestataires techniques, question qui était en suspens depuis la discussion de la loi de réglementation des télécommunications de juillet 1996), votre commission attend désormais la discussion du projet de loi annoncé sur la société de l'information, qui devrait être examiné à la fin du mois de décembre en Conseil des ministres.

CHAPITRE IER -

DES CRÉDITS FONDUS AU SEIN DU FASCICULE BUDGÉTAIRE " ÉCONOMIE, FINANCES ET INDUSTRIE "

1. Des crédits nomades et éclatés

Des dotations intégrées au sein d'un agrégat budgétaire " fourre-tout "

Alors que La Poste et les technologies de l'information faisaient l'objet d'un ministère à part entière dans le précédent Gouvernement, aussi bien que d'une section budgétaire distincte, la réorganisation administrative et financière du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie a conduit :

- dans un premier temps à la constitution d'un agrégat " Poste et télécommunications " au sein du fascicule budgétaire des crédits de l'industrie ;

- puis, dans un deuxième temps, à l'inclusion de ces crédits au sein d'un agrégat " fourre-tout " dénommé, dans le projet de loi de finances pour 2000 " Action sur l'environnement des entreprises et modernisation des PMI " ; rebaptisé, dans le projet de loi de finances pour 2001, " Action sur l'environnement et le développement de la compétitivité des entreprises ".

Cet agrégat " thématique " n° 23 est pour le moins disparate puisqu'il regroupe des crédits très divers :

- crédits de formation (écoles des mines, ENSCI, Supélec et groupe des écoles de télécommunications ) ;

- crédits de promotion de la qualité et de la normalisation (normalisation, certification, métrologie, actions de l'AFNOR, du Bureau notarial de la métrologie...) ;

- crédits des structures d'" appui à la compétitivité industrielle " (création d'entreprise, développement de la productique, prévention des risques industriels) ;

- et, enfin, les crédits relatifs au " contrôle et à la régulation du secteur postal et des télécommunications ".

Cette composante de l'agrégat n° 23 inclut :

* les crédits de l'ART 1 ( * ) et de l'ANF 2 ( * ) ;

* les crédits de la cellule postes et télécommunications de la Polynésie française, de la Nouvelle-Calédonie et de Mayotte ;

* les contributions aux organisations internationales dans le secteur postal et des télécommunications (UIT et UPU) ;

* la subvention à l'association des utilisateurs du téléphone et des télécommunications ;

* la subvention à La Poste au titre du transport postal de la presse .

Des crédits dispersés au sein du budget de l'Etat

Il faut noter que cet agrégat ne comprend pas les moyens de l'administration centrale, et notamment de la DIGITIP 3 ( * ) du ministère de l'industrie, qui sont en partie dévolus aux secteurs postal et des télécommunications, crédits indissociables de l'ensemble du " Grand Bercy " dans la nouvelle présentation budgétaire, non plus que la subvention à la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications (qui figure à l'article 33 du chapitre 34-98, dans l'agrégat 31 " Administration générale et dotations communes ", pour un montant de 1,6 millions de francs).

En outre, le budget des charges communes prévoit des crédits destinés à payer les pensions des retraités de La Poste et de France Télécom , conformément à la loi du 26 juillet 1996 pour l'opérateur de télécommunications, qui a définitivement réglé la question du financement des retraites, et, pour l'opérateur postal, à la solution provisoire mise au point par l'article 8 du contrat de plan. Le montant total de ces crédits s'élève à 25,2 milliards de francs 4 ( * ) pour 2001 , sans que les parts respectives des retraités de La Poste et de France Télécom soient clairement isolées dans le fascicule budgétaire.

Enfin, les crédits budgétaires du ministère de l'industrie relatifs au réseau national de recherche en télécommunications (RNRT) figurent à l'agrégat 22 du fascicule " Economie, finances et industrie " (au sein du chapitre budgétaire 66-01), ces crédits, qui ne sont pas non plus individualisés, étant complétés par des dotations en provenance du ministère de la recherche.

Des crédits de soutien au développement des nouvelles technologies de l'information sont également disséminés entre plusieurs agrégats des crédits du fascicule " Economie, finances et industrie ".

Cet éclatement, de même que la globalisation des enveloppes, altèrent la lisibilité des crédits de l'Etat destinés au secteur des postes et technologies de l'information.

2. L'ancien agrégat " Poste et télécommunications " : une enveloppe globale de 2,8 milliards de francs, en faible évolution (+1,2 %)

Pour présenter une analyse pluriannuelle des crédits de ce secteur, votre rapporteur pour avis reconstitue artificiellement l'agrégat " Poste et télécommunications " désormais réduit, comme cela a déjà été indiqué, à une sous-partie " Contrôle et régulation du secteur des postes et télécommunications " de l'agrégat 23 du fascicule " Economie, finances et industrie ".

Cette reconstitution donne le " budget " ci-après :

CRÉDITS POSTE ET TÉLÉCOMMUNICATIONS EN DO + CP

Chapitre

Intitulé

Crédits votés LFI 2000

Crédits demandés PLF 2001

Variation LFI 2000/PLF 2001

37-06

ART

Rémunérations

Fonctionnement

TOTAL

48,6

43,4

92,0

55,8

45,2

101,0

+14,6 %

+4,3 %

+9,7 %

36-10 art. 71

63-04 art 10

ANF

Fonctionnement

Equipement

TOTAL

171,0

57,0

228,0

173,6

54,0

227,6

+1,5 %

-5,2 %

-0,2 %

36-10 art 72

43-01 art. 30

GET 5 ( * ) et ENSPTT

496,6

521,6

+5,0 %

44-80 art 60

Aide au transport postal de la presse

1 900,0

1 900,0

0 %

41-10 art 40

Subvention aux organisations internationales

52,9

52,9

0 %

41-10 art 10

Organismes P&T d'outre-mer

5,4

6,2

+14,8 %

44-80 art 40

Subvention association d'utilisateurs

0,3

0,3

0 %

TOTAL

2 775,2

2 809,7

+1,2 %

Ces chiffres appellent quelques brefs commentaires :

L'aide au transport postal de la presse (1,9 milliards de francs) représente les 2/3 du total. Ce montant, inchangé, est conforme aux engagements pris par l'Etat dans le contrat de plan. Il n'assure toutefois pas la couverture totale des frais de cette activité , dont une large part demeure assumée par La Poste, même si le taux de couverture par l'Etat et le secteur de la presse tend à s'améliorer (voir ci-après le chapitre consacré à La Poste) ;

Les crédits consacrés à la formation augmenteraient de 5 %, conséquence du renouvellement des missions et des objectifs fixés aux écoles supérieures de télécommunications ;

Les crédits demandés pour la réglementation des télécommunications outre-mer augmentent de 1,2 millions de francs (+14,8 %) en conséquence du placement à Mayotte d'un agent du secrétariat d'Etat à l'industrie, auprès du préfet, chargé du suivi de la réglementation des télécommunications dans cette collectivité où la loi de réglementation du 26 juillet 1996 n'est pas applicable ;

Les crédits demandés pour l'ART s'élèvent à 101 millions de francs (+9,7 %) , soit 10 millions de francs de plus que dans la loi de finances initiale pour 2000.

La création de 5 emplois est prévue, portant le total de l'effectif budgétaire à 149. Toutefois, deux de ces emplois " nouveaux " sont en réalité des consolidations d'emplois ouverts en 2000.

Votre commission estime que cette autorité indépendante fait parfois l'objet de critiques infondées de la part, notamment, de certains responsables appartenant à la majorité gouvernementale et touchant au principe même de son existence.

Aussi votre rapporteur pour avis tient-il à préciser, sans aucunement renoncer à son libre arbitre quant à l'appréciation qu'il peut porter sur l'action de l'ART, que bien qu'indépendante, cette autorité est une partie intégrante de l'Etat et qu'elle doit, à ce titre, être dotée des moyens nécessaires à l'accomplissement des missions que lui a confiées le législateur.

3. Les autres dispositions du projet de loi de finances pour 2001 touchant le secteur des télécommunications

Deux articles de la première partie du projet de loi de finances concernent le secteur des télécommunications. Il s'agit de l'article 14 qui simplifie et allège diverses taxes acquittées par les opérateurs de télécommunications, et de l'article 23 relatif au montant des redevances liées à l'attribution des licences de téléphonie mobile de troisième génération.

Votre rapporteur pour avis vous renvoie, pour ces deux questions, au rapport de notre collègue Philippe Marini, Rapporteur Général de la Commission des finances, saisie au fond.

Le mécanisme prévu par l'article 23 est toutefois détaillé dans le chapitre III du présent rapport.

A ce propos, votre commission, particulièrement soucieuse de l'aménagement équilibré du territoire souligne qu'elle sera particulièrement attentive au respect de l'engagement du Gouvernement d'associer le Parlement à l'attribution des licences UMTS, afin que la représentation nationale ait accès au contenu des cahiers des charges, et notamment à leurs prescriptions en matière de couverture du territoire.

CHAPITRE II -

LA POSTE

A. DES ÉVOLUTIONS ENCOURAGEANTES MALGRÉ DES HANDICAPS PERSISTANTS

1. Des résultats qui poursuivent leur redressement

S'ils ne sont pas mirifiques, les résultats du groupe La Poste ont toutefois continué, en 1999, de se redresser : le chiffre d'affaires a franchi la barre des 100 milliards de francs et le résultat net, positif pour la troisième année consécutive, a atteint 1,8 milliard de francs .

L'activité est décomposée de la façon suivante :

CHIFFRE D'AFFAIRES DU GROUPE LA POSTE

1999

Variation

en millions de francs

%

Produits du courrier

64.063

+ 4,17 %

Produits du colis

12.888

+ 31,58 %

Produits des clientèles financières

22.905

+ 6,45 %

Autres prestations de service

606

+ 6,32 %

Chiffre d'affaires total

100.462

+ 7,58 %

Le courrier représente encore en 1999 les deux tiers du chiffre d'affaires de La Poste.

a) Le courrier : une activité concentrée, en croissance de 4,17 %

Une activité en croissance, " tirée " par l'international et la prospection commerciale

Avec 25,2 milliards d'objets distribués -soit 60 millions de plis adressés chaque jour- et 64,1 milliards de francs de chiffre d'affaires , l'activité courrier a connu en 1999 une croissance de 4,17 %.

Les principaux moteurs de cette activité sont le courrier international (+ 8 %), la publicité adressée (+ 5 %) et le courrier " industriel " (+ 11 %), courrier de gestion fabriqué par de grands clients (relevés de banque par exemple).

Une activité concentrée

Les entreprises émettent 90 % du courrier. Avec 30,8 milliards de francs de chiffre d'affaires, les grands comptes représentent à aux seuls près de la moitié du chiffre d'affaires .

Cette concentration du courrier sur quelques partenaires commerciaux, les cinq premiers clients assurant près de 10 % du chiffre d'affaires, rend La Poste particulièrement vulnérable à la concurrence.

b) Le colis : une activité concurrentielle

Sur le marché du colis totalement ouvert à la concurrence, le chiffre d'affaires du groupe s'est élevé en 1999 à 12,89 milliards de francs , en hausse de 31,6 % par rapport à 1998, après intégration des nouvelles acquisitions (DPD, Publi-Trans, Eurodispatch).

Ce chiffre d'affaires ne correspond ainsi qu'à une part de marché européenne de 7,5 % sur le marché des colis. Ce marché est le premier terrain d'affrontement des postes européennes et des intégrateurs privés, il représente un total de 67 milliards de francs et croît de 10 % par an. La Poste s'est fixée l'objectif de 10 % de part de marché du colis des particuliers et des entreprises en Europe en 2002.

La récente acquisition de Parceline et d'Interlink Express, annoncée courant novembre, pour un montant estimé à 327 millions d'euros, rapproche La Poste de cet objectif et lui permettra d'être présente sur le marché britannique, dont elle était jusqu'à présent absente. Mais ses prises de position sur ces marchés en croissance restent inférieures à celles de ses principales concurrentes.

Les colis et la logistique ne représentent, en outre, en 1999, que 13 % du chiffre d'affaires total de La Poste. La vente à distance domestique constitue encore 53 % du trafic et 22 % du chiffre d'affaires de ce segment.

c) Les services financiers : une croissance de 6,5 %

A 1.159 milliards de francs, les encours de La Poste ont connu en 1999 la plus forte croissance (+ 7,2 %) de ces dix dernières années. La Poste est ainsi le troisième réseau financier français , avec 28 millions de clients et 45 millions de comptes gérés.

Le chiffre d'affaires consolidé des clientèles financières du groupe La Poste a augmenté de 6,5 % et est passé de 21,5 milliards de francs en 1998 à 22,9 milliards de francs en 1999 .

Il se répartit de la façon suivante :

CHIFFRE D'AFFAIRES DES SERVICES FINANCIERS EN 1999

1999

Variation

en millions de francs

%

Produits des clientèles financières

22 905

+ 6,5 %

Rémunération des Livrets A et B

4 936

- 1,1 %

Produits d'épargne boursière

1 114

+ 25,0 %

Produits d'assurance

1 962

+ 21,4 %

Rémunération des autres épargnes

3 032

+ 17,3 %

Sous-total épargne

10 504

+ 10,2 %

Rémunération des fonds CCP au Trésor

8 330

+ 5,2 %

Autres produits (1)

4 070

+ 0,1 %

(1) Dont mandats, commissions sur opérations et autres.

d) Un redressement financier qui devrait toutefois marquer une pause en 2000

Le résultat net consolidé, part du Groupe, s'est élevé en 1999 à 1.860 millions de francs , contre 337 millions de francs en 1998, et seulement 59 millions de francs en 1997. Faut-il rappeler qu'en 1995, La Poste perdait 1,1 milliard francs ? Ce redressement mérite d'être salué, même s'il intervient dans un contexte économique global particulièrement porteur qui en est, en grande partie, responsable.

Mais votre commission redoute que la croissance des résultats pour l'année 2000 ne soit pas aussi vive. En effet, plusieurs éléments devraient peser sur le compte de résultat : la réduction du temps de travail à 35 heures ; la hausse de certains postes de charges (coût du transport) ou encore la baisse prévisible du courrier de quelques grands comptes.

2. Un accord dans la messagerie qui s'avérait indispensable

Le marché du transport et de la logistique est aujourd'hui un marché en pleine mutation, marqué par une intégration rapide de l'express européen et une rationalisation de l'offre (sophistication des prestations et pression sur les prix) . Ceci se traduit notamment par une concentration sans précédent des opérateurs du secteur, avec la constitution de groupes trans-européens de taille mondiale.

Sur les quatre principaux marchés européens (Allemagne, Grande-Bretagne, France et Bénélux), représentant 71 % du marché européen du colis, un nombre réduit d'acteurs contrôle aujourd'hui une part croissante des flux , en se positionnant sur l'ensemble de la chaîne de valeur . Cette concentration, qui répond à l'évolution de la demande et à la nécessité de contrôler la valeur ajoutée dans la chaîne logistique, part du transport et de la logistique de distribution et remonte jusqu'au transport et à la logistique de production.

Deutsche Post (DPAG), TNT Post Group (TPG), The Post Office, Hays (Grande-Bretagne) et ABX (Belgique) ont procédé à de nombreuses acquisitions significatives sur ces marchés, dans cette perspective d'intégration progressive de la chaîne de transport et logistique.

C'est la nécessité de développer ses activités hors des frontières françaises dans le domaine du colis et de la logistique, qui a, plus récemment, conduit La Poste à rechercher une alliance avec un intégrateur à dimension mondiale.

La Poste a conclu en septembre dernier cet accord, que votre commission considérait, de longue date, comme indispensable à son avenir.

Une alliance strictement commerciale , qui ne comporte donc pas d'échange de capital, avec l'américain FedEx, permettra à La Poste de renforcer ses positions sur les marchés européen et international du colis et de la logistique.

Plus précisément, l'accord a été conclu entre le holding " Colis et Logistique " du groupe La Poste et la filiale FedEx Express parmi les leaders mondiaux 6 ( * ) du transport express.

Il entrera en vigueur le 1 er janvier 2001 et permettra aux clients de Chronopost International d'accéder au réseau mondial de FedEx, et à ceux de FedEx de bénéficier, sur divers marchés clés en Europe, des infrastructures au sol des filiales du holding Colis et Logistique du groupe La Poste.

L'accord comprend l'accès au réseau mondial de FedEx au départ de France, d'Allemagne, du Royaume-Uni, de Belgique, des Pays-Bas, d'Italie, d'Espagne, du Portugal, d'Irlande, d'Autriche, de Suisse, de Suède, du Danemark et de Norvège. Chacune des deux entreprises continuera d'assurer la collecte et la livraison de ses clients respectifs.

Cet accord opérationnel ouvre surtout à l'entreprise française le réseau mondial de FedEx, très présent en Amérique et en Asie .

FedEx dispose à Roissy d'une plate-forme de correspondance qui assure environ 270 vols hebdomadaires vers l'étranger et est capable de traiter jusqu'à 600 tonnes de paquets et documents par jour. Avec un chiffre d'affaires de 15 milliards de francs en 1999-2000, l'américain dessert 210 pays et 365 aéroports, grâce à sa flotte de 663 avions. FedEx transporte chaque jour 3.710 tonnes de colis.

On ne peut que se féliciter de la conclusion de cet accord qui prélude, il faut l'espérer, à un rattrapage de La Poste vis-à-vis de ses concurrentes européennes déjà bien placées sur ces marchés en croissance.

Parallèlement, un rapprochement de La Poste et de la SNCF pour les activités de logistique, express, colis et messagerie est toujours envisagé. Au sein du groupe La Poste, la structure Coélo a d'ailleurs été rebaptisée " Géopost ", en vue de la conclusion de cette alliance.

Le projet vise à rapprocher des offres considérées comme fortement complémentaires, la SNCF, via Geodis (et par extension la SERNAM) étant implantée dans la messagerie et La Poste dans l'express et la logistique. Le nouvel ensemble pourrait avoir les contours suivants :

pôle messagerie : Calberson messagerie (SNCF) ; Géodis Europe (SNCF) ; Sernam (SNCF) ;

pôle express/colis : Chronopost (La Poste) ; TAT Express (La Poste) ; DPD (la Poste) ;

pôle logistique : La Poste logistique et Géodis logistique.

3. Des handicaps qui persistent

a) La lente amélioration des délais d'acheminement postaux

La qualité et la fiabilité du service sont des éléments déterminants pour les clients " vitaux " de La Poste -on pense notamment aux entreprises- et des exigences légitimes de la part des usagers du service public.

Aussi, le contrat " d'objectifs et de progrès " a-t-il fixé des objectifs de qualité de service que La Poste doit atteindre au plus tard en 2001.

Pour le courrier, des sondages -réalisés notamment par la SOFRES- font apparaître une amélioration des délais d'acheminement, sauf pour l'écopli et le Postimpact,  mais globalement les objectifs de qualité du service sont loin d'être atteints , comme le montre le tableau ci-joint :

QUALITÉ DE L'ACHEMINEMENT POSTAL

Au niveau national

Source

1997

1998

1999

Objectif 2001

Lettre J+1

SOFRES

77,2 %

76,4 %

80,5 %

84 %

Lettre au-delà de J+2

SOFRES

6,4 %

6,3 %

5,3 %

< 2 %

Ecopli J+2 intradépartemental

DELACH

88 %

87,8 %

85,6 %

90 %

Ecopli J+4 Tous flux confondus

DELACH

93,3 %

93,2 %

92,2 %

97 %

Publicité adressée Postimpact à J+7

DELACH

95,1 %

95,1 %

94,2 %

97 %

Délais intermédiaires à l'Export (J+1)

SYCI

91,7 %

89,8 %

90,2 %

97 %

Délais intermédiaires à l'Import (J+1)

SOFRES

79,3 %

80,2 %

79,1 %

90 %

Même si la qualité de l'acheminement du courrier en Europe est très inégale, une comparaison européenne 7 ( * ) (qui porte sur l'année 1998) montre le très net différentiel de qualité de service de La Poste par rapport à ses concurrents européens majeurs pour les lettres à J+1 :

Votre rapporteur pour avis tient néanmoins à souligner les contraintes particulières de la distribution du courrier en France, compte tenu de la spécificité de notre géographie.

b) Une productivité encore insuffisante

Comme l'indique le Directeur général de La Poste en introduction du dernier rapport annuel du groupe : " Notre rentabilité -qui peut être mesurée par le rapport excédent brut d'exploitation sur chiffre d'affaires- progresse fortement et atteint 8 %, alors que l'objectif du contrat de plan est 6 %. (...) Mais il faut rester modeste et souligner l'écart qui persiste avec nos grands concurrents et partenaires européens : la poste hollandaise affiche une rentabilité de 17 %, l'Allemagne de 9 % " .

Tout est dit.

c) Le poids du passage aux 35 heures

L'application des 35 heures à La Poste se réalise sur la base d'un accord-cadre signé le 17 février 1999, suivi de négociations et de réorganisations locales.

Au 31 juillet 2000, 8.366 sites étaient passés aux 35 heures, soit l'équivalent de 154.316 personnes, pour 5.514 accords signés.

Mais ce changement, effectué sans aide publique , a eu plusieurs conséquences :

- il a ravivé la conflictualité au sein de l'entreprise : la conflictualité, en baisse en 1996, 1997 et 1998, a sensiblement cru à compter de la signature de l'accord-cadre. Cette hausse est manifeste à partir du dernier trimestre de 1999.

La décomposition des conflits (locaux ou nationaux) montre une montée en puissance des conflits locaux liés à la réduction du temps de travail, conflits devenus majoritaires en nombre de jours à compter de 1999.

Ces arrêts de travail ont affecté plus particulièrement les services de la distribution, les centre de tri et les bureaux de poste.

Ces tensions se sont poursuivies durant le 1 er semestre 2000, surtout au premier trimestre. Sur les premiers mois de l'année, 67.603 journées ont ainsi été perdues au seul niveau local.

Sur les 99.920 jours totaux de grève du 1 er semestre, 80 % restent liés à la réduction du temps de travail et aux réorganisations qu'elle implique.

- la réduction du temps de travail a parfois conduit à un rétrécissement global des plages horaires d'ouverture au public

Cette évolution qu'ont pu parfois constater, à regret, nombre d'élus et d'usagers, est regrettable car contraire tant aux besoins de la société qu'au principe d'accessibilité du service public ;

Les résultats des récentes élections professionnelles à La Poste, tenues il y a quelques jours, montrent d'ailleurs une progression des syndicats les plus contestataires.

- la réduction du temps de travail a sans doute bridé la croissance de l'activité

Le différentiel entre croissance réelle et croissance potentielle induit par le passage aux 35 heures sans aide de l'Etat n'est pas aisément mesurable , mais le principe de son existence est peu contesté. Le dernier rapport annuel de la Commission supérieure du service publique des postes et télécommunications 8 ( * ) soulignait ainsi ses interrogations, partagées par nombre d'experts, y compris internationaux, sur l'impact en termes de croissance de la réduction du temps de travail. Ce rapport indique pudiquement que : " Prenant en compte le caractère confidentiel des estimations de l'impact sur les résultats financiers et l'activité de l'entreprise, la CSSPPT insiste cependant pour que la mesure en soit faite dans sa globalité " .

Il est peu probable que cet appel soit clairement entendu par la tutelle de l'opérateur. Votre commission rappelle que certaines estimations officieuses chiffraient entre 1 et 2 milliards de francs le coût global supporté par La Poste au titre de la réduction du temps de travail. Ce point mériterait d'être éclairci ;

- enfin, la réduction du temps de travail n'a pas entraîné de hausse du niveau global de l'emploi à La Poste, comme l'ont indiqué le directeur général et le président de La Poste devant votre commission dès leur audition fin 1999. L'accord prévoit toutefois de compenser les départs naturels par des recrutements.

d) L'hypothèque des charges de retraites

Alors que la loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 a définitivement réglé la question de la charge des retraites des agents de France Télécom, l'article 8 du contrat de plan de La Poste ne prévoit qu'une solution transitoire qui laisse entière la question du règlement définitif de ce problème.

Malgré la stabilisation à laquelle s'est engagé, jusqu'en 2001, le Gouvernement, la charge contributive de La Poste au titre du financement des pensions des retraités reste très supérieure à celle de ses concurrents.

Compte tenu de la démographie des agents, la charge globale des retraites ne fera d'ailleurs que s'accroître dans les années à venir : l'âge moyen des personnels étant de 43,9 ans en 1999, le nombre de retraités devrait passer de 164.000 en 2000 à 245.000 en 2015 (+49 %), et le montant des prestations de retraite de 14,7 milliards de francs en 2000 à 22,2 milliards de francs en 2015.

B. UN ENVIRONNEMENT EN BOULEVERSEMENT RAPIDE

1. La projection mondiale des concurrents européens dans le colis et la logistique

Sans s'étendre trop longuement sur un sujet déjà bien exploré par les précédents travaux de votre commission, notamment grâce aux rapports d'information de notre collègue Gérard Larcher 9 ( * ) , président du groupe d'études sur l'avenir de La Poste, votre rapporteur rappellera brièvement le parcours spectaculaire effectué par certains opérateurs postaux européens.

Ainsi la réforme de la poste allemande, entreprise à compter de 1994, a reposé sur trois axes : transformation en société anonyme, réorganisation du réseau, évolution du statut du personnel. La loi postale du 1 er janvier 1995 prévoit l'entrée en bourse de la Deutsche Post , prévue pour intervenir dans les tout prochains jours. La poste allemande mettra ainsi environ le quart de son capital en bourse le 20 novembre, et devrait intégrer l'indice boursier DAX des valeurs vedettes de la bourse de Francfort. Cet opérateur est aujourd'hui un géant mondial, capable de racheter l'intégrateur DHL.

La poste allemande mène depuis 1998 une stratégie offensive de croissance externe, puisqu'elle aurait déboursé jusqu'à présent environ 50 milliards de francs pour sa politique d'internationalisation. Elle a multiplié les opérations d'acquisitions et de rachats partout en Europe, mais aussi aux Etats-Unis, l'une des dernières opérations de grande ampleur ayant été le rachat de la société américaine de transport de fret aérien Air Express International

Récemment, les deux compagnies allemandes Lufthansa et Deutsche Post ont annoncé officiellement le regroupement de leurs participations respectives dans DHL International, le spécialiste de la messagerie rapide. Cette alliance permet aux deux opérateurs de détenir ensemble 50 % du groupe. Lufthansa et la Poste allemande ont également annoncé leur intention de créer une filiale commune de logistique, nommée E-LOGIC, pour se développer dans le commerce électronique d'entreprise à entreprise, segment le plus porteur du commerce électronique.

DPAG a par ailleurs commencé à regrouper les entreprises rachetées au sein d'un réseau intégré de distribution paneuropéen qui soit commun à toutes ces entreprises, et qui soit structuré sous la marque unique " EURO EXPRESS ". L'enseigne Euro Express lancée le 1 er octobre 1999 par la poste allemande est destinée à englober lune offre complète de transport de colis (messagerie, express) dans les 19 pays d'Europe où la poste allemande est présente.

La politique de croissance externe de Deutsche Post s'accompagne d'une politique marketing forte. En effet, le groupe a adopté une nouvelle identité visuelle et changé d'appellation, puisqu'il a été rebaptisé " Deutsche Post World Net-Mail, Express, Logistics, Finance ", nom qui symbolise l'étendue de ses ambitions et de ses moyens.

La poste allemande bénéficie des marges financières que lui a procurées la hausse -contestée- du prix du timbre et du potentiel que lui réserve son introduction en Bourse. Peu transparente, offensive, elle fait aujourd'hui figure de géant européen, à dimension mondiale. Elle aurait dépensé 40 milliards de francs depuis 1998 pour sa croissance externe.

La poste hollandaise , TNT Post Group, a, elle aussi, conduit, ces quinze dernières années, un changement drastique mais consensuel , incluant privatisation, changement de statut des personnels, positionnement sur les marchés en croissance et accroissement de la rentabilité. En juin 1988, elle est devenue la première entreprise postale au monde à être cotée en bourse.

Présent dans plus de 200 pays avec près de 100.000 salariés, le groupe ne cesse de publier des résultats positifs. Entre 1993 et 19997, son chiffre d'affaires a été multiplié par trois. Né du rachat de l'intégrateur TNT par la poste néerlandaise fin 1996, le groupe a poursuivi son positionnement sur les marchés en croissance (messagerie et logistique), par le rachat, fin 1998, de la société française Jet Services. Ces dernières années, ses opérations de croissance externe ont concerné plus de 25 entreprises de messagerie pour un montant supérieur à 15 milliards de francs.

Le Post Office britannique a, quant à lui, acquis en 1999 deux sociétés allemandes, le réseau de messagerie German Parcel et le messager express Der Kurier, et vient de racheter au début de cette année l'américain Citipost Group. En France, le Post Office a racheté la société CRIE, spécialisée dans les envois express de courrier en France et à l'international, et plus récemment la société de messagerie Extand, filiale de Géodis.

Au début de l'année 2000, le Post Office a créé une joint-venture avec la poste néerlandaise et Singapore Post, qui aura un champ d'action mondial en se concentrant sur le traitement du courrier international des entreprises. La création d'un partenariat commercial associant deux postes européennes à un partenaire asiatique -d'ailleurs complémentaires sur le plan de leur développement- illustre les enjeux liés à la mondialisation des marchés postaux ainsi que ceux inhérents à un développement plus général du marché global des services de la logistique.

Ce partenariat commercial, s'il devait aboutir à un rapprochement plus significatif de ces deux postes, se traduirait à terme par une nouvelle configuration du paysage postal européen, à l'image de la structuration des alliances aériennes, sur une base tricontinentale.

2. La révision de la directive postale : une échéance qui aurait dû être anticipée

a) Un sursis qui n'a pas été mis à profit

La directive 97/67/CE du 15 décembre 1997 concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté n'a que très partiellement ouvert le secteur à la concurrence.

En effet, une initiative conjointe du Président Chirac et du Chancelier Kohl au sommet de Dublin, en décembre 1996, avait permis d'endiguer la volonté d'ouverture immédiate de certains autres Etats membres.

Votre commission s'en était félicitée, considérant que La Poste devait être préparée au choc concurrentiel.

Mais la question de l'ouverture accrue à la concurrence n'était que repoussée, la directive prévoyant sa propre révision, selon un calendrier dont elle fixait les échéances :

- à la suite d'une évaluation - qui n'a pas été menée- la Commission européenne devait présenter, pour le 31 décembre 1998, une proposition concernant la poursuite de l'ouverture du marché postal, en vue notamment de libéraliser le courrier transfrontière et le publipostage et de revoir à nouveau les limites de prix et de poids des services " réservés " ;

- le Conseil et le Parlement devaient se prononcer sur cette proposition avant le 1 er janvier 2000 ;

- les mesures décidées devaient entrer en vigueur le 1 er janvier 2003.

L'élaboration de la proposition par la Commission a été retardée par la démission de la Commission précédente le 15 mars 1999, ainsi que par la nécessité, pour le nouveau Collège, de réexaminer la question. Aussi est-ce le 30 mai 2000 que la Commission a formulé ses propositions, matérialisées par une proposition de directive publiée en juillet, modifiant celle de 1997 .

Ce sursis, obtenu de justesse en 1996, par une implication personnelle du chef de l'Etat, n'a malheureusement pas été mis à profit pour préparer La Poste au choc concurrentiel à venir. Ce manque d'anticipation des évolutions prévisibles du secteur postal risque de coûter cher à l'opérateur public.

Dans d'autres pays, les évolutions en matière d'ouverture des marchés ont été plus rapides.

Sept Etats membres sont à plusieurs égards allés plus loin que ne le prévoyait la directive postale de 1997. Ainsi, il n'existe pas de monopole postal en Suède ni en Finlande. En Allemagne, aux Pays-Bas, en Espagne, en Italie et au Danemark, le domaine " réservé " à l'opérateur historique est déjà plus réduit que le maximum prévu par la directive (350 grammes). En Allemagne, la limite en vigueur actuellement est de 200 grammes pour le courrier ordinaire et de 50 grammes pour le publipostage. Aux Pays-Bas, le publipostage ne fait pas partie du domaine réservé et la limite de poids et de prix de ce dernier est de 100 grammes. En Espagne, le courrier interurbain et le publipostage sont intégralement libéralisés. En Italie, le publipostage est également ouvert à la concurrence.

Alors que le marché français est le deuxième d'Europe, alors que La Poste est appelée à jouer un rôle significatif en Europe, les évolutions françaises ont été beaucoup plus lentes.

Or, la Commission propose de franchir une nouvelle étape dans la libéralisation du marché.

b) Une proposition d'ouverture accrue, programmée en deux étapes

Sans préjudice de la liberté des Etats-membres à libéraliser plus rapidement leur marché, la proposition de directive de la Commission prévoit la poursuite de l'ouverture à la concurrence en deux nouvelles étapes. La première, qui devrait entrer en vigueur le 1 er janvier 2003 , consisterait en un abaissement général des limites de poids et de prix actuelles pour les services qui peuvent continuer à être réservés (c'est-à-dire exercés sous monopole) parallèlement, toutes les limites de poids et de prix seraient supprimées en ce qui concerne le courrier transfrontalier sortant et le courrier express.

L'étape ultérieure, pour laquelle la décision devrait intervenir au 31 décembre 2005 au plus tard, prendrait effet au 1 er janvier 2007 ; il s'agirait d'une nouvelle restriction des droits exclusifs encore accordés aux prestataires du service universel conformément à l'article 7 de la directive, conservés dans la seule mesure où cela est strictement nécessaire au maintien du service universel. L'ampleur de cette nouvelle avancée devra être déterminée par le Parlement européen et le Conseil le 31 décembre 2005 au plus tard, sur proposition de la Commission présentée avant le 31 décembre 2004, au terme d'un réexamen du secteur portant sur le maintien du service universel postal dans un contexte concurrentiel.

Si les propositions de la Commission étaient acceptées, ce seraient plusieurs milliards de francs supplémentaires de chiffre d'affaire de La Poste qui seraient mis en concurrence.

c) Des premières réactions qui laissent présager une négociation serrée

Un premier échange de vues sur les propositions de la Commission a eu lieu lors du Conseil Télécommunications du 3 octobre. Ce premier tour de table a surtout permis aux Etats-membres de se " positionner " en vue de la négociation à venir.

Mais la négociation risque d'être difficile, certains Etats souhaitent l'ouverture et d'autres la modérer.

Certains Etats n'ont pas fait mystère de leur désir d'accélérer la libéralisation, souhaitant aller au delà des propositions de la Commission

Il s'agit de l'Allemagne , des Pays bas , de la Suède et de la Finlande .

Il faut dire que ces Etats sont tous déjà préparés à une concurrence déjà largement effective chez eux.

Comment ne pas regretter, sur un plan politique, que l'axe franco-allemand, moteur de la construction européenne, sur lequel avait reposé le compromis de Dublin en 1996, se trouve désormais rompu en matière postale?

Certains autres Etats membres jugent quelque peu excessive l'ouverture proposée par la Commission

Si la Grèce et la France , par exemple, ont jugé inacceptables les propositions de la Commission, ces pays n'ont pas pour l'instant officiellement formulé de contre-proposition précise, bien que la présidence française travaille à l'élaboration d'un compromis. L'Espagne et le Portugal paraissent être sur la même ligne.

L'Italie a considéré que la limite de poids des services réservés devrait être fixée à 150 grammes au lieu de 50 dans la proposition de la Commission.

Les autres Etats membres n'ont pas encore fait part officiellement de leur position définitive

Ainsi en a-t-il été, lors du Conseil d'Octobre, du Royaume-Uni , qui incline toutefois vers une proposition médiane, proche de celle formulée par l'Italie (150 grammes).

Les négociations en vue du Conseil des ministres du 22 décembre 2000 s'avéreront donc sans nul doute difficiles, même si le Parlement européen pourrait être, dans cette négociation, un élément plus favorable que la Commission aux thèses du Gouvernement français.

Votre commission considère quant à elle préférable d'obtenir un accord au sein du Conseil sous présidence française, c'est-à-dire d'ici à la fin de l'année, plutôt que sous présidence suédoise.

Une indication pourrait être donnée par la position officielle des opérateurs postaux -qui n'est pas celle des différents Gouvernements, même si elle s'en rapproche forcément-. Ainsi, dans un communiqué de presse de l'association PostEurop du 22 mai dernier, dix postes ont demandé à la Commission " d'user de prudence et de circonspection " dans la libéralisation ultérieure du marché. Ce " groupe des dix " comprend les postes française, grecque, italienne, portugaise, luxembourgeoise, mais aussi belge, anglaise, autrichienne, danoise et irlandaise. Si ces entreprises étaient suivies par leurs gouvernements respectifs, un accord politique serait envisageable autour d'une position médiane entre le seuil actuel et la proposition de la Commission.

Votre commission souhaite qu'un compromis satisfaisant puisse être trouvé d'ici au Conseil du 22 décembre, tant sur le périmètre des services réservés que sur la définition des " services spéciaux " ou le calendrier ultérieur de libéralisation. Elle estime que l'élaboration d'un éventuel accord ne dispense pas pour autant le Gouvernement d'entamer une réflexion sur l'évolution du cadre législatif postal français.

C. UNE RÉACTION POLITIQUE S'IMPOSE

1. La Poste reste fragile

Votre commission travaille depuis maintenant plusieurs années à la prise de conscience, qu'elle estime insuffisante de la part de l'opinion et des pouvoirs publics, de la fragilité de La Poste .

Une conception passéiste, liée, il est vrai, à un puisant lien affectif entre la nation et ce service public, prévaut toujours dans la mentalité collective.

Or, La Poste n'est pas immortelle . Ses métiers se transforment, ses marchés évoluent, les technologies changent, le paysage dans lequel elle opère se bouleverse, ses partenaires d'hier sont aujourd'hui des concurrents actifs.

Votre rapporteur ne citera, sous forme d'interrogation, que quelques-uns des points de fragilité de l'opérateur postal.

Le coût du réseau est-il soutenable ?

La présence de La Poste sur le territoire, à laquelle les élus et les Français sont si attachés, a un coût.

17.071 points de contact, dans 11.000 communes, 40.245 agents de guichet : c'est une présence séculaire de La Poste dans nos villes et nos villages que résument ces quelques chiffres.

Oui, mais...10.000 bureaux sont situés dans des communes de moins de 2.000 habitants, le réseau n'ayant presque pas évolué depuis la première guerre mondiale, 57 % des bureaux ne réalisent que 10 % du chiffre d'affaires, alors que les 1.300 bureaux les plus actifs (8 % du réseau) réalisent la moitié de l'activité.

Oui, mais... 2.000 à 2.400 bureaux ont moins d'une heure d'activité par jour, 3.000 bureaux moins de 2 heures, alors que dans certaines zones urbaines, la densité postale est bien moindre.

Oui, mais...cette présence, décalée démographiquement, a un coût financé par l'opérateur . Le surcoût de la présence liée à l'aménagement du territoire est actuellement évalué à 3,8 milliards de francs par le Gouvernement, dont 527 millions au titre des zones urbaines sensibles.

L'abattement fiscal octroyé en compensation par la loi du 2 juillet 1990, évalué à 1,9 milliard en 1999, ne sera plus que de 1,0 milliards en 2003, compte tenu de la réforme de la taxe professionnelle, soit une baisse de 46 %.

Cette situation est-elle juste ? Est-elle soutenable dans un environnement concurrentiel ?

Le contrat de plan a prévu la constitution de commissions départementales de la présence postale territoriale pour faire évoluer le réseau postal. Il ressort des bilans d'activité de ces commissions, élaborés par les préfets, qu'en 1999, 73 réunions ont été tenues dans 50 départements, ce qui a conduit à des adaptations d'horaires dans 175 bureaux, sur 11 départements, à 24 jumelages dans 4 départements, à la création de 4 agences postales communales et à 9 fermetures dans 4 départements.

Ces chiffres amènent à s'interroger : les commissions départementales de la présence postale territoriale, dont nombre d'élus ont parfois pu constater les aléas de fonctionnement, sont-elles des leviers d'action à la mesure de l'enjeu ?

Le transport de la presse : une juste compensation ?

Le transport et la distribution de la presse sont pour La Poste un service obligatoire, dont son cahier des charges précise qu'il fait l'objet " d'une juste compensation financière " .

Mais le taux de couverture par des financements extérieurs des coûts assumés par La Poste avait été évalué en 1993 à seulement 28 % ! Aussi les accords dits " Galmot ", conclus en 1996, ont-ils, notamment, permis un accroissement de ce taux de couverture.

Cette couverture (58,4 %) est-elle désormais suffisante à l'heure où le marché postal s'ouvre de plus en plus à la concurrence ?

CHARGE FINANCIÈRE LIÉE AU TRANSPORT POSTAL DE LA PRESSE

en milliers de francs

1997

1998

1999

Coût global

7 387

7 424

7 461

Recettes et contribution de l'Etat

4 037

4 172

4 357

Solde à la charge de La Poste

3 350

3 252

3 104

Taux de couverture (2/1)

54,6 %

56,2 %

58,4 %

La fonction de bancarisation des plus démunis : un rôle enfin reconnu ?

La Poste assure, dans certains quartiers, notamment à travers la gestion du Livret A, une fonction sociale en matière financière qui n'est ni officiellement reconnue ni réellement compensée.

Avec la perspective de la facturation du traitement des chèques, elle pourrait recueillir un nombre croissant d'exclus de fait du système bancaire.

Aussi le Sénat a-t-il récemment adopté, lors de la discussion du projet de loi sur les nouvelles régulations économiques, dont votre rapporteur était rapporteur pour avis, un dispositif législatif instaurant un service de base bancaire, sur la proposition, notamment, de notre collègue Gérard Larcher et de votre rapporteur.

Votre commission souhaite que la mission d'intérêt général assurée par La Poste dans le secteur financier soit mieux reconnue et, le cas échéant, compensée.

La forme sociale de La Poste : un outil de modernisation ?

La Poste demeure l'établissement public qu'elle est devenue suite à la réforme Quilès de 1990, qui a fait franchir une première étape à ce qui était jusqu'alors l'administration des PTT. En particulier, La Poste ne dispose pas d'un capital social.

Cette forme juridique est-elle adaptée aux impératifs du temps présent ?

Votre rapporteur pour avis rappelle que les précédents rapports d'information de la Commission des affaires économiques et du groupe d'études sur l'avenir de La Poste s'étaient prononcés pour une transformation de La Poste en société à capitaux publics.

Votre Commission des Affaires économiques estime que l'ensemble de ces questions doit désormais être débattu globalement par la représentation nationale.

2. L'avenir du service public postal appelle un débat national autour d'une loi d'orientation postale

Depuis la publication du rapport d'information précité de notre collègue Gérard Larcher " Sauver la Poste : devoir politique, impératif économique " , en octobre 1997, votre commission ne cesse de réclamer la discussion d'une grande loi d'orientation postale qui assure l'avenir de La Poste et intègre les évolutions rendues nécessaires par le droit communautaire -et notamment par l'adoption de la directive du 15 décembre 1997 sur les services postaux communautaires, libéralisant partiellement le secteur-.

Le Gouvernement s'était, un temps, engagé à cette discussion.

Ainsi, au compte rendu des débats de l'Assemblée nationale du 2 février 1999, lors de la discussion du projet de loi d'orientation d'aménagement du territoire, figurent les propos suivants du ministre chargé de la Poste, tenus au sujet de l'amendement " de transposition de la directive postale " déposé par le Gouvernement :

" La Commission supérieure du service public a été consultée sur ce texte (...). Nous comprenons sa préoccupation, (...) que je sais partagée sur tous ces bancs, que puisse être examiné par le Parlement un projet d'ensemble se rapportant à ces questions du service public de La Poste .

C'est pourquoi, comme je l'ai indiqué à la Commission supérieure du service public des postes et télécommunications, j'ai proposé au premier ministre que le Gouvernement dépose, dans les prochains mois, un projet de loi qui donnera aux activités postales un cadre juridique complet et qui confortera ainsi la lisibilité d'ensemble de notre réglementation relative au service public. Il permettra, par ailleurs, de débattre largement -je pense que nous en avons besoin- du service public, de sa modernisation, de son encouragement par les pouvoirs publics et par le Gouvernement. "

On sait bien qu'il n'en a rien été, le Gouvernement demandant au contraire au Parlement de l'habiliter à finir de transposer par voie d'ordonnance la directive postale de 1997 !

Votre rapporteur pour avis renvoie sur ce sujet aux développements du rapport pour avis 10 ( * ) de notre collègue Ladislas Poniatowski sur l'examen du projet de loi n°473 d'habilitation du Gouvernement à transposer des directives par ordonnances, qui expose les motifs ayant conduit le Sénat à refuser une telle habilitation.

Votre Commission des Affaires économiques estime en effet qu'une loi d'orientation postale demeure nécessaire pour assurer l'avenir de La Poste.

CHAPITRE III -

LES TELECOMMUNICATIONS

A. LE DÉVELOPPEMENT CONTINU DU MARCHÉ DES TÉLÉCOMMUNICATIONS EN FRANCE

1. Une croissance très vive

Le marché des télécommunications connaît, en France, une croissance très vive. Ce secteur, qui compte plus de 155.000 emplois directs et qui investit chaque année plus de 36 milliards de francs, a en effet vu son chiffre d'affaire croître de 12,4 % entre 1998 et 1999, pour s'établir à 176 milliards de francs .

Si l'ensemble des segments du marché connaît une progression, c'est particulièrement le cas de la téléphonie mobile, mais aussi des services avancés, des liaisons louées et du transport de données, dont la progression en termes de chiffres d'affaires dépasse les 10 % entre 1998 et 1999.

La part de la téléphonie fixe dans le chiffre d'affaires total du marché diminue sensiblement au profit de celle de la téléphonie mobile, qui atteint 22,4 % du total du marché hors services d'interconnexion, contre 16 % en 1998.

Le tableau et le graphique suivants récapitulent les grands agrégats du marché des télécommunications :

LES TÉLÉCOMMUNICATIONS EN FRANCE

Chiffres d'affaires (millions de francs)

Variation

1998

1999

(%)

Téléphonie fixe

97 817

100 712

+ 3,0 %

Services mobiles

25 869

39 382

+ 52,2 %

Services avancés

8 986

10 357

+ 15,3 %

Services associés au service téléphonique 11 ( * )

3 655

3 635

- 0,5 %

Liaisons louées

9 502

10 709

+ 12,7 %

Transport de données

2 477

2 757

+ 11,3 %

Terminaux

8 062

8 247

+ 2,3 %

Ensemble

156 368

175 798

+ 12,4 %

Source : Art

Le marché se répartit donc désormais de la façon suivante :

Source : Art

a) Téléphone fixe : baisse des prix et croissance des accès Internet

En 1999, le volume total des communications fixes est d'environ 138 milliards de minutes (en progression de 6,2 % par rapport à 1998) pour un chiffre d'affaires de près de 101 milliards de francs (en progression de 3,0 % par rapport à 1998). La croissance en chiffre d'affaires est inférieure à la croissance en volume en raison d'une baisse du prix moyen des communications fixes de 7,0 % durant l'année 1999. Cette baisse est particulièrement sensible sur les marchés en forte concurrence comme les communications interurbaines (- 22,2 %) et les communications internationales (- 19,9 %).

L'évolution des données de marché de la téléphonie locale en 1999 est particulièrement intéressante : la forte croissance du volume des communications locales (+ 4,8 par rapport à 1998) recouvre deux tendances contradictoires : une baisse du volume des communications locales hors Internet (- 4 % en 1999) et une croissance forte des communications d'accès local à Internet (+ 153,2 % en 1999).

En ce qui concerne la publiphonie (243.000 publiphones en 1999, 231.000 à la fin du premier trimestre 2000), l'impact de la hausse de l'unité téléphonique des télécartes de 50 unités décidée en septembre 1998 s'est fait pleinement sentir en 1999 (augmentation de 16,4 % du prix moyen des communications au départ des publiphones) : du fait de cette hausse du prix moyen de la communication, la forte baisse du volume des communications au départ des publiphones (- 22,6 %) ne se répercute que partiellement au niveau du chiffre d'affaires (- 9,8 %).

Le nombre total de lignes en France reste stable (34,1 millions de lignes fixes). Le nombre d'abonnés à la sélection du transporteur (composition d'un préfixe pour acheminer ses appels par un concurrent de France Télécom) a fortement augmenté en 1999 et s'établit à près de 3 millions , ce qui démontre la vigueur de la concurrence sur le marché des communications longue distance et internationales.

De même, le nombre de cartes téléphoniques (cartes prépayées, cartes accréditives...) a quadruplé en 1999 par rapport à 1998, avec un nombre croissant d'opérateurs sur ce segment, pour un chiffre d'affaires de 1,7 milliard de francs en 1999.

La répartition des appels des postes téléphoniques fixes en 1999 est donnée par le graphique suivant :

Source : Art

Les communications nationales (hors communications fixes vers mobiles) demeurent prépondérantes dans le total des communications passées depuis les lignes fixes d'abonnés, représentant respectivement 64,8 % des revenus et 91,9 % des volumes.

Pour le premier trimestre 2000, les tendances observées en 1999 s'accentuent. Ainsi les communications d'accès à Internet augmentent fortement puisque le volume total de ces communications au 1 er trimestre 2000 représente déjà 41,9 % de celui de l'ensemble de l'année 1999 .

b) L'explosion de la téléphonie mobile

La téléphonie mobile représente déjà une part importante du marché téléphonique français. Elle compte pour 22,4% du chiffre d'affaires total du secteur. En outre, le nombre de minutes téléphonées est lui aussi en croissance, même s'il est encore inférieur à celui de la téléphonie fixe :

Source : Art.

La téléphonie mobile a donc poursuivi sa progression très rapide en 1999 puisque la croissance des volumes des appels sortants (c'est-à-dire composés depuis un mobile) a atteint 115,1 %. Le nombre d'abonnés à la téléphonie mobile a fortement augmenté en 1999 (+ 84 %) pour atteindre un taux de pénétration de 34,3 % de la population française en 1999. Le nombre d'abonnés fin 1999 s'élevait à 20,6 millions. Il est de 26.2 millions pour septembre 2000, soit un taux d'équipement de 43,6 % de la population française .

LES SERVICES MOBILES

Chiffres d'affaires (millions de francs)

Variation

Volumes de trafic (millions de minutes)

Variation

1998

1999

(%)

1998

1999

(%)

Téléphonie mobile

24 810

38 027

+ 53,3

9 968

21 444

+ 115,1

Source : Art

Notons que les cartes prépayées ont représenté les deux tiers des ventes de téléphonie mobile au premier semestre 2000.

Si la croissance observée devait se poursuivre sur le second semestre 2000, alors le marché français des mobiles pourrait atteindre 30 millions de clients fin 2000, soit un taux d'équipement de 50 %. Un français sur deux ! Certains analystes prévoient même qu'en 2000, le nombre d'abonnés au téléphone mobile pourrait dépasser le nombre de lignes de téléphone fixe (34 millions).

c) les autres services en forte croissance

Le chiffre d'affaires des services avancés (10,3 milliards de francs en 1999, 2,8 milliards au 1 er trimestre 2000) est en forte progression : + 15,3% entre 1998 et 1999. Il recouvre les numéros " libre appel " et les numéros à revenus partagés 12 ( * ) .

Le chiffre d'affaires de la vente d'annuaires , des services de renseignement (renseignements téléphonique ou annuaire électronique) et des recettes publicitaires liées aux annuaires est stable entre 1998 et 1999 :

LES ANNUAIRES ET RENSEIGNEMENTS

Chiffres d'affaires (millions de francs)

Variation

Chiffre d'affaires (millions de francs)

1998

1999

(%)

1 er trimestre 2000

Services associés au service téléphonique : annuaires renseignements, publicité dans les annuaires

3 655

3 635

- 0,5

687

Source : ART.

Le marché des liaisons louées (10,7 milliards de francs en 1999) et celui du transport de données (2,7 milliards de francs) ont augmenté de respectivement 12,7 % et 11,3 % en 1999. La croissance des liaisons louées est assurée par les entreprises, ces liaisons leur permettant de se relier directement au réseau d'un opérateur ou de relier leurs sites d'activité.

Le marché des terminaux d'équipements (8,2 milliards de francs) a quant à lui crû de 2,3 % en 1999.

Le marché de la fourniture d'accès à Internet (facturation d'abonnements à Internet ou de forfaits tous compris), quels que soient les réseaux d'accès (câble ou réseau téléphonique commuté) et les services associés à la fourniture d'accès à Internet (comme les recettes de publicité en ligne sur Internet, le commerce électronique et l'hébergement de sites) ont représenté, au 1 er trimestre 2000, un montant de 118 millions de francs . Les chiffres de 1999 ne sont pas disponibles.

Enfin, les services d'interconnexion , qui comprennent à la fois les recettes d'accès (liaisons de raccordement, colocalisations), les ventes de minutes entre opérateurs dans le cadre des accords d'interconnexion, les reversements engendrés par le trafic entre les réseaux fixe et mobile et les reversements d'opérateurs internationaux aux opérateurs français pour les appels aboutissant en France (appels internationaux entrants) ont représenté un marché de 28 milliards de francs en 1999. Le chiffre d'affaires de l'interconnexion a doublé entre 1998 et 1999, mais il comporte désormais les reversements entre les réseaux fixe et mobile de France Télécom alors qu'en 1998 une partie de ces flux n'étaient pas identifiés).

L'INTERCONNEXION

Chiffres d'affaires (millions de francs)

Variation

Volumes de trafic (millions de minutes)

Variation

1998

1999

(%)

1998

1999

(%)

Interconnexion et ventes de minutes en gros

14 015

28 186

+ 101,1

19 911

48 404

+ 143,1

Dont trafic international entrant

4 028

3 591

- 10,8

4 515

4 634

+ 2,6

Source : Art

d) Une évolution tarifaire contrastée

Sur le téléphone fixe , l'introduction de la concurrence s'est traduite, cela a déjà été évoqué, par une baisse significative des tarifs. Les nouveaux entrants détenaient en effet, d'après une estimation de l'ART, une part de marché d'environ 20 % sur l'ensemble des marchés effectivement ouverts à la concurrence à la fin de l'année 1999.

Aussi la baisse des prix a-t-elle été continue depuis trois ans . Pour la seule année 1999, la différence entre la croissance du marché en valeur et en volume fait apparaître une baisse du prix moyen des communications fixes de 7 %. Cette baisse est particulièrement sensible pour les communications interurbaines (- 22,2 %) et les communications internationales (- 19,9 %). L'ART indique 13 ( * ) que les prix des nouveaux entrants s'établissaient en moyenne, au mois de mars 2000, à 30 centimes la minute pour l'interurbain , soit plus de trois fois moins que le tarif de France Télécom en heure pleine. Le tarif moyen des communications nationales de France Télécom pour les ménages a lui-même baissé de 26 % entre janvier 1999 et mars 2000.

Les communications entre téléphones fixes et téléphones mobiles (dits " appels entrants ") constituent quant à eux une part croissante de la facture téléphonique des ménages : 13 % de la facture moyenne début 2000, contre 6 % en fin 1998.

Cette évolution résulte certes de l'augmentation du parc d'abonnés au téléphone mobile, qui génère des flux d'appels supplémentaires, mais aussi du niveau relativement élevé des prix de détail , inchangé depuis plusieurs années. Le prix moyen d'une minute de téléphone fixe vers un mobile s'établissait ainsi, en juin dernier, d'après l'ART, à 3,58 francs . En Europe, seuls l'Italie, le Portugal et la Grèce connaissaient, fin 1999, des prix égaux ou supérieurs à ceux pratiqués en France, même si la baisse de 20 % des tarifs opérée en juillet 1999 a ramené notre pays plus près de la moyenne européenne.

Sourc e : Art

Ce prix a toutefois vocation à baisser à compter du 1 er novembre. En effet, en vertu des autorisations dont ils bénéficiaient jusqu'alors, les opérateurs de téléphonie mobile déterminaient eux-mêmes le prix de détail des appels émis depuis un téléphone fixe vers un mobile et non l'inverse. Cette règle n'est pas commune à l'ensemble des pays européens, mais elle avait été retenue dès 1991 pour favoriser le développement de la téléphonie mobile.

Ce cadre réglementaire est en cours d'évolution. Le ministre chargé des télécommunications a modifié, en septembre dernier, les autorisations des opérateurs de téléphonie mobile de sorte qu'à compter du 1 er novembre 2000, les tarifs des appels entrants ne soient plus établis par les opérateurs mobiles, mais librement par chaque opérateur fixe acheminant un tel appel. France Télécom, par exemple, est appelée à présenter à l'homologation du ministre une proposition tarifaire pour les appels entrants, et ses concurrents à définir leurs offres en la matière.

D'autre part, c'est à compter de cette même date que les abonnés du téléphone fixe ont la possibilité de choisir leur opérateur fixe pour les appels vers les mobiles , soit via la présélection (opérateur choisi par défaut) soit en composant un préfixe à la place du 0.

En outre, la tendance à la baisse du prix des appels entrants pourrait être accentuée par deux décisions de règlement des différends que devrait rendre l'ART, qui portent respectivement sur le niveau des charges de terminaison d'appels nationaux et internationaux versés aux opérateurs mobiles.

En ce qui concerne les appels passés depuis les mobiles , qui sont en général tarifés selon un forfait, les prix ont baissé en 1999 pour tous les types de clients établis par l'ART (-14 % pour les forfaits d'une demi-heure en moyenne ; - 4% pour les forfaits une heure ; - 9 % pour les forfaits deux heures ; - 7 % pour les forfaits trois heures).

2. La mutation de France Télécom

France Télécom étant, de par la loi, une entreprise à capital majoritairement public, votre rapporteur rappellera brièvement ici les principaux résultats commerciaux et financiers de cet opérateur et insistera sur la rapidité de son évolution.

a) Une activité tirée par les mobiles et Internet

Les évolutions de l'activité de France Télécom en 1999 et du premier semestre 2000 reflètent les principales tendances du marché : les mobiles, les données et Internet deviennent les principaux moteurs d'une activité s'internationalise.

En effet, le chiffre d'affaires des mobiles en France à 17,1 milliards de francs, progresse de 47,4 % sur les six premiers mois de l'exercice 2000. Le résultat courant avant amortissements de ce segment d'activité progresse de 44,7 %, malgré la baisse de 20 % du tarif des appels entrants à compter du 1 er juillet 1999.

Les investissements corporels et incorporels de ce segment progressent de manière significative d'une année sur l'autre (ils sont multipliés par 2,6) en raison de l'augmentation du trafic des mobiles et des investissements destinés à améliorer la qualité du réseau.

Rappelons qu'Itinéris compte 11,7 millions d'abonnés fin juin, dont 41% d'abonnés à la formule " Mobicarte " (contre un peu plus d'un tiers fin 1999) et maintient sa part de marché à 48,1 %.

La téléphonie fixe en France qui regroupe la téléphonie classique, les données, l'Internet et l'audiovisuel, avec un chiffre d'affaires de 68,5 milliards de francs, au 1 er semestre 2000, demeure la première activité du groupe . Ce segment d'activité connaît une légère dégradation de son chiffre d'affaires (- 0,3%) et de sa rentabilité par rapport au premier semestre 1999, en raison de :

- l'effet des baisses successives du prix des communications, avec en particulier la baisse du prix des communications nationales de 20 % à compter du 3 avril2000 et la baisse du prix des communications nationales de 20 % à compter du 3 avril 2000 et la baisse de 10 % en moyenne du prix des communications internationales à compter du 6 mai ;

- la montée progressive de la concurrence (26,8 % du trafic longue distance fin juin) ;

- l'intensification des efforts de marketing.

Cette inflexion s'inscrit dans un environnement de croissance forte du trafic téléphonique global : pendant les six premiers mois de l'année, la croissance du trafic s'élève à 12 %, essentiellement imputable aux nouveaux usages que représente l'appel vers les mobiles (+ 58 % de progression sur six mois) et l'Internet (+ 84 %).

En matière d'accès à Internet , avec 1,4 million d'abonnés actifs à fin juin, soit un quasi doublement en un an, Wanadoo est le premier fournisseur d'accès en France. Son introduction en Bourse en juillet dernier devrait, en outre, lui conférer les moyens nécessaires à son développement. Par ailleurs, l'audience de ses différents sites progresse de plus de 60 % par rapport à la fin 1999, avec un nombre de pages vues de 12,6 millions par jour en juin 2000.

RÉSULTATS DU 1 ER SEMESTRE 2000 PAR SEGMENT D'ACTIVITÉ

Segment d'activité

1 er semestre 2000
en millions de francs

Variation %
1999/2000

Chiffre d'affaires

68 509

- 0,3 %

EBITDA 14 ( * )

26 578

- 6,1 %

Services fixes et divers France

en % du CA

39 %

-

Résultat opérationnel courant

15 250

- 5 %

Chiffre d'affaires

17 169

+ 47,4 %

EBITDA

5 678

+ 44,7 %

Mobiles en France

En % du CA

33 %

-

Résultat opérationnel courant

4 141

+ 69 %

Chiffre d'affaires

20 830

+ 124 %

International

EBITDA

2 636

-

en % du CA

13 %

-

Résultat opérationnel courant

- 1330

- 18,3 %

Source : France Télécom

Au total, le chiffre d'affaires consolidé de France Télécom (100,5 milliards de francs) progresse de 18,1% au premier semestre 2000, sous l'effet conjugué du développement de la téléphonie mobile en France et de l'expansion internationale du groupe.

L'EBITDA, indicateur de l'activité du groupe (résultat courant avant amortissements) s'élève à 34,9 milliards de francs au premier semestre, soit une croissance de 8,4 % par rapport au 1 er semestre 1999 ; cette progression est pour l'essentiel imputable à la croissance des mobiles en France et des activités internationales qui compensent la baisse de la rentabilité de la téléphonie fixe en France.

Le résultat opérationnel du groupe au premier semestre s'élève à 17,3 milliards de francs, soit une progression de 7,8 % par rapport au premier semestre 1999.

Le résultat net part du groupe s'établit à 25,0 milliards de francs. Hors plus-values de cession, il s'élèverait à 8,8 milliards de francs, soit une progression de 19,8 % par rapport au premier semestre de l'exercice précédent. France Télécom s'est en effet dégagée au cours des six premiers mois de l'an 2000 de certains actifs et notamment des 7,1 % qu'elle détenait dans le capital de Telmex et d'une tranche de 24,9 millions d'actions de Crown Castle, dégageant à cette occasion des plus-values de cession.

b) Un groupe en mutation rapide

Grâce à la réforme de son statut en 1996 et à la croissance d'un marché des télécommunications totalement libéralisé à cette date, le groupe France Télécom a accompli une mutation rapide. Ces évolutions ont parfois été heurtées, comme ce fut le cas des rapports avec l'ex-allié allemand Deutsche Telekom.

L'internationalisation croissante

Un temps contrariée, la volonté d'internationalisation du groupe a commencé à se traduire dans les faits au 1 er semestre 2000, particulièrement dans le secteur de la téléphonie mobile, au prix toutefois d'une sensible augmentation de l'endettement de l'opérateur.

Le chiffre d'affaires du segment d'activité " international " est plus de deux fois supérieur à celui du premier semestre 1999, passant à 20,8 milliards de francs, soit une progression de 124 % ; l'EBITDA " international " augmente aussi très fortement, passant à 2,6 milliards de francs, sous l'effet de modifications de périmètres comptables mais aussi de la progression sensible des performances des filiales européennes opérant dans le domaine des mobiles (Belgique, Roumanie, Danemark).

Le nombre d'abonnés mobiles à l'international atteint 5,8 millions (+ 63 %), dont 3,7 millions en Europe : il reflète le développement récent des réseaux en Belgique, en Roumanie, aux Pays-Bas et au Liban. Ce chiffre ne comprend pas les 7,2 millions d'abonnés à Orange, opérateur mobile anglais récemment racheté par France Télécom, non encore consolidés au premier semestre. En incluant Orange , France Télécom compte actuellement plus de 25 millions d'abonnés mobiles dans le monde. Aujourd'hui, le nombre de lignes fixes gérées par France Télécom en dehors de France s'élève à 4,2 millions (+ 160 %), dont 1,4 million en Europe. Quant au chiffre d'affaires réalisés dans les services d'information, il concerne pour une large part les filiales européennes de Wanadoo en Belgique, aux Pays-Bas et en Espagne. A la fin du mois de juin, France Télécom compte 600.000 clients actifs dans ce secteur, dont 500.000 en Europe.

S'agissant de Global One , jadis commune à France Télécom, Sprint et Deutsche Telekom et destinée à devenir la pleine propriété de France Télécom 15 ( * ) , son chiffre d'affaires s'accroît de plus de 10 % entre le premier semestre 1999 et le premier semestre 2000. Sa marge d'EBITDA, qui reste négative, s'améliore de 15 points. Le redressement de l'entreprise s'amorce avec un équilibre du résultat opérationnel attendu en 2002.

Conséquence de ces investissements, souvent coûteux, l'endettement net de France Télécom (153,8 milliards de Francs) a augmenté de 60,3 % par rapport au premier semestre 1999 : le ratio dettes sur fonds propres passe, sur la période, de 77 % à 107 % .

Au total, l'international représente désormais 20,3 % du chiffre d'affaires du groupe . Cette activité est principalement centrée sur l'Europe. L'opérateur français s'est enfin positionné sur le premier marché européen l'Allemagne, via une prise de participation dans l'opérateur mobile Mobilcom.

Le divorce avec Deutsche Telekom

Dans le cadre d'une alliance stratégique avec l'opérateur allemand, France Télécom avait acquis, en 1998, une participation de 2 % dans le capital de Deutsche Telekom, participation ramenée à 1,8 % suite à une augmentation de capital à laquelle France Télécom n'a pas participé. Une prise de participation réciproque de Deutsche Telekom avait eu lieu au capital de l'opérateur français.

Le " décroisement " des participations respectives de Deutsche Telekom et de France Télécom devrait s'opérer dans le cadre d'un accord tripartite entre l'entreprise française, son homologue allemande et KfW, l'entité publique qui porte l'essentiel de la participation de l'Etat allemand dans Deutsche Telekom. France Télécom vendra sa participation dans l'opérateur allemand à KfW entre le 15 décembre 2000 et le 31 janvier 2001 et rachètera ses actions détenues par Deutsche Telekom au plus tard le 31 janvier 2003 (cette date pouvant être anticipée si France Télécom le souhaite , à partir du 1 er janvier 2002).

L'entrée en bourse de Wanadoo

France Télécom a procédé, entre le 30 juin et le 13 juillet 2000, à la mise en bourse d'environ 10 % du capital de Wanadoo, société regroupant les activités Internet grand public du groupe .

Le prix de souscription des actions nouvelles pour l'offre à prix ouvert et pour le placement global a été fixé, le 18 juillet 2000, à 19,00 euros (soit 124,63 francs), à l'intérieur de la fourchette de prix indicative indiquée dans le prospectus préliminaire entre 17 et 20 euros.

L'offre définitive a porté sur 102 millions de titres, soit environ 10 % du capital de l'entreprise et s'élève donc à 1,9 milliard d'euros. Elle a été sursouscrite 16 fois par les investisseurs institutionnels et a attiré 1,6 million d'actionnaires individuels .

Cette offre a été réalisée sous la forme d'une augmentation de capital portant sur 97 millions d'actions nouvelles et 5 millions d'actions existantes : elle a été répartie de la manière suivante :

- un placement global destiné aux investisseurs institutionnels en France et en dehors de France , y compris aux Etats-Unis, qui a porté sur 43,2 millions d'actions, avant exercice éventuel par les banques chargées du placement de l'option de surallocation permettant l'acquisition d'environ 13,5 millions d'actions existantes. Sa répartition s'établit comme suit : 42 % en France, 18 % aux Etats-Unis et 40 % en Europe ;

- une offre à prix ouvert en France, réservée aux investisseurs individuels . Cette offre, qui portait initialement sur 36 millions de titres, a en définitive été étendue à 46,8 millions de titres, compte tenu de la forte demande émanant de cette catégorie. Ces titres supplémentaires ont été, comme prévu lors du lancement de l'opération, prélevés sur le placement global ; cette offre a été sursouscrite 5,6 fois.

Les actionnaires individuels de France Télécom, assurés d'être soit intégralement servis, soit deux fois mieux servis que les autres, ont activement participé à cette offre : ils représentent près de la moitié des actionnaires individuels de Wanadoo.

- une offre réservée au personnel du groupe France Télécom , portant initialement sur 10 millions de titres, a été étendue par France Télécom à 12 millions d'actions : plus de 80.000 membres du personnel ont souscrit à cette offre, soit un salarié sur deux.

Votre commission se félicite à nouveau du succès rencontré auprès des personnels, comme lors de la première et de la deuxième vente d'une tranche du capital de France Télécom sur le marché.

La filialisation des activités mobiles et le rachat d'Orange

Le montage juridique et financier permettant le rachat de l'opérateur mobile Orange par France Télécom se traduit notamment par :

la création d'une nouvelle filiale constituée en regroupant Orange, Itinéris et les autres activités mobiles de France Télécom à l'international, dont une partie du capital serait prochainement introduite en bourse (début 2001).

D'une augmentation de capital de France Télécom nécessaire aux transactions financières avec Mannesmann, qui dilue la participation de l'Etat au capital de l'opérateur public, pour la ramener à 54 %.

B. LE SERVICE UNIVERSEL DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

1. Le passage au nouveau système de financement

a) Contenu et coût du service universel

La loi de réglementation des télécommunications du 26 juillet 1996 affirme le principe du maintien d'un service public des télécommunications et organise la compatibilité de sa fourniture avec les objectifs de pleine concurrence. Elle en a ainsi précisé le contenu. Le service universel des télécommunications en est la principale composante, à côté des services obligatoires et des services d'intérêt général. France Télécom est l'opérateur public chargé, par la loi, du service universel.

Le service universel est défini comme la fourniture à tous d'un service téléphonique de qualité à prix abordable. Il assure l'acheminement gratuit des appels d'urgence, la fourniture d'un service de renseignements et d'un annuaire d'abonnés sous forme imprimée et électronique. Il garantit la desserte du territoire en cabines téléphoniques sur le domaine public. Le service universel prévoit des conditions tarifaires et techniques spécifiques, adaptées aux personnes qui rencontrent des difficultés d'accès au service téléphonique en raison de leur handicap ou de leur faible revenu. Son financement est partagé entre les opérateurs.

Le coût du service universel comporte cinq composantes :

le coût lié au déséquilibre de la structure courante des tarifs de France Télécom : cette composante, transitoire, couvre la phase de rééquilibrage des tarifs de France Télécom par rapport à ses coûts, déséquilibre supportable en situation de monopole mais incompatible avec la concurrence. Cette composante, nulle depuis le 1 er janvier 2000, était auparavant partagée -comme tous les autres coûts- entre les opérateurs à l'exception des opérateurs mobiles, exemptés en contrepartie d'engagements de couverture du territoire ;

le coût de la péréquation géographique , c'est-à-dire celui lié à la desserte du territoire et à l'accès de tous au téléphone à un même prix sur l'ensemble du territoire ;

les tarifs sociaux : il s'agit de la charge liée à l'obligation de fournir une offre de tarifs particuliers, destinée à certaines catégories de personnes, en raison notamment de leur faible niveau de revenu ou de leur handicap. A noter que leur mise en place est récente ;

la desserte du territoire en cabines téléphoniques ;

l'annuaire universel et le service de renseignements correspondant, qui n'ont toutefois pas encore vu le jour (cf. supra).

Le coût net du service universel des télécommunications est calculé par l'ART, puis constaté par le ministre. Il est notamment basé sur l'utilisation d'un modèle permettant de connaître le coût de la péréquation géographique, à partir de celui de la desserte des zones non rentables mais aussi de celui des abonnés non rentables dans les zones rentables. Ce modèle reflète le comportement d'un opérateur qui développerait un réseau téléphonique, à partir des zones les plus rentables, supposées être celles de plus forte densité démographique . Pour chaque catégorie de zones locales, un coût net apparaît dès lors que le coût supplémentaire encouru par l'opérateur pour desservir cette catégorie est supérieur aux recettes directes et indirectes retirées de la desserte de cette catégorie de zones locales.

La loi a prévu que le coût de la prestation de service universel, qui est supporté par France Télécom, soit partagé et financé de manière équitable entre l'ensemble des opérateurs de télécommunications et financé au prorata de leur trafic.

Depuis 1997, le coût du service universel est le suivant :

RÉCAPITULATIF DES ÉVALUATIONS
DU COÛT DU SERVICE UNIVERSEL

(en millions de francs)

Composantes du coût du service universel

1997

1998

1999

2000

prévisionnel

définitif

prévisionnel

définitif

prévisionnel

prévisionnel

Déséquilibre de la structure des tarifs de France Télécom

1756

(0,69 centime/mn)

1824

(0,68 centime/mn)

2242

(0,8 centime/mn)

2038

(0,68 centime/mn)

16

(0,01 centime/mn)

0

Péréquation géographique
(zones non rentables + abonnés non rentables)

2634
(1,03 centime/mn)

2736
(1,02 centime/mn)

2717
(1892 + 825)
(1 centime/mn)

2159
(1295 + 864)
(0,72 centime/mn)

1550
(1444 + 106)
(0,47 centime/mn)

1446
(1288 + 158)

(paiement/le fonds)

Desserte du territoire en cabines publique

-

-

163

187

189

165

Tarifs sociaux

439

456

921

0

1105

1211

Annuaire et service de renseignements

-

-

0

0

0

0

Total

4829

5016

6043

4384

2860

2822

Source : Art

b) La résorption du " déficit d'accès " et le passage au nouveau système de financement

Depuis le 1 er janvier 2000, la composante du coût du service universel liée au déséquilibre de la structure des tarifs de France Télécom est nulle.

Ce " déséquilibre de la structure actuelle des tarifs téléphonique au regard du fonctionnement normal du marché ", dit " déficit d'accès ", résultait des tarifs imposés à France Télécom dans le cadre de l'ancien monopole, tarifs sciemment déséquilibrés : le tarif de l'abonnement était inférieur aux coûts correspondant, pour permettre au plus grand nombre de souscrire un abonnement au téléphone ; en contrepartie, les tarifs des communications longue distance et internationales étaient supérieurs à leur coût effectif et subventionnaient en quelque sorte abonnements et communications locales.

En raison de la nécessité, dans un régime de concurrence, d'établir les tarifs des services en fonction des coûts, la loi avait prévu un rééquilibrage progressif de ces tarifs, accompagné d'un dispositif de financement transitoire pour l'ensemble des acteurs du marché des coûts correspondants, dispositif complété par la mise en place de tarifs " sociaux " dans le cadre du service universel, pour permettre aux plus démunis d'avoir accès au téléphone malgré la hausse de l'abonnement. D'après la loi, les tarifs de France Télécom devaient être rééquilibrés au plus tard le 31 décembre 2000. L'article R. 20-32 du code des postes et télécommunications, dans sa rédaction issue du décret du 13 mai 1997 relatif au financement du service universel, avait évalué le tarif de l'abonnement mensuel de référence, c'est-à-dire le tarif correspondant à une structure rééquilibrée, à 65 francs hors taxes . Ce tarif était d'ailleurs inspiré des travaux du groupe d'experts présidé par M. Paul Champsaur.

La loi disposait également que, lorsqu'il aurait été constaté que ce déséquilibre était résorbé, un nouveau régime de financement devrait être mis en place : la composante de déséquilibre tarifaire et la rémunération additionnelle à la rémunération d'interconnexion qui avait été établie pour financer cette composante devait être supprimée et la totalité des charges du service universel financées par le biais du fond de service universel. La loi précisait que " le passage à nouveau régime de financement sera décidé, sur proposition de l'Autorité de régulation des télécommunications, après avis de la commission supérieure du service public des postes et télécommunications ".

Compte tenu, d'une part, de la hausse de l'abonnement de France Télécom de 56,38 francs à 64,68 francs hors taxes intervenue le 1 er mars 1999, et, d'autre part, des multiples baisses de tarif intervenues depuis 1996 sur les consommations longue distance et internationales de l'opérateur public, l'Autorité de réglementation des télécommunications a considéré que la structure des tarifs téléphoniques était désormais rééquilibrée. Le 22 juin 1999, elle a proposé au Secrétaire d'Etat à l'industrie de mettre en oeuvre, à compter du 1 er janvier 2000, le nouveau régime de financement prévu à l'article L. 35-3 paragraphe II du code. Par arrêté du 29 septembre 1999, le passage au nouveau régime de financement du service universel (par le fonds de service universel des télécommunications) a ainsi été entériné .

Pourtant, une nouvelle hausse de 4,95 francs de l'abonnement mensuel hors taxes a été autorisée par le ministre , à compter de la mi-octobre, malgré l'avis défavorable de l'ART en mars 2000, jugeant, à cette date, que " la situation de France Télécom sur le marché local (...) -marché sur lequel l'opérateur est en situation de quasi monopole- est équilibrée ; que dès lors toute augmentation du prix de l'abonnement aurait pour seul effet une augmentation du profit de l'opérateur sur un marché en monopole et ne peut donc être acceptée en l'état actuel du marché ".

Le Gouvernement n'a pas suivi cette analyse et a quant à lui estimé que l'abonnement téléphonique ne couvrait pas l'ensemble des coûts correspondants de l'opérateur historique, alors qu'il avait préalablement, par ailleurs, accepté le basculement vers le nouveau système de financement du service universel censé intervenir une fois rééquilibrés les tarifs de France Télécom.

c) La mise en oeuvre des tarifs téléphoniques sociaux

La loi de réglementation des télécommunications a prévu que le service universel prenne en compte les difficultés spécifiques rencontrées dans l'accès au service téléphonique par certaines catégories de personnes en raison notamment de leur niveau de revenu ou de leur handicap. (article L.35-1 du code des Postes et Télécommunications).

La mise en oeuvre réglementaire -très tardive !- de ce principe législatif par le décret n° 99-162 du 8 mars 1999 relatif au service universel des télécommunications et modifiant l'article R. 20-34 du code des postes et télécommunications, a conduit à la mise en place d'un dispositif social, financé, cela vient d'être dit, par le biais du fonds du service universel, comportant deux volets, correspondant respectivement aux parties I et II de cet article :

- la " réduction sociale téléphonique " pour certains titulaires de minima sociaux ou invalides de guerre qui en font la demande : il s'agit en fait d'un abonnement à moindre coût ;

- la prise en charge de certaines dettes téléphoniques pour les personnes qui en font la demande, après instruction et avis d'une commission départementale présidée par le Préfet.

Le décret du 8 mars 1999 et l'arrêté du 10 mai 2000 ont fixé la réduction sociale téléphonique à 27,60 F HT, soit 33 F TTC, pour l'année 2000, soit un abonnement à 44,35 francs TTC par mois.

Deux opérateurs de télécommunications ont été autorisés à fournir cette réduction : France Télécom et Kertel. A la fin de juillet 2000, plus de 500.000 personnes avaient demandé le bénéfice de cette réduction à l'un ou l'autre des opérateurs.

Pour la prise en charge des dettes téléphoniques, ce dispositif a fait l'objet de deux arrêtés, du 14 juin 1999 et du 18 janvier 2000, fixant les enveloppes départementales disponibles et de deux circulaires aux préfets du 10 juin 1999 et du 28 février 2000. Au 31 mars 2000, 63 préfets de départements ont répondu à une enquête du ministère relative à la mise en oeuvre de ce dispositif :

- 40 avaient mis en place le dispositif, soit 63 % des préfets ayant répondu,

- 12 envisageaient de le mettre en place rapidement soit 19 %,

- 11 n'envisageaient pas de le mettre en place à court terme, soit 17 %.

A cette date, 3.640 dossiers avaient été traités par les départements appliquant les dispositions. 76 % des demandes avaient été acceptées, pour un montant de 1,29 millions de francs de dettes téléphoniques prises en charge.

Votre commission estime que l'inégale application, suivant les départements, des dispositions relatives à la prise en charge des dettes téléphoniques constitue une rupture d'égalité. Il incombe au Gouvernement de veiller à la mise en oeuvre effective de ces mesures par ses services territoriaux.

2. Un dispositif sous étroite surveillance communautaire

La mise en place, en France, d'un système de partage du coût net du service universel est suivie avec une attention particulière par la Commission, tant par la DGXIII en charge des télécommunications que par la DGIV en charge des questions de concurrence.

Dans son dernier rapport sur la mise en oeuvre de la réglementation en matière de télécommunications, la Commission estimait par exemple qu' " eu égard aux préoccupations du marché quant au fait que les régimes de financement du service universel constituent une entrave à l'entrée sur le marché , il faut une évaluation rigoureuse des coûts nets réels de la fourniture du service universel. "

La Commission relève, dans ce même rapport, que bien que neuf Etats-membres (Belgique, Danemark, Allemagne, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Autriche, Portugal) ont adopté des dispositions législatives prévoyant la création d'un mécanisme de financement du service universel, seuls deux de ces Etats (France et Italie) ont mis ces mécanismes en service. En outre, la France est le seul pays dans lequel un transfert de paiements ait eu lieu entre les opérateurs .

Dès 1998, la Commission européenne adressait d'ailleurs une lettre de mise en demeure au Gouvernement français concernant la transposition des directives européennes sur le service universel.

La Commission faisait observer que :

1. le caractère inéquitable de la charge de service universel pour l'opérateur qui en est chargé et la nécessité d'un système de partage des coûts du service universel n'auraient pas été établis par les autorités françaises ;

2. la mise en place d'un tel système dès 1997 n'aurait pas été entièrement justifiée ;

3. le calendrier du rééquilibrage tarifaire n'aurait pas été communiqué à la Commission ;

4. les critères d'évaluation fixés par la Commission pour les coûts du service universel n'auraient pas suffisamment été pris en compte.

Sur les mêmes fondements, la Commission a envoyé un avis motivé à la France au titre de l'article 226 du Traité, l'invitant à prendre les mesures requises.

Une réponse du Gouvernement en date du 3 décembre 1999 clarifie le calcul de la composante " tarifs sociaux " de ce coût et annonce la volonté du Gouvernement de prendre en compte, à compter de 2000, les avantages immatériels liés à la qualité d'opérateur chargé du service universel, qui doivent venir en diminution des coûts nets du service universel.

Malgré cette réponse, la Commission a considéré que nombre de griefs subsistaient. Elle a donc saisi la Cour de Justice d'un recours en manquement contre la France sur les points suivants :

- mise en oeuvre de mécanisme de compensation dès 1997 ;

- absence de mesure économique et comptable du rééquilibrage tarifaire ;

- caractères non objectifs, proportionnels et transparents de certaines composantes du coût du service universel ;

- non publication des contributions des différents opérateurs.

Le Gouvernement a indiqué à votre rapporteur que la réponse des autorités françaises était en cours d'élaboration.

3. Quelle évolution pour le service universel des télécommunications ?

a) Une évolution attendue depuis bientôt quatre ans : l'annuaire universel des télécommunications.

La loi de 1996 avait prévu, en contrepartie de l'ouverture à la concurrence, qui pouvait être une source de complexité accrue pour les abonnés par rapport au monopole, l'élaboration d'un annuaire rassemblant les coordonnées de tous les abonnés , quels que soient le réseau de télécommunications (fixe, mobile...) et l'opérateur choisis, ainsi que la fourniture d'un service de renseignements universel . Comme on l'a indiqué, cet annuaire et ce service faisaient même, de par la loi, partie du service universel des télécommunications.

La liste consolidée de l'ensemble des abonnés de tous les opérateurs, servant à établir cet annuaire, devait être, en vertu de la loi, gérée par un organisme indépendant . Cet organisme, juridiquement distinct des opérateurs, devait voir ses missions et ses critères de désignation précisés par un décret pris en Conseil d'Etat . Il était indiqué qu'il ne pouvait lui-même éditer d'annuaire universel, mais devait revendre la liste exhaustive des abonnés, à un prix orienté vers les coûts, aux éditeurs d'annuaires et notamment à France Télécom, chargé, par la loi, d'éditer un annuaire universel.

Pourtant, quatre ans après le vote de ces dispositions, il n'existe toujours pas en France d'annuaire rassemblant les coordonnées de tous les abonnés, alors que notre pays compte plus de deux dizaines de millions d'abonnés au téléphone mobile !

En 1998, deux ans après le vote de la loi, alors que le décret n'était toujours pas sorti -retard que votre commission avait d'ailleurs déjà largement condamné- une directive européenne a en effet quelque peu fragilisé l'édifice mis au point par l'article 8 de la loi du 26 juillet 1996, avant même que celui-ci n'entre réellement en vigueur, faute de décret.

En effet, l'article 6 de la directive 98/10/CE dite " ONP/téléphonie vocale " a établi que tous les organismes qui attribuent des numéros de téléphone doivent répondre à toutes les demandes " raisonnables " de cession de leurs listes d'abonnés , à des conditions qui soient équitables, orientées vers les coûts et non discriminatoires. Comme cela vient d'être dit, le droit français ne prévoyait que l'obligation pour les opérateurs de communiquer leurs listes d'abonnés à l'organisme gestionnaire de la liste nécessaire à l'édition de l'annuaire universel, et non à toute personne formulant une demande raisonnable.

Cette obligation communautaire prive l'organisme dont la création avait été envisagée par le législateur de la perspective de jouir de la gestion exclusive de la liste universelle, et l'expose à une concurrence éventuelle qui pourrait compromettre son équilibre financier. C'est pourquoi une modification législative doit être apportée afin, d'une part, de transposer en droit français les dispositions de l'article 6 de la directive 98/10/CE et, d'autre part, de supprimer la référence à l'organisme prévu à l'article L. 35-4 du code des postes et télécommunications. Tout éditeur aura la faculté de s'adresser à chacun des opérateurs pour obtenir communication de sa liste d'abonnés, en vue de publier un annuaire . En outre, France Télécom continuera d'être chargé d'éditer un annuaire universel et d'assurer un service de renseignement universel dans le cadre de ses obligations de service universel. L'opérateur aura la possibilité, pour remplir effectivement cette obligation, de s'adresser à chacun des opérateurs pour obtenir les listes d'abonnés nécessaires.

Interrogée à ce sujet, l'administration indique qu'un projet de texte modifiant la disposition concernée du code des postes et télécommunications aurait déjà été rédigé par les services.

La directive concernée figure d'ailleurs dans la liste des textes que le Gouvernement demande au Parlement de l'habiliter à transposer par ordonnances . Une analyse détaillée de ce sujet figure dans le rapport pour avis rédigé au nom de votre commission par notre collègue Ladislas Poniatowski.

Votre commission souhaite la modification rapide de ces dispositions, mais regrette qu'elle ne donne pas lieu, compte tenu de la méthode de transposition retenue par le Gouvernement, à un débat plus approfondi au Parlement.

b) Une évolution requise par le droit communautaire : la prise en compte des avantages induits.

Si être opérateur de service universel entraîne des coûts, cela peut générer également des effets positifs, notamment en termes de notoriété et d'image, qualifiés " d'avantages induits ".

La prise en compte de ces avantages induits n'est pas prévue explicitement par le décret du 13 mai 1997 relatif au financement du service universel. Or, la directive 97/33/CE du 30 juin 1997, relative à l'interconnexion dans le secteur des télécommunications prévoit que, dans le coût du service universel, doivent être pris en compte les avantages induits retirés par l'opérateur chargé de la fourniture du service universel.

D'ailleurs, l'ART avait indiqué, dans son avis sur le projet de décret relatif au financement du service universel que, dans le cadre du programme de travail pour la mise en oeuvre du décret : " la question des effets économiques induits et des avantages immatériels découlant de la fourniture du service universel sera (...) examinée ".

Des travaux ont d'ailleurs été engagés pour quantifier ces effets, quantifiés entre 200 et 550 millions de francs par des études commandées par l'ART.

La directive 97/33 figurant au rang des directives que le Gouvernement demande au Parlement de l'autoriser à transposer par ordonnances, il est probable que l'article L. 35-3 du code des postes et télécommunications régissant le mode de calcul des coûts du service universel sera révisé prochainement pour y inclure l'obligation fixée par la directive.

Votre commission regrette, là encore, que le choix d'une transposition par ordonnances ne réduise le débat sur cette question à sa plus simple expression.

c) Une évolution qui se fait attendre : le contenu du service universel des télécommunications.

Le législateur a prévu, en 1996, que le contenu du service universel des télécommunications soit, le cas échéant, complété au cours du temps. L'article L. 35-7 du code des postes et télécommunications inséré par cette loi, a même précisé le mécanisme devant conduire à l'extension du champ du service universel. Votre commission y avait d'ailleurs particulièrement veillé.

La loi indique ainsi que, " au moins une fois tous les quatre ans " -formulation destinée à donner une date butoir tout en préservant la possibilité d'agir avant ce terme-, le Gouvernement dépose au Parlement un rapport sur l'application du chapitre du code des postes et télécommunications consacré au service universel des télécommunications. Il est précisé que ce rapport peut proposer d'étendre le champ du service universel , en fonction des besoins de la société et de l'évolution des technologies.

En outre, sur proposition de votre commission , la loi a prévu que la première édition de ce rapport comporte un bilan de la couverture du territoire par les réseaux de radiotéléphonie mobile et fait des propositions pour couvrir " les zones faiblement peuplées du territoire " et " les routes nationales et autres axes routiers principaux " par au moins un service de radiotéléphonie mobile terrestre ou satellitaire. Le rapport est en outre chargé de préciser les moyens nécessaires pour atteindre cet objectif, notamment au moyen d'un investissement commun des différents opérateurs.

La loi a donc fixé un rendez-vous très précis pour faire évoluer le service universel des télécommunications. Votre commission déplore que le Gouvernement n'ait d'ailleurs pas respecté l'échéance de juillet 2000 fixée par le législateur pour le dépôt dudit rapport, dont la rédaction n'est encore, d'après les informations communiquées à votre rapporteur, qu'à ses débuts.

Deux sujets semblent devoir faire, dans cette perspective et compte tenu de l'évolution des technologies et des besoins de la société, l'objet d'un examen particulièrement attentif. Il s'agit, d'une part, de l'accès à Internet à haut débit et, d'autre part, -cela vient d'être évoqué-, de la couverture territoriale de la téléphonie mobile.

C. L'ÉVOLUTION CONTRASTÉE DU DROIT DES TÉLÉCOMMUNICATIONS

Alors que les technologies évoluent à un rythme très rapide, le cadre réglementaire français s'adapte de façon chaotique à ces mutations . Si certains sujets -tel l'accès à l'Internet à haut débit- ont récemment pu évoluer, d'autres restent en souffrance, parfois à cause de tergiversations politiques. Ainsi le Gouvernement est-il tenté de faire évoluer le droit en dehors du Parlement , compte tenu des positions parfois adoptées par sa majorité- on pense notamment au sujet du dégroupage de la boucle locale-, ou encore à faire purement et simplement l'économie du débat, avec la transposition par ordonnances des directives communautaires.

1. Une perspective d'avenir : la généralisation de l'Internet à haut débit

L'année 2000 va voir l'émergence et le développement de l'accès à l'Internet à haut débit, c'est à dire avec des bandes passantes larges, permettant la transmission plus rapide de signaux plus nombreux. Cet accès est essentiel pour le développement de nombreux services de la société de l'information.

Certes, la fourniture, depuis 1996, de connexions à Internet à haut débit est déjà juridiquement possible sur les réseaux câblés . Même si la situation juridique complexe issue du " plan câble " a, un temps, ralenti la commercialisation de tels services sur des réseaux appartenant à France Télécom mais exploités par ses concurrents, les arbitrages rendus par l'ART en la matière et la mise en vente progressive par France Télécom de ces réseaux ont contribué à rendre possible l'extension de tels services. Ainsi, d'après l'association des villes câblées, au 31 mars 2000, ce sont 63 844 16 ( * ) personnes qui étaient abonnées à Internet via le câble, contre 22 605 17 ( * ) abonnés au téléphone via le câble et 2,8 millions de personnes aux services de télévision câblée.

D'autres technologies vont désormais pouvoir être mobilisées pour les connexions à Internet à haut débit : c'est le cas des technologies " xDSL " mises en oeuvre sur le réseau téléphonique traditionnel, de la boucle locale radio et de la téléphonie mobile de troisième génération, deux technologies pour lesquelles des autorisations ont été ou sont en cours d'attribution dans notre pays.

a) Le déploiement des technologies " xDSL " sur le réseau téléphonique traditionnel

Une réelle avancée technologique

Techniquement, les technologies " xDSL " permettent, sur le réseau téléphonique commuté classique, fait de fils de cuivre, de faire passer, en quelque sorte " au dessus " des conversations téléphoniques analogiques classiques, des données numériques.

L'ADSL (Asymetric Digital Subscriber Line) est une des technologies de la famille xDSL, qui comprend plusieurs normes (le HDSL, le HDSL 2, le VDSL...) et qui est en constante évolution.

L'ADSL utilise les fréquences supérieures aux fréquences du réseau analogique (de 25kHz à 1,1 MHz), avec des techniques de codage et de modulations numériques complexes. Plus précisément, la bande passante disponible est divisée en sous-porteuses : une partie est dédiée au trafic remontant du client vers le réseau, l'autre au trafic descendant du réseau vers le client. Les débits offerts sont asymétriques. La norme spécifie des débits maxima : descendant (centre vers client), jusqu'à 8Mb/s, remontant (client vers centre), jusqu'à 640kb/s.

L'avantage principal de cette technologie est de pouvoir offrir des services de transmission des données à haut débit sur une infrastructure existante, donc sans nécessiter de travaux de génie civil.

Concrètement, le débit du réseau est significativement amélioré par rapport à une connexion à Internet " classique ", (avec un modem analogique) : la transmission est jusqu'à 70 fois plus rapide .

Un développement commercial à peine amorcé

C'est en 1998 que France Télécom a commencé l'expérimentation de cette technologie sur quatre sites (Noisy le Grand ; Rennes ; Le Mans et Nice). En 1999, son offre de connexion rapide à Internet au moyen de la technologie ADSL (" Netissimo " et " Turbo IP ") a reçu l'homologation tarifaire du ministre (le 12 juillet 1999) et a fait l'objet d'un développement commercial à compter du 3 novembre 1999, pour les six premiers arrondissements de Paris, Issy-les-Moulineaux, Vanves et Neuilly-sur-Seine.

Alors que France Télécom, encore titulaire d'un monopole de fait sur la partie terminale du réseau, annonçait la poursuite du déploiement géographique de son offre, pour la proposer, en 2001, dans 250 villes de France, un recours a été déposé auprès du Conseil de la Concurrence par des opérateurs concurrents afin d'assurer les conditions du développement de la concurrence sur un segment de marché (la boucle locale) encore largement dominé par France Télécom.

C'est ainsi qu'après avoir interrogé l'ART, le Conseil a enjoint, dans une décision du 18 février 20000, à France Télécom " de proposer aux opérateurs tiers, dans un délai maximum de huit semaines à compter de la notification de la présente décision, une offre technique et commerciale d'accès au circuit virtuel permanent pour la fourniture d'accès à Internet à haut débit par la technologie ADSL ou toute autre solution technique et économique équivalente permettant aux opérateurs tiers l'exercice d'une concurrence effective, tant par les prix que par la nature des prestations offertes ".

Le Conseil a en effet considéré que l'offre de France Télécom d'un service d'accès à haut débit à Internet constituait pour les clients finals et pour les fournisseurs de services une innovation porteuse d'un progrès incontestable, en termes de capacité de réseau et de rapidité d'accès, comme en témoignait d'ailleurs l'attente qu'elle suscite chez les usagers résidentiels et chez les professionnels d'Internet. Le Conseil a donc estimé que la mise en oeuvre de cette innovation, lorsqu'elle implique l'accès à des infrastructures détenues en quasi monopole , ne devait pas se faire dans des conditions telles qu'elle interdisait dans les faits aux autres opérateurs de télécommunications de commercialiser leurs propres services d'accès à haut débit à Internet , concurrents de ceux de l'opérateur historique. La restriction de concurrence intervenant au moment du lancement de l'innovation a été considéré par le Conseil comme revêtant un caractère " grave et immédiat " nécessitant l'adoption de mesures d'urgence permettant aux opérateurs tiers l'exercice d'une concurrence effective, tant par les prix que par la nature des prestations offertes.

C'est d'ailleurs la volonté de ne pas entraver le développement des technologies xDSL qui a conduit le ministre de l'industrie à préconiser le dégroupage de la boucle locale et le Gouvernement à prendre un décret en ce sens, qui devrait permettre, notamment, la généralisation d'offres concurrentes à compter de 2001.

S'agissant de France Télécom, en juin 2000, les offres de l'opérateur couvraient 60 communes représentant 11,5 millions d'habitants ; fin 2000 300 communes et 19 millions d'habitants devraient être couverts par cette technologie.

En ce qui concerne les nouveaux entrants, un groupe de travail sur le dégroupage a été établi en février 2000 à l'initiative de l'ART, qui a poursuivi ses travaux tout au long de l'année. Ceux-ci ont conduit à la mise en place d'un processus d'expérimentations à l'été 2000.

La première phase d'expérimentations a débuté le 3 juillet 2000 sur sept sites, tant à Paris qu'en province. 25 opérateurs se sont portés candidats pour expérimenter des technologies xDSL, 20 contrats expérimentaux ont été signés et 5 sont en cours de signature. 12 opérateurs ont déjà obtenu à titre expérimental un accès dégroupé au réseau, les problèmes constatés étant essentiellement d'ordre opérationnel.

La deuxième phase est mise en oeuvre depuis la fin septembre 2000. Trente sept opérateurs (25 opérateurs de la première phase plus 12 nouveaux opérateurs) se sont d'ores et déjà portés candidats pour réaliser des expérimentations sur un ou deux sites (Paris et province). 4 nouveaux sites expérimentaux, dont 1 site en zone rurale, compléteront les 7 sites ouverts pour la première phase. Cette deuxième phase devrait permettre de tester sur le terrain les différentes procédures opérationnelles définies dans le cadre des groupes de travail et pour les opérateurs de tester d'autres types d'équipements avec différents constructeurs.

Votre rapporteur pour avis estime que cette technologie doit être utilisée sans tarder. Le fait que l'ART ait été obligée d'émettre des " recommandations " pour sa mise en oeuvre montre que certains seraient tentés de faire traîner les choses, ce qui n'est pas acceptable.

b) L'attribution des licences de boucle locale radio

L'accès à Internet à hauts débits peut également se faire par l'installation d'une boucle locale radio, technologie qui permet aux opérateurs de télécommunications de raccorder directement, par voie hertzienne, des clients à leurs réseaux. L'introduction de systèmes de boucle locale radio constitue ainsi un enjeu majeur pour les télécommunications en France, en contribuant d'une part à l'ouverture d'une concurrence effective et durable sur la boucle locale et d'autre part à l'accès aux services à haut débit.

Elle constitue une solution attractive et innovante permettant de proposer des offres de téléphonie et de services Internet à hauts débits concurrents et complémentaires des moyens filaires actuels comme la fibre optique, le câble ou l'ADSL. Elle présente l'avantage d'une certaine souplesse de mise au oeuvre, requiert des investissements progressifs et permet une offre de gammes de services importante.

De nombreux pays européens ont engagé une procédure d'attribution de telles licences : Allemagne, Espagne, Irlande, Royaume-Uni, Pays-Bas, de même que les Etats-Unis. Le schéma d'attribution français est clairement orienté vers la fourniture de services à haut débit, qui semble aujourd'hui constituer le marché porteur pour ce type de réseau.

La quantité de spectre attribuée par opérateur est en effet relativement importante, notamment pour les hauts débits (2x112 MHz dans la bande des 26 MHz contre 2x56MHz en Allemagne). En outre, l'ensemble des licences attribuées en France permettront d'offrir des services à haut débit, ce qui n'est pas nécessairement le cas dans l'ensemble des pays (l'Irlande a par exemple choisi d'attribuer 4 licences haut débit et 4 licences bas débit).

Le calendrier européen d'introduction de cette technologie est indiqué ci-après :

CALENDRIER D'ATTRIBUTION DES LICENCES DE BOUCLE LOCALE RADIO
EN EUROPE AU 30 AVRIL 2000

Pays

Lancement de la procédure de sélection

Attribution des licences

Allemagne (2 soumissions)

1 ère étape : 10 juillet 1998

2 ème étape : 14 avril 1999

1 ère étape : septembre 1998

2 ème étape : 25 août 1999

Belgique

septembre 2000

NC

Danemark

2 étapes :

7 avril 2000-septembre 2000

Décembre 2000

Espagne

Octobre 1999

18 avril 2000

Finlande

NC

janvier 1999

France

30 novembre 1999

juillet 2000

Irlande

février 1999

septembre 1999

Italie

Consultation publique-novembre 1999

NC

Norvège

7 novembre 1999

mars 2000

Pays-Bas

juillet 2000

septembre 2000

Royaume-Uni

septembre 2000

NC

Suisse

8 mars 2000

NC

Source : DRS Group et ART NC : non communiqué

En France, un avis d'appel à candidatures a été publié le 30 novembre 1999, qui définissait les modalités et les conditions d'attribution des autorisations d'établissement et d'exploitation " d'un réseau ouvert au public de boucle locale radio pour le territoire métropolitain ", pour chacune des régions métropolitaines et pour les quatre départements d'outre-mer, soit au total 54 licences (2 nationales ; 44 régionales en métropole -soit 2 par régions- et 8 licences pour les départements d'outre mer).

La procédure de sélection a été instruite par l'ART pour le compte du ministre chargé des télécommunications, conformément à l'article L.33-1 du code des postes et télécommunications. Le Secrétaire d'Etat à l'Industrie a confirmé les choix de l'ART en attribuant des autorisations de boucle locale radio nationales et régionales à dix opérateurs, comme l'indique le tableau suivant :

CANDIDATS RETENUS POUR L'ATTRIBUTION
DES LICENCES DE BOUCLE LOCALE RADIO

Nom du candidat

Actionnaires

Licences obtenues

Belgacom France

Belgacom (100 %)

7 licences : Bretagne, Champagne-Ardenne, Nord-Pas-de-Calais, Basse-Normandie, Haute-Normandie, Pays de la Loire ; Picardie

BLR Services

LD Com (50,1 %) - Teligent France (40 %) - Artemis (9,9 %)

8 licences : Alsace, Bourgogne, Centre, Languedoc-Roussillon, Lorraine, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire, Picardie, Poitou-Charentes, PACA, Rhône-Alpes

Broadnet France

Broadnet Holding BV (90 %) - Axa (9,9 %)

14 licences : Alsace, Aquitaine, Bretagne, Centre, Ile-de-France, Languedoc-Roussillon, Lorraine, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de-Calais, Pays de la Loire, Picardie, Poitou-Charentes, PACA, Rhône-Alpes

Cegetel Caraïbes

Cegetel (85 %) - Media Overseas (12 %), AIS (3 %)

2 licences : Guadeloupe, Martinique

Cegetel La Réunion

Cegetel (100 %)

1 licence : La Réunion

Completel 1

Completel Europe (100 %)

4 licences : Auvergne, Corse, Franche-Comté, Limousin

Informatique Télématique 1

SPI (69,68 %) - Part'Com (6,08 %) - CDC Innovatech (2,03 %)

1 licence : Guyane

FirstMark Communications

FirstMark Communications Europe (34 %) - Suez Lyonnaise des Eaux (18 %) - Groupe Arnault (18 %) - Rallye (10 %) - Rothschild (10 %) - BNP Paribas (10 %)

1 licence : Métropole

Fortel

Prority Wireless BV (groupe UPC) (47,5 %) - Marine Wendel (47,5 %) - Sogetec (groupe NRJ) (5 %)

1 licence : Métropole

LandTel France

7 licences : Aquitaine, Bourgogne, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, Ile-deFrance, Limousin, Poitou-Charentes

Siris 1

Deutsche Telekom (100 %)

2 licences : Auvergne, Corse

XTS Network Caraïbes

XTS Network

3 licences : Guadeloupe, Guyane, Martinique

XTS Network Océan Indien

XTS Network

1 licence : La Réunion

1 Completel, Siris et Informatique Télématique s'étant désistés, les régions ou DOM correspondants feront l'objet d'un nouvel appel à candidatures.

Le montant des investissements prévus par les projets sélectionnés s'élève à 18 milliards de francs sur la période 2000-2004 ; 6.400 créations d'emplois sont envisagées par les opérateurs.

Votre commission déplore qu'à la suite du désistement, le 21 juillet 2000, de Completel et de Siris, suivis d'Informatique Télématique, deux régions (la Corse et l'Auvergne) se retrouvent sans opérateur régional de boucle locale radio et trois autres (Franche Comté, Limousin, Guyane) avec un seul opérateur régional. Ce résultat, peu en phase avec le souci d'aménagement du territoire censé orienter toute la procédure de sélection, a suscité certaines interrogations quant à la méthode proposée par l'ART et entérinée par le ministre.

En effet, la société Siris (filiale à 100 % de Deutsche Telekom), candidate pour l'ensemble des régions, a considéré que l'obtention de deux d'entre elles (Corse et Auvergne) n'était pas pour elle " un objectif suffisant ", d'après le communiqué diffusé par l'ART.

La société Completel, qui, à l'issue de la procédure de sélection, pouvait obtenir une licence dans quatre régions (Auvergne, Corse, Franche-Comté et Limousin), a préféré retirer ses candidatures, considérant notamment que " les objectifs de couverture qu'elle avait présentés pour ces régions n'étaient pas finalement compatibles avec ses prévisions financières ".

En outre, la société Informatique Télématique SA, qui pouvait obtenir une licence en Guyane, s'est elle aussi désistée.

Certes, comme l'a aussitôt fait remarquer l'Autorité, les deux opérateurs bénéficiaires d'une licence nationale de boucle locale radio (FirstMark et Fortel) ont des engagements de couverture qui leur imposent d'être présents dans toutes les régions métropolitaines . Ceci veut dire que chaque région métropolitaine bénéficiera, au moins, des services de ces deux opérateurs de boucle locale radio, auxquels viennent s'ajouter les opérateurs choisis sur une base régionale.

Il n'en demeure pas moins que la situation actuelle paraît éminemment regrettable à votre commission.

Souhaitons que le nouvel appel à candidatures (pour deux licences régionales en Corse et en Auvergne, ainsi que pour une en Franche-Comté, Guyane et Limousin) aboutisse rapidement à la sélection d'opérateurs aptes à fournir aux territoires concernés les services de télécommunications si utiles à leur développement économique. Après le lancement officiel de la procédure, par la publication de l'avis du ministre de l'industrie, le calendrier retenu est assez serré, puisque la date limite de dépôt des candidatures devrait être fixée au 15 novembre et la publication des résultats par l'autorité devrait intervenir le 30 janvier 2001 au plus tard.

Votre commission insiste pour que tout retard de déploiement puisse être évité : les candidats devraient être tenus de formuler des engagements de déploiement aux même dates d'échéance que celles prévues dans le cadre de la procédure initiale.

On ne peut que souhaiter un aboutissement rapide de cette phase de sélection.

c) L'appel à candidatures pour la téléphonie mobile de troisième génération

L'Internet mobile à hauts débits

Si le trafic écoulé aujourd'hui par les mobiles est essentiellement constitué par de la voix, cette situation devrait évoluer rapidement : le trafic de données sur les réseaux GSM 18 ( * ) devrait, d'après l'Association des opérateurs GSM, représenter 20 % du trafic d'ici 2002 et 50 % d'ici cinq ans.

Les messages courts, par exemple, qui représentent la forme la plus simple de transmission de données par l'intermédiaire d'un téléphone mobile, ont été au nombre de 230 millions à être échangés en France en 1999, contre 500 millions en Allemagne.

Ce mouvement va s'amplifier avec, dès 2000, la mise en service de la technologie GPRS (General Packet Ratio Service) sur les réseaux GSM, qui va permettre d'augmenter les débits de transmission accessibles à partir d'un mobile (jusqu'à 115 Kb/s contre 9,6Kb/s aujourd'hui).

Outre cet accroissement du débit, la diffusion du protocole WAP (Wirclen Application Protocol) qui adapte Internet à l'environnement mobile, va généraliser l'accès Internet depuis une téléphonie mobile.

Mais c'est surtout le déploiement des systèmes de troisième génération dits UMTS (Universal mobile Telecommunications System) qui offrent les plus grandes perspectives. Ces systèmes permettront d'offrir, via les téléphones portables, une large gamme de services à hauts débits intégrant la voix, les données et les images.

Par une décision du 28 juillet 2000, l'ART a proposé au ministre chargé des télécommunications les modalités et les conditions d'attribution des autorisations pour l'introduction en France métropolitaine des systèmes mobiles de troisième génération (3G).

Le Gouvernement a publié le 18 août 2000 l'appel à candidatures qui marque officiellement le lancement la procédure pour l'octroi de quatre licences de portée métropolitaine sur une durée de quinze ans. Chaque opérateur se verra attribuer la même quantité de fréquences, dans le cas précis 2 X 15 MHz.

La procédure de sélection des opérateurs se déroulera selon le calendrier ci-dessous :

18 août 2000

- publication de l'avis d'appel à candidatures

31 janvier 2001

- dépôt des dossiers de candidatures

- début de la sélection

- 28 février 2001, au plus tard

- publication de la liste des candidats et de leurs principaux actionnaires

31 mai 2001

- publication par l'Autorité du compte rendu et du résultat motivé de la sélection

30 juin 2001, au plus tard

- délivrance par le ministre chargé des télécommunications des autorisations à chacun des candidats retenus

juillet 2001

- premières attributions de fréquences aux opérateurs

Rappelons que la décision du Parlement européen et du Conseil en date du 14 décembre 1198 relative à l'introduction coordonnée dans la Communauté des systèmes mobiles de troisième génération prévoyait notamment que les Etats membres devaient la permettre de manière progressive sur leur territoire pour le 1 er janvier 2002.

Votre commission regrette que le Parlement n'ait pas été associé à l'élaboration de la procédure de sélection, qui a été considérée, à tort, comme un débat d'experts. Elle prend acte de l'engagement du Gouvernement de transmettre au Parlement les cahiers des charges des licences avant leur attribution.

Une méthode d'attribution " mixte "

Votre rapporteur pour avis ne reviendra pas sur les termes d'un débat qui semble désormais clos sur le mode de sélection à retenir pour l'octroi des licences de troisième génération, entre la proposition initiale de l'ART de la pure sélection sur dossier (méthode dite du " beauty contest ", le " concours de beauté " ou encore de la " soumission comparative "), ou celle des enchères, (censée, en théorie, aboutir à l'optimum économique s'agissant de l'attribution d'une ressource rare), méthode utilisée dans nombre de pays européens et ayant conduit, il est vrai, à faire peser sur les opérateurs des montants très importants.

En Europe, sept pays ont opté pour la mise aux enchères des licences (Royaume-Uni, Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Autriche, Danemark, Italie), d'autres pour la sélection sur dossier (Luxembourg, Finlande, Suède, Portugal, Islande et Espagne). A la clôture de la procédure allemande, le 18 août 2000, le montant cumulé des enchères atteignait dans ce pays le chiffre record de 330 milliards de francs.

La méthode finalement retenue en France est une méthode mixte, de sélection sur dossier avec versement d'une " redevance d'utilisation des fréquences " pour le moins conséquente (32,5 milliards de francs par licence).

Les candidats seront donc sélectionnés en France par la méthode de la soumission comparative, comme cela fut le cas pour la boucle locale radio. Cette méthode s'appuiera sur quatorze critères de sélection, répartis en trois volets : technique, commercial et financier. Chaque candidature fera l'objet d'une notation sur chacun de ces critères, déterminant une note globale sur 500 points. Les quatre candidats qui recevront les quatre meilleures notes globales se verront attribuer une licence.

Les critères majeurs sont les suivants :

- " ampleur et rapidité de déploiement du réseau " (100 points) ;

- " cohérence et crédibilité du projet " (100 points) ;

- " cohérence et crédibilité du plan d'affaires " (75 points) ;

- " offre de services " (50 points).

Ces critères correspondent aux objectifs de développement de nouveaux services et fonctionnalités et de couverture du territoire dans les meilleurs délais possibles.

Par ailleurs, des dispositions de l'appel à candidatures visent à assurer qu'il sera exigé des opérateurs la fourniture d'un service présentant réellement les qualités de la troisième génération, et de portée métropolitaine. Les engagements des candidats portant en particulier sur l'ampleur et la rapidité de déploiement du réseau , l'offre de services et la qualité de service, seront repris en tant qu'obligations dans leur autorisation.

D'autres dispositions visent à établir les conditions d'une concurrence effective et équilibrée entre les différents opérateurs appelés à évoluer sur le marché de la troisième génération. Ainsi, le ou les opérateurs 3G ne disposant pas d'ores et déjà de licence GSM pourront compléter leur couverture au cours des premières années de déploiement grâce à l'itinérance entre les systèmes 3G et GSM, dès lors qu'ils auront satisfait à des exigences préalables et minimales de couverture. Par ailleurs, le partage des sites sera favorisé et permettra aux opérateurs 3G ne disposant pas d'infrastructures mobiles en France d'accéder, de la même manière que leurs concurrents qui en disposeraient, aux sites existants.

Des redevances aux montants importants

Au nom de " l'occupation du domaine public hertzien " lié au développement des services de troisième génération mobile, l'avantage de l'attribution des fréquences pour les licences de troisième génération donnera lieu au paiement d'une redevance d'un montant total cumulé de 32,5 milliards de francs par opérateur. Ce montant se répartit en une première composante traduisant l'avantage immédiat lié à l'attribution de la licence et une seconde correspondant à la valeur d'usage du spectre des fréquences hertziennes publiques.

Le graphique suivant détaille le calendrier de paiement prévisionnel de ces redevances :

Source : projet de loi de finances

Notons toutefois que les montants sont exprimés en francs courants ; le montant de 32,5 milliards de francs par opérateur équivaut à environ 25 milliards de francs en valeur actualisée.

L'article 23 du projet de loi de finances pour 2001 fixe, comme indiqué ci-dessus, l'échéancier du paiement des redevances " au titre de l'utilisation des fréquences allouées ", somme dont le montant cumulé (130 milliards de francs) sera affecté, d'une part au fonds de réserve pour les retraites et, dans la limite de 14 milliards de francs pour chacune des années 2001 et 2002, à la Caisse d'amortissement de la dette publique.

2. Des avancées en demi-teinte : l'impossible modernisation du cadre législatif français ?

a) Les ratés de l'amendement " dégroupage "

Une volonté largement partagée : parachever l'ouverture à la concurrence des télécommunications

Depuis l'ouverture totale du secteur des télécommunications à la concurrence au 1 er janvier 1998, les acteurs se sont pour la plupart d'abord concentrés, outre le téléphone mobile, sur l'acheminement du trafic sur longue distance ou sur le marché des entreprises.

Le marché dit de la " boucle locale " (partie terminale du réseau entre le poste de l'abonné et le commutateur auquel il est rattaché, qui permet à l'opérateur d'accéder directement à l'abonné) est quant à lui resté sous le monopole de fait de France Télécom , malgré certaines brèches, comme des raccordements d'entreprises sur des boucles optiques, le développement très progressif de services téléphoniques et Internet sur le câble, ou l'expérimentation de la technologie des boucles locales radio.

Or, l'accroissement du trafic lié à Internet offre, sur ce marché, de fortes perspectives de croissance. En outre, l'utilisation des infrastructures locales existantes constitue une opportunité pour le développement de nouveaux services , comme cela a été dit ci-dessus en matière d'accès à Internet haut débit par les technologies xDSL, par exemple.

L'exercice d'une concurrence effective sur ce marché est donc rapidement devenue une préoccupation non seulement pour les opérateurs concernés et les principaux observateurs du secteur 19 ( * ) , mais également par les autorités intéressées (Commission, Conseil de la concurrence), pour l'ART et, plus récemment, pour le Gouvernement, longtemps réticent mais finalement conscient, -officiellement depuis septembre 1999-, de la nécessité de préciser le cadre réglementaire afin de permettre un large accès de nos concitoyens à de nouveaux services.

La technique proposée est celle du " dégroupage " de la boucle locale, qui consiste à permettre aux nouveaux opérateurs d'utiliser le réseau local de l'opérateur historique pour desservir directement leurs abonnés, contre une rémunération de ce dernier par les dits opérateurs. Ainsi, il n'y a plus d'obligation, pour les clients des opérateurs nouveaux entrants, de prendre un abonnement auprès de France Télécom pour accéder aux services de l'opérateur qu'ils ont choisi. Cette solution, qui rend effective la concurrence, est une alternative à la duplication du réseau existant par les nouveaux entrants, solution lourde à mettre en oeuvre et économiquement inefficace.

Un règlement européen en cours d'adoption devrait d'ailleurs imposer le dégroupage dans toute l'Union à compter du 1 er janvier 2001.

Contrairement à ce qui a été parfois affirmé, ou sous-entendu, cet accès direct peut être organisé dans des conditions telles qu'il assure une juste rémunération de l'opérateur historique et qu'il respecte les exigences de péréquation géographique entre les abonnés et de qualité du réseau.

Comme l'explique le rapport remis en Juillet 2000 par M. Pierre Fritz sur " le dégroupage de la boucle locale : comparaisons internationales " , nombre de pays ont déjà mis en oeuvre un tel accès direct à l'abonné, notamment les Etats-Unis, alors qu'une proposition de règlement de la Commission européenne avalisé lors du Conseil Télécom du 30 octobre dernier, tend à en faire la norme dans l'Union, d'ici au 1 er janvier 2001.

C'est dans ce contexte que le ministre chargé des télécommunications, M. Christian Pierret, annonçait, en septembre 1999, être convaincu de la nécessité d'introduire une telle possibilité pour les consommateurs français.

Chronique d'une mort annoncée : le rapport Montcharmont

Ce constat n'était pourtant pas unanimement partagé : outre la réticence de France Télécom, pour des raisons qui s'expliquent aisément, un rapport d'information du député Gabriel Montcharmont, au nom de la Commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale 20 ( * ) se déclarait " opposé [...] à l'autorisation du dégroupage du réseau de France Télécom et de tout autre réseau local de communication sans accord libre et préalable de son propriétaire ". Ce rapport estimait en effet que le dégroupage créerait " des conflits " -l'économie monopolistique est en effet par nature moins conflictuelle que l'économie de marché, mais doit-elle être préférée pour autant ?- et faciliterait " les stratégies d'écrémage du marché " .

Enfin, le rapporteur estimait que " l'adoption d'un amendement au projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire autorisant les collectivités locales à déployer des réseaux de fibres noires conduira, rapidement, à multiplier les offres de boucles locales alternatives qui permettront d'offrir des liaisons à hauts débits et seront très concurrentielles par rapport au réseau filiaire classique ", assertion pour le moins cocasse quant on connaît le contexte d'adoption (cf. ci-dessous) et le contenu de ces dispositions qui s'apparentent largement, compte tenu de la position adoptée par la majorité de l'Assemblée nationale, à une liberté en trompe-l'oeil ! Le Gouvernement s'est d'ailleurs déjà engagé à modifier les dispositions.

Le retrait de l'amendement " dégroupage " et le contournement du Parlement

Passant outre ce plaidoyer pro statu quo , le Gouvernement a déposé un amendement au projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques lors de la discussion en première lecture à l'Assemblée nationale, imposant à compter du 1 er janvier 2001 un accès à la boucle locale dans des conditions objectives, transparentes et non-discriminatoires, à des tarifs reflétant les coûts correspondants et permettant d'éviter une discrimination fondée sur la localisation géographique.

Mais sous la pression de certains députés de la majorité plurielle, le ministre de l'Industrie a finalement retiré cet amendement, qui n'a même pas été discuté malgré le souhait de certains députés socialistes de le voir adopté . Un texte identique, déposé par votre rapporteur ainsi que par nos collègues Xavier Pelchat et Alain Joyandet, lors de la discussion du projet de loi sur la communication audiovisuelle au Sénat, n'a pas connu de sort plus heureux lors de l'examen à l'Assemblée nationale du texte voté par le Sénat.

Aussi, est-ce par voie réglementaire (décret n° 2000-881 du 12 septembre 2000) que le dégroupage de la boucle locale a été introduit en droit français. Un règlement européen en cours d'adoption viendra prochainement consolider la base légale sur laquelle repose ce texte réglementaire.

Ce contournement du Parlement est très regrettable.

b) Les infrastructures passives des collectivités locales : un ouvrage encore sur le métier

Une liberté refusée aux collectivités locales

Depuis plusieurs années, de nombreuses collectivités territoriales se sont trouvées confrontées à une absence d'offres permettant, pour leurs administrés ou pour elles-mêmes, de réduire le prix des communications ou de répondre, dans des conditions raisonnables, aux besoins d'accès à des services de télécommunications à haut débit.

Aussi ont-elles parfois pris des initiatives en matière, notamment, d'équipement de leur territoire en infrastructures de télécommunications " passives " -infrastructures dites de " fibres noires "- installées par elles mais destinées à être exploitées par des opérateurs de télécommunications.

Le principe de telles initiatives, reconnu légitime par la Commission européenne, le Conseil de la Concurrence et l'ART, avait d'ailleurs été avalisé par une conférence de presse du premier ministre du 19 janvier 1999.

Afin de sécuriser juridiquement ces initiatives qui n'étaient pas explicitement prévues par le code des collectivités locales, lors des débats sur le projet de loi d'aménagement du territoire en 1999, proposé, à l'initiative de votre rapporteur, un dispositif législatif consacrant et encadrant cette intervention.

Les propositions, pourtant équilibrées, du Sénat se sont malheureusement heurtées, malgré le dépôt, par le Gouvernement, d'un amendement voisin de celui de votre rapporteur, à l'hostilité de certains députés, l'Assemblée nationale adoptant finalement un texte si confus et restrictif que la nouvelle liberté offerte aux collectivités locales est unanimement considérée comme un faux semblant .

Ainsi un intéressant article de doctrine relevait, dans l'" Actualité juridique - Droit administratif " de décembre 1999 21 ( * ) qu'" il n'est pas certain toutefois que le texte adopté le 6 mai 1999 soit à même de clore définitivement tout contentieux en la matière (...) " Pire, la loi n'aurait même rien apporté par rapport à la situation antérieure où, faute de base légale, la jurisprudence était restrictive et hésitante : " il n'est pas certain pour autant que l'état du droit ait évolué de manière substantielle depuis l'intervention des députés " .

Paradoxalement, la procédure définie par la loi pour mettre en oeuvre le principe de liberté d'action qu'elle affirme est d'ores et déjà apparue aux élus comme une restriction du champ de leurs interventions. C'est en tout état de cause ce qui ressort du bilan de l'application de l'article L.1511-6, confirmant ce que votre commission avait dénoncé dès l'adoption de ces dispositions par les députés.

L'article L.1511-6 du code général des collectivités territoriales prévoit en effet, la possibilité d'une telle mise à disposition d'infrastructures " dès lors que l'offre de services ou de réseaux de télécommunications à haut débit qu' [elles] demandent n'est pas fournie par les acteurs du marché à un prix abordable ou ne répond pas aux exigences techniques et de qualité qu' [elles] attendent ".

Le texte prévoit également " la mise en oeuvre d'une procédure " (non définie) " de publicité permettant de constater la carence et d'évaluer les besoins des opérateurs " et limite à une période de huit ans la durée d'amortissement des investissements prise en compte pour évaluer le prix de la location (contre plus du double en général dans le secteur privé). Parallèlement, il exclut la possibilité pour les collectivités de devenir opérateur de télécommunications.

Le moins que l'on puisse dire est que ce dispositif législatif, dont l'interprétation est complexe, mérite d'être précisé !

On peut d'abord s'interroger sur le contenu exact de la notion de " carence " de l'initiative des opérateurs mise en avant par l'article L.511-6, dont la mise en oeuvre pratique est difficile.

Ensuite, la procédure de publicité " ad hoc " à mettre en oeuvre peut légitimement susciter des interrogations de la part des élus. Il conviendrait à tout le moins d'en préciser les objectifs et la nature.

Enfin, la limitation à 8 ans de la période d'amortissement des investissements prise en compte pour la fixation du tarif de location constitue une mesure exorbitante du droit commun ; elle est ressentie pas les élus comme une contrainte supplémentaire, qui limite de fait les initiatives des collectivités en augmentant artificiellement le prix de location. En effet, le coût d'installation des fibres noires est constitué, pour l'essentiel, du coût des travaux de génie civil, amortis sur une durée beaucoup plus longue.

Un Gouvernement tardivement rallié aux propositions du Sénat

Présentant cette proposition comme une avancée majeure vers la société de l'information -alors qu'il s'agit d'un simple retour à la case départ : celle des propositions du Sénat-, le Comité interministériel sur la société de l'information du 10 juillet dernier a proposé de modifier l'article L. 1511-6 dans le futur projet de loi sur la société de l'information en supprimant l'obligation d'amortissement sur une durée maximale de huit ans et la mention du constat d'une éventuelle carence. Votre rapporteur regrette que le Gouvernement ne se propose pas de préciser la procédure de " publicité " imposée par ledit article.

En conséquence, il est indiqué dans le relevé de conclusions du comité interministériel que " le Gouvernement propose une nouvelle rédaction, plus ouverte, de l'article L.1511-6 ". Que ne s'est-il rallié, en 1999, à cette position, défendue par le Sénat !

c) Un débat introuvable : la taxe professionnelle de France Télécom

Votre commission pour avis demande depuis plusieurs années que la taxe professionnelle de France Télécom soit versée aux collectivités locales et non à l'Etat, hélas sans succès.

Pourtant, chaque année depuis l'examen, en juin 1996, d'un amendement de votre rapporteur en ce sens, le Gouvernement donne des " assurances " et indique que le projet de loi de finances de l'an prochain serait l'occasion d'envisager un transfert conforme à la décentralisation et à l'autonomie des collectivités locales. Le système actuel, hérité de la loi du 2 juillet 1990 sur l'organisation du service public de La Poste et des télécommunications, est manifestement inadapté à l'existence d'un secteur désormais libéralisé et pourrait même entraîner des distorsions de concurrence défavorables à l'opérateur public.

Diverses solutions transitoires et divers systèmes ont été proposés par le Sénat, parmi lesquels :

- effectuer un transfert pur et simple au bénéfice des collectivités d'implantation ;

- affecter le produit de cette taxe pour moitié aux collectivités d'implantation des établissements de l'opérateur et pour moitié à la péréquation nationale de la taxe professionnelle ;

- affecter une partie de ce produit à un fonds géré paritairement entre l'Etat et les élus, permettant de compenser le surcoût occasionné à La Poste par sa contribution à l'aménagement du territoire.

A l'heure où l'autonomie fiscale des collectivités locales est menacée par les réformes fiscales unilatéralement décidées par l'Etat, le retour à la normale pour le versement de la taxe professionnelle de France Télécom s'impose plus que jamais.

d) Le Parlement contourné : la transposition de directives par ordonnances

Ce ne sont pas moins de neuf directives relatives aux télécommunications qui sont concernées par l'habilitation demandée par le Gouvernement à transposer ces textes par ordonnances.

L'appréciation qu'il faut porter sur une méthode aussi expéditive a été remarquablement exprimée lors de la discussion du projet de loi n° 473, par le rapporteur au fond de la Commission des Lois, M. Daniel Hoeffel, ainsi que par celui de la Commission des Affaires économiques, notre collègue Ladislas Poniatowski.

Votre commission regrette que des sujets tels que l'évaluation du coût du service universel des télécommunications ou encore la mise en place de l'annuaire universel des télécommunications ne fassent pas l'objet d'un débat au Parlement.

Votre rapporteur sera particulièrement attentif aux dispositions qui seront proposées à la ratification du Parlement.

3. Un chantier pour l'avenir : la révision des directives européennes sur les télécommunications

La Commission européenne a adopté le 12 juillet dernier un " paquet " de propositions qui a pour but de moderniser le cadre réglementaire actuel des télécommunications. Huit textes ont au total été proposés, qui remplaceront les 28 textes actuellement en vigueur. Sept textes devront être examinés selon la procédure de la codécision entre le Conseil et le Parlement européen.

Les propositions sont les suivantes :

- une directive-cadre pour les réseaux et services de communications électroniques, qui abroge 7 directives en vigueur et 2 décisions et fixe les dispositions " horizontales " du nouveau cadre réglementaire ;

- une directive relative à l'autorisation de réseaux et de services de communications électroniques, qui vise à harmoniser les règles concernant l'autorisation de fourniture de ces services, aujourd'hui différentes dans les Etats membres ;

- une directive relative à l'accès aux réseaux de communications électroniques et aux ressources associées, ainsi qu'à leur interconnexion, qui établit un cadre pour les accords relatifs à l'accès et à l'interconnexion dans l'ensemble de l'Union européenne ;

- une directive concernant le service universel et les droits des utilisateurs, qui reprend et renforce les textes existants en la matière ;

- une directive concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques, qui met à jour la directive actuellement en vigueur afin de garantir sa " neutralité technologique " et la couverture des nouveaux services de communications ;

- un règlement relatif au dégroupage de l'accès à la boucle locale , qui rendra obligatoire, dans toute l'Union européenne, au plus tard le 31 décembre 2000, l'accès totalement dégroupé et l'accès partagé à la paire torsadée de cuivre des opérateurs puissants sur le marché. Comme il a déjà été dit, ce règlement a fait l'objet d'un accord de principe unanime des Etats membres au Conseil Télécom du 3 octobre ;

- une décision relative à un cadre réglementaire pour la politique en matière de spectre radioélectrique dans la Communauté européenne, qui établit un cadre politique et juridique dans la Communauté afin d'harmoniser l'utilisation du spectre radioélectrique ;

- et une directive relative à la libéralisation du secteur , qui consolidera les directives existantes, prise par la Commission en application de ses compétences propres en matière de règles de concurrence.

Le nouveau cadre réglementaire proposé par la Commission vise à :

- simplifier et clarifier le cadre réglementaire actuel : le nombre d'instruments législatifs est divisé par trois et les règles sont allégées pour faciliter l'accès au marché ;

- assurer une transition progressive de la réglementation sectorielle vers le droit communautaire de la concurrence : la nouvelle réglementation s'applique essentiellement aux opérateurs considérés comme dominants selon le droit communautaire de la concurrence ;

- soumettre les services concurrents ou substituables à des règles semblables et indépendantes de la technologie mise en oeuvre pour leur fourniture ;

- maintenir les obligations de service universel afin d'éviter tout phénomène d'exclusion de la société de l'information ;

- libéraliser effectivement le dernier segment du marché des télécommunications en procédant au dégroupage de l'accès à la boucle locale.

Le règlement sur le dégroupage devrait être adopté dès le mois de décembre.

Les six autres textes en codécision sont destinés à être adoptés simultanément. Leur examen par le Conseil et le Parlement européen s'étalera sous les présidences française et suédoise, avec pour objectif prioritaire d'aboutir rapidement à des positions communes sur la directive cadre, la directive relative à l'accès et l'interconnexion et la directive relative aux autorisations. L'adoption formelle de ces six textes n'interviendra en tout état de cause pas avant la mi-2001 .

La directive sur la libéralisation du secteur sera arrêtée par la Commission, après l'avis des Etats membres et du Parlement européen, en même temps que les textes soumis à la codécision.

Du processus de consultation des Etats membres et des acteurs du marché suivi par la Commission dans l'élaboration de ses propositions résulte que le paquet réglementaire reflète, dans l'ensemble, un compromis considéré comme globalement acceptable par les autorités françaises .

Les propositions relatives au service universel s'éloignent cependant des positions des autorités françaises : aucun mécanisme clair n'est prévu pour réévaluer le périmètre des obligations de service universel, non plus que le financement d'éventuelles nouvelles obligations par le biais du fonds de service universel. Le principe retenu à ce stade est le financement d'éventuels nouveaux services qui seraient inclus dans le champ du service universel par le budget de l'Etat. Votre commission souhaite que soit infléchie cette proposition initiale pour permettre l'inclusion, à terme, des services pertinents de la société de l'information dans le périmètre du financement du service universel .

D'autres points de caractère plus technique soulèvent des observations de fond, tels les conditions d'octroi des droits de passage , qui ne seraient plus liées à l'obtention d'une autorisation individuelle, les prescriptions en matière de mécanisme d'assignation de fréquences ou d'organisation d'un marché secondaire des fréquences ou l'extension des obligations en matière d'accès et d'interconnexion à l'ensemble des installations du réseau de télécommunications de l'opérateur historique.

Votre commission ne manquera pas, au cours de la session à venir, de poursuivre l'examen de ces propositions de directives.

CHAPITRE IV -

LES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION

I. UNE RÉVOLUTION DÉSORMAIS TOTALEMENT INSCRITE DANS LES FAITS

A. INTERNET ET LES TECHNOLOGIES DE L'INFORMATION : UN SECTEUR EN TRÈS VIVE CROISSANCE

1. Des taux de pénétration en forte augmentation qui ne remettent toutefois pas en cause l'avance des Etats-Unis

De nombreux signaux d'une éclosion rapide de l'usage des nouvelles technologies

La pénétration de l'usage des nouvelles technologies est désormais très rapide dans notre pays. Les principaux indicateurs relatifs tant aux chiffres d'affaires des secteurs technologiquement innovants qu'aux créations d'entreprises dans ces secteurs, qu'aux fonds levés pour assurer leur développement ou encore au nombre d'internautes en France, convergent pour montrer l'éclosion rapide de la " nouvelle économie " dans notre pays.

Ainsi, l'indice de chiffre d'affaires des secteurs technologiquement innovants du " Tableau de bord de l'innovation " tenu par le ministère de l'Industrie, a augmenté de 10 % en 1999 (+15,3 % pour le secteur des activités informatiques ; +12,3 % pour celui de la fabrication d'équipements de communication).

Les créations d'entreprises ex-nihilo sont particulièrement nombreuses dans les secteurs innovants 22 ( * ) : plus de 4.000 se créent chaque semestre. En conséquence, l'importance des secteurs innovants dans le total des créations d'entreprises augmente : de 3,9 % au premier semestre 1996 23 ( * ) , elle est passée à 5,1 % au premier semestre 1999. C'est donc plus d'une entreprise sur vingt qui se créée dans ces secteurs, dont les trois quarts dans le secteur de l'informatique et des télécommunications. En 1999, le nombre des créations d'entreprises dans le seul secteur des télécommunications a ainsi été multiplié par 2.

Le graphique suivant illustre l'augmentation du nombre total de créations dans ces secteurs (et met d'ailleurs en lumière une certaine concentration de l'acte de création sur le premier semestre).

Source : Tableau de bord de l'innovation

Le nombre d'entreprises cotées au nouveau marché (113 fin 1999) a été multiplié par 3,5 depuis 1997 ; le nombre d'opérateurs de fonds de capital-risque spécialisés en nouvelles technologies (plus de quarante) a été multiplié par 4 entre fin 1997 et fin 1999.

La progression du nombre d'internautes en France se poursuit, avec un taux de croissance à deux chiffres : la barre des 5 millions d'utilisateurs réguliers d'Internet a été franchie en 1999, celle des 6 millions en 2000. Les différentes évaluations conduisent à estimer qu'un Français sur dix au moins utilise Internet (les chiffres varient suivant les études : le taux de pénétration serait de 16 % d'après une étude d'IDC Research réalisée en 1999, de 19% d'après un prestataire Internet rencontré par votre rapporteur).

L'évolution du nombre de serveurs (ou " hosts ", connectés en permanence à Internet pour héberger des sites ou permettre l'accès à des intranets) est spectaculaire : de 293 000 au 1er trimestre 1997, on en dénombre aujourd'hui 1,3 millions en France, soit le taux de croissance le plus élevé d'Europe.

L'avance des Etats-Unis est toutefois toujours une réalité

Ce taux de pénétration serait toutefois quatre fois plus élevé aux Etats-Unis (40 % de la population utilisant Internet fin 1999) et deux fois et demie plus élevé en Grande-Bretagne (24 % fin 1999), contre 15 % en Allemagne et au Japon, soit un chiffre semblable à celui prévalant en France. Toutefois, l'augmentation du taux de pénétration est plus rapide en France, ce qui tend à prouver que le rattrapage français est en bonne voie.

Parallèlement, les ventes de micro-ordinateurs aux entreprises et aux ménages (3,8 millions) progressent en France de 10 % en 1999. S'agissant des seuls ménages, la progression est même de 18 %, avec plus d'un million d'unités vendues. Ainsi, l'équipement des ménages en micro-informatique voit sa progression s'accélérer : d'après l'enquête annuelle sur les conditions de vie des ménages de l'INSEE, près d'un quart des français (23 %) possédait un ordinateur à sa résidence principale en mai 1999, pour un total de 6,3 millions d'ordinateurs. Ce taux serait de 35 % au premier semestre 2000, d'après les informations communiquées lors du comité interministériel sur la société de l'information du 10 juillet dernier. Un ménage sur trois posséderait un ordinateur.

Même si le manque d'homogénéité des diverses enquêtes et études quant aux méthodes de recensement et même à la signification des concepts employés rend difficile toute comparaison internationale, les chiffres suivants, publiés en octobre dans la presse 24 ( * ) , donnent une bonne indication de la place de notre pays en Europe et par rapport aux Etats-Unis :

COMPARAISON INTERNATIONALE DES USAGES
DES NOUVELLES TECHNOLOGIES

Proportion des ménages ayant un ordinateur et utilisant Internet

Internautes pratiquant le commerce électronique

Source : Etudes Net Profit et Nessizer publiés par le baromètre " Connectis " des Echos d'octobre 2000.

Votre commission estime que le développement des offres de connexion forfaitaires à durée illimitée est un excellent vecteur de diffusion de l'Internet en France. En particulier, il paraît nécessaire qu'une possibilité d'interconnexion à la capacité, et non plus à la durée, soit proposée rapidement, afin de développer l'usage d'Internet et lutter contre la " fracture numérique " dénoncée par certains.

Votre rapporteur pour avis estime que l'opérateur historique s'honorerait à ne pas retarder l'élaboration d'une solution, négociée sous l'égide de l'ART, qui permette une diffusion rapide des nouvelles technologies, tout en bénéficiant à l'ensemble des prestataires concernés, au premier rang desquels figure Wanadoo.

2. Un usage de plus en plus marchand

En dépit d'une très forte incertitude statistique, une tendance nette se dégage : celle du décollage du commerce électronique. Ainsi, ce serait entre 7 % 25 ( * ) et 20 % 26 ( * ) des Internautes français qui concluraient des transactions en ligne. Si les ventes aux consommateurs avaient globalement atteint 20 milliards de dollars en 1999 aux Etats-Unis, ce chiffre aurait été de 2 milliards de dollars en Europe et de 0,2 milliard de dollars en France , soit un rapport de respectivement 1 à 10 et 1 à 100. En deux ans, le nombre d'acheteurs a triplé outre-Atlantique et décuplé en France.

D'après une étude de juillet 2000 portant sur 27 pays 27 ( * ) , et réalisée par sondage, les Français privilégient, dans l'ordre, les achats en ligne de voyages, de compact-discs et de livres (5 % des livres sont achetés sur Internet). Une proportion importante d'internautes français achète des actions en ligne. Le volume et les caractéristiques du commerce en ligne sont fortement évolutifs : nul doute, par exemple, que l'ouverture des sites marchants de distributeurs (Casino, Carrefour, Cora, Auchan...) ne modifie encore sensiblement la donne.

Le tableau ci-dessous détaille les achats effectués par Internet en France en 1999 par secteur d'activité :

LES VENTES EN LIGNE EN FRANCE PAR SECTEUR D'ACTIVITÉ EN 1999

(en millions de francs)

Voyages, transports, hôtellerie

620

Informatique

312

Produits culturels

137

VPC, distribution, galeries marchandes

92

Alimentaire, boissons

33

Mobilier, électroménager

25

Fleur, cadeaux

15

Divers

80

TOTAL

1 314

Source : Benchmark Group

Début 2000, les sites marchands français étaient au nombre d'environ 1.500 28 ( * ) , chiffre lui aussi en augmentation très rapide.

Lors du comité interministériel du 10 juillet 2000, le Gouvernement a estimé que le nombre des acheteurs en ligne était de 790 000 au second semestre 1999. En avril 2000, plus d'un tiers des internautes français aurait visité un site marchand depuis son domicile. Lors des assises nationales du commerce en octobre, le chiffre d'affaire du commerce électronique en France a été estimé à 1,4 milliard de francs en 1999 et 4 milliards de francs (prévisionnels) en 2000.

Mais, ce sont surtout les transactions entre entreprises (Business to Business, ou B to B) qui concentrent la majorité des transactions par voie électronique. Les plates-formes d'achat régissant les relations entre constructeurs et fournisseurs, qui se mettent en place dans divers secteurs, et notamment dans l'automobile, en sont un bon exemple.

B. UN POIDS MAJEUR DANS L'ÉCONOMIE

1. Une contribution essentielle à la croissance

Le ministère de l'Industrie a récemment diligenté une étude mesurant l'impact économique des technologies de l'information et de la communication , rendue publique en juillet 2000. Il ressort de cette étude que les technologies de l'information, qui croissent en volume de plus de 10 % par an, ont un poids significatif dans l'économie : elles représentent désormais 5,3 % de la production , contre 4,9 % en 1996.

En outre, elles auraient contribué pour 20 % à la croissance de la production française ces quatre dernières années . Entre 1994 et 1999, plus de 108.000 emplois ont été crées dans ce secteur, dont la moitié en 1998.

De plus, la diffusion de ces technologies dans le reste de l'économie a des effets indirects, en permettant aux autres branches de développer de nouvelles fonctionnalités, d'améliorer les services associés aux produits, de personnaliser l'offre et d'effectuer des gains de productivité.

Une extrapolation effectuée par cette étude donne une indication de l'impact que la diffusion de ces technologies pourrait avoir sur l'économie française : dans l'hypothèse basse, de diffusion restreinte, les technologies de l'information contribueraient à hauteur de 0,6 point à la croissance annuelle et permettraient la création de 4.000 emplois par an pendant 3 ans. Dans le scénario de diffusion élargie, la contribution à la croissance serait de 1,6 point par an et à l'emploi de 190.000 nouveaux emplois par an. L'étude indique que " du fait de la numérisation, un cercle vertueux semble ainsi s'engager entre l'innovation et l'industrialisation des services : de l'innovation découle une utilité accrue qui stimule la demande : de l'industrialisation découle l'innovation du fait des potentialités offertes par les technologies de l'information et de la communication. Les deux phénomènes, conjoints et solidaires, créent et de la richesse et de l'emploi " .

2. Une " nouvelle économie " ?

Depuis 1995, les Etats-Unis ont connu une croissance économique particulièrement forte, supérieure à 4 % en moyenne annuelle, sans pour autant que n'apparaissent de tensions inflationnistes, et alors que le taux de chômage était particulièrement bas. Les caractéristiques et la vigueur de cette croissance, concomitante avec la diffusion des technologies de l'information, a même semblé remettre en cause les axiomes macro-économiques, et notamment le lien entre chômage et inflation, à tel point qu'elle a été qualifiée de " nouvelle économie " .

L'économie serait ainsi entrée dans une ère durablement favorable où bien que la croissance soit forte, le chômage et l'inflation seraient bas. Le principal facteur de basculement dans cette nouvelle ère serait l'introduction des technologies de l'information, permettant une augmentation du rythme d'accumulation du progrès technique, entraînant une accélération de la productivité globale des facteurs.

Diverses études macro-économiques, généralement fondées sur l'exemple américain, accréditent cette thèse. Ainsi que nombre d'observateurs, votre commission estime que l'économie est en train de vivre une nouvelle révolution industrielle. Pourtant, il est à craindre que notre pays ne profite pas à plein de ses effets bénéfiques.

3. Un développement bridé par le carcan fiscal et social français ?

Une étude comparée des évolutions des différents pays industrialisés conduit à relativiser l'ampleur des développements récents du secteur des NTIC dans notre pays.

Le dernier rapport du Conseil d'analyse économique, placé auprès du Premier ministre, et consacré à la " Nouvelle économie " indique 29 ( * ) que, des quatre indicateurs retenus pour comparer le poids des NTIC dans le système productif en France et aux Etats-Unis (part dans le PIB, dans l'emploi, dans la recherche et dans l'investissement privé) ressort un diagnostic convergent : " Le poids du secteur dans l'économie est plus élevé aux Etats-Unis d'au moins 50%. Ce poids augmente très significativement aux Etats-Unis, surtout depuis 1995. Il a reculé en France dans la première partie des années 1990 et remonte lentement depuis peu. Au total, sur les dernières années, la France et les Etats-Unis ont plutôt divergé. "

De même, ce document souligne que plusieurs études montrent que la contribution des NTIC à la croissance de l'économie aurait été 50 à 150 % plus importante aux Etats-Unis qu'en France depuis le début des années 1990, et que cet écart, déjà préoccupant, s'est encore creusé depuis 1995, atteignant des ordres de grandeur de 200 à 400%.

Votre commission pour avis est très préoccupée par cette situation.

Sans qu'il soit besoin de revenir longuement sur un sujet débattu récemment au sein de votre commission, celui de l'expatriation des jeunes Français créateurs d'entreprises 30 ( * ) , force est de constater que ce phénomène est particulièrement manifeste dans le secteur des technologies de l'information.

Estimant préoccupant le départ à l'étranger des jeunes créateurs d'entreprise, particulièrement dans ce secteur, en ce qu'il traduit un rejet de l'environnement fiscal et légal français , la commission des affaires économiques a proposé plusieurs mesures à même de freiner le rythme de ces départs, concernant notamment l'impôt de solidarité sur la fortune, la fiscalité des " investisseurs providentiels ", ou le régime des stock-options.

Au-delà des changements ponctuels qu'elle préconise, la commission appelle de ses voeux un allégement significatif du taux des prélèvements obligatoires pesant sur les particuliers comme sur les entreprises.

II. UN DROIT DE L'INTERNET EN ÉVOLUTION

A. LA RECONNAISSANCE DE LA FORCE PROBATOIRE DE LA SIGNATURE ÉLECTRONIQUE

La loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative à la signature électronique a modifié le code civil pour reconnaître force probatoire aux documents électroniques.

En effet, le développement du commerce électronique a entraîné la multiplication des documents électroniques échangés et s'est concrétisé par la passation de transactions en ligne. Dès lors, s'est posée la question de la recevabilité des écrits informatiques pour prouver le contenu d'un contrat électronique , d'autant que le droit français ne reconnaissait pas la recevabilité des documents électroniques en mode de preuve et ne leur conférait en outre pas la même force probante qu'aux écrits sur support papier. Un rapport du Conseil d'Etat, remis en juillet 1998, sur " Internet et les réseaux numériques " propose d'ailleurs une reconnaissance de la valeur juridique des outils de la transaction électronique.

Aussi, la loi du 13 mars 2000 est-elle intervenue pour :

- d'une part admettre en mode de preuve les documents électroniques ;

- d'autre part, prévoir que leur force probante sera équivalente à celle de documents sur support papier.

Pour ce faire, la loi :

- définit la preuve par écrit de manière suffisamment générale pour inclure aussi bien les écrits sur support papier que sur support électronique ;

- confie au juge le soin de régler les conflits de preuve, par exemple, quand un écrit électronique et un écrit papier se contredisent ;

- propose une définition de la signature qui englobe aussi bien la signature manuscrite que la signature électronique, laquelle est présumée fiable, selon les modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.

Notre collègue Charles Jolibois a, au nom de la Commission des lois, apporté une contribution importante à l'élaboration de cette loi.

B. LE RÉGLEMENT DE LA QUESTION DE LA RESPONSABILITÉ DES PRESTATAIRES TECHNIQUES DE L'INTERNET

La question de la mise en cause de la responsabilité -notamment pénale- des prestataires techniques de l'Internet vient de trouver un épilogue, quatre ans après que votre commission, en déposant conjointement avec le Gouvernement un amendement (l'amendement dit " Fillon " du nom du ministre chargé des télécommunications de l'époque) à la loi de réglementation des télécommunications de juillet 1996, ait ouvert le débat.

Rappelons que le dispositif de 1996 (censuré par le Conseil constitutionnel), visait notamment à instaurer, parallèlement à une clause d'exemption de responsabilité des prestataires techniques pour les informations illicites figurait sur certaines sites, un mécanisme de régulation des contenus .

A la suite d'un amendement déposé à l'Assemblée nationale par le député Patrick Bloche, la loi n° 2000-719 du 1 er août 2000 modifiant la loi du 30 septembre 1986 sur la liberté de communication a crée un nouveau chapitre : " Dispositions relatives aux services de communication en ligne autres que de correspondance privée " qui clarifie le régime de responsabilité des intermédiaires techniques (fournisseur d'hébergement et fournisseurs d'accès). Après sept lectures au Parlement -dont trois au Sénat au cours desquelles M. Jean-Paul Hugot a fait, au nom de la Commission des affaires culturelles, d'intéressantes propositions- et une décision du Conseil Constitutionnel du 27 juillet 2000, le projet initial a connu de nombreuses modifications.

Le nouveau dispositif est constitué de quatre articles (43-7 à 43-10 de la loi de 1986) qui traitent de certaines obligations mises à la charge des professionnels de l'Internet, ainsi que de la responsabilité des hébergeurs.

Rappelons que, avant l'adoption de ce texte, la responsabilité des fournisseurs d'hébergement avait été mise en cause par une jurisprudence qui s'était d'ailleurs prononcée plusieurs fois, mais de manière divergente . Dans l'affaire " Estelle Hallyday ", la Cour d'appel de Paris (10 février 1999) avait condamné le fournisseur d'hébergement Altern.org à verser 300.000 francs de dommages et intérêts provisionnels au mannequin pour avoir hébergé un site diffusant des photographies privées de celle-ci. La cour avait considéré que le fournisseur d'hébergement excédait " manifestement le rôle technique d'un simple transmetteur d'information " et devait " assumer à l'égard des tiers aux droits desquels il serait porté atteinte (...), les conséquences d'une activité qu'il a, de propos délibéré, entrepris d'exercer " . Plus récemment, les différentes juridictions saisies s'étaient efforcées de dégager une " obligation de vigilance et de prudence vis-à-vis du contenu des sites hébergés " (Affaire Lynda Lacoste, Cour d'appel de Versailles, 8 juin 2000). L'obligation mise à la charge de l'hébergeur s'analysait en une obligation de moyens, celui-ci étant tenu de " prendre les précautions nécessaires pour éviter de léser les droits des tiers et de mettre en oeuvre à cette fin des moyens raisonnables " (Affaire UEJF c/Multimania, Tribunal de Grande Instance de Nanterre, 24 mai 2000). Les deux décisions précitées n'avaient pas retenu la responsabilité civile de l'hébergeur car la preuve d'une négligence ou d'une imprudence de la part de ce dernier n'était pas rapportée.

Toutes ces décisions avaient vivement ému les milieux professionnels concernés.

Désormais, l'article 43-8 de la loi instaure, pour les fournisseurs d'hébergement, un régime de responsabilité dérogatoire au droit commun , selon le principe proposé en 1996. Leur responsabilité ne pourra être engagée civilement ou pénalement que si, saisis par une autorité judiciaire, ils n'ont pas " agi promptement pour empêcher l'accès " à tel contenu présumé illicite.

Le texte de loi initialement adopté par le Parlement prévoyait également que la responsabilité des fournisseurs d'hébergement pourrait être engagée si, saisis par un tiers " estimant que le contenu qu'ils hébergent est illicite ou lui cause un préjudice " , ils n'ont pas " procédé aux diligences appropriées ". Toutefois, dans sa décision du 27 juillet 2000, le Conseil Constitutionnel a notamment censuré cette disposition en considérant que " en ne déterminant les caractéristiques essentielles du comportement fautif de nature à engendrer, le cas échéant, la responsabilité pénale des intéressés, le législateur a méconnu la compétence qu'il tient de l'article 34 de la Constitution " . S'agissant d'un texte pénal, le Conseil a estimé que le législateur aurait dû énoncer clairement les éléments constitutifs de l'infraction.

Ce régime dérogatoire de responsabilité n'a pas été étendu aux fournisseurs d'accès à Internet qui sont simplement tenus " d'informer leurs abonnés de l'existence de moyens techniques permettant de restreindre l'accès à certains services ou de les sélectionner " et de leur " proposer au moins un de ces moyens " (article 43-7). Cette disposition n'est pas réellement nouvelle, mais elle diffère de l'ancien article 43-1 crée par la loi du 26 juillet 1996 (amendement " Fillon ") en y ajoutant une obligation d'information . En pratique il s'agit pour le fournisseur d'accès d'informer les internautes de l'existence de logiciels de filtrage du contenu et de les renvoyer vers un site proposant de tels services.

Par ailleurs l'article 43-9 de la loi du 1 er août 2000 met à la charge des fournisseurs d'hébergement et des fournisseurs d'accès une obligation de détenir et de conserver les " données de nature à permettre l'identification de toute personne ayant contribué à la création d'un contenu ".

Il s'agit donc, pour ces prestataires, de détenir et de conserver l'identité de leurs abonnés, ainsi que les données de connexion (fichiers logs). Ces données devront être communiquées à la demande d'une autorité judiciaire pour permettre l'identification de la personne qui a créé le contenu litigieux. Le texte adopté précise également que la loi du 6 janvier 1978 (loi informatique et libertés) est applicable à ces informations : le fait de divulguer de telles informations sans autorisation de l'intéressé pourrait donc être puni d'un an d'emprisonnement et de 100.000 francs d'amende (article 226-22 du code pénal). L'article 226-21 du même code punit de 5 ans d'emprisonnement et de 2 millions de francs d'amende l'usage de données nominatives à d'autres fins que celles définies par un texte législatif ou par les déclarations préalables au traitement de ces informations.

Enfin, la loi clarifie les obligations des fournisseurs de contenus , définis comme étant les " personnes dont l'activité est d'éditer un service de communication en ligne autre que de correspondance privée " (article 43-10). La déclaration préalable du site au Conseil Supérieur de l'Audiovisuel et au Procureur de la République, en vigueur en droit mais pas en fait, est désormais supprimée . En revanche, lorsque les fournisseurs de contenu sont des professionnels, ils sont tenus de mentionner sur leur site leur dénomination ou raison sociale (nom, prénom s'il s'agit d'une personne physique) et leur siège social (adresse pour une personne physique). Ils devront également indiquer le nom du directeur (ou du co-directeur) de la publication au sens de l'article 93-2 de la loi du 29 juillet 1982 sur la communication audiovisuelle. Enfin, le cas échéant, ils devront faire apparaître sur leurs sites le nom, la dénomination ou la raison sociale et l'adresse du fournisseur d'hébergement. Les non professionnels peuvent, quant à eux, préserver leur anonymat, mais ils sont cependant tenus de mettre à la disposition du public le nom, la dénomination ou la raison sociale et l'adresse de leur fournisseur d'hébergement (ce dernier devant conserver les éléments d'identification personnelle). Ainsi, si le responsable d'un site refuse de retirer un contenu litigieux, il sera possible de saisir l'hébergeur pour lui demander d'accomplir les diligences nécessaires.

C. LE PROJET DE LOI SUR LA SOCIÉTÉ DE L'INFORMATION : UN TEXTE TOUJOURS DANS LES LIMBES ?

Annoncé en août 1998, la préparation du projet de loi sur la société de l'information n'est toujours pas parvenue à son terme. Plusieurs centaines de contributions ont été transmises au Gouvernement en réaction au document d'orientation publié il y a deux ans déjà.

Votre commission observe que ce projet de loi, dont le passage en Conseil des ministres est annoncé pour fin décembre, ne pourra vraisemblablement pas, compte tenu de l'ordre du jour parlementaire, être examiné, ne serait-ce qu'en première lecture, avant plusieurs mois.

Rappelons que ce projet de loi vise à :

- assurer la liberté des communications en ligne (précision des modalités selon lesquelles la liberté des communications en ligne sera garantie, adaptation du régime de la propriété intellectuelle aux spécificités de la diffusion numérique et en ligne, précision des règles applicables en matière de dépôt légal et d'accès gratuit aux données publiques essentielles, clarification des principes de gestion des noms de domaines) ;

- favoriser l'accès du plus grand nombre aux réseaux de la société de l'information (harmonisation des régimes juridiques des réseaux câblés et des réseaux de télécommunications, assouplissement des conditions d'exercice des compétences des collectivités locales en la matière) ;

- veiller à la sécurité et à la loyauté des transactions en ligne (renforcement de la protection des consommateurs dans les transactions électroniques transposant la directive sur le commerce électronique, définition des règles applicables en matière de conservation des données de connexion, libéralisation de l'usage de la cryptologie).

Votre commission demeure particulièrement attentive à l'ensemble de ces sujets.

*

* *

Suivant la proposition de son rapporteur, la Commission des Affaires économiques a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à la poste et aux technologies de l'information, inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001.

* 1 Autorité de régulation des télécommunications.

* 2 Agence nationale des fréquences.

* 3 Direction générale de l'industrie, des technologies de l'information et des postes.

* 4 Chapitre 32-97, article 30 " Pensions PTT ".

* 5 Groupement des écoles de télécommunications.

* 6 Leader en termes de tonnes de fret.

* 7 Extraite du bilan d'exécution du contrat de Plan en 1999.

* 8 Page 23.

* 9 Rapport d'information n° 42 " Sauver la Poste : devoir politique, impératif économique " de 1997 et rapport d'information n° 463, Sénat 1998-1999, " Sauver La Poste : est-il encore temps pour décider ? "

* 10 Rapport n°31 de M. Ladislas Poniatowski au nom de la commission des affaires économiques, Sénat 2000-2001

* 11 Annuaires, renseignements, publicité sur les annuaires.

* 12 Services dans lesquels l'utilisateur appelé bénéficie d'un reversement par le fournisseur du service de télécommunications.

* 13 Dans son rapport annuel 1999, publié en juin 2000

* 14 Résultat courant avant amortissements.

* 15 Le 26 janvier 2000, France Télécom a annoncé le rachat des parts de Sprint et Deutsche Telekom pour 3,882 milliards de dollars.

* 16 Noos (ex Lyonnaise Câble) en totalise 32 200 ; France Télécom Câble 21 000.

* 17 Dont 19 000 abonnés pour UPC France.

* 18 Norme de téléphonie mobile.

* 19 Voir notamment les articles suivants : " Réseaux locaux : comment le libéralisme français assure le maintien du monopole ", Les Echos du 7 juillet 1999 ; " France Télécom : la vraie fin du monopole ", Les Echos du 2 décembre 1999 ; ou encore La Tribune du 30 novembre 1999 (interview du Commissaire Erkki Liikanen).

* 20 Rapport n° 1735, AN, onzième législature, sur l'application de la loi de réglementation des télécommunications.

* 21 Article du professeur Pierre Cambot " Collectivités locales et initiative privée en matière de télécommunications ", AJDA, 20 décembre 1999.

* 22 Technologies de l'information, biotechnologies et matériaux.

* 23 Chiffres du tableau de bord de l'innovation d'avril réel.

* 24 Supplément " connectis " du Journal Les Echos.

* 25 D'après une étude mondiale de Taylor Nelson Sofres Interactive de juillet 2000 citée par le site www.internet.gouv.fr.

* 26 D'après l'étude figurant ci-dessus (encadré page précédente) publiée dans les Echos.

* 27 Etude Taylor Nelson Sofres Interactive précité.

* 28 D'après WebMarchand.com, annuaire du commerce électronique français.

* 29 Page 69 et suivantes

* 30 Voir le rapport d'information n° 388 du Président Jean François-Poncet au nom de la Commission des Affaires économiques : " La fuite des cerveaux, mythe ou réalité ".

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