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Avis n° 94 (2000-2001) de M. Francis GRIGNON , fait au nom de la commission des affaires économiques, déposé le 23 novembre 2000

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N° 94

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2000-2001

Annexe au procès-verbal de la séance du 23 novembre 2000

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 2001 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME V

INDUSTRIE

Par M. Francis GRIGNON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Jean Huchon, Jean-François Le Grand, Jean-Paul Emorine, Jean-Marc Pastor, Pierre Lefebvre, vice-présidents ; Georges Berchet, Léon Fatous, Louis Moinard, Jean-Pierre Raffarin, secrétaires ; Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jacques Bellanger, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Gérard César, Marcel-Pierre Cleach, Gérard Cornu, Roland Courteau, Charles de Cuttoli, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Christian Demuynck, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Paul Dubrule, Bernard Dussaut , Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Serge Godard, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Joly, Alain Journet, Philippe Labeyrie, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, Gérard Le Cam, André Lejeune, Guy Lemaire, Kléber Malécot, Louis Mercier, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Ladislas Poniatowski, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Josselin de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, Jean-Pierre Vial.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 2585 , 2624 à 2629 et T.A. 570

Sénat : 91 et 92 (annexe n° 12 ) (2000-2001)

Lois de finances.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

L'industrie est l'un des poumons de l'économie française. Créatrice de richesse, elle dispose d'une capacité d'entraînement qui touche tous les autres secteurs. Elle est aussi le principal vecteur de l'innovation technologique.

Le projet de loi de finances pour 2001 ne comporte pas, dans sa première partie, de nouvelle mesure fiscale réellement incitative pour les entreprises industrielles. Mais la compétitivité de l'industrie française est-elle une réelle priorité de l'actuel Gouvernement ? Les évolutions récentes n'incitent pas à le penser, comme le montre l'extension programmée de la taxe générale sur les activités polluantes.

S'agissant des crédits figurant en deuxième partie du projet de loi de finances, ceux de l'industrie, qui font l'objet du présent rapport, sont fondus au sein du fascicule budgétaire unique relatif à l'économie, aux finances et à l'industrie, et sont, en outre, affectés, cette année encore, par des variations de périmètre qui en affectent la lisibilité.

Votre rapporteur pour avis, après avoir analysé l'évolution de ces crédits et détaillé l'emploi de ceux destinés à la politique de l'innovation, s'attachera à brosser à grands traits un tableau de l'industrie française, avant d'insister sur quatre enjeux à son sens importants pour l'avenir de celle-ci.

CHAPITRE 1ER -

CRÉDITS ET ACTIONS DU MINISTÈRE DE L'INDUSTRIE

Votre rapporteur pour avis ne mentionnera que pour mémoire la difficulté de lecture induite par la fusion des crédits budgétaires de l'industrie au sein d'un fascicule unique consacré à l'économie, aux finances et à l'industrie.

Quatre agrégats budgétaires relatifs à l'industrie ont toutefois été isolés, même si les crédits de l'administration centrale, des DRIRE (directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement), ou ceux de la commission supérieure du service public des postes et télécommunications, par exemple, figurent au sein de l'agrégat 31 " administration générale et dotations communes " du ministère de l'économie. Ils ne sont d'ailleurs pas toujours individualisés.

La somme de ces quatre agrégats représente, en dépenses ordinaires (DO) et crédits de paiement (CP), 15,6 milliards de francs. Il s'agit :

de l'agrégat 21 " énergie et matières premières " , avec 3,5 milliards de francs de crédits (-21,8 %), qui représente 22,3 % du total des 4 agrégats. Il fait l'objet d'une analyse détaillée dans le rapport budgétaire pour avis sur l'énergie de M. Jean Besson au nom de votre commission ;

de l'agrégat 22 " développement des PMI, recherche industrielle et innovation " avec 3,2 milliards de francs (-3,5 %), qui représente 20,6 % du total des crédits des agrégats " industrie ". Il comporte, outre les moyens destinés à l'ANVAR, les crédits de recherche industrielle gérés par le ministère de l'industrie (appel à proposition " technologies clés ", procédure ATOUT, crédits relatifs aux nouvelles technologies...) ;

de l'agrégat 23 " actions sur l'environnement et la compétitivité des entreprises " qui, avec 4,4 milliards de francs, augmente de 4,8 % et représente 28,2 % du total des crédits. Il s'agit d'un agrégat " fourre-tout " puisque la majorité des crédits sont en fait destinés au secteur de la poste et des télécommunications, plus particulièrement analysés dans le rapport pour avis de M. Pierre Hérisson au nom de votre commission, et que 20 % sont destinés aux organismes de formation supérieure ;

de l'agrégat 24 " accompagnement des mutations industrielles " , premier agrégat par l'importance de ses crédits qui, à 4,5 milliards de francs, diminue de 7 % pour représenter 28,8 % du total des crédits des quatre agrégats " industrie ". Il s'agit de chapitres budgétaires " défensifs " et non " offensifs " : dépenses à caractère social découlant du statut du mineur ; restructurations (crédits du comité interministériel de restructuration industrielle et fonds d'industrialisation de la Lorraine) ; aide à la construction navale ; subvention à Charbonnages de France ; fonds d'industrialisation des bassins miniers...

I. L'ÉVOLUTION GÉNÉRALE DES CRÉDITS

L'évolution générale des crédits est retracée dans le tableau ci-après, qui appelle quelques remarques :

- d'abord les variations de périmètre perturbent, cette année encore, la lisibilité du budget : c'est le cas par exemple des crédits de l'IPSN, qui sont transférés au ministère de l'environnement ;

- ensuite, les subventions et dotations à divers établissements publics ou de recherche absorbent les deux tiers des ressources . Les seules subventions à Charbonnages de France (2,9 milliards) au CEA (2,3 milliards) et au transport postal de la presse (1,9 milliard) mobilisent la moitié du budget . Ces dotations sont donc largement contraintes ;

- les deux chapitres budgétaires les plus " offensifs " , les chapitres 64-92 et 66-01, ne totalisent que 2,3 milliards de francs en crédits de paiement, soit moins de 15 % du total des crédits. En ajoutant les crédits d'intervention de l'ANVAR (chapitre 66-02), on obtient un total de 2,9 milliards de francs de crédits de paiement, soit l'équivalent du montant de la subvention à Charbonnages de France ;

- l'effort de budgétisation est poursuivi, avec l'intégration de près de 170 milliards de francs de crédits des centres techniques industriels ;

- enfin, apparaissent pour la première année des crédits de fonctionnement pour la Commission de régulation de l'électricité (CRE) , autorité de régulation du secteur électrique créée par la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l'électricité. Le montant de l'enveloppe budgétaire prévue pour la CRE fait l'objet de développements spécifiques dans le rapport pour avis précité de notre collègue Jean Besson sur l'énergie.

RÉCAPITULATIF DES CRÉDITS DE L'INDUSTRIE
Agrégats 21 à 24 à périmètre non constant
(hors moyens de l'administration centrale et des DRIRE)

II. LES PRINCIPAUX CHOIX BUDGÉTAIRES

Si l'on neutralise les variations liées à la budgétisation de certaines activités des centres techniques industriels, les crédits demandés pour 2001 ne s'élèvent plus qu'à 15,217 milliards de francs (en DO+CP) et à 4,835 milliards de francs en autorisations de programmes.

Le relatif tassement des crédits que traduisent ces chiffres est lié à deux évolutions :

- le transfert vers le budget de l'aménagement du territoire et de l'environnement, décidé par le premier ministre, de la subvention de fonctionnement à l'IPSN (titre IV) et des crédits finançant les analyses de sûreté effectuées par cet institut pour le compte de la direction de la sûreté des installations nucléaires (titre V) . Votre commission estime d'ailleurs que ce transfert n'est pas forcément opportun ;

- l'arrêt de tout nouveau engagement de crédits au titre de l'aide à la construction navale à compter de 2001, conformément au dispositif d'encadrement communautaire, soit une baisse de 1,287 milliard de francs d'autorisations de programme.

A. INNOVATION, RECHERCHE ET FORMATION : DES CRÉDITS À L'ÉVOLUTION CONTRASTÉE

Les moyens budgétaires consacrés au développement des PMI, à la recherche industrielle et à la politique de l'innovation (agrégat 22), sont retracés dans le tableau suivant :

AGRÉGAT 22, RECHERCHE INDUSTRIELLE ET INNOVATION

Ces crédits recouvrent les moyens d'intervention directe de l'Etat en faveur de l'investissement, de la recherche et de l'innovation au sein des PMI.

1. Les crédits de soutien à la recherche : une évolution décevante

Les crédits du chapitre 66-01 (développement de la recherche industrielle) demandés pour 2001 s'élèvent à 1,5 milliards de francs en crédits de paiement et à 2,8 milliards de francs en autorisations de programme. Ils sont en baisse de plus de 10 % en crédits de paiement.

Cette baisse de l'enveloppe de crédits de paiement résulterait de l'existence de " reports importants ", d'après les termes employés par le Gouvernement pour justifier cette évolution.

Ces crédits tendent à favoriser la recherche et l'innovation et à renforcer, autour de programmes fédérateurs, la coopération entre les différents acteurs de la recherche.

Il s'agit d'abord de la mise en place des réseaux de recherche et d'innovation technologiques (RRIT) dans des domaines à fort impact économique et social (santé et sciences du vivant, technologies de l'environnement, techniques logicielles). Adossé au programme pour la recherche et l'innovation dans l'audiovisuel et le multimédia (PRIAM), lui-même reconduit en 2001, un nouveau réseau de recherche et d'innovation technologique sera mis en place d'ici la fin de l'année pour associer l'ensemble des acteurs à la définition des priorités et des axes de recherche, notamment en ce qui concerne les dispositifs techniques de protection contre le piratage.

Dans le cadre des actions du réseau national de recherche en télécommunication (RNRT), ont été mises en place des plates-formes d'expérimentations pour donner aux entreprises innovantes et aux laboratoires de recherche les moyens de tester les nouvelles applications préfigurant l'internet de deuxième génération.

Ces crédits sont également destinés à la mise en place du nouveau programme européen " MEDEA + " qui, succédant à plusieurs programmes de recherche et développement coopératifs dans le domaine de la microélectronique, vise à consolider la compétitivité de l'industrie européenne dans ce domaine en réorientant son intervention vers la maîtrise de systèmes intégrés et la standardisation et le développement de plates-formes pour les marchés d'application.

Enfin, le secteur des sciences de la vie fait l'objet d'une attention particulière. Ainsi, le réseau " GenHomme " , dédié à la génomique humaine et lancé en décembre 1999 mobilise-t-il une dotation annuelle de 100 millions de francs du ministère de l'industrie, complétée par une dotation équivalente du ministère de la recherche. 40 millions de francs du ministère sont, en outre, dirigés vers le secteur des biotechnologies pour les actions non couvertes par le réseau GenHomme. Les technologies de la santé (bio-matériaux, instrumentation médicale, capteurs...) ont aussi leur réseau de recherche, le réseau national des technologies de la santé (RNTS) , qui mobilisera 20 millions de francs en 2000.

Les crédits d'intervention de l'ANVAR (voir ci-après pour une analyse plus détaillée de son action) ne sont que stabilisés (800 millions de francs d'autorisations de programmes et 673,5 millions de francs de crédits de paiement), alors que sa subvention de fonctionnement décroît.

Cet organisme doit pourtant, en vertu des engagements qui le lient à l'Etat, renforcer sa capacité d'intervention en faveur de l'innovation, accentuer son effort en faveur des PMI dans le domaine des technologies de l'information et consolider, au travers de l'effet de levier de ses interventions, son rôle d'interface dans la création et le développement d'entreprises innovantes.

2. La diffusion des techniques et la modernisation des PMI, une action mise en oeuvre dans le cadre des contrats de plans

Le Gouvernement fait valoir que c'est le respect des engagements de l'Etat pris au travers de la nouvelle génération des contrats de plan Etat-Régions qui entraîne une progression des crédits destinés à la modernisation des PMI (chapitre 64-92, actions de développement industriel régional) : +2,8 % en autorisations de programme et +6 % en crédits de paiement, succédant à la hausse de 7 % intervenue en 2000. Ces crédits sont analysés plus en détail ci-après, dans le chapitre relatif à l'action des DRIRE.

3. L'adaptation des dispositifs de formation

La démarche engagée en 1999 à la suite, notamment, de la publication du rapport de M. Henri Guillaume sur la politique de l'innovation, a conduit à une adaptation importante des cursus de formation et de la pédagogie des écoles des mines. Pour mieux répondre à l'évolution des besoins des entreprises, les coopérations avec ces dernières ont été renforcées afin de développer le goût d'entreprendre chez les élèves ingénieurs. Le projet de budget accompagne ces démarches : une progression de 2,4 % des crédits de fonctionnement des écoles est prévue, ainsi que des créations d'emplois.

De la même façon, le budget traduit un effort particulier en faveur de l'enseignement des télécommunications. Le plan de développement stratégique en cours de finalisation du Groupement des Ecoles de Télécommunications (augmentation du nombre de diplômés - constitution d'un pôle de référence dans le domaine de la recherche et de l'expertise en TIC - soutien à l'innovation et à la création d'entreprises au travers notamment du lancement d'un nouveau fonds d'amorçage sur les systèmes de communication...) bénéficie d'un accompagnement budgétaire qui se traduit par une dotation majorée de 25 millions de francs (+5 %). Enfin, le budget reconduit la subvention de fonctionnement à l' Ecole supérieure d'électricité (SUPELEC), dont l'évolution vers les technologies de l'information s'accentue, au niveau atteint en 2000 (40,2 millions de francs).

4. La hausse des crédits destinés aux organismes intervenant dans le domaine de la qualité

Les dotations consacrées aux normes et à la qualité progressent de 3,2 % (en DO+AP). Au-delà de la poursuite du plan pluriannuel engagé en 1998 par le bureau national de métrologie, cette progression recouvre l'aide apportée au laboratoire national d'essais pour lui permettre d'assurer, dans un cadre juridique communautaire profondément modifié, ses nouvelles missions dans le domaine de la métrologie légale. Elle recouvre, surtout, l'augmentation importante du soutien apporté à l'Association française pour la normalisation (AFNOR), dont l'activité doit s'exercer dans un nouvel environnement fiscal et qui s'appuiera sur un nouveau système d'information et de communication destiné aux différents acteurs du processus de normalisation.

B. LES CRÉDITS D'ACCOMPAGNEMENT DES MUTATIONS INDUSTRIELLES

Les capacités d'intervention du fonds d'industrialisation de la Lorraine et du fonds d'intervention pour les bassins miniers qui, en 2000, mettra en oeuvre les décisions du dernier Comité interministériel d'aménagement du territoire relatives aux bassins d'Albi-Carmaux et de Decazeville, sont stabilisées , respectivement à 80 millions de francs et 120 millions de francs en autorisations de programme.

Le projet de budget comporte une dotation nouvelle (20 millions de francs en autorisations de programme et 5 millions de francs en crédits de paiement) destinée à financer la mise en place de nouveaux modes de reconversion industrielle . Il est, en effet, apparu nécessaire, face aux mutations que continuera à connaître le tissu industriel, de pouvoir intervenir de manière sélective sur des bassins d'emplois ou des sites dont le dynamisme propre ne permet pas de compenser les effets de sinistres industriels importants.

Le projet de budget reconduit au même niveau le soutien de l'Etat à Charbonnages de France, après la hausse intervenue en 2000, au travers de la prise en charge des intérêts financiers des emprunts contractés par l'établissement sur la période 1997-1999 (dotation globale de 2,993 milliards de francs hors dotation en capital).

L'importance des enjeux de sécurité soulevés par la gestion de l'" après mines " conduit enfin le Gouvernement à renforcer les moyens des différents organismes chargés de mettre en oeuvre les actions de prévention des affaissements miniers -progression de 10 à 14,4 millions de francs- et ceux consacrés aux travaux de mise en sécurité des sites miniers conduits par les DRIRE, portés à 75 millions de francs d'autorisations de programmes et à 50 millions de francs en crédits de paiement. Sur tous ces aspects, votre rapporteur pour avis vous renvoie au rapport précité de notre collègue Jean Besson sur l'énergie.

Compte tenu de l'importance pour l'industrie française de la politique de soutien à l'innovation, votre rapporteur pour avis s'arrêtera brièvement sur les crédits qui lui sont dévolus.

III. LA POLITIQUE DE L'INNOVATION

A. L'ACTION DE L'ANVAR

1. La mission de l'agence

Dans le cadre de la politique de développement de l'innovation technologique, l'ANVAR a pour mission de soutenir le développement industriel et la croissance par l'aide à l'innovation , et de contribuer à la mise en valeur des résultats de la recherche scientifique et technique. Elle est également chargée de mobiliser les financements nécessaires à la croissance des entreprises, notamment par l'apport de son expertise. Elle assure, enfin, une partie du secrétariat français de l'initiative Eurêka.

Ses missions ont été précisées par les décrets n° 97-682 du 31 mai 1997, relatif à l'aide à l'innovation et n° 97-237 du 14 mars 1997, relatif aux Fonds communs de placement dans l'innovation.

L'ANVAR est un établissement public à caractère industriel et commercial, placé sous la tutelle des ministères chargés de la recherche, de l'industrie et des petites et moyennes entreprises.

2. Les moyens financiers

Les moyens d'intervention de l'ANVAR étaient constitués en 1999 par la dotation budgétaire de l'Etat, qui s'élevait à 795 millions de francs en autorisations de programmes et à 669 millions de francs en crédits de paiement. En intégrant les remboursements d'aides accordées antérieurement et les reprises d'autorisations de programmes, les crédits disponibles au titre des programmes relevant de l'aide à l'innovation ont été de 1,4 milliards de francs (contre 1,38 milliard en 1998).

En 2000, ce budget d'intervention pourrait même être porté à 1,6 milliard de francs, pour une dotation budgétaire de 800 millions de francs en autorisations de programmes et de 673,5 millions de francs en crédits de paiement.

3. L'utilisation des crédits

a) Une aide diversifiée et ciblée, à fort effet de levier

En 1999, l'ANVAR est intervenue au titre de l'aide à l'innovation en faveur de 3.135 initiatives . Ce montant a servi pour un quart à octroyer des subventions , et pour trois quarts à engager des avances remboursables en cas de succès.

Ces interventions ont soutenu 1.279 projets en phase de faisabilité et de développement, visant la mise au point de produits, procédés ou services nouveaux, pour un montant total d'aide de 1,083 milliard de francs. Les PME ont aussi été aidées pour 963 recrutements d'ingénieurs et chercheurs, pour un montant total de 150 millions de francs.

Les projets soutenus concernent, pour 53,7 % d'entre eux, des PME situées dans les secteurs industriels, et pour 38 % des PME situées dans le tertiaire. Du point de vue des technologies développées (dans les projets ainsi que dans le cadre des recrutements), indépendamment du secteur d'activité initial de l'entreprise, les sciences de la vie (agroalimentaire, biotechnologies, biomédical, ...) arrivent en tête (27 % des projets), suivies des technologies de l'information (23 %), des industries de base (18,7%), des équipements industriels (18,1 %) et des biens de consommation (9,9 %).

L'ANVAR a aussi accordé 43 aides aux " émetteurs de technologies " (laboratoires, universités, ...) pour 24 millions de francs, ainsi que 49 abondements à des sociétés de recherche sous contrat pour 76 millions de francs. Le réseau interrégional de diffusion technologique a pu effectuer 1.540 prestations, financées par 36 contrats, d'un montant total de 49 millions de francs.

Les jeunes se sont vus financer 706 projets, pour 14 millions de francs et 65 aides, pour 3 millions de francs, ont été données à des inventeurs indépendants.

Ces principaux chiffres sont résumés dans le tableau suivant :

INTERVENTIONS DE L'ANVAR EN 1999

Nombre d'aides

Montant
(en millions de francs)

Faisabilité et développement de projets

1 279

1 083

Recrutement pour l'innovation

963

150

Emetteurs de technologie

43

24

Réseau de diffusion technologique

30

49

Sociétés de recherche sous contrat

49

76

Projets jeunes (15-25 ans)

706

14

Inventeurs indépendants

65

3

TOTAL GENERAL

3 135

1 400

Source : Secrétariat d'Etat à l'industrie

Outre les crédits ouverts à son budget, l'ANVAR a aussi pu mobiliser 191 millions de francs supplémentaires, provenant d'autres services de l'Etat, de collectivités territoriales et de crédits européens. Au total, un budget d'un montant total proche de 1,6 milliard de francs a pu être engagé .

L'aide à l'innovation de l'ANVAR exerce un effet de levier certain, par le biais des accords conclus par l'agence avec les acteurs du capital risque, du soutien aux introductions des PME innovantes en bourse, ou du rôle de l'ANVAR dans la qualification des entreprises éligibles à l'actif des FCPI. Ces outils d'accès aux fonds propres, mis en place en 1998-1999, sont aujourd'hui opérationnels. L'effet pour les entreprises en croissance est important et cette politique demeure tout à fait prioritaire pour l'Agence.

Ainsi, depuis 1998, 344 entreprises (142 en 1998 et 202 en 1999) bénéficiaires de laide à l'innovation ont levé près de 4 milliards de francs auprès d'organismes de fonds propres qui ont passé une convention avec l'ANVAR. Sur les 111 sociétés cotées au Nouveau Marché, 53 ont été soutenues par l'ANVAR et ont levé 5 milliards de francs de fonds propres, ce qui correspond à une multiplication par 20 de l'aide initiale accordée par l'ANVAR . Enfin, les FCPI, mis en place par le précédent Gouvernement, représentent un potentiel d'intervention de l'ordre de 3 milliards de francs, soit un minimum de 1,8 milliard de francs à investir dans des sociétés innovantes, dont environ le tiers (à peu près 600 millions de francs) a déjà été investi.

L'effet de levier de l'aide à l'innovation est également renforcé grâce aux conventions de collaboration que l'ANVAR a développées -via ses délégations régionales- avec les régions et les autres collectivités territoriales sur des objectifs communs (création d'entreprises innovantes, renforcement en matière grise des PME, transfert de technologie, ouverture européenne, développement de l'innovation dans les secteurs de basse et moyenne technologie, etc.).

b) Une aide recentrée sur la création d'entreprise

En 1999, le retour de la croissance et la forte progression du nombre de créations d'entreprises ont engendré une hausse des demandes d'aides à l'innovation auprès des délégations régionales de l'ANVAR. Le soutien en faveur des jeunes entreprises a ainsi enregistré une progression de 40 % en montant et de 33 % en nombre (près de 800 en 1999 contre 600 en 1998).

Votre commission s'en félicite et souhaite que l'Agence continue à soutenir les créations et les jeunes entreprises par des aides directes et par la mobilisation de financements et de compétences dont elles ont besoin pour assurer leur croissance.

Le concours national d'aide à la création d'entreprises de technologies innovantes a été renouvelé en 2000. Il est doté de 200 millions de francs et l'ANVAR y participe à hauteur de 30 millions de francs.

De même, l'ANVAR a participé à l'appel à projets " incubation et capital-amorçage des entreprises de technologie " lancé par le Gouvernement, en étant présente dans les comités de pilotage des incubateurs, pour soutenir les créateurs d'entreprise hébergés par ces structures.

c) Le développement de l'aide à l'innovation dans les services

Si l'ANVAR doit maintenir une action forte en faveur des PMI industrielles " traditionnelles ", qui constituent le socle de l'économie française, il était nécessaire qu'elle investisse également le secteur des services liés, notamment, aux nouvelles technologies de l'information et de la communication, secteur intrinsèquement innovant et particulièrement porteur de croissance et d'emploi. L'intervention de l'ANVAR dans ce nouveau secteur a été lancée de manière expérimentale dès la fin de 1997 sur quelques domaines d'activité, dans le cadre d'un appel à propositions " NTIC et innovations dans les services " mené avec ses ministères de tutelle.

Le conseil d'administration de l'Agence a décidé, en octobre 1999, que l'ANVAR pourrait désormais soutenir tous les services marchands s'appuyant sur les NTIC quel que soit le secteur visé. L'ANVAR estime que d'ici quatre ans 15 % de l'aide à l'innovation pourrait concerner ce type de services .

Votre commission approuve cette réorientation .

B. LE DÉVELOPPEMENT INDUSTRIEL RÉGIONAL : LES CRÉDITS GÉRÉS PAR LES DRIRE

Les actions du Secrétariat d'Etat à l'industrie financées sur le chapitre 64-92 (articles 10 et 20) sont centrées sur quelques thèmes prioritaires : le renforcement de l'investissement immatériel, le développement des transferts de technologie et le renforcement technologique de l'appareil de production.

1. Le développement industriel régional

Les crédits destinés à favoriser le développement industriel régional relèvent de l'article 10 du chapitre budgétaire 64-92. Ils financent principalement trois actions :

a) Le soutien à l'investissement immatériel

Les fonds régionaux d'aide au conseil (FRAC) ont pour objet d'inciter les PMI à recourir à des conseils extérieurs et de susciter l'émergence d'une offre régionale de conseil, par la prise en charge d'une partie des coûts des diagnostics et audits réalisés à la demande des entreprises par des cabinets de conseil du secteur concurrentiel .

La procédure de l'embauche d'un cadre pour la création d'une nouvelle fonction (ARC) vise à inciter les PMI à renforcer, à l'occasion d'une étape importante de leur développement, leur potentiel de manière grise, par l'embauche de personnels hautement spécialisés, sur la base d'un contrat à durée indéterminée. Le recrutement doit être motivé par la création d'une nouvelle fonction dans l'entreprise.

Cette aide s'est traduite par 6.143 recrutements entre 1994 et 1999 pour des fonctions couvrant notamment le commercial, y compris l'export, la production, la fonction de bureau d'études et la qualité.

La procédure d'aide au conseil technique dispensé par un laboratoire (FRATT) vise à développer, chez les PMI, le réflexe du recours au conseil technique d'un laboratoire (essais, analyses, études, mise au point de prototypes, petites recherches, ...), et à inciter, symétriquement, les laboratoires à valoriser leur potentiel de recherche développement par des projets industriels locaux.

b) Le soutien à l'investissement matériel

Cette procédure, centrée prioritairement sur les zones défavorisées, a pour vocation d'encourager le développement des PMI en favorisant l'élévation de leur niveau technologique et de leur compétitivité. Les investissements soutenus doivent s'inscrire dans un projet global de développement et représenter un effort significatif de la part de l'entreprise. Le fonds de développement des PMI (FDPMI) est l'instrument budgétaire de cette politique.

c) Les opérations spécifiques prioritaires : les actions collectives

Des actions collectives sont également mises en oeuvre, qui ont pour objectif d'agir sur l'environnement des entreprises et de favoriser les initiatives à caractère collectif.

Ces actions permettent :

- de réaliser des actions structurantes en faveur des PMI locales avec un effet de levier financier intéressant et surtout un impact certain en terme de synergie avec les acteurs du développement économique local ;

- de répondre à l'évolution et aux besoins du tissu régional.

2. La diffusion de la technologie

Les actions de diffusion de la technologie gérées par les DRIRE au niveau déconcentré concernent les crédits du chapitre 64-92, article 20.

Il s'agit essentiellement de la procédure ATOUT (voir plus loin), dont l'objectif est de faciliter la diffusion vers les PMI, même les plus modestes, des technologies essentielles pour l'avenir de l'industrie. Cette aide vise à encourager les PMI à faire un " saut technologique " même si intrinsèquement le projet financé ne présente pas un caractère de novation exceptionnel.

3. Une action qui mobilise les crédits des collectivités locales et de la communauté européenne

Les procédures de l'Etat pour le développement industriel régional mobilisent d'autres financeurs : principalement les collectivités locales et l'Europe.

COFINANCEMENT DES ACTIONS DE DÉVELOPPEMENT INDUSTRIEL RÉGIONAL

(en millions de francs)

FRAC

ARC

FRATT

Actions collectives

FDPMI

ATOUT

Etat
(chapitre 64-92)

35,4
article 10

100,85
article 10

3,9
article 10

29,7
article 10

453,5
article 10

213,3
article 20

Région

29,6

42,9

2,7

50,9

218,1

15,2

Autres

4,1

31,3

52,5

Europe

14,5

46,1

0,5

183,7

482,9

37,3

TOTAL en MF

83,6

189,9

7,1

395,5

1 207,0

265,9

Nombre de dossiers
(tous financements)

1 837

1 313

105

742

2 992

1 007

FRAC : Fonds régional d'aide au conseil

ARC : Aide au recrutement de cadres

FRATT : Fonds régional d'aide au transfert technologique

FDPMI : Fonds de développement des PMI

ATOUT : Diffusion des techniques

C. LA PROCÉDURE ATOUT

Comme cela vient d'être dit, l'objectif de la procédure ATOUT est de faciliter la diffusion vers les PMI, même de taille modeste, des technologies les plus importantes, essentielles pour l'avenir de l'industrie, encore peu utilisées en France par les PMI, alors qu'elles sont maîtrisées par les grandes entreprises et les entreprises étrangères. Ce constat a été fait il y a une dizaine d'années à propos de l'utilisation des composants électroniques et depuis étendu à d'autres domaines.

Votre commission considère que le niveau technologique d'un pays n'est pas seulement celui de ses réussites les plus spectaculaires, mais également celui de l'ensemble de ses entreprises, et notamment des PMI .

1. Un outil de modernisation du tissu des PMI

Avec " ATOUT ", il s'agit d'encourager les PMI à faire un " saut technologique " : le critère déterminant n'est pas forcément le degré d'innovation du projet, mais plutôt l'ampleur des progrès qu'il représente pour l'entreprise . A titre d'exemple, le ministère de l'industrie indique qu'aider un fabricant de jouets classiques à concevoir avec des composants électroniques une poupée qui parle est intéressant, non pas parce que le produit est innovant, mais parce qu'au travers d'un produit assez banal, l'entreprise peut aborder le secteur du jouet électronique.

La procédure ATOUT a tout d'abord concerné quatre techniques : les composants électroniques , les matériaux , les nouvelles technologies de production et l'intégration informatique . D'autres techniques fondamentales pour la compétitivité des entreprises peuvent à présent être prises en compte, dans le cadre de la nouvelle circulaire du 28 février 2000 relative au programme ATOUT, en particulier les technologies liées à l'informatique et à la communication de l'entreprise .

Le fonctionnement de la procédure est assuré d'une part par les services sectoriels du ministère, qui définissent le contenu des techniques prioritaires pour les PMI, et, d'autre part, par les chargés de mission des DRIRE, qui rencontrent les chefs d'entreprise sur le terrain et les aident à définir leur stratégie et leurs priorités.

Les aides apportées par la procédure couvrent 50 % des dépenses éligibles de l'entreprise en phase de faisabilité ou de réalisation, le montant des aides étant plafonné à 200.000 euros. Cette aide est versée sous la forme d'une avance remboursable. Toutefois, pour la phase de faisabilité, l'aide peut être accordée en tout ou partie sous forme de subvention, limitée à 40.000 euros.

Pour pouvoir bénéficier de cette aide, l'entreprise doit avoir moins de 2.000 personnes et ne pas être la filiale d'un grand groupe. Elle doit aussi être en situation financière saine.

2. Un effet réel sur la compétitivité des entreprises aidées

Les entreprises qui ont reçu une aide du type ATOUT sont interrogées chaque année pendant 5 ans sur le montant du chiffre d'affaires généré par le projet aidé et sur la part réalisée à l'exportation.

Les résultats de cette enquête sont satisfaisants :

MESURE DES RÉSULTATS DE LA PROCÉDURE " ATOUT "

PUCE
(composants électroniques)

PUMA (matériaux)

Nombre total de dossiers aidés (1)

3 122

1 956

Montant des aides décidées de 1984 à 1999 inclus (en MF) (1)

1 004

630

Aide moyenne par dossier (en KF) (1)

310

310

Nombre de dossier soldés au 31/12/99 (2)

2 637

1 400

Nombre de dossiers dont le suivi est terminé (2)

2 233

837

Chiffre d'affaires total généré par les dossiers soldés (en MF) (2)

20 321

13 383

Chiffre d'affaires moyen par dossier soldé (en MF) (2)

7,70

9,56

Chiffre d'affaires généré/montant d'aide décidée par dossier

24,8

30,8

Part du CA export/CA généra total

41 %

43 %

(1) Tous financements confondus

(2) Financement Etat seulement

En particulier, la part importante des exportations constitue la preuve de la bonne compétitivité des entreprises aidées.

D. LA DEUXIÈME GÉNÉRATION DE L'APPEL À PROPOSITIONS " TECHNOLOGIES-CLÉS "

Une évaluation des technologies cruciales pour l'industrie française, menée en 1995, avait permis d'identifier 50 " technologies-clés " , réparties entre 7 domaines : santé et technologies du vivant, environnement, technologies de l'information et de la communication, matériaux, énergie, technologies organisationnelle et d'accompagnement, production, instrumentation et mesures.

Un appel à propositions avait été lancé pour ces cinquante technologies, pour inciter à la constitution de projets de recherche industrielle sur la base de partenariats, nationaux ou européens, entre la recherche et l'industrie ou entre industriels. Il s'adressait aux entreprises industrielles, aux centres techniques, aux organismes de recherche, aux sociétés de conseils ou de service à l'industrie ou à tout autre partenaire impliqué dans le développement ou la diffusion des technologies retenues.

Les projets ainsi sélectionnés (environ 400 à ce jour) ont bénéficié d'un total d'aide de 1 milliard de francs depuis le lancement de l'appel à proposition. 400 millions de francs de crédits sont prévus en 2000 et 2001 pour cet appel à propositions.

En attendant la deuxième génération de l'appel à propositions, 1999 et 2000 ont été des années charnière, au cours desquelles deux nouvelles actions ont été décidées conjointement par le ministère et l'ANVAR.

Il s'agit d'abord de l'appel à projets " Performances ", qui concerne l'ensemble des secteurs industriels et des services à l'industrie. Cette action s'adresse prioritairement aux PMI et aux entreprises et groupes indépendants comptant moins de 5.000 personnes, un intérêt particulier étant porté à la fourchette des entreprises de 500 à 5000 salariés.

La deuxième initiative a été l'appel à projets " Après séquençage génomique " dont l'objectif est d'inciter les entreprises spécialisées en biotechnologies ou les secteurs bioindustriels d'application à monter des projets de partenariats avec la recherche publique , afin de mettre au point de futures applications dans des domaines à fort impact socio-économique, à partir de connaissances et données issues des grands séquençages des génomes humain, animal, végétal ou microbien.

Le projet " Technologies clés 2005 " a été publié en octobre dernier. Il recense 119 technologies, classées en huit grands domaines : NTIC, matériaux-chimie, construction-infrastructures, énergie-environnement, technologies du vivant, transport-aéronautique, biens et services de consommation, technologies et méthodes de conception-gestion-production.

CHAPITRE II -

TABLEAU DE L'INDUSTRIE FRANÇAISE

I. UN RÔLE ESSENTIEL DANS LA CROISSANCE, L'EMPLOI ET L'AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

A. L'INDUSTRIE AU COEUR DU DÉVELOPPEMENT ET DE L'EMPLOI

L'industrie est l'un des principaux moteurs de l'économie . En effet, c'est en grande partie grâce aux richesses qu'elle crée et à la valeur ajoutée qu'elle produit que le secteur tertiaire est capable de se développer. Dans aucun grand pays, il n'y a d'économie forte sans industrie forte.

En incluant le bâtiment et les travaux publics, l'industrie représente le quart du produit intérieur brut national .

L'industrie manufacturière est le premier vecteur de l'innovation : elle assure plus de la moitié de l'effort national de recherche et de développement . Elle est aussi la principale source de la croissance de nos échanges extérieurs .

Au plan international, l'industrie française se situe au quatrième rang mondial après les Etats-Unis, le Japon et l'Allemagne. De même, elle est le quatrième exportateur mondial avec une part de marché dans le commerce mondial de 7 %.

L'industrie manufacturière (y compris agroalimentaire) emploie fin 1999 plus de 4 millions de personnes , auxquelles correspondent environ autant d'emplois indirects (dans le secteur des services aux entreprises).

Si l'industrie a perdu environ 600.000 emplois depuis 1990, il convient de noter qu'un nombre comparable d'emplois a été créé sur la même période dans le secteur des services aux entreprises , le plus souvent par externalisation d'un certain nombre de fonctions (conception, design, ingénierie, logistique, R & D...) ou par recours à l'intérim (où l'industrie emploie l'équivalent de 265.000 personnes). L'industrie se recentre en effet sur ses activités de production et sur ses métiers ; elle sous-traite désormais au secteur des services des fonctions dont elle s'est dessaisie.

Au delà de ces chiffres, une analyse au niveau mondial montre le caractère moteur de l'évolution de la production industrielle. Les pays ayant connu une forte croissance sont ceux dont la production industrielle a été la plus dynamique depuis 1987. Ainsi, avec moins de 20 % de croissance de la production manufacturée, le Japon et le Royaume-Uni sont les deux grands pays les moins performants au cours de cette période, alors que l'Espagne et les Etats-Unis ont une croissance qui dépasse les 40 %. En situation intermédiaire, la France, l'Allemagne et l'Italie, augmentent à des rythmes très voisins, proches de 25 %. Les performances industrielles ramenées au nombre d'habitants sont cependant assez voisines d'un pays à l'autre.

Si le recul, sur une longue période, du poids de l'industrie dans le PIB est une réalité liée principalement à des gains de productivité plus élevés que dans les autres secteurs, le recul de l'emploi industriel et surtout de la production industrielle ne sont pas des données intangibles, comme le montre la croissance des dernières années .

L'industrie tend à augmenter le niveau de qualification de ses personnels : le nombre des ingénieurs et des cadres est en augmentation. La compétitivité d'une entreprise dépendant tout autant des qualifications de ses salariés que du niveau de ses technologies, la formation et l'amélioration des compétences du personnel constituent un enjeu majeur. L'industrie n'en reste pas moins une des sources principales d'emploi pour les bas niveaux de qualification, notamment dans les secteurs traditionnels.

En termes d'aménagement du territoire , l'industrie française a un rôle essentiel. Dans un grand nombre de bassins d'emplois, dans des zones rurales fragiles ou des bassins industriels en reconversion, les entreprises industrielles jouent le rôle de moteur de l'économie locale. Elles font vivre, grâce à leurs activités, le commerce et les services et sont souvent la condition du maintien d'une activité et d'une présence humaine sur ces territoires. La réindustrialisation des zones en déclin est d'ailleurs un enjeu majeur d'aménagement du territoire.

Les entreprises implantées sur le territoire sont souvent des PMI qui travaillent parfois sur des secteurs menacés (textile, habillement,...) en employant une main-d'oeuvre sans forte qualification. La pérennité de ces entreprises est importante pour la vitalité du tissu économique.

L'analyse de l'importance de l'industrie dans la société française montre que l'économie nationale n'est pas " post-industrielle ", comme certains la décrivent parfois. Moteur de l'économie, créatrice d'emplois, facteur d'intégration et de cohésion sociale, élément essentiel d'aménagement du territoire, l'industrie reste au carrefour des problématiques prioritaires de la société française.

Les tableaux suivants récapitulent les principales données chiffrées sur la place de l'industrie dans l'économie française :

VALEUR AJOUTÉE PAR BRANCHE EN VOLUME

1995

1996

1997

1998

1999

1995

1996

1997

1998

1999

en milliards de francs 1995

en part dans le PIB (en %)

Agriculture

233

245

249

255

259

3,4

3,5

3,5

3,5

3,4

Ind. agroalimentaire

194

191

189

189

190

2,8

2,7

2,6

2,6

2,5

Ind. manufac. nc IAA

Biens de consommation

Industrie automobile

Biens d'équipement

Biens intermédiaires

1 114

252

90

261

510

1 114

245

95

255

519

1 180

254

112

271

544

1 202

248

127

279

548

1 235

251

137

292

555

16,1

3,6

1,3

3,8

7,4

15,9

3,5

1,4

3,6

7,4

16,5

3,5

1,6

3,8

7,6

16,3

3,4

1,7

3,8

7,5

16,3

3,3

1,8

3,9

7,3

Energie

204

213

198

201

205

2,9

3,0

2,8

2,7

2,7

Construction

376

359

322

317

330

5,4

5,1

4,5

4,3

4,4

Services marchands

3 603

3 646

3 725

3 871

3 994

52,0

52,1

52,2

52,6

52,8

Services administrés

1 459

1 489

1 510

1 543

1 568

21,1

21,3

21,1

21,0

20,7

Total France (PIB)

6 925

7 001

7 13

7 360

7 565

100

100

100

100

100

Source : INSEE-Comptes Nationaux, 1999 (prix de l'année précédente chaînés, base 1995)

La diminution des effectifs ne doit pas occulter la croissance de la production en volume . Ainsi, la demande de produits industriels a augmenté de 57 % depuis 1980.

En termes d'emplois, les statistiques ci dessous méritent d'être commentées car il faut, au minimum, réaffecter aux industries manufacturières le travail -déjà évoqué- des intérimaires de l'industrie, soit l'équivalent d'environ 265.000 emplois, comptabilisés dans les services marchands. On constate alors que la part de l'emploi manufacturier dans l'emploi total est à peu près stable depuis 1995.

EMPLOI INTÉRIEUR SALARIÉ PAR BRANCHE

1995

1996

1997

1998

1999

1995

1996

1997

1998

1999

milliers d'emplois

part dans l'emploi total (en %)

Agriculture

347

350

358

362

362

1,7

1,7

1,7

1,8

1,7

Ind. agroalimentaire

506

526

513

518

523

2,5

2,6

2,5

2,5

2,5

Ind. manufac. nc IAA

Biens de consommation

Industrie automobile

Biens d'équipement

Biens intermédiaires

3 151

758

260

743

1 390

3 101

732

259

740

1 369

3 039

715

247

725

1 353

3 043

706

244

729

1 363

3 044

700

244

736

1 365

15,7

3,8

3,7

3,8

6,9

15,4

3,6

3,7

3,6

6,8

15,0

3,5

3,6

3,8

6,7

14,8

3,4

3,5

3,8

6,6

14,5

3,3

3,5

3,9

6,5

Energie

241

239

234

225

222

1,2

1,2

1,2

1,1

1,1

Construction

1 210

1 174

1 143

1 142

1 158

6,0

5,8

5,6

5,5

5,5

Services marchands

8 401

8 538

8 740

9 018

9 321

41,9

42,3

43,0

43,7

44,2

Services administrés

6 209

6 244

6 285

6 318

6 435

30,9

31,0

30,9

30,6

30,5

Total emploi salarié

20065

20173

20312

20625

21068

100

100

100

100

100

Source : INSEE-Comptes Nationaux, 1999

Si l'on s'intéresse à la répartition de la valeur ajourée et de l'emploi industriel par branches, on peut noter la percée de la branche automobile , qui a contribué depuis l'automne 1996 à un tiers de la croissance industrielle et, d'autre part, une certaine régression de la branche biens de consommation, due pour l'essentiel au déclin de l'habillement et du cuir . Quant à la branche des biens d'équipement , elle a été une des plus actives en 1998 et 1999. Elle a profité de la forte demande en biens d'investissement et en nouveaux produits ou nouveaux équipements, comme les équipements électroniques et les appareils de téléphonie.

VALEUR AJOUTÉE MANUFACTURIÈRE EN VOLUME PAR BRANCHE
(en  %)

1995

1996

1997

1998

1999

Biens de consommation

Automobile

Biens d'équipement

Biens intermédiaires

Ind. manufacturières (hors IAA)

22,7

8,1

23,5

45,8

100

22,0

8,5

22,9

46,6

100

21,5

9,5

23,0

46,1

100

20,6

10,5

23,2

45,6

100

20,3

11,1

23,7

44,9

100

Source : INSEE-Comptes de la Nation, 1999

La répartition des emplois par branche est donnée dans le tableau ci-dessous :

EMPLOI INTÉRIEUR SALARIÉ MANUFACTURIER PAR BRANCHE
(en  %)

1995

1996

1997

1998

1999

Biens de consommation

Automobile

Biens d'équipement

Biens intermédiaires

Ind. manufacturières (hors IAA)

24,1

8,3

23,6

44,1

100

23,6

8,4

23,9

44,2

100

23,5

8,1

23,9

44,5

100

23,2

8,0

24,0

44,8

100

23,0

8,0

24,2

44,8

100

Source : INSEE-Comptes de la Nation, 1999

NB : Les emplois intérimaires qui travaillent dans l'industrie sont comptabilisés en services marchands.

B. L'INDUSTRIE FRANÇAISE EN 1999

1. Une croissance de 3,1 %

Au début de 1999, de fortes incertitudes conjoncturelles pesaient sur l'industrie manufacturière française. La crise, qui s'était propagée du Sud-Est asiatique à la Russie puis au Brésil, de mi-1996 à fin 1998, avait fini par toucher l'industrie française par l'intermédiaire de ses partenaires traditionnels les plus exposés, notamment l'Allemagne et les Etats-Unis . Mais, dès le deuxième trimestre, la demande mondiale s'est redressée, grâce à la reprise des pays asiatiques. L'industrie française a ainsi retrouvé son dynamisme et la croissance s'est accélérée fin 1999 : sur l'année, sa production a progressé de 3,1 % en volume , après 5 % en 1998.

La croissance de la production industrielle a reposé sur la demande intérieure . Sur les 3,1 points de croissance, la consommation finale et l'investissement ont contribué chacun pour un point . La demande interindustrielle a contribué pour deux points : les consommateurs intermédiaires de produits industriels, qui représentent plus de la moitié du marché intérieur de ces produits, ont bénéficié de la reprise. En revanche, les entreprises ayant puisé dans leurs stocks, ces derniers n'ont pas contribué à la croissance. Tout en restant les plus performantes, l'industrie de l' automobile (+ 7,3 % en volume) et celle des équipements électriques et électroniques (+ 8,9 %) ont progressé moitié moins vite qu'en 1998. La production n'a baissé que pour la filière du textile-habillement-cuir ; elle a ainsi repris sa tendance de long terme, après deux années de répit où elle avait bénéficié d'un rebond de la consommation et des allégements de charges sociales du plan " Borotra ".

2. Une intégration croissante d'Internet

Une récente et très complète enquête du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie 1 ( * ) met en avant la spectaculaire rapidité de pénétration d'Internet dans l'industrie française.

a) Des taux de raccordement en croissance rapide

69 % des entreprises industrielles étaient connectées à Internet fin 1999, contre 28 % en 1997. Cette progression spectaculaire touche tous les secteurs de l'industrie, particulièrement les secteurs " traditionnels ", faiblement connectés en 1997. Ainsi, le nombre d'entreprises connectées à Internet a fortement progressé dans la mécanique, le textile, la métallurgie, le bois-papier et l'habillement-cuir, secteurs qui ont rattrapé une partie de leur retard.

Cette dynamique devrait se poursuivre : d'après des enquêtes du ministère de l'industrie, un tiers des entreprises non encore équipées prévoient de le faire d'ici 2001. Les intentions d'équipement sont particulièrement élevées dans les secteurs des matériels de transport, de la construction électrique et de la chimie, où près d'une entreprise non connectée sur deux prévoit de le faire d'ici 2001.

Malgré ce rattrapage, tous les secteurs industriels n'utilisent pas Internet avec la même intensité . Seulement une entreprise sur deux se sert d'Internet dans l'habillement-cuir ou l'industrie des produits minéraux.

Globalement, dans l'industrie française, la connexion à Internet se généralise. Trois quarts des grandes entreprises étaient déjà connectées à Internet en 1997 ; elles sont désormais 97 %. Les autres types d'entreprises ont réduit leur retard : 88 % des entreprises de 100 à 249 salariés sont désormais connectées, soit deux fois plus qu'il y a deux ans. Pour les petites entreprises , de 20 à 49 salariés, le taux de raccordement a même triplé, pour atteindre près de 60 %.

Les principales industries utilisatrices sont, naturellement, les entreprises de haute technologie , particulièrement les entreprises les plus internationalisées, ainsi que les filiales de groupes . Internet accélère l'internationalisation des échanges, en permettant aux groupes multinationaux de correspondre avec leurs filiales à l'étranger et en donnant aux entreprises l'opportunité de conquérir des marchés à l'international.

b) Des usages qui se diversifient

En 1997, 23 % des entreprises industrielles utilisaient Internet pour rechercher des informations , alors que 21 % des entreprises accédaient à une messagerie électronique et seulement 12 % diffusaient des informations sur Internet.

En 1999, cette hiérarchie est confirmée, mais les entreprises sont presque trois fois plus nombreuses à être en quête d'informations sur le réseau (64 %). En second lieu, 61 % des entreprises communiquent sur Internet par la messagerie électronique qui est devenue un outil instantané, bon marché et complémentaire au courrier, mais aussi au téléphone et à la télécopie. Cette deuxième application de l'Internet est aujourd'hui complètement intégrée par les grandes entreprises (93,5 %).

Le troisième type d'usage concerne les transferts de fichiers, que pratiquent 53 % des entreprises industrielles.

Enfin, seulement 15 % des entreprises industrielles passent des commandes en ligne à leurs fournisseurs par l'Internet. Ainsi, les entreprises sont beaucoup plus nombreuses à passer commande chez les fournisseurs (15 %) qu'à recevoir, via leur serveur, des commandes de leurs clients (9 %). Tout se passe comme si, à une attitude de " consommateur " vis-à-vis de l'Internet, succédait un comportement d'offreur de services dont les industriels ont, dans un premier temps, tiré profit.

Comme pour l'usage général de l'Internet, le secteur des combustibles et carburants, les secteurs producteurs de technologies de l'information et de la communication (TIC), aussi bien que l'édition-imprimerie, la pharmacie et l'automobile se distinguent par une pratique plus importante des commandes en ligne .

39 % des industriels ont fait le choix de mettre en place un site propre à leur entreprise , ainsi que six grandes entreprises sur dix, ainsi qu'une entreprise sur deux dans l'énergie, la pharmacie-parfumerie ou les équipements électriques et électroniques.

Le premier type d'utilisation de ces sites pour les entreprises est la communication institutionnelle qui vise à se donner un surcroît de notoriété et une image de modernité.

Le second type d'utilisation pour ces sites est le commerce électronique . Cette activité marchande comporte plusieurs niveaux : le marketing (mise en ligne de catalogues de produits et de prix), la transaction commerciale (réception de commandes) et le paiement en ligne sécurisé. Si les industriels voient dans l'Internet un moyen moderne et performant d'échanger des informations, la majorité d'entre eux ne le considèrent pas encore comme un outil de transactions commerciales à part entière.

24,5 % des entreprises industrielles ont un site marchand, à partir duquel elles diffusent des informations commerciales utiles aux clients (catalogues de produits ou de prix). Ces proportions sont, bien entendu, plus élevées dans les grandes entreprises de plus de 500 salariés : 38,7 % ont un site marchand et y diffusent des informations commerciales. Les sites marchands sont plus fréquents dans les secteurs industriels liés aux TIC (équipements électriques et composants), ainsi que dans les équipements du foyer (entre 30 % et 40 %). Mais c'est dans le secteur de l'énergie que cette présence est la plus marquée.

Près d'une entreprise industrielle sur dix a d'ores et déjà franchi l'étape supplémentaire : effectuer des transactions commerciales en ligne . Ces transactions prennent la forme soit du commerce interentreprises (" business to business " ou " B2B "), prédominant dans l'industrie manufacturière, soit de la vente directe au consommateur (" business to consumer " ou " B2C "), formule moins développée dans l'industrie. Certaines entreprises ont pris conscience des opportunités que pouvait offrir le commerce électronique. Il s'agit en particulier de la mise au point de plate-formes d'achat régissant les relations commerciales avec les fournisseurs.

Si les grandes entreprises ne sont, à l'heure actuelle, guère plus nombreuses que les PMI à avoir adapté leur site pour la réception de commandes en ligne (respectivement 14 % et 9 %), 31 % des grandes entreprises (contre seulement 22 % des PMI) prévoient de doter, d'ici 2001, leur serveur de fonctionnalités interactives permettant au client de passer commande sur leur serveur. Hors secteur des TIC, ce sont les entreprises des secteurs de l'édition-impression et de l'aéronautique qui mettent d'ores et déjà le plus en oeuvre cette fonctionnalité (14 % et 12 %).

Enfin, le paiement en ligne sécurisé, ultime étape, ne concerne que 3,3 % des entreprises industrielles pour l'essentiel dans l'énergie, les composants et l'édition. Les entreprises sont encore réticentes à utiliser les technologies de l'internet pour leurs transactions financières, car elles craignent pour la sécurité des transactions.

Le tableau ci-après, issu de l'enquête précitée du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, montre que plus les entreprises industrielles sont grandes, technologiques, exportatrices et innovantes et plus elles sont utilisatrices d'Internet.

LES ENTREPRISES UTILISATRICES D'INTERNET

En % des entreprises

Connexion à l'internet

Existence d'un site

Réception des commandes en ligne

Grandes entreprises

97,7

70,5

13,6

PMI

67,6

38,1

8,9

haute technologie

85,6

51,5

9,2

basse technologie

64,3

36,2

8,9

taux d'export > 25 %

83,0

52,4

10,2

taux d'export <25 %

64,0

35,0

8,6

filiales de groupe

82,1

47,9

9,5

indépendantes

59,2

33,3

8,6

entreprises innovantes

80,5

49,6

11,1

entreprises non innovantes

58,7

30,5

7,3

Source : Sessi-enquête TIC 1999

II. DES SECTEURS INDUSTRIELS AUX ÉVOLUTIONS CONTRASTÉES

A. L'INDUSTRIE TEXTILE FACE AU REMBOURSEMENT DES AIDES DU " PLAN TEXTILE "

1. Une conjoncture améliorée

L'année 1999 a été marquée par une reprise lente, mais réelle, de l'industrie du textile-habillement . La crise asiatique, qui avait provoqué un déstockage généralisé et un effondrement des prix a cessé progressivement de faire sentir ses effets. L'amélioration a cependant été lente. Si le textile retrouve progressivement les niveaux antérieurs, l'habillement est toujours dans une décroissance structurelle de son activité.

En matière de taux de changes , la création de l'euro, le niveau élevé de la livre et du dollar, joints à la croissance de la consommation dans ces pays, ont facilité les exportations, et facilité la croissance du secteur.

La croissance de la consommation sur le marché intérieur a été un autre facteur favorable : la reprise amorcée nettement depuis 1997 pour l'ensemble habillement-cuir (+1,1 % en francs constants en 1997, puis près de +3 % en 1998) a été suivie d'un net ralentissement en 1999 (niveau stable), mais le redémarrage est certain depuis le début de l'année 2000 (sur un rythme de +2 %) et tout indique qu'il est maintenant durable. La croissance de la consommation en France est parmi les plus élevées en Europe.

2. Des difficultés structurelles

a) Une production tendanciellement à la baisse

L'amélioration de l'environnement économique et les allégements de charges sociales avaient permis une stabilisation de la production de ce secteur en 1997 et en 1998. A partir du dernier trimestre de 1998, la production s'est orientée franchement à la baisse, et les résultats financiers se sont dégradés. La reprise a eu lieu à partir de la fin 1999, mais les résultats sont différents selon les branches. Pour le textile , l'année 1999 a été mauvaise avec une baisse de la production physique de près de 6 %. Pour 2000, on s'oriente vers une stabilisation : l'indice de production (base 100 en 1995) s'établit aux environs de 87. Pour l'habillement , la baisse s'élève à près de 10 % en 1999 et continue en 2000, pour un indice de production de 55 (base 100 en 1995).

Au-delà de la crise asiatique, c'est d'un malaise plus profond que résultent ces chiffres, la reprise actuelle ne suffisant pas à les redresser. Les facteurs s'en font sentir, en particulier pour les activités dont le taux de main d'oeuvre est le plus élevé.

Le déficit du commerce extérieur de ce secteur n'a cessé de se creuser depuis 1970, principalement sous l'effet de la hausse des importations en provenance des pays à bas salaires. Le déficit commercial de la France atteint 10 milliards de francs avec les pays méditerranéens, et 20 milliards de francs avec l'Asie, dont 7 milliards avec la seule Chine.

b) Un emploi qui ne cesse de s'amenuiser

Les emplois dans le secteur du textile et de l'habillement ne cessent de diminuer depuis de longues années, sur un rythme annuel moyen de 3 à 4 % , avec des pointes de 6 à 7 % quand la conjoncture est particulièrement difficile.

Après la période délicate de 1996, les années 1997 et 1998 ont vu une amélioration notable (effets du plan " Borotra " et de la conjoncture), mais depuis la mi-1998, on assiste à une nouvelle dégradation avec de multiples fermetures ou délocalisations.

Malgré l'embellie, l'année 1999 a été particulièrement mauvaise sur le plan de l'emploi, avec des pertes d'emplois estimées à 6 % (soit 17.000 personnes, chiffre provisoire communiqué par le ministère de l'industrie).

Votre commission considère que le niveau trop élevé des charges sociales dans notre pays pénalise tout particulièrement ces industries de main d'oeuvre, tout comme la réduction du temps de travail, qui dégrade leur rentabilité.

3. Le remboursement des aides du plan d'allégement des charges sociales (dit plan " Borotra ") de la loi du 12 avril 1996

a) Un dispositif finalement condamné par la Cour de Justice Européenne

Le dispositif d'allégement de charges pour le secteur textile-habillement-cuir, mis en place par la loi du 12 avril 1996, a été mis en oeuvre de la mi-96 au 31 décembre 1997.

Ce dispositif a toutefois été condamné par la Commission européenne le 9 avril 1997 , au titre des aides d'Etat à caractère prohibé. La Commission a demandé à la France de prendre toutes dispositions pour récupérer les aides illégalement versées. Cette condamnation a été confirmée par la Cour de Justice Européenne le 6 octobre 1999.

Le Gouvernement français étant tenu de se conformer à cet arrêt, sous peine d'un recours en manquement, le processus de remboursement a été mis en route.

b) Des conditions de remboursement négociées

Les conditions de remboursement ont toutefois fait l'objet de longues négociations avec la Commission européenne, afin d'obtenir les interprétations les plus favorables et de ne pas mettre en danger les entreprises d'un secteur déjà fragile. Les conditions suivantes ont été arrêtées :

- pour la détermination du montant à rembourser, il est tenu compte de l'incidence fiscale sur les aides perçues. En conséquence, le montant est réduit d'environ 40 %. Une partie de l'aide restante est couverte par la règle du " de minimis ", qui prévoit que les Etats n'ont pas à soumettre à autorisation les aides versées dans la limite de 100.000 euros ;

- le remboursement pourra être étalé sur une période de 3 ans à partir de son début, soit le 1 er avril 2000 ;

- inversement, en conformité avec les règles européennes l'aide perçue et le remboursement sont affectés d'un taux d'intérêt, au taux négocié de 6,01 % correspondant à la moyenne des taux d'intérêts sur la période avant le remboursement.

Ce dispositif a fait l'objet d'une circulaire envoyée aux préfets le 31 mars 2000 . Les URSSAF sont chargées de la gestion du remboursement, sous l'autorité du préfet de département.

c) L'état d'avancement du processus de remboursement

Le processus de remboursement ne faisant que débuter, votre rapporteur ne dispose pas encore de statistiques complètes sur son ampleur ni sur son incidence directe sur les entreprises concernées.

Cependant, les premières indications recueillies confirment les éléments chiffrés communiqués dans le rapport pour avis sur le projet de loi de finances pour 2000.

Le nombre d'entreprises de ce secteur de plus de 50 personnes, objet de la procédure, est d'environ un millier . Sur ce nombre, 250 à 300 ont moins de 80 personnes et n'auront donc en fait pratiquement rien à rembourser compte tenu des conditions du remboursement. On peut penser qu'environ 200 autres n'auront qu'une somme très modérée à payer.

Parmi les entreprises restantes, les cas sont extrêmement divers. A priori, pour la plus grande partie, l'incidence du remboursement, sans être nulle, devrait néanmoins rester faible compte tenu de l'étalement dans le temps.

Pour les entreprises auxquelles le remboursement poserait problème, soit à cause du montant à débourser, soit en raison de difficultés déjà existantes, un double dispositif a été mis en place :

- les entreprises peuvent s'adresser aux services du préfet ou de la comptabilité publique (Commission des chefs de service financiers) en cas de difficultés de paiement, afin qu'il soit procédé à une étude globale de leur situation, même si le principe du remboursement doit être respecté ;

- les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement (DRIRE) ont reçu instruction de visiter systématiquement les entreprises du secteur, afin de voir quel soutien peut leur être apporté dans le cadre des procédures existantes, au titre de l'innovation ou de la formation.

Votre commission pour avis demande au Gouvernement de donner des instructions pour que la procédure de remboursement soit mise en oeuvre avec pragmatisme par les services concernés, afin de ne pas mettre en danger des entreprises déjà fragilisées.

B. LA CONSTRUCTION NAVALE CIVILE APRÈS LA FERMETURE DES ATELIERS ET CHANTIERS DU HAVRE

1. Un marché déstabilisé sur lequel l'Europe recule

a) Un marché mondial totalement ouvert et surcapacitaire

Aucune protection, ni douanière, ni géographique, n'encadre le marché de la construction des grands navires de commerce, marché mondial totalement ouvert à la concurrence. Un navire est en effet un bien qui peut circuler librement dans le monde entier. L'armateur peut prendre livraison à peu de frais (parfois même en rapportant du fret) d'un navire construit dans n'importe quel chantier du monde. Soumis lui-même à une vive concurrence internationale sur la plupart des trafics, l'armateur achète son navire au meilleur prix international. Cette situation est en outre favorisée par l'existence d'une flotte de libre immatriculation.

La construction navale civile est en outre caractérisée par une augmentation de la capacité de construction, due en particulier à la construction de nouvelles installations en Corée du Sud et en Chine , ainsi qu'à l'augmentation de la productivité.

D'après les prévisions, la capacité de construction navale mondiale, qui est déjà supérieure d'environ 20 % à la production effective , augmentera vraisemblablement d'environ 20 % en l'an 2005. Par contre, la demande mondiale de navires neufs devrait se ralentir au cours des prochaines années, aggravant le déséquilibre entre l'offre et la demande.

En 2005, l'écart entre la capacité et la demande pourrait alors atteindre 30 %.

b) Un marché déstabilisé par de fortes chutes de prix entraînant un recul de la part de marché européenne

Ce déséquilibre entre l'offre et la demande a conduit à la détérioration brutale des prix en 1998, lesquels étaient déjà en sensible diminution depuis de nombreuses années. Ceux-ci auront diminué de 25 % entre 1995 et 1999.

Cette baisse des prix est due principalement à l'attitude de la Corée du Sud, qui dans le contexte de la crise financière en Asie du Sud-Est, a offert des prix plus bas pour remplir son carnet de commandes, lequel a ainsi dépassé celui du Japon depuis le début de 1998. Ce comportement n'a pas manqué d'être qualifié de " dumping " par de nombreux observateurs.

En outre, l'évolution divergente, depuis 1997, entre le niveau du carnet de commandes mondial, qui augmente, et celui des prix des navires neufs, qui diminue, a généré des commandes de nature " spéculative ", anticipant la demande future pour profiter de prix bas. Cette anticipation pourrait générer un effet de correction et peser sur la demande à venir.

La part de l'Europe de l'Ouest dans les commandes mondiales, qui était de 26 % en 1998, est passée à 16,8 % en 1999, tandis que la Corée du Sud obtenait près du tiers du marché mondial (32,6 %) et le Japon un quart (26,2 %).

La répartition du carnet de commandes mondial montre le poids désormais écrasant du Sud-Est Asiatique dans la construction navale civile, et le recul corrélatif de la France :

CARNET DE COMMANDE MONDIAL DE LA
CONSTRUCTION NAVALE CIVILE A LA FIN 1999

Source : Chiffres du Lloyd's Register Of Shipping transmis par le ministère de l'industrie.

Les perspectives d'avenir sont assez inquiétantes dans ce secteur. La forte surcapacité -qui s'accentue notamment sous l'effet de la reconversion de nombreux chantiers militaires- et le ralentissement prévu de la demande vont encore aviver la concurrence entre les chantiers mondiaux, même dans le créneau des navires à plus haute technologie. Ceci est déjà le cas pour les méthaniers, pour lesquels la Corée et le Japon dominent à présent ce segment de marché.

2. L'embellie de la construction navale civile en France

a) Un secteur important pour l'emploi et l'aménagement du territoire

Au sens large, en incluant la réparation et les équipementiers, la construction navale 2 ( * ) civile représente en France 27.000 emplois et concerne de très nombreux départements.

Ainsi, pour la construction d'un grand paquebot de croisière par les chantiers de l'Atlantique, si la Loire-Atlantique et l'Ile-de-France sont les premières concernées, le chantier de Saint-Nazaire fait appel à des entreprises situées dans 70 départements.

S'agissant de la construction navale, elle est le fait de " petits " chantiers comme les Constructions mécaniques de Normandie (Cherbourg, 520 personnes et 434 millions de chiffre d'affaires) ; Alstom Leroux Naval (Lorient et Saint-Mâlo, 270 personnes et 833 millions de francs de chiffre d'affaires) ou les chantiers Piriou (Concarneau, 160 personnes et 388 millions de francs de chiffre d'affaires).

Mais ce sont les chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire (filiale d'Alstom) qui disposent de la plus grande capacité : 3.900 personnes y travaillent, pour un chiffre d'affaires de 7,8 milliards de francs.

Exclusivement orientés vers la production de navires " de charge " (pétroliers jusqu'à 550.000 tonnes de port en lourd, porte-conteneurs, vraquiers...), les Chantiers de l'Atlantique se sont reconvertis depuis le milieu des années 1980 dans la construction de navires à haute valeur ajoutée (segment de marché relativement moins soumis à la concurrence des chantiers du Sud-Est asiatique) :

- paquebots : 10 paquebots sont en commande au 30 juin 2000 (17,2 % du tonnage mondial) et 30 paquebots ont été commandés depuis 1984 (20 % du tonnage mondial) ;

- navires de transport de gaz naturel liquéfié : 5 méthaniers de 135.000 m 3 ont été livrés à la Malaisie entre 1994 et 1997.

Actuellement, outre les effectifs propres au chantier, 1.500 personnes en sous-traitance travaillent pour le site de Saint-Nazaire et 6.000 personnes sont affectées au montage d'équipements maritimes et aux travaux d'aménagement.

Votre commission pour avis se félicite tout particulièrement de ce que les chantiers de l'Atlantique aient été choisis pour la construction du paquebot " Queen Mary II ", choix qui en font le leader mondial sur le segment de la construction des paquebots de croisière. Ce bâtiment, deux fois plus important que le " France ", sera construit en deux fois moins de temps, ce qui montre les gains de productivité importants réalisés par les chantiers.

b) Le bilan de la fermeture des ateliers et chantiers du Havre

Les Ateliers et Chantiers du Havre (ACH) ont livré leur dernier navire (2 ème chimiquier Stolt Nielsen) en novembre 1999. Ils ont ensuite été fermés.

Il faut dire que les pertes engendrées depuis 1996 par la construction de ces chimiquiers ont été considérables. Le total, supporté par l'Etat, s'élève à 2 milliards de francs.

Un accord est donc intervenu en juillet 1999 entre la direction de l'entreprise, les représentants du personnel et l'Etat pour la mise en oeuvre d'un plan social dont le coût (257 millions de francs) a, lui aussi, été intégralement pris en charge par les finances publiques.

Parallèlement, un chargé de mission auprès du Premier Ministre a été nommé pour mettre en oeuvre au Havre, un programme de développement industriel destiné en particulier à :

- faciliter le reclassement des personnels des ACH ;

- réunir les conditions permettant le développement d'un pôle industriel et naval autour, d'une part, de la réparation navale et, d'autre part, de l'essaimage de certaines activités des ACH susceptibles d'être continuées.

A la fin du premier semestre 2000, la mise en oeuvre de ce programme était la suivante :

- pour les personnels des ACH

Sur les 669 personnes licenciées entre août 1999 et juin 2000, une reconversion a été trouvée pour 485 personnes (72,5 % des licenciés). Mais très peu se sont portées volontaires pour un emploi aux Chantiers de l'Atlantique à Saint-Nazaire, qui avaient proposé d'embaucher environ 300 personnes des ACH. Seulement 135 personnes ont fait acte de candidature, 52 personnes ont été embauchées ou se sont vues proposer un contrat. Les autres candidatures soit ont été refusées, soit ne correspondent pas aux spécialités nécessaires ou soit ont annulé par la suite leur candidature ;

- pour la constitution du pôle industriel naval

L'essaimage réalisé à partir des activités des ACH susceptibles de développement (chaudronnerie, mécanique, bureau d'études, ingénierie) a permis la pérennisation de 80 emplois, devant être portés à environ 110 d'ici fin 2001.

Pour ce qui concerne la réparation navale (160 emplois directs existants au 30 juin 2000), une solution de reprise est en cours de négociation.

Il faut enfin souligner que, comme des travaux antérieurs de votre commission l'avaient fait remarquer, le cadre réglementaire de soutien à la construction navale civile a été significativement modifié par le règlement communautaire du 29 juin 1998, applicable du 1 er janvier 1999 au 31 décembre 2003, qui n'autorise les aides à la commande que jusqu'au 31 décembre 2000. Il permet également les aides à la fermeture partielle ou totale. Il étend à la construction navale les dispositifs applicables aux autres secteurs industriels concernant les aides à la recherche et au développement, au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté, aux investissements pour innovation et à la protection de l'environnement.

En conséquence, le projet de loi de finances pour 2001 ne prévoit pas d'ouverture de nouvelles autorisations de programmes pour l'aide à la prise de commande de construction de navires neufs (contre 2,2 milliards ouverts en loi de finances initiale pour 2000). Sont, revanche prévus 203 millions de francs de crédits de paiement pour faire face aux besoins découlant des commandes enregistrées les années précédentes.

C. LA SIDÉRURGIE : UN MARCHÉ DE PLUS EN PLUS MONDIAL, EN VOIE DE CONCENTRATION

La sidérurgie française, marquée par la privatisation d'Usinor en 1995 et par un désengagement total de l'Etat en 1997, avec la vente des dernières actions détenues, se situe sur un marché, celui de l'acier, dont la globalisation s'est sensiblement accélérée depuis le début des années 1990. La demande est fortement liée à la conjoncture mondiale. La crise asiatique intervenue en 1998 avait ainsi provoqué une baisse de la production mondiale d'acier brut de 2,7 %. Ses effets ont commencé à s'estomper en 1999 et la production mondiale a augmenté de 1,4 %, à 788 millions de tonnes. L'évolution de la production mondiale selon la zone géographique a été la suivante :

- le groupe des pays industrialisés a été confronté à un repli de sa production de l'ordre de 1,6 %, principalement du fait de l'Union Européenne (-2,9 %) et des autres pays d'Europe. Pour l'ensemble de l'OCDE, le recul de la production a été de 1,1 %. Les Etats-Unis étaient en repli de 1,4 % et le Japon faisait à peine mieux qu'en 1998 (+0,7 %) ;

- un examen plus précis de la zone de l'Union Européenne révèle des différences notables. Parmi les quatre premiers européens (Allemagne, Italie, France, Royaume-Uni) seule la France est parvenue à confirmer ses résultats de 1998, avec une progression de 0,4 %, à hauteur de 20,4 millions de tonnes . Les trois autres pays ont connu une baisse de leur production, la plus forte concernant le Royaume-Uni avec -6,0 %;

- les pays d'Asie , hors Japon, ont connu une nette reprise avec une croissance de la production de 4,9 % à 214 millions de tonnes. La Chine conserve en 1999 son rang de premier producteur mondial , avec 124 millions de tonnes, en hausse de 8,0 % par rapport à 1998. Notons que la Corée a retrouvé la croissance (+2,9 % en 1999 contre -6,2 % en 1998) ;

- la production de la CEI a connu une forte progression avec une hausse de 15,7 %, à 85 millions de tonnes. La Russie, en particulier, a enregistré une croissance de sa production de 17,5 %. En revanche, les PECO 3 ( * ) ont vu leur production baisser de 13,9 %.

En France, le principal opérateur demeure USINOR, qui réalise 90 % environ de l'activité du secteur. En tonnage, compte tenu de la fusion avec le Belge Cockerill Sambre, effective depuis février 1999, USINOR se situe au troisième rang mondial après le Japonais NIPPON STEEL et le Coréen POSCO. Cependant, compte tenu de la technicité de ses produits à haute valeur ajoutée, USINOR se maintient au second rang mondial par le chiffre d'affaires (89,5 millions de francs en 1999).

L'activité du secteur étant liée à l'activité économique en général, les derniers bilans des sociétés au premier trimestre 2000 montrent des résultats globalement satisfaisants. Depuis le début de l'année, la conjoncture est marquée par une demande très forte, que les sidérurgistes ont parfois du mal à satisfaire. Les prix, en particulier, se sont redressés sur le premier semestre de l'année, effectuant un net rattrapage après l'effondrement qu'ils avaient connu à la fin de l'année 1998 et au début de l'année 1999, sous l'effet de la crise asiatique.

Les mouvements de concentration du secteur observés en 1999 pourraient n'être que les prémisses d'une évolution qui pourrait s'accélérer au niveau mondial dans les années à venir. Aujourd'hui, le premier mondial, le Coréen POSCO, réalise en effet moins de 4 % du total de la production mondiale d'acier, les dix premiers 25 % et les vingt premiers 37 %. Ces chiffres sont loin d'atteindre ceux de certains secteurs clients ou concurrents tels que l'automobile, l'emballage, la chimie ou l'aluminium.

D. LA CHIMIE FRANÇAISE : UN QUATRIÈME RANG MONDIAL

1. Le poids économique de la chimie

En terme de taille, l'industrie chimique française (y compris la pharmacie) se situe au quatrième rang dans le monde après celle des Etats-Unis, du Japon et de l'Allemagne. Avec 55 % des ventes réalisées à destination des marchés étrangers, la France est le troisième exportateur mondial de produits chimiques et pharmaceutiques.

L'industrie chimique est le deuxième secteur industriel français par l'importance de son chiffre d'affaires . Elle emploie 8 % de la main-d'oeuvre travaillant dans toute l'industrie et en représente 16 % de la valeur ajoutée. Ses investissements atteignent 17 % de l'ensemble des investissements industriels et ses dépenses de recherche représentent 18 % de celles effectuées par l'industrie française.

Ce secteur réalise 478 milliards de francs de chiffre d'affaires, comprend 1.190 entreprises de plus de 20 salariés, pour un total de 235.800 salariés.

A côté de groupes de dimension internationale, elle compte un grand nombre de petites et moyennes entreprises : 700 d'entre elles emploient moins de 100 personnes.

La gamme des productions de l'industrie chimique est vaste : on dénombre à l'heure actuelle quelque 30.000 molécules produites et commercialisées par les entreprises chimiques françaises, qu'il s'agisse des grands produits de base, minéraux et organiques, des engrais, des matières plastiques, des arômes, des colles ou des produits de beauté...

On peut noter que ces dix dernières années, dans l'Union européenne, comme c'est le cas en France, les effectifs ont baissé moins fortement dans l'industrie chimique que dans l'ensemble de l'industrie.

LES EFFECTIFS DE L'INDUSTRIE CHIMIQUE FRANÇAISE
(BASE 100 EN 1985)

2. Un secteur fortement exportateur

En 1999, l'industrie chimique française est le deuxième secteur industriel contribuant à l'excédent de la balance commerciale de la France.

BALANCE COMMERCIALE DE LA CHIMIE EN 1999

Exportations

264 milliards de francs

Importations

211 milliards de francs

Solde

+ 53,1 milliards de francs

Taux de couverture

1,25

Source : Douanes

Comme cela a été dit, la France est le troisième exportateur mondial de produits chimiques, après l'Allemagne et les Etats-Unis. L'excédent du commerce extérieur de l'industrie chimique française, exprimé en francs constants, a augmenté de 114 % entre 1985 et 1999.

E. L'ÉLECTRONIQUE : UN CONTEXTE DE MARCHÉ PORTEUR

L'industrie électronique bénéficie d'un contexte de marché porteur, en raison du développement des nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC). Ainsi, en 1999, le marché mondial des NTIC a connu une croissance de 9,3 % et l'on prévoit pour 2000 une croissance de 9,4 %, performances qui se situent bien au-dessus de la croissance économique moyenne des principaux pays industrialisés. En conséquence, la contribution de ces secteurs à la croissance économique est aujourd'hui déterminante. C'est le cas notamment en France où, d'après une étude récente menée pour le Secrétariat d'Etat à l'industrie, ce secteur aurait contribué ces quatre dernières années à environ 20 % de la croissance de la production.

Comme en 1998, la croissance des marchés de l'électronique s'est traduite, en 1999, par une progression du chiffre d'affaires du secteur relativement importante. Alors que le chiffe d'affaires de l'ensemble de l'industrie (hors énergie) s'est accru d'environ 3 %, celui de l'industrie électronique a augmenté en moyenne de 8 %. Les télécommunications, l'informatique et l'électronique grand public ont été les secteurs moteurs de cette croissance. En terme de commerce extérieur, le solde de la balance commerciale s'est fortement amélioré ces dernières années, même s'il reste toujours déficitaire. En 1999, les exportations représentent 90 % des importations, contre 72 % en 1993. Ceci résulte à la fois de l'importance des investissements directs réalisés sur notre territoire dans ces domaines, ainsi que des parts supplémentaires obtenues par notre industrie sur les marchés d'exportation. En termes d'emplois, le secteur des NTIC au sens large employait, à la fin de 1998, 660.000 personnes, soit 2,9 % de la population active. Depuis 1994, l'emploi dans ce secteur augmente régulièrement : 108.000 4 ( * ) emplois y ont été créés depuis cette date, dont près de la moitié pour la seule année 1998. Ces emplois sont principalement créés dans les services .

L'évolution est toutefois contrastée selon que l'on considère la situation des équipements de télécommunications, du matériel informatique, des logiciels et services en informatique, celle des semi-conducteurs, des composants passifs ou de l'électronique grand public.

Le tableau suivant récapitule les principales performances de différents segments de ce secteur industriel :

PERFORMANCES DES ENTREPRISES
DU SECTEUR DE L'ÉLECTRONIQUE ET DE L'INFORMATIQE EN FRANCE

Chiffre d'affaires

Effectifs

Part du chiffre d'affaires exportée

Investissements en % du chiffre d'affaires

En millions de francs

Variation 99/98

Bureautique

7 744

- 11,5 %

3 352

48,9 %

3,2 %

Informatique

87 809

6,3 %

36 142

44,8 %

2,5 %

Composants

52 853

- 2,0 %

43 941

59,5 %

9,4 %

Télécommunications (industrie)

112 253

8,3 %

67 732

52,9 %

2,8 %

Electronique grand public

50 117

30,8 %

22 997

50,9 %

2,1 %

TOTAL ELECTRONIQUE

310 776

8,2 %

172 676

51,3 %

3,7 %

Source : Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

F. LA CONSTRUCTION AUTOMOBILE

Les deux constructeurs français PSA et Renault figuraient en 1999 parmi les dix premiers mondiaux en termes de production de véhicules, même si les volumes produits (environ 2,5 millions chacun) sont deux fois moindres que ceux des plus grands constructeurs européens (Volkswagen ; Daimler Chrysler) et trois fois inférieurs à celui du leader mondial General Motors.

PRODUCTION MONDIALE EN 1999
(CLASSEMENT DES GROUPES)

CONSTRUCTEURS

RANG

PRODUCTION EN MILLIERS DE VÉHICULES

GENERAL MOTORS

FORD

TOYOTA-DAIHATSU-HIN

DAIMLERCHRYSLER

VOLKSWAGEN

FIAT

PSA PEUGEOT CITROËN

NISSAN

HONDA

RENAULT

MITSUBISHI

SUZUKI-MARUTI

HYUNDAI

BMW ROVER

DAEWOO-SSANGYONG

AUTRES

1

2

3

4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

15

8 321

6 778

5 496

4 823

4 786

2 624

2 515

2 457

2 425

2 345

1 555

1 521

1 307

1 147

1 029

6 984

TOTAL 1999

TOTAL 1998

Variation 98/99

56 022

52 987

+ 5,7 %

Sources : OICA, CCFA

Les deux constructeurs français poursuivent deux stratégies très différentes en matière d'alliances internationales : Renault s'étant engagé dans la voie d'une alliance avec Nissan, tandis que Peugeot privilégie la conclusion de partenariats ponctuels.

Le tableau synthétique suivant reflète les tendances lourdes de la construction automobile française ces vingt dernières années :

Année

Effectifs

Production en milliers de véhicules

Production par personne

Part de la production exportée

Part de l'Union européenne dans les exportations

1980

320 922

3 378

10,5

50,50 %

59,80 %

1985

254 682

3 016

11,8

56,30 %

51,90 %

1990

216 848

3 768

17,4

55,60 %

78,10 %

1995

191 800

3 475

18,1

59,80 %

79,30 %

1996

180 900

3 760

20,8

62,70 %

74,30 %

1997

175 341

4 047

23,1

69,70 %

74,60 %

1998

170 773

4 553

26,7

68,60 %

74,70 %

1999

171 000

4 844

28,3

67,20 %

77,10 %

Ces chiffres mettent en lumière :

- la forte croissance de l'activité ;

- son internationalisation rapide, les deux tiers de la production étant désormais exportés ;

- la décroissance des effectifs employés et la hausse corrélative du nombre de véhicules produits par an et par personne .

CHAPITRE III -

QUATRE ENJEUX POUR L'INDUSTRIE FRANÇAISE

Après avoir décrit l'action de l'Etat en matière industrielle, et brossé un rapide portrait de l'industrie française, votre rapporteur pour avis souhaite s'arrêter sur quatre thèmes d'actualité à son sens importants pour ce secteur de l'économie.

I. L'ATTRACTIVITÉ DE LA FRANCE POUR LES IMPLANTATIONS D'ENTREPRISES ÉTRANGÈRES

Votre commission se félicitait, l'an dernier, de la décision de Toyota -dont elle avait auditionné le représentant- d'implanter à Valenciennes son usine de production de la Yaris , tout en relevant qu'une décision aussi symbolique ne devait pas occulter les handicaps que constitueraient, à terme, les 35 heures et le maintien durable de prélèvements obligatoires élevés pour attirer d'autres investissements étrangers.

Un récent sondage , effectué par la société Ernst & Young auprès d'un échantillon de 350 dirigeants de filiales françaises de groupes internationaux, et dont les résultats ont été rendus publics fin octobre, ne fait que confirmer cette analyse. Il met en effet en lumière une certaine dégradation de l'attractivité du territoire français.

L'échantillon choisi pour ce sondage était composé de telle sorte que soient représentés tous les types d'entreprise, suivant leur taille, leur date d'implantation en France, leurs effectifs et le pays d'origine de ces sociétés.

A. DES ATOUTS QUI TIENNENT SURTOUT AUX CARACTÉRISTIQUES DU MARCHÉ FRANÇAIS

Les principaux atouts de la France identifiés par ces entreprises étrangères sont la position géographique , la taille du marché et la présence d' infrastructures de transport et de communication.

La France dispose également d'atouts en termes de qualité et de technicité de son économie (60 % des entreprises reconnaissent l'excellence scientifique et technique de la France).

D'autres critères, traditionnellement considérés comme les principaux points forts français, sont plus mitigés, mais néanmoins positifs : 40 % seulement des entreprises interrogées reconnaissent que la productivité de la main-d'oeuvre française est un atout.

Source : Ernst & Young

B. DES HANDICAPS QUI PÈSENT DE PLUS EN PLUS LOURD : LA FISCALITÉ ET LES RIGIDITES SOCIALES

Le sondage met en lumière la mauvaise image de la France, au sein de l'ensemble européen, auprès des dirigeants d'entreprises étrangères :

Source : Ernst & Young

En termes d'image, la France récolte ainsi un solde d'opinions négatives plus important que les opinions positives, contrairement à ses voisins européens.

Les principaux handicaps identifiés par ce sondage sont le poids des prélèvements obligatoires , les rigidités sociales et les 35 heures , cités par plus de 85 % des personnes interrogées :

Source : Ernst & Young

Ces handicaps ont en effet été récemment alourdis. Compte tenu de l'inertie inhérente à des prises de décisions d'implantation qui ne se concrétisent que 3 à 5 ans plus tard, on peut redouter une baisse de l'attractivité de la France dans les années à venir . Ainsi :

- deux tiers des personnes interrogées ne choisiraient pas la France si leur entreprise avait à faire aujourd'hui le choix d'une implantation en Europe ;

- 44 % des personnes interrogées indiquent envisager de délocaliser une partie des activités françaises de leur groupe (vers le Royaume-Uni, l'Allemagne ou les Pays-Bas, principalement).

Si l'attractivité de nos voisins européens compte pour une bonne part dans cette tentation de délocalisation, ce sont aussi trois défauts français qui jouent comme un repoussoir : la pression fiscale et sociale, les rigidités administratives et l'application des 35 heures.

Votre rapporteur pour avis considère que les indications fournies par cette étude sont préoccupantes, même si ces résultats très négatifs interviennent, il est vrai, dans un contexte traditionnellement positif pour les investissements directs étrangers en France.

C. LES INVESTISSEMENTS DIRECTS ÉTRANGERS : UN BILAN POSITIF QUI NE DOIT PAS SE DÉTÉRIORER

Si les secteurs de l'intermédiation financière et des services aux entreprises sont ceux qui attirent la majeure partie des flux d'investissements directs étrangers, l'industrie manufacturière en capte néanmoins près du quart du total .

Il est de coutume de se féliciter de la force d'attraction du territoire français pour les investisseurs étrangers. Ainsi, la balance des paiements montre-t-elle, chaque année, une progression de ces implantations directes : si le flux d'investissement représentait 135 milliards de francs en 1997, ce chiffre est passé à 174 milliards en 1998 pour atteindre quasiment 241 milliards de francs en 1999 .

En 1999, les entrées de capitaux au titre de l'investissement direct étranger ont représenté 2,6 % du PIB de la France, contre 2,4 % du PIB en Allemagne et 1,1 % du PIB en moyenne au sein de la zone euro. La contribution de la France aux investissements directs entrant dans la zone euro s'est cependant établie en 1999 à 16 % en-dessous de son apport au PIB de la zone (22 %).

C'est en effet que cette progression des investissements directs étrangers en France reflète, plus généralement celle des investissements internationaux entrants dans les autres pays de l'OCDE, plutôt que la force d'attraction spécifique de notre territoire . Aux Etats-Unis, la croissance des flux d'investissements directs provenant de l'étranger est particulièrement dynamique : ces flux ont été trois fois plus élevés durant les neuf premiers mois de 1999 que sur la même période de 1998, après avoir été multipliés par plus de deux entre 1997 et 1998.

La France figure encore, en 1999, parmi les toutes premières zones d'accueil de l'investissement direct, derrière les Etats-Unis, le Royaume-Uni et les Pays-Bas, mais loin devant ses suivants immédiats, l'Union Économique Belgo-luxembourgeoise et l'Allemagne.

Ces résultats sont positifs. Votre commission juge qu'il serait cependant dangereux de croire que leur évolution est assurée à l'avenir . Les résultats de l'enquête effectuée auprès des dirigeants d'entreprises étrangères implantées en France sont, à cet égard, peu encourageants : ils montrent qu'il existe un risque que la France ne soit distancée par ses partenaires qui ont parfois engagé d'ambitieux plans de réduction des prélèvements obligatoires pesant sur les entreprises . Ou, à tout le moins, qu'elle ne profite pas à plein du potentiel que représentent ces flux d'investissements.

Votre commission interrogera le Gouvernement sur les mesures qu'il compte mettre en oeuvre (notamment quant à l'application des 35 heures) pour restaurer l'image et la compétitivité du territoire français auprès des investisseurs étrangers.

L'extension de la TGAP aux consommations intermédiaires d'énergie n'oeuvrera pas, on peut le redouter, en ce sens.

II. L'EXTENSION DE LA TGAP À LA CONSOMMATION INTERMÉDIAIRE D'ÉNERGIE

A l'heure où le présent rapport est imprimé, votre rapporteur pour avis ne dispose pas du texte du projet de loi de finances rectificative, non encore déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale. Il fonde donc son analyse, dans les développements qui suivent, sur le communiqué de presse très détaillé du Gouvernement, publié au mois d'octobre dernier, seule information dont disposent d'ailleurs les entreprises susceptibles d'être assujetties à cette taxation. En tout état de cause, si le dispositif initialement envisagé devait être modifié, suite aux observations du Conseil d'Etat sur la rupture d'égalité devant l'impôt qu'il pourrait constituer, sa philosophie resterait identique.

A. UN PRINCIPE CONTESTABLE

1. L'extension de la TGAP aux consommations d'énergie : un principe contestable

Le principe de l'extension de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) aux consommations intermédiaires d'énergie des entreprises à compter du 1 er janvier 2001 a été annoncé en mai 1999, dans le contexte de la politique de lutte contre l'effet de serre . Conformément au programme national de lutte contre l'effet de serre, l'objectif affiché par le Gouvernement à l'horizon 2010 est que 2,4 millions de tonnes de carbone soient ainsi économisées par an dans les secteurs de l'industrie et du tertiaire.

Le principe qui sous tend cette démarche est celui de la " théorie du double dividende " : en alourdissant les charges liées aux activités polluantes, on réduit les comportements anti-environnementaux (premier dividende) ; on peut alors réduire en contrepartie les charges pesant sur les bas salaires (c'est le second dividende, on crée de l'emploi).

Mais l'application qui est faite de ce principe peut sembler contestable : en effet, de par la structure de leur main d'oeuvre, les entreprises industrielles ne seront pas les principales bénéficiaires des réductions de charges sur les salaires. En outre, l'industrie, très soumise à la concurrence internationale, va non seulement être pénalisée par le coût salarial du passage aux 35 heures, mais encore supporter, à l'avenir, la plus grande partie de la TGAP, du fait notamment de cette extension aux consommations intermédiaires d'énergie.

On ne peut que redouter une perte globale de compétitivité de l'industrie française.

Cette taxation supplémentaire de l'outil industriel français a soulevé de très vives réactions des acteurs concernés. Votre commission avait d'ailleurs, l'an dernier, déjà fait part de ses fortes réserves sur l'opportunité du dispositif envisagé.

Depuis 10 ans, le nombre des taxes environnementales spécifiques à la lutte contre les émissions polluantes (eau, air, déchets, bruit) a doublé et leur produit a triplé. Mais jusqu'en 1998, la majeure partie des taxes parafiscales payées par l'industrie lui étaient partiellement reversées, sous forme d'aides aux investissements anti-pollution de l'eau et de l'air. Le principe " pollueur-payeur " avait un corollaire : " dépollueur-bénéficiaire d'aides " , même si l'industrie investissait parfois jusqu'à 4 à 5 fois le montant des aides reçues en équipements de lutte contre la pollution.

La création de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), instaurée au 1er janvier 1999, a marqué un net changement de politique, en regroupant ces taxes parafiscales en une taxe unique versée au budget de l'Etat et, à partir de 2 000, au budget de la sécurité sociale .

Votre commission en particulier et le Sénat en général ont déjà affirmé leur opposition à une telle évolution, lors de la discussion des précédentes lois de finances et lois de financement de la sécurité sociale.

2. Une application censée limiter des conséquences potentiellement très négatives sur la compétitivité de l'industrie française

Le Gouvernement a récemment arrêté le dispositif qu'il soumettra au vote du Parlement dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2000, ce texte législatif permettant la mise en place de l'extension de la taxe au 1 er janvier 2001.

Même si ce sujet ne relève pas à strictement parler de la discussion du projet de loi de finances pour 2001, dont votre commission est saisie pour avis, votre rapporteur souhaite s'attarder un instant sur cette question lourde d'enjeux pour l'industrie française, sans pour autant préjuger des débats à venir et de la position que pourrait proposer au Sénat sa commission des finances, compétente au fond pour l'examen du " collectif " budgétaire.

Car les projets gouvernementaux ont soulevé de nombreuses inquiétudes, que n'ont pas fait disparaître les arbitrages annoncés début octobre.

a) Les modalités de l'extension de la TGAP aux consommations intermédiaires d'énergie

Conscient des conséquences potentiellement très négatives de cette nouvelle taxation, le ministère de l'industrie a oeuvré pour en atténuer les effets, en obtenant des arbitrages qui, s'ils ont contribué à alléger quelque peu la facture globale pour l'industrie, ont en revanche singulièrement complexifié les choses.

Cette taxe, qui concernera les entreprises, s'appliquera aux consommations d'énergie représentant plus de 100 tonnes d'équivalent pétrole par an. Les activités agricoles, sylvicoles, piscicoles et halieutiques en seront exonérées.

Le Gouvernement estime qu'environ 40.000 entreprises seront concernées par la taxation, sur un total (hors agriculture) de 2.800.000 entreprises.

Les énergies seront taxées à la consommation, sur la base d'une déclaration des entreprises. La taxe sera une charge fiscalement déductible. Les énergies fossiles (produits pétroliers, gaz naturel, charbon) seront taxées en fonction de leur contenu en carbone, sur la base d'un taux de 260 francs par tonne d'équivalent carbone. La consommation d'électricité (énergie pourtant majoritairement produite en France, grâce à la technologie nucléaire, sans aucune émission de gaz à effet de serre !) sera taxée forfaitairement.

Les taux de taxe retenus sont les suivants :

TAUX DE LA TGAP PAR TYPE D'ÉNERGIE CONSOMMÉE

Taux en Francs

Taux en Euros

Fioul HTS

22 centimes/litre

33,54 Euros/1000 l

Fioul BTS

22 centimes/litre

33,54 Euros/1000 l

Fioul domestique

18,9 centimes/litre

28,81 Euros/1000 l

Charbon

174 F/tonne

26,53 Euros/t

GPL chauffage

208 F/tonne

31,71 Euros/t

Gaz naturel industriel

1,3 centime/kWh PCS

1,98 Euros/MWh PCS

Electricité industrielle

1,3 centime/kWh

1,98 Euros/MWh

Cette taxe concernera donc un grand nombre d'entreprises, et notamment les entreprises dont les procédés industriels sont fortement consommateurs d'énergie : sidérurgie et métallurgie, chimie, cimenteries, papier-cartons, certaines industries agro-alimentaires, production de matériaux divers (verres, briques...).

b) Une mise en oeuvre respectueuse de l'impératif de compétitivité de l'industrie française ?

Le Gouvernement estime que sa proposition respecte l'impératif de la compétitivité de l'industrie française, en faisant bénéficier les entreprises concernées, comme c'est le cas dans les autres pays européens qui ont mis en place une écotaxe énergie, de " modalités d'application propres à concilier l'objectif environnemental et le maintien de cette compétitivité dans un cadre international ".

Votre commission est loin de souscrire à cette analyse.

Des aménagements ont été apportés aux projets initiaux. Ainsi, les entreprises fortement consommatrices, c'est-à-dire celles consommant plus de 50 tep par million de francs de valeur ajoutée, seraient traitées dans le cadre d'un dispositif spécifique . Elles seraient incitées, dès 2001, à contracter avec l'administration des engagements de réduction de leurs émissions . Ces engagements seraient conclus pour une période de cinq ans et seraient quantifiés et contrôlables. Les objectifs de réduction seraient fixés en tenant compte des objectifs de réduction des émissions arrêtées par le Gouvernement dans le programme national de lutte contre le changement climatique, sur la base des meilleures technologies disponibles à des coûts acceptables, et des performances déjà réalisées par l'entreprise. Ils pourraient prendre en considération l'évolution de la production et intégrer, le moment venu, la faculté pour les industries concernées de participer à des échanges de crédits d'émission.

Pour les entreprises qui auraient contracté de tels engagements en 2001, la taxe porterait à partir de 2002 sur les consommations qui dépasseraient les objectifs fixés. En attendant que de tels engagements soient contractés, les entreprises seraient taxées en 2001 sur l'écart entre leur consommation annuelle et une part forfaitaire de leur consommation de l'année 2000, correspondant à un abattement à la base.

Cette part forfaitaire serait déterminée en fonction du ratio de consommation des entreprises, exprimé en tep par million de francs de valeur ajoutée :

entre 50 et 100 tep/MF

50 %

entre 100 et 200 tep/MF

80 %

entre 200 et 400 tep/MF

90 %

au-delà de 400 tep/MF

95 %

Enfin, pour éviter une double taxation, la production d'énergie ne serait pas taxée. La production et la consommation de chaleur ne le seraient également pas, non plus que l'énergie utilisée pour la traction (transports). Compte tenu de leur spécificité, les consommations de produits énergétiques en tant que matière première (présents principalement dans le secteur de la chimie de base) seraient également exonérées.

La recette attendue de cette extension de la TGAP aux consommations d'énergie des entreprises est estimée à environ 3,8 milliards de francs en 2001 . Elle serait affectée au Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale (FOREC).

B. DES INQUIÉTUDES PERSISTANTES

1. La réaction des industriels

Les industriels estiment que la combinaison des dispositions envisagées pour la taxation sur l'énergie dès 2001 et l'allégement des charges applicables aux entreprises passant aux 35 heures, conduit schématiquement à répartir les entreprises en trois catégories :

La première concerne plutôt des groupes industriels fortement soumis à la concurrence internationale, gros consommateurs d'énergie et relevant des activités de " process industriel ", comme la sidérurgie, la production d'aluminium, ou la chimie. Les effectifs de ces secteurs industriels comportent peu de salaires voisins du SMIC. Ces groupes risquent donc d'acquitter une lourde part de la future taxe sans obtenir de réelle contrepartie .

Les premières estimations globales effectuées sur ce type d'entreprises font en effet apparaître un déséquilibre important entre le coût de la taxe qui sera payée par celles-ci et le bénéfice qu'elles pourront tirer des allégements de charges sur les salaires.

A l'inverse, les industries dites de main d'oeuvre (textile-habillement, cuir, ameublement, partie de l'industrie alimentaire, etc.), comportant une assez forte proportion de salaires au voisinage du SMIC et relativement peu consommatrices d'énergie, seront les moins pénalisées par le système envisagé. Elles ne représentent pourtant qu'une part très minoritaire de l'emploi industriel.

Entre ces deux extrêmes, les industries qui, tout en étant peu ou moyennes consommatrices d'énergie, assurent la plus large partie de l'emploi industriel, sans pour autant faire appel à du personnel peu qualifié (construction électrique et électronique, mécanique, automobile, etc.) seront affectées de façon variable par le couple taxation de l'énergie / réduction des charges sociales, certaines de leurs branches de production étant néanmoins particulièrement défavorisées.

Les professionnels estiment qu'il est probable que le poids supplémentaire que fera peser l'élargissement de la TGAP sur les coûts de production des entreprises industrielles aura un impact négatif sur l'emploi industriel plus important que celui, positif, qui résultera de l'allégement des charges . En outre, ils font à juste titre remarquer que les allégements de charges sociales sont déjà destinés à compenser le coût de la réduction du temps de travail.

Par ailleurs, l'application de la TGAP aux consommations intermédiaires d'énergie pourrait n'avoir d'impact environnemental que très limité.

Votre commission estime que la souplesse et le pragmatisme de nos voisins européens dans l'instauration d'une " écotaxe ", pays pourtant plus lourds émetteurs de gaz polluants que la France, devraient être médités.

Ainsi, en Allemagne, la taxe prévoit l'application de taux réduits, l'ouverture de droits à réduction, à remise ou à remboursement pour les entreprises les plus consommatrices d'énergie (celles dont la taxe sur l'énergie excède de plus de 20 % l'économie induite par la baisse des charges sociales). Elle pèsera ainsi pour un quart sur l'industrie et pour trois quarts sur les consommateurs.

En Grande Bretagne, de nombreuses exemptions ou exonérations sont consenties aux entreprises fortement utilisatrices d'énergie, éventuellement en contrepartie d'engagements volontaires quant à la protection de l'environnement.

2. L'exemple de l'industrie chimique

L'industrie chimique française serait une des premières concernées par cette taxe, au moment où elle doit assumer un surcoût de plusieurs milliards de francs lié à la flambée des prix de l'énergie.

Ce secteur, qui compte parmi les plus gros consommateurs industriels d'énergie (25 % de l'électricité et 40 % du gaz à usages industriels) et qui représente 15 % de la consommation française de produits pétroliers, a déjà diminué, en 20 ans, sa consommation d'énergie d'environ 35 % et a réduit de moitié, en 10 ans, ses émissions de gaz à effet de serre.

Elle s'oppose à l'extension de la TGAP qui aurait, à son sens, un effet environnemental faible. L'Union des industries chimiques fait ainsi valoir que, pour les petites entreprises , taxées à 100 % sans espoir d'exonération future, cette charge supplémentaire réduirait d'autant les efforts de recherche et les investissements, et irait même " par un effet pervers, à l'encontre de la protection de l'environnement, tout en étant sans effet sur les émissions de gaz à effet de serre ". Pour les grands groupes, la modulation de la taxe, sous réserve d'un accord de réduction de consommation énergétique, proposée par les pouvoirs publics, imposerait des investissements parfois très lourds.

L'industrie chimique propose, en lieu et place de l'extension de la TGAP, la conclusion d'un contrat de branche comportant notamment des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

3. Le cas de l'industrie papetière

L'industrie papetière estime que la concertation menée par le Gouvernement n'a pas permis la prise en compte de ses préoccupations. Cette industrie met en avant sa spécificité en matière de lutte contre l'émission de gaz à effet de serre.

En effet, l'industrie papetière absorbe plus de dioxyde de carbone (CO2) qu'elle n'en émet. D'après ses calculs, le solde net de ses émissions de CO2 serait largement favorable à l'industrie, à hauteur de 6 millions de tonnes par an.

Car l'utilisation des bois d'éclaircies en forêt permet aux arbres de mieux fixer le gaz carbonique, celle des sous-produits de la forêt évite l'émission de CO2 du fait de leur traitement. Cette profession estime que la fabrication des papiers et cartons fixe le carbone et que la gestion des déchets évite les émissions de gaz à effet de serre qui résulteraient de la mise en décharge des produits usagés.

Ce secteur pointe donc l'incohérence d'une taxation qui lui serait imposée pour l'inciter à limiter les émissions de gaz contribuant à l'effet de serre.

D'après les estimations de la profession, et pour la seule année 2001, l'extension de la TGAP aux consommations intermédiaires d'énergie des entreprises papetières entraînerait, en moyenne, un accroissement de 10 % des taxes d'exploitation.

Il faut noter qu'en raison du niveau élevé de qualification de son personnel, l'industrie papetière française bénéficierait elle aussi fort peu des allégements de charges sociales accordés dans le cadre de l'aménagement et de la réduction du temps de travail, qui seront financés par le produit de la TGAP Energie.

III. L'AVENIR DE LA DISTRIBUTION AUTOMOBILE

A. UNE ORGANISATION VERTICALE AUX SPÉCIFICITÉS RECONNUES ET ENCADRÉES PAR LE DROIT EUROPÉEN.

La distribution automobile est organisée autour d'un réseau limité de distributeurs, liés au constructeur par un contrat qui peut, à divers égards, contenir des clauses contraires à certains principes du droit européen et, notamment, au principe de liberté de concurrence posé par le Traité instituant la Communauté européenne (Traité de Rome). Tel est notamment le cas de l'exclusivité territoriale octroyée aux concessionnaires, de la limitation pour ces derniers de leur droit à représenter d'autres marques concurrentes, ou de l'interdiction de revente faite aux distributeurs non agréés.

Aussi, au plan juridique, cette forme de distribution sélective doit-elle expressément être autorisée par la Commission européenne, dotée de pouvoirs étendus en matière de droit de la concurrence.

C'est l'objet d'un règlement d'exemption adopté en 1985 qui tendait à doter la distribution automobile d'un statut réglementaire (règlement n° CE 123/85).

D'autres formes de distribution sélective ont parallèlement bénéficié d'une telle procédure, comme ce fut le cas pour les accords de concessions exclusives, les accords d'achat exclusif ou encore les accords de franchise.

En matière automobile, par le règlement de 1985, la Commission reconnaissait l'opportunité d'encourager la coopération entre les constructeurs automobiles et les distributeurs, afin d'assurer un service de vente et d'après vente adapté au produit. La combinaison des services de vente et d'après vente était considérée comme plus économique qu'une dissociation de ces deux fonctions.

Les constructeurs automobiles ont été autorisés à désigner un nombre limité de distributeurs qui bénéficient d'une double exclusivité de marque et de territoire pour la distribution de leurs véhicules, sous réserve que ces derniers respectent les standards de qualité et de services aux consommateurs établis par la marque. Ce principe a été reconduit en 1995, par le règlement CE n° 1475/95, sous réserve de quelque aménagements, destinés à renforcer l'indépendance commerciale des distributeurs, à renforcer la position des équipementiers sur le marché et renforcer et à protéger les droits des consommateurs.

Compte tenu de l'échéance fixée par ce règlement, ces mesures propres à l'automobile sont appelées à s'appliquer jusqu'en 2002.

B. L'AVENIR DU RÈGLEMENT EUROPÉEN SUR LA DISTRIBUTION AUTOMOBILE

Avec l'arrivée à échéance, à la fin de 1999, d'un certain nombre de règlements d'exemption sectoriels précités (règlements 83/8, 84/8, 4087/88 sur les concessions exclusives, l'achat exclusif et les franchises), la Commission européenne a mis en place un règlement général d'exemption concernant tous les secteurs d'activité : le règlement 2790/1999 . Les contrats de distribution pris en application des précédents régimes doivent, dans un délai de 18 mois, être rendus conformes aux nouvelles dispositions.

Pour l'automobile, qui n'est pour l'instant pas concernée par ce nouveau règlement d'exemption générale, à l'échéance de septembre 2002 prévue par l'actuel règlement sectoriel d'exemption, trois solutions sont envisageables : soit la reconduction du règlement d'exemption actuel, moyennant des modifications, soit l'intervention d'un nouveau règlement spécifique à l'automobile, soit l'intégration par l'automobile du champ de la réglementation générale définie par le règlement 2790/1999.

Les professionnels français de la distribution automobile mais aussi les constructeurs, souhaitent qu'un nouveau règlement spécifique à l'automobile intervienne à compter de 2002.

Votre commission ne manquera pas d'interroger le Gouvernement sur la position qu'il compte défendre au plan européen afin de garantir l'équilibre du secteur de la distribution automobile.

IV. LA RÉVISION DE LA CONVENTION DE MUNICH SUR LES BREVETS EUROPÉENS

A. L'ÉCONOMIE ACTUELLE DU BREVET EUROPÉEN

Le brevet est un titre juridique qui confère à son titulaire une exclusivité temporaire d'exploitation de l'invention qui en fait l'objet, sur un territoire déterminé, en lui permettant d'empêcher les tiers notamment de fabriquer, de vendre ou d'utiliser cette invention sans son autorisation.

Le brevet a donc pour but de protéger les dépenses d'investissement effectuées pour la recherche et la production, mais il a également pour effet de renforcer la position du titulaire sur le marché et d'améliorer sa compétitivité, de diffuser de nouvelles connaissances techniques, d'encourager l'innovation technique et, enfin, d'éviter les chevauchements d'activité dans la recherche et le développement.

La propriété industrielle, utilisée de manière particulièrement offensive par certains Etats, est même devenue une arme stratégique dans la concurrence mondiale.

Le brevet européen a été créé par la Convention de Munich (1973), qui réunit maintenant 19 pays. Il est géré par l'Office Européen des Brevets, lui-même situé à Munich. L'OEB instruit les demandes et délivre un brevet européen, qui entre en vigueur dans les Etats membres désignés par le déposant . Toute la procédure se déroule dans une des langues officielles de l'OEB, au choix du déposant. Les langues officielles sont le français, l'anglais et l'allemand.

Les Etats ont la faculté, optionnelle, de conditionner l'effet du brevet sur leur territoire à la présentation d'une traduction dans la langue de ce pays . Pour l'instant, tous font usage de cette faculté .

Ainsi, l'article L. 614-7 du code français de la propriété intellectuelle reprend la disposition prévue à l'article 65 de la Convention de Munich, qui réserve aux Etats qui en expriment la volonté, la faculté de subordonner les effets d'un brevet européen sur leur territoire, s'il n'est pas rédigé dans leur langue nationale, à la fourniture d'une traduction à leur service de propriété industrielle c'est-à-dire, en France, à l'I.N.P.I. (Institut National de la Propriété Industrielle).

Le brevet européen offre une protection dans autant d'Etats parties à la Convention que le demandeur le souhaite. C'est donc un système flexible. Mais il apparaît également comme étant complexe et coûteux .

Complexe, il reste régi par les différentes lois nationales des pays concernés. Il est également coûteux, pour deux raisons :

- la primauté des législations nationales entraîne la nécessité d'avoir plusieurs agents en brevets, de payer plusieurs taxes de maintien et de recourir, le cas échéant, devant plusieurs tribunaux nationaux ;

- les traductions en langues nationales, pour les Etats membres concernés qui en expriment la demande, peuvent représenter une part importante de la protection.

Dans le cadre de sa politique de soutien de l'innovation, le Gouvernement s'est fixé pour objectif de réduire le coût d'obtention des brevets européens.

D'après l'analyse du ministère de l'industrie, l'Europe, malgré plusieurs réductions récentes de taxes, est mal placée en matière de coût de ses brevets. D'après le Gouvernement, pour les dix premières années de protection, il en coûterait actuellement environ 50.000 euros en Europe, contre 10.000 euros pour le brevet américain . Dans cette analyse, les entreprises françaises -surtout les PME- et les chercheurs sont pénalisés : ainsi, une PME européenne qui assied son développement sur son marché " intérieur " doit dépenser cinq fois plus pour se protéger que son homologue américaine.

Or, le Gouvernement analyse l'impératif de traduction de l'intégralité du texte du brevet comme étant le premier poste de coût pour l'obtention d'un brevet européen.

La France a donc pris l'initiative de convoquer, en juin 1999, une conférence intergouvernementale pour réviser la convention de Munich et proposer un nouveau système de traductions, le souci de la réduction des coûts étant partagé par tous les participants.

B. LE PROJET DE RÉVISION DE LA CONVENTION DE MUNICH

1. Une démarche destinée à réduire le coût de traduction des brevets européens

A la suite de cette conférence, les délégations se sont réunies plusieurs fois, avec pour objectif de faire une proposition permettant d'abaisser le coût d'obtention du brevet européen.

Le mandat issu de la Conférence intergouvernementale visait à réduire le coût des traductions, en privilégiant une approche par réduction du volume à traduire . Cette solution, que la délégation française a développée et argumentée lors des réunions ultérieures, n'a toutefois pas convaincu suffisamment d'Etats membres et il est apparu, début 2000, qu'elle ne pourrait déboucher sur un résultat concret. Certains Etats souhaitaient en effet aller beaucoup plus loin.

A titre d'alternative, un groupe d'Etats emmenés par la Suisse et la Suède a proposé un nouvel accord, plus radical, qui prévoyait l'abandon des traductions dès lors que le brevet serait disponible en anglais . Cette solution était inacceptable pour la France, qui ne saurait reconnaître qu'un statut spécifique soit octroyé à l'anglais dans le système des brevets.

De nouvelles négociations ont donc conduit treize pays à s'engager dans un projet d'accord , dont l'objet était un engagement à ne plus exiger des déposants la traduction dans leur langue nationale de l'intégralité du fascicule du brevet : le déposant continuerait à fournir la traduction des revendications, qui créent le droit, mais plus de la partie descriptive. Pour les sept pays potentiellement signataires -dont la France- dont la langue officielle est l'une des langues de l'OEB, seul le brevet dans sa langue de délivrance par l'OEB (le français, l'anglais ou l'allemand, au choix du déposant) ferait foi. Les autres pays signataires désigneraient une langue de l'OEB dans laquelle ils accepteraient directement les brevets, sans exigence de traduction.

Pour la France, se joindre à ce mouvement aurait signifié ne plus exiger du déposant la traduction en français des brevets européens délivrés dans une autre langue officielle de l'OEB que le français (anglais et allemand). Or, 80 % des dépôts sont effectués en anglais .

Le Gouvernement n'a pas manqué de mettre en avant les avantages potentiels d'un tel système.

En l'état actuel du droit, une entreprise française déposant sa demande de brevet européen en français voit son brevet prendre effet sans traduction dans cinq pays (France, Belgique, Luxembourg, Suisse et Monaco). Avec cette modification, il l'apporterait dans huit (les mêmes plus l'Allemagne, la Grande-Bretagne et l'Autriche). Une simple traduction en anglais apporterait la protection dans tous les autres pays parties à l'Accord. Là où cinq traductions sont nécessaires, il n'en faudrait plus qu'une.

En cas de litige toutefois, une traduction devrait obligatoirement produite par le titulaire, mais seul un brevet sur 1.000 fait l'objet d'un litige.

Conscient, symétriquement, des difficultés que pourrait occasionner la prise d'effet automatique en France d'un brevet pourtant déposé en langue étrangère, le Gouvernement a proposé que l'INPI procède à une traduction de la description des brevets déposés en anglais et en allemand, afin qu'une version française soit disponible sur son site Internet.

2. Un projet qui a suscité de vives réactions

Si certains acteurs -et notamment le Mouvement des entreprises de France, MEDEF- ont soutenu la démarche du Gouvernement, d'autres ont, au contraire, condamné le projet d'accord élaboré par les négociateurs.

Ce projet a soulevé des craintes parfois assez vives, exprimées, notamment, lors d'un colloque organisé au Sénat par votre rapporteur pour avis et par les conseils en propriété intellectuelle, au mois d'octobre dernier.

A cette occasion, les conseils en propriété intellectuelle ont fait valoir 5 ( * ) que le projet d'accord consacrait en réalité le " retour officieux du tout anglais ". Ils considèrent en effet que ce système ne comporterait que de " petits atouts ", (le français restant une langue officielle de l'OEB et un déposant francophone obtenant sans traduction une protection, notamment en Grande-Bretagne et Allemagne), mais un " énorme handicap ", cette liberté de choix entraînant à leur sens le choix quasi systématique du dépôt en anglais.

Les conseils en propriété industrielle ont apparenté le système proposé à une " taxe " sur les non-anglophones : l'objectif de réduction des coûts serait atteint, mais aurait, en fait, un coût pour ceux qui ne maîtrisent pas l'anglais juridique et technique (90 % des Français, l'écrasante majorité des P.M.E.), ou pour la collectivité nationale, en cas de traduction par l'INPI.

a) Un diagnostic contesté

Les conseils en propriété industrielle ont également contesté la pertinence du chiffrage établi par le ministère de l'industrie, qui monte à 50.000 euros pour une entreprise française le coût de la protection pour les dix premières années de la vie du brevet européen.

Ils soulignent, d'abord, que le système européen étant " à la carte ", le coût de la protection est très variable : selon le secteur industriel concerné, le contrôle du marché peut dépendre d'un plus ou moins grand nombre de pays. Par exemple, dans le secteur automobile, une protection couvrant la France, l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Italie et la Suède sera suffisante, compte tenu de la nationalité des concurrents.

Les conseils ont ensuite établi leur propre chiffrage, qui est reproduit ci-dessous (l'exemple choisi étant un brevet de 3.000 mots traduit en six langues) et qui montre que le coût (33.990 euros) serait majoritairement lié non aux traductions initiales mais aux annuités (redevances à acquitter pendant la durée de la protection), qui représenteraient 47 % du coût pour une protection sur dix ans et 80 % du coût pour une protection sur vingt ans.

COUT D'UN BREVET EUROPEEN DEPOSE EN LANGUE FRANÇAISE

Hypothèse du chiffrage

Description 3.000 mots (10 pages)

Revendications 300 mots (1 page)

Dépôt sous priorité

La taxe de recherche est remboursée

Il y a deux notifications de l'examinateur (une seule notification peut être suffisante avant d'obtenir la décision de délivrance)

Délivrance au cours de la 4 ème année

Validation dans six pays, non compris la France (nécessitant six traductions).

Coût de la protection pour la France et six pays européens

(En Euros)

OEB

FR

GB

DE

IT

FS

NL

SE

Total

Procédure

8 230

8 230

Annuités (3-4)

1 030

1 030

Validation

0

1 385

1 580

1 445

1 950

1 550

1 980

9 890

Annuités (5-10)

1 145

2 685

2 505

1 885

11 280

3 690

1 650

14 840

Annuités (11-20)

4 980

7 665

12 180

9 645

6 075

9 600

5 300

55 445

Annuités (- 20)

6 125

10 350

14 685

11 530

7 355

13 290

6 950

70 285

Total sur dix ans

9 260

1 145

4 070

4 085

3 330

3 230

5 240

3 630

33 990

dont validations

9 890

soit

29 %

dont annuités

15 870

soit

47 %

Total sur vingt ans

89 435

dont validations

11 %

dont annuités

80 %

b) Une opportunité remise en cause

Les conseils en propriété industrielle ont également dénoncé l'effet d'aubaine qu'aurait l'accord envisagé pour les déposants actuels de brevets européens, qui sont majoritairement non européens (entreprises américaines et japonaises), pour lesquels la disparition des traductions obligatoires abaisserait le coût d'entrée sur le marché européen, sans contrepartie pour les entreprises européennes déposantes dans ces pays .

En outre, ils ont mis en avant les difficultés structurelles de dépôt de brevets dans ces pays, au-delà du seul coût initial de la protection. " Le système américain a ses particularités propres qui sont autant d'obstacles pour les entreprises non américaines " estiment les Conseils en propriété industrielle 6 ( * ) , " par exemple, la recherche du premier inventeur " (système exclusivement américain différent du système du premier déposant en vigueur dans le reste du monde). " Le coût d'un procès en contrefaçon aux Etats-Unis (...) est inaccessible à presque toutes les entreprises européennes. Enfin, le système américain est ouvertement protectionniste ".

En dernier lieu, statistiques à l'appui, les conseils ont contesté l'existence d'une réelle élasticité au prix du nombre du dépôt de brevets, estimant que " tout se passe comme si le nombre de brevets n'était pas tributaire de leur coût, mais bien d'une sensibilisation encore insuffisante des entreprises à l'outil stratégique et économique que constitue le brevet ".

Par ailleurs, nombreux sont les Parlementaires qui, au nom de la défense de la francophonie , se sont inquiétés de l'éventuelle signature par la France du projet d'accord et ont posé au Gouvernement des questions écrites à ce sujet.

3. Pacifier le dialogue et relancer la concertation

Le Gouvernement a finalement renoncé, lors de la conférence de Londres des 16 et 17 octobre derniers, à souscrire au projet d'accord un temps envisagé, qui stipulait que " tout état partie ayant une langue officielle en commun avec l'Office européen des brevets " -c'est le cas de la France- " renonce aux exigences en matière de traduction ".

Votre commission souhaite que la concertation soit relancée, afin d'atteindre, par d'autres voies, l'objectif de la réduction du coût des brevets européens pour les entreprises françaises déposantes.

*

* *

Suivant la proposition de son rapporteur, la Commission des Affaires économiques a donné un avis défavorable à l'adoption des crédits consacrés à l'industrie inscrits dans le projet de loi de finances pour 2001.

* 1 " Les 4 pages du SESSI " n°s 133 à 137, été 2000.

* 2 Hors navigation de plaisance.

* 3 Pays d'Europe centrale et orientale

* 4 D'après l'étude du BIPE pour le Secrétariat d'Etat à l'Industrie.

* 5 Ces informations sont disponibles sur le site : www.cncpi.fr.

* 6 Document " Réforme du brevet européen ", disponible sur le site www. cncpi.fr

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