CHAPITRE 1ER -

LE BUDGET CIVIL DE RECHERCHE ET DEVELOPPEMENT

I. LES DOTATIONS DU BCRD

A. UN BUDGET EN AUGMENTATION DE 2,2%, DONT LA LISIBILITÉ EST AFFECTÉE PAR DES VARIATIONS DE PÉRIMÈTRE BUDGÉTAIRE

Le budget civil de recherche et développement (BCRD) pour 2001 s'élève à 55 865 millions de francs en dépenses ordinaires et crédits de paiement (DO + CP), soit une progression de 2,2 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2000.

Cette évolution est positive : depuis 1995, le BCRD a en effet progressé de 1,3 % en 1996, baissé de 1,4 % en 1997, crû de 1,4 % en 1998, de 1,7 % en 1999 et de 1,3 % en 2000, soit une augmentation moyenne de 0,9 % par an.

Les autorisations de programme (AP) du BCRD s'élèvent à 24 300 millions de francs , soit une augmentation de 6,4 % par rapport à 2000, alors que leur progression moyenne a été de 1,5 % par an depuis 1997.

B. LES PRIORITES BUDGETAIRES

1. L'effort en faveur des personnels de recherche

La gestion des carrières et la pyramides des âges sont deux problèmes cruciaux pour la recherche publique.

Le projet de budget pour 2001 prévoit la création de 305 emplois, dont 265 dans les établissements publics scientifiques et technologiques (EPST) 3 ( * ) . Ces créations d'emplois se répartissent entre 130 emplois de chercheurs et 135 emplois d'ingénieurs, techniciens, et administratifs. Elles sont plus élevées que les années précédentes, puisqu'on comptait 18 créations d'emplois en 2000 et 150 en 1999. Conjuguées aux départs à la retraite, les créations d'emplois de 2001 autorisent un volume de recrutement en croissance pour les personnels des EPST (de l'ordre de 4 % contre 3 % environ en 2000).

Avec ces créations d'emplois, le Gouvernement indique poursuivre un triple objectif :

- mettre en place une gestion prévisionnelle et pluriannuelle de l'emploi scientifique demandée par le rapport précité de MM. Cohen et Le Déaut;

- offrir plus de possibilités de recrutement et de débouchés dans la recherche publique aux jeunes docteurs , en évitant de les maintenir trop longtemps dans des contrats de " post-doctorants ". On sait qu'il s'agit en effet d'une des principales lacunes de notre système, qui conduit chaque année des dizaines de jeunes doctorants à s'expatrier à l'étranger, compte tenu de leur difficulté d'insertion dans l'appareil de recherche français ;

- renforcer les effectifs dans les disciplines prioritaires que sont les sciences du vivant et les sciences et technologies de l'information et de la communication. L'affectation de ces emplois principalement à l'INRIA 4 ( * ) (116), à l'INSERM (74) et au CNRS (70) (essentiellement pour la création du département des sciences et technologies de l'information et le département des sciences du vivant), traduit les orientations du Gouvernement en matière de recherche.

Le tableau suivant récapitule l'affectation des nouveaux emplois et les effectifs des différents établissements publics de recherche :

REPARTITION DES NOUVEAUX EMPLOIS ET EFFECTIFS

DES ETABLISSEMENTS DE RECHERCHE

Le projet de budget prévoit 42,8 millions de francs de mesures catégorielles et de transformations d'emplois , destinées à améliorer les perspectives de carrière des personnels et à requalifier leurs emplois. Ces mesures s'élevaient, par comparaison, à 28 millions de francs en 2000 et à 22 millions de francs en 1999.

Ces mesures permettront d'améliorer la pyramide des âges des corps des chargés de recherche et des directeurs de recherche, en augmentant les possibilités de promotion.

Elles permettront également de requalifier une partie des emplois d'ITA et de mettre en oeuvre le plan d'intégration des personnels administratifs dans les corps techniques de la recherche, conçu en 1999 et prévu initialement pour s'étaler sur quatre ans.

En termes de mobilité des personnels , 3 millions de francs de mesures nouvelles sont dégagées, afin que les établissements publics scientifiques et technologiques puissent accueillir davantage d'enseignants-chercheurs ou de chercheurs d'autres organismes . Le budget de l'enseignement supérieur prévoit d'ailleurs une mesure analogue s'agissant des universités.

200 allocations de recherche sont créées, portant leur nombre à 4 000 en 2001. Ces allocataires constituent en effet un vivier dans lequel les organismes de recherche et les universités puisent leurs futurs recrutements.

2. Une continuité dans le soutien des " thématiques prioritaires " : sciences du vivant, technologies de l'information et environnement

a) Le Fonds national de la science et le Fonds de la recherhce technologique

Le projet de budget 2001 renforce les moyens alloués aux domaines scientifiques prioritaires définis par les comités interministériels de la recherche scientifique de 1998 et de 1999, au moyens, notamment, des instruments budgétaires que sont le FNS et le FRT.

Le Fonds national de la science (FNS) est destiné à donner une impulsion aux recherches dans certains domaines prioritaires et à promouvoir des " actions concertées incitatives " entre laboratoires publics. Il est porté à 885 millions de francs en AP (+ 26 %). Son accroissement servira essentiellement à financer les recherches dans le domaine des sciences du vivant (recherche sur le génome).

Le Fonds de la recherche et de la technologie (FRT) est porté à 1000 millions de francs, en augmentation de près de 100 millions de francs (+ 10 %). Cette augmentation permettra d'amplifier les moyens de recherche dans les technologies de l'information et de la communication (technologies logicielles, Internet du futur...) et les technologies liées aux sciences du vivant (médicament, bio-informatique...).

Au total, un quart du budget , soit 13,8 millions de francs, était consacré, en 2000, aux recherches sur les sciences du vivant : c'est quantitativement le premier objectif du BCRD. Hors recherche médicale, ces sciences ne représentent toutefois plus que 11,5% du BCRD en 2000.

Le graphique suivant illustre la répartition sectorielle du BCRD en 2000 :

b) Les actions incitatives de recherche sur le génome

Dans les sciences de la vie, outre les actions concertées incitatives sur le prion ou sur le virus VIH 5 ( * ) , l'action " Génomique " favorise le développement des recherches sur les génomes, avec une attention particulière pour le génome humain et les génomes végétaux, depuis le séquençage à grande échelle jusqu'à la génomique fonctionnelle, en incluant la bio informatique.

Cette action, financée par le fonds national de la science (FNS) et le fonds de la recherche et de la technologie (FRT) s'articulera en 2001 autour de six axes :

- le groupement d'intérêt public (GIP) Centre national de séquençage (CNS) d'Évry a pour mission la prise en charge du séquençage à grande échelle, en particulier l'accélération des programmes internationaux et nationaux de séquençage (génome de l'homme, du riz, du fugu), qui a nécessité en 2000 un doublement de la capacité du Centre ;

- le GIP Centre national de génotypage (CNG) d'Évry a pour mission de créer un instrument d'identification de gènes morbides impliqués dans les maladies héréditaires et d'aider les laboratoires de recherche du secteur académique à réaliser leurs études génétiques. Il établit des partenariats avec l'industrie (industrie pharmaceutique ; industries agroalimentaires). En outre, il prépare un accord de coopération avec le Japon, qui devrait déboucher sur la création d'un laboratoire mixte franco-japonais. En 2001, la capacité de génotypage devrait être multipliée par un facteur 10 ;

- le Centre de ressources informatiques " Infobiogen " (CRI), implanté à Évry, conduit une activité de service à la communauté de recherche et de développement, en particulier par l'annotation des séquences. Le Centre relie les différents pôles régionaux de bio-informatique ;

- le réseau de génopoles . Un appel d'offres " GENOPOLES " a permis de sélectionner un ensemble de sites qui permettent l'automatisation des méthodologies, le développement de nouvelles techniques et la réalisation de projets scientifiques à grande échelle. Six sites en province (Lille, Lyon, Grenoble, Marseille, Montpellier, et Strasbourg) ont été choisis, avec des spécificités complémentaires ; de même trois sites ont été sélectionnés en région parisienne (Institut Pasteur, Montagne Sainte-Geneviève, Necker-ParisV) et rattachés à la génopole d'Île-de-France située à Évry ;

- en outre, un réseau " génoplante " a été constitué pour ce qui concerne les génomes végétaux et un appel d'offre " post-génome " lancé.

3. Une rupture : le synchrotron de troisième génération " Soleil "

a) Une décision positive annoncée le 11 septembre dernier

Chronologie de la décision

Dès le 3 avril, soit une semaine après sa nomination au ministère de la recherche, M. Roger-Gérard Schwartzenberg a exprimé son intention de rouvrir le dossier du " synchrotron ", qui avait notamment cristallisé l'opposition entre son prédécesseur rue Descartes et le monde de la recherche.

De nombreuses consultations et rapports d'experts indiquaient en effet que la décision de construire en France un synchrotron de troisième génération était scientifiquement nécessaire , malgré une décision contraire prise par le Gouvernement un an auparavant, au bénéfice d'une participation française au projet britannique " Diamond ".

C'est le 11 septembre que le ministre a annoncé la construction d'un synchrotron de troisième génération en Ile-de-France, après avoir obtenu, le 7 septembre, l'accord du Premier Ministre.

Les consultations et concertations menées par le ministre ont certainement pesé sur la décision finale, qu'il s'agisse des collectivités territoriales candidates à l'accueil de cet équipement (Régions Aquitaine, Basse-Normandie, Centre, Champagne-Ardenne, Ile-de-France, Midi-Pyrénées, Nord Pas de Calais, PACA, Alsace et Limousin) ou du groupe de travail des 5 pays européens (Allemagne, Espagne, France, Italie, Royaume-Uni) sur les grandes installations pour l'étude de la matière, dit groupe des " directeurs généraux ", qui rassemble les responsables de la recherche de ces 5 pays et qui a tenu une réunion à Rome le 22 juin 2000. Le Conseil national de la Science s'est, quant à lui, réuni le 30 juin. Le groupe de travail sur l'installation de rayonnement synchrotron de 3 ème génération sur le territoire français , que le Ministère de la Recherche a spécialement constitué pour expertiser les différents dossiers, a remis son rapport le 19 juillet. Ce groupe réunissait des spécialistes du rayonnement synchrotron, de la physique, de la biologie et des sciences de l'environnement. L'important rapport, très documenté, de MM. Christian Cuvilliez et René Trégouët au nom de l'Office parlementaire des choix scientifiques et technologiques 6 ( * ) , qui, publié en mars 2000, faisait le constat de l'insuffisance de l'offre française de rayonnement synchrotron, a certainement également pesé sur la décision finale. Ce rapport, adopté à l'unanimité de l'Office, concluait en effet également à la nécessité d'un nouveau synchrotron français.

Fondements de la décision

En annonçant sa décision, le ministre a rappelé que le rayonnement synchrotron de troisième génération est 1000 milliards de fois plus brillant que le rayonnement produit par les meilleures sources de rayons X de laboratoire. Par sa brillance exceptionnelle, cet outil d'analyse de la matière est le plus performant et le plus diversifié. Il est également polyvalent et pluridisciplinaire, car nécessaire aux chercheurs de nombreuses disciplines. Il est utilisé aussi bien en recherche fondamentale qu'en recherche appliquée. Ses utilisations sont multiples.

Par exemple, au plan de recherche fondamentale , les principales disciplines utilisatrices sont :

- la physique : physique des matériaux, des surfaces des atomes et des molécules ;

- la chimie ;

- les sciences de la vie et de la biologie, notamment la cristallographie des protéines en biologie structurale, avec applications à la conception de médicaments ;

- les sciences de la Terre (géosciences) ;

- les sciences de l'environnement.

Cet équipement est aussi fréquemment utilisé en recherche appliquée et notamment en recherche industrielle :

- l'industrie pharmaceutique pour la mise au point de nouveaux médicaments, ce qui est essentiel dans la phase de la post-génomique et pour favoriser l'essor des biotechnologies ;

- l'imagerie en rayons X et l'imagerie médicale non invasive, par exemple l'angiographie ;

- la métallurgie (analyse de défauts) ;

- l'industrie automobile ;

- l'industrie pétrolière ;

- la microélectronique et la micromécanique.

Le ministre a rappelé que les grandes nations scientifiques s'étaient d'ailleurs dotées d'un ou plusieurs synchrotrons : l'Italie et la Suisse en ont un chacun, la Suède 3, l'Allemagne 5, les Etats-Unis 11 et le Japon 16. Beaucoup de ces équipements sont des sources de troisième génération.

b) Les caractéristiques du projet

Le Gouvernement a décidé de retenir le niveau d'énergie prévu dans le projet " Soleil ", niveau assez élevé, qui correspond à une machine multi-usages destinée à répondre à l'ensemble des besoins des scientifiques français.

Dans les huit premières années, est ainsi prévue l'installation de 24 lignes de lumière, dont 4 consacrées à la biologie. Ce nombre pourrait évoluer en fonction des besoins des biologistes.

La construction de l'équipement devrait démarrer à l'automne 2001. Un premier fonctionnement devrait avoir lieu en 2005.

La structure juridique choisie est une société civile , comme le préconisait le projet " Soleil ". En effet, cette structure est adaptée à la participation financière (importante) des collectivités territoriales aux coûts de construction, ainsi qu'à celle de partenaires étrangers.

Le choix de la société civile permettrait en outre d'assurer :

- la souplesse et la rapidité des procédures en matière de recrutements et de marchés ;

- une équivalence de salaires , avec d'autres installations semblables, susceptibles d'attirer les personnels les plus compétents ;

- le recours au travail continu (fonctionnement à 5.000 heures par an en production de photons) et au travail de nuit (astreintes), afin que l'équipement puisse fonctionner 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24.

L'estimation du groupe de travail du ministère de la recherche sur le coût du projet , sur huit ans, est de :

- 1.089 millions de francs en investissement ;

- 259 millions de francs en fonctionnement ;

- 558 millions de francs pour les salaires des personnels travaillant sur l'installation ;

Soit un total de 1.906 millions de francs.

Les salaires sont ceux des personnels administratifs, des ingénieurs et des techniciens travaillant sur l'installation : leur nombre total devrait être d'environ 300 au bout de huit ans. La plupart des experts considèrent, en effet, que le montant des salaires des chercheurs affectés à l'installation n'a pas à être intégré au coût global. Compte tenu des personnels d'ores et déjà employés par l'Etat (personnels actuellement au CEA ou au CNRS) qui seraient susceptibles de collaborer à cet équipement, le coût total serait situé dans une fourchette entre 1,5 et 1,6 milliards de francs .

Avec les participations financières des collectivités locales (1,2 milliard de francs) et des partenaires étrangers , le coût incombant à l'Etat serait réduit à 200 ou 300 millions de francs, ou à 750 millions de francs en y ajoutant le salaire des chercheurs.

c) Le choix d'une implantation sur le plateau de Saclay, en Ile-de-France

L'implantation du synchrotron " Soleil " a été étudiée par le Gouvernement en utilisant un certain nombre de critères, une note A, B ou C étant attribuée pour chaque critère à chacune des régions potentiellement candidates. Ces critères sont au nombre de trois :

- l'environnement scientifique est le critère le plus important. La proximité de laboratoires de recherche performants, le voisinage d'autres grandes installations sont des éléments forts en faveur d'une candidature ;

- en second vient la facilité d'accès : seule une petite partie des utilisateurs sont sur place, la plupart viennent de laboratoires extérieurs, et il est crucial que leur temps de voyage soit aussi limité que possible ;

- enfin viennent des critères plus secondaires comme la stabilité géologique du terrain , l'absence de vibrations , la qualité de l'alimentation électrique.

Douze régions ont manifesté le souhait d'accueillir le projet " Soleil ", depuis que le ministre de la Recherche a annoncé l'intention du Gouvernement de construire une telle machine en France. Ces régions sont l'Ile-de-France, le Nord-Pas-de-Calais, la Basse-Normandie, Provence-Alpes-Côte d'Azur, l'Alsace, la Champagne-Ardennes, le Limousin, la Lorraine, le Centre et un regroupement des régions Aquitaine, Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon.

En se fondant essentiellement sur le potentiel en matière d'environnement scientifique, le Gouvernement a retenu, entre les deux projets les plus aboutis -ceux de l'Ile de France et du Nord Pas de Calais- le site proposé par la région francilienne : le plateau de Saclay.

* 3 Auxquels s'ajoutent 40 emplois au ministère de la Culture pour l'établissement de la carte archéologique

* 4 Une liste des principaux sigles figure en annexe du présent rapport.

* 5 Virus d'Immuno-déficience humaine.

* 6 Rapport n° 273, Sénat, Tome I : " Les conditions d'implantation d'un nouveau synchrotron ".

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