B. UN SOUTIEN ÉCONOMIQUE LIMITÉ AU REGARD DES BESOINS DE LA ZONE DE SOLIDARITÉ PRIORITAIRE

1. Les risques de tension sur les concours financiers

. Les concours à l'ajustement structurel

Les concours financiers, rappelons-le, participent au soutien des programmes d'ajustement structurel mis en oeuvre par les pays bénéficiaires, pour équilibrer leurs finances publiques. En contrepartie d'un soutien de la communauté des bailleurs de fonds à l'équilibre de leurs budgets et de leurs balances de paiements courants, les pays sous ajustement structurel s'engagent à respecter les objectifs inclus dans le document cadre de la politique économique élaborée par les autorités nationales avec l'aide des services du FMI et de la Banque mondiale et actualisée, sur une période glissante de trois ans.

Les financements d'ajustement structurel prennent deux formes :

- les dons en faveur de l'ajustement structurel pour les pays les moins avancés ;

- les prêts pour les pays à revenu intermédiaire consentis par l'Agence française de développement au nom et au risque de l'Etat, à partir de ressources procurées par emprunts sur le marché financier et bonifiées par l'article 20 du chapitre 41-43.

L'enveloppe retenue pour l'ajustement structurel (répartie à part égale entre les dons et les bonifications dotés respectivement de 45 millions de francs) se réduit de 10 %. La portée de cette évolution doit, certes, être tempérée.

D'une part, en effet, la contraction apparaît moindre que l'an dernier (- 50 %). D'autre part, elle s'explique par l'importance des reports de crédits d'une année sur l'autre, compte tenu de la sous consommation récurrente de l'enveloppe budgétaire. Cette situation vaut notamment pour les bonifications d'ajustement structurel. Ainsi, en Côte d'Ivoire où une enveloppe de 400 millions de francs avait été prévue à la demande du Trésor, aucun programme n'a pu être conclu en raison des événements politiques et des réserves des bailleurs de fonds multilatéraux. La perspective de la signature d'accords comparables avec le Congo et le Gabon apparaît également improbable d'ici la fin de l'année. Aussi les ressources disponibles au début de l'année 2001 (y compris la dotation de 90 millions de francs inscrite en loi de finances initiale) devrait s'élever à 600 millions de francs.

Cependant, plusieurs facteurs pourraient concourir à une augmentation des dépenses sur ces postes budgétaires :

- la stabilisation politique et économique dans certains pays comme la Côte d'Ivoire et le Congo est en voie de se confirmer; la marge de manoeuvre budgétaire dont disposera la France pourrait alors se révéler limitée ;

- l'initiative en faveur des pays pauvres très endettés (PPTE) sur la dette devrait en principe concourir à réduire les besoins de financement d'ajustement. Cependant elle ne sera pas mise en oeuvre avant 2002 ;

- le contenu des programmes qui souhaitent désormais soutenir le FMI et la Banque mondiale, traditionnellement axé sur les équilibres budgétaires, est appelé à évoluer progressivement, afin de mieux prendre en compte la dimension sociale de l'ajustement et laisser une plus grande initiative aux pays bénéficiaires (assouplissement des conditionnalités et de la surveillance). Ces nouvelles orientations correspondent aux positions défendues de longue date par la France pour l'emploi des concours financiers. Elles devraient donc contribuer à impliquer davantage notre pays dans cette politique d'ajustement " nouvelle manière " avec des moyens financiers renforcés en conséquence.

. L'aide budgétaire

L'aide budgétaire est, en principe, destinée au financement d'opérations exceptionnelles. La dotation attribuée en 2000, soit 60 millions de francs, est reconduite pour 2001.

Auparavant inscrite au seul budget de l'ancien ministère de la coopération et donc réservée aux seuls pays du champ, l'aide budgétaire, à la suite de la fusion des budgets de la coopération et des affaires étrangères, a vu son champ d'utilisation s'élargir aux dimensions du monde entier, alors même que les crédits diminuaient ou, dans le meilleur des cas, stagnaient .

Ainsi, au milieu de l'année 2000, plus du tiers des opérations avaient concerné la seule Macédoine (50 millions de francs), tandis que le solde, conformément à la vocation initiale de cette dotation, bénéficiait aux pays de la zone de solidarité prioritaire : appui à l'organisation d'élections ou au processus de paix (République démocratique du Congo, réinsertion d'anciens rebelles au Niger...).

Certes, l'aide budgétaire avait bénéficié de reports de crédit d'une année sur l'autre. Cependant, ces derniers, compte tenu de la sollicitation croissante dont cette enveloppe est l'objet, ont tendance à se réduire. Ainsi, en 2000, la dotation de 60 millions de francs prévue par la loi de finances initiale pour 2000 avait été complétée par des reports de crédits à hauteur de 42 millions de francs (contre 100 millions de francs l'année précédente), et par des transferts de crédits, des bonifications de prêts et des dons en faveur de l'ajustement structurel pour un montant de 110 millions de francs.

Sur le montant total de ces ressources -212 millions de francs-69 millions de francs seulement restaient disponibles au mois de juillet. Dans ces conditions, on peut craindre qu'il n'y ait pas de report de crédits sur 2001 et que l'enveloppe prévue dans le projet de budget se révèle très insuffisante.

L'utilisation de l'aide budgétaire soulève une question de fond : cette dépense traduit un effort de solidarité particulier. Est-il normal de la consacrer à des pays situés hors de la zone de solidarité prioritaire ? Votre rapporteur ne le croit pas. Le recours aux ressources disponibles au titre des instruments d'aide au développement pour répondre aux situations d'urgence qui peuvent survenir à tout moment dans toute partie du monde altère profondément la cohérence et la portée de notre politique de coopération. L'emploi de l'aide-projet pose des problèmes du même ordre.

2. Les insuffisances de l'aide projet

L'aide projet repose sur deux instruments principaux : les dons destinés à financer des projets de développement institutionnel, social et culturel sur les ressources du Fonds de solidarité prioritaire (FSP), les dons affectés aux projets de développement économique et social mis en oeuvre par l'Agence française de développement.

. l'insuffisance des crédits du fonds de solidarité prioritaire

Les dotations prévues pour le Fonds de solidarité prioritaire s'élèvent à 1 096,9 millions de francs en autorisations de programme (soit - 24 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2000) et à 711,9 millions de francs en crédits de paiement (- 21 %)

Cette diminution des moyens paraît s'expliquer principalement par le transfert des opérations multilatérales liées à la francophonie, du FSP vers le titre IV. L'imputation de ces dépenses sur le FSP apparaissait très contestable au regard des objectifs de l'aide projet et ne s'expliquait que par l'insuffisance récurrente des disponibilités sur le titre IV de l'ancien ministère de la coopération. La concentration des crédits du FSP sur l'aide projet bilatérale constitue donc une clarification indispensable.

Cette observation faite, la dotation du FSP et sa gestion appellent cependant quatre séries de critique :

- en premier lieu, malgré la relative stabilisation des moyens enregistrés cette année, l'enveloppe dévolue au FSP n'a cessé de se réduire au cours de la période récente , alors même que la mise en service de la réforme de la coopération a conduit à élargir le nombre de pays bénéficiaires de notre aide dans le cadre de la zone de solidarité prioritaire ;

- ensuite, la mise en oeuvre des projets souffre encore de nombreux retards ; ainsi la durée prévue des projets en cours, de l'ordre de 35 mois, se trouve prolongée en moyenne de 11 mois. Ces délais interviennent à plusieurs niveaux : entre la décision du comité directeur et la signature des conventions de financement (cinq à six mois séparent parfois ces deux étapes), mais aussi entre la décision d'attribution des fonds et le déblocage effectif des crédits. L'impéritie des administrations locales ne saurait toujours exonérer notre pays de ses propres responsabilités dans ces retards : évaluation insuffisante des projets, lourdeur du circuit de décision et, surtout, régulation budgétaire dont les effets conduisent souvent à bloquer une opération. Or, l'intérêt d'une opération, votre rapporteur a souvent été appelé à le souligner, peut se trouver remis en question lorsque l'exécution tarde excessivement. Aussi un véritable effort doit-il être conduit dans ce domaine ;

- par ailleurs, la nouvelle organisation du Fonds de solidarité prioritaire, fixée par le décret n° 2000-880 du 11 septembre 2000, se traduit par un affaiblissement du contrôle parlementaire tel qu'il s'exerçait dans le cadre du Fonds d'aide et de coopération (FAC). En effet, les représentants du Parlement pouvaient se prononcer au sein d'un comité directeur du FAC sur chacun des projets envisagés par l'administration ; ils ne sont désormais représentés qu'au sein d'un conseil d'orientation stratégique chargé de formuler des recommandations de caractère général " sur l'utilisation des crédits du Fonds par secteurs d'activité et par zones géographiques ", tandis que l'examen au cas par cas des opérations est renvoyé à un comité des projets composé des seuls représentants de l'administration. Ce dispositif ne paraît pas conforme aux indications données par le gouvernement lors du débat budgétaire de l'an passé. Le contrôle parlementaire, faut-il le rappeler, à l'heure où l'aide au développement se trouve de plus en plus contestée, apparaît indispensable pour en renforcer la légitimité.

- enfin, le même décret du 11 septembre 2000 prévoit que le FSP " peut financer, à titre exceptionnel, des opérations d'aide et de coopération situées, le cas échéant, hors de la ZSP " ; une telle possibilité avait déjà été utilisée l'an passé en faveur du Kosovo ; C'est là une dérive tout à fait inadmissible par rapport à la vocation du FSP.

Fonds de solidarité prioritaire
Répartition sectorielle des projets et financements approuvés en 1999

TOTAL

%

SANTE ET DEVELOPPEMENT

105 350 000

13,02

ENSEIGNEMENT, FORMATION, J & S

106 600 000

13,18

DEV. RURAL ET ENVIRONNEMENT

112 000 000

13,84

DEVELOPPEMENT INSTITUTIONNEL

60 550 000

7,48

ACTION CULTURELLE ET INFORMATION

82 300 000

10,17

RECHERCHE

10 000 000

1,24

DEV. INDUSTRIEL ET MINIER

15 000 000

1,85

ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES

56 250 000

6,95

COOPERATION DECENTRALISEE

30 000 000

3,71

INTERVENIONS A TRAVERS LES INSTITUTIONS DE LA FRANCOPHONIE

99 000 000

12,24

CD/FSD

92 000 000

11,37

OPERATIONS INTER SECTORIELLES

25 500 000

3,15

INFRASTRUCTURES

10 000 000

1,24

EVALUATIONS ET CONTRÔLE

4 500 000

0,56

TOTAL GENERAL

809 050 000

100

. Les dons destinés aux projets de développement économique et social

La mise en oeuvre des projets de développement économique, sur les ressources du budget du ministère des affaires étrangères, revient à l'Agence française de développement. La compétence de l'Agence a été élargie, dans le cadre de la réforme de notre coopération, aux infrastructures de santé et d'éducation.

En conséquence, les autorisations de programme ont été abondées de 140 millions de francs en 2001.

Quatorze projets dans le secteur des infrastructures d'éducation ont d'ores et déjà été financés (Tunisie, Maurice, Maroc, Vietnam, Sénégal, Laos et Algérie), trois sont en cours d'instruction pour le Burkina Faso, la Côte d'Ivoire et l'Afrique du Sud. Deux projets relatifs à des infrastructures de santé ont été financés (Tchad et Sénégal).

Par ailleurs, l'AFD a été conduite à intervenir cette année dans des régions qui n'appartiennent pas à la zone de solidarité prioritaire. Ainsi, elle est intervenue au Kosovo pour un montant de 36 millions de francs, financé sur une subvention complémentaire par rapport à l'enveloppe dont elle disposait. L'expérience et le savoir-faire de l'Agence peuvent certes bénéficier dans des régions comme les Balkans. Même si cela n'a pas été le cas l'an passé, on ne peut toutefois exclure la tentation de financer cette nouvelle orientation par un redéploiement des crédits au préjudice de la zone de solidarité prioritaire. Il faut donc rappeler que l'extension du champ d'action géographique de l'Agence suppose de moyens budgétaires supplémentaires.

. La coopération décentralisée : une priorité politique sans réels moyens financiers

Les crédits dévolus à la coopération décentralisée passent de 37,7 (ou 37,7 millions de francs à 42,7 millions de francs (soit une progression de 13 %). Cette évolution positive répond à la priorité affichée par le gouvernement, lors des rencontres nationales de la coopération décentralisée, en 1999, au cours desquelles cette forme de coopération avait été reconnue comme un " volet important de l'action internationale de la France ".

Le bilan de la coopération décentralisée en 2000 témoigne d'une forte concentration des projets sur quelques zones comme l'Afrique ou certains pays tels que la Roumanie, la Pologne, la Hongrie et le Vietnam.

L'intervention de l'Etat dans le cadre de cofinancements vise trois objectifs principaux :

- permettre le " bouclage " d'opérations utiles, techniquement bien étudiées mais dotées d'un financement insuffisant ;

- manifester l'intérêt des pouvoirs publics pur une opération ainsi " labellisée " susceptible d'accroître la crédibilité d'une action aux yeux du partenaire étranger ;

- inciter d'autres collectivités à s'engager dans de nouvelles opérations dont la mise en oeuvre est souhaitée dans le cadre des évolutions stratégiques décidées.

Par ailleurs, le renforcement institutionnel, la formation supérieure d'étudiants et chercheurs et l'appui aux partenariats d'entreprises constituent les orientations privilégiées dans le cadre des contrats de plan Etat-région pour la période 2000-2006 avec, sur 7 ans, un montant prévu de cofinancement de 95 millions de francs. Un dispositif institutionnel a par ailleurs été mis en place à la faveur de la réforme sous la forme d'une mission pour la coopération intergouvernementale au sein de la DGCID. Cette mission dispose d'un bureau plus particulièrement chargé de la liaison avec les collectivités locales françaises, leurs associations et leurs partenaires en France et à l'étranger.

En novembre 2000, le ministère des Affaires étrangères a prévu la publication d'un " guide de la coopération décentralisée " destiné à fournir aux élus ainsi qu'à l'ensemble des intervenants de la coopération décentralisée l'essentiel des références institutionnelles, juridiques, techniques et financières de la coopération décentralisée.

A cet outil d'information s'ajoutera le tableau de la coopération décentralisée , travail entrepris également dans le cadre de la Commission Nationale de la Coopération Décentralisée (CNCD). Avant la fin de l'année 2000, les premiers résultats par types de collectivités devraient pouvoir être présentés. Ils seront complétés par une approche par pays ou thématique.

Sur 234 opérations présentées pour un cofinancement (au 16-08-00) pour un montant total de 34,68 millions de francs, la répartition géographique pour les principaux bénéficiaires est la suivante :


Pays


Nombre de
projets

Montant total
de financement
(KF)

Roumanie

29

2 045,14

Maroc

14

2 184 ,93

Vietnam

14

1 549,50

Pologne

13

1 300,75

Burkina Faso

8

290,81

Bassin Méditerranéen

7

1 544,00

Hongrie

7

1 083,48

Palestine

6

947,75

Algérie

6

915,50

Cuba

5

991,50

Bénin

3

1 772,85

Répartition par type de collectivités territoriales

Nombre de projets (en pourcentage) présentés par :

Régions

Départements

Communes

Projets dits
d' " Intérêt général "

23,9 %

20,1 %

45,7 %

10,3 %

La coopération décentralisée, si elle doit encore être renforcée, ne saurait, en aucun cas, servir de prétexte au désengagement de l'Etat.

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