CHAPITRE II -
LES QUESTIONS NUCLÉAIRES

Votre rapporteur a relevé, au cours des trois dernières années, que les crédits consacrés à la dissuasion nucléaire avaient été affectés plus que d'autres par les abattements opérés sur les crédits d'équipement de la défense, leur part diminuant dans un titre V lui-même réduit par rapport aux objectifs de la loi de programmation militaire.

Cette tendance à l'érosion se confirme dans le projet de budget pour 2001, les crédits de paiement, avec 15,6 milliards de francs, diminuant de 1,8 %, alors que les autorisations de programme, qui en 2000 incluaient la commande globale d'une nouvelle tranche de deux ans de développement du missile M51, régresseront en 2001 de 27 %, retrouvant avec 13,4 milliards de francs, le niveau très bas qu'elles avaient atteint en 1999.

Cette érosion des crédits du nucléaire , plus forte que ne le laissait présager la loi de programmation, n'affecte pas les principaux programmes de modernisation et de renouvellement de notre force de dissuasion. Mais elle crée un contexte budgétaire tendu , notamment en matière de crédits d'études-amont, et doit inciter à la vigilance, alors que ces grands programmes exigeront impérativement, lors de la prochaine loi de programmation, un relèvement de l'effort financier.

I. L'ÉVOLUTION DU CONTEXTE INTERNATIONAL

L'année 2000 a été marquée par des difficultés du dialogue stratégique américano-russe, liées au projet de déploiement par Washington d'un système de défense antimissiles (NMD). En dehors des deux principales puissances nucléaires, la tendance n'est pas au désarmement, que ce soit en Chine ou dans les différents pays mettant au point des programmes nucléaires militaires ou balistiques. Parallèlement, aucune avancée n'a été enregistrée quant aux instruments internationaux de désarmement et de non-prolifération.

A. LES DIFFICULTÉS DU DIALOGUE STRATÉGIQUE AMÉRICANO-RUSSE

Bloquée depuis plusieurs années, la ratification de l'accord de réduction des armes stratégiques START II a fait l'objet d'un vote positif par la Douma russe le 14 avril puis par le Conseil de la Fédération le 19 avril. Toutefois, le Président Poutine a subordonné l'application de cet accord à la renonciation des Etats-Unis à la modification et, a fortiori, à la dénonciation du traité ABM. Il a également conditionné cette entrée en vigueur à la ratification, par le Sénat américain, des protocoles, signés en septembre 1997 à Helsinski, le premier repoussant l'application de START II au 31 décembre 2007 et le second opérant une " démarcation " dans le champ d'application du traité ABM afin d'en exclure les défenses antimissiles de théâtre. Ce dernier protocole est manifestement incompatible avec les exigences américaines actuelles puisqu'il confirme, a contrario, que la NMD ne peut être déployée sans contrevenir au traité ABM. Ces conditions ont immédiatement été considérées comme inacceptables par une importante fraction du Sénat américain.

Rappelons que l'accord START I, signé en 1991, avait prévu de ramener en sept ans les arsenaux stratégiques des deux pays à 6 000 têtes nucléaires. Ces objectifs sont en passe d'être atteints puisque, de source officielle, le nombre de têtes nucléaires au début de l'année était inférieur à 6 000 pour la Russie et s'établissait à 7 763 têtes pour les Etats-Unis, l'objectif de 6 000 têtes étant envisagé pour 2001.

Signé en 1993, l'accord START II prévoit une nouvelle réduction, de l'ordre de la moitié par rapport à START I, du nombre d'armes stratégiques. Le retard pris dans la ratification de START II a d'ores et déjà entraîné une modification du calendrier lors du sommet d'Helsinki en mars 1997. Les échéances de mise en oeuvre ont été reculées. La première phase, au cours de laquelle le plafond du nombre total de têtes déployées doit être ramené à 4 250, s'achèverait en 2004, la seconde phase s'achevant en 2007 avec un abaissement des plafonds à 3 000 têtes pour la Russie et à 3 500 pour les Etats-Unis. Toutefois, les deux pays se sont engagés à désactiver avant le 31 décembre 2003 l'ensemble des têtes nucléaires des missiles stratégiques devant être éliminés avant la fin 2007.

Les difficultés pour l'application de START II handicapent la négociation d'un nouvel accord START III destiné à fixer le niveau des arsenaux à un total, pour chaque partie, de 2 000 à 2 500 têtes nucléaires déployées sur des vecteurs stratégiques.

C'est dans ce contexte que la Président Poutine s'est déclaré favorable à une réduction des arsenaux stratégiques russe et américain à moins de 1 500 ogives chacun, niveau très inférieur à celui envisagé pour START III, cette diminution étant soumise, dans l'esprit de Moscou, au respect du traité ABM de 1972. Selon certains observateurs, la Russie pourrait chercher à lever, dans un futur accord START III, l'interdiction des missiles sol-sol à têtes nucléaires multiples prévu par START II. Déliée de son obligation de démanteler ses têtes multiples, elle pourrait ainsi diminuer plus rapidement le nombre de ses missiles pour alléger ses contraintes financières, sans réduire dans la même proportion le nombre de ses têtes nucléaires.

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