2. Les problèmes juridiques concernant les foyers à double tarification et l'amendement " Creton " sont toujours en suspens

Votre commission ne peut que déplorer que, depuis le début de cette année, le Gouvernement n'ait pris aucune décision effective pour mettre un terme aux impasses juridiques suscitées par des jurisprudences judiciaires et administratives concernant deux problèmes importants.

a) La remise en cause des modalités de financement des jeunes adultes maintenus au titre de l'amendement " Creton "

Comme l'indique la réponse au questionnaire budgétaire transmise à votre rapporteur, l'application de l'amendement " Creton " repose sur une " base juridique fragile ".

En effet, ce sont deux circulaires ministérielles du 18 mai 1989 et du 27 janvier 1995 qui ont précisé les compétences respectives en matière de financement. Un équilibre a pu être trouvé non sans que les conseils généraux aient dû obtenir l'annulation de deux circulaires pour défaut de base légale de la procédure de tarification forfaitaire retenue.

Toutefois, la Cour de cassation (Chambre sociale, 30 mai 1996) a estimé qu'il ne devait pas y avoir de partage des frais entre les financeurs selon la nature des prestations couvertes et qu'il incombait donc aux départements d'assumer à la fois les dépenses relatives aux soins et celles relatives à l'hébergement.

Cette décision a été confirmée par un arrêt du tribunal des conflits (décision n° 3103 du 25 mai 1998, préfet de Meurthe-et-Moselle c/ Tribunal des affaires de sécurité sociale de Nancy) qui a considéré qu'il appartenait bien aux juridictions compétentes de l'ordre judiciaire de se prononcer sur la prise en charge des frais de soins inclus dans les frais de séjour, dans la mesure où l'application de l'amendement " Creton " porte sur " l'application des législations et réglementations de sécurité sociale " .

Cette jurisprudence menace de remettre en cause les modalités de financement qui étaient jusqu'alors admises par l'administration de l'Etat en matière de financement des FDT.

Votre commission souligne à nouveau le caractère urgent d'une disposition réglementaire adéquate pour stabiliser la situation des personnes maintenues en établissement au titre de l'amendement " Creton " dans le respect des engagements pris auprès des départements.

b) La remise en cause du dispositif financier des foyers à double tarification

Les foyers à double tarification (FDT) ont été mis en place à titre expérimental par deux circulaires des 14 février 1986 et 3 juillet 1987. Bien que le dispositif fonctionne depuis maintenant plus de dix ans, l'assise juridique est toujours demeurée au niveau de la circulaire.

Par un arrêt du 30 juin 1999 (CE, Association de gestion de l'Institut universitaire et socioprofessionnel pour handicapés physiques (AGI) et département de Meurthe-et-Moselle) le Conseil d'Etat a estimé que les circulaires des 14 février 1986 et 3 juillet 1987 étaient illégales car elles avaient un caractère réglementaire et étaient, par conséquent, entachées d'incompétence. Il résulte que les arrêtés de tarification pris en application de ces circulaires sont également illégaux.

Dans une note de la direction de l'action sociale (DAS) en date du 25 août 1999, il est précisé que, de ce fait, le foyer à double tarification de l'AGI a été requalifié en foyer d'hébergement à la charge du Conseil général, " les soins pouvant être financés selon les principes de l'assurance maladie ou de l'aide médicale (c'est-à-dire à l'acte) " .

En requalifiant ainsi le FDT en " foyer d'hébergement ", le ministère remet en cause les engagements pris, dans les deux circulaires précitées, par l'Etat et par l'assurance maladie pour le financement des soins, au détriment des départements.

En l'état actuel, ce sont plus de 5.000 places d'accueil en FDT qui sont mises à disposition des adultes handicapés lourds et de leurs familles, souvent à défaut de places en maisons d'accueil spécialisées, et pour lesquels l'ensemble du dispositif global de prise en charge se trouve compromis.

Votre commission regrette que, malgré les engagements pris par Martine Aubry devant elle l'année dernière, le décret permettant de régulariser la situation des FDT ne soit toujours pas prêt.

Il semble qu'un projet de décret ait été soumis à concertation mais que celui-ci allait bien au-delà de l'objectif d'une régularisation, puisqu'il débouchait en définitive sur une réforme globale de la tarification et du financement des foyers d'accueil pour personnes adultes handicapées.

Votre commission considère que la démarche qui consisterait à anticiper sur l'examen de la réforme de la loi du 30 juin 1975 relative aux institutions sociales et médico-sociales, serait regrettable. Elle déplore que la question des FDT ne soit toujours pas réglée près de dix-huit mois après la décision du Conseil d'Etat.

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