C. DES " JEUX DE PISTE " NAVRANTS ENTRE LA LOI DE FINANCES ET LA LOI DE FINANCEMENT DE LA SÉCURITÉ SOCIALE

1. L'affectation d'une fraction de C3S au BAPSA constitue désormais une " tuyauterie " indigne

Selon l'article 2 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, le BAPSA devait définitivement perdre une de ses recettes, la C3S. En effet, la loi de financement de la sécurité sociale avait prévu d'attribuer les excédents de C3S au FSV pour financer le " fonds de réserve " des retraites. Le BAPSA devait disposer, pour une dernière fois en 1999, de 1 milliard de francs, afin de financer une mesure de revalorisation des retraites 4 ( * ) .

Certes, la C3S est acquittée par les sociétés agricoles, à condition que le chiffre d'affaires dépasse 5 millions de francs. Le montant acquitté par les sociétés agricoles est évalué à 500 millions de francs. Il n'était donc pas " illogique " que le régime des exploitants agricoles bénéficiât de cette ressource.

Pour autant, votre commission ne s'était pas opposée à ce que le BAPSA perde cette source de financement, qui s'était avérée " virtuelle ", à l'exception du précédent fâcheux des années 1992-1993. Le régime des exploitants agricoles en avait alors profité, à l'occasion d'un tour de passe-passe budgétaire consistant à réduire le déficit budgétaire par un " siphonnage " 5 ( * ) des réserves de C3S : l'affectation de ces excédents avait permis de réduire la subvention d'équilibre.

Votre rapporteur pour avis expliquait toutefois, dans son avis au projet de loi de finances pour 1999, que " financer une mesure de revalorisation des retraites (c'est-à-dire une dépense pérenne) par l'affectation d'une ressource exceptionnelle n'est pas de bonne gestion " .

Or, le BAPSA devrait bénéficier à nouveau, en 2001, d'un versement au titre de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S) , selon l'article 24 du projet de loi de finances pour 2001.

Cet article, qui déroge à une règle établie par une loi de financement de la sécurité sociale , concernant une recette affectée aux organismes de sécurité sociale (CANAM, ORGANIC, CANCAVA, FSV) n'a aucune raison d'être présente en loi de finances. Il pénalisera de 1,35 milliard de francs le FSV, qui perdrait déjà 11,5 milliards de francs de droits sur les alcools, affecté au " fonds de financement de la réforme des cotisations patronales " .

Mais le feuilleton n'est pas terminé, puisqu'une fois le BAPSA voté le 8 novembre 2000 en première lecture à l'Assemblée nationale, le Gouvernement s'est dépêché d'infirmer ce vote par la nouvelle lecture, le 28 novembre 2000, du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Il a décidé de réduire la subvention d'équilibre du BAPSA de 350 millions de francs et d'élever à due concurrence la fraction de C3S de 1.350 à 1.700 millions de francs.

Toute cette " tuyauterie " ne concerne en rien les besoins du régime agricole : le Gouvernement ne voulait pas assurer la prise en charge par l'Etat de l'exonération de CRDS pour les chômeurs non imposables, décidée par l'article 3 du projet de loi de financement de la sécurité sociale (et, par un écho chaotique, à l'article 48 vicies du projet de loi de finances). Il a donc décidé " d'autofinancer " la compensation de cette mesure d'exonération de CRDS à la CADES par la diminution de la subvention d'équilibre au BAPSA... compensée par une augmentation de la C3S affectée au BAPSA.

Au total, le " perdant ", car il faut nécessairement un perdant dans cette politique digne du " Sapeur Camembert ", est le Fonds de solidarité vieillesse, amputé à nouveau de 350 millions de francs, et le Fonds de réserve des retraites.

2. Les dispositions du projet de loi de financement ne sont pas prises en compte par le BAPSA

Le BAPSA 2001 a été construit sans prendre en considération l'incidence -il est vrai modérée- des mesures -même initiales- du projet de loi de financement :

- la revalorisation de la BMAF de 1,7 % (au lieu de 1,2 %) ; le coût de cette mesure serait de 12 millions de francs, compensée par une augmentation à due concurrence de la contribution de la CNAF.

- l'augmentation de l'ensemble des retraites de 2,2 % (au lieu de 1,2 %). Le surcoût s'élèverait à 274 millions de francs.

Cette situation s'explique par les arbitrages très tardifs du projet de loi de financement de la sécurité sociale. En effet, ceux-ci ont lieu quarante-huit heures avant la réunion de la Commission des comptes de la sécurité sociale (soit vers le 20 septembre), alors que le projet de BAPSA est " bouclé " dès le mois de juillet.

Par ailleurs, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 comprend un article 5 bis, visant à étendre de trois à cinq ans l'exonération dont bénéficient les jeunes agriculteurs.

Cet article 5 bis résulte d'un article additionnel adopté par l'Assemblée nationale en première lecture, à l'initiative de M. Jérôme Cahuzac, rapporteur pour avis de la commission des Finances.

Il a été adopté sans modification par le Sénat en première lecture le 15 novembre 1999.

Les jeunes agriculteurs bénéficient depuis 1985 d'un mécanisme d'exonération de cotisations sociales, dont l'intérêt a été diminué par la substitution CSG/cotisations maladie intervenue en 1998.

Exonération de cotisations jeunes agriculteurs

Les jeunes agriculteurs bénéficient, sous certaines conditions, d'exonérations partielles de cotisations sociales : 65 % pour la première année, 55 % pour la seconde et 35 % pour la troisième.

Cette exonération ne peut pas, toutefois, dépasser un montant maximum.

Les conditions sont :

- exercer une activité d'exploitant à titre principal ou exclusif, et par conséquent bénéficier de l'AMEXA ;

- diriger une exploitation supérieure ou égale aux ¾ de la SMI ou, si la superficie est inférieure, justifier d'une décision d'attribution de la dotation aux jeunes agriculteurs ;

- être âgé de 21 ans au moins (sauf lorsque le jeune agriculteur doit reprendre l'exploitation, du fait de la cessation définitive de l'activité de l'un de ses deux parents, chef d'exploitation, résultant du décès ou d'une invalidité réduisant d'au moins 66,66 % sa capacité d'exercice de la profession agricole) et de 40 ans au plus au moment de l'affiliation.

L'exonération ne concerne ni la CSG ni la CRDS.

L'article 5 bis du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 étend cette exonération à la quatrième (25 %) et à la cinquième années (15 %).

Les taux d'exonération seront fixés par décret.

Le coût de cet amendement serait de 50 millions de francs.

Votre rapporteur pour avis comprend les raisons " structurelles " du décalage entre le BAPSA et le PLFSS 2001. En revanche, il s'étonne que ces dispositions n'aient pas fait l'objet d'une modification du BAPSA, par la voie d'un amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale.

3. Le BAPSA nécessite de coordonner de manière incessante projet de loi de finances et projet de loi de financement de la sécurité sociale

Les annexes du projet de loi de financement de la sécurité sociale ne prennent pas en compte le versement de 1,35 milliard de francs de C3S affecté au BAPSA.

Un amendement a été nécessaire en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale pour faire apparaître cette fraction de C3S dans la catégorie " impôts et taxes " de l'article fixant les prévisions de recettes.

Un amendement a été à nouveau nécessaire en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale à l'Assemblée nationale pour élever cette fraction de C3S de 1,35 à 1,70 milliard de francs.

Un amendement au projet de loi de finances sera théoriquement nécessaire pour tenir compte de la diminution de la subvention d'équilibre et de l'augmentation de la fraction de C3S.

En clair, le Gouvernement s'amuse à multiplier les incohérences entre les deux projets de loi, alors que rien ne l'y oblige.

4. La répartition des articles entre les deux projets de loi semble relever d'un choix arbitraire

Dans le projet de loi de financement pour 2001 , une réforme des périodes de référence des assiettes est prévue aux articles 5 (cotisations sociales) et 6 ( contribution sociale généralisée).

Votre rapporteur pour avis a été à l'origine d'une disposition de coordination à l'article 4 bis , retenue par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture, tendant à autoriser les caisses de Mutualité sociale agricole à déroger à la règle de la compétence territoriale, en cas d'un contrôle multi-établissements.

La présence au banc du Gouvernement de M. Jean Glavany, ministre de l'Agriculture et de la Pêche, lors de la discussion de ces articles, n'aurait rien eu d'illogique.

Plus anecdotiquement, l'article 27 prévoit la suppression du Fonds additionnel d'action sociale, chargée de financer des prestations d'aide ménagère.

Dans le projet de loi de finances pour 2001 , l'article 25 prévoit de supprimer trois dispositions :

- la majoration de l'assiette minimum des cotisations maladie des exploitants agricoles (coût de la mesure : 111 millions de francs) ;

- le plafonnement à 6 fois le plafond de la sécurité sociale des cotisations maladie. Cette mesure concerne moins de 400 exploitants, dont le revenu professionnel est inférieur à 1 million de francs par an (gain de la mesure : 16 millions de francs) ;

- l'une des trois cotisations de solidarité, celle visée à l'article L. 622-1 du code de la sécurité sociale, concernant les chefs d'exploitation pluriactifs qui, à titre secondaire, mettent en valeur une exploitation supérieure à la moitié de la surface minimum d'installation (coût de la mesure : 9 millions de francs).

L'article 50 du projet de loi de finances prévoit en outre la mise en oeuvre de la quatrième étape du plan pluriannuel de revalorisation des petites retraites agricoles.

Aucune logique ne préside à la répartition de ces mesures entre les deux projets de loi. Dans l'état actuel du droit, ces dernières pourraient être toutes dans le projet de loi de finances, comme elles pourraient être toutes dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Tout cela milite, à l'évidence, pour une " consolidation " du BAPSA et de la loi de financement de la sécurité sociale.

* 4 cf. p. 12.

* 5 Ce terme étant celui utilisé en 1992-1993 par le secrétaire général de la Commission des comptes de la sécurité sociale, qui était alors M. Jean Marmot.

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