II. UNE CRISE PRÉOCCUPANTE DE LA CONSTRUCTION

A. LA CRISE DE LA CONSTRUCTION SE CONFIRME

1. Des objectifs de plus en plus éloignés de la réalité

Contingents PLA -PLUS et PLS-CFF

2000

1999

PLUS et PLAI

PLS

PLA, PLUS et PLAI

PLS

Dotation

Hors report des années

62.000

8.000

73.000

7.000

antérieures

Agréés fin septembre

13.500

2.000

15.000

1.900

(dont PLAI)

(2.000)

(1.700)

En % de la dotation

22 %

25 %

21 %

27 %

Source : UNFOHLM

Concernant la construction de logements sociaux, il convient de souligner le profond marasme du secteur. Alors que le ministère a annoncé 60.000 logements sociaux pour l'année 2000, seuls 11.376 agréments avaient été signés au cours du premier semestre.

Votre rapporteur pour avis avait analysé, l'année dernière, les principales causes de cette crise de la construction. Quatre facteurs lui étaient apparus prépondérants :

- la difficulté à réaliser l'équilibre financier des opérations compte tenu du coût réel des ressources financières ;

- la complexité des aides accrue par la lourdeur administrative présidant à la délivrance des agréments ;

- les nouvelles contraintes des organismes HLM qui, face à des craintes de vacances, préfèrent se concentrer sur la gestion de leur patrimoine et privilégier les opérations de réhabilitation ;

- et la faiblesse des engagements de certaines collectivités locales dans la construction de nouveaux logements.

Votre rapporteur pour avis avait également insisté l'année dernière sur la grande rigidité dans la programmation induite par les objectifs politiques du Gouvernement. Afin de promouvoir la " mixité sociale ", celui-ci a en effet conditionné l'accès aux crédits PLA à la mise en chantier de PLA " très sociaux " dans la proportion de 4 PLA pour 2 PLA-LM et 1 PLA-I. L'expérience semble démontrer que cette liaison a dissuadé nombre de collectivités locales.

Plusieurs facteurs renforcent aujourd'hui cette tendance, il s'agit :

- de la hausse du coût horaire de la main-d'oeuvre consécutive aux trente-cinq heures ;

- des pénuries de main-d'oeuvre dans le secteur du bâtiment ;

- de la hausse des taux d'intérêt ;

- ou encore de la stagnation du pouvoir d'achat des salariés.

Le Gouvernement ne semble pas tenir compte de ce décalage entre les crédits inscrits et le montant des crédits effectivement consommés étant donné que les crédits en faveur du locatif social figurant sur la ligne fongible 65-48-10 augmentent de 0,5 % en autorisations de programme.

Ces crédits sont associés à des objectifs physiques inchangés : 120.000 PALULOS, 10.000 prêts locatifs aidés d'intégration, 10.000 prêts locatifs à usage social construction-logement et 50.000 prêts locatifs à usage social. Cette programmation suppose que le prix des opérations n'augmente que de 0,5 %, ce qui paraît faible, à moins de considérer que les objectifs physiques ne seront de toute façon pas atteints.

Votre rapporteur pour avis insiste depuis 1998 sur le décalage qui existe entre les objectifs de logements budgétés et la proportion de PLA effectivement mis en chantier. Ce rapport est passé de 73 % en 1994 à 55 % en 1998 et probablement moins en 1999 et 2000. Il traduit une crise profonde du secteur de la construction et de la politique en faveur du logement social.

Nombre de PLA budgétés, financés et mis en chantier

Année

PLA budgétés

PLA

PLA mis

PLA normaux

PLA-I et PLA-TS

Total

financés

en chantier

1996

60.000

20.000 PLA-TS

(1) 80.000

59.879

54.000

1997

50.000

30.000 PLA-TS

80.000

(2) 59.911

45.600

1998

50.000

30.000 PLA-LM/I

80.000

(3) 51.415

44.000

1999

50.000

30.000 PLA-LM/I

80.000

(4) 47.695

42.500

Source : Siclone

(1) dont 23.701 agréments accordés dans la construction neuve à compter du 1 er octobre 1996.

(2) dont 49.573 agréments accordés dans la construction neuve.

(3) dont42.135 agréments accordés dans la construction neuve.

(4) dont 33.932 agréments accordés dans la construction neuve.

Par ailleurs, depuis deux ans, une partie des crédits non consommés est transférée vers le financement des primes d'épargne-logement (650 millions de francs en 1998, 780 millions de francs en 1999). Compte tenu du rythme de consommation actuel, on peut s'attendre à une nouvelle ponction en 2000.

Il est regrettable que des crédits initialement votés en faveur du logement social soient ainsi détournés de leur objet initial. Ceci d'autant plus que la sous-consommation de la ligne fongible est largement imputable au déséquilibre des opérations de construction. Votre rapporteur pour avis remarque que ce problème pourrait trouver un début de solution à travers une augmentation du taux de la subvention unitaire qui devrait être porté de 5 à 10 % au minimum.

Source : Secrétariat d'Etat au logement

2. Les effets de la réforme du financement du logement social sont encore difficiles à apprécier

a) Une succession de réformes peu concluantes depuis 1996

Depuis 1996, les aides à l'investissement locatif social ont été régulièrement réformées. Cela n'a pourtant pas permis une relance de la construction. Bien au contraire, ces réformes n'ont fait que renforcer la complexité du dispositif existant.

Le 1 er octobre 1996, l'aide à la construction de logements sociaux a été modifiée par application du taux réduit de TVA à 5,5 % aux opérations financées par un PLA. Ce taux réduit de TVA a été étendu aux PLA acquisition-amélioration (PLA-A-A) à compter du 1 er janvier 1998, ces derniers continuant à bénéficier d'une subvention.

Créés le 1 er janvier 1998, les PLA à loyer minoré (PLA-LM) -anciennement dénommé PLA à financement très social (PLA-TS)- ont été conçus pour rendre les logements locatifs sociaux accessibles aux ménages défavorisés. Les PLA-LM peuvent financer des constructions neuves ou des opérations d'acquisition-amélioration. La subvention dont bénéficient les PLA-LM en complément d'une TVA à taux réduit à 5,5 % permet de louer les logements à des niveaux de loyers dont le plafond ne doit pas dépasser 80 % du loyer maximum PLA. Le plafond de ressources des locataires à l'entrée dans les lieux est limité à 60 % de celui du PLA neuf.

Créés le 1 er janvier 1998, les PLA d'intégration sociale (PLA-I) sont destinés à des ménages cumulant des ressources faibles (mêmes plafonds de ressources que les PLA-LM) et des difficultés sociales. Ces PLA bénéficient d'une subvention majorée ainsi que d'un taux de TVA réduit à 5,5 %.

Les PLA " construction-démolition " (PLA-CD), également créés en janvier 1998, visent à permettre le relogement des ménages occupant des logements sociaux destinés à être démolis. Ces PLA bénéficient d'une subvention en complément d'un taux réduit de TVA à 5,5 %.

Parallèlement, pour répondre à une demande des organismes HLM, étaient mis en place les PLA " expérimentaux ". Ceux-ci constituaient un premier pas vers une unification des produits, en regroupant les caractéristiques du PLA et du PLA-LM : le loyer plafond ne devait pas dépasser 90 % du loyer PLA.

b) Le nouveau PLUS souffre d'une dégradation de ses conditions de financement

En construction neuve et en acquisition-amélioration, le PLA de droit commun et le PLA-LM ont été fusionnés en un produit unique, dénommé prêt locatif à usage social (PLUS) 3 ( * ) , ayant pour but de permettre une plus grande mixité sociale. Les principales caractéristiques des opérations sont :

- une subvention de 5 % dans le neuf et de 10 % dans les opérations d'acquisition-amélioration ;

- le maintien d'un taux de TVA réduit à 5,5 % ;

- un taux du prêt de 3,45 %, au lieu de 4,3 % ;

- une modification des plafonds de loyers et des plafonds de ressources.

L'ancien et le nouveau dispositif ont coexisté à titre transitoire jusqu'à la fin de l'année 1999. En 2000, seuls étaient maintenus le PLUS, le PLA-I et le PLA-CD.

Les caractéristiques du PLUS

Subvention

5 % en neuf (pouvant être portée à 6,5 % par dérogation)

10 % en acquisition-réhabilitation

Taux du prêt

3,45 % (4,20 % depuis juillet 2000)

Durée

32 ans (50 ans pour la part foncière ou la part acquisition)

Plafonds de loyer

90 % du plafond PLA pour 90 % des logements

120 % du plafond PLA pour 10 % des logements

Plafonds de ressources

90 % du plafond PLA pour 90 % des logements

120 % du plafond PLA pour 10 % des logements

Il semble encore trop tôt pour dresser un premier bilan de cette réforme. Néanmoins, plusieurs tendances semblent se dessiner.

Depuis sa création, le PLUS a connu une dégradation de ses conditions de financement et de mise en oeuvre, que l'allongement récent à 35 ans de sa durée ne suffit pas à compenser.

Les souplesses prévues sur les loyers maximum sont restées peu utilisées compte tenu des effets de seuil qu'elles produisent.

Par ailleurs, les modalités de financement du PLUS ne prennent pas en compte l'évolution réelle du prix de revient des opérations. On observe un écart croissant entre l'ICC qui a augmenté de 0,1 % en 1998, 1 % en 1999 ainsi qu'au premier semestre 2000 et l'augmentation des prix estimée par les maîtres d'ouvrage et la FFB à 3-4 % l'an au moins. L'assiette de la subvention du PLUS étant indexée sur l'ICC, tout dépassement doit être financé par prêts à 4,2 %, d'où une augmentation de la charge foncière.

PLUS (à compter d'octobre 1999)

PLUS

Crédits disponibles

Crédits

Nombre de logements

Coût moyen

localement

consommés

financés

1999

(nd : fongibilité)

97.590.646

3.322

29.377

Le développement du PLUS est également pénalisé par la hausse des taux d'intérêt de l'évolution des loyers.

La hausse du taux du PLUS en juillet 2000 (+ 0,75 point) devait s'accompagner d'une perspective de hausse à long terme des loyers pour éviter un déséquilibre financier supplémentaire.

Pour le ministère du logement, l'allongement à 35 ans de la durée du prêt et une perspective de hausse annuelle des loyers qui passerait de 1 ,25 % à 1,60 % devait compenser le passage du PLUS à 4,20 %.

Sur le fond, le problème posé est celui du taux d'intérêt réel du prêt, qui était de l'ordre de 2,20 % en 1999.

Avec un PLUS à 4,20 %, le taux d'intérêt réel resterait inchangé avec une inflation annuelle à 2 %. En deçà de ce niveau d'inflation, le prêt est plus cher et les opérations moins équilibrées.

Or, il n'y a pas aujourd'hui de perspective durable d'inflation à 2 %. Le budget 2001 est calé sur une hypothèse d'inflation de 1,3 % par exemple.

Par ailleurs, concernant les opérations d'acquisition-amélioration, il convient d'observer que pour pouvoir être financée en PLUS, l'acquisition d'un logement ou d'un immeuble doit s'accompagner de travaux d'amélioration pour un montant au moins égal à 20 % du prix de revient total. Il est clair que cette obligation pénalise les organismes HLM en rendant impossible l'acquisition de logements en bon état sur des marchés où ce type d'acquisition est possible et intéressant.

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