IV. UNE POLITIQUE DU LOGEMENT À DESTINATION DU PARC PRIVÉ TROP TIMORÉE

A. L'ABSENCE DE RELANCE DE L'ACCESSION SOCIALE À LA PROPRIÉTÉ

1. La politique d'accession sociale à la propriété ne répond pas aux attentes des Français

a) Le prêt à taux zéro (PTZ) : un outil sous-employé

Le prêt à taux zéro (PTZ) a été créé par le décret n° 95-1064 du 29 septembre 1995 afin de mettre à la disposition des ménages modestes un instrument d'accession sociale à propriété sous la forme d'une avance remboursable sans intérêt.

Le décret n° 97-1000 du 31 octobre 1997 a restreint l'accès au PTZ aux " primo-accédants ", c'est-à-dire aux personnes n'ayant pas été propriétaires de leur résidence principale au cours des deux dernières années précédant l'offre de prêt.

Le prêt à taux zéro (PTZ) peut financer des opérations de construction ou d'acquisition d'un logement neuf, d'acquisition-amélioration d'un logement existant ou de la location-accession pour chacun de ces types d'opération.

Il est accessible sous condition de ressources. Les plafonds de ressources à prendre en compte sont ceux figurant sur l'avis d'imposition de l'avant-dernière année précédant celle de l'offre de prêt émise au titre de l'avance (avis d'imposition délivré en 1998 pour une offre de prêt émise en 2000). Les plafonds de ressources varient en fonction du nombre de personnes composant le ménage accédant à la propriété et de la zone d'implantation du logement.

Plafond de ressources annuelles imposables (R. 317-3 DU CCH)

Nombre de personnes du ménage

1

2

3

4

5 et plus

Ile-de-France

145.000 F

186.400 F

207.100 F

227.800 F

248.500 F

soit en net mensuel :

16.782 F

21.574 F

23.970 F

26.366 F

28.762 F

et en nombre de SMIC (1)

2,9

3,7

4,1

4,5

5,0

Province

124.300 F

165.700 F

186.400 F

207.100 F

227.800 F

soit en net mensuel :

14.387 F

19.178 F

21.574 F

23.970 F

26.366 F

et en nombre de SMIC (1)

2,5

3,3

3,7

4,1

4,5

(1) Valeur du SMIC net fiscal au 1 re juillet 2000 : 5.805,02 francs, soit 4.179,61 francs imposables.

Le montant du prêt ne peut excéder un double plafond :

- 20 % du coût de l'opération pris en compte dans la limite d'un prix maximal fixé en fonction du nombre de personnes composant le ménage et de la localisation géographique du logement. Ce plafond est porté à 25 % du coût de l'opération dans les zones franches urbaines ;

- 50 % du ou des autres prêts d'une durée supérieure à deux ans concourant au financement de l'opération.

Les prix maximaux d'opérations (en application du R. 317-8 du CCH) sont les suivants :

Nombre de personnes du ménage

Ile-de-France
(en francs)

Province
(en francs)

1

500.000

350.000

2

700.000

500.000

3

750.000

550.000

4

800.000

600.000

5

850.000

650.000

6 et plus

900.000

700.000

Compte tenu des prix maximaux d'opérations ci-dessus, le tableau suivant retrace le montant des prêts à taux zéro pouvant être alloués aux ayants droit.

Plafond du prêt

Nombre de personnes du ménage

à 0 %

1

2

3

4

5

6 et plus

Ile-de-France

100.000 F

140.000 F

150.000 F

160.000 F

170.000 F

180.000 F

Province

70.000 F

100.000 F

110.000 F

120.000 F

130.000 F

140.000 F

Ce sont 123.000 offres de prêts qui ont été émises en 1997 contre 145.000 en 1996. On observe par ailleurs que 129.150 prêts ont été " mis en force " en 1997, (c'est-à-dire qu'ils ont fait l'objet d'un versement de subvention par l'Etat) contre 117.900 en 1996.

Pour l'année 1998, les émissions d'offre de prêts déclarées ont été de 111.200 prêts. Les mises en force durant l'année 1998 étaient au nombre de 109.200 prêts.

Pour 1999, les émissions d'offre de prêts déclarées (au 16 juin 2000) sont de 126.266 prêts. Les " mises en force " durant l'année 1999 étaient au nombre de 116.858 prêts.

Le PTZ : un dispositif efficace qui mériterait d'être amplifié

La réforme de l'accession sociale à la propriété en octobre 1995 a conduit à l'abandon des anciens PAP créés en 1977 et à la mise en place d'un nouveau dispositif, le prêt à taux zéro. Ce dispositif se caractérise par sa simplicité : une avance sans intérêt dont les modalités de remboursement dépendent du niveau de revenu, et selon deux zones géographiques.

Le prêt à taux zéro (PTZ) se distingue des anciens PAP notamment par :

•  des plafonds de ressources plus élevés que pour les PAP, permettant à environ 80 % des accédants de bénéficier d'un tel prêt,

•  un non contingentement du nombre de prêts distribués, permettant d'éviter l'effet " file d'attente " parfois engendré par les PAP,

•  son caractère de prêt complémentaire, le PTZ ne peut jamais être un prêt principal et doit donc être associé à un ou plusieurs autres prêts,

•  un mode de diffusion banalisé, permettant à tout établissement financier ayant signé une convention avec l'Etat de distribuer le prêt à taux zéro. Il autorise ainsi une mise en concurrence de ceux-ci pour les prêts qui lui sont associés.

Le nouveau dispositif élargit donc tout à la fois le réseau d'offre et le nombre des ménages susceptibles d'en bénéficier. Il est également très favorable aux candidats à l'accession :

•  en réduisant significativement le taux d'effort des ménages, en particulier par le jeu des différés d'amortissement pour les ménages les plus modestes,

•  en facilitant l'accession à la propriété de ménages appartenant aux catégories moyennes qui étaient auparavant exclues du bénéfice des PEP.

La bonne " lisibilité " et les modalités très incitatives du prêt à taux zéro lui ont permis de connaître une très large diffusion en 1999 : plus de 126.000 offres de prêts ont été émises par les établissements de crédit.

Le prêt à taux zéro a ainsi activement participé à la reprise de la demande de logements en accession. La demande induite par le prêt à taux zéro devrait encore rester soutenue en 2000 et apporter une contribution importante en termes d'activité dans le secteur du bâtiment.

Pour les offres émises en 1999, l'habitat individuel représentait 92 % des opérations financées avec un PTZ et le collectif 8 %. On observe que 85 % des opérations concernaient l'achat de logements neufs et 15 % des opérations d'acquisition-amélioration.

Les crédits budgétaires en faveur du PTZ
(en milliards de francs)

Alors que le succès du PTZ ne se dément pas, on constate que le Gouvernement continue à en limiter l'accès en jouant sur les conditions d'éligibilité, ce qui a permis de diminuer en 4 ans de plus de 16 % les crédits budgétaires consacrés à ce dispositif. On observe en particulier qu'un arrêté du 29 décembre 1999 a plafonné la subvention de l'Etat et qu'un arrêté du 29 septembre 2000 a réduit la période de remboursement des prêts.

Votre commission considère qu'une véritable politique en faveur de la mixité sociale ne peut pas faire l'impasse sur l'accession sociale à la propriété et se désintéresser des conséquences pour les ménages modestes de l'augmentation très importante des prix des logements à laquelle s'ajoute la hausse récente des taux d'intérêt des prêts immobiliers qui sont passés de 5,3 % en 1999 à 6,1 % en 2000.

b) Le prêt à l'accession sociale (PAS)

Le prêt à l'accession sociale (PAS) est un prêt conventionné (PC) spécifique, garanti par le fonds de l'accession sociale à la propriété (FGAS), et réservé à des ménages dont les revenus ne dépassent pas des plafonds de ressources déterminés en fonction de la composition du ménage, du nombre d'actifs et du lieu d'implantation du logement. Les autres conditions d'octroi du prêt sont celles prévues par la réglementation de droit commun des prêts conventionnés, notamment en ce qui concerne les plafonds de coût d'opération au m 2 et les normes minimales de surface et d'habitabilité.

Le PAS finance les mêmes opérations que le PC classique, à l'exception des investissements locatifs. Il peut se conjuguer avec les prêts à taux zéro dont ils apparaissent comme l'utile complément.

Prêts à l'accession sociale

Récapitulatif PAS

1995

1996

1997

1998

1999

Nombre de mises en force

36.720

78.930

66.650

66.900

71.024

Montant moyen d'un prêt PAS

269 kF

287 kF

313 kF

347 kF

388 kF

Source : SGFGAS

Le total des crédits prévus pour l'accession sociale à la propriété dans le projet de budget pour 2001 s'élève à 5,855 milliards de francs soit un niveau comparable à 1999. Il est néanmoins possible de s'interroger sur le caractère suffisant de ces crédits compte tenu de la hausse des taux d'intérêt.

c) La " sécurisation "

Depuis le 1 er avril 1999 a été mis en place un dispositif de sécurisation de l'accession en deux volets :

•  le premier s'adresse à tous les accédants sociaux à la propriété dans le neuf ou dans l'ancien ;

•  le second est réservé aux salariés des entreprises assujetties au 1 % logement.

Le dispositif repose sur la signature de deux conventions entre l'Etat et l'UESL conclues le 4 février 1999.

La première convention concerne tous les accédants ayant souscrit un prêt en accession sociale (accompagné ou non d'un prêt à taux zéro). Ce dispositif est visible pour tous les accédants sociaux, puisqu'il figure sur le contrat de prêt. La sécurisation de l'accédant constitue ainsi le nécessaire complément de la sécurisation en cas de sinistres des pertes des établissements de crédit, déjà réalisée par le dispositif du FGAS.

Elle limite l'impact d'une perte d'emploi pour les accédants modestes. Un délai de carence d'un an court à partir de la perte d'emploi. Ensuite, l'intervention du 1 % logement permet d'alléger de moitié pendant 12 mois les annuités d'emprunt faisant l'objet d'une garantie au titre de l'article L. 312-1 du code de la construction et de l'habitation. Cette durée est fractionnable en deux fois en cas de besoin. Le remboursement de l'avance ainsi faite est repoussée à la fin de la période d'endettement sans intérêt ni pénalité.

La seconde convention ne s'applique qu'aux salariés des entreprises assujetties au 1 % logement. Elle garantit contre une forte réduction des ressources (notamment suite à un éclatement de la famille). Les ménages concernés doivent remplir une des conditions suivantes :

•  avoir des revenus inférieurs aux plafonds du prêt à taux zéro ;

•  être confronté au chômage ou à une diminution imprévue des ressources ;

•  avoir au moins 40 % de taux de charges à caractère immobilier ou une baisse de 30 % des ressources.

L'aide est proposée sous la forme d'une avance sans intérêt, fonction du taux d'effort du ménage. L'aide consiste en une avance gratuite qui prend en charge 50 % de la mensualité des prêts immobiliers en cours dans la limite de 2.500 francs par mois, pour une durée maximum de 12 mois. Cette avance est remboursable sur une durée maximum de 10 ans, après différé de 6 mois au minimum et 2 ans au maximum. La durée de remboursement est fonction de critères fixés par l'UESL, en fonction du taux d'effort global constaté à la fin de la période de différé.

2. Les difficultés persistantes du logement locatif intermédiaire

De nombreux ménages perçoivent des revenus supérieurs aux plafonds permettant de demander un logement social sans pouvoir pour autant trouver un logement satisfaisant sur le marché libre.

Deux types de dispositifs ont été développés qui n'apportent pas de réponses suffisantes : les prêts locatifs intermédiaires et la mise en place d'un nouveau statut du bailleur privé.

a) L'essoufflement du PLI se confirme

Le prêt locatif intermédiaire (PLI) a pour objet le financement de logements situés dans des zones géographiques souffrant d'une tension manifeste de leur marché locatif et dont le loyer est appelé à se situer entre celui que pratique le secteur social pour un habitat financé par un prêt locatif aidé et celui qui s'observe sur le marché libre.

Les emprunteurs qui souscrivent un prêt locatif intermédiaire s'engagent à affecter les logements financés à la location pendant une période minimale (durée du prêt lui-même pour les bailleurs sociaux, douze ans en règle générale pour les bailleurs privés) en respectant des plafonds de ressources et de loyers.

Les établissements prêteurs sont, à titre exclusif, la Caisse des dépôts et consignations, le Crédit foncier de France et le Comptoir des entrepreneurs.

Depuis son institution, le PLI a fait l'objet d'ajustements successifs touchant le taux du prêt, sa durée, les plafonds de ressources des locataires, les plafonds de loyer, la durée minimale de location.

Actuellement, le PLI est un prêt à taux fixe de 5,5 % dont la durée n'excède pas 25 ans. Les autres règles ont été progressivement assouplies : les plafonds de ressources permettent l'éligibilité de 85 % des ménages, la durée minimale de location est ramenée à 6 ans.

Les ménages souhaitant accéder à un logement " PLI " ne doivent pas dépasser certains plafonds de revenus.

Ces plafonds de ressources sont réévalués au 1 er janvier de chaque année, en fonction de la variation annuelle de l'indice mensuel des prix à la consommation de l'ensemble des ménages (hors tabac) publié par l'INSEE. Exprimés sous la forme du cumul des revenus imposables à l'impôt sur le revenu (en francs) de chaque personne vivant au foyer du locataire au titre de l'avant-dernière année précédent l'année de la signature du contrat de bail :

Plafonds de ressources (plafonds en vigueur au 1 er janvier 2000 après réévaluation)

Nbre de personnes du ménage

Paris

Zone centrale Ile-de-France Hors Paris

Reste de
l'Ile-de-France

Autres régions

1

176.275

155.537

129.614

103.691

2

248.859

217.752

186.644

145.167

3

321.443

269.597

238.490

176.275

4

383.657

321.443

269.597

212.567

5

425.133

373.289

300.704

238.490

6

466.610

414.765

331.812

264.413

pers. suppl.

41.477

41.477

31.107

25.923

Nombre de PLI distribués depuis 1993 (toutes formules confondues)

En nombre de logements financés ou agréés

1993

1994

1995

1996

1997

1998

1999

1993-1999

PLI-CDC (bailleurs sociaux)

4.000

6.000

6.000

4.700

3.300

3.000

1.000

28.000

PLI-CFF

3.000

2.300

2.800

4.100

2.500

2.200

1.700

18.600

PLI-CDE (personnes privées morales ou physiques)

1.100

1.000

1.200

800

800

400

- 100

5.200

TOTAL arrondi à la centaine la plus proche

8.100

9.200

10.000

9.600

6.700

5.600

2.600

51.800

dont en Ile-de-France

3.400

5.000

4.300

4.100

2.500

2.100

1.200

22.600

Source : Caisse des Dépôts et Consignations, Crédit Foncier de France et Comptoir des Entrepreneurs

Réalisation : DGUHC

Compte tenu de la hausse des prix des biens immobiliers depuis deux ans des pénuries apparaissent sur le marché de la location. Les ménages modestes rencontrent donc des difficultés croissantes à se loger dans des appartements familiaux en particulier dans les grands centres urbains. On ne peut que regretter dans ces conditions la baisse continue du nombre de PLI distribués depuis 1993. A cela s'ajoute le fait que les loyers restent souvent élevés compte tenu des charges locatives importantes et du niveau des impôts locaux toujours plus élevés pour les immeubles neufs ce qui donne lieu dans certains immeubles à des vacances difficilement acceptables compte tenu de la qualité de ces logements.

b) Le nouveau statut du bailleur privé

L'article 96 de la loi de finances pour 1999 a institué un nouveau statut du bailleur privé, se substituant à l'ancien " amortissement Périssol " destiné à apporter une aide aux bailleurs de logements intermédiaires.

Le dispositif a une vocation pérenne, les incitations ne concernent pas seulement le secteur du logement neuf mais s'adressent aussi aux bailleurs de logements anciens. Par ailleurs, les aides ne sont pas seulement d'ordre fiscal. Le bailleur bénéficie de garanties contre les impayés et peut percevoir directement les allocations de logement social et familial. Enfin, dans les huit agglomérations 5 ( * ) où est perçue la taxe sur certains logements vacants instituée par la loi du 29 juillet 1998, l'ANAH verse en sus de sa subvention initiale une majoration forfaitaire en cas de conventionnement à l'APL ou d'option pour le statut du bailleur privé.

Estimation du coût des mesures fiscales
contenues dans le statut du bailleur privé

Mesure dans le neuf (en MF)

Mesure dans l'ancien (en MF)

Année budgétaire 2000

96

50

Année budgétaire 2001

370

99

Année budgétaire 2002

735

149

Année budgétaire 2003

1.100

198

Année budgétaire 2004

1.465

248

Année budgétaire 2005

1.769

297

Source : Ministère de l'Economie et des Finances

* 5 Paris, Lyon, Lille, Bordeaux, Toulouse, Montpellier, Nice, Cannes-Grasse-Antibes.

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