B. LE FEUILLETON DES FRAIS D'ASSIETTE ET DE RECOUVREMENT (ARTICLE 4 BIS)

1. Un nouvel épisode dans une comédie ridicule

a) Un nouvel épisode

L'article 4 bis a été inséré par l'Assemblée nationale par le vote unanime d'un amendement de son rapporteur pour les recettes et l'équilibre général, notre collègue député Alfred Recours. Cet amendement qualifié par son auteur de « fermier général » supprime les frais d'assiette et de recouvrement perçus par les services fiscaux en matière de fiscalité affectée à la sécurité sociale.

Il s'agit de supprimer la retenue pour frais d'assiette et de perception, perçue par les services fiscaux, sur le produit de la contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus du patrimoine versée à la CNAMTS, à la CNAF et au FSV, ainsi que :

• l'article L. 133-1 du code de la sécurité sociale (frais de perception pour les cotisations recouvrées par le Trésor public) ;

• l'article L. 135-5 du code de la sécurité sociale (frais d'assiette et de recouvrement des impôts et taxes affectés au Fonds de solidarité vieillesse) ;

• le paragraphe III de l'article 1647 du code général des impôts, qui pose le principe général instituant ces frais d'assiette et de recouvrement sur les recettes des organismes de sécurité sociale perçues par les services fiscaux ;

• et l'article 8 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 (frais d'assiette et de recouvrement de la contribution pour le remboursement la dette sociale).

Le dernier paragraphe gage les pertes de recettes du présent article en majorant à due concurrence la taxe sur la valeur ajoutée.

Lors de la discussion de l'amendement, le gouvernement, représenté par le ministre délégué à la santé, Bernard Kouchner, a renouvelé sa position défavorable constante, se contentant de demander que, si une réforme intervient, elle soit globale.

b) La 4ème suppression des frais d'assiette et de recouvrement depuis 1998, en attendant son 4ème rétablissement

Déjà à l'occasion des lois de financement de la sécurité sociale pour 1999, 2000 et 2001 et des lois de finances rectificative pour 1998, 1999 et 2000 (collectif d'hiver) s'était déroulé un feuilleton équivalent.

Les épisodes du feuilleton

En 1998, lors de l'examen en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, l'Assemblée nationale avait supprimé le prélèvement sur l'ACOSS à l'initiative de sa commission des affaires culturelles. Cette disposition avait alors été supprimée en seconde délibération à la demande du gouvernement.

Réintroduite en première lecture au Sénat, à l'initiative de la commission des affaires sociales, elle a été maintenue en nouvelle lecture par l'Assemblée nationale, après l'échec de la commission mixte paritaire. Curieusement, bien que le gouvernement ait également demandé une seconde délibération à ce dernier stade de la procédure législative, il n'avait pas alors cru utile de proposer de nouveau la suppression de cette disposition contestée.

En revanche, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 1998, le prélèvement avait été rétabli en première lecture à l'Assemblée nationale. Au Sénat, votre commission des finances, en accord avec la commission des affaires sociales, avait proposé de revenir sur le rétablissement. En nouvelle lecture, l'Assemblée nationale avait repris son texte et donc maintenu les frais de recouvrement.

En 1999, ce cheminement, qualifié de « mascarade » par notre collègue député Germain Gengenwin en 1998 19 ( * ) , s'est reproduit exactement dans les mêmes conditions : l'Assemblée nationale a supprimé à l'unanimité le prélèvement sur l'ACOSS en première lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 à l'initiative de nos collègues députés Jean-Louis Debré, Philippe Douste-Blazy et José Rossi (ainsi que les membres de leurs groupes) ; le Sénat a maintenu cette suppression ; l'Assemblée a confirmé la suppression lors de la nouvelle lecture et de la lecture définitive.

Faute d'avoir été suivi dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le gouvernement a donc proposé à nouveau de maintenir le prélèvement incriminé, par voie d'amendement dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 1999. Il a été suivi à l'Assemblée nationale en première lecture. Le Sénat, fidèle à ses convictions, avait supprimé le rétablissement des frais de recouvrement. Mais en nouvelle lecture et en lecture définitive, l'Assemblée nationale avait suivi le gouvernement 20 ( * ) .

En 2000, lors de l'examen en première lecture de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, le rapporteur de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale notre collègue député Alfred Recours, a fait adopter malgré un avis défavorable du gouvernement, la suppression de l'ensemble des prélèvements pour frais de recouvrement des impositions sociales. Il a ainsi présenté son amendement 21 ( * ) : « je crois qu'il faut avoir de la suite dans les idées » même s'il reconnaissait, aveu de dépit par avance, « le gouvernement fera ce qu'il voudra. La commission des finances lorsque nous aurons une loi de finances rectificative, fera de nouveau ce qu'elle veut, mais, en tout cas, il me semblait tout à fait normal de présenter à nouveau cet amendement pour que l'Assemblée reste cohérente et ne se dédise pas par rapport à un vote unanime de tout le Parlement » .

Le Sénat, au cours de la première lecture de la loi de financement de la sécurité sociale a, après un débat avec le gouvernement, adopté conforme cet article qui figurait donc la loi adoptée par l'Assemblée nationale en lecture définitive et promulguée au Journal officiel .

Au cours de l'examen du second projet de loi de finances rectificative pour 2000, le gouvernement a alors proposé à l'Assemblée nationale, qui l'a accepté, de maintenir le prélèvement. Le Sénat, en première lecture, a une nouvelle fois maintenu sa position en faveur d'une suppression des frais d'assiette et de recouvrement. L'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, les a définitivement rétablis, se contredisant une nouvelle fois.

Enfin, le 25 octobre 2001, l'Assemblée nationale dans le cadre du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2002, a à nouveau supprimé les frais d'assiette et de recouvrement.

Le présent article 4 bis a ainsi toutes les chances de suivre l'exemple de courte vie de ses prédécesseurs en étant adopté conforme par le Sénat, adopté définitivement par l'Assemblée nationale, en attendant que l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2000 donne à l'Assemblée nationale l'occasion de se contredire...

Votre rapporteur pour avis estime les conditions de ce débat choquantes.

Depuis 1999, le gouvernement préfère ridiculiser le débat parlementaire plutôt que de prendre ses responsabilités sur un sujet qui n'est pas à son honneur. Le cheminement de cet article atteint le comble du ridicule. En effet, voilà une disposition supprimée quatre fois et réintroduite pour l'instant trois fois en attendant la quatrième, en trois ans, sur huit textes différents, dans des conditions identiques de débat entre le Parlement et le gouvernement et entre les différentes commissions de l'Assemblée nationale.

Sur le même vote, la majorité de l'Assemblée nationale se sera donc déjà déjugée à six reprises : suppression en loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, rétablissement en loi de finances rectificative pour 1999, suppression en loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, rétablissement dans le projet de loi de finances rectificative pour 2000, suppression en loi de financement 2001, rétablissement en seconde loi de finances rectificative 2000, suppression en loi de financement pour 2002 ! Votre rapporteur pour avis attend le septième revirement.

Heureusement, à cette inconstance et à cette versatilité, le Sénat a opposé une parfaite continuité, estimant à chaque occasion que les prélèvements ne se justifiaient pas.

* 19 In JO Débats, Assemblée nationale, deuxième séance du 3 décembre 1998.

* 20 Malgré, d'ailleurs, le maintien de l'intégration dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, publiée au Journal officiel , d'un total de recettes prenant en compte la suppression des frais de recouvrement.

* 21 In JO Débats, Assemblée nationale, 3 ème séance du 25 octobre 2000, page 7517.

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